tag:theconversation.com,2011:/id/topics/gabon-26691/articlesGabon – The Conversation2024-02-15T10:46:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2173312024-02-15T10:46:58Z2024-02-15T10:46:58ZCombien reste-t-il d’éléphants de forêt au Gabon ? Quand la science éclaire le débat sur une espèce en danger critique d’extinction<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569619/original/file-20240116-29-eiq2v9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Distinct de son cousin de savane avec lequel il peut néanmoins s'hybrider, l'éléphant de forêt est aujourd'hui en danger critique d'extinction.</span> <span class="attribution"><span class="source">ANPN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Connaissez-vous les éléphants de forêt (<em>Loxodonta cyclotis</em>) ? En 2021, ils ont été <a href="https://theconversation.com/new-decisions-by-global-conservation-group-bolster-efforts-to-save-africas-elephants-158157">reconnus comme une espèce à part entière</a> par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Dès 1999, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0764446999800936">données génétiques</a> ont en effet suggéré l’existence de deux espèces d’éléphants distinctes en Afrique, jusqu’ici suspectées sur la base d’observations morphologiques et comportementales. Il aura fallu encore 20 ans supplémentaires de collecte d’échantillons pour les distinguer définitivement.</p>
<p>Cette espèce discrète, qui vit dans les forêts d’Afrique centrale et de l’Ouest, est pourtant menacée. Dès la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, ses effectifs ont chuté drastiquement. L’UICN l’a classée en 2021 comme « en danger critique d’extinction », une catégorie réservée aux espèces dont les populations ont perdu plus de 80 % de leur effectif en seulement trois générations. On estime aujourd’hui qu’il reste <a href="https://cites.org/sites/default/files/documents/F-SC77-63-01-R1.pdf">moins de 150 000 éléphants de forêt</a>, alors que leur population a pu compter, à son apogée, jusqu’à <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.1993.0042">plusieurs millions d’individus</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En cause, l’intensification du commerce de l’ivoire dès l’ère industrielle, combinée à une augmentation de la déforestation. La demande d’ivoire, loin de fléchir ces dernières années, a explosé en Asie et a entraîné une résurgence du braconnage d’éléphants en Afrique. Même les populations présentes dans les forêts du bassin du Congo, relativement préservées jusque-là du fait de l’accès difficile de leur habitat, ont fini par être touchées au cours de la dernière décennie. Elles ont ainsi connu une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0059469">perte brutale de plus de 60 % de leurs effectifs et de 30 % de leur habitat</a>. 95 % des forêts de la République démocratique du Congo sont désormais dépourvues d’éléphants.</p>
<p>Mais l’éléphant de forêt est aussi devenu un enjeu sociétal. C’est le cas au Gabon, où l’espèce est la plus abondante, mais où les conflits entre humains et éléphants, entre pertes de récoltes ou de vies humaines, sèment le doute chez les populations : et s’il y avait « trop » d’éléphants de forêt ?</p>
<h2>L’éléphant de forêt, un « ingénieur écologique »</h2>
<p>Plus petit que l’éléphant de savane (<em>Loxodonta africana</em>), l’éléphant de forêt se distingue également par des unités familiales plus réduites, généralement composées d’une ou deux femelles accompagnées de leurs petits. Son régime alimentaire est adapté à un environnement forestier, avec une consommation importante de fruits.</p>
<p>Se déplaçant le long de pistes façonnées par des générations successives, l’éléphant de forêt joue un rôle d’ingénieur écologique et contribue à la dispersion de graines de nombreuses espèces d’arbres (par exemple, <em>Irvingia gabonensis</em> – Andok ; <em>Sacoglottis gabonensis</em> – Ozouga ; <em>Drypetes gossweileri</em> – Doussié rouge). Il est indispensable à l’équilibre des forêts du bassin du Congo et <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-019-0395-6">au maintien de leur rôle de puits de carbone</a>.</p>
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<p>Beaucoup reste à découvrir sur l’écologie de l’espèce, encore peu étudiée en raison de son habitat dense, difficile d’accès, ce qui rend les observations rares. Le développement des techniques de suivi indirectes et non-invasives de la faune sauvage, au cours des dernières décennies, a toutefois permis d’améliorer les connaissances sur les espèces forestières, dont l’éléphant de forêt.</p>
<p>À noter que les éléphants de forêt et les éléphants de savane restent deux espèces qui peuvent se reproduire, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26577954/">donnant naissance à des hybrides</a>. Cependant, les analyses génétiques ont démontré que les éléphants de savane et de forêt d’Afrique sont <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1000564">aussi distincts que le mammouth laineux (<em>Mammuthus primigenius</em>) et l’éléphant d’Asie (<em>Elephas maximus</em>)</a>.</p>
<h2>Le Gabon, un habitat préservé mais victime des braconniers</h2>
<p>Aujourd’hui, plus de la moitié des individus recensés vivent au Gabon, même si le pays ne représente qu’une petite portion de l’habitat historique de l’espèce. Le pays constitue un habitat exceptionnel, avec un couvert forestier sur plus de 88 % de son territoire, sans barrière physique infranchissable. On y trouve des éléphants aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des aires protégées.</p>
<p>Ces derniers sont aujourd’hui menacés par le développement des industries extractives, de l’agriculture et par le braconnage persistant pour leur ivoire. Le parc national de Minkébé, situé au nord-est du pays, autrefois considéré comme la zone abritant la plus forte densité d’éléphants de forêt connue, a subi une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28222286/">perte de plus de 25 000 individus</a> en une décennie en raison du braconnage intense qui y sévit.</p>
<p>Une étude basée sur le traçage génétique de l’origine des grandes saisies internationales d’ivoire a également identifié le Gabon comme <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaa2457">l’une des deux principales sources d’ivoire illégal</a> en Afrique. Toutefois, les massacres d’éléphants ont été largement sous-estimés, car il est difficile de recenser des carcasses dissimulées sous la canopée qui se décomposent rapidement. Les patrouilles d’écogardes de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) opérant à pied doivent surveiller de vastes zones d’habitat forestier dense et marécageux, ce qui rend la tâche encore plus difficile.</p>
<h2>Des éléphants et des hommes</h2>
<p>Le développement des activités et des infrastructures humaines crée des conflits autour de l’occupation de l’espace. Les conséquences des conflits homme-éléphant peuvent être lourdes pour les populations rurales, avec des pertes de récoltes, voire de vies humaines dans les cas extrêmes.</p>
<p>Au Gabon, cette problématique est devenue un enjeu social et politique majeur, au point que certains médias nationaux avancent l’idée selon laquelle les éléphants seraient devenus trop nombreux. Une étude publiée en 2021 a utilisé une nouvelle approche génétique pour estimer la <a href="https://theconversation.com/a-first-for-large-african-mammals-dna-used-to-count-gabons-endangered-forest-elephants-178233">taille des populations d’éléphants de forêts au Gabon</a>. Ces travaux ont provoqué un vif débat quant à la tendance démographique de l’espèce.</p>
<p>En effet, cette étude a conclu à une population d’environ 95 000 individus, avec un intervalle de confiance compris entre 59 000 et 131 000 individus. Ce chiffre, quoique entouré d’incertitudes, est supérieur aux estimations précédentes notamment celles de 52 000 individus publiée par <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/file?id=10.1371/journal.pone.0059469&type=printable">Maisels et al. en 2013</a> et de <a href="https://africanelephantdatabase.org/report/2016/Africa/Central_Africa">70 000 individus publiée par l’UICN en 2016</a>.</p>
<p>Mais le diable est dans les détails : l’intervalle de confiance élevé de la nouvelle estimation de 2021 inclut bien les valeurs hautes des précédentes estimations de 2013 et de 2016.</p>
<h2>La guerre des chiffres</h2>
<p>Pourquoi de tels écarts et de telles marges d’erreur ? Il faut savoir que pendant trente ans, le comptage des éléphants de forêt a principalement reposé sur une technique indirecte basée sur le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1365-2028.2001.00266.x">relevé des fèces d’éléphants</a>. À partir du taux quotidien de défécation évalué par éléphant et la rapidité de décomposition des crottes, on peut calculer la densité d’éléphants. Or, ces deux paramètres présentent une forte variabilité, pouvant passer du simple au double en fonction du lieu et de la saison.</p>
<p>De plus, en l’absence de données sur certains sites, il a souvent fallu extrapoler à partir de modèles statistiques. Le <a href="https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/SSC-OP-060_A.pdf">rapport de l’UICN de 2016</a> soulignait que 90 % des données disponibles pour le Gabon étaient soit trop anciennes, soit considérées comme peu fiables, qualifiées de « suppositions éclairées ». Bien qu’un travail remarquable ait été effectué par <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/file?id=10.1371/journal.pone.0059469&type=printable">Maisels et al. en 2013</a> et par l’UICN pour rassembler les sources, il est clair que les chiffres ainsi obtenus sont entourés d’une grande incertitude.</p>
<p>La méthode de l’étude de 2021, réalisée à l’échelle du Gabon, est plus fiable. En effet, elle repose sur l’identification individuelle par ADN, s’affranchissant des problèmes précédents. Mais comme toute méthode d’estimation, elle conserve une marge d’incertitude liée à la taille de l’échantillonnage réalisé. Un effort pour augmenter la taille de l’échantillon étudié, avec les coûts associés, permettrait d’améliorer la précision de l’estimation.</p>
<p>Mais de ce fait, cette étude de référence ne saurait être directement comparée avec les chiffres antérieurs, basés sur une méthodologie trop différente. En d’autres termes, cette étude ne permet pas de conclure à une augmentation de la taille de la population des éléphants de forêt au Gabon.</p>
<h2>Récupérer du braconnage prendra des décennies</h2>
<p>Au contraire, tous les indicateurs pointent une persistance des menaces, avec en tête le braconnage pour l’ivoire. Les densités faibles estimées dans le nord-est du Gabon confirment que les populations d’éléphants de cette région n’ont pas encore récupéré des pertes liées au braconnage. De plus, les <a href="https://cites.org/sites/default/files/documents/F-CoP19-66-06_0.pdf">importantes quantités d’ivoire régulièrement saisies</a> témoignent d’une demande persistante en ivoire en Asie.</p>
<p>La récupération post-braconnage de l’éléphant de forêt prendra des décennies, car le taux d’accroissement des populations de l’espèce est très lent. En effet, les femelles de cette espèce longévive ne se reproduisent pas avant l’âge de 10 ans et donnent souvent naissance à leur premier jeune après l’âge de 23 ans. Le temps de génération (temps écoulé entre la naissance d’une femelle et la naissance de son premier jeune de sexe femelle) de l’espèce est le <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1365-2664.12764">plus long connu chez les mammifères</a>. Il a par exemple été estimé à 31 ans en République Centre Africaine, contre 24 ans chez les éléphants de savane.</p>
<p>Une simulation menée par des <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/1365-2664.12764">chercheurs en 2017</a> a montré qu’il faudrait au minimum 40 ans pour doubler la taille d’une population d’éléphants de forêt victime du braconnage, quand bien même elle ne serait plus soumise à aucune pression anthropique. Cette étude indique que l’augmentation souvent avancée de 50 % à 100 % des effectifs d’éléphants de forêt au Gabon au cours de la dernière décennie serait tout simplement invraisemblable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Eléphant de forêt dans son habitat naturel, la forêt tropicale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ANPN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des erreurs d’interprétation au coût élevé</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que des scientifiques mettent en garde contre le risque d’une mauvaise interprétation des estimations de taille de population chez des espèces charismatiques. Une <a href="https://www.pnas.org/doi/pdf/10.1073/pnas.2203244119">équipe de chercheurs a tiré la sonnette d’alarme en 2022</a> sur la politisation des comptages des tigres et des lions, qui a entraîné des politiques de gestion inefficaces.</p>
<p>Il est essentiel de relever et de corriger ces erreurs d’interprétation des chiffres. Le risque serait d’entraîner un relâchement des efforts de protection considérables qui ont été investis, permettant au Gabon de rester l’un des derniers bastions des éléphants de forêt.</p>
<p>Les menaces persistent, aussi bien le braconnage, la perturbation des habitats que les conflits homme-éléphant. L’apparente hausse des conflits hommes-éléphants pourrait être causée par des modifications du comportement des éléphants attribuables aux perturbations de leur habitat, <a href="https://theconversation.com/fruit-famine-is-causing-elephants-to-go-hungry-in-gabon-152757">par une diminution de la disponibilité des fruits sauvages due au réchauffement climatique</a>, voire par le vieillissement des populations humaines dans les zones rurales.</p>
<p>Il est donc crucial de continuer à protéger, à étudier et à recenser de manière rigoureuse les éléphants de forêt, pour générer des données plus fiables sur les tendances démographiques de l’espèce. Le déclin d’une population peut être extrêmement rapide, mais sa récupération extrêmement lente. La survie des éléphants de forêt au Gabon, espèce clé pour l’équilibre des écosystèmes forestiers et de leur rôle de régulateur du carbone, demeure fragile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Bourgeois a reçu des financements de l'Agence Française de Développement dans le cadre de l'accord de conversion de Dette France-Gabon (Convention AFD CGA 1188.01.H/Projet Eléphant Gabon). Elle travaille pour l'Agence nationale des parcs nationaux du Gabon depuis 2013.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Sigaud a reçu des financements du programme Horizon 2020 de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carla Louise MOUSSET MOUMBOLOU et Stephan NTIE ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’éléphant de forêt, en danger critique d'extinction, est un enjeu de société au Gabon, où certains l'estiment trop présent. Mais cette opinion résulte d'erreurs dans l'interprétation des études.Stéphanie Bourgeois, Coordonnatrice Eléphant et laboratoire de génétique, Agence Nationale des Parcs Nationaux du GabonCarla Louise MOUSSET MOUMBOLOU, Coordinatrice scientifique, Agence Nationale des Parcs Nationaux du GabonMarie Sigaud, Chercheuse, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Stephan NTIE, Conseiller Scientifique, Agence Nationale des Parcs Nationaux du GabonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
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<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034394441627459584"}"></div></p>
<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
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<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2135922023-09-18T16:00:57Z2023-09-18T16:00:57ZComprendre le coup d’État au Gabon<p>Le coup d’État survenu au Gabon le 30 août dernier a été <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/31/france-afrique-la-contagion-gabonaise_6187205_3232.htm">largement décrit</a> comme faisant partie de « l’épidémie de putschs » balayant l’Afrique depuis deux ans et qu’Emmanuel Macron avait fustigée <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/08/28/conference-des-ambassadrices-et-des-ambassadeurs-le-discours-du-president-emmanuel-macron">lors d’un discours prononcé à l’Élysée le 28 août</a>. Sans être faux, ce raccourci découle d’une analyse surplombante.</p>
<p>Certes, les commentateurs ont vite souligné les différences de contextes politiques entre les <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">coups perpétrés au Sahel</a> et celui du Gabon. Mais pour le grand public, la cause était entendue : le cas gabonais était perçu dans un cadre plus vaste, celui du déclin de l’influence française en Afrique. Dès lors, l’histoire spécifique du Gabon, le comportement des deux principaux acteurs politiques, Ali Bongo et Brice Oligui Nguema, le long étouffement des forces vives du pays par le pouvoir et les aspirations démocratiques qui bouillonnaient sous cette chape restent mal compris.</p>
<h2>Un pays sous asphyxie</h2>
<p>Dès 1960, les politiciens gabonais au pouvoir, héritiers du système de domination coloniale, dotent l’État de caractères autoritaires et anti-démocratiques. Les méthodes de Léon Mba, le premier président, aliènent une large part de la classe politique et des électeurs, donnant lieu en 1964 à un coup d’État. L’armée française <a href="https://www.academia.edu/14384071/D%C3%A9mocraties_ambig%C3%BCes_en_Afrique_centrale_Congo_Brazzaville_Gabon_1940_1965">ramène alors Mba au pouvoir</a>. Albert (Omar) Bongo, qui succède à Mba en 1967, continue sur cette lancée, imposant en 1969 le parti unique (Bloc, puis Parti démocratique gabonais, PDG).</p>
<p>La poussée des oppositions démocratiques le force en 1990-1991 à accepter le multipartisme. Mais appuyé sur la manne des revenus pétroliers, le PDG regagne peu à peu la totalité de ses prérogatives, rétablissant dans les années 2000 un monopartisme de fait. Comme toutes les tentatives de renverser le régime par la rue ou par les urnes échouent, beaucoup de politiques se résignent à intégrer le PDG et se laissent coopter par le clan régnant. </p>
<p>Le PDG et le clan Bongo (au sens politique plutôt que familial) contrôlent la <a href="https://topinfosgabon.com/articles/interview-du-professeur-noel-boundzanga-a-afrique-xxi-l-alternance-n-a-pas-de-parti-elle-est-souhaitee-meme-au-sein-du-pdg">machine électorale, la machine économique, la machine politique et la puissance de l’État</a>. Ils ont également la <a href="https://rsf.org/fr/pays-gabon">main sur les médias</a>.</p>
<p>Mais le clan ne se résume pas à une simple dynastie d’autocrates. Il a tissé des liens avec d’autres forces du pays, en particulier régionales, se renouvelant par mariage, alliance et cooptation. La survie du régime passe aussi par la relégation. Chaque fois qu’une ou un de ses membres acquiert une popularité importante et se montre désireux de suivre un destin ou un programme personnel (Jean Ping, Brice Laccruche Alihanga), il ou elle est abattu(e) politiquement. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1696820453204017211"}"></div></p>
<p>À la mort d’Omar en 2009, son fils Ali prend le pouvoir <a href="https://www.france24.com/fr/20090903-ali-bongo-remporte-le-scrutin-leader-lopposition-blesse-">lors d’élections contestées</a>. Il s’éloigne du schéma de patronage régional d’Omar, en plaçant autour de lui des gens de confiance plutôt que d’assurer un équilibre entre les différentes forces du pays. Ce faisant, il s’aliène les caciques du pouvoir local, et <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-3-page-7.htm">bloque les réseaux de redistribution politique et économique</a>.</p>
<p>Le phénomène s’amplifie après les <a href="https://theconversation.com/le-gabon-le-pays-ou-il-ne-se-passe-jamais-rien-64856">émeutes de 2016</a> (consécutives à la réélection frauduleuse d’Ali), et l’AVC du président en 2018. La première dame Sylvia Bongo, son fils Nourredine, et un groupe de jeunes trentenaires, dits la <em>Young Team</em>, dont le manque d’expérience est inversement proportionnel à la hauteur des ambitions, sont aux manettes, au détriment des cadres du PDG, dont la grogne devient audible dès 2018. Ce sont ces hommes que la foule gabonaise se réjouit de voir arrêtés au lendemain du coup du 30 août, sur une vidéo virale exposant les coffres pleins de billets de banque de leur QG.</p>
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<p>L’intimidation politique a une longue histoire au Gabon. Depuis les années 1960, sous des dehors libéraux et bon enfant, le régime a montré sa capacité à frapper. Au moment du coup, plusieurs opposants potentiels croupissaient en prison sans jugement. Jean-Rémy Yama, leader syndical connu pour sa critique du pouvoir, était emprisonné depuis février 2022. Étienne Francky Meba Ondo, vice-président du parti d’opposition <em>Réagir</em>, avait été <a href="https://mondafrique.com/limage-du-jour/presidentielle-gabon-ali-bongo-arrete-lesopposants/">arrêté deux jours après l’élection</a>.</p>
<p>L’asphyxie politique s’accompagne d’une décomposition économique, palpable partout, même parmi les super-riches, qui ne le sont que grâce à des prédations directes dans les caisses de l’État. Depuis 1998, le PIB par habitant a <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.PCAP.KD?end=2022&locations=GA&start=1960">continuellement baissé en valeur constante</a> (8 900 dollars en 1998, 6 600 en 2022). Les entrepreneurs locaux, dans un système quasi mafieux, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8yLW0RyM2BE">ne peuvent prospérer que si le clan Bongo a la main dans la caisse</a>.</p>
<p>Les mouvements de marchandises et de personnes sont bloqués par des infrastructures jamais convenablement développées ni entretenues : les routes goudronnées ne représentent que 20 % du réseau (soit 2 000 km sur 10 300) pour un pays grand comme la moitié du territoire français. Les aéroports régionaux, fierté du Gabon, ont fermé les uns après les autres sous Ali, comme les services de la Poste. Même dans les quartiers aisés de Libreville, l’eau courante a disparu depuis 2016.</p>
<p>Enfin, la vie quotidienne s’est radicalement dégradée depuis 2000. Les statistiques nationales ayant disparu depuis 2009, il est impossible de savoir quels sont les chiffres réels. Seuls les comptages internationaux sont disponibles, mais ils reposent sur des approximations. Selon ces chiffres, donc, le chômage est endémique (16 % mais <a href="https://www.macrotrends.net/countries/GAB/gabon/youth-unemployment-rate">plus de 30 % chez les jeunes</a>), et <a href="https://data.worldbank.org/indicator/SL.UEM.TOTL.ZS?locations=GA">33 % des Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté</a>. </p>
<p>Les salaires restent bas, de plus en plus insuffisants à la survie. Fixé par la loi en 2010 à 150 000 XFA (229 euros), le salaire minimum mensuel n’a pas changé depuis treize ans. De plus, les entreprises qui embauchent passent par des intermédiaires dits « prestataires », qui recrutent et payent la main-d’œuvre, empochant une commission au passage. Entre autres exemples, à Foberd, entreprise de production de produits industriels et manufacturés, un journalier ne touche que 5 000 XFA (7,62 euros) pour 8 heures de travail quotidien. </p>
<h2>Un coup d’État institutionnel avant le coup d’État militaire</h2>
<p>Focalisés sur le coup d’État du 30 août, les commentateurs ont souvent minoré les manœuvres électorales qui l’ont précédé, et que Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE, n’a pas hésité à qualifier de <a href="https://video.lefigaro.fr/figaro/video/le-coup-detat-au-gabon-fait-suite-a-une-election-entachee-dirregularites-selon-josep-borrell/">« coup d’État institutionnel »</a>.</p>
<p>La préparation du scrutin présidentiel du 26 août 2023 avait en effet déchaîné l’appareil répressif du régime Bongo à un point sans précédent. </p>
<p>Le verrouillage démarre au printemps 2023. Pour reconduire à la présidence un Ali Bongo affaibli par son AVC, au bilan désastreux, la <em>Young Team</em> met en place des moyens exceptionnels. À partir d’avril-mai, le pays est assourdi par la campagne tonitruante du PDG autour d’Ali, assailli par le visage du président dans les médias et sur les affiches géantes des villes.</p>
<p>Le 6 avril, l’Assemblée nationale, composée aux deux tiers de députés du PDG, modifie la Constitution en urgence. Elle harmonise tous les mandats à cinq ans et les rend renouvelables à volonté. L’élection présidentielle passe à un seul tour, ouvrant la possibilité que le vainqueur ne soit élu qu’avec une très faible majorité relative. Le gouvernement refuse d’annoncer la date des élections, empêchant la campagne officielle d’avoir lieu.</p>
<p>Ce n’est que le 9 juillet que les Gabonais apprennent enfin qu’ils devront élire, le 26 août, en un seul vote, à la fois le président de la République, les députés, et les membres des conseils départementaux et municipaux.</p>
<p>Le 4 août, Ali Bongo signe un décret sur le bulletin de vote unique (« inique » selon l’opposition) par parti. Comme on ne peut mettre dans l’urne qu’un seul bulletin pour la présidentielle et les législatives, il faut choisir président et députés sur le seul bulletin d’un seul parti.</p>
<p>L’approche du scrutin s’ouvre par une véritable prise en otage des citoyens. Dès le 23 août, date traditionnelle du début du paiement des salaires, les Librevillois massés près des banques s’aperçoivent que celles-ci sont fermées et les distributeurs vides. Le 27, sous prétexte d’assurer la sécurité intérieure, le gouvernement déclare le couvre-feu, la fermeture des frontières et l’interdiction des médias étrangers. Internet est coupé, ainsi que les lignes téléphoniques avec le reste du monde. Un dispositif militaire se déploie sur tout le territoire, dans les centres névralgiques de Libreville, et près des résidences des personnalités politiques. C’est le chef de la Garde républicaine, le général Brice Oligui Nguema, qui est chargé de cette opération. </p>
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<p>Pourtant, le 26 août, les électeurs, galvanisés par la candidature d’opposition unique d’Albert Ondo Ossa et par sa prestation à la télévision gabonaise, se pressent aux urnes, se heurtant à des bureaux de vote fermés et à des bulletins manquants. Le Comité électoral gabonais, présidé par un membre du PDG, mettra quatre jours à annoncer les résultats, qui seront diffusés le 30 août, à 3h30 du matin : officiellement, Ali Bongo est élu avec 64,27 % des suffrages contre 30,77 % à Albert Ondo Ossa. Presque immédiatement après, coups de feu et bombardements résonnent dans Libreville : le coup d’État du général Brice Oligui Nguema a démarré.</p>
<h2>Aspirations démocratiques et sociales</h2>
<p>Comme le déclare à la télévision le 19 août Albert Ondo Ossa, « les Gabonais veulent respirer ». Le verbe est devenu un leitmotiv à Libreville depuis le coup d’État, retrouvant ici son premier sens étymologique : reprendre vie et connaître un répit après avoir supporté quelque chose de douloureux, de pénible. Ce besoin d’oxygène politique, et l’énorme appel d’air déclenché par le coup, proviennent aussi des revendications, critiques et espoirs longtemps refoulés par les Gabonais. </p>
<p>Car contrairement aux images qui décrivent leur pays comme une société amorphe, écrasée sous les turpitudes d’une dynastie <a href="https://twitter.com/24hPujadas/status/1697306270632448488">souvent présentée de façon caricaturale</a>), les Gabonais sont les héritiers d’une longue histoire démocratique commencée sous la colonisation française.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548771/original/file-20230918-29605-pb6wnp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un numéro des Échos du Nord, début 2023, cliquer pour zoomer.</span>
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<p>L’opposition a toujours compté en son sein de fortes personnalités charismatiques, de Paul Mba Abessole à Jean Ping. Muselée par diverses lois depuis 2016, la presse d’opposition continue de faire paraître quelques titres très populaires, comme <a href="https://echosdunord.com/"><em>Les Échos du Nord</em></a>. Si la population est jeune, elle reprend à son compte les aspirations démocratiques de ses parents, y infusant de nouveaux imaginaires politiques. C’est ce que disent les clameurs des <em>Mapanes</em> (les quartiers défavorisés), qui défient les forces de l’ordre aux cris de « Venez donc nous achever ! » C’est aussi le murmure méprisant des Gabonais devant l’accaparement des élites : « Prenez seulement, le pays vous appartient ! »</p>
<p>Dans la <a href="https://theconversation.com/le-rap-la-vraie-force-politique-du-gabon-84089">musique</a>, dans les grèves universitaires, dans les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/ils-font-disparaitre-les-corps-la-peur-des-crimes-rituels-reste-vivace-au-gabon_3816363.html">rumeurs sur les crimes rituels</a> qu’organiseraient « les grands » pour conserver le pouvoir, la résistance n’a jamais cessé. C’est aussi ce qu’a exprimé la surprenante mobilisation des électeurs qui, le 26 août, sont allés aux urnes. Car depuis les crises des années 1990 au moins, les Gabonais ont toujours voté contre les Bongo, vaillamment, patiemment, obstinément. Et tout aussi résolument, le clan et le parti ont chaque fois répliqué en dévoyant le rite électoral. Le 30 août 2023, la machine à asphyxier le peuple gabonais s’est enrayée. La rue crie son soulagement et libère sa parole. </p>
<p>Car c’est une immense bouffée d’oxygène que le général Brice Oligui Nguema apporte aux Gabonais. La junte rétablit immédiatement les communications Internet et téléphoniques, ouvre les frontières et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ybHUpg2spdk">libère les prisonniers d’opinion</a>. Le gouvernement de transition, ainsi que les nouveaux députés et des sénateurs, comprend de nombreux militants d’opposition historiques. La scène publique se transforme radicalement. Alors que le couvre-feu perdure, les militaires qui restent dans la rue sont le réceptacle de la reconnaissance bruyante des passants, qui peuvent aujourd’hui exprimer leur mépris du régime déchu.</p>
<p>Pourtant, de vieilles habitudes persistent. À l’omniprésence d’Ali sur les écrans et sur les ondes a succédé celle du « Messie » Oligui, comme on l’appelle à Libreville. Auparavant, le général était peu connu des Gabonais. Formé comme Ali Bongo à l’Académie militaire royale du Maroc, il avait été le chef de camp d’Omar Bongo. En 2009, des fonctions diplomatiques l’éloignèrent du pays. Il semble donc appartenir à cette frange de familiers du système un temps marginalisés par Ali Bongo après son élection. Rappelé au Gabon en 2020, Oligui est nommé commandant de la Grade républicaine, le puissant corps d’élite charge de protéger la présidence. Il n’est donc pas impliqué dans la répression sanglante des opposants après les élections de 2016.</p>
<p>Oligui a promis des élections d’ici deux ans et un nettoyage des institutions du pays. Le chantier est énorme sur tous les plans – institutionnel, social et économique – et il n’est pas sûr qu’il y ait suffisamment de volontés et d’expertises nouvelles dans le pays et dans la diaspora. Le personnel politique du nouveau gouvernement comporte donc des cadres du régime déchu. C’est d’ailleurs une politique de réconciliation que semble suivre Oligui, prêt à tendre la main aux élites d’avant – à l’exception du premier cercle d’Ali (Nourredine et Sylvia ont été arrêtés, Ali lui-même ayant été <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cx8gdr9zqgyo">laissé en liberté pour raisons de santé</a>) et de la <em>Young Team.</em></p>
<p>Quant au programme du nouvel homme fort du pays, il est en gestation, publiquement pensé, à grand renfort de concertations télévisées, avec les forces du pays, entrepreneurs, diplomates, religieux, opposants. À noter pourtant déjà les discrets accents homophobes et xénophobes de la <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230908-gabon-ce-que-contient-la-charte-de-transition-document-crucial-pour-l-avenir-du-pays">Charte constitutionnelle promulguée le 4 septembre 2023</a>. L’article 25 définit le mariage comme l’union de deux personnes de sexes différents, et les articles 28 et 44 interdisent la vente de terrains aux non-nationaux, et réservent les fonctions politiques aux nationaux gabonais « d’origine ». Ils répondent en partie à l’opinion populaire, largement opposée à la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/06/24/au-gabon-l-assemblee-nationale-vote-la-depenalisation-de-l-homosexualite_6044038_3212.html">dépénalisation de l’homosexualité en 2020 par le régime Bongo</a>, et à la méfiance envers les membres d’origine étrangère de l’ex-Young Team, aujourd’hui rebaptisée <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cyd9g06g90lo">« Légion étrangère »</a>.</p>
<p>Les premières réformes du général Oligui montrent un homme habitué à se comporter en militaire, qui prend des décisions rapides et travaille dans un climat d’autorité. Saura-t-il, comme il s’y est engagé, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=01Q0LoH9HEA">mettre en place une vraie démocratie dans le pays</a> ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213592/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Bernault a reçu des financements de Sciences Po pour la recherche.</span></em></p>Exaspérée par la prédation du clan Bongo, la population semble largement soutenir les auteurs du putsch qui vient de mettre fin à 56 ans de règne dynastique.Florence Bernault, Professeure d'histoire de l'Afrique subsaharienne, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2108402023-08-17T15:59:29Z2023-08-17T15:59:29ZGabon : comment les 56 ans de règne de la famille Bongo ont nui au pays et divisé l'opposition<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543217/original/file-20230817-14573-2jsf13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une personne manifeste, le 7 août 2009 à Paris, pour demander au candidat à la présidence Ali Ben Bongo de démissionner de son poste de ministre de la défense.</span> <span class="attribution"><span class="source">PIERRE VERDY/AFP via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Le mercredi 30 août, deux événements se sont succédé au Gabon. Aux premières heures de la journée, le président Ali Bongo Ondimba (2009-aujourd'hui) a été <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cpw84w3j5plo">déclaré vainqueur</a> du scrutin présidentiel contesté.</p>
<p>Peu après, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230830-gabon-ali-bongo-r%C3%A9%C3%A9lu-pour-un-troisi%C3%A8me-mandat">un groupe d'officiers supérieurs</a> est apparu à la télévision et a annoncé qu'il avait pris le pouvoir. Ils ont déclaré que les élections générales du 26 août n'étaient pas crédibles. Ils ont annoncé l'annulation du résultat des élections, la fermeture de toutes les frontières et la dissolution de toutes les institutions de l'État, y compris l'organe législatif du gouvernement. </p>
<p>Ali Bongo aurait remporté 64,27% des suffrages exprimés lors d'une élection que l'opposition a qualifiée de simulacre. Selon l'arbitre électoral, le principal adversaire d'Ali Bongo, Albert Ondo Ossa, est arrivé en deuxième position avec 30,77 % des voix.</p>
<p>Le président Ali Bongo Ondimba (depuis 2009) <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20230709-gabon-ali-bongo-annonce-sa-candidature-%C3%A0-l-%C3%A9lection-pr%C3%A9sidentielle-pour-un-3e-mandat">se présente</a> à nouveau aux élections prévues le 26 août au Gabon. Il est, pour dire l'évidence, censé la gagner. La Constitution a en effet été modifiée plusieurs fois au cours des dernières décennies pour assurer la continuité du pouvoir des Bongo. </p>
<p>Premièrement, la <a href="https://lefaso.net/spip.php?article120442">limitation du nombre de mandats</a> a été supprimée de la Constitution. Ali Bongo pourrait ainsi être président à vie. </p>
<p>Deuxièmement, les scrutins traditionnels à deux tours ont été transformés en un scrutin à un tour, mettant ainsi le candidat sortant à l'abri d'un rassemblement de l'opposition en cas de second tour.</p>
<p>Troisièmement, ce n’est plus la majorité absolue mais la majorité relative, c’est-à-dire la pluralité, qui permettra d’être élu, et donc, selon toute vraisemblance à Bongo peut gagner les élections. Cela signifie qu'une majorité peut être inférieure à 50 %, tant que le vainqueur obtient le plus grand nombre de voix. S'il fallait obtenir la majorité des voix, Ali Bongo, avec <a href="https://www.universalis.fr/evenement/27-31-aout-2016-reelection-contestee-du-president-ali-bongo/">49,8 %</a> aux élections de 2016, ne serait pas président aujourd'hui.</p>
<p>Quatrièmement, en avril de cette année, le mandat présidentiel a été <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20230407-gabon-le-mandat-pr%C3%A9sidentiel-r%C3%A9duit-de-sept-%C3%A0-cinq-ans">réduit de 7 à 5 ans</a>, garantissant la simultanéité des élections présidentielle, législatives et locales. Dans le passé, après l'élection présidentielle, les partis d'opposition s'organisaient contre le parti au pouvoir de Bongo, père et fils, pour remporter des sièges aux élections législatives et locales. Désormais, toutes les institutions du pouvoir gouvernemental pourront être conquises par le président Bongo et son parti en un seul scrutin.</p>
<h2>Une opposition divisée</h2>
<p><a href="https://directinfosgabon.com/gabon-la-liste-officielle-des-19-candidats-retenus-pour-la-presidentielle-daout-2023/">Dix-neuf candidats</a> se présentent à la présidentielle. Parmi eux figurent l'ancien Premier ministre <a href="http://www.alibreville.com/qui/profil.asp?id=3">Raymond Ndong Sima</a>, l'ancien vice-président <a href="https://www.lenouveaugabon.com/fr/gestion-publique/2701-19433-presidentielle-2023-pierre-claver-maganga-moussavou-investi-candidat-pour-la-5e-fois-consecutive">Pierre-Claver Maganga Moussavou</a>, le chef de la coalition Union nationale des partis d'opposition qui a défié Bongo en 2016, <a href="https://www.gabonreview.com/presidentielle-2023-oui-je-suis-capable-assure-paulette-missambo/">Paulette Missambo</a>, et l'ancien ministre des Mines <a href="https://g9infos.com/hugues-alexandre-barro-chambrier-designe-candidat-du-rpm-lors-du-2eme-congres-extraordinaire-en-vue-des-elections-presidentielles-au-gabon/">Hughes Alexandre Barro Chambrier</a>. Depuis un an, ce dernier s’est efforcé de rallier les autres leaders de l'opposition à l'idée d'une candidature unique, sans succès. Chambrier est peut-être celui qui est le mieux placé pour rassembler le plus de voix contre Ali Bongo et le Parti démocratique gabonais (PDG), mais l'opposition gabonaise est, une fois de plus, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230203-gabon-l-opposition-reste-divis%C3%A9e-sur-ses-futurs-repr%C3%A9sentants-au-centre-des-%C3%A9lections">divisée</a>.</p>
<p>Ali Bongo, fils de l'ancien président <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMBiographie?codeAnalyse=105">Omar Bongo</a> (1967-2009), est pour sa part soutenu par le <a href="https://pdg-gabon.org/">PDG</a> fondé par son père. Ce parti monopolise le pouvoir depuis plus d'un demi-siècle dans ce pays d'Afrique centrale riche en pétrole. Grâce aux institutions du gouvernement à parti unique, à la corruption néo-patrimoniale et à la parenté politique, le clan Bongo a conservé le pouvoir pendant 56 ans. </p>
<p>Pourtant le Gabon n'est pas une monarchie, mais une république, une “république dynastique”. La république dynastique est un oxymore, car, selon les mots du philosophe <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/ciceron/">Ciceron</a>, une république est <em>res publica</em> : “la chose publique”, et non le patrimoine privé de ses gouvernants. La pratique généralisée du népotisme, en tant que gouvernance, viole l'idéal classique de la république. </p>
<p>Dans les républiques dynastiques, les présidents concentrent le pouvoir entre leurs mains et établissent des systèmes de gouvernement personnel avant de transmettre le pouvoir de l'État à leur famille et à leurs proches - non seulement fils et filles, mais aussi épouses, frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs, cousins, oncles et tantes, nièces et neveux (le terme népotisme dérive du latin <em>nepos</em> ou “neveu”), gendres et belles-filles, ex-épouses, enfants illégitimes, membres du ménage et ainsi de suite. </p>
<p>L'idéal classique d'un État légal-rationnel, où la position et le rang sont distribués en fonction du mérite, au nom du fonctionnement rationnel (efficient et efficace) des institutions du gouvernement, est ainsi corrompu.</p>
<h2>Une république dynastique</h2>
<p>Toutes les républiques dynastiques du monde (en 2023, Gabon, Guinée équatoriale, Togo, Syrie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Corée du Nord et, plus récemment, Cambodge) ont institutionalisé le pouvoir familial traditionnel par le biais d'un outil moderne qu’est le parti. Il est essentiel de comprendre que personne ne règne seul. Ce n'est qu'avec un vaste appareil de parti qu'un homme et sa famille peuvent gouverner une république qui compte des millions de personnes.</p>
<p>Mais pourquoi l’élite (ou le “selectorate”) a-t-il toléré le pouvoir d'un homme et de sa famille ? La réponse est simple : ils ont besoin de lui pour conserver leurs propres positions.</p>
<p>L'économiste <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/107671/1/81962733X.pdf">Gordon Tullock</a> a émis l'hypothèse en 1987 que la succession dynastique attire les élites non familiales qui se méfient d'une lutte pour le leadership. Le professeur d'administration <a href="https://www.researchgate.net/publication/231991883_THE_RESILIENCE_OF_RULING_PARTIES_Jason_Brownlee_Authoritarianism_in_an_Age_of_Democratization_Cambridge_Cambridge_University_Press_2007_Pp_xiii_264_2399">Jason Brownlee</a> a testé cette hypothèse sur un ensemble de données de 258 autocrates non monarchiques (républicains) et a constaté qu’“en l'absence d'expérience préalable dans la sélection d'un dirigeant par le biais d'un parti, les élites du régime acceptaient les héritiers filiaux apparents lorsque le titulaire et son successeur étaient issus de leur parti”. </p>
<p>Les politologues <a href="https://books.google.co.uk/books/about/The_Dictator_s_Handbook.html?id=UBY5DgAAQBAJ&redir_esc=y">Bruno Bueno de Mesquita et Alastair Smith</a> soutiennent : </p>
<blockquote>
<p>les partisans essentiels (“selectorate”) ont bien plus de chances de conserver leur position privilégiée lorsque le pouvoir passe au sein d'une famille de père en fils, de roi en prince, que lorsque le pouvoir passe à un étranger au régime.</p>
</blockquote>
<p>Autrefois annoncé comme le <a href="https://bondsloans.com/news/gabon-a-step-in-the-right-direction">“Koweït de l'Afrique”</a> en raison de sa faible population <a href="https://www.worldbank.org/en/country/gabon/overview">2,3 millions d'habitants</a> et de ses grandes réserves de pétrole, le Gabon, petit pays riche en ressources, a une population qui s’appauvrit. </p>
<p><a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2022/12/08/gabon-country-economic-memorandum-toward-greener-and-more-inclusive-growt">Le revenu par habitant</a> du Gabon de 12 800 dollars est démenti par une population où un tiers des citoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté, le chômage dépassant 20 à 35 % chez les jeunes. </p>
<p>Une réalité qui doit conduire à remettre en question les positions de ceux qui ne voient rien de mal à la règle dynastique.</p>
<p>Dans le passé, les élections étaient suivies de contestations sévèrement réprimées par les forces de sécurité. Mais la période postélectorale de 2023 peut être différente, car la publication des résultats a été suivie d'un coup d'Etat. </p>
<p><em>Note : Cet article a été actualisé suite à la publication des résultats des élections et d'un coup d'Etat militaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210840/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Douglas Yates does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Le Parti démocratique gabonais détient le palais présidentiel, la majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat). Il contrôle également les tribunaux et les administrations municipales.Douglas Yates, Professor of Political Science , American Graduate School in Paris (AGS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048612023-05-08T18:06:57Z2023-05-08T18:06:57ZLes plus vieux macro-organismes eucaryotes planctoniques datés de 2,1 milliards d’années, découverts au Gabon<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524895/original/file-20230508-238845-sxlgnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1252%2C770&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation artistique de la morphologie et de l'environnement de vie des spécimens protistes étudiés faisant partie des « Gabonionta ».</span> <span class="attribution"><span class="source">A. El Albani</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’origine des cellules eucaryotes est un défi majeur en biologie évolutive, suscitant un débat tenace au sein de la communauté scientifique depuis des décennies. L’objectif est de savoir à quelle période de l’histoire de la vie, le monde bactérien n’est plus le seul à dominer la planète terre et que des cellules nouvelles de type eucaryote, dites « sophistiquées » émergent. C’est un moment clé pour nos connaissances à propos de l’histoire de l’évolution. L’objectif est de mieux comprendre la chronologie et le cheminement de la divergence des deux branches du vivant. Cette phase est déterminante pour la suite de l’histoire de la vie sur terre.</p>
<p>Ces cellules, comme celles qui composent notre corps, se caractérisent par la présence d’un noyau et d’organites délimités par des membranes cellulaires.</p>
<p>Notre équipe internationale, en collaboration avec le Gabon, a mis en évidence les plus vieux fossiles de protistes eucaryotes, qui vivaient dans l’eau de mer (plancton) il y a 2,1 milliards d’années. Un protiste est un organisme unicellulaire composé d’une cellule de type eucaryote.</p>
<p>Cette découverte fait reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 300 millions d’années. Ces résultats sont publiés dans le numéro d’avril 2023 de la revue <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0012821X23001826?via%3Dihub"><em>Earth Planetary Sciences Letter</em></a>.</p>
<h2>Un recul extraordinaire de l’apparition d’une vie pluricellualire</h2>
<p>Il y a quelques années, mon équipe a découvert au Gabon les plus vieux fossiles d’organismes pluricellulaires nommés « Gabonionta ». Grâce à ce gisement situé dans le bassin de Franceville, la date d’apparition d’une vie pluricellulaire sur Terre avait alors été reculée d’environ 1,5 milliard d’années, passant de -600 millions à -2,1 milliards d’années.</p>
<p>Notre équipe avait également montré que cette formidable biodiversité, concomitante d’un pic de concentration en dioxygène dans l’atmosphère, s’était développée dans un milieu marin calme et peu profond. Cette biodiversité est représentée par l’abondance de macro-fossiles en excellent état de préservation et par la diversité de tailles et de formes.</p>
<p>C’est au sein de la même formation géologique que l’équipe internationale que je coordonne a découvert l’existence de fossiles de protistes macroscopiques dont la taille peut atteindre 4,5 centimètres. Leur milieu de vie semble avoir été dans l’eau et non sur le fond marin. Ceci est illustré grâce à leur présence dans différents contextes sédimentaires. En plus on constate qu’ils ont agrégé des fines particules argileuses très fines modifiant ainsi leur densité et entraînant leur chute sur le fond océanique.</p>
<h2>L’apparition du plancton</h2>
<p>Dans cet écosystème marin primitif, certains organismes eucaryotes étaient donc déjà biologiquement suffisamment sophistiqués pour pouvoir vivre de façon planctonique.</p>
<p>Ce résultat a été obtenu grâce à l’usage du zinc, considéré comme un élément indispensable pour le métabolisme biologique. Les données ont révélé que ces fossiles contiennent environ deux fois plus de zinc que le sédiment qui les contient.</p>
<p>De plus, en collaboration avec L’École Normale Supérieur de Lyon, les universités de Lille et Rennes et le Synchrotron SOLEIL, les données montrent qu’à l’intérieur de ces fossiles, les isotopes du zinc présentent un enrichissement en isotope léger par rapport à ce même sédiment. Le comportement du zinc est d’un grand intérêt, car il s’agit d’un micronutriment bio-essentiel, composant de plusieurs métalloenzymes qui remplissent des fonctions biologiques clés dans les cellules eucaryotes, dont la composition de certaines protéines indispensables pour le métabolisme du vivant.</p>
<p>Ainsi, la demande cellulaire en zinc dépend fortement de la taille de la cellule, de l’organisation, la complexité, la fonctionnalité et le métabolisme. À cet égard, l’augmentation de la taille de ces organismes a pu être corrélée à l’augmentation de la disponibilité du zinc.</p>
<p>Ces données ont permis de mettre en lumière le rôle fondamental du zinc comme marqueur biogéochimique de la biogénicité.</p>
<p>Parallèlement, un couplage de plusieurs techniques de pointe nous a permis à la fois de doser la concentration en zinc et d’identifier ces isotopes. Nous avons également cartographié le zinc grâce à des méthodes d’analyses réalisées au synchrotron Soleil à Paris. L’imagerie 3D a été réalisée par microtomographie aux rayons X, technique d’imagerie non destructive. Les résultats ont montré qu’il s’agit bien de structures ayant une compartimentalisation interne. Ces données d’imagerie apportent une confirmation supplémentaire de l’origine biologique de ces fossiles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524894/original/file-20230508-20523-u0wox4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photos de spécimens sur le terrain et images obtenues par scanner micro-tomographique à rayons X. Morphologie 3D des organismes protistes macroscopiques montrant l’aspect lenticulaire et segmenté de l’intérieur de l’organisme fossilisé. Précédemment, les protistes de ce type étaient datés d’environ 600 millions d’années (période de l’Ediacarien, caractérisée elle aussi par un pic de dioxygène et une explosion de biodiversité). Echelle : 1 cm.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. El Albani & A. Mazurier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À quoi ressemblaient concrètement ces êtres vivants ? Ils étaient peut-être similaires aux protistes de grande taille capables de flotter dans la colonne d’eau. Quand ces organismes agrègent des fines particules argileuses, ils chutent sous l’effet de leur densité d’une manière aléatoire sur les sédiments formant le fond marin. Jusqu’à présent, les plus anciens protistes eucaryotes planctoniques reconnus étaient datés de 570 millions d’années. Cette nouvelle découverte met en évidence une innovation biologique qui soulève de nouvelles questions sur l’histoire de l’évolution à savoir : des formes de vie planctonique perfectionnées existaient-elles déjà il y a 2,1 milliards d’années ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abderrazak El Albani a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine. </span></em></p>Une nouvelle étude vient rebattre les cartes de ce que nous savions de l’apparition des cellules eucaryotes.Abderrazak El Albani, Professeur à l'Université de Poitiers, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1690402021-10-18T18:48:14Z2021-10-18T18:48:14ZComment la constitution de la Vᵉ République a modelé la décolonisation<p>La demande de pardon officielle du président Macron adressée aux harkis et l’annonce de l’adoption prochaine d’une loi de réparation <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/09/20/emmanuel-macron-demande-pardon-aux-harkis-et-annonce-une-loi-de-reconnaissance-et-de-reparation_6095314_823448.html">marquent une étape importante</a> dans le processus de réconciliation nationale de la France avec son passé colonial.</p>
<p>Le droit, et l’enseignement du droit, ont aussi leur rôle à jouer dans l’entreprise de décolonisation. En effet, une colonisation va de pair avec une domination légale, celle d’un système juridique et judiciaire pensé et appliqué pour maintenir un territoire et sa population sous le joug du <a href="http://www.bloomsburycollections.com/book/revolutionary-constitutionalism-law-legitimacy-power">colonisateur</a>.</p>
<p>La domination légale se concrétise avant tout au niveau des droits personnels, comme ce fut le cas de la différence de statut entre le <a href="http://juspoliticum.com/article/La-citoyennete-dans-l-empire-colonial-francais-est-elle-specifique-980.html">citoyen français</a> de métropole et l’indigène – dépourvu de la plupart des droits civiques. Mais elle se concrétise aussi au niveau des <a href="http://juspoliticum.com/article/La-France-libre-Vichy-l-empire-colonial-978.html">institutions</a> avec une organisation des relations de pouvoir entre la métropole et les colonies destinés à asseoir la domination de la première sur les secondes.</p>
<p>Ainsi une décolonisation est un processus de transition dite juridique. Il s’agit de débarrasser le système juridique du pays nouvellement indépendant des rapports juridiques qui le liaient à l’ancienne métropole. En France, cette transition juridique a été actée par la <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/2018/08/23/26001-20180823ARTFIG00243-le-discours-du-general-de-gaulle-a-brazzaville-le-24-ao%C3%BBt-1958.php">constitution de 1958</a>. Si cette dernière marqua le début de la V<sup>e</sup> République, elle fut surtout l’occasion pour les territoires d’Afrique francophone d’affirmer leur volonté d’indépendance.</p>
<h2>Une constitution de décolonisation</h2>
<p>Il est de bon ton, dans les facultés de droit et ailleurs, d’expliquer que la raison d’être de la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1959_num_9_1_402982?q=constitution+1958">constitution de 1958</a> repose dans l’instabilité gouvernementale de la IV<sup>e</sup> République. Cette dernière, et ses 22 gouvernements en 12 ans, était devenu dangereusement inefficace. Il fallait retrouver de la stabilité grâce à un président qui « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État » (<a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur">article 5</a>) et un gouvernement sans la menace constance d’une motion de censure du Parlement.</p>
<p>Rares sont cependant les étudiants à connaître l’objectif de décolonisation attaché à la constitution de 1958. En effet, ce point n’apparaît dans aucun des ouvrages de référence. De Gaulle, dans son <a href="https://mjp.univ-perp.fr/textes/degaulle04091958.htm">discours</a> du 4 septembre 1958 était pourtant clair : il fallait une nouvelle constitution pour </p>
<blockquote>
<p>« qu’entre la nation française et ceux des territoires d’outre-mer qui le veulent, soit formée une Communauté, au sein de laquelle chaque territoire va devenir un État qui se gouvernera lui-même ».</p>
</blockquote>
<p>Un des objectifs principaux de la constitution de 1958 était donc de finir le processus de décolonisation amorcé par la IV<sup>e</sup> République. Cette dernière, en affirmant l’égalité des peuples dans son préambule, se devait de mettre en terme à l’impérialisme français.</p>
<h2>Les étapes</h2>
<p>L’apport principal de la constitution de 1946 fut de transformer l’Empire Français en Union française à la suite de quoi le Cambodge et le Laos en 1953, le Vietnam en 1954, la Tunisie et le Maroc en 1956 retrouvèrent leur <a href="https://www.worldcat.org/title/droit-doutre-mer-et-de-la-cooperation/oclc/923234055&referer=brief_results">indépendance</a>. En dehors de ces pays, la majorité des anciennes colonies restèrent sous le statut de territoires d’outre-mer c’est-à-dire sous une tutelle encore très forte de la métropole qui décida notamment de leurs relations extérieures ou des <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1946-ive-republique">modalités de représentation politique</a> (Titre VIII, constitution de 1946).</p>
<p>La pierre angulaire du processus de décolonisation fut le référendum du 28 septembre 1958. Si en France, celui-ci servait à approuver la V<sup>e</sup> République, pour les territoires d’outre-mer, il représentait la première étape vers l’indépendance. Un « non » signifiait un rejet de la constitution et un accès immédiat à l’indépendance. Seule la Guinée opta pour cette option. Si les territoires votaient oui, ils pouvaient choisir entre un maintien du statu quo, une assimilation en tant que département ou une élévation au rang d’État membre de la Communauté. Comme l’ancien <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Constitution_de_la_France_de_1958_(version_initiale)">article 86</a> de la constitution le précisait, un État membre pouvait devenir indépendant et cesser d’appartenir à la Communauté.</p>
<p>Entre novembre et décembre 1958, tous les territoires d’outre-mer, à l’exception de la Guinée, choisirent le régime de la Communauté, après avoir voté oui au référendum. En août 1960, le Bénin, le Burkina Faso, le Chad, la Centrafrique, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Niger proclamèrent leur indépendance. En juin ce fut le tour de Madagascar suivi de la Mauritanie en novembre. La procédure d’indépendance progressive prévue par la constitution de 1958 peut donc être considérée comme un succès.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425296/original/file-20211007-17-2p8ml3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les étapes vers l’indépendance.</span>
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<h2>De l’indépendance à la dictature du parti unique</h2>
<p>Ce fut cependant un bref succès. À l’exception de Madagascar, tous les États se dotèrent d’une nouvelle constitution quelques mois à peine après leur indépendance. Ces constitutions instaurèrent toutes un régime présidentiel fort, sur le modèle de la constitution de 1958 après l’élection au suffrage universel direct du président de la République. Elles marquèrent le début des dictatures dites du parti unique qui sclérosent l’Afrique francophone depuis 1960.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425297/original/file-20211007-26-7a2azo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chronologie comparative – de l’inclusion à la Communauté à l’adoption d’une constitution autoritaire.</span>
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</figure>
<p>Une adoption si coordonnée de constitutions si similaires interroge forcément sur l’influence de l’ancienne métropole.</p>
<h2>La reproduction d’un modèle autoritaire</h2>
<p>Entre le oui au référendum et la déclaration d’indépendance, le régime de la Communauté s’appliquait. Or ce régime était caractérisé par une concentration des pouvoirs dans les mains du président de la République, lui-même président de la Communauté (article 80). Par décision présidentielle du 9 février 1959, le français resta langue officielle, la Marseillaise demeura l’hymne des États, l’armée française pouvait y stationner. La France contrôlait de fait ces anciens territoires jusqu’à l’aune de leur indépendance.</p>
<p>En 1963, le professeur de droit public <a href="http://www.worldcat.org/oclc/299896883">François Luchaire</a>, décrivait le caractère autoritaire des pays d’Afrique francophone avec les mots suivants :</p>
<blockquote>
<p>« Les États d’expression française n’ont pas eu l’impression de rompre avec l’exemple français ; bien au contraire, chacun a voulu donner à son chef d’État une autorité constitutionnelle comparable à l’autorité qui est celle du général de Gaulle en France ; parfois conseillés par des experts français, ils ont d’ailleurs utilisé les innovations contenues dans la constitution française avec les adaptations qui s’expliquent. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/169040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Fournier est Fellow du Re:constitution Programme pour l'année 2021, un programme du Forum Transregionale Studen financé par le Mercartor Stiftung.</span></em></p>La constitution de 1958 portait en elle la décolonisation juridique des territoires envahis par la France. Mais son modèle facilita aussi l’émergence de dictatures.Théo Fournier, Docteur en droit - Chercheur associé au centre Sorbonne Constitutions et Libertés (Paris 1), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1564182021-05-03T18:25:33Z2021-05-03T18:25:33ZUne expédition scientifique au Gabon à la découverte des mantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/398399/original/file-20210503-15-li18cm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C4%2C2994%2C1990&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une mante Alalomantis muta femelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nicolas Moulin</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Mes travaux de recherche ont comme sujet les Mantodea, des insectes prédateurs emblématiques que l’on nomme couramment les mantes. Je les étudie selon deux angles, reliés entre eux : la taxonomie (science qui a pour objet la description du vivant) et l’écologie (l’étude des habitats des organismes vivants).</p>
<p>C’est un petit groupe d’insectes qui ne contient qu’un peu plus de <a href="http://mantodea.speciesfile.org/HomePage/Mantodea/HomePage.aspx">2500 espèces</a> actuellement et qui n’est pas encore assez bien connu. À titre de comparaison les coléoptères comptent plus de 387 000 espèces. Malgré tout, de plus en plus de travaux permettent d’améliorer les connaissances à leur sujet. La taxonomie intégrative (la description du vivant qui utilise les variables de biogéographie, d’écologie, de biologie moléculaire et de morphologie) améliore nos recherches.</p>
<p>Concernant leur écologie, c’est plus compliqué. Depuis des siècles, ce groupe d’insectes est capturé grâce à la technique du piégeage lumineux, avec tous les dérivés qu’elle connaît (ampoules à vapeur de mercure de forte intensité, leds, néons, automatiques ou en présence d’entomologistes). Et, autre biais, pour la majorité des espèces, ce ne sont que les mâles qui sont attirés par la lumière. Leurs yeux simples, très développés et situés sur le front, les entraînent irrésistiblement vers les rayons ultra-violets. Les femelles ont des yeux simples moins développés et sont souvent trop lourdes ou sans ailes fonctionnelles qui leur permettraient de s’approcher.</p>
<p>C’est pour cela qu’il faut se rendre sur le terrain afin de pratiquer d’autres méthodes d’échantillonnage. Elles sont nombreuses et variées. La plus importante d’entre elles est la prospection à vue de jour, comme de nuit.</p>
<h2>Voyage au Gabon</h2>
<p>Depuis 2009, de très nombreux échantillons provenant d’Afrique centrale (République centrafricaine, Cameroun et Gabon) m’ont été confiés. En parallèle, des écoles de terrain pour étudiants africains et français (ECOTROP) ont été mises en place au Gabon, par un consortium d’institutions publiques comme l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), l’Agence Nationale des Parcs Nationaux du Gabon (ANPN), l’Université de Rouen, les Universités de Yaoundé et de Franceville.</p>
<p>J’ai pu accéder à ces écoles en tant qu’encadrant en entomologie. De 2011 à 2014, ces « classes vertes » riches en enseignements divers et variés (biogéographie, paléoenvironnement, écologie, entomologie) ont été organisées durant des quinzaines sur le territoire du parc National de la Lopé au Gabon. En décembre 2015, en petit comité, un collègue batrachologue (spécialiste des amphibiens), un collègue entomologiste et moi-même sommes allés prospecter dans les Monts de Cristal afin de trouver un nouveau site pour les écoles de terrain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398401/original/file-20210503-13-1n1g64v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Parc national des monts de Cristal au Gabon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Moulin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le Parc National des Monts de Cristal, situé au nord du Gabon, est un bijou de biodiversité. Principalement constitué de forêts humides d’altitudes (de 200 à 900 mètres d’altitude), il permet d’étudier une faune et une flore différentes de celles rencontrées dans les paysages de forêts-galeries de la Lopé, située au centre du Gabon. La mission de terrain dura une semaine. Les principales méthodes d’échantillonnage y seraient appliquées afin de se donner un aperçu de la faisabilité.</p>
<p>La mission s’est déroulée du 01 au 07 décembre 2015 aux alentours du barrage électrique de Kinguélé dans le parc National des Monts de Cristal, au Gabon.</p>
<p>Après avoir réglé les documents administratifs d’autorisation de recherche au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CENAREST), nous voilà en route pour les forêts d’altitudes. Nous sommes hébergés dans les logements de la Société des eaux et de l’électricité (SEEG).</p>
<h2>La collecte des mantes</h2>
<p>Les principaux groupes taxonomiques étudiés sont, bien évidemment les mantes, mais aussi les coléoptères, les lépidoptères et les amphibiens. Concernant mon groupe de prédilection, j’apporte plusieurs techniques : la classique ampoule à vapeur de mercure pour attirer les insectes la nuit, la lampe frontale pour rechercher les spécimens dans la végétation, la nappe de battage et le fauchoir pour prospecter de jours dans les strates de végétation herbacée et arborée. </p>
<p>En supplément, un grand dispositif de piégeage est emmené et mis en place : le Remote Canopy Trap (RCT). Il est inspiré de celui d’un collègue américain. Il fonctionne la nuit en s’allumant automatiquement grâce à une cellule photosensible et un interrupteur crépusculaire. Le piège est composé de pans de mousseline, avec deux entonnoirs, l’un au sommet et l’un vers le bas. Aux extrémités de chacun d’eux se trouve un pot collecteur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1067&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398403/original/file-20210503-17-1iphy7g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le piège : « Remote Canopy Trap. »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Moulin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous les jours nous nous déplacions en véhicules tout-terrain afin d’étudier un maximum de biotopes différents. Et tous les soirs, le dispositif d’attraction lumineuse avec la lampe UV était installé. Les nuits pouvant être longues selon l’arrivée des insectes, des prospections à la lampe frontale sont réalisées aux alentours. La recherche se fait lentement et méticuleusement dans la végétation. Les insectes sortent souvent la nuit et sont visibles sur la végétation. C’est grâce à cette méthode que je peux trouver des femelles de mantes qui correspondraient aux espèces représentées par les mâles sur le drap de chasse. Les mâles se distinguent des femelles principalement par le nombre de segments abdominaux et la morphologie des derniers segments qui portent les organes reproducteurs. Mais les mâles sont également plus petits et la plupart du temps, ailés.</p>
<p>En journée, les déplacements en forêt sont compliqués. Le milieu est fermé, bien plus grand que nous et les insectes se cachent. En revanche, en lisière, ils se déplacent et se servent de cet habitat de transition pour se déplacer, s’alimenter ou se reproduire. Il nous est donc plus efficace de longer les abords de la piste pour réaliser nos recherches. Selon les types de végétation, je secoue les branches avec un bâton placé au-dessus de la nappe de battage. Grâce à cette méthode, de nombreux spécimens très mimétiques et immobiles sont découverts. Avec le filet fauchoir, je fouette la végétation herbacée et collecte des spécimens d’espèces inféodées à ce type de milieu. Ces prospections actives de jour comme de nuit permettent de faire le lien entre les espèces et leur environnement, leur écologie.</p>
<p>Le piège canopée RCT est disposé en hauteur durant une matinée dans un arbre dont l’accès est relativement facile. Une fois les pots collecteurs remplis d’alcool et hissé, il démarrera seul au crépuscule. Le lendemain matin, nous pouvons alors relevés les échantillons. Les Leds ont un attrait plus localisé par rapport à la lampe à vapeur de mercure. Il est donc plus facile de faire un lien entre l’habitat et les espèces collectées. De nuit, nous pouvons le redescendre grâce à une corde sur poulie afin de vérifier son fonctionnement. C’est là où il peut y avoir des surprises inattendues…</p>
<p>Le 5 décembre au matin, nous nous arrêtons en bord de piste pour mettre en place le RCT. En attachant la corde d’amarrage, je me fais piquer le coude droit. La douleur est intense et le coupable invisible. Des lianes se trouvent autour de moi, elles sont accusées. Le reste de la matinée n’a été que gonflement sous-cutanée et souffrance. Allergique, de mon poignet à l’épaule, mon bras a doublé de volume. J’ai frôlé l’automédication par administration de la seringue d’adrénaline. Le soir même nous repassons auprès du piège aérien. Une magnifique chenille verte de la famille des Limacodidae déambule sur la corde de fixation. La disposition des épines sur son corps est la même que celle des marques purulentes sur mon coude. La coupable est toute trouvée. Elle est capturée pour séquençages ADN ultérieurs afin de découvrir de quelle espèce il s’agit. Voici le type d’aventure qu’il peut se produire lors d’expéditions scientifiques éloignées de la civilisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398404/original/file-20210503-19-1wfwhq9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La chenille <em>Limacodidae scotinochroa</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Moulin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Finalement, les données obtenues ont permis de rédiger une synthèse des connaissances sur les mantes du Gabon dans les Cahiers de la Fondation Biotope qui financent certaines de mes expéditions en Afrique centrale. En parallèle, lors de toutes mes missions, des échantillons de pattes sont prélevés dans le cadre d’analyse ADN. Actuellement, 479 spécimens ont été prélevés. Ils sont représentés par 108 BINs (Barcode Index Numbers), numéro unique qui symbolise une espèce. Des espèces nouvelles restent à découvrir. Une mission complémentaire, en partie financée par la Fondation Biotope, est prévue en 2021 dans le parc National de la Lopé. Ce coup-ci, le hamac tropicalisé sera de nouveau de sortie afin de découvrir des mantes au plus près dans leur environnement.</p>
<p>Je suis actuellement en train de réviser un genre de Mantes, les Cataspilota : les barrières géographiques, les codes-barres ADN et l’étude des organes reproducteurs mâles (genitalia) me permettent de décrire de nouvelles espèces dont une au Gabon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Moulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Partez à la découverte d’incroyables insectes dans ce récit d’expédition dans les forêts gabonaises.Nicolas Moulin, Entomologiste, attaché honoraire, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1427492020-11-18T21:34:33Z2020-11-18T21:34:33ZLa Covid-19 et l'urgence de la dette des pays d'Afrique centrale envers la Chine<p>La Covid-19 a provoqué une baisse de l’activité économique mondiale, aggravée par des mesures de distanciation sociale qui ont perturbé des secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie, l’industrie manufacturière ou encore l’énergie. La hausse de l’inflation et l’affaiblissement des devises ont exacerbé les inquiétudes concernant la soutenabilité de la dette.</p>
<p>La région de la <a href="http://www.cemac.int/">Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale</a> (CEMAC) comprend le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine, le Congo et le Gabon. Pour ces pays, l’incidence de la pandémie de la Covid-19 sera très négative car les <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/tableau-bord-marches-petroliers">cours du pétrole</a> sont actuellement inférieurs aux prix de référence retenus dans leurs budgets respectifs. La situation pourra donc compromettre les efforts considérables qui ont été faits dans le <a href="https://www.financialafrik.com/2020/01/06/le-fmi-recommande-plus-de-restriction-economique-aux-pays-de-la-cemac/">cadre des programmes d’ajustement structurel (PAS)</a>. En effet, en raison de la Covid-19, la région est particulièrement exposée aux risques croissants que le protectionnisme ou le régionalisme peuvent faire peser sur les chaînes d’approvisionnement (les étapes pour faire passer un produit ou le service de son état initial au client).</p>
<p><strong>Tableau : Impact de la Covid-19 sur les principaux indicateurs macroéconomiques des pays de la CEMAC (en %)</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368918/original/file-20201111-17-1hs4nj8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>L’influence chinoise</h2>
<p>Selon le <a href="http://french.mofcom.gov.cn/">ministère du Commerce</a> de la République populaire de Chine, en 2018 les flux d’investissements directs étrangers chinois (IDE) à destination de la CEMAC ont chuté de 103 millions de dollars par rapport à l’année 2017, où ils se sont élevés à 193 millions de dollars. Cela correspond à 0,14 % des IDE totaux chinois ou encore à 0,42 % des IDE totaux reçus par l’Afrique au cours de l’année écoulée. Autrement dit, en dépit de cette baisse, ces investissements jouent un rôle très important pour ces pays en raison du fait qu’ils s’attaquent aux faiblesses des infrastructures (routières, ferroviaires, barrages hydroélectriques.) même si le gap infrastructurel reste très large.</p>
<p>L’accent est mis sur la dette envers la Chine car en 2019, dans un rapport sur les prêts chinois qu’elle a co-rédigé, Carmen Reinhart, économiste en chef de la Banque mondiale <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/banque-mondiale-chine-afrique-nouvelle-donne-24-07-2020-2385476_3826.php">constate</a> que « 50 % des prêts de la Chine aux pays en développement ne sont pas déclarés au FMI ou à la Banque mondiale. Ces “dettes cachées” biaisent la surveillance des politiques, l’évaluation des risques et les analyses de viabilité de la dette ». Elle soutient par ailleurs qu’un endettement supérieur à 90 % du Produit intérieur brut peut entraîner une récession économique.</p>
<p><strong>Graphique 1. Comparaison de l’endettement de l’Afrique à l’égard de la Chine avec d’autres partenaires de la Chine (% PIB)</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368919/original/file-20201111-13-1uhkg37.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Dans l’absolu, le montant de ces prêts reste extrêmement faible – et ce, d’autant que cette somme est destinée à six pays. Cela étant, l’intérêt des investisseurs chinois pour les pays de la CEMAC décroît tendanciellement tout au long de la période 2003-2018. Les causes sont connues : les pays développés offrent des opportunités techniques. En effet, les firmes chinoises n’apportent pas grand-chose aux pays de la CEMAC en termes de transferts de technologie. Il est dans l’intérêt de ces firmes d’utiliser les technologies les moins techniques pour avoir le plus de main-d’œuvre bon marché possible.</p>
<h2>La Chine, créancier majeur de la région CEMAC</h2>
<p>La Chine est devenue un créancier majeur des pays de la CEMAC. <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/05/14/l-afrique-sous-la-menace-du-surendettement-effet-pervers-des-prets-chinois_5298844_3212.html">Près de 70 %</a> de la dette publique bilatérale camerounaise sont détenus par Pékin. En 2014, la République du Congo a subi de plein fouet <a href="https://trends.levif.be/economie/politique-economique/au-congo-brazzaville-l-argent-chinois-tombe-sur-un-os/article-news-1128407.html">« une chute très brutale des cours de pétrole, liée paradoxalement au ralentissement chinois »</a>. Ce qui s’est traduit par une explosion de son endettement à 110 % du PIB en 2017, dont plus d’un tiers détenu par la Chine, soit environ 2 milliards de dollars, selon la <a href="https://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Chine">COFACE</a>. Près de 3,15 milliards dollars de dette congolaise sont détenus par Pékin (35 % de l’endettement total de Brazzaville, évalué par le FMI à 9 milliards de dollars, soit 90,2 % du PIB du pays). La Chine, a néanmoins accepté, le 29 avril 2019, de restructurer la dette publique congolaise.</p>
<p>Les prêts à la zone CEMAC représentent 10 % du total des prêts octroyés aux gouvernements et entreprises publiques en Afrique subsaharienne par la Chine sur la période 2000‑2017. Les prêts accordés par la Chine sont <a href="https://static1.squarespace.com/static/5652847de4b033f56d2bdc29/t/58ac91ede6f2e1f64a20d11a/1487704559189/eastern+promises+v4.pdf">facilités</a> par des partenariats commerciaux étroits, l’attribution de marchés publics ou de concessions pétrolières et minières. Les taux d’intérêt des prêts octroyés par des banques publiques chinoises (Exim Bank, China Development Bank) sont souvent conditionnés par une exécution chinoise du projet financé ; et un tiers des prêts sont garantis par des produits d’exportations (pétrole et minerais).</p>
<p><strong>Graphique 2 : Prêts accordés par la Chine aux pays de la CEMAC (en millions de dollars)</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368920/original/file-20201111-23-3w3zqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<h2>Le positionnement des pays de la CEMAC</h2>
<p>Il y a effectivement des défis majeurs, notamment pour les pays de la CEMAC les plus fragiles, allant du moratoire à l’annulation de la dette. L’endettement pourrait favoriser le développement des pays de la région. Mais les retombées sur l’économie de l’endettement à l’égard de la Chine dépendront fortement de la capacité des pays d’Afrique centrale à adopter une stratégie leur permettant de tirer profit de cette dette.</p>
<p>Les pays de la CEMAC sont très dépendants de la Chine et restent exposés aux changements de la demande chinoise ou à un retour à la baisse du prix des matières premières, en particulier des métaux. N’en déplaise à certains dirigeants, il faut se garder d’être trop dépendant du financement de la Chine, au risque de devenir vulnérables aux variations de sa politique extérieure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fred Eka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie de Covid-19 exacerbe les inquiétudes sur la soutenabilité de la dette des pays d'Afrique centrale envers la Chine.Fred Eka, Enseignant-chercheur, University of DoualaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1382732020-05-19T20:46:54Z2020-05-19T20:46:54ZCovid-19 : premiers enseignements de télétravail dans les PME gabonaises, congolaises et camerounaises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334127/original/file-20200511-31175-1azlebp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=56%2C0%2C6240%2C4156&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p><em>Les citations dans le présent article proviennent des interviews recueillies dans le cadre d’un travail de recherche empirique commencée dès le début de la crise du Covid-19.</em></p>
<hr>
<p>Face à la pandémie du Covid-19, les PME d’Afrique centrale, qui ne bénéficient presque d’aucune aide étatique, doivent appliquer les mesures sanitaires « barrières » tout en assurant leur survie économique. Pour y parvenir, elles se mettent à la « mode » du télétravail, en espérant bénéficier de la <a href="https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/deloitte-afrique-francophone/articles/barometre-maturite-digitale-organisations-africaines.html">digitalisation progressive entamée en Afrique depuis plusieurs années</a>).</p>
<p>Comment réussir cette démarche dans un contexte d’impréparation, de limite énergétique, technologique et législative ? Et comment tirer parti du fort potentiel africain en matière de transformation digitale, malgré un taux de pénétration d’Internet qui <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2019/10/17/achieving-broadband-access-for-all-in-africa-comes-with-a-100-billion-price-tag">culmine à peine à 25 %</a>.</p>
<h2>Qu’est-ce que le télétravail ?</h2>
<p>S’il n’existe <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_dialogue/---sector/documents/publication/wcms_531115.pdf#page=13">pas de consensus sur la définition du télétravail</a>, il est possible de considérer que le télétravail est un travail effectué hors du lieu de travail habituel du salarié, mais connecté à celui-ci par les technologies de l’information et de la télécommunication. Il est présenté depuis plusieurs décennies, notamment par plusieurs rapports de l’Organisation internationale du travail, <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_142698/lang--fr/index.htm">comme un levier de développement des PME africaines</a>.</p>
<p>Pour aider celles qui n’y étaient pas préparées, à l’instar des PME africaines, l’OIT met à contribution Jon Messenger, l’un de ses meilleurs experts. Dans une <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/multimedia/video/institutional-videos/WCMS_738734/lang--fr/index.htm">vidéo publiée le 16 mars</a> 2020 il détaille « les 5 choses à savoir pour un télétravail efficace ». Ce sont :</p>
<ul>
<li><p>un soutien et un accompagnement managérial au niveau de la direction jusqu’aux agents de maîtrise ;</p></li>
<li><p>la détention des outils technologiques appropriés et la formation des salariés à leur utilisation ;</p></li>
<li><p>la fixation claire, dès le départ, des résultats attendus et des conditions de télétravail (horaires de connexion du salarié, moment où il peut être contacté, contractualisation du télétravail) ;</p></li>
<li><p>la flexibilité des horaires ;</p></li>
<li><p>un cadre de travail adéquat, des frontières clairement définies entre la vie privée et la vie professionnelle, ainsi que le droit à la déconnexion pour pouvoir se reposer et se détendre.</p></li>
</ul>
<h2>Les conditions de succès du télétravail dans les pays d’Afrique subsaharienne</h2>
<p>Dans le cadre de missions de consultation auprès d’une PME spécialisée dans la formation professionnelle en entreprise présente dans la sous-région Afrique centrale avec un effectif global de près de 200 salariés, nous avons eu l’opportunité de suivre et de co-piloter le déploiement d’un vaste système de télétravail, dès les premières heures de la pandémie du Covid-19. Les actions ont été menées au profit de cette entreprise camerounaise et de ses filiales du Gabon et du Congo. Bien que le processus soit toujours en cours, certains éléments remontent comme déterminants pour le succès du télétravail en Afrique subsaharienne francophone.</p>
<p>Toute situation de changement organisationnel est complexe et il faut, pour en assurer la réussite, prendre en compte les <a href="https://www.cairn.info/revue-@grh-2011-1-page-73.htm">spécificités socioculturelles</a>. L’Afrique est une société de communautés où le <a href="https://www.cairn.info/l-afrique-des-individus--9782865377589-page-7.htm">travail individualisé suscite des appréhensions</a>. Il convient donc d’accompagner les télétravailleurs de façon précise car beaucoup de PME s’y sont lancées brusquement et sous la contrainte du Covid-19. Une recherche sur la fréquence de recherche du mot-clé « télétravail sur le moteur de recherche Google montre par exemple qu’il a connu une explosion <a href="https://trends.google.fr/trends/explore?date=today%203-m&geo=CM&q=teletravail">au Cameroun</a> les premiers jours après l’annonce par le gouvernement des mesures de confinement.</p>
<p>Le concept étant nouveau pour les PME, il faut identifier les sources d’inquiétude liées à la situation et à la méthode de travail à distance. Ce soutien managérial est facilité par le contexte social qui « fait injonction » et qui brise les freins à l’adoption du télétravail. L’un des collaborateurs d’une PME au Gabon affirme à cet égard :</p>
<blockquote>
<p>« La situation l’imposait, on ne souhaitait pas travailler à domicile, mais tout le monde le fait… nous on s’y accommode. On n’a pas le choix […]. Une autre limite du télétravail en Afrique est l’absence de chaleur humaine et de fraternité, dans une société qui préfère la communauté aux individualités. »</p>
</blockquote>
<h2>Quelques pistes d’amélioration</h2>
<p>Pour que le télétravail soit efficace, la PME doit disposer d’éléments de connectivité suffisants, ainsi que d’une bonne formation et d’un encadrement des télétravailleurs.</p>
<ul>
<li><strong>La maîtrise des moyens technologiques et de communication numérique</strong></li>
</ul>
<p>Étant donné leurs moyens limités et un système de fonctionnement quasi informel, les PME africaines, même hors crise, <a href="https://www.strategie-aims.com/events/conferences/30-xxviiieme-conference-de-l-aims/communications/5284-le-digital-dans-la-formation-de-la-performance-des-petites-et-moyennes-entreprises-des-pays-en-voie-de-developpement/download">n’ont pas suffisamment digitalisé leurs procédures internes</a>. On constate donc une faible maîtrise des outils numériques de travail à distance par les télétravailleurs et leurs encadreurs. Au Gabon, par exemple, l’un des salariés inquiets au sujet du télétravail s’interroge : « Comment vais-je travailler à domicile avec des outils numériques jamais pratiqués en entreprise ? ». Interviewée par le quotidien national camerounais <em>Cameroun Tribune</em>, une <a href="https://www.cameroon-tribune.cm/article.html/31623/fr.html/teletravail-difficile-accommodation">salariée d’une PME locale affirme</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La plupart de mes collègues n’ont pas d’ordinateur portable. Après les premiers essais sur d’autres plates-formes, notamment Google Plateforms, on a abandonné. Pour travailler sur cet espace, il faut une bonne connexion Internet et une bonne Ram, sinon ça traîne et c’est pénible. »</p>
</blockquote>
<ul>
<li>**La contractualisation du télétravail : non à l’arbitraire</li>
</ul>
<p>Il règne très souvent au sein des PME africaines un <a href="https://www.cairn.info/revue-congolaise-de-gestion-2019-2-page-154.htm">climat de méfiance</a>. Dans le cas du Cameroun, des <a href="https://www.agrh.fr/assets/actes/2008ngokevina.pdf">études</a> <a href="http://www.airmap.fr/wp-content/uploads/2018/06/GMP2009_8.1_Bakiti.pdf">sur la motivation des salariés</a> ont montré que pour qu’ils soient efficaces, il leur faut une forte dose de contrôle. Dès lors, comment contrôler le travail hors des murs de l’entreprise ? Comment évaluer la performance des collaborateurs ?</p>
<p>Notre travail exploratoire a montré que l’une des solutions est de contractualiser tous les éléments liés au télétravail. L’employeur doit clairement définir les horaires de travail à domicile, les moments de connexion, les moments de pause, la méthode d’évaluation et les limites entre vie privée et vie professionnelle. Il lui faut aussi préciser à l’avance les indicateurs qui serviront à évaluer la performance du travail à domicile. Cette contractualisation permettra de créer un climat de confiance entre les télétravailleurs et les responsables de PME.</p>
<ul>
<li><strong>Les conditions de travail à domicile (Internet, coupures d’électricité, promiscuité)</strong></li>
</ul>
<p>« … OK, même si j’avais un ordinateur et Internet à domicile, comment faire avec les coupures d’électricités quotidiennes ? », nous confie Sandrine salariée d’une micro finance au Gabon.</p>
<p>Au regard des grilles salariales, il est logique de constater que les domiciles des collaborateurs des PME africaines ne sont pas convenablement équipés de dispositifs numériques leur permettant de débuter en urgence le télétravail. De plus, contrairement aux bâtiments des compagnies qui possèdent pour la plupart des groupes électrogènes pour faire face aux récurrentes coupures et délestages électriques, les télétravailleurs n’ont pas de solutions personnelles en énergie alternative.</p>
<p>Cela pose de gros soucis d’efficacité du télétravail dans les PME au Congo, Gabon et Cameroun. Enfin, les familles élargies et les logements exigus entraînent une promiscuité qui anéantit quasiment tous les efforts visant à garantir un travail efficient à distance. Pour y remédier, il faut que l’entreprise contribue à l’aménagement d’un espace de travail dédié, adéquat au sein du domicile du télétravailleur.</p>
<ul>
<li><strong>Combler le vide juridique, légiférer en urgence</strong></li>
</ul>
<p>Les États d’Afrique centrale francophone doivent prendre leurs responsabilités en légiférant et en encourageant les politiques de télétravail. Le vide juridique actuel ne crée pas un climat de confiance entre les télétravailleurs et leurs entreprises. En formalisant et en légalisant le travail à distance, les États africains pourront mettre leurs citoyens et leurs entreprises en position de force sur un marché mondial qui, grâce aux outils technologiques, n’a plus de frontières géographiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138273/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martial Kadji Ngassam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Afrique centrale comme ailleurs, le confinement a imposé le recours au télétravail. Or les PME de ces pays et leurs employés rencontrent de nombreuses difficultés en la matière>.Martial Kadji Ngassam, Enseignant-chercheur, ESSEC de DoualaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1276412019-12-19T17:53:23Z2019-12-19T17:53:23ZRéussir la réforme de la zone franc africaine<p>La zone franc africaine est composée de 14 pays de l’Afrique subsaharienne. Huit appartiennent à la zone de l’Union économique ouest-africaine (<a href="http://www.uemoa.int/fr/presentation-de-luemoa">UEMOA</a>) : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Les six autres – le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad – relèvent de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (<a href="http://www.cemac.int/">CEMAC</a>). Depuis quelques années, cette <a href="https://www.banque-france.fr/economie/relations-internationales/zone-franc-et-financement-du-developpement/presentation-de-la-zone-franc">zone franc</a> est contestée de manière récurrente. Le débat sur la question, fortement contrôlé jusqu’au <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2012-2-page-91.htm">début des années 2000</a>, échappe désormais aux milieux académiques et aux cercles politiques ; toutes les composantes des sociétés africaines s’en emparent.</p>
<p>Aujourd’hui, une réforme concertée s’impose, quel que soit le scénario envisagé : rupture totale de la zone franc ou éclatement en deux zones autonomes entre, d’une part, la CEMAC et, d’autre part, la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, qui englobe tous les pays de l’UEMOA, ainsi que huit autres pays dont le Nigeria et le Ghana), qui a pour projet de <a href="https://www.jeuneafrique.com/797131/economie/eco-future-monnaie-unique-de-la-cedeao-les-chefs-detat-maintiennent-lobjectif-de-2020/">créer une nouvelle monnaie unique appelée « eco » dès 2020</a>. Une chose est sûre : toute réforme devra accroître ou, au moins, sauvegarder les acquis de cette expérience de coopération monétaire, tout en y apportant les aménagements nécessaires.</p>
<h2>Éviter au moins deux pièges</h2>
<p>La future réforme devra échapper à deux pièges majeurs, liés à des perceptions déformées de la réalité.</p>
<p>La première déformation est relative au <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01391233/document">compte d’opérations</a> ouvert dans les livres du <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/qui-sommes-nous">Trésor français</a> où sont aujourd’hui logées 50 % des réserves de change des États membres. En effet, il n’est pas tout à fait exact de dire qu’une <a href="https://journals.openedition.org/interventionseconomiques/5466">dénonciation des accords de coopération monétaire</a> permettrait de recouvrer ces réserves et de les affecter à d’autres projets prioritaires. Car, en réalité, les pays africains assurent eux-mêmes la convertibilité de leur monnaie. La garantie française ne joue que si une union monétaire (UEMOA ou CEMAC) est globalement déficitaire. Et quand les risques se sont accrus en 1993 et le déficit est devenu global et intenable, la France a contraint les pays de la zone à accepter la <a href="https://www.herodote.net/11_janvier_1994-evenement-19940111.php">dévaluation en 1994</a>, pour ne pas avoir à être mise à contribution.</p>
<p>La seconde déformation est l’idée selon laquelle l’<a href="https://www.bceao.int/fr/content/histoire-du-franc-cfa">arrimage depuis 1999</a> à l’euro, monnaie forte, rend le franc CFA surévalué, ce qui obère la compétitivité à l’exportation et limite de facto les possibilités de transformation structurelle et d’industrialisation des pays africains.</p>
<p>Trois explications limitent toutefois la portée d’une telle critique. Premièrement, le commerce de la plupart des pays africains souffre plutôt d’une compétitivité hors prix. C’est le cas, par exemple, des <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/january-2006/de-nouveaux-obstacles-au-commerce-de-l%E2%80%99afrique">barrières non tarifaires</a> imposées à l’entrée des marchés des pays industrialisés vers lesquels ils exportent.</p>
<p>Deuxièmement, l’observation de la structure du commerce et de son positionnement sur les chaînes de valeur régionales et internationales montre que les <a href="https://www.lepoint.fr/economie/matieres-premieres-marches-financiers-le-chainon-manquant-pour-l-afrique-20-04-2018-2212200_28.php#">pays africains sont price-takers (preneurs de prix)</a> sur les marchés des matières premières. Ainsi, les fluctuations du taux de change semblent jouer sur la profitabilité des entreprises exportatrices plus que sur leur compétitivité.</p>
<p>Troisièmement, ces pays souffrent structurellement d’un grave <a href="https://www.bceao.int/sites/default/files/2019-03/Balance%20des%20paiements%20et%20position%20ext%C3%A9rieure%20globale%20r%C3%A9gionales%20de%20l%27UEMOA%20-%202017.pdf">déséquilibre des balances courantes</a>, compte tenu du volume croissant des importations, y compris dans le secteur agricole pour <a href="http://www.fao.org/3/ca4526en/ca4526en.pdf">l’importation de denrées alimentaires</a> et des intrants industriels.</p>
<p>On le voit, il y a un « piège historique » à vouloir justifier la pertinence et l’urgence d’une réforme en se fondant uniquement sur des arguments symboliques de « décolonisation monétaire ».</p>
<p>Toutefois, de nombreuses études, comme celle de <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/205014/why-nations-fail-by-daron-acemoglu-and-james-a-robinson/">Daron Acemoglu et James A. Robinson</a>, montrent qu’une réforme équilibrée peut être envisagée.</p>
<h2>Quel consensus autour d’un régime de change optimal ?</h2>
<p>Il faut se rappeler que le franc CFA existe <a href="https://www.bceao.int/fr/content/histoire-du-franc-cfa">depuis plus de 70 ans</a> et que son usage est ancré dans les habitudes des agents économiques. C’est pourquoi toute tentative d’évolution devrait être prudente et consensuelle.</p>
<p>La volonté politique est indispensable pour garantir la réussite de la réforme. Selon toute vraisemblance, c’est la condition la plus difficile à remplir. Le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-france-ouverte-a-une-reforme-ambitieuse-du-franc-cfa-20191011">assuré</a> que la France était ouverte à une « réforme ambitieuse » du FCFA, tout en précisant qu’il revenait aux chefs d’État africains d’en décider. Mais compte tenu de la relation spéciale, parfois qualifiée de néo-coloniale, qui la lie à ses anciennes colonies, la liberté des chefs d’État d’aller vers une réforme sérieuse serait limitée. Ce qui explique, sans doute, que les positions officielles des chefs d’État de la zone franc <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-50348541">ne sont pas clairement connues</a>.</p>
<p>Choisir un <a href="https://www.cairn.info/les-taux-de-change--9782707173591-page-78.htm">régime de change</a> est difficile pour un pays en développement en raison de l’influence de ce choix sur la structure de prix et de ses multiples impacts financiers, économiques et sociaux. La réflexion doit donc permettre de définir un régime de change qui concilie stabilité et flexibilité. Ce rôle d’ancrage que joue le taux de change paraît particulièrement utile dans les pays en développement, où la difficulté d’équilibrer les finances publiques incite à la création monétaire à travers les avances aux États (financement du déficit budgétaire par la Banque centrale à travers une avance au Trésor).</p>
<p>Le choix d’une dose de flexibilité doit reposer sur des réponses claires à deux questions difficiles : quelle est la nature des chocs auxquels les économies sont confrontées ? Et quelle en est l’ampleur ?</p>
<h2>Améliorer les modalités de financement de l’économie</h2>
<p>Deux aspects doivent être examinés à cet égard : la politique monétaire d’une part et le développement des marchés financiers d’autre part. La politique monétaire doit encore évoluer pour rompre avec le <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2014/03/pdf/basics.pdf">tournant quantitativiste et monétariste</a> pris dans les années 1970 et renforcé dans les années 1990, avec les plans d’ajustement structurel qui ont conduit à poser comme norme une austérité permanente et une quasi-obsession de la recherche d’un équilibre qui s’est révélé purement récessif.</p>
<p>Une caractéristique des économies émergentes bien reconnue aujourd’hui est la profondeur et le dynamisme de leur marché des capitaux, qui facilitent la mobilisation de l’épargne longue indispensable pour le financement des infrastructures lourdes.</p>
<p>Les pays de la zone franc devraient promouvoir le développement d’une intermédiation financière inclusive, diversifiée dans l’offre de ses services, dynamique, capable d’apporter une solution optimale au financement de long terme.</p>
<p>Au sein de la CEMAC, la <a href="http://www.cemac.int/sites/default/files/ueditor/55/upload/file/20190720/1563620202756703.pdf">fusion des bourses</a> actée par les chefs d’État participe de la réalisation de cet objectif. La <a href="https://www.brvm.org/">bourse de valeurs mobilières</a> de l’UEMOA, après avoir subi sa mue, évolue – certes lentement – vers une dynamisation de ses activités. Mais il convient de relever que l’interdépendance des marchés financiers et l’objectif de stabilité financière assigné à la Banque centrale réduisent de plus en plus la souveraineté des États et invitent à plus de rigueur dans la gouvernance.</p>
<h2>La qualité des institutions au cœur du succès de la réforme</h2>
<p>Les doutes qui subsistent toujours quant à la capacité des pays de la zone franc à gérer de manière autonome leur monnaie sans se passer de la présence tutélaire de la France sont souvent justifiés par les risques de dérapage qui résulteraient d’une émission excessive de monnaie en se référant à l’exemple de la <a href="https://www.bbc.com/afrique/region/2015/06/150608_zimbabwe_dollar">« dollarisation » du Zimbabwe</a> et de la <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2005-2-page-41.htm">République démocratique du Congo</a>. Ces doutes sont encore confortés par les difficultés qu’éprouvent régulièrement ces pays pour définir et conduire des politiques économiques sans l’accompagnement des institutions de Bretton Woods.</p>
<p>Il apparaît finalement qu’un des grands chantiers qui conditionnent la réussite de la réforme de la zone franc repose sur la capacité des États à se doter d’administrations publiques solides capables de favoriser le développement économique. Cette réforme dépend donc, avant tout, de la volonté des chefs d’État africains, plus que de celle de la France. Et, naturellement, elle doit être animée par des hommes et des femmes compétents, motivés et désintéressés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127641/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Désiré Avom ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est grand temps de réformer le franc CFA. Mais à quoi cette réforme tant attendue devrait-elle ressembler ?Désiré Avom, Professeur d'économie, Université de DschangLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1097762019-01-15T20:08:01Z2019-01-15T20:08:01ZAlgérie, Gabon : le pouvoir de l’absent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253836/original/file-20190115-152995-ceqmo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1196%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Abdelaziz Bouteflika à Alger, le 23 novembre 2017, lors des élections locales.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ryad Kramdi/ AFP</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Je ne prétends point être là, ni survenir à l’improviste, ni paraître en habits et chair, ni gouverner par le poids visible de ma personne.<br>
Ni répondre aux censeurs, de ma voix ; aux rebelles, d’un œil implacable ;<br>
aux ministres fautifs, d’un geste qui suspendrait les têtes à mes ongles.<br>
Je règne par l’étonnant pouvoir de l’absence. Mes deux cent soixante-dix palais tramés<br>
entre eux de galeries opaques s’emplissent seulement de mes traces alternées.<br>
Et des musiques jouent en l’honneur de mon ombre ; des officiers saluent mon siège vide… » (Victor Segalen, <a href="https://www.steles.net/">« Stèles »</a>)</p>
</blockquote>
<p>Certains pays africains sont aujourd’hui dirigés par des leaders qui brillent par leur absence, et nombreux sont les citoyens africains qui doivent se contenter d’un pouvoir présidentiel incarné par des hommes quasi-fantomatiques, dont les incursions médiatiques s’apparentent à une collection de « rares apparitions ».</p>
<h2>Le Gabon sous l’emprise de la rumeur</h2>
<p>Au Gabon, depuis le 24 octobre dernier, le président a quasi disparu de la vie politique depuis son accident vasculaire cérébral qui peine à être reconnu officiellement. Une vidéo diffusée le 4 décembre a levé partiellement le doute présent dans la tête de nombreux Gabonais que leur président était mort. Dans ce petit film, tourné face caméra, nous pouvons observer le roi du Maroc, Mohammed VI, et de profil Ali Bongo Ondimba, président du Gabon, assis à la gauche de son ami durant « trente seconde d’images coupées et montées » selon TV5 monde. Cette « preuve de vie » sans gros plan sur le président, non sonorisé, montre un homme capable de décoller son dos du fauteuil dans lequel il est assis, de porter un verre de lait à sa bouche avec sa main gauche.</p>
<p>Très dernièrement une nouvelle vidéo, cette fois sonorisée, « preuve de voix », met en scène le président Ali Bongo prononçant ses vœux pour l’année 2019 dans un discours dont les réseaux sociaux ont dénoncé la brièveté et de nombreuses anomalies comme une élocution peu claire, une main droite inerte, des yeux fixes et divergents…</p>
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<p>De nombreux Gabonais continuent néanmoins de penser que leur président est mort, qu’il s’agit de sosies, de montages et/ou que, s’il s’agit de lui, son état de santé ne lui permet plus de diriger le pays. Pourtant, la Cour constitutionnelle gabonaise a prononcé l’indisponibilité temporaire de son président et non la vacance du pouvoir, décision qui déclencherait un processus irréversible de transition.</p>
<h2>Bouteflika invisible depuis mars 2018</h2>
<p>De leur côté, les Algériens sont dans l’attente d’une déclaration qui annoncerait la candidature de leur président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat consécutif aux élections d’avril prochain. Dans les cérémonies officielles, comme dans les discours des membres du gouvernement, les représentations du chef de l’État Bouteflika se sont imposées peu à peu dans le paysage médiatique, comme pour faire oublier son absence physique.</p>
<p>Il faut dire que depuis 2013, date à laquelle il a été affaibli par un AVC, la résidence présidentielle de Zéralda est devenue une véritable forteresse. <a href="https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/police-secrete-gouverne-toujours-lAlgerie-2018-04-03-1200928638">Selon le sociologue Mohammed Hachemaoui</a>, plus que le « clan Bouteflika », c’est la police politique qui contrôle désormais la situation et commande le pays. En effet, le président n’assure plus aucune activité protocolaire et aucune image officielle n’a été diffusée depuis le 9 avril 2018, date à laquelle il a été vu à Alger à l’inauguration de la mosquée Ketchaoua et de l’extension du métro.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"719232121869623297"}"></div></p>
<p>Il y apparaît dans un fauteuil roulant très affaibli et apathique. La photographie tweetée par Manu Valls en avril 2016, suite à sa rencontre avec le président Bouteflika, avait choqué de nombreux Algériens et ce, à raison, car elle présentait un vieil homme affaibli, le regard vitreux, la bouche ouverte face à un premier ministre fringant et dynamique.</p>
<h2>A Alger, les services au pouvoir</h2>
<p>L’article 88 de la Constitution prévoit la destitution éventuelle du président s’il n’est pas en mesure d’exercer ses fonctions « pour cause de maladie grave et durable ». Le Conseil constitutionnel doit proposer à l’unanimité au Parlement de « déclarer l’état d’empêchement ». Mais, concrètement, la mise en place de cette disposition est peu probable car une partie des membres du Conseil constitutionnel sont des proches du pouvoir et ils empêchent toute décision à l’unanimité.</p>
<p>Dans la réalité, le pouvoir politique est occupé par le DRS et notamment le général de corps d’armée Mohamed Liamine Mediene <a href="https://www.observalgerie.com/actualite-algerie/la-une/said-bouteflika-et-general-toufik-comment-se-joue-lavenir-de-lalgerie-en-coulisse/">alias « Toufik »</a> jusqu'en 2015. Sous son impulsion, Ahmed Ouyahia a été nommé directeur de cabinet de la présidence en 2014, puis premier ministre, alors que ses relations avec Abdelaziz Bouteflika étaient tendues de longue date.</p>
<p>De même, Abdelmoumen Ould Kadour, le PDG (depuis avril 2018) de la Sonatrach (la société nationale des hydrocarbures) et le ministre des Mines Youcef Yousfi, sont très liés au DRS.</p>
<p>Au Gabon, le secteur pétrolier a été pendant des décennies un enjeu soigneusement partagé avec les firmes françaises comme Total. Ali Bongo a quelque peu diversifié ses partenaires étrangers en travaillant avec Olam, firme singapourienne dans l’agroalimentaire, Honest Timber partenaire chinois dans l’exploitation forestière et avec l’Inde par le biais de Manganese Ore India Limited (MOIL) dans l’extraction minière, tout en maintenant une place de choix aux firmes françaises dans de nombreux secteurs.</p>
<h2>La continuité de systèmes de prévarication</h2>
<p>Ainsi, au Gabon comme en Algérie, le pouvoir présidentiel est incarné par des corps dont les facultés intellectuelles ne sont plus évaluables par les citoyens, comme si leur présence physique suffisait à assurer le fonctionnement politique du pays.</p>
<p>En réalité, cette présence/absence, [ces « immobilités problématiques », assurent seulement la continuité d’un système solidement ancré de prévarication et de corruption, la pérennité de réseaux qui gèrent les affaires politiques et économiques des pays en question qui ont en commun de détenir des gisements d’hydrocarbures très prisés à l’international.</p>
<p>Les enjeux sont de taille pour que ces hommes, avec ou sans leur accord formel, soient montrés dans un état physique que tout individu souhaiterait voir réservé au domaine du privé et de l’intime. Ainsi pour pallier la défaillance annoncée comme temporaire de leurs présidents, certaines personnalités assurent l’intérim et la continuité en attendant un successeur conforme aux intérêts des cercles concernés comme évoqué dans le cas algérien.</p>
<p>Au Gabon, un dispositif analogue est à l’œuvre : le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/08/au-gabon-interrogations-et-rumeurs-en-l-absence-du-president-ali-bongo_5406266_3212.html">colonel Frédéric Bongo</a>, demi-frère d’Ali Bongo, Directeur général des services spéciaux de la Garde républicaine, unité de l’armée nationale, est en charge de la sécurité du pays et des intérêts du « clan familial » au pouvoir depuis 1968 – si tant est que les deux soient compatibles.</p>
<p>Ce dernier entretient des rapports très tendus avec le directeur de cabinet présidentiel, Brice Laccruche Alihanga, chargé avec le premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, qui gèrent les affaires politiques et financières courantes. Alihanga peut compter sur le soutien de Sylvia Bongo, la femme du président. Une troisième personnalité, Marie Madeleine Mborantsuo, la présidente de la Cour constitutionnelle, tient dans sa manche la possibilité d’invoquer l’article 13 qui confierait à certains responsables des prérogatives exceptionnelles.</p>
<h2>Ali n’est pas Abdelaziz</h2>
<p>Cependant, le coup d’État avorté du 7 janvier dernier, analysé par certains Gabonais sur les réseaux sociaux comme une mise en scène destinée à renforcer la main mise sur le pays des dirigeants actuels, laisse présager que cet état de fait sera compliqué à pérenniser au Gabon, <em>a contrario</em> de l’Algérie.</p>
<p>Abdelaziz Bouteflika n’est pas Ali Bongo : il est un leader historique, membre du FLN, arrivé au pouvoir en 1999 à la fin de la décennie marquée par la guerre civile qui a opposé l’armée aux islamistes. Il incarne le retour à la stabilité, l’artisan de la réconciliation, là où Ali Bongo reste le « mal-aimé » sur lequel repose de nombreuses rumeurs. Il reste dans une large partie de l’opinion publique gabonaise celui qui a volé par deux fois la victoire électorale à l’opposition en 2009 et en 2016.</p>
<p>Son retour à Libreville de Rabat a été annoncé dans la nuit de lundi à mardi dernier, à bord d’un avion marocain, pour assister à la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres. Pour l’instant, aucune image n’a filtré de sa descente d’avion ni de la cérémonie au palais présidentiel, où seule la presse officielle était tolérée. </p>
<p>Pourtant, les journalistes relaient cette information sans véritablement questionner cet état de fait, alors que nombreux Gabonais y voit une « mascarade » de plus. Ce nouvel épisode marque la nécessité impérieuse pour les autorités gabonaises de faire revenir médiatiquement le Président absent, même si sa présence reste totalement comme virtuelle. Quitte à alimenter le sentiment de nombreux gabonais d’être otage d’une situation.</p>
<p>Gouverner par l’absence dans la durée n’est pas donné à tous les leaders.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karine Ramondy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux sont de taille pour que des hommes, avec ou sans leur accord formel, soient montrés dans un état physique que tout individu souhaiterait voir réservé au domaine du privé et de l’intime.Karine Ramondy, Docteure en Histoire, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1090332018-12-21T00:01:07Z2018-12-21T00:01:07ZRégime du faux et résistance, le Gabon d'Ali Bongo<p>Depuis le 24 octobre 2018, le Gabon retient son souffle, accroché aux péripéties d'un gouvernement affaibli par l'accident vasculaire cérébral dont a été victime le Président Ali Bongo Ondimba (alias «ABO»). Pendant que celui-ci est hospitalisé à Riyad (Arabie saoudite), le gouvernement se tait, avant de déclarer, le 28 octobre, que le chef de l'État souffre d'une «fatigue légère», puis « sévère ».</p>
<p>Le 4 décembre, une vidéo muette d'une trentaine de secondes, diffusée par la télévision marocaine et l'Agence France Presse, montre pour la première fois ABO vivant, recevant la visite du roi du Maroc. La scène se passe dans l'hôpital de Rabat, où Ali a été transféré entre-temps pour sa convalescence. Le lendemain, une autre scène présente le président du Gabon, toujours assis de profil, qui parle – ou plutôt acquiesce – aux salutations d'une délégation gouvernementale arrivée de Libreville, et dirigée par la présidente de la Cour Constitutionnelle gabonaise, Marie Madeleine Mboranstuo. Les deux scènes se déroulent sans aucun son. </p>
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<p>Ces images frappent l'opinion gabonaise de deux manières. D'une part, elles semblent prouver que le président Bongo n'est pas mort. Mais leur mise en scène maladroite paraît infirmer l'information. Pour les critiques, le subterfuge cache le fait qu'Ali Bongo est bel et bien incapable d'assumer ses fonctions, trahissant l'effort désespéré du gouvernement pour gagner du temps et conserver le contrôle du pays.</p>
<h2>Travestissements</h2>
<p>Le trou d'air créé par la vacance du chef de l'État a donc été aggravé par la gestion du gouvernement. La crise ressemble au mode de gouvernance subi par les Gabonais depuis 2009, parce qu'elle en révèle une caractéristique centrale: celui-ci repose sur un régime du faux. </p>
<p>Le silence remplace la transparence de l'information publique. Les apparences bonhommes d'une démocratie «à l'africaine» travestissent la main de fer de chef de l'État et de son entourage. La vitrine d'un pays pétrolier prospère tente de couvrir – mais mal – l'appauvrissement économique et social rampant. </p>
<p>En 2009, quand il a pris le pouvoir, le Président Ali avait pu se rêver jeune dynaste, oint par la filiation avec son père Omar, et guidant son pays dans «l'émergence» économique et politique. Mais il est rapidement devenu l'héritier – plus brutal et plus grossier – d'un pouvoir personnel et anti-démocratique, appuyé sur l'armée et la garde présidentielle, marqué par les cooptations politiques et la négation des urnes. </p>
<p>Ce régime des apparences trompeuses, où personne ne sait ce qui se passe, ni ce qui va se passer, a trouvé son expression parfaite dans ces vidéos muettes du 4 décembre. Présentées comme rassurantes, elles ont encore augmenté le flottement des esprits et des institutions.</p>
<h2>Ali le mal-aimé</h2>
<p>La première leçon de la vacance du pouvoir est la détestation populaire exprimée à l'encontre du Président. Mis à part quelques messes pour hâter sa guérison, la majorité des habitants du pays a laissé éclater (sous le manteau) une joie spectaculaire à l'annonce de la maladie d'ABO. Les témoignages de soulagement, d'ironie, voire de haine, abondent sur les réseaux sociaux. </p>
<p>A Libreville, un mois après la chute du Président, cette jubilation est canalisée dans des caricatures d'Ali tombé à terre, ou bien photoshoppé dans des scènes brutales de sodomie pratiquée par des hommes de son entourage, en particulier son directeur de cabinet, Maixent Accrombessi. </p>
<p>Elle s'explique par le soupçon, jamais dissipé depuis 2009, selon lequel le fils adoptif d'Omar Bongo serait un «étranger», soit par sa nationalité d'origine (il serait un orphelin de la guerre du Biafra de la fin des années 60), soit – symboliquement – par son appartenance aux cercles ésotériques réputés nécessaires à la conquête du pouvoir: Rose-Croix, <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/661758/politique/ali-bongo-ondimba-reelu-grand-maitre-de-la-grande-loge-du-gabon-mohamed-ould-ghazouani-retraite/">franc-maçonnerie</a>, Njobi. Ces cercles frappent l'opinion par leur nature cosmopolite, patriarcale et anti-chrétienne, et le fait qu'ils soient composés en majeure partie d'hommes qui seraient liés entre eux par un pacte de préservation du pouvoir à tout prix. </p>
<p>La rumeur accuse donc les élites politiques de pratiquer l'homosexualité rituelle comme garante de ces liaisons occultes. Un soupçon qui prend toute sa force dans un pays fortement chrétien et pentecôtiste, immergé dans les croyances au diable et aux sorciers.</p>
<h2>«Les Gabonais sont devenus peureux…»</h2>
<p>Mais il ne faut pas se tromper sur les fondements de ce rejet. S'il emprunte leur langage, il ne repose pas sur une simple xénophobie ou homophobie de principe. Si c'était le cas, il n'y aurait aucune légitimité au rejet populaire d'ABO. Or Ali Bongo n'a pas réussi à faire sien le pays. Celui que l'on appelle à mi-voix «l'autre» n'a que partiellement suivi la politique d'équilibre régional et ethnique de son père, préférant s'entourer d'une petite clique d'hommes sûrs, et affaiblir l'appareil du parti présidentiel, le PDG (Parti démocratique gabonais). Il s'est donc fait beaucoup d'ennemis dans son propre camp. </p>
<p>Ali a surtout cassé le lien avec les citoyens de son pays. D'abord par sa démesure: les représailles contre l'opposition à Port Gentil en 2009 et la sanglante répression de 2016, en particulier l'attaque violente du QG de Jean Ping, son rival, le 1<sup>er</sup> septembre. De nombreuses arrestations arbitraires ont suivi, ainsi que morts et disparitions inexpliquées. Cette brutalité, bien plus considérable et imprévisible que du temps «du père», où, comme on dit à Libreville, «ça allait encore», a frappé les imaginations. Un ami me confie:</p>
<blockquote>
<p>«Les Gabonais sont devenus peureux. Vingt morts dans un petit pays comme ça, c'est beaucoup, alors plus d'une centaine de morts…»</p>
</blockquote>
<p>L'exultation qui suivit l'annonce de l'AVC d'Ali Bongo dans les médias internationaux est aujourd'hui remplacée par l'angoisse. Les deux vidéos du 4 et 5 décembre ont atterré ceux qui commençaient à rêver d'une libération politique.</p>
<h2>La famille Bongo: «On ne veut plus le nom»</h2>
<p>Ouvert par la brèche de la maladie du Président, le rejet du régime s'étend bien au-delà de la personnalité d'Ali Bongo, jusqu'à sa parentèle de caciques placés aux commandes stratégiques de l'État. Si Ali tombe, les sources de tous bords à qui j'ai pu parler sur place pensent que les Bongo ne pourront pas se cramponner longtemps au pouvoir. Le sentiment vaut également pour l'entourage proche du Président, recruté en partie dans le Haut-Ogooué, région d'origine de la «Famille», et région électorale qui a fait basculer – par la manipulation éhontée des résultats – <a href="https://theconversation.com/cartographie-electorale-du-gabon-en-attendant-les-vrais-resultats-65237">les élections de 2016</a>. Ces chuchotements font planer un véritable sentiment de fin de régime à Libreville.</p>
<p>Fratrie tentaculaire, bien que petite en nombre, la Famille monopolise depuis cinquante ans (depuis l'avènement d'Omar Bongo en 1968) les positions à la tête de l'État. Sa particularité est d'être, au sens propre, une parentèle liée par des alliances politiques et matrimoniales. </p>
<p>La présidente de la Cour Constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, par exemple, fut la maîtresse d'Omar Bongo, lui même marié avec Edith, la fille de l'actuel président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso. Jean Ping, principal opposant d'Ali et son vainqueur présomptif aux présidentielles de 2016, a eu deux enfants illégitimes avec Pascaline Bongo, fille d'Omar et sœur d'Ali, et ancienne ministre des Affaires étrangères (1991-1994), et un enfant avec Marie-Madeleine Mborantsuo.</p>
<h2>Union sacrée pour garder le pouvoir</h2>
<p>Dans le contexte d'incertitude actuelle, et sans successeur désigné d'ABO, la peur de perdre le pouvoir a réuni les membres de la Famille dans une union sacrée, au moins temporaire. Outre le pouvoir, elle va tenter de protéger ses biens et privilèges, consciente des dangers à venir. Certains pensent même qu'en cas d'alternance politique, la haine populaire est telle qu'il est possible que la Famille subisse des tentatives de règlements de compte spontanés, voire des exécutions sommaires. </p>
<p>Si Ali survit, la Famille continuera donc sans doute à gouverner derrière la façade d'un Président, même en incapacité, du moment qu'il est suffisamment «vivant» pour donner l'illusion de la pérennité. Encore faut-il qu'elle résiste à ses divisions internes.</p>
<p>Si ABO tombe, son entourage pourra essayer de passer une alliance avec un nouvel homme fort, adoubé par le Parti démocratique gabonais (PDG). Mais le parti est réputé fragilisé et divisé, par les soins d'Ali lui-même, et par le départ de plusieurs membres importants dans l'opposition depuis 2016. </p>
<p>Frédéric Bongo, un des frères d'ABO, à la tête du service de renseignements gabonais, pourrait peut-être incarner la succession dynastique. Mais il n'a pas d'assise au PDG, et manque d'envergure politique. Frédéric Bongo peut néanmoins tenter un coup armé, <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20181116-gabon-opposition-vent-debout-contre-modification-constitution">ou constitutionnel, avec l'appui de Marie-Madeleine Mborantsuo</a>. Même si l'hypothèse n'est pas à écarter, beaucoup soulignent que l'armée est très affaiblie, par la volonté même d'Ali qui a coupé vivres et crédits.</p>
<p>L'un des symptômes du flottement que l'on peut ressentir aujourd'hui, à Libreville, est la présence plus ténue des forces de l'ordre. Dans la rue, on remarque peu les habituels barrages de police installés d'ordinaire pour contrôler les véhicules et leur soutirer des amendes. Certains se demandent si le gouvernement, privé du chef de l'État et du joug qu'il fait peser sur le pays, a voulu laisser la population souffler un peu. D'autres pensent, au contraire, que les troupes sont tapies dans l'ombre, prêtes à sortir en cas de révolte ou de coup.</p>
<h2>Oppositions et «Résistance»</h2>
<p>Quelle est la capacité de l'opposition à offrir une alternative au pouvoir vacillant? Il y a deux sortes d'opposition au Gabon. La première, déjà active durant les dernières décennies du régime d'Omar Bongo, est constituée d'hommes du pouvoir, «nourris» au PDG, qui décident avant les élections de quitter le parti et de se présenter indépendemment. Régulièrement battus, ces opposants opportunistes rentrent en général assez vite au bercail, avec force prébendes. </p>
<p>Le schéma incite une partie de l'opinion à soupçonner ces rivaux temporaires comme une stratégie du pouvoir pour affaiblir l'opposition et diviser les votes. Le dernier en date est <a href="https://www.jeuneafrique.com/644818/politique/legislatives-au-gabon-alexandre-barro-chambrier-il-a-manque-a-lopposition-la-volonte-dunite-qui-lanimait-en-2016/,%20acc%C3%A8s%2014%20d%C3%A9cembre%202018">Alexandre Barro-Chambrier</a> (Rassemblement héritage et modernité, RHM), un homme de la Côte (Myènè) donc hors Haut Ogooué, un «neutre» dont on murmure qu'il pourrait être l'homme providentiel cherché par la Famille au cas où Ali tombe. </p>
<p>Mais Chambrier a échoué à se faire élire à la députation lors des législatives du 6 et 27 octobre 2018, comme deux autres successeurs potentiels, Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, 48 ans, ex-énarque, et Guy Nzoumba-Ndama, 71 ans, ancien président de l'Assemblée nationale. L'un d'entre eux ne pourrait succéder à ABO qu'avec le soutien massif du PDG et la perpétuation de la fraude, <a href="https://theconversation.com/le-gabon-en-danger-de-mort-65061">devenue un élément constitutif des élections</a>. Dans cette configuration, échaudée par les manipulations de 2016, il n'est pas dit que la rue pourrait être contenue.</p>
<p>La deuxième forme d'opposition existe depuis 2016, quand Jean Ping (76 ans) a réussi, pour la première fois au Gabon depuis l'indépendance, à rallier ses rivaux autour de sa candidature unique aux présidentielles. Après la victoire frauduleuse d'ABO, Ping a persisté dans son refus du résultat électoral, et continue à se présenter comme le «Président élu» du Gabon. Il reste donc l'incarnation d'une opposition vertueuse, mais dans une posture d'expectative. </p>
<p>De l'avis général, si Ali Bongo mourait ou était déclaré incapable d'exercer le pouvoir, de nouvelles élections présidentielles seraient gagnées à tout coup par Ping, les Gabonais sautant sur l'occasion de rattraper la destruction de leur vote en 2016. Ceux qui soutiennent Ping, au Gabon et dans la diaspora en France et en Amérique du Nord, se rassemblent dans ce qu'ils nomment «la Résistance», radicale et riche de jaunes talents, mais dont il est difficile de mesurer la force d'impact au Gabon lui-même.</p>
<p>Ping a toutefois déçu certains de ces supporters, en partie par sa décision de respecter des règles institutionnelles qui se sont retournées contre lui (<a href="https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/gabon_moe_rapport_final_0.pdf">aboubement français de la victoire d'ABO et hésitations de la commission d'observation électorale de l'Union européenne</a>). Jusqu'à récemment, il avait refusé d'encourager un coup de force populaire contre le régime. Mais le 15 décembre, il a tenté d'organiser un large rassemblement populaire dans son QG à Libreville, autour d'un discours incendiaire: </p>
<blockquote>
<p>« Aujourd'hui, les temps ont changé… notre pays est au bord du gouffre… Après les négociations, c'est l'heure de la confrontation (…) Nous ici, on dit “ça passe et ça casse !‘… Je ne vous retiens donc plus!.»</p>
</blockquote>
<p>Il n'a cependant attiré que 300 à 400 manifestants, et a quitté rapidement le cortège avant que celui-ci ne soit dispersé par les forces de l'ordre. La grande manifestation syndicale qui devait se tenir le 18 décembre au carrefour de la Démocratie à Libreville a été également empêchée par la police. Le potentiel de Jean Ping à mobiliser les foules semble faible.</p>
<h2>Que va-t-il se passer maintenant ?</h2>
<p>La crise ouverte depuis deux mois par la maladie d'ABO est loin d'être résolue, malgré les déclarations gouvernementales sur le «retour à la normale». La Famille va chercher à consolider autant que possible la façade du gouvernement effectif d'Ali, resserrant les rangs et utilisant tous les moyens, au premier rang desquels la Cour Constitutionnelle, pour ne pas avoir à désigner un successeur au Président, et encore moins ouvrir une phase – périlleuse pour elle – d'élections. </p>
<p>L'opposition ne semble pas réussir pour l'instant à mobiliser les Gabonais dans la rue pour se saisir de l'occasion. A cela, plusieurs raisons: la faiblesse politique de la plupart des opposants, et l'usure palpable de la légitimité de Jean Ping. Mais il y a aussi la peur des Gabonais devant la probabilité d'une répression violente des mouvements de rue. </p>
<p>Tant qu'Ali Bongo ne sera pas mort ou empêché – et surtout certifié comme tel – les Gabonais savent aussi que la France, fidèle à son comportement historique de suzerain postcolonial, confortera un pouvoir qu'elle a aidé à se pérenniser, en 2016, en adoubant le candidat défait par les urnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109033/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Bernault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le silence sur l'état de santé réel du Président Ali Bongo reflète celui d'un pays aux apparences trompeuses.Florence Bernault, Professeur, University of Wisconsin-MadisonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/840892017-09-22T13:27:42Z2017-09-22T13:27:42ZLe rap, la vraie force politique du Gabon ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186874/original/file-20170920-10083-159sw2k.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le duo Movaizhaleine et Wendy lors d'un concert à la Boule Noire à Paris, exécutent une minute de silence en hommage aux disparus, février 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Silber Mba</span></span></figcaption></figure><p>Jeudi 17 août 2017, sur le bord de mer jouxtant la présidence, le Gabon célébrait ses 57 ans d’indépendance par la tenue d’un <a href="http://news.alibreville.com/h/74818.html">grand concert populaire</a> à Libreville. Comme à l’accoutumée, la communion nationale devait s’opérer par la fête et le divertissement.</p>
<p>Des stars de hip-hop avaient été invitées pour attirer la jeunesse : Ba’Ponga, Tris, Tina ou Ndoman du côté rap ; Unknown dimension et Scorpion pour les groupes de danse hip-hop ; Shan’l pour le RnB et l’afro-pop. L’affiche était alléchante.</p>
<p>Car la fête revêtait cette année un enjeu et un sens particuliers. Un autre anniversaire, moins festif, se profilait en effet. Le 27 août 2016, ce pays où <a href="https://theconversation.com/le-gabon-le-pays-ou-il-ne-se-passe-jamais-rien-64856">« il ne se passe jamais rien »</a> avait été plongé dans une crise sociopolitique <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/09/07/gabon-une-semaine-de-tensions-post-electorales_1488813">d’une rare violence</a> suite à la <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/09/09/presidentielle-gabonaise-comment-truquer-une-election-pour-75-000-euros_4995385_3212.html">victoire contestée d’Ali Bongo</a>.</p>
<p>Plus d’un an après, les conséquences sociales, politiques et économiques s’en <a href="http://www.jeuneafrique.com/depeches/468781/politique/gabon-un-an-apres-la-presidentielle-un-pays-en-situation-delicate/">ressentent encore</a>. Et se sont subtilement diffusées à travers la scène rap.</p>
<p>En effet, depuis une trentaine d’années, celle-ci est devenue au Gabon comme dans <a href="http://www.cairn.info.inshs.bib.cnrs.fr/revue-politique-africaine-2016-1-page-53.htm">d’autres États</a> du continent africain, le levier de constructions identitaires et de reconfigurations majeures des rapports au politique.</p>
<h2>Détour historique</h2>
<p>Dans les années 1990, de violentes manifestations et une grève généralisée dans tous les secteurs du pays avaient conduit à un blocage de l’administration, poussant le <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-2-page-126.htm">dictateur Omar Bongo, en place depuis 1967</a>, à organiser une conférence nationale qui permit de rétablir le multipartisme et de nouvelles libertés d’expression.</p>
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<figcaption><span class="caption">« African revolution » est l'un des premiers hits du duo V2A4, qui aborde clairement les pratiques de détournement des fonds publics.</span></figcaption>
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<p>C’est dans ce contexte d’embrasement populaire que les jeunes de Libreville s’emparent de la musique rap, s’inspirant des américains Public Enemy et N.W.A., ou encore des français NTM et Assassin (à propos du rap français, voir les travaux de <a href="https://surunsonrap.hypotheses.org/2860">Karim Hammou</a>), pour exprimer leur besoin d’évasion, de liberté et de changement, faisant fi de la censure qui prévalait jusqu’alors.</p>
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<figcaption><span class="caption">Si'Ya Po'Ossi X décrit avec crudité le quotidien des <em>mapanes</em>, ces zones urbaines pauvres où évoluent la majorité des habitants.</span></figcaption>
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<p>Toutefois, cette scène marginale et subversive ne rompt pas totalement avec les logiques d’interpénétration entre musique et politique qui ont cours depuis les années 60, période des indépendances africaines.</p>
<p>Ainsi, certains groupes de rap contestataires s’avèrent rattachés au « système », par des liens de parenté avec les élites politiques. V2A4 réunit par exemple le fils du ministre de l’Intérieur, proche parent du président Omar Bongo, et un enfant d’un homme d’affaires local, tous deux étudiants en France et bénéficiant des largesses financières du « système ».</p>
<p>Cette compromission est dénoncée par Si’Ya Po’Ossi X, qui revendique sa mission de défense des classes populaires, notamment dans le titre <a href="https://www.youtube.com/watch?v=APwsC9DKtVA%22">« Feu sur la concurrence »</a>.</p>
<p>Ce clivage à propos des relations avec le politique structurera la scène rap par la suite, en s’amplifiant dans les années 2000.</p>
<h2>Bling-bling gabonais</h2>
<p>À partir des années 2000, l’essor du rap gangsta aux USA et en France (lire notamment l’excellent <em>Nuthin’ but a “G” Thang : The Culture and Commerce of Gangsta Rap</em> à ce sujet d’<a href="https://books.google.fr/books?id=hTJ_fXhe-WYC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false">Eithne Quinn ; paru en 2010</a>) insuffle de nouvelles inspirations : les clips exposent désormais davantage de chaînes en or, de grosses cylindrées, de jeunes femmes en postures lascives, et des démonstrations de masculinité virile.</p>
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<figcaption><span class="caption">Kôba est le rappeur emblématique du « bling-bling » à la gabonaise.</span></figcaption>
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<p>À partir des années 2000, cette nouvelle génération emmenée par Kôba produit des textes s’écartant de l’engagement politique des pionniers. Cette tendance est alors soutenue par l’apparition de nouveaux labels proches du pouvoir et des élites qui renforcent les interpénétrations entre musique et politique.</p>
<p>En 2005, le label EBEN fait ainsi paraître le titre « Bouge ton vote », afin d’inciter les jeunes à se rendre aux urnes. Le titre est vivement critiqué par les rappeurs contestataires, car considéré comme un rapprochement avec le pouvoir en place, <a href="http://www.planetallstars.com/%E2%80%8Binterview-baponga-meme-quand-je-joue-dans-une-eglise-certains-crient-abomination-comme-si-ils-avaient-les-tenants-et-les-aboutissants/">ce dont certains rappeurs du label se sont ensuite défendus</a>.</p>
<h2>Instrumentalisation et contrôle</h2>
<p>L’élection de 2009 marque l’apogée de cette rencontre entre musique et politique. Ali Bongo, candidat à la présidentielle, décide d’utiliser le capital social et le charisme des rappeurs pour acquérir l’assentiment de la jeunesse, et créer une image de rupture vis-à-vis de son père Omar, décédé en juin 2009.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ali Bongo se prête à une performance de rap, entouré de rappeurs stars du groupe Hay'oe, qui soutiennent sa campagne.</span></figcaption>
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<p>Après son élection en 2009, le candidat promu par les rappeurs fait embaucher à la présidence de nouveaux visages politiques issus du mouvement hip-hop.</p>
<p>Du fait de ces accointances, les mécanismes de contrôle du régime semi-autoritaire se sont encore davantage appliqués aux scènes hip-hop, par le biais des médias notamment. Elles ont atteint leur climax ces dernières années, contraignant les artistes « underground » et contestataires à déployer des répertoires d’action politique détournés.</p>
<h2>Un septennat de contestation</h2>
<p>Dès son élection présidentielle en 2009, le septennat d’Ali Bongo <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=POLAF_144_0157">est marqué par une détérioration des conditions de vie, des infrastructures sociales</a>, une stagnation du chômage (plus de 20 % de la population, et 35 % des jeunes (chiffres de la <a href="http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2015/03/31/gabons-unemployment-conundrum-why-economic-growth-is-not-leading-to-more-jobs">banque mondiale</a>), tandis que les dépenses de sa famille atteignent <a href="http://www.liberation.fr/planete/2015/08/20/ali-bongo-seme-a-tout-va-la-fortune-de-papa_1366491">des sommets indécents</a>.</p>
<p>Dans le même temps, les techniques de <a href="http://gabonreview.com/blog/musique-f-a-n-g-entre-nouveau-single-diatribe-contre-censure/">censure</a>, de cooptation et de <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/12/20/gabon-des-manifestants-reclament-le-depart-du-president_4544324_3212.html">musellement des contestations</a> se multiplient, contraignant les rares artistes hip-hop contestataires à employer d’autres modes de diffusion.</p>
<p>Ainsi, c’est principalement depuis l’étranger que les rappeurs parviennent à faire entendre un discours subversif.</p>
<p>Partis pour études ou pour s’éloigner d’un régime hostile aux opposants, plusieurs rappeurs gabonais de renom résident désormais en Chine, en Afrique du Sud, aux États-Unis, et en France – comme le duo Movaizhaleine –, où ils continuent leurs activités musicales (voir par exemple le parcours de <a href="https://lbvlife.blogspot.ch/2017/03/entretien-rodzeng-je-prepare-du-lourd.html">Rodzeng</a> entre le Gabon, l’Afrique du Sud et la Chine).</p>
<p>Ils recréent des réseaux fortement politisés et actifs dans la dénonciation de la mauvaise gouvernance de leur pays, et des titres qui circulent grâce aux réseaux sociaux jusqu’aux rues de Libreville, où ils deviennent des leviers de mobilisation et de discussion politique.</p>
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<figcaption><span class="caption">‘Mister Zero’ du rappeur le rappeur Saik1ry dresse depuis Aix-en-Provence le bilan catastrophique d'Ali Bongo, et est devenu un leitmotiv des rassemblements de l'opposition</span></figcaption>
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<p>Sur place, les artistes continuent, malgré la censure, le combat. En 2015, avant même qu’une opposition ouverte ne s’organise, le rappeur Keurtyce E., connu pour sa virulence, est le premier à publier la chanson la plus explicitement engagée contre le régime en place.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans le titre « On va tourner la page » Keurtice menace directement le président.</span></figcaption>
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<p>En dehors des contenus discursifs de ces morceaux, les artistes gabonais manient aussi avec brio la subversion à travers les instrumentaux eux-mêmes.</p>
<h2>Du bon usage du sampling</h2>
<p>Le travail effectué par des <em>beatmakers</em> autour du sampling, technique de découpage et de mise en boucle d’échantillons sonores de musiques préexistantes, a été un chantier très riche qui a permis aux artistes de conférer un ancrage local à leurs musiques, par exemple en incluant des samples d’instruments ou de célèbres morceaux de musiques locales.</p>
<p>Soubassement technologique, cette pratique revêt souvent aussi une dimension politique, lorsque les artistes reprennent des paroles, des échantillons musicaux ou des slogans de musiciens engagés, dont ils s’affirment héritiers des idéologies.</p>
<p>C’est le cas avec le chanteur Pierre-Claver Akendengué, <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65031384/f86.image.r=%20%22Petit%20Conservatoire%22">chantre gabonais du panafricanisme</a> dans les années 60 et de la critique contre le régime autoritaire durant le parti unique. Il représente encore aujourd’hui l’une des sources d’inspiration majeures des musiciens gabonais contemporains.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Aux choses du pays », dont le refrain est une adaptation d'Akendengué par le groupe Movaizhaleine.</span></figcaption>
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<p></p>
<p>Le rappeur et beatmaker Lord Ekomy Ndong a offert récemment un autre exemple de ce principe de subversion en faisant paraître un beat où il <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ftTkuAYd7WQ">sample des extraits d’un discours</a> du président Ali Bongo, qu’il confronte à ceux d’activistes sur les réseaux sociaux, pour dénoncer la corruption et le détournement des fonds publics.</p>
<h2>Modes mineurs, impacts majeurs</h2>
<p>Que ce soit au travers de ces modes « mineurs » de la subversion <a href="http://volume.revues.org/2728">comme l’écrit</a> le philosophe Christian Béthune, ou par des attaques frontales, les expressions musicales de la contestation politique ont explosé au courant de l’année 2016, mettant en évidence l’érosion des mécaniques du consentement populaire sous Ali Bongo.</p>
<p>Au moment de l’élection, la scène rap se divise violemment entre les défenseurs et les détracteurs d’Ali Bongo : des affrontements via les réseaux sociaux et des morceaux interposés s’enchaînent, et la scission entamée durant le septennat se confirme :</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UzBNM6WROGc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">D'un côté, les rappeurs ralliés au clan Bongo, impliqués dans les meetings et les chansons de soutien au parti au pouvoir.</span></figcaption>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5QBfgrBse4w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">De l'autre, un featuring entre des défenseurs du rap contestataire, qui dénoncent la corruption, le pillage des ressources publiques, et l'appauvrissement accrus depuis l'arrivée au pouvoir d'Ali Bongo.</span></figcaption>
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<p>Un tournant est atteint lorsque, en 2016, des rappeurs qui avaient auparavant coopéré avec le président Ali Bongo rejoignent les mouvements d’opposition, pour exprimer leur déception face aux échecs du septennat. Et ce revirement des rappeurs se confirme lorsqu’au sortir des résultats, les armées d’Ali Bongo <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/09/21/gabon-tout-le-monde-s-est-jete-a-terre-on-tentait-de-se-cacher-sous-les-cadavres_1505465">tirent sur les manifestants</a> pour mater la contestation, faisant plusieurs morts et de nombreux disparus.</p>
<p>À peine deux mois après cette répression postélectorale, Kôba – autrefois considéré comme un artiste intégré aux niches du système – fait paraître en ligne le morceau « Odjuku ». Avec ce titre référence au supposé géniteur nigérian d’Ali Bongo, il relance la <a href="http://www.jeuneafrique.com/357860/politique/gabon-enquete-france-relance-polemique-filiation-dali-bongo/">polémique autour de la filiation du président</a>, et clame à son tour haut et fort “On ne te suit pas”.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cTnWr-KAuoU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Kôba,‘Odjuku’</span></figcaption>
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<h2>“Plus rien ne sera comme avant”</h2>
<p>Un an plus tard, comme lors de ce grand concert du 17 août, l’État tente de faire oublier le marasme dont il peine à sortir.</p>
<p>Pourtant les choses ont changé, et en dehors des scènes officielles, la mobilisation reste vive : dans les ministères en <a href="http://apanews.net/index.php/fr/news/gabon-la-police-disperse-une-greve-des-agents-du-ministere-du-petrole">grève</a> et l’université de Libreville, les manifestations se poursuivent ; dans les rues de Paris et de New York, la diaspora se réunit toujours ; dans leurs chansons, enfin, les rappeurs célèbrent à leur manière, le triste anniversaire de la répression de 2016 :</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aDRsblFf4gk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">LestatXXL/Lord Ekomy Ndong «Sur mon drapeau»</span></figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>« Chez nous personne n’oubliera. On portera le flambeau au plus haut […]<br>
Pas de rouge sur mon drapeau. Plus rien ne sera comme avant.<br>
(Lestat XXL/Lord Ekomy Ndong, Sur mon drapeau)</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Alice Aterianus-Owanga est l’auteure de « Le rap, ça vient d’ici ! : musiques, pouvoir et identités dans le Gabon contemporain », <a href="http://www.editions-msh.fr/livre/?GCOI=27351100964990">éditions de la Maison des Sciences de l’Homme</a>, septembre 2017.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84089/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Aterianus-Owanga has received funding from the French Ministry of Research and higher education, and her current research is funded by the Swiss National Fund for research. </span></em></p>Au Gabon, le rap, comme dans d’autres États du continent africain, est devenu le levier de constructions identitaires et de rapports au politique.Alice Aterianus-Owanga, Postdoctoral researcher in Anthropology, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/717472017-01-26T22:15:08Z2017-01-26T22:15:08ZPrésidentielles en Afrique : comment ça va, la démocratie ?<p>En deux années (2015 et 2016), la moitié du continent devait se rendre aux urnes pour élire ou réélire pas moins de 27 présidents sur les 54 États officiellement reconnus. Et force est de constater que 25 consultations ont bel et bien eu lieu dans ce créneau calendaire.</p>
<p>Bel et bien n’est pas tout à fait l’expression adéquate, et nous avions eu l’occasion de faire le point sur ce sujet aux trois quarts du parcours, en <a>juillet 2016</a>, alors qu’il ne restait que sept scrutins à organiser.</p>
<p>À partir des critères de crédibilité que nous avions retenus, l’année 2015 avait réservé une heureuse surprise : le <strong>Nigeria</strong> qui, avec ses 68 millions d’électeurs et son territoire peu sécurisé, avait réussi une alternance incontestable et incontestée. À la charnière de 2015 et 2016, le <strong>Burkina Faso</strong> et la <strong>Centrafrique</strong> avaient donné la preuve que les citoyens comptent encore beaucoup sur des élections pour sortir d’une crise.</p>
<p>Au contraire, plusieurs pays avaient transgressé une ou plusieurs des règles de bonne conduite démocratique : le <strong>Tchad</strong> et le <strong>Congo Brazzaville</strong>, notamment en coupant les communications Internet pour empêcher les comptages parallèles, ou le <strong>Niger</strong> <a>pour avoir probablement « joué » avec le fichier électoral</a>.</p>
<p>Comme – malheureusement – prévu, le <strong>Soudan, Djibouti</strong> et la <strong>Guinée Équatoriale</strong> sont restés hors des clous d’un processus démocratique crédible. Quant au <strong>Burundi</strong>, il a tristement illustré la tendance récurrente des autocrates à se pérenniser au pouvoir en <a>s’arrangeant avec leur Constitution</a>.</p>
<h2>Les dernières élections : quelques désillusions en Afrique centrale</h2>
<p>Au second semestre 2016, plusieurs échéances étaient donc programmées, aux enjeux variables. En <strong>Zambie</strong> et au <strong>Cap-Vert</strong>, les scrutins se sont déroulés normalement et les présidents sortants ont été reconduits. <a>Dans le cas zambien</a> où le résultat était serré, l’opposition a contesté le verdict, mais sans preuves ni véritable conviction.</p>
<p>En fait, la plupart des regards étaient tournés vers le <strong>Gabon</strong>, où Ali Bongo, le président sortant, semblait davantage menacé que lors du scrutin précédent en raison d’une candidature quasiment unitaire de l’opposition. Or, l’élection au Gabon se déroule en un seul tour et celui qui arrive en tête a gagné.</p>
<p>On se souvient que le pouvoir en place a (bien que tardivement) coupé les réseaux Internet au moment des opérations électorales et des comptages, à partir du 27 août 2016. Apparemment, il a aussi manipulé les chiffres dans la province d’origine du sortant, le Haut-Ogooué. <a>Et Ali Bongo a officiellement battu de quelques milliers de voix son challenger Jean Ping</a>, qui continue à contester les résultats mais sans être entendu. La communauté internationale semble d’ailleurs s’être résignée.</p>
<p>En <strong>Gambie</strong>, c’est contre toute attente que l’autocrate Yahya Jammeh a été non seulement battu lors de l’élection du 1<sup>er</sup> décembre 2016 mais a reconnu sa défaite dans l’instant. La bonne surprise a malheureusement été de courte durée, et le dictateur schizophrène a rapidement changé d’avis, ouvrant une grave crise postélectorale qui ne s’est achevée que sous la menace d’une intervention armée de la Cédéao.</p>
<p>Finalement, l’alternance à laquelle personne ne croyait, y compris le nouveau chef de l’État Adama Barrow, s’est réalisée le 21 janvier 2017. Le dictateur a été exilé hors de son pays et a trouvé refuge en Guinée Équatoriale, où le chef de l’État Obiang Nguéma règne sans partage depuis 38 ans et vient d’être réélu avec 93,7 % des suffrages exprimés.</p>
<p>Au terme de ces deux années, la carte actualisée s’affiche donc comme suit. On rappelle que la distinction entre élections « considérées comme crédibles » et élections « dont la crédibilité est douteuse » repose sur plusieurs critères énoncés précédemment, et que les nuances de vert ou de rouge sont proportionnelles au nombre de suffrages obtenus par l’élu par rapport aux inscrits, de manière à accentuer le poids de la légitimité ou de l’illégitimité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=821&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=821&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=821&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1032&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1032&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154351/original/image-20170126-23867-1vppr8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1032&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les élections à venir : encore des inquiétudes sur les progrès de la démocratie</h2>
<p>Mais le compte n’y est pas tout à fait, car plusieurs élections programmées en 2016 n’ont pas eu lieu. En <strong>Somalie</strong> d’abord, où le processus électoral est compliqué puisque le président est élu par un collège électoral composé de 54 sénateurs et 275 députés (eux-mêmes désignés, de manière plus ou moins honnête, par 14 000 délégués des tribus). Ce collège n’étant toujours pas complet, l’élection présidentielle a été reportée de mois en mois et n’aura lieu qu’en 2017.</p>
<p>Le paradoxe viendra peut-être de l’organisation, dans le même temps (27 mars 2017) d’un nouveau scrutin présidentiel dans l’État voisin du <strong>Somaliland</strong>, qui en sera à sa quatrième consultation de ce type depuis la proclamation de son indépendance en 1991, et qui connaîtra peut-être une nouvelle alternance démocratique. Malheureusement, le Somaliland n’existe pas puisqu’il n’est pas reconnu par la communauté internationale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=921&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=921&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154104/original/image-20170124-16086-1cqkah8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=921&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président sortant Joseph Kabila joue la montre au Congo démocratique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/be/Joseph_kabila.jpg/629px-Joseph_kabila.jpg">US Department of Defense/Wikimedia</a></span>
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<p>Mais l’attente la plus vive se situera en <strong>République démocratique du Congo</strong>. On pressentait depuis des mois que le scrutin présidentiel prévu constitutionnellement avant le 19 décembre 2016, date de la fin du dernier mandat de Joseph Kabila, aurait du mal à être organisé faute d’un fichier électoral non remis à jour, et difficile à actualiser dans un pays très vaste dont le pouvoir central ne contrôle plus qu’une petite partie. Simple prétexte sans doute, mais incontournable du point de vue de la légitimité démocratique.</p>
<p>Des négociations ont donc été entreprises sous l’égide de l’Église congolaise pour préparer une transition devant conduire à ces élections avant la fin de 2017. Mais les équilibres politiques restent fragiles, et la <a>rue peut à tout moment mettre le feu au pays</a>.</p>
<p>Outre la RD Congo, plusieurs pays connaîtront à leur tour une échéance présidentielle en 2017. Au <strong>Rwanda</strong> (4 août 2017), on suivra une élection sans surprise puisque le <a>sortant Paul Kagamé</a> s’est taillé une Constitution sur mesure pour se maintenir longtemps au pouvoir. On notera, d’ailleurs, que la communauté internationale – et de nombreux chercheurs – s’en sont facilement accommodé au motif que l’autocrate était garant d’une grande stabilité politique favorable à une assez belle réussite économique.</p>
<p>Quelques jours plus tard, les enjeux seront plus sensibles au <strong>Kenya</strong> (8 août 2017) où des tensions sont réapparues au cours des derniers mois, sur fond de mécontentement social et de risques de cristallisation ethno-régionale. Le souvenir de l’année 2008 où le président sortant (Mvaï Kibaki), pourtant battu dans les urnes, était resté au pouvoir en « accordant » au candidat vainqueur (Raila Odinga) le poste de premier ministre, est restée en mémoire. Cette formule, également retenue au Zimbabwe la même année, avait failli faire jurisprudence en 2010 en Côte d’Ivoire, et a même effleuré certains esprits en Gambie en janvier 2017…</p>
<p>Entre temps (août 2017), <strong>l’Angola</strong>, où le président est élu au suffrage indirect, aura peut-être tourné une page importante de son histoire puisque <a>José Eduardo Dos Santos</a> aura atteint la fin des mandats auxquels lui donne droit la Constitution, en même temps qu’un âge avancé (75 ans). Il a d’ailleurs laissé entendre qu’il se retirerait, mais la démarche lui sera sans doute douloureuse après 38 années de pouvoir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154105/original/image-20170124-16062-dtrtut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ellen Johnson Sirleaf, la présidente sortante du Liberia.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f1/Ellen_Johnson_Sirleaf_February_2015.jpg/405px-Ellen_Johnson_Sirleaf_February_2015.jpg">Ash Carter/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Deux pays affaiblis par Ebola seront également concernés par une échéance présidentielle en 2017. Le <strong>Liberia</strong> (10 octobre 2017) connaîtra même forcément une alternance puisque Ellen Johnson-Sirleaf a accompli ses deux mandats. En <strong>Sierra Leone</strong>, Ernest Bai Koroma sera, lui aussi, touché par la limitation des mandats, mais la date du scrutin na pas encore été fixée avec précision (entre novembre 2017 et février 2018).</p>
<p>Le <strong>Sénégal</strong> aurait pu figurer dans cette programmation 2017. Encore eût-il fallu que le président Macky Sall respecte sa promesse de campagne de faire passer la durée du mandat de 7 à 5 ans. N’ayant pu faire admettre par le Conseil constitutionnel la rétroactivité de cette mesure, il attendra 2019.</p>
<p>Voilà donc une trentaine de pays, représentant environ 660 millions d’habitants et près de 210 millions d’électeurs, qui auront en trois ans participé à un processus électoral destiné à désigner leur chef d’État. Les écarts par rapport à l’orthodoxie démocratique restent encore marqués, puisque 11 pays – soit 180 millions d’habitants, et plus d’un quart de l’électorat concerné – sont en rouge sur notre carte. Mais les progrès sont manifestes, notamment grâce au contrôle exercé par les sociétés civiles et la communauté internationale. Bien que cette dernière ne soit pas toujours constante dans ses principes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71747/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le dictateur gambien Yahya Jammeh a été contraint de respecter le verdict des urnes après 22 ans de pouvoir absolu. S’agit-il d’un nouvel indicateur de progression de la démocratie en Afrique ?Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/699422016-12-15T19:46:59Z2016-12-15T19:46:59ZLa Centrafrique, un tremplin politique pour les militaires gabonais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/149108/original/image-20161207-18046-qgdiv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Soldats de la MISCA en Centrafrique (2013).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/information_binuca/11463530133">Minusca/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Partenaire du Forum « Guerre et politique », organisé à Paris le mois dernier par l’Université d’Auvergne et l’EHESS, The Conversation France publie toute cette semaine une série de textes issus de ces travaux qui mettent en perspective les nouveaux visages de la guerre.</em></p>
<hr>
<p>Depuis 2003, la troupe gabonaise a constamment été déployée en République centrafricaine pour contribuer au retour à la paix dans ce pays en proie à une crise politique et militaire. En dépit de la taille réduite de son armée, de son territoire et de sa population, le Gabon mise sur sa diplomatie de défense pour s’imposer dans le jeu d’influence régionale. Si ses interventions militaires permettent au pays d’exercer un poids sur l’échiquier géopolitique, ses officiers en retirent aussi un bénéfice au plan individuel étant donné la possibilité de convertir ce capital guerrier en carrière politique.</p>
<p>Contribuer aux opérations de maintien de la paix permet en effet d’atteindre des positions élevées dans la hiérarchie du système politique national. L’histoire de l’engagement militaire du Gabon en République centrafricaine (RCA) fait ainsi ressortir l’usage politique de cette implication aussi bien sur le théâtre des opérations qu’à l’échelle des acteurs militaires. Les missions de paix confiées aux soldats gabonais placent en effet leurs cadres au cœur de la négociation diplomatique, faisant des officiers supérieurs de véritables « diplomates militaires » aguerris aux tractations politiques et à la diplomatie de défense.</p>
<p>L’influence du Gabon dans la région dépend de l’implication de ses soldats de la paix : seul, le Gabon ne peut rien ; s’il est absent, il n’est plus rien.</p>
<h2>Une succession d’opérations en RCA</h2>
<p>En République centrafricaine, en 2016, le Gabon compte environ 450 soldats déployés à Bangui dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies pour la Centrafrique (MINUSCA), dont l’objectif est de contribuer à la stabilisation du pays suite à la crise de 2013. Malgré la taille réduite de son armée (6 700 hommes) et sa faible population (1,7 million d’habitants), le Gabon mise sur sa diplomatie de défense pour maintenir sa présence dans le jeu d’influence géopolitique régionale, hormis dans la lutte contre l’organisation Boko Haram à laquelle il ne prend pas part directement, contrairement au Congo-Brazzaville et au Tchad.</p>
<p>Le Gabon est un pays engagé de longue date dans les opérations de maintien de la paix qui se sont succédées en Centrafrique. Dès 1997, la troupe gabonaise est déployée en RCA dans la Mission interafricaine de surveillance des accords de Bangui (MISAB). En novembre 2002, il s’implique avec d’autres pays de la région (Congo-Brazzaville, Guinée Équatoriale et Tchad) dans la Force multinationale en Centrafrique (FOMUC), déployée par la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique Centrale (CEMAC). Six ans plus tard, en juillet 2008, cette opération est remplacée par la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX), cette fois-ci sous le mandat de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC). 500 militaires gabonais y participent.</p>
<p>Enfin, à partir de décembre 2013, le pays contribue à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), dont le colonel gabonais Patrice Ostangue Bengone assure le commandement de la composante police. L’implication du pays sous la bannière onusienne s’inscrit bien dans le prolongement de cette action militaire menée de longue date : la mission du bataillon gabonais est d’aider à la sortie de crise politico-militaire en RCA.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149111/original/image-20161207-18059-1t47ix8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">un blindé tchadien déployé en Centrafrique en décembre 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Chadian_Eland_Mk7.jpg">Idriss Fall/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Le Gabon s’implique aussi dans le champ diplomatique, par exemple au sein de la mission des Nations unies en RCA et au Tchad, la Minurcat, créée en septembre 2007. Plusieurs officiers gabonais de haut rang assument des responsabilités politiques au sein de cette force (notamment le commandant-major Jean Bernard Nguema Bilong et le lieutenant-colonel Guy Claude Ndong Edou).</p>
<p>Aujourd’hui, quelque 500 militaires du contingent gabonais participent à la force de l’ONU en RCA, la MINUSCA, appuyée par la force française de l’opération Sangaris (2013-2016). Mais au-delà, les soldats gabonais engagés ces dix dernières années en Centrafrique endossent un rôle politique qui dépasse nettement leur savoir-faire militaire.</p>
<h2>Un rôle stabilisateur limité par un manque de moyens</h2>
<p>Le rôle politique de la troupe gabonaise se traduit par sa capacité à contribuer à la stabilisation des territoires affectés par la guerre, faisant de Libreville un médiateur précieux dans la résolution des crises qui affectent la région, en particulier sous le régime d’Omar Bongo (décédé en 2009). Cette capacité lui donne un avantage politique indéniable qui compense son faible rendement opérationnel.</p>
<p>Plusieurs facteurs expliquent que la troupe soit démotivée sur le théâtre d’opérations. Un équipement qui laisse à désirer, la faiblesse chronique du renseignement militaire et des politiques des ressources humaines défaillantes sont bien réels. Sans oublier les faibles rémunérations perçues par la troupe, et le détournement des primes versées par l’ONU au profit des gradés. Enfin, chez eux, les soldats souffrent d’un manque de légitimité sociale : ils sont en butte à l’hostilité et la méfiance des populations envers les « corps habillés ».</p>
<h2>Le terrain, une ressource politique</h2>
<p>Un certain nombre d’officiers gabonais qui participent à des opérations de paix en RCA utilisent cette expérience à leur profit personnel, la convertissant en ressource politique pour une carrière internationale ou sur la scène politique nationale.</p>
<p>C’est le cas du général de brigade Auguste Itandas Bibaye, ancien commandant de la force multinationale de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) en République centrafricaine, de 2004 à 2008. Cet ancien chef d’état-major des armées gabonaises sous la présidence d’Ali Bongo Ondimba, qui démissionnera de cette fonction au plus fort des tensions postélectorales du mois d’août 2016, a été l’ancien chef d’état-major particulier de la présidente de transition en 2009, Rose Francine Rogombé, suite au décès d’Omar Bongo.</p>
<p>Le général gabonais Jean-Claude Ella Ekhoga, connaît un parcours professionnel similaire, entre le terrain militaire et le champ politique. Ancien commandant de la force multinationale de la CEMAC de 2003 à 2004, ce général (aujourd’hui décédé) a été l’ancien conseiller pour les affaires de défense du président Ali Bongo Ondimba. Avant d’arriver à la présidence de la République, il fut aussi le chef du cabinet militaire d’Ali Bongo, alors ministre de la Défense de son père, Omar Bongo.</p>
<p>Pour les officiers et les soldats participant aux opérations de paix régionales, celles-ci apparaissent bien comme une opportunité politique. Du moins pour les contingents dont le rôle diplomatique est beaucoup plus déterminant dans le processus global de résolution du conflit, comme en Centrafrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69942/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Axel Augé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Gabon participe à de nombreuses opérations multilatérales. Une façon de peser sur l’échiquier régional et, pour ses hauts gradés, de prétendre à une carrière politique par la suite.Axel Augé, maître de conférences en sociologie militaire, École Saint-Cyr CoëtquidanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/676072016-12-11T20:59:36Z2016-12-11T20:59:36ZÉcriture engagée au Gabon : vers une nouvelle littérature<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/148898/original/image-20161206-25742-11pub5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les écrivains gabonais sont désormais ouvertement politiques et virulents, cassant avec la littérature du silence. Graffiti à Libreville.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/briangratwicke/4395719615/">Brian Gratwicke/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les écrivains gabonais ont désormais un espace dédié : une <a href="http://www.gaboneco.com/foire-du-livre-de-libreville-ouverture-de-la-1ere-edition.html">Foire du Livre</a>, dont la toute première édition vient de se conclure à Libreville. Grand public et professionnels sont conviés dans ce qui représente un événement majeur pour le pays, longtemps privé d’institutions de qualité consacrées à la littérature. Le thème choisi, « la femme dans la littérature gabonaise » reflète également une <a href="http://gabonreview.com/blog/litterature-lavenir-livre-gabonais-selon-sylvie-ntsame/">scène littéraire</a> en pleine ébullition.</p>
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<p>« J’avais dit il y a plusieurs années que la littérature gabonaise “n’existait pas” : le Gabon a désormais une voix, une plume qui comptera parmi les plus talentueuses de la littérature africaine contemporaine ».</p>
</blockquote>
<p>Cette <a href="http://www.jeuneafrique.com/mag/247957/culture/une-nouvelle-voix-gabonaise/">déclaration</a> d’Alain Mabanckou à propos du roman <em>N’être</em> de <a href="http://www.lacheminante.fr/produit/la-petite-cheminante/netre/">Charline Effah</a> sorti en avril, primé, fait écho à l’essor actuel de la littérature gabonaise sur le plan national et international.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149089/original/image-20161207-18046-23axz1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">N’être, de Charline Effah, éditions La Cheminante.</span>
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<p>En témoigne la parution d’un ouvrage sur les femmes écrivains gabonaises qui <a href="http://www.gaboneco.com/litterature-le-gabon-est-un-modele-dans-le-monde-d-apres-cheryl-toman.html">vient d’être publié</a> Outre-atlantique.</p>
<p>Or, le constat de la présence de nouveaux talents dans le milieu littéraire gabonais s’accompagne de l’émergence de nouveaux genres littéraires, de nouvelles esthétiques et d’une reconnaissance dans l’espace francophone qui témoigne par ailleurs de la fin de son identification comme une « littérature du silence ». Cette dernière était caractérisée par un manque d’institutions littéraires jusqu’en 1980, l’absence de thématiques proches des autres littératures africaines, de critiques littéraires et universitaires, et d’une faible réception à l’étranger.</p>
<p>Contrairement aux autres littératures africaines qui apparaissent autour des années 1930-1950, les premières œuvres gabonaises sont publiées vers la fin des années 60 : <em>Contes gabonais</em> (1967) d’André Raponda Walker et Roger Sillans, <em>Concept gabonais</em> (1968) de Paul-Vincent Pounah, l’épopée <em>Le Mvett I</em> (1970) de Tsira Ndong Ndoutoume tandis que le premier « roman » gabonais, <em>Histoire d’un enfant trouvé</em> de Robert Zotoumbat, n’est <a href="http://pug-uob.org/pdf/annales/auteurs/Esquisse_redefinition_generique_Biboubouah.pdf">publié qu’en 1971</a>.</p>
<p>Didier Taba, <a href="https://www.erudit.org/revue/ela/2010/v/n29/1027527ar.pdf">commentant un article</a> de Ludovic Obiang, note ainsi que :</p>
<blockquote>
<p>« les raisons du destin anonyme de la critique au plan international[…] sont dues d’une part, à l’indifférence des spécialistes qui considéraient le pays comme une terre sans problématique esthétique à cause de l’absence d’un engagement idéologique tel que le prévoyait la Négritude et, d’autre part, à l’absence d’auteurs de renom ».</p>
</blockquote>
<p>Les historiens notent que la période <a href="http://briska.unblog.fr/2008/04/10/litterature-gabonaise-parcours-general-et-evolution-par-hemery-hervais-sima-eyi/">1971-1989</a> correspond à une période dite du « silence » pour la littérature du Gabon, un temps du balbutiement éditorial, critique et esthétique.</p>
<h2>Une littérature du silence</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149090/original/image-20161207-18073-o91lf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cheryl Toman a consacré un ouvrage aux femmes écrivains gabonaises.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les œuvres gabonaises, tous genres confondus, sont essentiellement réalistes, et représentent tout en les dénonçant les faits du quotidien, les mœurs, les coutumes, les déboires de la vie sociale et familiale.
Elles se caractérisent aussi par la <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=26090">récurrence</a> du terme « silence » dans les titres ou dans les œuvres. Parmi les textes clefs, nous pouvons citer comme exemple <em>Histoire d’un enfant trouvé</em>, <em>Biboubouha. Chroniques équatoriales suivi de Bourrasques sur Mitzic</em> (1985) de Ferdinand Allogo-Oké, <em>Le Crépuscule des silences</em> de Pierre-Edgar Moundjégou, <em>Au bout du silence</em> (1985) de Laurent Owondo ; des ouvrages auxquels on peut ajouter les représentations de la troupe « théâtre du silence », créée en 1971 par Rosira Nkiélo.</p>
<p>Pour <a href="http://pug-uob.org/pdf/annales/auteurs/roman_gabonais.pdf">Jean Leonard Nguema Ondo</a>, le romancier gabonais des années 1980 est obligé</p>
<blockquote>
<p>« au témoignage, à l’engagement social, à la lutte pour la libération de la femme et de l’homme gabonais par rapport aux forces négatives comme la sorcellerie, le tribalisme et certains comportements rétrogrades des tenants de la tradition. Les romanciers gabonais refusent donc de se réfugier dans la vision idéaliste de la Négritude ».</p>
</blockquote>
<p>En ce sens, les romans <em>Elonga</em> (1980), <em>G’amérikano</em> (1983), <em>Fureurs et cris de femmes</em> (1989) de Ntyugwetondo Rawiri, première écrivaine gabonaise, brossent un tableau sombre de la sorcellerie dans la société traditionnelle ; ils mettent aussi l’accent sur la condition de la femme dans une société en voie de modernisation.</p>
<p>Cette littérature de la contingence, portée par le détail de la situation sociale quotidienne, va se prolonger et, dans le même geste, prendre une nouvelle tournure en 1990.</p>
<h2>Essor d’une littérature engagée</h2>
<p>L’année 1990 est marquée par la Conférence nationale, une <a href="https://books.google.fr/books?id=hg6tPjk1KG8C&pg=PA253&lpg=PA253&dq=Renouveau+d%C3%A9mocratique+et+pouvoir+au+Gabon+(1990-1993)&source=bl&ots=mmwX-hmRl3&sig=PMOZzVnen4AwbBCKU5DKSUIuFOU&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjUz92alMzQAhVCbBoKHdnHCWoQ6AEILDAD#v=onepage&q=Renouveau %20d %C3 %A9mocratique %20et %20pouvoir %20au %20Gabon %20(1990-1993)&f=false">assemblée</a> qui réunissait tous les Partis et Associations politiques du Gabon. Le but de cette concertation était d’instaurer le retour du multipartisme et le respect des libertés fondamentales, en particulier de la démocratie, en usage dès 1960, année de l’indépendance du pays, à 1967.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MrFAfx9C0Eg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La conférence nationale de 1990 a constitué un tournant majeur.</span></figcaption>
</figure>
<p><a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2006.essono-mezui_h&part=112562">Ce tournant politique</a> est aussi une aubaine pour la littérature gabonaise. Commence alors une période durant laquelle elle s’institutionnalise avec la création de plusieurs institutions dédiées à la production, la pédagogie, la conservation (Bibliothèque nationale) ou à la mise en valeur (Journée nationale du livre).</p>
<p>Le prix du meilleur nouveau roman, le prix Nyonda du théâtre ou le prix du Président de la République vont faire également passer la littérature gabonaise du « silence » à une « littérature existante » comme le <a href="http://briska.unblog.fr/2016/08/04/questions-et-reponses-autour-de-la-litterature-gabonaise/">constate</a> à juste titre Wilfried Idiatha.</p>
<p>Comme le note l’universitaire <a href="http://briska.unblog.fr/2007/09/29/ecrire-lafrique-aujourdhui-les-auteurs-gabonais-par-papa-samba-diop">Papa Samba Diop</a>, c’est durant ces deux dernières décennies (1990 -2000) que la littérature gabonaise occupe « une place de plus en plus marquante » dans le milieu littéraire francophone :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui assure à la production gabonaise montante sa fécondité […], c’est qu’elle garde la matière privilégiée de la littérature africaine francophone : à savoir l’existence et la coexistence d’hommes et de femmes lâchés dans un espace triplement marqué de leurs estampilles par les histoires traditionnelle, coloniale et postindépendante.</p>
</blockquote>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1206&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1206&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/148891/original/image-20161206-25727-kmnqvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1206&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Contes gabonais</em>, un classique de la littérature gabonaise.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette éclosion est aussi marquée par une reconnaissance à l’international. Si en 1985 déjà, Laurent Owondo <a href="https://books.google.fr/books?id=13mWAgAAQBAJ&pg=PA23&lpg=PA23&dq=prix+senghor+owondo+laurent+1985&source=bl&ots=imrTEVmP3g&sig=fOtiRTELIgM1PE6kf_sMQiFsz0A&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjk1JeXqr_QAhUqLMAKHYy9BVoQ6AEIIjAB#v=onepage&q=prix%20senghor%20owondo%20laurent%201985&f=false">reçoit le Prix Senghor</a> pour <em>Au bout du silence</em>, les récompenses à l’étranger s’accentuent : Bessora reçoit le prix Fénéon pour <em>Tâches d’encre</em> en 2001 et le Grand prix littéraire d’Afrique noire en 2007 pour <em>Cueillez-moi, jolies messieurs…</em>, une <a href="http://www.adelf.info/data/documents/HISTORIQUE-AFRIK-NOIR-GRAND-PRIX-LITTERAIRE-.pdf">distinction</a> que recevront aussi Jean Divassa Nyama et Augustin Emane respectivement en 2008 pour <em>La Vocation de Dignité</em> et en 2013 pour <em>Albert Schweitzer, une icône africaine</em>.</p>
<p>Cependant, d’un point de vue poétique, thématique et esthétique, le fait marquant de cette période est le passage d’une représentation de la vie sociale à la satire politique. Jean Leonard Nguéma Ondo <a href="http://pug-uob.org/pdf/annales/auteurs/roman_gabonais.pdf">précise</a> en ce sens :</p>
<blockquote>
<p>« Les romans parus après la conférence nationale, tous réalistes comme ceux de la première génération, vont s’engager sur deux pistes : la dénonciation politique et l’absurde ».</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit principalement pour les auteurs de manifester leurs désillusions après l’espoir de l’avènement de la démocratie censée poindre après la Conférence nationale. Leurs œuvres sont ainsi le lieu de l’expression d’un mécontentement vis-à-vis des comportements des dirigeants politiques qui accaparent le pouvoir, s’enrichissent illicitement. La corruption, le pillage, l’injustice, la détérioration des conditions sociales, la gabegie, la dictature, la gestion despotique et scabreuse de l’État en sont les principaux thèmes.</p>
<p>Néanmoins, cette vitalité demeure essentiellement celle de la dissimulation sur l’aspect esthétique, les auteurs procèdent par détournement, dérision et allusion.</p>
<p>Ainsi, l’univers romanesque de <a href="http://www.africultures.com/php/?nav=personne&no=13209">Moussirou Mouyama</a> dans <em>Parole de vivant</em>(1992) se situe dans un lieu nommé Demi-Pays, un pays imaginaire où l’étudiant James Ytsia-Moon, de retour dans son pays pour des raisons de santé, connaît des déboires judiciaires en raison de la schizophrénie politique et mystique du chef de l’État et de la police. Fortunat Obiang Essono <a href="https://sites.google.com/a/freeler.top/fordbooks/les-registres-de-la-modernite-dans-la-litterature-gabonaise-tome-1-ferdinand-allogho-oke-lucie-mba-auguste-moussirou-mouyama-et-ludovic-obiang">observe</a> ainsi que cet auteur opère un « glissement permanent des significations » et que « dans sa forme la plus intégrée, le langage littéraire met à distance le réel qu’il prétend dénoncer ».</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149094/original/image-20161207-18032-1es04oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Masque blanc, population Punu, Gabon. Bois, pigments dont kaolin. Musée du quai Branly.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/African_art#/media/File:Masque_blanc_Punu-Gabon.jpg">Ji-Elle</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le trait commun des romans de cette période est sans aucun doute la dualité du personnage de l’intellectuel désenchanté devant la décadence quasi totale (politique, économique, sociale et culturelle) d’un pays pourtant riche et son aspiration au changement d’une part, et l’esthétique du travestissement du réel d’autre part.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.edilivre.com/frontwidget/preview/book/id/498824/">étude récente</a> analysant la satire dans les romans gabonais – <em>Au bout du silence</em> (1985) de Laurent Owondo, <em>Cabri mort n’a pas peur du couteau</em>(2007) de Franck Bernard Mvé, <em>Les Larmes de tsiana</em> (2010) de Sylvain Nzamba,<em>Le Dernier voyage du roi</em> (2011) de Peter Ndemby et <em>Le Roi de Libreville</em> (2011) de Jean Divassa Nyama – Gyno Noêl Mikala montre que dans ces œuvres est mis « en relief un brouillage satirique » à propos de la critique sociale et politique.</p>
<p>Avec la pièce de théâtre <em>Péronnelle</em> (2001) de Ludovic Émane Obiang, l’engagement politique est plutôt rétrospectif : la pièce de théâtre pose la question du racisme entre Noirs et Blancs durant la période coloniale. Dans le cas de la poésie, la dénonciation, bien que virulente, reste dans un cadre général et évasive témoignant d’un <em>Silence de la contestation</em> (2016), pour reprendre le <a href="http://www.gabonmediatime.com/benicien-bouschedy-et-silences-de-la-contestation/">titre du recueil</a> de Benicien Bouschedy :</p>
<blockquote>
<p>« Je marche seul et j’arriverai sur les voies incendiées de paix lactée où j’embrasserai les rires par les joues du vent<br>
La solitude conquise<br>
La liberté acquise<br>
La fierté remise<br>
Par des leçons de maturité apprises<br>
Éclaireront le carbone de bonté que ces terres amies admirent sans trouver
de modèle à scalper de sémantisme »</p>
</blockquote>
<p>Aussi, ce constat fait, contrairement à Jean Leonard Nguéma Ondo qui place en 1999 le dernier temps de l’essor littéraire gabonais, nous pensons que le changement a véritablement lieu à partir de 2009. Trois principaux faits peuvent expliquer notre choix. </p>
<p>C’est l’année durant laquelle on observe l’apparition de nouveaux genres comme le roman policier (le <a href="http://www.africultures.com/php/?nav=livre&no=11185">premier roman</a> de Janis Otsiémi, <em>La Vie est un sale boulot</em>, est mis sous presse en 2009) ou encore le roman historique avec la <a href="http://www.africultures.com/php/?nav=personne&no=5593">trilogie historique</a>de Jean Divassa Nyama parue entre 2013 et 2014, <a href="http://azokhwaunblogfr.unblog.fr/2010/02/18/la-trilogie-de-jean-divassa-nyama-en-arabe-presentation-dun-deplacement-reussi/">une trilogie par ailleurs traduite en langue arabe</a>.</p>
<p>L’année 2009 est également cruciale en raison de l’<a href="http://www.lefigaro.fr/international/2009/08/31/01003-20090831ARTFIG00439-ali-le-nouveau-bongo-du-gabon-.php">élection d’Ali Bongo</a>, fils du président Omar Bongo resté au pouvoir plus de 40 ans.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/148897/original/image-20161206-25721-1iv6poo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation à Paris le 7 août 2009 contre l’élection d’Ali Bongo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/brunobenmoubamba/3798873266/in/photolist-6MGdEW-6MGdxo-7rsJQ3-8uNPk3-cYSUJy-8yjYqJ-8uKNiK-8vgTKg-7LEccv-bADakU-6MC33V-6HUxvq-cYSe1Q-cYSTRf-cYSg3C-6vskSC-6MC2HP-bPBuCz-6MC2Bk-7saV5i-6MGdvm-7LEdHH-6GTVyy-6HKRSc-a3jVbf-dvyP4y-6QogGF-6HUuJq-6HPYb3-6HKRwP-6HQvZ2-6HUwnf-6HQrti-6HUymC-6DvUFC-6HUyeo-6HUvyb-6HQwx8-6DvUHm-6HQt3K-6HUBJw-6HUvaN-6HPVTA-6HPYr7-6HUzA3-6HQsVV-6HQrMr-6HQvFT-6DrLjM-6HKS8z">Ben Moubamba/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Cet <a href="http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-3-page-7.html">avènement s’inscrit</a> dans un moment de contestations sociales fortes qui ébranlent le continent africain (Printemps arabe notamment).</p>
<p>Ce contexte, national et africain, donne naissance à une écriture qui utilise une dénonciation directe, claire et assumée par les écrivains. C’est le cas du recueil de poème <em>La Vérité sinon je meurs</em> (2014) d’Issani Rendjambé, un temps censuré au Gabon. Fils de l’opposant Joseph Redjambé Issani assassiné en 1990 (et dont les conditions du meurtre ne sont toujours pas élucidées), l’auteur rend non seulement hommage à son père, mais il <a href="http://gabonreview.com/blog/verite-sinon-meurs-censure-au-gabon/">demande aussi justice</a>.</p>
<p><em>Mots d’exil</em> (2014) de Bellarmin Moutsinga dénonce lui aussi l’absence de libertés au Gabon qui conduit plusieurs personnes, dont lui-même, à faire le choix de l’exil. Le récit de <a href="http://www.ladoxa-editions.com/nous/recits/">Nadia Origo</a>,<em>Gabégie et indigestion collatérale</em> (2014), sonne quant à lui comme un appel à l’engagement du peuple gabonais contre l’élection d’Ali Bongo en 2009, pris dans un cadre rétrospectif.</p>
<p>Ces quelques exemples rendent compte de ce qu’on pourrait identifier comme une littérature anti-Bongo, qui est elle-même finalement soutenue par l’émergence du manifeste, genre occupant désormais une place importante au Gabon.</p>
<h2>Le manifeste ou la nouvelle voix de la contestation</h2>
<p>Ce <a href="http://www.erudit.org/revue/ela/2010/v/n29/1027489ar.pdf">genre</a>permet aux auteurs de proposer une réflexion sur l’actualité de la société gabonaise, mais aussi et surtout de manifester un mécontentement frontal contrairement au roman.</p>
<p>Apparu après l’élection d’Ali Bongo en 2009, ce style connaît un véritable succès avec des titres forts, tels que <em><a href="http://www.jetsdencre.fr/lng_FR_srub_41_iprod_198-je-plaide-constitutionnel.html#sthash.5kKqZkWz.dpbs">Je Plaide Constitutionnel</a></em> (2010) d’Ange Kevin Nzigou.Dans ce plaidoyer, le jeune juriste évoque moult lois pénales et constitutionnelles afin de remettre en cause l’<a href="http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/Gabon.pdf">éligibilité</a> de l’actuel président. Il revient aussi sur ce qu’il assimile à une mascarade postélectorale de la Cour Constitutionnelle en 2009, cette dernière ayant validée l’élection d’Ali Bongo malgré les <a href="http://www.liberation.fr/planete/2009/09/04/la-cour-constitutionnelle-du-gabon-valide-l-election-d-ali-bongo_579517">contestations des opposants</a>.</p>
<p>Le domaine politico-social et culturel n’est pas en reste avec le <em><a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=31842">Manifeste contre les crimes rituels au Gabon</a></em> (2010). Ce manifeste est aussi un texte de vulgarisation sur un phénomène de barbarie, de mutilation de corps, sinon de cannibalisme qui s’est accentué et a endeuillé <a href="http://www.jeuneafrique.com/137350/societe/gabon-crimes-rituels-le-prix-du-sang/">plusieurs familles gabonaises</a>. Cris de dépits, il représente aussi un <a href="http://www.lepoint.fr/societe/au-gabon-la-psychose-des-crimes-rituels-ravivee-par-les-reseaux-sociaux-16-04-2013-1655690_23.php">élan</a> de « courage et d’espoir », de justice alors que les procès intentés contre les responsables de ces exactions sont toujours attendus.</p>
<h2>Des textes porte-voix du peuple</h2>
<p>Ces textes ont comme maîtres-mots ce que Jérôme Meizoz <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2005-2-page-101.htm">nomme</a> la « langue peuple », c’est-à-dire « la façon légitime de dire et de faire se dire le peuple ».</p>
<p>La revendication est alors de porter la parole du peuple, de s’adresser au peuple et de défendre le peuple. Le thème principal de tous ces manifestes est la critique virulente envers ce qu’Andy Moses <a href="https://www.edilivre.com/frontwidget/preview/book/id/607930/">nomme</a><em>La République monarchique</em> (2015), c’est-à-dire des attaques excessives, à tort ou à raison, envers la gestion du pays par la famille Bongo.</p>
<p>Cet engagement littéraire <em>via</em> l’émergence des manifestes conduit à renforcer le sentiment de vitalité de la littérature gabonaise sur plusieurs points.</p>
<p>L’engagement littéraire peut-il faire bouger les lignes et impliquer davantage les lecteurs, acteurs publics et citoyens ? Une chose est sûre, malgré les appels des écrivains à l’alternance et aux sanctions à l’élection présidentielle, Ali Bongo a été réélu.
Cependant, les écrivains gabonais multiplient les œuvres et les genres qui contribuent aujourd’hui à nourrir de nouvelles réflexions dans le milieu littéraire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laude Ngadi Maissa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte politique sensible, l’émergence d’une littérature de fiction engagée et d’essais virulents tranche avec la « littérature du silence » au Gabon.Laude Ngadi Maissa, Doctorant, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/660972016-09-26T15:39:09Z2016-09-26T15:39:09ZAu Gabon, en attendant 2023…<p>Décidément, le président du Gabon ne parviendra pas à être élu <a href="https://theconversation.com/manuel-valls-dans-les-sables-mouvants-d-on-nest-pas-couche-53277">« comme on l’entend »</a>. S’il est vrai qu’il n’y avait guère de suspense quand à la décision qu’allait prendre la Cour constitutionnelle de valider l’élection d’Ali Bongo, il subsistait quelque espoir de voir enfin surgir les fameuses remontées parallèles des résultats, c’est-à-dire la compilation « citoyenne » des 2580 procès verbaux émis sur l’intégralité du territoire.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/cartographie-electorale-du-gabon-en-attendant-les-vrais-resultats-65237">Rappelons le principe</a> : dans un pays où l’on compte 171 abonnés à la téléphonie mobile pour 100 habitants, il semblait évident que bon nombre d’électeurs avaient assisté au dépouillement, chacun dans son bureau de vote, et photographié à la fois les chiffres et le PV aux fins de transmettre ces pièces à une plateforme centralisatrice de la société civile ou de l’un des deux camps. Pour faire bonne mesure, et pour s’aligner sur ce qui se passe dans d’autres pays, les chancelleries diplomatiques auraient pu être destinatrices de ces compilations.</p>
<p>Et, au cas où cette démarche technologique aurait rebuté certains électeurs moins bien équipés mais néanmoins vigilants, il leur suffisait de recopier, au soir du 27 août, ce qui avait été acté à la craie sur les tableaux noirs des écoles faisant office de bureaux de vote, en attendant de pouvoir comparer avec les chiffres officiels.</p>
<p>Alors tout paraissait simple : la CENAP (Commission électorale nationale autonome et permanente) aurait publié les résultats bureau de vote par bureau de vote, la Cour constitutionnelle aurait ensuite fait connaître les siens après corrections, et le camp de Jean Ping aurait eu toute latitude pour afficher ses propres chiffres. À chaque électeur de témoigner de la convergence des différents scores avec ce qu’il avait lui-même observé.</p>
<h2>Hacker ivoirien</h2>
<p>Trop simple sans doute. D’abord parce que la CENAP ne dispose pas de site Internet et ne peut donc pas assurer cette publication aussi facilement que dans les pays plus avancés dans ce processus. L’aurait-elle pu qu’elle aurait probablement argué que la loi ne le lui permettait pas, confondant comme d’habitude ce que la loi ne prévoit pas (donc n’interdit pas) avec ce que la loi n’autorise pas.</p>
<p>Ensuite parce que, malgré la présence sur place du <a href="https://www.ndi.org/">NDI</a> (National Democratic Institute), habituel partenaire (américain) des plateformes d’observation des élections pour le compte des sociétés civiles, aucun listing parallèle fiable (c’est-à-dire complet) n’a été publié à notre connaissance. Ne disposait-on pas d’un bon logiciel ? L’opprobre jeté sur le <a href="http://www.jeuneafrique.com/353085/politique/gabon-cote-divoire-conseiller-dalassane-ouattara-aide-jean-ping-a-linsu-de-patron/">hacker ivoirien</a> accusé d’avoir produit des PV falsifiés pour le compte de Jean Ping a-t-il discrédité la méthode au point de réduire à néant la dynamique citoyenne ? L’opposition n’a-t-elle pas été capable de disculper l’informaticien, au motif qu’il est stupide de falsifier des PV quand on vise justement à prendre à témoin des vrais résultats les électeurs de chaque bureau de vote ?</p>
<h2>La reconnaissance du ventre</h2>
<p>Quant au camp de Jean Ping lui-même, qui prétendait être détenteur de plus de 160 PV pour le Haut-Ogooué, il n’a pas fait basculer sur le net l’intégralité des comptages sur lesquels il faisait reposer sa certitude d’avoir été élu. Pourquoi ? Avait-il lui aussi trop triché dans ses propres fiefs, au point de perdre toute crédibilité au niveau national ?</p>
<p>Sauf à imaginer une irrésistible insurrection populaire, il est probable que tout le monde va rentrer dans le rang, car la « communauté internationale » va mettre son poids dans la balance. Bien sûr, certains vont (hypocritement) se pincer un peu le nez, d’autres vont faire valoir que la stabilité du Gabon et de la sous-région ne sera assurée qu’au prix de ce déni de démocratie, et d’autres encore seront tenus par la reconnaissance du ventre. Certains chefs d’État n’assisteront pas à l’investiture, mais toutes les grandes entreprises étrangères vont respirer, car elles n’imaginaient pas devoir renégocier des contrats (et des commissions) avec un nouvel interlocuteur, dont l’intégrité était d’ailleurs loin d’être avérée.</p>
<p>C’est triste pour le peuple gabonais, et c’est dommageable pour la démocratie en Afrique. Mais on pourra toujours se consoler en relisant le roman de <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Barbara_Kingsolver">Barbara Kingsolver</a> (<em>Les Yeux dans les arbres</em>) qui racontait l’apprentissage de la démocratie en Afrique centrale juste après les indépendances :</p>
<blockquote>
<p>« Les hommes blancs nous disent : votez, Bantu ! Ils nous disent : vous n’avez pas à être tous d’accord, ce n’est pas nécessaire ! <em>(Pourtant)</em> il semble étrange que de deux individus ayant obtenu l’un 51 voix et l’autre 49, ce soit le premier qui gagne tandis que l’autre perd. Cela équivaudra à ce que la moitié du village soit mécontente, et un village qui n’est qu’à demi satisfait risque de faire longtemps parler de lui. »</p>
</blockquote>
<p>Déjà, en 2009, Ali Bongo n’avait probablement pas gagné l’élection présidentielle, mais le village à moitié mécontent avait fini par se taire. Alors attendons 2023…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66097/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sauf à imaginer une irrésistible insurrection populaire, il est probable que tout le monde va rentrer dans le rang, car la « communauté internationale » va mettre son poids dans la balance.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/652372016-09-12T12:06:58Z2016-09-12T12:06:58ZCartographie électorale du Gabon : en attendant les vrais résultats…<p>En nous interrogeant récemment sur les <a href="http://theconversation.com/les-elections-presidentielles-africaines-sont-elles-credibles-61596">élections présidentielles en Afrique</a>, nous avions déjà mis à l’index un certain nombre de pays qui ne remplissaient pas les critères élémentaires de crédibilité. Le Gabon vient de s’y ajouter en commettant la plus grave des fautes : une totale opacité dans la publication des résultats.</p>
<p>Pourtant, le pouvoir gabonais ne pouvait pas ignorer qu’il n’est désormais plus possible de tricher sur les chiffres depuis que chaque électeur détenteur d’un smartphone est devenu une commission électorale et une Cour constitutionnelle à lui tout seul. Il lui suffit d’assister au dépouillement dans son bureau de vote, de photographier le procès verbal et de l’envoyer à une plateforme de compilation des résultats. Cette remontée parallèle des résultats est d’autant plus facile au Gabon, où l’on compte à peine plus de 2500 bureaux de vote, et où le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 171 abonnés pour 100 habitants en 2014.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137426/original/image-20160912-19232-pxjd9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une participation hors norme dans le Haut-Ogooué.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LAM</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, dans la nuit du 27 août 2016, les états-majors politiques, les journalistes et les chancelleries avaient les bons chiffres. Apparemment, ce n’était pas le cas de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP), dont on avait déjà remarqué qu’elle ne disposait même pas d’un site Internet…</p>
<p>Il faut croire qu’Ali Bongo n’avait pas pris conscience des risques que cette avancée technologique faisait courir aux autocrates qui travaillent encore « à l’ancienne ». C’est ainsi qu’il a attendu trois jours pour fermer l’accès à l’Internet, contrairement à ses pairs Denis Sassou N’Guesso au Congo voisin et <a href="https://theconversation.com/biometrie-au-tchad-nouvelles-technologies-et-vieilles-recettes-electorales-58394">Idriss Deby au Tchad</a>, qui avaient coupé toutes les connexions pendant le scrutin et même prolongé la mesure pendant un certain temps.</p>
<p>Maladroitement (et tardivement), les autorités gabonaises ont tenté de jeter le discrédit sur les remontées parallèles des résultats en accusant des hackers ivoiriens de diffuser des procès verbaux falsifiés, sans imaginer qu’une telle manœuvre ferait long feu puisque – comme indiqué plus haut – chaque électeur est en mesure de vérifier si les résultats de son bureau de vote sont conformes à ce qu’il a vu (et éventuellement photographié).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137427/original/image-20160912-19262-k2aafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un pays divisé en deux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LAM</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Alors, pourquoi cartographier quand même les résultats de la CENAP ? D’abord parce que ce sont les seuls qui nous sont parvenus à ce jour, Jean Ping n’ayant pas diffusé de résultats contradictoires. Ensuite parce que les trois cartes proposées aujourd’hui <a href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/page/gabon">sur le site de LAMencartes</a> s’inscriront peut-être un jour dans l’histoire électorale de l’Afrique, du côté obscur. Il n’est d’ailleurs nul besoin de les commenter car elles parlent d’elles-mêmes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137429/original/image-20160912-19258-mnmx7g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des résultats plutôt équilibrés, sauf dans le berceau de la famille Bongo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LAM</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Et si, malheureusement, l’issue de cette crise devait tourner du côté de la realpolitik (« On sait qu’il a triché mais il est le seul garant de la stabilité »), on pourra toujours lire ou relire le <a href="http://www.babelio.com/livres/Kourouma-En-attendant-le-vote-des-betes-sauvages/17517">roman d’Ahmadou Kourouma</a>, <em>En attendant le vote des bêtes sauvages</em>, qui demeure une référence en matière de démocratie africaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65237/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pouvoir gabonais ne pouvait pas ignorer que chaque électeur détenteur d’un smartphone est devenu une commission électorale et une Cour constitutionnelle à lui tout seul.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/650612016-09-12T04:44:53Z2016-09-12T04:44:53ZLe Gabon en danger de mort<p>Après presque 60 ans d’indépendance marquée par un coup d’État (1964) et deux insurrections populaires (1990 et 2009), le Gabon traverse aujourd’hui la plus grave crise de son histoire. Il s’agit d’une crise postélectorale qui était prévisible si l’on tient compte notamment de l’évolution du contexte sociopolitique, de l’importante mutation démographique – aujourd’hui, les mariages mixtes sont nettement plus nombreux que ceux intra-ethniques – et du mode de gouvernance dictatorial à l’œuvre dans ce pays depuis longtemps.</p>
<p>Car comment comprendre autrement qu’un pays considéré sur le plan de ses revenus comme un émirat pétrolier africain ne soit jamais parvenu à prendre le train du développement économique et social ? La crise actuelle n’est pas la conséquence d’une simple fraude électorale, mais aussi et surtout du ras-le-bol contre un État qui s’est ingénié à manipuler la démocratie et à en bloquer le développement.</p>
<p>Mais ce qui est révélateur aujourd’hui, c’est que les Gabonais ne veulent plus s’en accommoder. Plus que jamais, au-delà du tourment, ils s’interrogent sur le passé, le présent et le devenir de leur pays, dans la presse et les réseaux sociaux. Et certains de leurs questionnements s’imposent aujourd’hui avec force. Ils portent sur les raisons profondes de la crise postélectorale actuelle, sur la réalité et le devenir de la démocratie, sur la symbolique de l’État dans la conscience collective et sur les conditions du vivre-ensemble. Comme ils ont l’habitude de le dire : « Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient ». Et surtout : « Au lieu de s’en prendre au lieu où l’on a chuté, il faut plutôt en vouloir à l’endroit où l’on a trébuché ».</p>
<p>À toutes ces interrogations, toutes aussi urgentes les unes que les autres, il est heureux de constater que les réponses se font sans haine, mais avec la sagesse d’un vieux pays d’histoire et de civilisation qui a su patiemment évoluer et se transformer considérant sa diversité ethnique et confessionnelle comme autant de chances pour son avenir.</p>
<h2>Le « coup d’État permanent »</h2>
<p>Après la Conférence nationale de 1990, de nouvelles institutions avaient été mises en place pour inscrire de façon irréversible le pays dans la démocratie, la paix et le développement. Mais après les élections contestées de 1993 et les accords de Paris, ce projet a été remplacé par un appareil de domination chargé de gérer les ambitions personnelles et les luttes interethniques et interrégionales, et surtout d’éviter l’alternance par la voie des urnes. Cela s’est fait avec l’adoption d’une loi électorale avec un mode de scrutin à un seul tour qui favorisait systématiquement l’équipe au pouvoir. Il s’agit donc d’une sorte de « coup d’État permanent ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Omar Bongo à la Conférence nationale de 1990.</span></figcaption>
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<p>Ceci s’est vérifié notamment à la <a href="http://www.dailymotion.com/video/x9j4u0_annonce-de-la-mort-du-president-oma_news">mort du Président Omar Bongo</a>, en juin 2009. Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_gabonaise_de_2009">élections qui s’en suivirent</a> et qui ont fait élire Ali Bongo furent contestées en raison de leur mode de gestion opaque à travers une Commission nationale des élections et une Cour constitutionnelle aux ordres et donc à l’impartialité douteuse. Depuis cette époque où les décisions de ces instances n’ont fait que conforter l’équipe au pouvoir par Ali Bongo, rien n’a été fait pour assurer la transparence du jeu démocratique.</p>
<p>Au contraire, l’enfermement s’est installé, malgré les mises en scène politiques : absence de débats réels et contradictoires, pseudo-participation des élites et des représentants des ethnies et des régions au gouvernement et au pouvoir, sujétion des responsables des organes de gestion des élections et de la démocratie, humiliations et ostracismes vis-à-vis de ceux qui paraissaient empêcher de tourner en rond. Logique qui a conduit à décrédibiliser ces institutions et leurs gestionnaires et qui a consacré le caractère artificiel de la démocratie à la gabonaise et les fractures.</p>
<p>Et pourtant les signaux d’alarme de cette déliquescence et de cette mal-gouvernance n’ont pas manqué : les scandales politico-financiers (Delta Synergie, Olam, etc.), les incessantes convulsions sociales et corporatives, la paupérisation grandissante en raison du chômage élevé des jeunes, les <a href="http://lemonde.fr/international/article/2016/08/27/au-gabon-le-clan-bongo-defie-par-un-ancien-de-la-famille_4988801_3210.html">défections de plus en plus nombreuses</a> des membres du parti présidentiel au profit de l’opposition pour protester notamment contre la confiscation du pouvoir par la famille Bongo, etc. Bref, au baromètre de la démocratie participative, le pays a vite fait de ressembler trait pour trait à une dictature.</p>
<h2>Un État contre ses populations</h2>
<p>La gestion de la crise actuelle depuis une dizaine de jours témoigne à suffisance d’un mode de gouvernance par la peur et par la terreur en coupant les systèmes de communication et en instaurant la violence et les assassinats et arrestations arbitraires. On parle aujourd’hui de plus d’une cinquantaine de morts et de disparus et de plus de 1200 arrestations. Au lieu d’éclairer les populations et la communauté internationale sur les vrais résultats des élections, bureau de vote par bureau de vote, il s’agit au contraire de conforter la place du « clan » Bongo et de ses réseaux sur le réservoir de ressources à piller qu’est le Gabon. Et le Parti démocratique gabonais (PDG), celui d’Ali Bongo, dont la devise est : « Dialogue, Tolérance, Paix » apparaît désormais celui de l’autoritarisme, du rejet du dialogue et de la violence.</p>
<p>Le scénario de la crise postélectorale actuelle est quasiment le même qu’en 2009. Il faut s’emparer du pouvoir par tous les moyens pour obliger l’opposition à recourir aux voies « légales » pour toute contestation. Et ce scénario repose lui-même sur un air bien connu qu’aimait à rappeler le Président Omar Bongo lui-même : « On n’organise pas les élections pour les perdre ».</p>
<p>Jusqu’à très récemment, ce système a marché et les populations l’avaient implicitement accepté, seul moyen pour elles de glaner quelques miettes par ricochet en espérant que l’un des siens soit appelé à son tour à la table du festin. C’est ce qui expliquait que le Gabon soit un pays où il ne se passe jamais rien, <a href="https://theconversation.com/le-gabon-le-pays-ou-il-ne-se-passe-jamais-rien-64856">comme l’a si bien analysé Florence Bernault</a>. Un pays marqué par le défaitisme des populations et des élites intellectuelles. Un pays en mal de développement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137238/original/image-20160909-13345-wvqcol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Malgré de réels atouts économiques, dont la filière du bois, le Gabon n’a pas décollé économiquement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jbdodane/11938355326/in/photolist-jbXc7w-4xkZ2t-fN4Er3-xAA9Lq-4xNPPq-4xNQ5y-3JE9fS-4xJCyD-6DUTha-fLSEJQ-E2bdsF-oSPDHB-urGgFd-4xmEWa-mfPFx-8ZRhKT-ztJHu8-dgL1az-e7oNai-mcmVp-cg3S4b-dPnbom-4URNz-eg6fY6-aabZgL-4xJGXV-zHu3pP-amW7n-4xJGST-4xNNY5-4xNP4h-4xJGQg-7zbsMH-6GFvd-8vzZrD-8v4cJ3-4xqjBc-4xJCR4-4xuy6J-4xuwLh-7yPC9E-4xqiWx-4xmEVz-pmRZx8-2hPHyc-4xmddk-4xmEVZ-4xqkiB-8Azw7X-jewAws">jbdodane/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Comment comprendre autrement qu’après plus de cinquante ans de régime Bongo, aucun secteur ne connaît de résultats significatifs ? Ni l’éducation, dont les diplômés sont au chômage parce que leurs formations ne sont pas adaptées aux besoins de l’économie ! Ni la santé, dont la plupart des centres hospitaliers ne disposent pas d’infrastructures de qualité et de personnels en nombre suffisant. Le réseau routier est peu développé avec un peu plus de 1 000 km de routes bitumées, dont moins de 20 % peuvent être considérés comme en bon état dans un pays dont la superficie est la moitié de la France.</p>
<p>En ce qui concerne l’eau et l’énergie, même si on peut dire que les services se sont installés dans les villes, il est facile de constater que ceux-ci sont inexistants dans l’unité sociale de base que constitue le village. L’agriculture est restée traditionnelle dans ses modes de production, jouant surtout un rôle de subsistance, les paysans n’étant ni formés, ni aidés. Bref, même avec une économie fondée sur la rente pétrolière et minière et sur celle des revenus du bois, qui ont permis d’élever le pays au rang de pays à revenus moyens, les populations ont été les oubliées du système. Avec un PIB par habitant de 16 000 dollars (en 2011), le Gabon occupe la 73<sup>e</sup> place et la 106<sup>e</sup> au titre de l’IDH (Indice du développement humain), aggravant par là même leur mécontentement.</p>
<h2>Ali Bongo à tout prix</h2>
<p>Depuis l’indépendance (1960), le Gabon a vécu sous une gouvernance autoritaire, marquée par un mode autocratique, consacré jusqu’en 1990 par le parti unique. Conséquence de tout cela, aucune alternance véritable n’a jamais eu lieu. Même s’il est fondé formellement sur le modèle français, le système politique actuel, qui se compose de trois corps administratifs – l’exécutif, le législatif et le judiciaire – est organisé sur la sujétion des deux derniers sur le premier.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137237/original/image-20160909-13348-11f2kkr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ali Bongo, à la tribune de l’ONU, en septembre 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/un_photo/21219752353/in/photolist-ecv3wL-bF6xqB-7om7tq-fTQr2a-EsC8LW-BDJvpG-AKRUP3-yk7M6c-BgfnyU-f9o9TQ-k3u98B-6MC2HP-k3v6D8-6MC2Bk-6MGdvm-k1uQxt-6V9tB3-7LH2ed-eGJKC6-omF86g-euh711-7gkavH-dNiVAc-9smYKi-8n8Wnx-7zbZEK-4Tnko7-dNpv41-nBJqWt-7LD1RD-dTUhk8-ecv43J-8n8RhX-8nc4oh-dwAzt-8n8Whv-dwAzw-dEFwid-dJQpE7-dEA98Z-dEFwbo-dJQpC7-7gpumU-7gkyXT-orhds-7gpujY-rA4pM9-rmUN7j-GQK3vs-cU2nK5">ONU/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>C’est ainsi que le Président de la République est le Président du Conseil national de la magistrature et que, dans ce régime dit démocratique, l’opposition ne dispose que de quelques représentants à l’Assemblée nationale et au Sénat. Toutes choses qui expliquent l’incapacité de ces instances à prendre en compte réellement les aspirations des populations locales. Dans ces conditions, on comprend pourquoi <a href="http://afrique.lepoint.fr/actualites/gabon-la-cour-constitutionnelle-solution-et-probleme-09-09-2016-2067172_2365.php">nombre de Gabonais se méfient du rôle</a> que pourraient jouer ces institutions dans la logique de sortie de crise.</p>
<p>Pourtant, le Gabon n’est pas condamné à la crise, à la mal-gouvernance, à la dictature et à l’anarchie. Depuis le début de cette crise, des voix venues du pays et du monde entier appellent à la paix et à la normalisation en demandant à l’opposition de saisir les institutions en charge de la gestion de la démocratie. D’autres prônent de mettre en place un gouvernement d’union nationale, voire d’instaurer une sorte de cohabitation.</p>
<p>Or il est facile de voir que toutes ces solutions ont en commun de réinstaller le Président Ali Bongo au pouvoir. Elles ne sont donc ni réalistes, ni faisables tant est grande la fracture entre les parties en présence. Et il ne s’agit pas ici d’une figure de style.</p>
<h2>Assistance à peuple en danger</h2>
<p>Parce qu’elle a su réaliser l’unité en son sein et faire fi des divisions pour se concentrer sur l’essentiel, l’opposition, organisée autour de Jean Ping avec ses différents leaders comme Zacharie Myboto, Guy Nzouba, Alexandre Barro-Chambrier, René Ndemezo’o et Casimir Oyé Mba, a réussi à vaincre ses peurs en réalisant l’unité. Elle s’est engagée à mettre en place une nouvelle gouvernance fondée sur le passage d’une démocratie formelle à une démocratie véritable et responsable, une démocratie fondée sur les principes de bonne gouvernance, de participation, de reddition des comptes et de transparence. Il ne s’agit donc pas d’une simple opposition entre deux hommes – Ali Bongo et Jean Ping – mais bien d’une opposition sur la conception même de l’État et la manière de le gérer.</p>
<p>En proposant de construire enfin un État au service réel des populations les plus vulnérables ou les plus démunies, l’opposition, alliée à la société civile, veut renverser la vapeur et impulser le développement. C’est pourquoi elle le montre déjà dans son fonctionnement en équipe, rejetant le mythe supposé de la hiérarchie des ethnies et des régions qui est au cœur du mode de gouvernance du système Bongo. Son ambition est de réinventer le vivre-ensemble, d’instaurer des règles de vie communes et justes, conditions de la paix et du développement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137239/original/image-20160909-13383-15xoho9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’opposant Jean Ping en 2012.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/foreignoffice/6924000311/in/photolist-bxRj4H-9yQzER-9jEQjD-7Tfcmr-9yQxTX-9yTzUL-oRBezf-7Tis7U-dYpFkU-9QUepR-99BkWT-oN2s2k-an1rhQ-MWzig-9JK8zN-9yQyop-aBJWtX-9Yeu8Z-9yQxxZ-dYiZgt-9TMXgU-9yQzxg-9yQxLV-bjWSdJ-bjCxmY-bk4a2L-9yTxXo-9yQyeZ-9yTAiq-99BkSv-dYiZxD-dYpFGw-apmbXv-7TfbUc-oKZzjU-7TfbK6-dYiZAa-dYiZdK-dYpFDf-9yQAxz-9JRExL-dYiZn6-7TirwE-7Tiscf-dYiZE2-9yTz2y-dYpFzS-7Tirc7-dYiZiH-9C1ffn">Foreign and Commonwealth Office/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La réponse à cette fracture et le retour à la paix véritable ne sont possibles que si la communauté internationale, sous l’égide de l’ONU, aide à reconstruire le cadre de paix et le capital de confiance qui s’est brisé en raison du hold-up électoral. Le chemin est étroit et difficile et il faudra à l’ONU plus que jamais la sagesse du Roi Salomon. Et cela passe par la reconnaissance des résultats des élections du 27 août et donc du nouveau Président élu.</p>
<p>Il faudra aussi et enfin l’appui multiforme des pays amis et de la communauté internationale pour sécuriser les populations, assurer un fonctionnement minimal du pays et aider à imprimer une dynamique nouvelle. Il ne s’agit pas ici d’un simple devoir d’ingérence, mais véritablement de la nécessaire assistance à peuple en danger de mort. Mais le comprendront-ils ?</p>
<p>Car aucun pays ne peut fonctionner de façon durable sans un minimum de confiance entre les individus, sans un minimum de règles admises par tous, sans un minimum de justice et sans un minimum de principes. Ceux du droit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bonaventure Mve Ondo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise actuelle n’est pas seulement la conséquence d’une simple fraude électorale, mais du ras-le-bol contre un État qui s’est ingénié à manipuler la démocratie et à en bloquer le développement.Bonaventure Mve Ondo, Professeur Université Omar Bongo (Libreville), Chercheur associé au LAM (Laboratoire des Afriques dans le monde), Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/648562016-09-04T20:05:54Z2016-09-04T20:05:54ZLe Gabon, le pays où il ne se passe jamais rien<p>Dimanche 28 août, le candidat de l’opposition unie, Jean Ping (73 ans) déclare avoir <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20160828-gabon-jean-ping-bongo-elu-president-ali-bongo">gagné l’élection présidentielle</a>. Libreville s’enferme dans une attente inquiète. Les magasins sont fermés et les rues désertes. Mercredi soir 31 août, le président sortant, Ali Bongo (57 ans), crie victoire. Le résultat a été officiellement annoncé quelques heures auparavant par la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cénap). Bongo a une faible avance : 49,80 % des voix contre 48,23 % pour Jean Ping, soit 5594 votes sur 627,805 inscrits.</p>
<p>À l’annonce de cette victoire, la rue gabonaise s’enflamme. À Libreville et Port-Gentil, les deux villes principales, des manifestants improvisent des barrages de route et mettent le feu à l’Assemblée nationale. Le lendemain, jeudi 1<sup>er</sup> septembre, la rumeur fait état d’une attaque du QG de Jean Ping par la garde républicaine, un corps d’élite chargé de la protection du président. La police et de l’armée sont dans la rue. Vendredi 2 septembre, on décompte alors trois morts et plus d’un millier de manifestants et pillards en état d’arrestation.</p>
<p>Les évènements semblent un rejet des manifestations et de la grogne exprimées en 2009 <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-3.htm">après l’élection d’Ali Bongo à la présidence</a>. À cette date, Ali Bongo était déjà passé en force. Fils du président sortant, il est soupçonné d’être le fossoyeur du système de parrainage inauguré par de Léon Mba, premier président du Gabon, envers de méritants dauphins politiques. Avec Ali, on passe à un système ouvertement dynastique. L’embrasement actuel montre que malgré sept ans au pouvoir, le fils d’Omar Bongo n’a pas convaincu.</p>
<h2>Les paradoxes d’une dictature « soft »</h2>
<p>Sur le papier, le Gabon peut paraître insignifiant : 1,6 million d’habitants seulement contre 23 millions au Cameroun voisin. Mais avec de riches ressources (pétrole, manganèse, uranium et bois), ce petit pays est resté un bastion de stabilité en Afrique centrale, une région minée par la guerre et les violences sociales. Depuis l’indépendance (1960), le Gabon n’a pas quitté l’orbite de l’ancien pouvoir colonial. Liens économiques avec la France, présence militaire, loyauté diplomatique et clientélisme n’ont fait que croître et embellir, même après les secousses de la libéralisation politique de 1990 et le renforcement de l’opposition, vite maté à l’époque par Omar Bongo.</p>
<p>Plus récemment, l’éclatement de brefs scandales médiatiques sur les <a href="http://www.jeuneafrique.com/178444/politique/biens-mal-acquis-bongo-sarkozy-les-mallettes-et-la-pr-sidentielle-de-2007/">propriétés du personnel politique gabonais en France</a>, ou sur les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wqI8kQKq8KY">« crimes rituels »</a> que commanditerait la classe politique, loin de signaler une rupture, démontre l’imbrication des intérêts entre les classes dirigeantes des deux pays. En 2009, lorsque la France soutient la candidature d’Ali Bongo, les milieux bien informés murmurent que le choix se justifie par la nécessité de ne pas voir l’ex-empire éclaboussé par les dossiers secrets et explosifs qu’aurait laissé Omar Bongo au Palais du bord de mer.</p>
<p>Pourtant même si, en 56 ans d’existence, la jeune nation n’a connu que deux présidents élus avant Ali (Léon Mba : 1960-1967, Omar Bongo :1968-2009), les démocraties occidentales ont continué, bon an, mal an, de fréquenter le régime. Malgré le népotisme et le contrôle des prébendes par l’État, le Gabon reste une dictature soft. Deux raisons principales à cela : la politique gabonaise repose d’abord sur un système d’équilibre régional qui lui a évité les sanglants conflits ethniques de ses voisins. Deuxièmement, la classe politique a longtemps réussi à étouffer l’opposition dans l’œuf en redistribuant régulièrement les miettes du gâteau national.</p>
<h2>L’union nationale à la Bongo</h2>
<p>Sous Omar Bongo, le contact entre base électorale et politiques fonctionnait en effet sur un système flexible dit d’« union nationale ». Il reposait sur la cooptation par l’appareil d’État de fonctionnaires et politiques venus de tous les coins du pays. Pendant sa longue présidence, Bongo eut soin de s’entourer de cabinets savamment composés de représentants de la plupart des ethnies et régions du pays, et d’opposants qu’il réussissait à convaincre de collaborer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136489/original/image-20160904-20247-pojql5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Statue d’Omar Bongo à Franceville.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jbdodane/11970570673/in/photolist-STMBD-jd5aAV-je7Ji8-jd5faV-NC27F-NBxwU-jeR7nq-jeNiBx-jeNRDQ-NBxcW-jeNMZq-7jerQs-2y5mPm-opJXHA-7yy37R-9J8F2U-jd6yWi-jd8Tw3-2hWidQ-8rUfbb-7DnXHH-5NT6xV-4SydZ5-7zbZEK-doUNSz-4SyqXh-rJTDib-s2mgBQ-rK2KRB-s2qiaR-r5FEte-rJUFuL">jbdodane/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Lui-même originaire du Haut Ogooué (Franceville), Bongo appartient à une ethnie (Téké) largement minoritaire au Gabon. Dans un pays où moins de deux millions d’habitants parlent plus de cinquante langues différentes, ce système de gouvernement proportionnel et d’union nationale rassure les Gabonais, qu’ils soient supporters ou adversaires du régime. Seuls les Fang ont un relatif avantage démographique avec environ 35 % de la population, mais ils cristallisent contre eux des peurs de domination des autres composantes du pays.</p>
<p>Ce multiculturalisme politique, sous les traits du pater familias entouré des enfants de toutes les provinces, anime également la vie quotidienne et les médias. Il agit au rebours des discours modernisants et répressifs de ses voisins, où les questions tribales ont longtemps été bannies du discours public pour mieux exploser en guerres politico-ethniques. Saupoudrée de marketing et d’animation folklorique, la fierté ethnique opère à tous les niveaux. Les candidates au concours annuel de « Miss Gabon », par exemple, doivent défiler dans le costume de leur ethnie à la grande joie de leurs supporters locaux. Mais la fierté d’être gabonais, ou « originaire » comme on dit, s’appuie sur une lourde xénophobie vis-à-vis des étrangers, surtout immigrants pauvres nombreux à travailler dans l’industrie minière et le commerce.</p>
<p>La deuxième clé de la longévité du système politique gabonais tient aux innombrables canaux de redistribution qui tempèrent la rapacité des « grands », surnom familier des dirigeants politiques. Le PDG (Parti démocratique gabonais), au pouvoir, maîtrise ces réseaux à travers ses branches locales. Les partis d’opposition adoptent les mêmes tactiques. Tous participent par exemple aux « distributions » ou « donations » de médicaments, argent, nourriture et vêtements aux
« populations locales » (sic) lorsqu’ils sont en tournée dans les provinces : tout un vocabulaire hérité de « la coloniale », comme on dit au Gabon.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136490/original/image-20160904-20224-ee60x2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un pays doté de fortes ressources minières mais aux infrastructures en mauvais état.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jbdodane/11598350874/in/photolist-iEUzCN-iEPrAC-iEPwEL-iEPC7C-iELQWi-iEKSfp-jcZtg4-jdnsPN-jeRKz1-jeMkG8-jeMo28-jbWtYE-jbSzE4-j4PZiL-mcvCX-cqsXbW-jdiBKb-iEZGzx-jdeECq-jdagMT-jdczDj-jdbUTz-jdduQi-jdpc3T-jdntez-jdmr9h-jdrodh-jdqqTu-jdkCrD-jdfsM9-jdh2dD-iEVoR4-iEYir2-jdnxq1-jdiPrM-jdpLGB-jdq5uw-jdfphd-jdokzz-jdk1u8-jdovin-jdp4sT-jdoxtL-jdrVeW-jdn33p-jdrF9S-jdibd8-jdpZA5-jdoDYE-jdpC32">jbdodane/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>En période de campagne électorale, ces donations quasi quotidiennes sont retransmises sur la télévision nationale. On y voit les bienfaiteurs accueillis par une foule joyeuse et les danses de bienvenue des associations féminines locales. En contrepartie, les donateurs espèrent les votes de leurs protégés. Le système signifie que rente minière et pétrolière ne revient au commun des Gabonais que selon le bon vouloir d’une classe politique qu’on somme de se montrer généreuse et ostentatoire (un style politique très prisé au Gabon), mais qui reste imprévisible. La relation de dépendance est renforcée par le cercle vicieux du marasme des infrastructures de base et des équipements sanitaires, économiques, scolaires et médicaux qui manquent partout, ou ne fonctionnent pas.</p>
<h2>Un pays riche, une population pauvre</h2>
<p>Un cas banal est celui de ces hôpitaux de Libreville où les salles d’attente engorgent de malades soumis à des cautions de 300 000 francs CFA (environ 450 euros) ou plus, conditionnant toute prise en charge médicale. Le prétexte est que le personnel soignant manque de tout. Dans les grandes villes le nombre d’écoles maternelles et élémentaires privées explose, conséquences de la décomposition de l’enseignement public. L’eau et l’électricité sont victimes de coupures quotidiennes. La poste ne marche pas. Dans un pays grand comme la moitié de la France, le réseau routier compte 9 000 km de routes (contre 950 000 km dans l’hexagone), dont à peine 20 % est goudronné, condamnant à l’isolement une large partie de la population rurale (42 %).</p>
<p>Ali Bongo n’a pas réussi à inverser la tendance. Lancée en 2011, la campagne d’Ali Bongo et de son épouse Sylviane <a href="http://www.aninf.ga/telechargements/PLAN%20STRATEGIQUE%20GABON%20EMERGENT.pdf">pour « Le Gabon émergent »</a>, censé transformer le pays « en moins d’une génération » a fait long feu.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136493/original/image-20160904-20228-12ldu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A la tête du Gabon depuis 2009, Ali Bongo n’a pas convaincu.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/foreignoffice/7006214853/in/photolist-bF7FzP-fTQwPn-fTQuxZ-fTRYdD-fTQwaY-fTRVA4-euh711-fTRE3U-fTQwuz-dNiVAc-bF6FCi-fTRAcC-9smYKi-fTRCUm-8n8Wnx-ecpqzV-fTQvmy-ecpq4F-fTRXeK-ecv3wL-4Tnko7-dNpv41-bF6xqB-7om7tq-nBJqWt-7LD1RD-fTQr2a-dTUhk8-ecv43J-8n8RhX-8nc4oh-dwAzt-8n8Whv-dwAzw-dEFwid-EsC8LW-dJQpE7-BDJvpG-dEA98Z-dEFwbo-dJQpC7-7gpumU-7gkyXT-orhds-7gpujY-AKRUP3-yk7M6c-BgfnyU-rA4pM9-rmUN7j">Foreign and Commonwealth Office/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le Gabon est resté un pays riche avec une population pauvre. Alors que le PIB est parmi les premiers d’Afrique, avec environ 10 0000 dollars par habitant, le désemploi, la faiblesse des infrastructures bancaires, l’insécurité économique et l’absence de perspectives d’avenir constituent l’expérience quotidienne de la majorité des Gabonais. Avec la chute du prix du pétrole à partir de l’été 2014, le marasme a fortement augmenté. Les investissements publics, déjà insuffisants, se sont réduits.</p>
<p>C’est dans un contexte de mécontentement populaire exacerbé que l’élection présidentielle s’est jouée cet été.</p>
<h2>Des élections sous contrôle</h2>
<p>Depuis l’époque coloniale, l’État a la mainmise sur le système électoral. Bien que les résultats des vainqueurs restent modestes comparés à certains régimes africains, les candidats cooptés par le pouvoir bénéficient d’un appareil bien rôdé. Les présidentielles de 2016 en sont un excellent exemple. La date exacte des élections à venir (27 août) n’a été annoncée par la Commission nationale électorale (Cenap) que le 6 juin dernier. Les candidats ont eu à peine de déposer leurs candidatures avant la date butoir du 12 juillet. La Cenap a ensuite fixé l’ouverture officielle de la campagne au 13 août, soit 14 jours avant le vote.</p>
<p>Entre-temps c’est le gouvernement qui est chargé de recenser les électeurs et d’imprimer les nouvelles cartes qui devront être présentées lors du vote. On imagine les prétextes à favoriser les électorats fidèles, et écarter les récalcitrants.</p>
<h2>« C’est dosé »</h2>
<p>En 2009, l’élection controversée d’Ali Bongo se déroule selon une logique dynastique qui semble rompre avec l’ancienne tradition du « parrainage » inauguré par Léon Mba dans les années 1960 pour son dauphin Omar Bongo. Pourtant Ali Bongo peut aussi compter, paradoxalement, sur un statut d’outsider-insider. <a href="http://www.france24.com/fr/20160825-entretien-ali-bongo-gabon-presidentielle-jean-ping">Ses origines obscures</a> (la rumeur veut qu’il ait été adopté au Nigeria par Omar et sa première femme) ont l’avantage de faire croire qu’il devrait, comme ses prédécesseurs, gouverner avec toutes les composantes du pays.</p>
<p>Mais depuis son arrivée au pouvoir, Ali Bongo a préféré, aux dosages ethniques et partisans de son père, la loyauté d’un cercle plus restreint d’hommes de confiance. L’ancien équilibre régional et politique s’est affaibli. D’où la popularité du slogan de la campagne de Jean Ping : « C’est dosé ». En clair : avec Ping comme président, le Gabon reviendra à la bonne vieille cooptation « de papa » et à ses bienfaits. Jean Ping lui-même, produit de la génération d’Omar Bongo, incarne la nostalgie des plus âgés pour la décade de prospérité économique qu’a connu le Gabon entre 1990 et 2002.</p>
<p>Le <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/08/23/gabon-jean-ping-le-cacique-d-omar-bongo-qui-veut-casser-ali_4986788_3212.html">parcours de Jen Ping</a> ressemble d’ailleurs à celui de feu Omar Bongo : fils d’un commerçant chinois et d’une femme d’Ombooué (Sud), il occupe lui aussi la position « présidentiable » d’une minorité ethnique. Cacique du pouvoir et brillant serviteur de l’État, il a une réputation de frugalité – dans ces temps de crise, elle apparaît comme une promesse de lutte contre la corruption des « grands ».</p>
<p>Enfin, Jean Ping peut se targuer d’une carrure internationale que n’avaient ni Omar Bongo ni son fils. Secrétaire général de l’Union africaine de 2008-2012. C’est justement cette carrière internationale qui a jeté la graine de la discorde entre Ping et Ali Bongo. En 2012, lorsqu’il n’est pas renouvelé à la tête de l’Union africaine, Jean Ping se plaint de n’avoir pas été soutenu par son gouvernement, et par Ali Bongo. En 2014, la rupture entre les deux hommes est totale.</p>
<h2>Que va-t-il se passer ?</h2>
<p>Si la tourmente actuelle rappelle le scénario de 2009, le mécontentement populaire est plus fort. Peu d’espoir reste, même parmi les supporters d’Ali Bongo, que celui-ci puisse véritablement engager les réformes nécessaires au pays. Du côté de l’opposition, des tendances lourdes sont à prendre en compte. L’opposition gabonaise est historiquement faible, mal organisée, et souvent prête à pactiser avec le pouvoir. Ses dirigeants restent avant tout des politiciens du sérail et des technocrates sans véritable assise populaire. C’est le cas de Jean Ping lui-même, ou de ses alliés de dernière minute pendant la campagne : Casimir Oyé Mba, ancien premier ministre d’Omar Bongo, et Nzouba Ndama, ancien président de l’Assemblée nationale.</p>
<p>Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que depuis 1960, aucun mouvement d’alternance ne soit vraiment apparu au Gabon. Reste la pression de la rue ou le coup d’État. Celui perpétré contre Léon Mba en 1964 a été réprimé dans le sang. On voit mal aujourd’hui comment les <a href="http://lemonde.fr/afrique/article/2016/09/02/gabon-a-quel-jeu-joue-la-france_4991307_3212.html">molles protestations internationales</a> de ces derniers jours, de Ban Ki Moon à François Hollande, convaincront Ali Bongo de mettre en péril sa réélection en ordonnant le recomptage des votes. Mais le Gabon, « pays où il ne se passe jamais rien », selon la « radio-trottoir » locale, peut toujours surprendre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Bernault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Trois présidents depuis l’indépendance en 1960 ; la stabilité politique de cet État faiblement peuplé d’Afrique centrale a longtemps reposé sur un système de redistribution aujourd’hui en panne.Florence Bernault, Professeur, University of Wisconsin-MadisonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/615962016-07-04T04:39:26Z2016-07-04T04:39:26ZLes élections présidentielles africaines sont-elles crédibles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128901/original/image-20160630-30638-1fs29mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Campagne électorale en juillet 2011 à Kinshasa (Congo).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/monusco/6325754963/in/photolist-aCZ9yK-aMKVEp-aNEqAp-aMaJkB-aMJrVX-aMLKxp-aD3CEj-aNEs92-aMarvH-agnmLp-aD3CDb-aMJHbi-aNcT16-7YSHvd-aNh22p-aMKVF8-aCZ9y8-aMKVER-aRUJog-aNEkeM-aNfy9B-aSmqrv-aSmASM-ihirN-aSmsmz-aSmqrF-aSmqsF-aSmcTx-aSmsmr-ihirP-8YV47W-aSmsnF-ap61vX-agEuyL-aD2k9s-ap6bVK-ap61vH-aMJHb2-aD3CDE-aMJrVv-aRs3UD-agoGGc-aNEkeB-aESTGt-aD3CCC-agTKLa-aNEkeK-aCX9JZ-aSmsm2-aRUHkR">Monusco/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des 18 mois qui séparent le début de l’année 2015 de la fin du premier semestre 2016, pas moins de 19 élections présidentielles ont eu lieu sur le continent africain, impliquant plus de 169 millions d’électeurs pour une population concernée estimée à plus de 425 millions d’habitants habitants. Fin 2016, la moitié de la population africaine aura été invitée à participer à une élection présidentielle en deux ans.</p>
<p>Au plan quantitatif, on doit reconnaître que les peuples africains n’ont jamais été autant consultés en si peu de temps. Est-ce un bon indicateur des progrès de la démocratie ? Ce n’est pas si sûr.</p>
<h2>Processus électoral et processus démocratique</h2>
<p>D’abord parce qu’il ne faut pas confondre processus électoral et processus démocratique, car s’il n’y a pas de démocratie sans élection, il peut y avoir des élections sans démocratie. Ensuite parce qu’une analyse plus approfondie des 19 scrutins évoqués précédemment montre des différences parfois sensibles entre les différents cas de figure.</p>
<p>Qu’entend-on par élections présidentielles ? Il s’agit, évidemment, de consultations visant à désigner un président de la République. Mais les modes opératoires ne sont pas partout les mêmes.</p>
<p>Ainsi les dispositions constitutionnelles ne prévoient-elles pas partout le recours au suffrage universel pour élire le chef de l’État. À Maurice, c’est le gouvernement qui a porté, le 31 mai 2015, Ameenah Gurib-Fakim à la magistrature suprême –un poste purement honorifique. En Somalie, c’est le Parlement qui désignera le président avant la fin 2016. En Angola, c’est le chef du parti vainqueur des élections générales de 2017 qui sera président.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128900/original/image-20160630-30627-1olbb0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ali Bongo a succédé à son père en 2009 au Gabon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldeconomicforum/5687583408/in/photolist-9EAmoU-6VKZEA-6VLmY9-6VFNrX-6VM7L5-6VGK64-6VFz8a-d2849h-6VGqNT-6VGcP8-bVJsSL-9EKbXD-7h4cFs-7jerQs-fTRqBe-fTRTVa-vZrfSF-NqERt-fTQsrW-fTQtVM-fTRwME-fTRk6p-fTRw4C-fTRtDr-fTRYnM-fTRp2Q-fTRyYJ-fTQyra-fTRSSi-fTRUmR-fTRtaG-d283jm-d281A3-6MC2wX-6MC2Qe-d282xf-6V5rqK-eurfAf-d27Yvb-6MGdzQ-6MC2rK-9EN8FL-6MC28K-6V9xj1-6MC2Ne-6MGdQq-9EN8zY-6MGdms-6MGdEW-d27XCC">World Economic Forum/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Dans certains pays, l’élection présidentielle ne comporte qu’un seul tour, et c’est le candidat arrivé premier qui gagne, même avec un score très bas. Il en est ainsi au Malawi, en Zambie, au Rwanda, au Cameroun. Ce sont des dispositions relativement récentes qui ont imposé ce système au Togo (2002), au Gabon (2003) et en République démocratique du Congo (2011). On comprend qu’une opposition divisée n’a guère de chance d’obtenir une alternance dans de telles conditions, et les autocrates au pouvoir savent en jouer.</p>
<p>Le suffrage universel et les deux tours sont parfois complétés par une règle qui vise à préserver la cohésion nationale. Ainsi au Nigeria le candidat doit obtenir la majorité simple mais aussi 25 % des suffrages dans au moins 24 des 36 régions de la fédération, faute de quoi il doit y avoir un second tour. C’est un système voisin qui prévaut au Kenya où le vainqueur doit obtenir 25 % des voix dans au moins 24 des 47 comtés, mais il doit également décrocher la majorité absolue sur l’ensemble du territoire.</p>
<p>Enfin, avec le temps, des modifications constitutionnelles ont parfois été apportées pour déverrouiller la <a href="http://theconversation.com/lafrique-saisie-par-la-fievre-du-troisieme-mandat-53258">limitation du nombre des mandats présidentiels</a>, confirmant ainsi qu’il ne faut pas confondre élections et démocratie, puisque ces dispositions nouvelles ont presque toujours été adoptées par référendum.</p>
<h2>Contrôle citoyen et tricheries</h2>
<p>Qu’entend-on pas crédibilité ? C’est plus long à expliquer, et surtout à démontrer. Pour établir la carte proposée ci-dessous, nous avons retenu un certain nombre de critères, sans être dupes des ambiguïtés qui peuvent être légitimement soulignées et qui auraient pu conduire à abandonner le <a href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/page/lamencartes">projet de cartographie électorale initié à LAM (Les Afriques dans le monde)</a>.</p>
<p>Si nous avons décidé de persister, c’est essentiellement parce qu’il est devenu beaucoup plus difficile qu’autrefois de tricher sur les chiffres des résultats. En effet, la « révolution des smartphones » permet désormais de transmettre en temps réel les procès-verbaux de tous les bureaux de vote à des plateformes centralisées opérées par des organisations de la société civile, souvent encadrées par des associations internationales. Les partis politiques maîtrisent également cette technologie de telle sorte que toutes les données sont disponibles dans les réseaux parallèles avant que les organismes officiels (commissions électorales, conseil ou cour constitutionnelle) publient les résultats.</p>
<p>Pour échapper à ce contrôle citoyen, les pouvoirs en place n’ont d’autre choix que de couper les communications Internet pendant les opérations électorales. Le <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/prive-d-Internet-et-de-telephone-le-congo-vote-pour-elire-son-president_1775042.html">Congo Brazza</a> et le Tchad l’ont fait en 2016 : ils sont en rouge sur notre carte, comme <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/04/08/a-djibouti-une-election-presidentielle-jouee-d-avance_1444439">Djibouti</a> dont les résultats détaillés de l’élection présidentielle du 8 avril 2016 n’ont toujours pas été publiés.</p>
<p>Mais tricher sur les chiffres est encore possible en amont des résultats, en jouant sur les fichiers électoraux et donc sur l’inscription des électeurs. Certes, dans des pays où l’état civil est embryonnaire, il est difficile de tenir des listes électorales à jour, et la simple délivrance des cartes d’identité est un exercice long et coûteux. Les pourcentages d’enrôlement sont donc très variables, et varient entre 25 % (d’électeurs par rapport à la population totale) en Côte d’Ivoire et à Djibouti à 55 % en Guinée et <a href="https://theconversation.com/biometrie-au-tchad-nouvelles-technologies-et-vieilles-recettes-electorales-58394">au Tchad</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128899/original/image-20160630-30661-1wwn8eo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de la crédibilité des élections en Afrique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/page/lamencartes">LAM</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans certains pays, une disposition particulière a été introduite pour permettre à des électeurs non inscrits de voter quand même. C’est le « vote par témoignage » au Niger ou le « vote nomade » au Tchad. Cela a permis au vainqueur d’obtenir, dans certaines régions, davantage de suffrages sur son nom qu’il n’y avait d’inscrits. Par voie de conséquence, le <a href="http://theconversation.com/au-niger-le-president-issoufou-a-t-il-ete-elu-comme-on-lentend-57603">Niger est en rouge sur la carte</a>.</p>
<h2>Pourcentages soviétiques</h2>
<p>D’autres critères ont été pris en compte, bien qu’ils soient plus difficiles à mesurer. Par exemple, la campagne électorale a été analysée en fonction de la liberté de la presse et de l’expression publique en général, de l’équité dans l’exposition médiatique des candidats, des moyens mis en œuvre par les appareils politiques ou par les candidats. Les opérations électorales elles-mêmes ont été observées sous plusieurs indicateurs : bulletin unique, urnes transparentes, libre circulation des électeurs, absence de « pressions ». Sous cet angle, le Soudan, l’Ouganda, la Guinée Équatoriale et le Burundi ont basculé dans le rouge.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128965/original/image-20160701-18317-1p1q70w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président Obiang Nguema, au pouvoir en Guinée équatoriale depuis…1979.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/equatorial_guinea/4889738003/in/photolist-8s6bKD-8s6bhi-8s9e5s-8s6bmg-8s9cNE-8s6b1X-a3npHq-8s9dvd-8s9deG-8s9cWw-8s9ebo-8s9dq1-8s9eQL-8s69SK-8s9ek3-a3jwXg-8s6byX-8s9cKj-8s9eho-8s69HD-8s6aJk-8s6aFD-8s6auM-8s69Zc-8s6axr-8s6aCV-8s9dLW-8s9djW-8s6arr-8s674x-8s6acn-8s99wU-8s9dhb-8s6ahT-apnjyD-8YVLcX-8LYJNy-8ndkQB-9YTCJW-8LVH1K-85bLni-8o16TX-8MCzW6-8LVJpM-9YTDSm-8YYPjb-a3ndJd-8DCrpk-a3ndRC-a3ndZN">Ambassade de Guinée équatoriale/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, nous avons été attentifs à la reconnaissance des résultats par les perdants, ainsi que par la communauté internationale, et nous avons noté – à leur juste valeur – les avis des observateurs « indépendants » nationaux ou étrangers. Le point de vue des chercheurs a également été écouté. Moyennant quoi, le Togo et la Tanzanie ont rejoint la catégorie des pays où la crédibilité des élections est considérée comme douteuse.</p>
<p>La synthèse de ces paramètres donne la carte que nous publions, en rouge et en vert. Pour permettre de comparer ce qui est comparable, nous avons choisi de représenter le score de chaque vainqueur en fonction des suffrages obtenus par rapport aux inscrits, ce qui relativise parfois les pourcentages « soviétiques » obtenus par certains autocrates.</p>
<p>Chacun pourra naturellement remettre en cause le point de vue que nous avons souhaité illustrer. C’est bien l’objectif de notre entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61596/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours de l’année 2016, près d’une vingtaine d’élections présidentielles auront lieu sur le continent africain. Est-ce un bon indicateur des progrès de la démocratie ? Ce n’est pas si sûr.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/576032016-04-18T04:44:27Z2016-04-18T04:44:27ZAu Niger, le président Issoufou a-t-il été élu « comme on l’entend » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/118190/original/image-20160411-21979-uuwsy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/">Les Afriques dans le Monde (LAM), Christian Bouquet et Valérie Alfaurt</a></span></figcaption></figure><p>Toutes proportions gardées, le discours de François Mitterrand à la Baule en 1990 et la <a href="https://theconversation.com/manuel-valls-dans-les-sables-mouvants-d-on-nest-pas-couche-53277">phrase de Manuel Valls</a> en janvier 2016 à propos de l’élection au Gabon d’Ali Bongo – pas élu « comme on l’entend » – entrent en résonance. Il y avait chez l’un l’appel à la démocratie et chez l’autre le rappel au respect des règles électorales.</p>
<p>En cette année 2016 qui connaîtra (plus ou moins) <a href="https://theconversation.com/lafrique-saisie-par-la-fievre-du-troisieme-mandat-53258">17 élections présidentielles en Afrique</a>, être élu « comme on l’entend » risque de prendre une importance inédite, dans la mesure où chaque scrutin sera scruté à l’aune des bonnes pratiques. Certaines consultations vont poser aux responsables politiques français des problèmes de langage diplomatique, comme on a déjà pu le voir au Congo-Brazzaville où le président sortant Denis Sassou-Nguesso a clairement verrouillé les mécanismes de contrôle. Ou bien à Djibouti où le quatrième mandat d’Ismaël Omar Guelleh qui avait « juré de partir en 2016 » n’augure rien de bon. Ou encore au Tchad, où Idriss Déby Itno a, lui aussi, coupé les communications pendant les opérations électorales. Et comme on le verra au Gabon et en RD Congo dans les prochains mois.</p>
<p>On pouvait penser que la situation au Niger serait plus limpide, dans la mesure où l’élection présidentielle de 2011 n’avait pas posé de problème particulier puisque le vainqueur (Mahamadou Issoufou) avait été poussé au second tour par une large opposition qui avait rassemblé à cette occasion plus de 42 % des suffrages. Apparemment plus forte et plus unitaire en 2016, cette opposition regroupée sous le nom de COPA pouvait espérer décrocher l’alternance.</p>
<p>Toutefois, <a href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/">au laboratoire LAM</a> (Les Afriques dans le Monde) où nous avons décidé de cartographier les consultations de 2016 si elles sont crédibles (<a href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr">rubrique LAMencartes disponible dans les prochains jours pour le Bénin</a>), nous avons éprouvé sur le Niger quelques hésitations portant sur plusieurs critères importants.</p>
<p>Il y a d’abord eu des doutes sur la fiabilité du fichier électoral, ce qui n’est pas propre au cas nigérien car la plupart des pays d’Afrique subsaharienne disposent de services d’état civil embryonnaires et n’organisent des recensements que tous les dix ou quinze ans. Mais, ici, la liste électorale arrêtée pour les consultations de 2016 a suscité des protestations telles que l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) a dû dépêcher une mission de contrôle en janvier 2016, et ses conclusions étaient – en termes diplomatiques – inquiétantes : 323 « bureaux de vote sans électeurs » étaient ainsi recensés, sans explication.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/118191/original/image-20160411-21986-oc4z43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/">Les Afriques dans le Monde (LAM), Christian Bouquet et Valérie Alfaurt</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>C’est dans ce contexte qu’a été légalisé le principe du « vote par témoignage ». Il s’agissait ni plus ni moins que d’ajouter à la liste officielle tout citoyen dont l’entourage était en mesure de garantir, le jour du vote, qu’il avait bien la qualité d’électeur. Cette pratique n’était pas nouvelle, mais dans le contexte tendu de 2016 elle a fait grincer l’opposition.</p>
<p>Et, de fait, les « votants sur la liste additive » enregistrés comme tels par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) ont été relativement nombreux : 227 534 au 1er tour et 172 482 au second tour. C’est à la fois beaucoup en valeur absolue et peu en proportion puisque la « liste initiale » comptait 7 571 342 électeurs officiellement inscrits. Mais cela reste source de contestation légitime, du moins « comme on l’entend », notamment dans les départements d’Iférouane et d’Ingall, où la participation a dépassé 100 % et où le président sortant a obtenu respectivement 103,48 et 104,39 % des suffrages par rapport aux inscrits. La CENI a d’ailleurs consigné ces chiffres en l’état.</p>
<h2>Deux millions de voix en plus d’un tour à l’autre</h2>
<p>Autre motif d’inquiétude pour l’exemplarité du scrutin, Hama Amadou, le challenger du président sortant (Mahamadou Issoufou) n’avait pas pu conduire sa campagne électorale puisqu’il était en prison, en raison d’une <a href="http://www.liberation.fr/planete/2014/11/25/soupcon-de-trafic-de-bebes-au-c%C5%93ur-du-pouvoir-nigerien_1150640">suspicion de complicité d’adoption illégale de bébés nigérians</a>. Qualifié malgré tout pour le second tour, il n’a pas davantage pu tenir personnellement le moindre meeting puisqu’il a dû être évacué dans un hôpital français en raison d’un état de santé précaire.</p>
<p>Mais c’est surtout autour de l’arithmétique que cette élection suscite un malentendu. À condition naturellement que nous restions dans une logique arithmétique. C’est ainsi que le 1er tour de l’élection présidentielle, tenu le 21 février 2016, avait donné les résultats suivant : 48 % à Mahamadou Issoufou, 18 % à Hama Amadou, 12 % à Seyni Omar, 6 % à Mahamane Ousmane et 4 % à Ibrahim Yacouba. Sachant que les candidats Amadou, Omar et Ousmane (36 % à eux trois) avaient conclu une entente pour le second tour dans le cadre de la COPA 2016, mais qu’ils avaient finalement appelé au boycott, on pouvait s’attendre à une participation sensiblement plus faible au second tour (le 20 mars 2016).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/118600/original/image-20160413-22045-1rtu45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mahamadou Issoufou, le sortant réélu au Niger.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/53390373@N06/7099104739/in/photolist-bPjLvz-hEK4Ug-hEK59e-hjnmY8-hjnnfa-hjmnss-qnR1Kd-hjmmKq-hjnmNt-aYLWBp-c4C6fs-s58Yje-nEqNhe-aYM454-nYGLL2-aYLSRg-khj6es-oGAgbn-oqUnwv-bPjBJp-aE4j2z-aE8aSo-wsnrDs-nWCaav-nWNzDw-aE89Hu-dKynkM-dKyqgP-aE4iZZ-dKDQ4y-dKDQ2J-dKynn8-dKynjK-dKDQ2Q-yTWAye-ue6Hvg-ue6Jqc-uTuG2r-vbfnhv-uTmyQu-uTmyMU-udVY6Q-uTnbTu-varaJ5-varaNJ-v8CuhG-uTuFAg-vaWDc6-v8CuHS">UNCTAD/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Il n’en fut presque rien. Celle-ci ne descendit que de 8 points à peine (de 66,76 % à 59,79 %). Ainsi, puisque les électeurs n’ont pas vraiment suivi les consignes de boycott, on aurait dû retrouver les chiffres du 1er tour à peine écornés par cette faible abstention.</p>
<p>Or ce ne fut pas le cas, au contraire. Mahamadou Issoufou a réussi l’exploit de gagner presque deux millions de voix (4 105 514, contre 2 247 864 quatre semaines plus tôt), venues d’on ne sait où, sinon des électeurs de ses adversaires puisque le candidat Hama Amadou ne rassemblait plus au second tour que 333 147 voix, contre 824 439 sur son seul nom au 1er tour, et 1 677 402 avec l’ajout (intégral) de ses deux principaux alliés.</p>
<h2>Le téléphone portable, rempart contre le trucage</h2>
<p>En dehors de ces deux taches noires, qui soulignent les anomalies d’Iferouane et d’Ingall, on remarque que cette carte est en déphasage avec celle du premier tour, sauf à Niamey où le second tour semble cohérent. Est-ce parce que l’élection y était davantage surveillée ?</p>
<p>Voilà donc une énigme sur laquelle il conviendrait de se pencher avec attention. Pour cela, il existe quelques outils. Il ne s’agit pas de consulter les observateurs internationaux, par exemple les 130 déployés par la Cédéao, car ceux-ci n’ont observé que ce qu’on leur a montré.</p>
<p>Il s’agit plutôt du recours à ce nouveau mode de vérification des élections en Afrique : les plateformes de monitoring, qui centralisent les remontées à partir de chaque bureau de vote de tous les résultats via les téléphones portables. C’est le meilleur rempart contre le trucage des résultats, puisqu’il n’y a plus aucune possibilité de modifier les chiffres dès lors que ceux-ci sont transmis en temps réel, et les procès verbaux eux-mêmes peuvent être photographiés et transférés à la plateforme.</p>
<p>Le Niger disposait au moins d’une structure de ce type, mais celle-ci a-t-elle réussi à faire remonter les tableaux émanant des 25 792 bureaux de vote répartis dans le pays, et parfois situés dans des zones hors réseau ?</p>
<p>En attendant, la nouvelle Assemblée nationale (élue lors d’un scrutin à un seul tour tenu le même jour que le 1er tour de la présidentielle) compte 75 députés (sur 171) appartenant au parti du président réélu (PNDS/Tarayya), ce qui est insuffisant pour disposer de la majorité absolue. Mais les 11 députés manquants devraient pouvoir se trouver facilement dans la dizaine de petits partis qui ont obtenu 5 députés ou moins.</p>
<p>Il reste à savoir si l’ensemble du processus électoral qui a eu lieu au Niger en février et mars 2016 s’est déroulé « comme on l’entend ». Vue sous l’angle de la géographie politique, la réponse, pour l’heure, est négative.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/57603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le 20 mars dernier, le président sortant du Niger, Mahamadou Issoufou, a été réélu haut la main. Mais la fiabilité du fichier électoral et l'ampleur de sa victoire nourrissent les doutesChristian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.