tag:theconversation.com,2011:/id/topics/hommes-74011/articleshommes – The Conversation2024-03-06T16:08:29Ztag:theconversation.com,2011:article/2230422024-03-06T16:08:29Z2024-03-06T16:08:29ZLa charge mentale masculine existe-t-elle vraiment ?<p>La charge mentale des hommes – en particulier des pères de famille – est-elle une réalité ? Ces dernières semaines, cette question a fait les titres de plusieurs magazines tels que <em>Le Figaro</em> et <em>Le Point</em>, évoquant cette <a href="https://www.lefigaro.fr/decideurs/management/la-charge-mentale-des-peres-de-famille-ce-sujet-tabou-dont-on-ne-parle-qu-en-coulisses-20240114">« réalité taboue »</a> de notre époque, particulièrement décuplée chez les <a href="https://www.lepoint.fr/societe/la-charge-mentale-des-hommes-existe-t-elle-21-01-2024-2550293_23.php">classes moyennes et supérieures</a> à la suite du premier confinement. Si les sondages menés par Ipsos mettent en exergue la présence d’une charge mentale excessive chez <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/charge-mentale-8-femmes-sur-10-seraient-concernees">14 % des hommes en 2018</a>, ils soulignent que ce taux reste de 9 points plus élevé chez les femmes.</p>
<p>Les travaux de la sociologue <a href="https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1984_num_26_3_2072">Monique Haicault</a> explorent dès 1984 l’idée d’une <a href="https://theconversation.com/penser-a-tout-pourquoi-la-charge-mentale-des-femmes-nest-pas-pres-de-salleger-221659">charge mentale</a> liée à la double charge de travail – salarié et domestique – pour les femmes au sein du couple hétérosexuel. La charge mentale est une notion qui n’englobe pas simplement l’exécution pratique des tâches domestiques, telles que faire le ménage, préparer les repas, ou s’occuper des enfants. Elle prend aussi en compte <a href="https://theconversation.com/charge-mentale-au-travail-comment-la-detecter-et-la-combattre-89329">le travail d’organisation</a> et de coordination de ces tâches, nécessaire à la vie du foyer, ainsi que la responsabilité de leur réalisation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/charge-mentale-comment-eviter-une-surchauffe-du-cerveau-222843">Charge mentale : comment éviter une surchauffe du cerveau ?</a>
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<p>Alors que dans la sphère salariée, penser l’organisation du travail est valorisé économiquement et symboliquement, puisque relevant de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1467-6486.00149">l’activité de management</a>, au foyer, la charge mentale demeure invisible, non rémunérée et <a href="https://hal.science/hal-02881589">supposée naturelle pour les femmes</a>.</p>
<p>Cependant, depuis 2017 et le mouvement #MeToo, déclencheur d’une résurgence des combats féministes, la notion de charge mentale, autrefois réservée au cercle universitaire, a fait son apparition dans la sphère publique. Les travaux de la dessinatrice <a href="https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/">Emma</a> ont joué un rôle crucial dans sa diffusion, grâce à une bande dessinée virale sur les réseaux sociaux.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/BssNQ_Ngh9M/?hl=fr","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>« Je fais largement mes 50 % »</h2>
<p>Cette mise en lumière de la charge mentale des femmes a suscité une réaction importante de la part des hommes, inquiets que leur contribution à l’organisation du foyer ne soit pas reconnue à sa juste valeur. Parmi les commentaires sous la BD d’Emma, <a href="https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/">sur son site</a>, on peut par exemple lire :</p>
<blockquote>
<p>« Il ne faudrait pas faire croire non plus que les femmes seraient les seules à subir une charge mentale. »</p>
</blockquote>
<p>De la même façon, dans une recherche en cours <a href="https://theconversation.com/profiles/edwige-nortier-1503170">d’une des autrices</a>, l’idée d’un partage de la gestion du travail domestique est revendiquée par les pères interrogés. L’un d’eux affirme ainsi qu’il « fait largement [ses] 50 % », et défend être à domicile à 18h30 « pour relayer » son épouse en prenant notamment en charge les devoirs, avant de « retourner bosser » pendant que sa femme gère le repas et le coucher. Plus largement, divers témoignages d’hommes dans la <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/qui-sont-les-nouveaux-peres-20230725">presse</a> semblent indiquer une volonté d’implication croissante des pères dans les tâches du foyer. Cette évolution s’inscrit notamment dans le cadre de la flexibilisation du travail pendant la crise sanitaire, ainsi que les réformes récentes du congé paternité (actuellement de 25 jours en France depuis juillet 2021).</p>
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<h2>Une amélioration grâce aux confinements ?</h2>
<p>Il semblerait toutefois que la réalité soit <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/letat-des-lieux-du-sexisme-en-france">plus contrastée</a> que les discours des hommes sur leur implication dans le foyer. Les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281050?sommaire=2118074">dernières données</a> relevées par l’Insee en 2010 montraient que les femmes consacraient en moyenne 3h26 de leur journée aux tâches domestiques, contre 2h pour les hommes. Si leur mise à jour n’a lieu qu’en 2025, des études intermédiaires, notamment lors des confinements de 2020, soulignent que les femmes continuent d’assumer <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4797670?sommaire=4928952#titre-bloc-29">l’essentiel des tâches domestiques et parentales</a>. Dans ce contexte de <a href="https://theconversation.com/pour-les-femmes-la-flexibilite-des-horaires-de-travail-se-paye-au-prix-fort-143702">télétravail</a> imposé, le changement de répartition du travail domestique n’a été que très marginal. Il s’est fait principalement <a href="https://blog.insee.fr/sur-les-taches-domestiques-l-homme-est-remplacant/">autour des courses</a> – qui, il faut le rappeler, étaient à ce moment-là un des rares moyens de sortir du domicile. Ainsi, en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4797670?sommaire=4928952#titre-bloc-29">mai 2020</a>, alors que plus de la moitié des femmes déclaraient consacrer minimum 2h aux tâches domestiques chaque jour, les hommes n’étaient que 28 %. De même pour le temps quotidien consacré aux enfants : 58 % des femmes déclaraient y consacrer au minimum 4h pour seulement 43 % des hommes.</p>
<p>Par ailleurs, l’utilisation accrue d’outils tels que les calendriers ou les <em>to-do</em> listes pour se répartir les tâches pendant cette période a en fait maintenu la charge mentale <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-08-2020-4880/full/html">sur les femmes</a>. Dans la même lignée, une <a href="https://academic.oup.com/sf/advance-article-abstract/doi/10.1093/sf/soad125/7301284">étude menée sur 10 ans</a>, montre que même lorsque les hommes bénéficient d’horaires aménagés, ils ne prennent pas plus en charge les responsabilités familiales au sein des couples hétérosexuels.</p>
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<h2>Le congé paternité : facteur de changement ?</h2>
<p>Le congé paternité cristallise tout particulièrement ce déséquilibre de charge mentale. L’une de nos études montre que les hommes auraient tendance à <a href="https://publications.aaahq.org/accounting-horizons/article-abstract/doi/10.2308/HORIZONS-2022-099/11576/Men-s-Experiences-of-Paternity-Leaves-in">organiser ce congé</a> non pas autour de la naissance de leurs enfants mais autour de leurs obligations professionnelles. L’un des hommes interrogés dans cette recherche explique avoir coupé son congé en deux pour pouvoir :</p>
<blockquote>
<p>« prendre une période plus longue sans que ça impacte trop [son] activité [professionnelle] ».</p>
</blockquote>
<p>Sa femme avait une vision différente : pour elle, le congé paternité ne devrait pas être « un gros break à Noël » mais un temps pour être présent dans l’éducation des enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/penser-a-tout-pourquoi-la-charge-mentale-des-femmes-nest-pas-pres-de-salleger-221659">« Penser à tout » : pourquoi la charge mentale des femmes n’est pas près de s’alléger</a>
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<p>Ces stratégies opérées par les hommes peuvent s’expliquer en partie par une culture du lieu de travail et par des contraintes professionnelles qui <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0003122414564008">n’encouragent pas la prise complète du congé</a> lors de la venue d’un enfant, mais aussi par la crainte d’être stigmatisé par ce choix. De nombreux hommes perçoivent encore le congé paternité comme un heurt à leur carrière, et certains managers tentent même parfois de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/gwao.12904">dissuader leurs collègues</a> d’y avoir recours alors qu’ils en ont eux-mêmes bénéficié.</p>
<p>Le lieu de travail est pensé et organisé pour et par les « joueurs masculins » qui ont « créé les règles du jeu » pour reprendre la métaphore des sociologues <a href="https://doi.org/10.1177/017084069201300107.">Alvesson et Billing</a>. Dans ce contexte, tout écart par rapport aux attentes traditionnelles de genre est perçu comme un risque pour les employés – ce qui met en lumière la rigidité des rôles de genre au sein des espaces de travail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-travail-invisible-une-lutte-sans-fin-pour-les-femmes-203284">Le travail invisible, une lutte sans fin pour les femmes</a>
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<h2>De quelle charge mentale parle-t-on ?</h2>
<p>L’exemple du congé paternité met en évidence un décalage notable entre la définition académique de « charge mentale » chez les femmes, et son emploi dans les discours publics pour caractériser l’expérience des hommes. L’<a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/charge-mentale-8-femmes-sur-10-seraient-concernees">étude Ipsos</a> de 2018 permet déjà de souligner cette distinction. Celle-ci indique que pour une femme sur deux l’apparition de la charge mentale est liée à l’arrivée d’un enfant, alors qu’un homme sur deux l’associe à l’entrée dans la vie active.</p>
<p>En 2024, en France, <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/letat-des-lieux-du-sexisme-en-france">70 % des hommes</a> estiment encore qu’ils doivent être le soutien financier de leur famille pour être valorisés socialement. La sphère professionnelle prime ainsi dans les activités des hommes, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1097184X01004001001">même quand ils deviennent pères</a>. Leur « charge mentale » reste majoritairement pensée dans la continuité d’un rôle de « breadwinner » (principal pourvoyeur de revenus pour la famille).</p>
<p>Pourtant, la proportion de ménages où les deux partenaires subviennent également aux besoins du foyer ou de ménages où la femme est la principale « breadwinner » est en <a href="https://www.demographic-research.org/articles/volume/35/41/">augmentation</a> dans de nombreux pays d’Europe. En France, cette dernière catégorie représente un <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/document-travail/are-female-breadwinner-couples-always-less-stable/">couple sur quatre</a> en 2017, contre un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281400">couple sur cinq</a> en 2002.</p>
<p>Cette augmentation ne s’accompagne néanmoins pas forcément d’un changement significatif de répartition des tâches ménagères et des soins aux enfants. Dans une étude menée par la sociologue <a href="https://www.unine.ch/socio/home/collaborateurs/nuria-sanchez.html">Núria Sánchez-Mira</a> en 2016 en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/gwao.12775">Espagne</a>, lorsque la femme devient « breadwinner » pour son foyer, aucun des couples étudiés n’atteint une répartition équitable. La participation des hommes n’augmente donc que de manière limitée, et la séparation genrée des tâches persiste. Par ailleurs, cette recherche espagnole souligne que les discours et la réalité autour de cette séparation diffèrent :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on compare les récits des hommes à ceux de leurs partenaires, on constate dans certains cas une surestimation de leur contribution réelle. Les hommes semblent se livrer à un exercice d’ajustement de la réalité pour correspondre à un discours politiquement correct de co-responsabilité dans les tâches ménagères et les soins aux enfants ».</p>
</blockquote>
<h2>Charge mentale : les hommes font-ils une crise ?</h2>
<p>Le discours autour de la charge mentale des hommes s’inscrit dans une expression plus large d’une <a href="https://theconversation.com/la-crise-de-la-masculinite-ou-la-revanche-du-male-96194">« crise de la masculinité »</a>, c’est-à-dire le sentiment qu’il serait <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/letat-des-lieux-du-sexisme-en-france">difficile d’être homme</a> dans la société actuelle du fait d’une remise en cause des rôles genrés traditionnels, particulièrement depuis 2017 et le mouvement #MeToo. De fait, en 2024, 37 % des hommes disent considérer que le féminisme menace leur place et leur rôle, et qu’ils sont en train de perdre le pouvoir. Le HCE souligne que <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/letat-des-lieux-du-sexisme-en-france">ces résultats</a> indiquent un retour préoccupant des injonctions conservatrices qui réassignent les femmes à la sphère domestique.</p>
<p>Comme l’explique le professeur de sciences politiques <a href="https://www.editionspoints.com/ouvrage/la-crise-de-la-masculinite-francis-dupuis-deri/9782757892268">Francis Dupuis-Déri</a>, cette notion de crise de la masculinité n’est pas récente. Elle est régulièrement invoquée pour expliquer et justifier l’(in) action des hommes et les inégalités de genre. Il souligne que cette idée relève du mythe plus que de la réalité empirique :</p>
<blockquote>
<p>« Les hommes ne [seraient] pas en crise, ils [feraient] des crises quand les femmes refusent le rôle […] qui leur est assigné. »</p>
</blockquote>
<p>Le débat sur la « charge mentale » des hommes peut être considéré comme une marque de la « crise » en cours, signalant une résistance aux luttes féministes. En effet, elle relève d’une tentative de symétriser dans le discours l’implication des femmes et des hommes au foyer. Cela invisibilise la permanence d’une <a href="https://theconversation.com/inegalites-femmes-hommes-tout-ce-que-les-chiffres-ne-nous-disent-pas-171040">inégale répartition du travail domestique</a>.</p>
<p>Il est bien sûr important de reconnaître que les hommes <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1303232?sommaire=1303240">s’impliquent davantage</a> dans le foyer depuis ces 25 dernières années, notamment sur l’éducation des enfants. Toutefois, dans le contexte actuel, la notion de « charge mentale des hommes » relève d’une subversion du concept originel aux dépens de sa politisation féministe initiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223042/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certains articles soulignent que, comme les femmes, les hommes ressentiraient une charge mentale. Est-ce vraiment le cas ? De quelle charge mentale parle-t-on ?Edwige Nortier, Assistant Professor Comptabilité, Contrôle, Audit, EM Lyon Business SchoolElise Lobbedez, Lecturer (assistant professor), University of EssexJuliette Cermeno, Docteure en sciences de gestion - théorie des organisations, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207372024-01-23T15:45:43Z2024-01-23T15:45:43ZLes femmes désirent gravir les échelons des grandes entreprises. Mais pas à n’importe quel prix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569414/original/file-20240115-27-31qawf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C538&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes veulent bien accéder aux plus hautes fonctions. Mais pas à n’importe quel prix.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le cabinet d’experts-conseils <a href="https://www.spencerstuart.com/">Spencer Stuart</a> publiait récemment une étude sur la <a href="https://www.spencerstuart.com/-/media/2023/december/f500-profiles/fortune-500-csuite-snapshot-profiles-in-functional-leadership.pdf">composition de la très haute direction des entreprises membres du Fortune 500</a>, soit les 500 entreprises américaines les plus riches.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/direction-dentreprise-les-femmes-perdent-du-terrain-elles-doivent-etre-strategiques-mais-la-culture-doit-aussi-changer-195508">Direction d'entreprise : les femmes perdent du terrain. Elles doivent être stratégiques, mais la culture doit aussi changer</a>
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<p>L’analyse portait notamment sur le genre des titulaires de tels postes, leurs fonctions et la source de leurs nominations, soit de l’interne ou de l’externe de l’organisation.</p>
<p>L’étude de la composition de la très haute direction, souvent appelée la <em>C-Suite</em> en anglais, revêt une importance particulière puisqu’elle permet d’identifier la réalité de la relève féminine au poste de PDG d’une organisation.</p>
<p>Respectivement doyenne de l’École de gestion John Molson, et experte depuis plusieurs décennies de la place des femmes dans les hautes sphères du milieu des affaires, nous discuterons des principaux constats émanant de l’étude menée par Spencer Stuart.</p>
<h2>Les prémisses de départ</h2>
<p>Trois conclusions ont particulièrement attiré notre attention :</p>
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<li><p>les hommes représentent 60 % du groupe sélect qu’est la très haute direction. Ils se retrouvent principalement dans les fonctions qui offrent le plus de possibilités de nomination à la fonction de PDG, <a href="https://www.spencerstuart.com/-/media/2021/december/lastmile/the-last-mile-to-the-top-future-ceos-who-beat-the-odds.pdf">selon l’historique des nominations à de telles fonctions</a>. On parle par exemple des postes de chef des opérations, chef de division et chef des finances ;</p></li>
<li><p>de plus en plus présentes dans les fonctions de très haute direction (40 %), les femmes se retrouvent toutefois dans les fonctions de cheffe des ressources humaines, cheffe des communications, cheffe de la diversité et de l’inclusion, ou cheffe du développement durable. En d’autres termes, ce sont des fonctions dites de support, importantes pour les organisations, quoique malheureusement perçues comme ayant peu d’impact sur l’avoir des actionnaires et leur performance financière ;</p></li>
<li><p>les nominations aux postes de haute direction propulseurs à la fonction de PDG proviennent principalement de l’interne. Qu’est-ce que ça implique ? Qu’une connaissance intime de l’organisation sur une longue période est valorisée et qu’un processus de promotion est généralement en place pour alimenter le vivier de relève.</p></li>
</ul>
<h2>Portrait mondial de la situation</h2>
<p>Notre expérience des dernières décennies nous permet de faire un constat similaire au Canada. Nous avons donc souhaité vérifier si cette situation était similaire dans d’autres pays.</p>
<p>Un rapport de l’Organisation internationale du travail intitulé <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/---publ/documents/publication/wcms_700953.pdf">« The Business Case for Change »</a> permet de donner un aperçu du positionnement des femmes dans les hautes sphères du pouvoir auprès de 13 000 entreprises opérant sur tous les continents.</p>
<p>À l’instar des États-Unis et du Canada, ce clivage selon les sexes entre les fonctions qui sont de support et d’apport direct à la profitabilité de l’organisation paraît généralisé. Il est également qualifié, selon les auteurs de cette étude, de « mur de verre » puisqu’il limite le vivier des candidatures féminines potentielles à la fonction de PDG.</p>
<p>Mais comment expliquer ce phénomène ?</p>
<h2>Stéréotypes, biais et préjugés</h2>
<p>Dans un premier temps, les stéréotypes et les préjugés liés au sexe jouent dès l’enfance.</p>
<p>Ils ont un impact sur les jouets avec lesquels les enfants jouent, les matières qu’ils étudient, leur vie et leurs carrières futures.</p>
<p>Les filles – de manière générale – aspirent à devenir médecins, enseignantes, infirmières, psychologues et vétérinaires. Quant aux garçons, ils veulent devenir ingénieurs, <a href="https://www.unesco.org/fr/articles/combattre-les-prejuges-et-les-stereotypes-lies-au-genre-dans-et-par-leducation">travailler dans les TIC et dans la mécanique</a>.</p>
<h2>Culture des organisations</h2>
<p>Dans un second temps, la culture des organisations est un <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/---publ/documents/publication/wcms_700953.pdf">miroir de notre société et de ses traditions</a>.</p>
<p>Elle véhicule donc des biais quant au potentiel de leadership des femmes comparativement aux hommes.</p>
<p>Selon l’enquête de l’Organisation internationale du travail citée plus haut, 91 % des femmes interrogées sont d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait que les femmes dirigent aussi efficacement que les hommes. Or, seulement 77 % des hommes sont d’accord avec cet énoncé.</p>
<p>Il est permis de penser que ce biais à l’égard du leadership a un impact sur les processus de recrutement, de nomination, de développement, de talents et d’affections enrichies (affectations qui permettent à un employé d’enrichir ses habiletés, ou <em>stretch assignment</em> en anglais) qui pavent la voie aux progressions de carrière.</p>
<p>Il est également permis de penser que ces biais sont aussi présents au sein des conseils d’administration qui ont pour responsabilité de nommer les PDG et qui sont encore aujourd’hui composés majoritairement d’hommes.</p>
<h2>Des objectifs de vie différents</h2>
<p>Enfin, les femmes et les hommes ont des préférences et des objectifs de carrière différents.</p>
<p>Selon une étude réalisée par les professeures de la Harvard Business School Francesca Gino et Alison Wood Brooks et intitulée <a href="https://hbr.org/2015/09/explaining-gender-differences-at-the-top">« Explaining the Gender Differences at the Top »</a>, les femmes considèrent les occasions d’avancement avec autant d’intérêt que les hommes. Par contre, elles les trouvent moins atteignables en raison de leur emploi du temps chargé. Elles doivent donc évaluer plus sérieusement les compromis et les sacrifices qu’elles doivent faire pour occuper des postes de haute responsabilité et de pouvoir.</p>
<p>Les auteures prennent soin de préciser que ces résultats ne signifient pas que les femmes sont moins ambitieuses, mais que le succès professionnel a une signification différente selon les individus. Pour certains, celui-ci prend la forme du pouvoir. Pour d’autres, il peut signifier rendre ses collègues heureux et contribuer à rendre le monde meilleur dans un environnement de collaboration et d’entraide.</p>
<p>Cette recherche va dans le même sens que celle de Viviane de Beaufort, professeure à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC). Elle a constaté, dans le cadre d’une étude menée auprès de 295 femmes françaises dirigeantes sur leurs aspirations professionnelles, que les femmes veulent bien accéder aux plus hautes fonctions. <a href="https://www.academia.edu/80171918/WP_CERESSEC_CEDE_ESSEC_Viviane_de_Beaufort_2022_avec_le_collectif_WOMEN_BOARD_READY_ESSEC">Mais pas à n’importe quel prix</a>.</p>
<h2>Qu’est-ce qui détermine les parcours professionnels ?</h2>
<p>Le présent article soulève donc la question suivante :</p>
<p>Peut-on espérer, en tant que femme, être un jour PDG ou réaliser nos rêves professionnels malgré les biais, les préjugés, les stéréotypes et les barrières que nous devons surmonter ?</p>
<p>Simone de Beauvoir écrivait en 1949 dans son essai « Le deuxième sexe » :</p>
<blockquote>
<p>La femme se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle : elle est inessentielle en face de l’essentiel. Il est le sujet, il est l’absolu, elle est l’autre.</p>
</blockquote>
<p>Cet extrait nous rappelle que les compétences et les connaissances requises pour atteindre les fonctions stratégiques ont, depuis toujours, été définies en fonction de l’exercice du pouvoir au masculin dans un environnement où la performance des organisations est jugée quasi uniquement par les succès financiers et l’appréciation de la valeur pour l’actionnaire.</p>
<p>Il est temps de penser à de nouvelles trajectoires et compétences professionnelles non définies par le genre, mais plutôt par la mission et les objectifs des organisations. Celles-ci doivent tout autant tenir compte de leur apport aux succès financiers des organisations <a href="https://hbr.org/2022/07/the-c-suite-skills-that-matter-most">qu’à leur contribution à la création d’un monde meilleur</a>.</p>
<p>Il faut ainsi valoriser autant les compétences fonctionnelles que les compétences plus douces telles que l’intelligence émotionnelle, l’empathie, le sens du collectif et l’audace.</p>
<p>Abaisser les murs de verre veut aussi dire que les organisations et leur conseil d’administration ont la responsabilité d’identifier et d’encourager les femmes à occuper des postes où elles prennent de l’expérience et développent leur leadership au sein de fonctions de première ligne plutôt que de soutien.</p>
<p>Dans un tel contexte, les femmes, tout autant que les hommes, pourront avoir une meilleure chance d’atteindre les plus hautes fonctions tout en demeurant fidèles à elles-mêmes. Et ce, à part entière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220737/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les femmes sont de plus en plus présentes dans les fonctions de très haute direction, mais elles se retrouvent dans des fonctions dites de support, qui mènent rarement aux postes de PDG.Louise Champoux-Paillé, Cadre en exercice, John Molson School of Business, Concordia UniversityAnne-Marie Croteau, Dean, John Molson School of Business, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119762023-10-06T16:44:22Z2023-10-06T16:44:22ZDans « Le Grand bain », un bataillon de mâles à la dérive ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547800/original/file-20230912-17-ir0a0a.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C979%2C634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouveaux mâles du _Grand Bain_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-235582/photos/detail/?cmediafile=21501831">Mika Cotellon/TF1/StudioCanal</a></span></figcaption></figure><p>Pour la première fois dans l’histoire des Jeux olympiques, les hommes seront autorisés à participer aux compétitions de natation artistique. Depuis l’introduction de cette discipline sportive aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, seules les femmes pouvaient jusqu’alors concourir. Si leur présence à Paris en 2024 sera en nombre limité (jusqu’à deux hommes dans une équipe de huit membres), c’est déjà une grande victoire pour les défenseurs de l’inclusion.</p>
<p>Simple avancée sociale ou fruit d’un long combat masculin, ce changement réglementaire n’est pas sans rappeler le film de Gilles Lellouche, <em>Le Grand bain</em>, sorti en 2018. Ce dernier raconte l’histoire de huit hommes quadragénaires et quinquagénaires qui, largués dans leur vie professionnelle ou affective, se lancent un défi : gagner la coupe du monde de natation synchronisée masculine.</p>
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<p>Les critiques du film, qui furent unanimement positives lors de sa sortie, renvoient incontestablement à cette actualité olympique en questionnant les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/signes-des-temps/gender-studies-la-premiere-grande-enquete-philosophique-sur-l-origine-des-etudes-de-genre-et-leurs-consequences-aujourd-hui-7520974">gender studies</a> sous un angle trop peu abordé en France, celui des clichés associés à la virilité masculine dans le sport.</p>
<p>Ainsi peut-on lire qu’il s’agit d’une comédie « à la gloire des failles et faiblesses humaines » <a href="https://www.liberation.fr/cinema/2018/10/23/le-grand-bain-maillots-forts_1687303/">selon <em>Libération</em></a>, d’un film sociétal « qui met le collectif à l’honneur » <a href="https://www.lefigaro.fr/cinema/2018/11/08/03002-20181108ARTFIG00021-gilles-lellouche-les-10-millions-d-entrees-je-les-feterai-dans-une-piscine-de-champagne.php">pour <em>Le Figaro</em></a>, d’une « vérité humaine qui parle avec une infinie tendresse » <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/poelvoorde-amalric-katerine-katerine-ils-se-sont-jetes-dans-le-grand-bain-23-10-2018-7926504.php">d’après <em>Le Parisien</em></a>. La réflexion que mène le réalisateur – qui est également co-scénariste – se résume en effet par cette formule métaphorique prononcée en début de film par un narrateur extradiégétique : un rond peut-il entrer dans un carré ? Il sous-entend par-là qu’il est peut-être possible d’aborder le rapport entre sport et masculinité d’une tout autre façon que celle qui nous est imposée.</p>
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<p>Gilles Lellouche propose à vrai dire un généreux portrait de ces individus abîmés par notre époque, celle du culte du corps, et qui trouvent leur salut dans un « sport de filles ». Éloge d’un épanouissement possible face à l’injonction généralisée de la réussite, triomphe de la solidarité sur celui de l’individualisme, affichage des ventres mous contre le culturisme ambiant, ce long-métrage apporte un souffle nouveau en déplaçant le topos de la thérapie de groupe dans des vestiaires sportifs.</p>
<p>Si le grand public français a été touché par l’histoire, c’est que le film lutte contre une certaine <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21640629.2016.1198569">vision essentialiste</a> selon laquelle il existerait des différences innées entre les deux sexes. En caricaturant la virilité promue par le système patriarcal, certaines scènes témoignent de l’anti-héroïsme d’une génération d’individus en quête de sens. Ces derniers bousculent, en réaction à la classique <a href="https://journals.openedition.org/lectures/13753">« masculinité hégémonique »</a>, les représentations de l’homme occidental dans le « grand bain » de société française au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>A l’origine, un club de natation synchronisée suédois</h2>
<p>Inspiré de faits réels, le film de Gilles Lellouche s’inscrit dans une lignée de fictions décomplexées sur la soi-disant <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=OIE3DwAAQBAJ">« effémination »</a> de cette génération masculine qui ne se laisse plus enfermer dans ce modèle de virilité héroïque et conquérante.</p>
<p>Lors de l’écriture du film, si le réalisateur avait à l’esprit le film de Peter Cattaneo sur les Chippendales du monde ouvrier (<em>The Full Monty</em>, 1997), il s’est surtout inspiré de l’histoire vraie d’un club de natation synchronisée masculine suédois créé en 2003, le <a href="https://www.larepubliquedespyrenees.Fr/Societe/AFP/france-monde-societe/quadras-et-ventrus-ces-pionniers-de-la-natation-synchronisee-masculine-5148918.php">« Stockholm Simkonst Herr »</a>, un pays où les femmes ont acquis depuis longtemps une place égalitaire dans la vie politique et médiatique.</p>
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<p>Ce club a d’ailleurs donné lieu à un documentaire et à maintes adaptations cinématographiques : <em>Allt flyter</em> de Måns Herngren (2008), <em>Men Who Swim</em> de Dylan Williams (2010), <em>Swimming with Men</em> d’Olivier Parker (2018). Ce sujet a aussi trouvé son public au Japon avec la comédie <em>Waterboys</em> de Shinobu Yaguchi et son adaptation éponyme chinoise réalisée par Song Haolin en 2021.</p>
<p>Le choix de la natation synchronisée, par sa singularité féminine (liée à son histoire et au succès des deux grandes nageuses de ballet du cinéma américain Annette Kellermann et Esther Williams), est sans doute la raison principale ayant poussé le réalisateur à choisir ce sport pour illustrer son propos.</p>
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<p>Toutefois, on peut lire l’intrigue au deuxième degré ; la natation serait alors une métaphore des difficultés rencontrées par les personnages et leur volonté de s’en sortir. Cette théorie opère dès le titre, « le grand bain » dans lequel chacun doit se lancer et apprendre à survivre malgré les obstacles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545325/original/file-20230829-19-hpibob.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Annette Kellermann, pionnière de la pratique de la natation synchronisée, au début du XXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/pictorial-post-card-miss-annette-kellermann-champion-lady-swimmer-and-diver-6c1193">State Library of New South Wales</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les nombreuses métaphores dans ce film, filant une diégèse tragi-comique, permettent de mieux percevoir la volonté du réalisateur de dépasser les stéréotypes pour mieux apprendre à s’accepter. En effet, l’eau peut d’abord revêtir un sens négatif : elle peut inonder, submerger voire noyer. Sans une main tendue, faute d’efforts suffisants, il est souvent difficile de sortir seul la tête de l’eau.</p>
<p>Cependant, à en croire Gaston Bachelard, l’eau nourricière et enveloppante peut <a href="https://www.jose-corti.fr/titres/eau-et-reves.html">être perçue dans un sens positif</a>. L’imaginaire de cet élément est communément lié à l’amour de la mère, par sa forme similaire à celle du liquide amniotique qui nous héberge pendant neuf mois, ou à celle du lait maternel qui nous nourrit. Pour Gilles Lellouche, la piscine est justement un « symbole très maternel » et représente dans le film <a href="https://www.parismatch.com/People/Le-Grand-bain-Gilles-Lellouche-Les-perdants-les-vainqueurs-pour-moi-ca-n-existe-pas-1583307">« un cocon où l’on est à l’abri du jugement des autres »</a>. Ainsi, les héros déçus par la vie, se jettent dans ce <a href="https://www.telerama.fr/cinema/films/le-grand-bain,519844.php">« grand bain amniotique »</a> pour enfin renaître en tant que groupe soudé et, pour reprendre les propos du réalisateur, sentir leur cœur qui se remet à battre.</p>
<p>À travers l’histoire de ces hommes ayant trouvé leur salut dans une activité historiquement connotée comme féminine, <em>Le Grand Bain</em> interpelle les spectateurs sur la nécessité de remettre en cause la masculinité hégémonique. Il s’inscrit dans des questionnements contemporains et permet, comme le dit le sociologue du cinéma Emmanuel Ethis, de <a href="https://www.lepoint.fr/culture/derriere-le-succes-du-grand-bain-un-desir-de-collectif-15-11-2018-2271647_3.php">« réfléchir à la construction et a fortiori à la reconstruction de nos identités »</a>. Pour tous les passionnés de sport ou celles et ceux que le sujet intéresse, ce film est incontestablement une invitation au voyage olympique à venir.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En plongeant ses héros dans une compétition de natation synchronisée, « Le grand bain » vient questionner la masculinité hégémonique et notre vision de la virilité.Thomas Bauer, Maître de conférences HDR en histoire du sport (STAPS), Université de LimogesSiyao Lin, Doctorante en culture sportive, Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2082162023-06-27T18:23:25Z2023-06-27T18:23:25ZProduits végétariens, produits féminins ? Comment combattre une idée fausse<p>Certains préjugés voudraient laisser croire que les hommes ne sont pas concernés par les produits végétariens : <a href="https://psycnet.apa.org/record/2012-30417-001">comme si virilité et végétarisme ne faisaient pas bon ménage</a>. L’association souvent faite entre la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-entretenons-nous-une-relation-damour-haine-avec-la-viande-181692">consommation de viande</a> et la masculinité vient renforcer cette idée préconçue.</p>
<p>Ces stéréotypes de genre n’ont pourtant pas de fondements et méritent d’être discutés alors que les <a href="https://theconversation.com/changer-le-monde-par-son-assiette-retour-historique-sur-le-vegetarisme-159179">effets de la production de viande</a> sur le changement climatique nous incitent à réduire notre consommation. Sans parler des questions relatives au bien-être animal, qui incitent à orienter l’alimentation vers des produits végétaux.</p>
<p>Mais comment changer les perceptions des consommateurs et consommatrices ?</p>
<h2>Végétarisme, une image associée aux femmes</h2>
<p>En France, les commandes de plats végétariens sur les plates-formes de livraison sont <a href="https://o.nouvelobs.com/food/20180703.OBS9086/en-france-le-vegetarien-est-plutot-une-femme-trentenaire.html">à 72 % le fait des femmes</a>. Ce sont donc majoritairement les femmes qui consomment des produits végétariens (d’autres études nombreuses le corroborent). La perception de l’alimentation végétale comme étant féminine a été nourrie par des facteurs tels que la publicité, les médias et même la culture populaire.</p>
<p>Ainsi, les publicités mettant en scène des femmes élégantes et minces dégustant des salades et des légumes verts ont contribué à l’idée que les produits végétariens étaient essentiellement féminins.</p>
<p>Rappelons-nous aussi de Phoebe dans la série <em>Friends</em>, rare représentante du végétarisme dans la culture populaire pendant longtemps. Le mouvement végétarien a en outre souvent été associé à des valeurs de compassion, de bien-être et de respect de l’environnement, traditionnellement considérées comme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/305887861_Is_Eco-Friendly_Unmanly_The_Green-Feminine_Stereotype_and_Its_Effect_on_Sustainable_Consumption">préoccupations féminines</a>.</p>
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<img alt="assiette végétarienne" src="https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533133/original/file-20230621-15-vbgdqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La consommation alimentaire des hommes est [41 % plus polluante que celle des femmes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/jUPOXXRNdcA">Brooke Lark/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Enfin, l’éducation des filles plus orientée sur le <em>care</em> (le soin aux autres et à l’environnement) que celle des garçons renforce encore ce lien. Cette association entre produits végétariens et femmes est ainsi fondée sur des facteurs culturels, des stéréotypes et des généralisations.</p>
<p>Pourtant, le <a href="https://theconversation.com/manger-vegetarien-est-ce-meilleur-pour-la-sante-les-reponses-de-cinq-experts-166559">régime végétarien</a> convient aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Aucune raison biologique ne vient entraver cette possibilité, pas même l’âge comme l’a affirmé <a href="https://www.anses.fr/fr/content/menu-v%C3%A9g%C3%A9tarien-hebdomadaire-%C3%A0-l%E2%80%99%C3%A9cole-l%E2%80%99anses-en-appui-%C3%A0-l%E2%80%99exp%C3%A9rimentation">l’Anses concernant les repas végétariens dans les écoles</a> : il peut être <a href="https://theconversation.com/le-lundi-vert-sans-viande-ni-poisson-est-loin-detre-un-gadget-ecologique-146600">quotidien</a> et couvrir l’ensemble des <a href="https://theconversation.com/morgane-si-jarrete-de-manger-de-la-viande-est-ce-dangereux-pour-ma-sante-154506">besoins nutritionnels</a> des enfants.</p>
<h2>Viande et masculinité</h2>
<p>Sandrine Rousseau a récemment affolé la twittosphère en associant le barbecue aux hommes. Si cette association semble clichée, elle repose pourtant sur des faits en matière de consommation de viande : la consommation alimentaire des hommes est <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0259418">41 % plus polluante que celle des femmes</a> et cela en raison, entre autres, de leur consommation supérieure de viande rouge. La consommation de viande a souvent été associée à la masculinité et les hommes qui consomment de grandes quantités de viande de bœuf sont plus susceptibles d’être imprégnés de stéréotypes sexistes <a href="https://www.ifop.com/publication/enquete-sur-les-rapports-au-genre-et-a-la-politique-des-amateurs-de-viande/">que ceux qui en consomment de manière modérée</a>.</p>
<p>Les publicités mettant en scène des hommes forts et virils dévorant de grandes portions de viande rouge ont contribué aussi à cette image de virilité « carnivore » (même si elles ont commencé à évoluer pour séduire davantage les femmes). L’image de la viande, souvent perçue comme une source de protéines et de nutriments essentiels pour le développement musculaire et la puissance physique, a renforcé l’idée que les hommes en ont besoin pour être forts et en bonne santé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533136/original/file-20230621-25-ffvzjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’image de la viande symbole de masculinité peine à sortir des mentalités.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sander Dalhuisen/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Là aussi, cette association entre consommation de viande et masculinité ne tient pas compte des nombreuses options riches en protéines disponibles dans l’alimentation végétale. Les légumineuses et le soja sont autant de sources de protéines végétales qui peuvent soutenir le développement musculaire et la santé globale, indépendamment du genre.</p>
<p>À cet égard, les recommandations de l’Anses confirment que les besoins en macronutriments et en micronutriments peuvent être couverts pour toutes et tous avec une alimentation végétarienne.</p>
<h2>Pâté et saucisses végétales</h2>
<p><a href="http://www.marketing-trends-congress.com/fr/node/33">Nous avons récemment publié une recherche</a> avec Jordy Stefan qui montre que ces préjugés peuvent néanmoins évoluer lorsque l’on crée une expérience du produit. Nous avons ainsi testé trois conditions expérimentales sur deux produits végétariens : le pâté végétal et les saucisses végétales.</p>
<p>Dans la première condition, les participants étaient interrogés sur leurs perceptions de ces produits (un groupe répondait sur le pâté et l’autre sur les saucisses).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans la seconde condition, les mêmes questions étaient posées mais avec le support d’une photo du produit. Et dans la dernière, ils goûtaient le produit puis répondaient aux mêmes questions. Nous avions également constitué des sous-groupes : certains répondaient en pensant qu’il s’agissait d’un produit végétarien, d’autres en pensant qu’il s’agissait d’un produit carné.</p>
<p>L’intérêt est que l’expérience réduit la distance psychologique au produit. Lorsqu’on se contente de l’évoquer, les stéréotypes et les généralisations sont plus facilement mobilisés pour formuler un avis. Lorsqu’on vit une expérience avec le produit, le sujet fait plus facilement appel à ses perceptions sensorielles.</p>
<h2>L’expérience, plus efficace que les discours</h2>
<p>Nous voulions tester si l’expérience de produits végétariens pouvait modifier la perception genrée de ces produits.</p>
<p>Les résultats révèlent que les participants, lorsqu’ils n’ont pas d’expérience ou une expérience indirecte – voir une photo – considèrent que les produits végétariens ne sont pas destinés aux hommes. Cette perception est en revanche inhibée, et ce quel que soit le produit (pâté ou saucisses), lorsqu’ils y goûtent.</p>
<p>Ces résultats sont très instructifs, tant pour les marques que pour les associations ou les pouvoirs publics qui promeuvent une consommation plus végétale : les discours ne suffisent pas à changer les perceptions et encore moins les comportements.</p>
<p>Il faut engager les consommateurs et les consommatrices dans des expériences pour inhiber les stéréotypes. Nous supposons également que la multiplication des expériences renforcera le changement de perceptions sur le long terme et pourra ainsi engager la société dans une approche moins ancrée sur le genre de l’alimentation.</p>
<p>Ces résultats ouvrent également des perspectives et des voies de réflexion <a href="https://theconversation.com/les-femmes-plus-soucieuses-de-lenvironnement-oui-parce-quelles-ont-appris-a-letre-131314">pour d’autres comportements pro-environnementaux</a>, jusqu’ici majoritairement portés par les femmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208216/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Trelohan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour combattre l’image ancrée selon laquelle les hommes ne pourraient pas se passer de la viande, mieux vaut les pousser à l’expérience que d’utiliser des arguments rationnels.Magali Trelohan, Enseignante-chercheuse, marketing social, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032842023-04-05T14:01:45Z2023-04-05T14:01:45ZLe travail invisible, une lutte sans fin pour les femmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519399/original/file-20230404-543-zzlfr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C5000%2C3300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le travail invisible est une lutte féministe, parce que le combattre, c’est combattre ce qui en est la source, à savoir, les inégalités de genre. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://travailinvisible.ca/">travail invisible</a> est un travail non rémunéré, ou peu, sous-valorisé au regard du travail accompli et de ce qu’il peut apporter à un proche, un organisme ou une institution.</p>
<p>Il est majoritairement réalisé par les femmes. Il comprend les tâches domestiques et les soins (physiques et de soutiens psychologiques) apportés à des proches (enfants, personnes à besoins particuliers, en perte d’autonomie), mais aussi les aides fournies au sein d’une entreprise familiale (exploitations agricoles, commerciales) ou pour le bien d’une organisation de travail (institutions ou autres organismes), sans reconnaissance pécuniaire ou permettant une évolution de carrière. </p>
<p>Quel que soit le profil professionnel des femmes, qu’elles soient mères au foyer, travailleuses autonomes, aux horaires atypiques, étudiantes, professeures d’université ou même élues, toute femme est confrontée, à un moment ou un autre de sa vie, à devoir gérer du travail invisible, comme le démontre cette <a href="https://espace.inrs.ca/id/eprint/11890/1/Rapport-famille-travail-etudes-defis-de-meres-WEB.pdf">récente recherche sur la conciliation famille travail études</a>. Ce travail peut s’accomplir de manières différentes et avec des implications et conséquences variées, mais il se rejoint sur un point : il est assigné prioritairement à la sphère privée et associé à un travail domestique, affectif et/ou de soin.</p>
<p>Depuis 23 ans, à l’initiative de l’association féministe québécoise d’éducation et d’action sociale (Afeas), chaque premier mardi du mois d’avril est consacré à la <a href="https://www.journee-mondiale.com/379/journee-mondiale-du-travail-invisible.htm">Journée mondiale du travail invisible</a>. Le <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/---publ/documents/publication/wcms_633135.pdf">Bureau international du Travail (BIT)</a> estimait, en 2011, à 8 000 milliards de dollars américains la valeur annuelle du travail invisible et non rémunéré des femmes à travers le monde. Cette question m’interpelle en tant que chercheuse travaillant sur les inégalités de genre, notamment au moment de la transition à la parentalité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-femmes-universitaires-font-davantage-de-taches-de-soin-mais-elles-ne-sont-pas-reconnues-179047">Les femmes universitaires font davantage de tâches de soin, mais elles ne sont pas reconnues</a>
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<h2>Une nouvelle forme de ségrégation</h2>
<p>Le travail invisible est une lutte féministe, parce que le faire reconnaître, c’est combattre ce qui en est la source, à savoir, les inégalités de genre. Il ne faut cependant pas oublier les inégalités qui peuvent s’y ajouter, celles de race, d’âge, ethnoculturelles et sociales.</p>
<p>Si l’ancienne ségrégation des rôles sexuels entre espace familial, privé, et public, ne concerne plus aujourd’hui au Québec qu’une minorité de couples, ce principe n’a toutefois pas perdu sa force structurante. On observe toujours, en effet, une présence inégalitaire des femmes dans les divers champs d’activités professionnelles rémunérés et, dans le même temps, le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/crs/1900-v1-n1-crs04254/1055723ar.pdf">maintien de leur assignation au champ familial</a> et bénévole. </p>
<p>Cette assignation prend toutefois des formes nouvelles puisque les femmes « peuvent » exercer une activité professionnelle. En fait, elles <a href="https://www.andreadoucet.com/wp-content/uploads/2020/08/Mathieu-Doucet-McKay-Cdn-parental-leave-2020.pdf">exercent aujourd’hui majoritairement un emploi, même avec de jeunes enfants au Québec</a>. Mais <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/crs/2017-n63-crs04254/1055721ar/">cette activité professionnelle reste le plus souvent secondaire, ou à tout le moins cadrée par les exigences du travail familial</a>, voire celles de leur conjoint. </p>
<p>Cette assignation prioritaire des femmes au champ privé renforce aussi les inégalités de genre dans la société, en avalisant une implication moins grande des femmes dans la sphère professionnelle et publique. Lorsqu’elles s’y risquent, notamment en politique, <a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-le-harcelement-contre-les-femmes-en-politique-193579">elles se font fréquemment attaquer, voire menacer de mort, en particulier sur les réseaux sociaux</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-le-harcelement-contre-les-femmes-en-politique-193579">Pour en finir avec le harcèlement contre les femmes en politique</a>
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<p>Cette implication professionnelle à priori plus limitée des femmes expliquerait aussi, selon <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0256474">certains auteurs</a>, les écarts persistants des niveaux de salaire entre les femmes et les hommes. Ainsi, en raison d’un salaire souvent inférieur à celui des hommes, les femmes sont celles qui délaissent, plus souvent, et en particulier quand elles deviennent mères, le marché de l’emploi, ou elles adaptent leurs horaires ou leurs engagements professionnels aux besoins de leur famille. Elles doivent aussi assumer plus largement les tâches domestiques et familiales et la charge mentale qui en découle. Ce faisant, elles compromettent aussi leur niveau de revenu, leur évolution de carrière et, plus tard, le niveau de la rente de leur retraite. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519400/original/file-20230404-16-xgrzxf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La charge mentale dans l’univers domestique, encore et toujours une affaire de femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>L’écart salarial persistant entre les hommes et les femmes, malgré que celles-ci soient désormais plus éduquées, tient en partie à leur formation qui est encore souvent déterminée par des considérations familiales (faciliter une conciliation famille travail) : <a href="https://www.randstad.ca/fr/employeurs/tendances-employeur/promouvoir-les-femmes/les-femmes-dans-les-stim-ou-en-sommes-nous/">elles sont encore sous-représentées (soit moins du quart des employés) dans les domaines très bien rémunérés</a> des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM).</p>
<h2>Des répercussions tout au long de la vie</h2>
<p>Le travail invisible, gratuit, réalisé par les femmes, est un enjeu social majeur, car il sert également à pallier, à moindre coût, le manque de ressources dans les services de garde à la petite enfance, dans les écoles (orthopédagogues, psychoéducateurs) et dans les services de santé et de soutien aux personnes dépendantes. </p>
<p>La prise en charge plus fréquente par les femmes du travail non rémunéré, invisible, les conduit ainsi à être plus à risque de se retrouver en situation de précarité, de pauvreté et de dépendance économique à l’égard d’un partenaire. Elles se retrouvent aussi plus fréquemment confrontées à des <a href="https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/docs/GSC1910/O0003692570_LesCahiersDuCEIDEF_vol_8.pdf#page=179">problèmes de santé physique et mentale</a>, notamment parce qu’en cherchant à concilier leurs différentes responsabilités, elles limitent le temps qu’elles peuvent consacrer à leur bien-être (sommeil, sport, activités sociales et de loisirs).</p>
<p>Le travail invisible est une lutte féministe, mais plus encore c’est une lutte pour réussir à bâtir une société meilleure et égalitaire pour l’ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec.</p>
<p>Il s’agit d’un enjeu de société majeur, nécessitant sa reconnaissance explicite et publique. Plus globalement, il faut lutter contre les <a href="https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/org/SCF/publications/plans-strategiques/Strategie-egalite-2022-2027.pdf">préjugés et les stéréotypes de genre</a>, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes, la disqualification et le harcèlement des femmes dans l’espace public, tout comme les iniquités dans le partage des responsabilités familiales. </p>
<p>Il faut rappeler la nécessité de déconstruire et d’abolir les mentalités patriarcales toujours à l’œuvre dans le travail productif et reproductif, en plaçant l’égalité entre les femmes et les hommes au centre des enjeux socioéconomiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203284/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Charton est professeure à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) et cotitulaire de la Chaire Périnatalité et Parentalité du RISUQ (Regroupement Intersectoriel de Recherche en Santé de l'Université du Québec).
</span></em></p>Le travail invisible renforce les inégalités de genre en avalisant une implication moins grande des femmes dans la sphère professionnelle et publique.Laurence Charton, Sociodémographe, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2017932023-03-14T19:59:34Z2023-03-14T19:59:34ZUne brève histoire de la calvitie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515251/original/file-20230314-3590-htvb9n.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C2%2C1729%2C1027&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Frans van Mieris le jeune, Homme à la chope, 1739, Fitwilliam museum.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipédia</span></span></figcaption></figure><p>La calvitie est très répandue, puisqu’elle touche plus de <a href="https://www.alopecia.org.uk/androgenetic-alopecia-pattern-hair-loss">50 % des hommes</a>. Elle est également sans conséquence sur la santé (les hommes chauves vivent aussi longtemps que les autres). Alors pourquoi, <a href="https://theconversation.com/prince-harry-early-leaks-came-from-a-spanish-translation-causing-confusion-about-what-was-really-said-198556">dans son autobiographie récemment publiée</a>, le prince Harry qualifie-t-il la calvitie de son frère d’<a href="https://www.newsweek.com/prince-harry-william-alarming-baldness-diana-resemblance-spare-memoir-1771856">« alarmante »</a> ?</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme chauve travaillant sur un métier à tisser" src="https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509504/original/file-20230210-22-74qj84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1105&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une représentation de l’Égypte ancienne d’un homme chauve.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://access.bl.uk/item/viewer/ark:/81055/vdc_00000000DCF8#?cv=1152&c=0&m=0&s=0&xywh=-1869%2C-705%2C5031%2C3639">John Gardner Wilkinson/British Library</a></span>
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</figure>
<p>En tant que psychologue social spécialisé dans la calvitie (et auteur d’un livre à paraître intitulé <em>Branding Baldness</em>), je sais que la calvitie n’a pas toujours été stigmatisée, comme en témoigne la représentation d’hommes chauves dans l’histoire de l’art.</p>
<p>Historiquement, la calvitie était traitée avec neutralité, comme un élément normal de la vie quotidienne. En 2019, le <a href="https://journals.ekb.eg/article_77625.html">professeur d’égyptologie Samar Kamal</a> a trouvé des preuves de la présence de 122 hommes chauves peints dans des tombes privées de l’Égypte ancienne, entre 2613 et 525 avant J.-C.</p>
<p>La plupart de ces hommes étaient visiblement âgés (leurs cheveux restants étaient blancs). Ils étaient représentés dans diverses sphères de la société égyptienne, de l’agriculture à la pêche, en passant par la sculpture et la gravure.</p>
<p>L’art suggère que les anciens Égyptiens ne traitaient pas les hommes chauves différemment de leurs pairs chevelus.</p>
<p>Kamal a également observé que les anciens Égyptiens avaient des <a href="https://hairanddeathinancientegypt.com/2013/07/17/hathor-and-baldness-in-ancient-egypt-symbolism/">termes spécifiques pour désigner la calvitie masculine</a>, qu’ils incluaient une « ligne de calvitie » lors de la momification et qu’ils avaient différentes coiffures pour les chauves (par exemple, courtes sur toute la surface ou longues à l’arrière).</p>
<h2>Les hommes chauves dans la peinture européenne</h2>
<p>L’art européen illustre également la banalité historique de la calvitie. Le tableau de Vincent Van Gogh <em>Au seuil de l’éternité</em> (1890) représente le retraité néerlandais chauve <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Adrianus_Jacobus_Zuyderland">Adrianus Zuyderland</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une peinture d’un vieil homme en costume bleu assis sur une chaise en bois. Sa tête est entre ses mains, ce qui révèle au spectateur son crâne chauve" src="https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509506/original/file-20230210-28-cn8tff.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Au seuil de l’éternité</em> de Vincent Van Gogh.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://krollermuller.nl/en/vincent-van-gogh-sorrowing-old-man-at-eternity-s-gate">Kröller-Müller Museum</a></span>
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</figure>
<p>Alors que le tableau évoque un sentiment de désespoir existentiel, la calvitie de Zuyderland est une caractéristique neutre, voire attrayante de la représentation. Van Gogh <a href="https://vangoghletters.org/vg/letters/let286/letter.html">a décrit le tableau</a> dans ses lettres, écrivant : « Quel beau spectacle que celui d’un vieil ouvrier dans son costume de bombazine rapiécé et son crâne chauve ».</p>
<p>Zuyderland n’est pas une exception : il existe de nombreux autres hommes chauves représentés de manière neutre dans l’art. Par exemple, le peintre néerlandais de l’âge d’or <a href="https://artuk.org/discover/artworks/man-with-a-tankard-5245">Frans van Mieris, <em>The Younger Man With a Tankard</em></a> (1793) représente un homme chauve en train de savourer un déjeuner dans une taverne.</p>
<p>Historiquement, les hommes chauves ont également été idéalisés dans l’art. Par exemple, le <a href="https://www.meisterdrucke.ie/kunstwerke/500px/Paolo_Veronese_-_The_Eternal_Father_-_(MeisterDrucke-1196344).jpg"><em>Père éternel</em></a> du peintre italien de la Renaissance Paolo Véronèse représente un Dieu chauve accomplissant un miracle éthéré.</p>
<p>La <em>Leçon d’anatomie du Dr Nicolaes Tulp</em> de Rembrandt (vers 1632) montre plusieurs médecins chauves en train d’étudier la dissection. Le <a href="http://www.artandarchitecture.org.uk/images/gallery/807b72cf.html"><em>Portrait d’Ambroise Vollard</em></a> (1908) de l’impressionniste Pierre-August Renoir représente le collectionneur d’art chauve éponyme.</p>
<p>De nombreuses autres preuves historiques qui remettent en question l’affirmation selon laquelle la calvitie aurait de quoi « alarmer ».</p>
<p>Les personnages religieux chauves peuplent <a href="https://www.google.co.uk/books/edition/Hair/PuZFAAAAYAAJ?hl=en">presque toutes les confessions</a>. Il y a Bouddha, les saints chrétiens Jérôme et Augustin, ainsi que des divinités chauves, comme les dieux japonais <a href="https://www.britannica.com/topic/Fukurokuju">Fukurokuju</a> et <a href="https://www.britannica.com/topic/Hotei">Hotei</a>. </p>
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<img alt="Six médecins se rassemblent pour assister à une démonstration de dissection" src="https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509510/original/file-20230210-713-le3eqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>La leçon d’anatomie du Dr Nicolaes Tulp</em> par Rembrandt (1632).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mauritshuis.nl/en/our-collection/artworks/146-the-anatomy-lesson-of-dr-nicolaes-tulp/">La Haye</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les directives religieuses et politiques ont également favorisé la calvitie. Cela va de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Tonsure">la tonsure des moines chrétiens</a>, où les cheveux poussaient autour d’une partie centrale du cuir chevelu rasée, aux <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Queue_">coupes de cheveux mandchoues</a>, où les cheveux à l’arrière de la tête étaient rassemblés en une longue tresse tandis que le reste de la tête était rasé.</p>
<h2>Comment la calvitie est devenue « alarmante » : publicité et médias de masse</h2>
<p>Le marketing de masse des produits anti-calvitie au XX<sup>e</sup> siècle a transformé la perception de la calvitie, qui est passée d’une esthétique banale à une maladie désavantageuse nécessitant un « remède ».</p>
<p>Ces « remèdes » allaient des produits coûteux et inefficaces de type « huile de serpent » aux formulations approuvées par les autorités réglementaires qui ont certaines propriétés (bien que limitées) de repousse des cheveux, telles que le <a href="https://theconversation.com/starting-to-thin-out-hair-loss-doesnt-have-to-lead-to-baldness-34984">minoxidil</a>.</p>
<p>La publicité pour ces produits a entretenu l’idée que la calvitie est alarmante. En 2013, le professeur de sociolinguistique <a href="https://doi.org/10.1080/10350330.2013.777596">Kevin Harvey</a> a observé que les publicités en ligne contre la calvitie présentent les hommes aux cheveux comme séduisants, prospères et heureux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1WhfB4884wo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Publicité télévisée de Rogaine datant de 2001.</span></figcaption>
</figure>
<p>En revanche, les mêmes publicités promeuvent l’idée que la calvitie est une maladie qui affecte gravement les hommes et les désavantage. Les publicités pour le shampooing contre la calvitie <a href="https://www.adsoftheworld.com/campaigns/suicide-hair-cliff">Renaxil</a>, par exemple, montrent des follicules pileux au bord du suicide. Les flacons de Renaxil sont représentés en train de tendre la main pour les sauver.</p>
<p>Dans les médias contemporains, la calvitie est rarement vue en dehors des quelques acteurs (tels que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PqynKYDab2w&t=6s">Jason Statham</a>, <a href="https://www.standardmedia.co.ke/entertainment/news/article/2001458020/vin-diesel-named-hottest-bald-man-alive">Vin Diesel</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Fp9XCwxKPtQ">Bruce Willis</a>) qui ont fait de l’absence de cheveux un véritable argument de vente. <a href="https://doi.org/10.1207/s15506878jobem5002_7">Une étude menée en 2006</a> a révélé que seuls 3 % des 1 356 personnages des émissions télévisées américaines populaires pour enfants étaient chauves.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"518371093694799872"}"></div></p>
<p>Dans une étude que j’ai menée sur 5 000 images d’hommes dans des <a href="https://doi.org/10.1016/j.bodyim.2014.07.010">magazines populaires</a> publiées entre 2011 et 2012, nous avons constaté que seulement 8 % d’entre eux étaient chauves.</p>
<p>De nombreuses représentations contemporaines de la calvitie contiennent également des stéréotypes négatifs. Le site web <a href="https://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/BaldOfEvil">TV Tropes</a> indique que les personnages chauves de la télévision et du cinéma ont tendance à être des <a href="https://www.google.co.uk/books/edition/Bald_Like_Me/aL-KAAAACAAJ?hl=en">méchants ou des personnes âgées</a>. <a href="https://www.google.co.uk/books/edition/Bald_Like_Me/aL-KAAAACAAJ?hl=en">Une autre étude</a> a révélé que plus de 60 % des acteurs de télévision des années 1980 présentent les personnages chauves comme « laids », incompétents ou paresseux.</p>
<p>L’alarmisme autour de la calvitie est même encouragé par la recherche universitaire. Le Dr Hannah Frith et moi-même <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/13591053211024724">avons récemment découvert</a> qu’environ 80 % des études psychologiques sur la calvitie entretenaient des liens avec des entreprises spécialisées dans la lutte contre la calvitie. Ces études tendent à dépeindre la calvitie comme une maladie (77 %) et à promouvoir des produits contre la calvitie (60 %) sans discussion sérieuse sur leurs limites (68 %).</p>
<p>Les représentations modernes de la calvitie à la télévision, dans la publicité et dans la recherche affirment que la perte de cheveux est un désavantage et une maladie. Mais un regard sur l’histoire de l’art montre que cela n’a pas toujours été le cas. Les hommes chauves peuvent être en bonne santé, réussir et être heureux, tout autant que leurs homologues chevelus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Glen Jankowski ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La calvitie n'a pas toujours été stigmatisée, comme en témoigne la représentation d'hommes chauves dans l'histoire de l'art.Glen Jankowski, Senior Lecturer in the School of Social Sciences, Leeds Beckett UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2002012023-03-08T15:07:47Z2023-03-08T15:07:47ZAvec les nouvelles générations, il faut voir autrement les cheminements de carrière – surtout ceux des femmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514263/original/file-20230308-20-syoheb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>En juillet dernier, le Forum économique Mondial publiait son <a href="https://www.weforum.org/reports/global-gender-gap-report-2022">rapport sur les inégalités femmes-hommes dans le monde</a>. </p>
<p>Le rapport, qui en est à sa seizième édition, analyse l’évolution des écarts entre les sexes dans quatre domaines : participation et opportunités économiques, éducation, santé et pouvoir politique. Il propose une réflexion sur les sources des écarts entre les sexes et suggère des politiques et pratiques pouvant permettre une meilleure égalité femmes-hommes. </p>
<p>Sa conclusion-choc : il faudra encore 132 ans (contre 136 en 2021) pour combler l’écart entre les sexes.</p>
<p>Cela me conduit à une nouvelle réflexion sur le cheminement de carrière des femmes dans nos organisations. J’étudie la présence des femmes dans les hautes sphères administratives depuis des décennies, et je constate que les choses ne bougent pas rapidement. Or, <a href="https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2018/11/28/blog-economic-gains-from-gender-inclusion-even-greater-than-you-thought">cette inégalité des chances entre les femmes et les hommes</a> « implique un coût économique colossal, car elle bride la productivité et pèse sur la croissance », écrivent Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, et l’économiste américain Jonathan D. Ostry,</p>
<h2>Des cheminements de carrière conçus pour les hommes</h2>
<p>Ma vision d’une carrière réussie demeure encore aujourd’hui associée à l’atteinte de la plus haute fonction au sein d’une organisation, soit celle de PDG, poste majoritairement occupée par des hommes au fil des temps. </p>
<p>Les qualités de leadership requises pour gravir les échelons pour atteindre cette fonction ultime sont toujours davantage associées <a href="https://theconversation.com/le-mythe-du-leadership-feminin-149113">à celles des hommes (commandement, contrôle) plutôt que celles des femmes (empathie, compassion, collaboration)</a>. Dans cette vision traditionnelle de la carrière, l’homme qui occupait cette fonction phare pouvait compter sur l’appui d’une partenaire féminine qui veillait quasi exclusivement aux tâches domestiques, à s’occuper de l’éducation des enfants et à l’appuyer dans sa carrière de manière à ce qu’il puisse s’y consacrer totalement. </p>
<p>Encore aujourd’hui, <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/mckinsey/featured%20insights/diversity%20and%20inclusion/women%20in%20the%20workplace%202022/women-in-the-workplace-2022.pdf">il existe un déséquilibre important entre les hommes et les femmes</a> en situation de direction dans les tâches reliées au bien-être familial.</p>
<p>Si un tel modèle s’avérait utile au milieu du siècle dernier, celui-ci s’est révélé progressivement dépassé avec l’arrivée sur le marché du travail de femmes ayant des ambitions professionnelles aussi élevées que les hommes, mais ne pouvant compter, dans un contexte familial, sur un partenaire masculin se dédiant uniquement à la réalisation de ses ambitions professionnelles. </p>
<p>Ce modèle traditionnel de parcours professionnel n’est également aucunement approprié pour les célibataires ou les couples sans enfant qui visent un équilibre de vie, et non une réussite professionnelle à tout prix.</p>
<h2>Reconsidérer le travail</h2>
<p>Cette quête de l’équilibre de vie est-elle seulement le propre des femmes ? Selon les résultats d’un sondage réalisé par le cabinet McKenzie <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/people-and-organizational-performance/our-insights/help-your-employees-find-purpose-or-watch-them-leave?cid=other-eml-mtg-mip-mck&hlkid=7715d335d9824fe7bfd956318e92ab14&hctky=1926&hdpid=b86f792c-6f49-4066-8d0e-eda38784e870">auprès de travailleurs américains</a>, près des deux-tiers ont déclaré que la Covid-19 les avait conduits à réfléchir sur leur but dans la vie. Près de la moitié ont répondu qu’ils reconsidéraient le type de travail qu’ils faisaient à cause de la pandémie. </p>
<p>Les millénariaux étaient trois fois plus susceptibles que les autres à vouloir réévaluer leur travail. Autre information intéressante à mentionner provenant de cette enquête : alors que 85 % des cadres intermédiaires et des cadres supérieurs ont déclaré qu’ils trouvaient un sens dans leur travail, seuls 15 % des gestionnaires et des employés de première ligne étaient d’accord. Cette nouvelle conception du travail <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w30833/w30833.pdf">conduit certains hommes à se repositionner et à y consacrer moins d’heures</a>.</p>
<p>Serait-il temps, face à l’expression de tels besoins tant par les femmes que les hommes de la nouvelle génération, de repenser les cheminements de carrière ?</p>
<h2>Le cheminement de carrière kaléidoscopique</h2>
<p>Une revue de la littérature sur le sujet m’a conduite à un concept intéressant nommé le <a href="https://core.ac.uk/reader/268541070">cheminement de carrière kaléidoscopique</a>. </p>
<p>Selon les conceptrices de cette approche, une carrière menée par une femme prend souvent la forme d’un kaléidoscope qui produit des motifs changeants selon la position du tube. Les éclats de verre tombent alors dans de nouveaux arrangements. Les femmes modifient le schéma de leur carrière en faisant pivoter différents aspects de leur vie pour organiser leurs rôles et leurs relations. Ce modèle comprend trois paramètres qui portent sur le début de carrière, le milieu de carrière et la fin de carrière :</p>
<p><strong>Authenticité :</strong> « Puis-je être moi-même dans ce choix de carrière et toujours être authentique ? »</p>
<p><strong>Équilibre :</strong> « Si je fais ce choix de carrière, puis-je équilibrer les différentes sphères de ma vie en un tout cohérent ? »</p>
<p><strong>Défi :</strong> « Si j’accepte cette option de carrière, aurais-je suffisamment de défis ? »</p>
<p>Une telle vision de l’évolution d’une carrière est ainsi en fonction des besoins de la personne et non seulement de ceux de l’organisation.</p>
<p>Enfin, si une telle approche offre une bonne lecture du chemin emprunté par plusieurs femmes pour vivre leurs ambitions professionnelles, il ne fait aucun doute à mon esprit que cette quête d’authenticité, d’équilibre et de défi <a href="https://www.cnbc.com/2023/01/18/70percent-of-gen-z-and-millennials-are-considering-leaving-their-jobs-soon.html">est aussi le propre des nouvelles générations et de plusieurs hommes</a>.</p>
<h2>Tout avoir, oui, mais pas tout en même temps</h2>
<p>On a longtemps vu la période de la trentaine comme le pivot d’un cheminement professionnel. Mais le contexte change : les postes de leadership pourraient reposer de plus en plus en plus sur des talents et des compétences en perpétuel changement, et non sur des échelons gravis verticalement à l’ancienne.</p>
<p><a href="https://nymag.com/intelligencer/2013/03/madeleine-albright-women-have-it-all.html">Comme le disait Madeleine Albright</a> : « Women can have it all, just not at the same time » (les femmes peuvent tout avoir, mais pas tout en même temps).</p>
<p>Je crois que ce sera, dans l’avenir, le propre tout autant des femmes que des hommes à la quête d’un meilleur équilibre de vie quel que soit leur âge, leur sexe, leur appartenance culturelle ou leur handicap.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200201/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louise Champoux-Paillé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle génération vise un meilleur équilibre de vie. Le marché du travail doit envisager autrement les différents cheminements de carrière – pas toujours linéaires – surtout pour les femmes.Louise Champoux-Paillé, Cadre en exercice, John Molson School of Business, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996252023-02-19T17:02:55Z2023-02-19T17:02:55Z« L’envers des mots » : Male gaze<p>Le concept de <em>male gaze</em> a été élaboré en 1975 par la chercheuse britannique Laura Mulvey dans un <a href="https://www.debordements.fr/Plaisir-visuel-et-cinema-narratif">article</a> publié par la revue de théorie du cinéma <a href="https://academic.oup.com/screen/article-abstract/16/3/6/1603296?redirectedFrom=fulltext"><em>Screen</em></a>, dans le contexte du mouvement de contestation des savoirs académiques mené par les chercheuses et chercheurs marxistes du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Centre_for_Contemporary_Cultural_Studies">Center for Contemporary Cultural Studies</a> de Birmingham depuis les années 1960.</p>
<p>Laura Mulvey y articulait les apports du marxisme et de la psychanalyse pour analyser le cinéma hollywoodien dominant comme une construction idéologique où le regard masculin derrière la caméra serait relayé par le regard des personnages masculins dans la fiction, eux-mêmes vecteurs d’identification pour le regard des spectateurs masculins dans la salle de cinéma. Les films en question proposent des histoires dans lesquelles un sujet masculin exerce son regard et son pouvoir sur un ou des personnages féminins passifs. Ceux-ci se trouvent réduits à l’état de corps morcelés, érotisés et fétichisés.</p>
<p>Voyeurisme, sadisme, fétichisme et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scopophilie">scopophilie</a> caractérisent pour Laura Mulvey ce cinéma dont elle analysait <a href="https://www.debordements.fr/Plaisir-visuel-et-cinema-narratif-Laura-Mulvey">deux variantes</a> dans les films d’Hitchcock et dans les films de Sternberg. Cet article et les nombreux commentaires qu’il a suscités dans les milieux militants et académiques anglophones marquent les débuts des études féministes sur le cinéma. Ces études ont connu un <a href="http://cinemaction-collection.com/produit/cinemaction-n67-20-ans-de-theories-feministes-cinema/">développement</a> considérable depuis lors outre-Manche et outre-Atlantique, alors que les milieux cinéphiles et académiques français lui opposaient une <a href="https://www.cairn.info/revue-diogene-2009-1-page-126.htm">résistance</a> farouche qui s’explique entre autres par le culte de « l’auteur » (masculin) tel qu’il s’est institué depuis la <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/arts-et-essais-litteraires/la-nouvelle-vague/">Nouvelle Vague</a> et règne encore à l’Université comme dans les institutions culturelles (Cinémathèque française, Festival de Cannes…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-image-davantage-quun-sujet-les-femmes-dans-le-cinema-de-jean-luc-godard-190574">« Une image davantage qu’un sujet » : les femmes dans le cinéma de Jean-Luc Godard</a>
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<p>Les critiques adressées au concept de <em>male gaze</em> (y compris par <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/421883">Mulvey</a> elle-même) comportaient plusieurs aspects. D’une part, le concept faisait l’impasse sur les <a href="https://openlibrary.org/books/OL1402967M/Star_gazing">spectatrices réelles</a> et leurs capacités de négociation et de braconnage (au sens de <a href="https://archive.org/details/linventionduquot0000cert/page/7/mode/1up">Certeau</a>) qui consiste à s’approprier les films en les interprétant dans une optique différente de celle qui est dominante. D’autre part, le concept manquait d’<a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2014-2-page-197.htm">historicité</a>, comme si la domination masculine était une donnée intemporelle.</p>
<p>Par ailleurs, il ignorait le cas des <a href="https://archive.org/details/homeiswhereheart0000unse_k3p9"><em>women’s films</em></a>, ces mélodrames féminins et/ou maternels qui exploraient les souffrances des femmes sous le patriarcat, ou les <a href="https://www.jstor.org/stable/1212060">soap operas</a>, ces feuilletons télévisés qui s’adressaient d’abord à un public féminin. Par la suite, des analyses plus approfondies des <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-hitchcock_et_la_theorie_feministe_les_femmes_qui_en_savaient_trop_tania_modleski-9782747525824-10142.html">films d’Hitchcock</a> ou de <a href="https://www.google.fr/books/edition/In_the_Realm_of_Pleasure/d7BKMXhgfO4C?hl=fr">Sternberg</a> ont mis en lumière les contradictions et les failles du <em>male gaze</em>. Plus récemment enfin, la notion d’<a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2005-2-page-51.htm">intersectionnalité</a> a montré la nécessité d’articuler les questions de genre et de sexualité avec les <a href="https://journals.openedition.org/map/6026">questions de classe et de race</a>.</p>
<p>Restés longtemps confidentiels en France, ces débats autour du <em>male gaze</em> sont devenus publics grâce au mouvement #MeToo qui a mis en évidence la réalité de la domination masculine, blanche et hétérosexuelle dans le milieu du cinéma et dans les représentations filmiques et audiovisuelles. Ce <a href="https://collectif5050.com/">mouvement militant</a> pour l’égalité femme/homme dans le monde professionnel s’accompagne d’un foisonnement réflexif à travers des revues en ligne (<a href="https://journals.openedition.org/ges/"><em>Genre en séries</em></a>), des ouvrages (<a href="https://www.editionspoints.com/ouvrage/le-regard-feminin-iris-brey/9782757887998"><em>Le regard féminin</em></a>) des sites (<a href="https://www.genre-ecran.net/">Le Genre et l’écran</a>, <a href="https://www.sorocine.com/">Sorociné</a>) et des vidéos (<a href="https://www.youtube.com/channel/UC2_IrMwxhXRc24x9O85gDEw">cinéma et politique</a>.</p>
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<p>La notion de <em>male gaze</em> renvoie dans ces textes à plusieurs niveaux d’analyse : le niveau narratif, le niveau esthétique et la question du casting. Fondé sur trois questions (l’œuvre comporte-t-elle au moins deux personnages féminins ayant un nom ? Qui parlent ensemble ? D’un sujet sans rapport avec les hommes ?), le <a href="https://bechdeltest.com/">test de Bechdel</a> s’est popularisé pour mettre en évidence l’inégalité de traitement des personnages masculins et féminins dans les histoires racontées.</p>
<p>Le <em>male gaze</em> passe aussi par des conventions formelles (cadrage, éclairage, découpage) qui fétichisent et érotisent les corps féminins. Enfin, les films réalisés par des hommes proposent le plus souvent un casting masculin d’une grande diversité tout en réservant aux actrices une portion congrue et discriminatoire en termes <a href="https://aafa-asso.info/tunnel-comedienne-50-ans/">d’apparence physique et d’âge</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong>« L’envers des mots »</strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-quantique-196536"><em>« L’envers des mots » : Quantique</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-flow-195489"><em>« L’envers des mots » : Flow</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/199625/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Sellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Restés longtemps confidentiels en France, les débats autour du « male gaze » et la manière dont le regard masculin s’impose dans le cinéma sont devenus publics grâce au mouvement #MeToo.Geneviève Sellier, Professeure émérite en études cinématographiques, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1983412023-01-25T18:05:16Z2023-01-25T18:05:16ZOstéoporose masculine : un danger réel… et trop souvent sous-estimé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505872/original/file-20230123-7710-u5ynf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5991%2C3359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-illustration/osteoporosis-stage-3-4-upper-limb-523868392">Crevis / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En vieillissant, tout le corps s’altère et le tissu osseux ne fait pas exception : il se détériore et perd en densité, ce qui le rend moins résistant. Le phénomène est bien connu sous le terme d’<a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/osteoporose/comprendre-osteoporose#:%7E:text=L%E2%80%99ost%C3%A9oporose%20est%20une%20maladie%20osseuse%20qui%20associe%20%C3%A0%20la,%2C%20des%20vert%C3%A8bres%E2%80%A6">ostéoporose</a>. Chez les femmes, cette baisse de la qualité osseuse devient particulièrement évidente après la ménopause, car l’œstrogène, une hormone sexuelle qui a un effet protecteur sur le squelette, est moins produit (notamment par les ovaires).</p>
<p>Ce qui est moins connu, malheureusement, c’est que les hommes, eux aussi, sont affectés.</p>
<p>Bien qu’ils ne subissent pas une perte brutale d’hormones sexuelles comme les femmes, ils peuvent également être frappés d’ostéoporose. Il se produit ainsi un nombre bien plus important de fractures masculines que ce que l’on croit souvent.</p>
<h2>Des os toujours plus fragiles</h2>
<p>L’ostéoporose se caractérise par une diminution de la masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture et de la qualité de l’os. Ces changements augmentent leur fragilité et entraînent par conséquent un risque accru de fractures. Certaines zones du squelette sont particulièrement vulnérables : hanches, colonne vertébrale et poignets sont concernés.</p>
<p>On estime que la maladie provoque plus de 9 millions de fractures par an dans le monde, mais beaucoup plus de personnes seraient touchées – environ <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5380170/">200 millions</a>. (<em>En France, à partir de 65 ans, près de <a href="https://www.inserm.fr/dossier/osteoporose/">40 % des femmes souffrent d’ostéoporose</a>, ndlr</em>). Leur condition passe souvent inaperçue, car il s’agit d’une maladie qui se développe en silence et est asymptomatique… jusqu’à un certain point.</p>
<p>Puis, à un moment donné, la détérioration du squelette va être à l’origine d’une première fracture qu’aucun signe avant-coureur ne laissait présager. (<em>En France, plus de <a href="https://www.inserm.fr/dossier/osteoporose/">370 000 fractures seraient dues à l’ostéoporose chaque année</a>, dont 74 000 de la hanche, ndlr</em>).</p>
<p>Mais pourquoi perdons-nous de la masse osseuse ? Tout au long de la vie, notre squelette connaît des cycles de renouvellement ou de remodelage au cours desquels le <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2017/03/medsci20173303p221/medsci20173303p221.html">tissu osseux « ancien » est dégradé (par des cellules appelées ostéoclastes) et, dans le même temps, est remplacé par de l’os neuf (par les ostéoblastes)</a>. Cette régénération permanente lui permet de continuer à résister aux défis parfois brutaux auxquels nous le soumettons au quotidien…</p>
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Leer más:
<a href="https://theconversation.com/losteoporose-nest-pas-une-fatalite-liee-au-vieillissement-mais-une-maladie-a-depister-108483">L’ostéoporose n’est pas une fatalité liée au vieillissement, mais une maladie à dépister</a>
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<p>Le problème est qu’au fil des décennies, ce processus de remplacement se fait moins efficace. Les cellules responsables de la (re)formation de l’os ne sont alors plus en mesure de compenser la perte de matière qui, elle, continue au même rythme. En conséquence, le bilan devient négatif. Nous perdons, à la fois en quantité et en qualité, du tissu osseux dans le cadre d’un processus naturel inhérent au vieillissement.</p>
<h2>Un quart des hommes touchés</h2>
<p>Le problème n’est pas seulement féminin. Il est vrai que chez les femmes, la perte de qualité osseuse est particulièrement évidente après la ménopause – une étape qui est marquée par une forte baisse de la production des <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphys.2022.1052429/full">hormones sexuelles féminines, les œstrogènes</a>. Ces hormones exercent un effet protecteur majeur contre la perte osseuse, et leur déclin au début de la ménopause entraîne logiquement une forte baisse de la masse osseuse.</p>
<p>Cependant, environ <a href="https://www.thelancet.com/journals/landia/article/PIIS2213-8587(20)30408-3/fulltext">25 % des fractures ostéoporotiques</a> surviennent chez les hommes.</p>
<p>Autre point particulièrement important, les complications et la mortalité associées à ces fractures sont plus élevées chez les hommes que chez les femmes. En effet, on estime qu’environ <a href="https://revistadeosteoporosisymetabolismomineral.com/2021/09/30/osteoporosis-varon-esteroidea/">80 000 hommes développeront, chaque année, une fracture de fragilité de la hanche</a>, qu’un sur trois en mourra au cours de la première année et qu’une même proportion sera sujette à de nouvelles fractures.</p>
<p>Malgré ces chiffres, l’ostéoporose reste sous-diagnostiquée chez les hommes et donc, dans de nombreux cas, non traitée. Les professionnels de la santé ne sont parfois pas suffisamment conscients du phénomène, ce qui contribue à <a href="https://revistadeosteoporosisymetabolismomineral.com/2021/09/30/osteoporosis-varon-esteroidea/">retarder son diagnostic</a>. Les hommes concernés, et qui ignorent l’être, ne sont donc pas incité à prendre les précautions adéquates.</p>
<h2>Un risque qui augmente dix ans après la femme</h2>
<p>Garçon ou fille, le pic de la masse osseuse est atteint au cours de la troisième décennie de la vie, entre 20 et 30 ans. Ensuite, nous commençons, tous, à perdre du tissu osseux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="La densité osseuse est atteinte vers 30 ans puis diminue pour les deux sexes, quoique pas à la même vitesse" src="https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506083/original/file-20230124-20-mey1n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Courbe de l’évolution de la densité osseuse chez l’homme et la femme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OpenStax College</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, chez les hommes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5380170/">ce pic est atteint un peu plus tard</a>, car ils commencent leur puberté plus tard et y restent plus longtemps que les femmes.</p>
<p>En outre, les androgènes, les hormones sexuelles masculines, augmentent l’épaisseur des os, ce qui constitue un avantage mécanique certain. Un autre facteur important est que, chez les hommes, il n’y a pas de perte brutale des hormones sexuelles, comme c’est le cas chez les femmes après la ménopause : le déclin hormonal masculin se produit progressivement à partir de la quatrième ou cinquième décennie de vie.</p>
<p>Tous ces facteurs font que les hommes développent l’ostéoporose au moins une décennie plus tard que les femmes. L’incidence des fractures augmente ainsi fortement <a href="https://www.larevuedupraticien.fr/article/osteoporose-chez-lhomme">entre 70 et 75 ans</a>. Cela contribue à l’augmentation de la gravité et du risque de mortalité post-fracture, notamment parce que le vieillissement <a href="https://theconversation.com/por-que-la-inflamacion-aumenta-al-envejecer-166988">produit également une situation d’inflammation chronique de faible intensité</a> qui accélère le processus de dégradation osseuse – et donc accroît le risque de fracture.</p>
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<h2>Des facteurs aggravants… mais des pistes pour limiter les risques</h2>
<p>La réparation du squelette se fait aussi plus difficilement. Avec l’âge, la vitamine D, essentielle à la minéralisation et à la qualité des os, se fait également moins présente et la fonction musculaire est altérée.</p>
<p>Comme souvent, il existe des facteurs aggravants qui accélèrent ces différents processus. Les plus répandus sont l’abus d’alcool et de tabac, un traitement continu par des glucocorticoïdes utilisés comme anti-inflammatoires ou immunosuppresseurs, une trop grande sédentarité ou une minceur excessive. Et, souci spécifiquement masculin, en cas d’hypogonadisme (état dans lequel les testicules des hommes ne produisent pas ou peu d’hormones sexuelles).</p>
<p>À ce stade, il devrait être clair que la qualité de nos os a un effet direct sur notre santé. Nous devrions donc tous, hommes et femmes, nous préoccuper de prendre soin de notre squelette. Principalement en <a href="https://theconversation.com/nos-os-sont-plus-fragiles-que-ceux-de-nos-ancetres-chasseurs-cueilleurs-voici-comment-y-remedier-108394">restant actif</a>, en ayant une alimentation variée riche en calcium et en vitamine D, en limitant la consommation d’alcool et en évitant de fumer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arancha R. Gortázar reçoit un financement de l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du Programme National de R&D&I Orienté vers les Défis de la Société.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Juan Antonio Ardura reçoit un financement de l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du Programme National de R&D&I Orienté vers les Défis de la Société.</span></em></p>L’ostéoporose est liée à plus de 370 000 fractures par an en France. Et les femmes ne sont pas les seules concernées : dans 25 % des cas, les hommes sont touchés, avec des complications spécifiques.Arancha R. Gortázar, Profesora Titular de Biología Celular. Investigador Principal Grupo Fisiopatología ósea, Universidad CEU San PabloJuan Antonio Ardura, Investigador Principal grupo Fisiopatología Ósea, Universidad CEU San Pablo. Profesor en el área de biología celular e histología, Universidad CEU San PabloLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1973232023-01-19T17:52:53Z2023-01-19T17:52:53ZCe que les différences de féminités et de masculinités disent du genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503320/original/file-20230105-2380-5skktu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un tiers des hommes se disent très masculins, alors que moins d’un quart des femmes se disent très féminines.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/YIjgPO1nLmY"> Alexander Grey / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Dans la vie quotidienne comme dans les enquêtes statistiques, le <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">genre</a> renvoie le plus souvent à une séparation des individus en deux groupes, celui des femmes et des hommes. Cette approche binaire a ses limites : des personnes non binaires ne s’identifient ni comme homme, ni comme femme, le genre des personnes trans ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance. </p>
<p>Plus généralement, les individus peuvent se sentir plus ou moins féminins, plus ou moins masculins : il existe ainsi des variations de <a href="https://theconversation.com/peut-on-prevoir-le-genre-dun-enfant-119746">genre</a> internes au groupe de sexe. Celles-ci sont des pratiques et des perceptions de soi-même et d’autrui qui ne remettent pas nécessairement en question la bipartition des sexes, mais qui montrent que l’expérience du genre a plusieurs dimensions. De plus en plus d’enquêtes statistiques tentent de saisir les variations du genre, en particulier sous la forme d’échelles de masculinité et de féminité. C’est le cas de <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/grandes-enquetes/violences-et-rapports-de-genre/">l’enquête Virage</a> qui a interrogé en France un échantillon de plus de 27 000 personnes représentatives de la population âgée de 20 à 69 ans en 2015.</p>
<p>La question suivante a été posée aux femmes :</p>
<blockquote>
<p>« On attend généralement des femmes qu’elles se comportent de façon féminine. Vous-même vous diriez vous : très féminine / plutôt féminine / pas très féminine / un peu masculine / très masculine / ne souhaite pas répondre / ne sais pas. »</p>
</blockquote>
<p>Pour les hommes, elle était formulée ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« On attend généralement des hommes qu’ils se comportent de façon masculine. Vous-même vous diriez vous : très masculin / plutôt masculin / pas très masculin / un peu féminin / très féminin / ne souhaite pas répondre / ne sais pas. »</p>
</blockquote>
<h2>Les catégories repoussoir varient selon le sexe</h2>
<p>La majorité des femmes <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">se disent</a> plutôt féminines et la majorité des hommes plutôt masculins. On enregistre sans doute ici le sentiment d’être « normal » du point de vue du genre : être une femme conduit le plus souvent à se dire féminine, ni trop, ni pas assez. Peu de femmes et d’hommes affirment un genre opposé à leur sexe : « un peu » et « très féminin » pour les hommes, « un peu » et « très masculine » pour les femmes sont des catégories repoussoir pour la majeure partie des individus.</p>
<p>Pour autant, les positionnements de genre ne s’organisent pas de la même manière selon le sexe : un tiers des hommes se disent très masculins, alors que moins d’un quart des femmes se disent très féminines ; un peu plus de 9 % des femmes se disent « pas très féminines », alors que seuls 2 % des hommes se disent « pas très masculins ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503300/original/file-20230105-2380-lmpfbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Positionnement de genre selon le sexe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">Mathieu Trachman, 2022, Population et Sociétés n° 605,« Très masculin, pas très féminine. Les variations sociales du genre»</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce résultat peut être interprété à la lumière des valeurs que les personnes attribuent à la féminité et à la masculinité. Les variations du genre selon le sexe reflètent sans aucun doute une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-domination-masculine-pierre-bourdieu/9782020352512">dévalorisation du féminin par rapport au masculin</a> : les hommes s’identifient plus volontiers à une catégorie socialement valorisée, les femmes prennent leur distance vis-à-vis d’une catégorie discréditée.</p>
<p>Ces variations du genre peuvent également être l’indice d’une distanciation féminine par rapport à des <a href="https://agone.org/livres/desfemmesrespectables">normes de genre jugées illégitimes ou trop contraignantes</a> : celles qui concernent le corps, la tenue vestimentaire, les modes de vie conjugaux ou sexuels par exemple.</p>
<p>Chez les hommes comme les femmes, il peut s’agir de la reconnaissance d’un écart par rapport à une norme désirée ou l’expression d’un rapport conflictuel à une norme imposée. Pour saisir les significations sociales des variations de genre, il est possible d’analyser quels hommes se disent peu ou très masculins, quelles femmes peu ou très féminines.</p>
<h2>Sous le genre, la classe ?</h2>
<p>Le niveau de diplôme et la catégorie socioprofessionnelle font nettement varier les positionnements de genre chez les hommes. <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">Plus les hommes sont diplômés, moins ils ont tendance à se dire très masculins</a> : certains se disent « pas très masculins », mais ils tendent à se reporter vers la catégorie « plutôt masculin ». Les catégories socioprofessionnelles reflètent pour une part cette tendance : les cadres et les professions intellectuelles supérieures se disent moins souvent très masculins que les ouvriers, les agriculteurs et les employés.</p>
<p>Il ne s’agit pas nécessairement d’une contestation des hiérarchies du genre, mais de l’affirmation d’une masculinité distinguée : ne pas se dire très masculin serait une manière de faire des distinctions de classe avec du genre, de tenir pour un peu fruste une affirmation masculine sans nuance. Cela n’est pas lié à une différence dans les pratiques de genre ou à une <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Les-habits-neufs-de-la-domination-masculine-Singly/8fa3f7456845884528c580bb5cc8219f5f210950">remise en cause de la hiérarchie du masculin et du féminin</a>. Les enquêtes sur la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1303232?sommaire=1303240">répartition des tâches domestiques</a>, qui montrent que les hommes appartenant aux classes supérieures ne s’investissent pas plus que ceux des classes populaires, en sont un indice.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-femmes-hommes-tout-ce-que-les-chiffres-ne-nous-disent-pas-171040">Inégalités femmes-hommes : tout ce que les chiffres ne nous disent pas</a>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">Chez les femmes</a>, les diplômes et les catégories socioprofessionnelles ont moins de poids : les positions et les espaces où se font les féminités et les masculinités ne sont pas les mêmes. Cependant, les femmes diplômées se disent moins souvent très féminines et surtout certaines professions conduisent les femmes à se dire « pas très féminines », en particulier les <a href="https://theconversation.com/comment-les-stereotypes-pesent-sur-linsertion-des-femmes-non-diplomees-en-milieu-rural-174412">agricultrices</a> et les ouvrières. </p>
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<p>On enregistre sans doute ici la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-certaines-professions-restent-elles-si-largement-feminisees-141948">dimension genrée de certains métiers</a>, associés à la fois au masculin et aux classes populaires. Il semble que certaines positions professionnelles accentuent la difficulté pour les femmes à se sentir à l’aise avec la féminité qu’elles tiennent pour « normale », ou bien sont l’occasion pour certaines de mettre à distance les normes de féminité. Elles peuvent se sentir moins féminines parce qu’elles appartiennent à certains métiers, ou au contraire investir certains métiers parce qu’elles se distancient de certaines normes de féminité.</p>
<h2>Quid des personnes homosexuelles ou bi ?</h2>
<p>Certains <a href="https://theconversation.com/condition-des-lgbt-a-lechelle-mondiale-ou-en-sommes-nous-83453">groupes minoritaires</a> peuvent avoir un rapport spécifique au genre. C’est le cas des minorités sexuelles, dont le désir pour les personnes de même sexe a été historiquement constitué comme une inversion de genre. <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/la-loi-du-genre-9782213620428">Cette représentation a contribué à diffuser les figures</a> de la lesbienne masculine et du gay efféminé dans l’espace social.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quelles différences entre sexe, identité, expression du genre et orientation sexuelle ?" src="https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=777&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=777&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=777&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503318/original/file-20230105-20-p5xycu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quelles différences entre sexe, identité, expression du genre et orientation sexuelle ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.genderbread.org/resource/genderbread-person-v4-0">Sam Killermann</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les positionnements de genre des personnes qui s’identifient comme homosexuelles ou bisexuelles sont très différents de ceux des <a href="https://theconversation.com/education-a-la-sexualite-ou-education-a-lheterosexualite-67612">hétérosexuels</a>. <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">Ils varient</a> selon le sexe et l’identification sexuelle : « pas très masculin » reste une catégorie repoussoir pour les hommes, y compris gays, tandis que « pas très féminin » est une catégorie investie par certaines femmes, en particulier <a href="https://theconversation.com/marcher-dans-la-rue-double-peine-pour-les-lesbiennes-123021">lesbiennes</a>. Les femmes qui se disent bisexuelles sont plus nombreuses que les hétérosexuelles à se dire pas très féminines, mais elles se disent majoritairement plutôt féminines. </p>
<p>On peut faire l’hypothèse que la valorisation sociale du masculin explique son attrait pour certaines femmes, en particulier lesbiennes, et la difficulté à s’en distancer pour les hommes, même gays.</p>
<h2>Une dévalorisation du féminin</h2>
<p>Si <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/grandes-enquetes/violences-et-rapports-de-genre/">l’enquête Virage</a> montre donc que la majorité des femmes se disent plutôt féminines et la majorité des hommes plutôt masculins, elle révèle aussi que les positionnements de genre ne s’organisent pas de la même manière selon le sexe. Comme on l’a vu, un tiers des hommes se disent très masculins, alors que moins d’un quart des femmes se disent très féminines ; un peu plus de 9 % des femmes se disent « pas très féminines », alors que seuls 2 % des hommes se disent « pas très masculins ». Les variations du genre selon le sexe reflètent sans aucun doute une dévalorisation du féminin par rapport au masculin, mais aussi des questionnements sur ce qu’est être une femme ou un homme.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par l’auteur dans Population et Sociétés n° 605, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">« Très masculin, pas très féminine. Les variations sociales du genre »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197323/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Trachman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Combien de femmes se disent peu ou très féminines, combien d’hommes se disent peu ou très masculins, quelles sont-elles et quels sont-ils ? Comment comprendre ces positionnements ?Mathieu Trachman, Chargé de recherche, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1948032022-12-13T18:14:08Z2022-12-13T18:14:08ZUn – autre – marqueur des inégalités de genre : l’humour des femmes au travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499038/original/file-20221205-23-wam6cg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C5284%2C3517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’humour est présent dans toutes les sphères de la société. Le milieu du travail n’y échappe bien sûr pas. Son usage y est cependant un marqueur social et de genre très puissant.</p>
<p>La revue de la littérature montre que les femmes subissent, dans ce domaine comme dans bien d’autres, un double standard : ce qui est perçu comme valorisant pour un homme est parfois perçu comme dévalorisant pour une femme. Afin d’analyser comment les femmes dirigeantes utilisent l’humour sur leur lieu de travail, j’ai réalisé, avec ma collègue Catherine Patry, 13 entretiens approfondis avec des femmes dirigeantes. Professeure au département de management, je m’intéresse aux questions de leadership et de diversité.</p>
<p>Nos résultats, <a href="https://www.cairn.info/revue-communication-et-management-2022-1-page-21.htm">publiés dans la revue <em>Communication et management</em></a>, montrent la diversité des usages de l’humour par les femmes dirigeantes sur leur lieu de travail. Certaines se l’interdisent strictement. La plupart l’utilisent en étant extrêmement attentives à la situation dans laquelle elles se trouvent. Toutefois, quelques-unes affirment l’utiliser volontiers. Ces résultats permettent d’identifier les conditions qui rendent possible l’usage de l’humour par les femmes dirigeantes sur leur lieu de travail.</p>
<p>La littérature a identifié depuis longtemps des <a href="https://www.clutejournals.com/index.php/IJMIS/article/view/8340">bénéfices à l’usage de l’humour en organisation</a>.</p>
<p>L’humour peut faciliter la gestion du changement, améliorer le bien-être au travail, la rétention des employés <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fapl0000395#xd_co_f=MjJlYzkzY2ItMjk0OC00NzBmLWFmNTQtZDlkYzI1MzE3NWYz%7E">ainsi qu’entretenir la cohésion de groupe</a>. Il peut aussi <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hrdq.3920050108#xd_co_f=MjJlYzkzY2ItMjk0OC00NzBmLWFmNTQtZDlkYzI1MzE3NWYz%7E">faciliter l’apprentissage et la créativité</a>. Fait intéressant, l’humour peut être un bon outil pour réduire la distance hiérarchique et atténuer l’ennui (<a href="https://www.chapman.edu/business/_files/journals-and-essays/jbm-editions/13-1175-jbm-journal%20v19no3_final.pdf#page=9">Cruthirds et coll., 2013</a>).</p>
<h2>Les cinq types d’humour au travail</h2>
<p>Pour autant, nous ne faisons pas toutes et tous usage de l’humour de la même manière. Des recherches ont permis d’observer que les hommes et les femmes n’utilisent pas tous les <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amp.2006.20591005#xd_co_f=MjJlYzkzY2ItMjk0OC00NzBmLWFmNTQtZDlkYzI1MzE3NWYz%7E">cinq styles d’humour identifiés par Eric Romero et Kevin Cruthirds</a> en 2006.</p>
<p>L’humour n’est pas non plus <a href="https://www.chapman.edu/business/_files/journals-and-essays/jbm-editions/13-1175-jbm-journal%20v19no3_final.pdf#page=9">perçu de la même manière selon le genre</a>.</p>
<p><strong>L’humour affiliatif</strong> permet de créer la cohésion de groupe en facilitant les relations sociales et en créant un environnement de travail positif. Aucune surprise : cet humour est souvent associé et utilisé par les femmes car il renvoie à leurs caractéristiques stéréotypées comme le « care », le soutien, l’inclusion et la coopération.</p>
<p><strong>L’humour d’auto-promotion</strong> est autocentré et vise à améliorer sa propre image. Il est davantage associé aux hommes.</p>
<p><strong>L’humour agressif</strong> vise la domination, la victimisation, l’intimidation et le dénigrement. Les chercheurs ont observé que les hommes utilisent également davantage ce type d’humour, et ce quelles que soient leurs origines culturelles, renforçant ainsi un stéréotype de genre.</p>
<p><strong>L’humour semi-agressif</strong>, version sarcastique moins violente que la précédente, est une stratégie de contournement pour exprimer un désaccord, des messages déplaisants. Ces stratégies sont souvent associées aux stéréotypes masculins.</p>
<p><strong>L’autodérision</strong> est un style d’humour qui crée des émotions positives tout en s’efforçant d’obtenir l’assentiment des autres. Dans les organisations, ce style d’humour est utilisé pour réduire l’écart hiérarchique et améliorer la perception d’accessibilité. Femmes et hommes sont coutumiers de ce type d’humour mais avec des conséquences différentes pour les unes (négatives) et les autres (positives).</p>
<p>Il n’y aurait donc pas <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fapl0000395#xd_co_f=MjJlYzkzY2ItMjk0OC00NzBmLWFmNTQtZDlkYzI1MzE3NWYz%7E">que des bénéfices à l’usage de l’humour en organisation</a>. Certains dirigeants l’utilisent pour rappeler leur rang et leur pouvoir aux autres.</p>
<p>Il est aussi un révélateur des ambiguïtés et des tensions de la culture organisationnelle. Par exemple, trop d’humour agressif ou semi-agressif <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amj.2015.1088#xd_co_f=MjJlYzkzY2ItMjk0OC00NzBmLWFmNTQtZDlkYzI1MzE3NWYz%7E">peut même indiquer que des infractions à l’éthique sont acceptables</a>.</p>
<h2>L’usage de l’humour : un révélateur des inégalités de genre</h2>
<p>Dès 2004, il a été mis en lumière le fait que l’humour en tant que marqueur des relations de pouvoir dans l’entreprise, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0090988042000210034?journalCode=rjac20#xd_co_f=MjJlYzkzY2ItMjk0OC00NzBmLWFmNTQtZDlkYzI1MzE3NWYz%7E">renforce d’autant plus les inégalités entre les hommes et les femmes</a>).</p>
<p>En effet, par le phénomène d’internalisation des normes sociales de genre, les femmes ont très vite compris qu’elles n’auraient pas intérêt à user de l’humour agressif. En effet, le risque de décrédibilisation serait trop important pour elles, car l’agressivité n’est pas une variable du stéréotype féminin.</p>
<p>Plus encore, ces travaux indiquent même très clairement que l’humour agit comme marqueur social inversé chez les femmes : un homme drôle a plus de probabilité d’avoir un statut supérieur à un homme pas drôle ; une femme drôle a plus de probabilités d’avoir un statut inférieur à une femme pas drôle. De même, une femme qui utilise l’humour d’auto-promotion ne donnera pas une bonne image d’elle-même contrairement à un homme qui peut en user voire en abuser. Le double standard plane toujours au-dessus de sa tête.</p>
<p>Voici un des témoignages que nous avons reçu dans le cadre de l’une de nos entrevues :</p>
<blockquote>
<p>Je suis une femme et je suis jeune, déjà là il y a un biais. Les gens sont à la banque depuis très longtemps et ont fait le tour de plusieurs divisions. Ça fait seulement deux ans que je suis là. Si j’utilise l’humour, je me décrédibilise.</p>
</blockquote>
<p>Ajoutez à cette réflexion tous les enjeux liés à l’intersectionnalité, et vous pourrez par vous-mêmes envisager par exemple quelles seraient les conséquences pour un homme issu des minorités visibles de faire usage d’humour agressif auprès d’un homme blanc ; envisagez aussi le cas d’une femme issue des minorités visibles, une femme LGBTQ+ etc.</p>
<h2>Et alors, on fait quoi ?</h2>
<p>Ainsi, les femmes font face à deux options lorsqu’il est question de faire usage de l’humour en milieu de travail :</p>
<ol>
<li><p><strong>Respecter l’ordre social genré</strong> et tenir compte des impacts négatifs et des risques d’utiliser une autre forme d’humour que l’humour affiliatif. Si vous êtes dans une organisation conservatrice, ce conseil s’applique d’autant plus car les risques sont majeurs de renforcer le plafond de verre de votre carrière.</p></li>
<li><p><strong>Déranger l’ordre social</strong> en utilisant progressivement plus d’humour dans vos relations, notamment l’humour d’auto-promotion (bon moyen de guérir votre syndrome de l’imposteuse) et pourquoi pas l’humour agressif en réponse à celui de votre collègue qui essaie de vous rabaisser et ainsi tenter de rétablir une forme d’égalité. Il faut bien sûr dans ce cas pouvoir assumer une mauvaise réputation (que peu d’hommes n’auront à subir à comportement agressif parfois supérieur).</p></li>
</ol>
<p>La question de l’humour cristallise les enjeux liés aux inégalités de genre dans les organisations. Toutefois, le déploiement des politiques d’équité, diversité et inclusion (EDI) laisse penser que les équilibres vont progressivement changer. Et que l’utilisation de l’humour, comme bien d’autres choses, sera bouleversée par une meilleure égalité hommes-femmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194803/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pénélope Codello ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’humour est universel mais aussi, très genré : celui des femmes passe beaucoup moins bien que celui des hommes au travail.Pénélope Codello, Professeure de Management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818962022-11-25T14:13:21Z2022-11-25T14:13:21ZQuatre figures tordues de la masculinité dominent l’industrie musicale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497046/original/file-20221123-24-8n53lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C986%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si nous devions rencontrer, dans la vie de tous les jours, l'un des héros des chansons d'amour industrielles, celui-ci nous inspirerait sûrement de la peur, de la pitié, du mépris ou même de l'aversion plutôt que de l'amour au sens conjugal du terme.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Par nature et vocation ludique, l’industrie musicale semble contribuer en masse à la désinformation des jeunes quant à la réalité de la vie adulte. Notamment, dans le registre des chansons d’amour, elle offre une image faussée, caricaturale et nuisible de la masculinité. Elle laisse dans l’esprit d’un auditoire essentiellement féminin, sans réelle expérience des relations amoureuses, l’idée trompeuse que les hommes sont puérils, faibles, mièvres et obsédés. Et qu’ils n’attendent qu’une jolie princesse pour les consoler.</p>
<hr>
<p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-faut-se-mefier-des-chansons-damour-qui-sadressent-aux-jeunes-filles-163130">Il faut se méfier des chansons d’amour qui s’adressent aux jeunes filles</a>
</strong>
</em>
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<hr>
<p>Dans l’article qui suit, je montre comment les chansons d’amour industrielles – du moins celles qui déclenchent des millions, voire des milliards de « clics » – exposent le besoin frénétique des héros masculins d’obtenir réparation pour les différentes blessures narcissiques qui leur sont infligées par la société.</p>
<p>Je mène cette étude par l’exercice d’une <a href="https://journals.openedition.org/methodos/100">herméneutique critique</a>, c’est-à-dire d’une <em>recherche de sens</em> qui se veut <em>engagée</em> et qui s’inscrit dans le cadre de <a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">mes fonctions universitaires à la Faculté des arts de l’UQAM</a>. Cet exercice vise principalement à exercer une pression sur les promoteurs du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Patriarcat_(sociologie)">patriarcat</a> en tant que culte professé par l’industrie musicale auprès d’un public de filles et de jeunes femmes en voie d’entrer dans leur vie conjugale active.</p>
<h2>Morphologie des histoires d’amour industrielles</h2>
<p>Aux fins de compréhension, il faut d’abord savoir que les créateurs de contenus œuvrant professionnellement dans l’industrie mondiale de la musique travaillent généralement à partir de quelques modèles dramaturgiques simples et classiques. De là, ils intègrent un nombre restreint de figures masculines, principalement celles qui font recette auprès de l’auditoire féminin. Autrement dit, la grande variété de chansons d’amour offertes par cette industrie (il y en aurait des millions) ne résulte pas de l’imaginaire bouillonnant de ses créateurs. Au contraire, elle découle d’un recyclage continuel des mêmes trois ou quatre scénarios de base, lesquels semblent délibérément inspirés par la littérature romanesque des siècles passés.</p>
<p>Les canevas les plus populaires respectent normalement la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Morphologie_du_conte">séquence narrative traditionnelle des contes de fées</a>. L’histoire va ainsi d’un préjudice subi par le héros masculin jusqu’à sa réparation, laquelle prend la forme symbolique d’une femme livrée à son contrôle.</p>
<p>L’examen critique des chansons d’amour industrielles révèle la présence de quatre blessures masculines assez douloureuses et béantes pour radicaliser les revendications d’un tel héros. Ce sont ces blessures et leur rattachement à une figure particulière de la masculinité qui font l’objet du modèle que je mets ici en place dans la perspective d’informer, au mieux, les jeunes auditrices et leurs parents bienveillants.</p>
<h2>La blessure d’humiliation</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S4asq3SicN0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Goodbyes, Post Malone.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_de_chevalerie#:%7E:text=Un%20roman%20de%20chevalerie%20est,e%20et%20XIII%20e%20si%C3%A8cles">littérature médiévale</a> (1100-1400) que les créateurs de contenus empruntent généralement le thème de l’amour obsessionnel et impossible envers lequel le héros est contraint, par serment chevaleresque, de pratiquer une dévotion excessive : c’est le modèle arthurien de la quête du Graal que j’appelle, pour ma part, le <em>modèle christique</em>.</p>
<p>La blessure qui motive ce récit est l’humiliation publique que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lancelot_ou_le_Chevalier_de_la_charrette">Lancelot</a> doit subir pour sauver la reine Guenièvre, l’épouse du Roi Arthur tenue prisonnière par le méchant Méléagant.</p>
<p>C’est sur ce motif que se construit la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=S4asq3SicN0">« Goodbyes » de Post Malone (2019)</a>, dans laquelle le héros masculin, un hors-la-loi solitaire, meurt poignardé sur la place publique sous les yeux d’une femme. Pour obtenir réparation, Malone ressuscite et revient la hanter pour la vie éternelle, faisant désormais de celle-ci son obsession réparatrice.</p>
<h2>La blessure d’exclusion</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aHkwrs__Z6o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Room for 2, de Benson Boone.</span></figcaption>
</figure>
<p>On tire ensuite du <a href="https://www.cerveauetpsycho.fr/sr/autour-oeuvre/don-quichotte-l-homme-de-toutes-les-psychoses-1017.php">« Don Quichotte » de Cervantès</a> (1605-1615) le motif d’un héros troublé dont le délire le pousse à croire qu’il est follement aimé par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dulcin%C3%A9e">Dulcinée</a>, une inconnue qu’il utilise pour combler son manque affectif et se magnifier lui-même : c’est ce que j’appelle le <em>modèle psychotique</em>.</p>
<p>À partir de ce modèle, la deuxième blessure narcissique du héros des chansons d’amour lui est causée par sa mise à l’écart de la société en raison de ses comportements jugés déviants. On parle d’un délinquant, un paranoïaque, un paresseux, peut-être même un violeur, un pédophile ou un tueur en série.</p>
<p>C’est la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aHkwrs__Z6o">« Room for 2 » de Benson Boone (2022)</a> qui illustre cette figure d’un homme perturbé séquestrant sa victime dans le coffre de sa voiture. Tel un Don Quichotte des temps modernes, Boone combat pour elle des dangers imaginaires et lui crie sa supériorité dans un désert sans écho :</p>
<blockquote>
<p>Je peux être tout ce que tu veux/I can be all you need</p>
</blockquote>
<h2>La blessure d’abandon</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/olGSAVOkkTI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Falling, de Harry Styles.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est à Goethe qu’on emprunte par ailleurs le récit des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Souffrances_du_jeune_Werther">« Souffrances du jeune Werther »</a> (1774), un héros immature qui préfère se suicider plutôt que de subir la honte du rejet féminin : c’est ce que l’on identifie habituellement comme étant le <em>modèle romantique</em> « classique ».</p>
<p>La blessure narcissique qui affecte ce type de héros résulte d’un abandon cruel par sa mère à un âge où il était toujours sous sa dépendance physique, émotive et psychologique. C’est ce qui fait de lui un enfant perpétuel qui voit désormais toute femme comme une pourvoyeuse de soins, sans laquelle il ne peut survivre aux difficultés pragmatiques de la vie quotidienne. Sans elle, il tombe, il sombre, il boit à outrance ; éventuellement, il se noie dans ses larmes et dégrade, du même coup, son environnement social et matériel. Comme Werther, ses souffrances le conduiront au suicide.</p>
<p>C’est ce qu’illustre, presque sans subtilité, la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=olGSAVOkkTI"><em>Falling</em>, de Harry Styles (2020)</a>. La caractéristique essentielle de ce genre de tableau romantique est l’absence totale de cette femme qu’on accuse d’avoir abandonné son amant puéril, un être à jamais impuissant, par sa faute :</p>
<blockquote>
<p>Je suis dans mon lit, et tu n’es pas là/I’m in my bed, and you’re not here</p>
</blockquote>
<h2>La blessure de castration</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GS-666L0VLE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Thousand Miles, de The Kid LAROI.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Don_Juan">mythe moderne de Don Juan</a> (datant du XVII<sup>e</sup> siècle, mais largement repris au XX<sup>e</sup> siècle) fournit la trame de vie d’un héros libertin et abusif qui n’est motivé que par ses propres besoins impérieux : je range ce dernier sous la rubrique du <em>modèle machiavélique</em> pour souligner le fait que, pour un tel héros, la fin justifie toujours les moyens.</p>
<p>La blessure caractéristique de ce modèle est celle de la castration sociale qu’on lui impose par le frein puissant qu’appliquent à ses envies pressantes les règles de la bienséance et du consentement. Ce héros contemporain croit subir l’injustice inqualifiable de son émasculation psychologique par les effets d’un féminisme ambiant qu’il abhorre. Il voit celui-ci comme une menace constante et dissuasive planant sur sa virilité, ce qui génère en lui une frustration vive et intolérable.</p>
<p>Or, ce Don Juan n’est pas sans recours : c’est un séducteur abusif passé maître dans l’art de la duplicité, un manipulateur talentueux qui piège délibérément les autres afin d’obtenir ce qu’il désire. Et ça fonctionne, comme veut nous en convaincre The Kid LAROI dans sa chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GS-666L0VLE"><em>Thousand Miles</em> (2022)</a> :</p>
<blockquote>
<p>Je connais cette expression sur ton visage, tu vas venir à moi ce soir/I know that look on your face, You’re comin’ my way tonight</p>
</blockquote>
<p>Heureusement, ce luciférien aux cheveux bouclés a le réflexe de lancer, avant de sévir, cet avertissement lucide et charitable :</p>
<blockquote>
<p>Je ne changerai jamais. Si j’étais toi, je resterais à des kilomètres de distance…/I will never change. If I was you, then I would stay a thousand miles away…</p>
</blockquote>
<h2>A-t-on assassiné la virilité ?</h2>
<p>Dans leur étude de la psyché masculine, les auteurs <a href="https://www.masculinity-movies.com/articles/king-warrior-magician-lover">Moore et Gillette</a> affirment que nous vivons actuellement sous « la malédiction d’un infantilisme généralisé ». Pour ces auteurs comme pour moi, au sortir de mon examen des chansons d’amour industrielles, cela signifie que le patriarcat « n’est pas le règne de la maturité, mais plutôt celui de la puérilité masculine », une sorte de « puerarchie » dont les lois nous ordonnent d’assassiner la virilité au profit d’une immaturité à la fois attendrissante et scandaleuse.</p>
<p>Ce qui me semble clair, en tous cas, c’est que si nous devions rencontrer, dans la vie de tous les jours, l’un de ces héros des chansons d’amour industrielles, celui-ci nous inspirerait sûrement de la peur, de la pitié, du mépris ou même de l’aversion plutôt que de l’amour au sens conjugal du terme.</p>
<p>Il n’y a donc pas, à mon sens, de raison valable pour qu’une société égalitaire donne libre cours aux fantasmes de ces « petits garçons » aux corps d’adultes. Peut-on à tout le moins espérer que nos créateurs soient largement récompensés lorsqu’ils écrivent des romances exaltant la virilité assumée des hommes matures, sans rien sacrifier à leur art tout en s’élevant à la hauteur des attentes, des droits et du haut potentiel de nos inestimables princesses en processus de maturation sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181896/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans ses chansons d’amour, l’industrie mondiale du divertissement musical met en scène des héros masculins caractérisés par l’obsession, la psychose, l’immaturité et la duplicité.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1919112022-10-26T18:32:24Z2022-10-26T18:32:24ZOui, messieurs, la fertilité masculine décline aussi avec l’âge<p>Lorsqu’il s’agit de fonder une famille, la petite musique des limites imposées par l’« horloge biologique » sonne régulièrement aux oreilles des femmes. Les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1467-9566.13116">hommes ne sont pas soumis à la même pression</a> en ce qui concerne de la question de leur paternité si elle s’annonce tardive.</p>
<p>Cela peut en partie s’expliquer par le fait que beaucoup pensent que les hommes ont tout leur temps lorsqu’il s’agit d’avoir des enfants. Des exemples exceptionnels, comme celui du chanteur Mick Jagger qui a eu en 2016 un fils à l’âge de 73 ans, peuvent d’ailleurs venir renforcer cette idée reçue… Mais en réalité, il y a beaucoup de choses à rappeler en ce qui concerne leur fertilité masculine et sa longévité. <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-bon-age-pour-avoir-des-enfants-107484">75 % des jeunes, filles et garçons, sous-estiment l’impact de l’âge sur leur fertilité</a>.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à une évolution progressive de l’âge auquel un couple à son premier enfant : dans les pays occidentaux, se dessine ainsi une augmentation du nombre de personnes qui deviennent parents plus tardivement dans leur vie. En Angleterre et au Pays de Galles, hommes et femmes n’ont jamais eu leurs enfants aussi tard <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/livebirths/bulletins/birthcharacteristicsinenglandandwales/2020">si l’on se fie aux archives</a>.</p>
<p>Si l’on considère les seuls hommes, ils ont aujourd’hui des enfants en moyenne à <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/livebirths/bulletins/birthcharacteristicsinenglandandwales/2020">près de 34 ans</a>, contre environ <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/livebirths/bulletins/birthcharacteristicsinenglandandwales/2017">29 ans au milieu des années 1970</a>. (<em>En France, l’<a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/hommes-ont-enfants-plus-tard/">âge moyen de la première paternité est de 33,1 ans</a> contre 30,2 ans pour les femmes et la maternité. Cet écart se maintient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ndlr.</em>)</p>
<p>Il y a des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21652599/">multiples raisons qui peuvent inciter à repousser ainsi un projet parental</a>. Actuellement, il y a le fait que les jeunes ont plus de difficultés à acheter une maison et se trouvent dans un climat économique et social incertain… Ce qui ne permet pas de se projeter dans l’avenir. Les changements dans la façon dont les gens sortent et forment des relations doit également être pris en compte. Se lancer dans des études longues et prendre plus de temps pour faire un choix de carrière sont d’<a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(13)00501-4/fulltext">autres facteurs à considérer</a>. Enfin, beaucoup préfèrent attendre le « moment le plus propice » pour avoir des enfants, soit celui où ils pourront leur <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-90-481-8969-4_11">donner les « meilleures chances de départ » dans la vie</a>.</p>
<p>Mais ces choix de vie ne sont pas sans conséquences biologiques, ne serait-ce que sur la possibilité d’avoir un enfant « tard ».</p>
<h2>La fertilité masculine en question</h2>
<p>Si certaines personnes peuvent toujours avoir des enfants à 30, 40 ans et plus, d’autres peuvent en effet avoir des difficultés.</p>
<p>On pense souvent, à tort, que seules les femmes connaissent une baisse de fertilité à mesure que les années passent… Certes la fertilité féminine <a href="https://www.britishfertilitysociety.org.uk/fei/at-what-age-does-fertility-begin-to-decrease/">diminue plus rapidement</a> avec l’âge que celle d’un homme, mais de plus en plus de données suggèrent que l’âge affecte également la fertilité masculine – qui connaît un pic entre 30 et 35 ans, avant de décroître <a href="https://www.bmj.com/content/360/bmj.k1081">à partir de 40-45 ans environ</a> de façon significative.</p>
<p>Au-delà de 40 ans, un homme serait ainsi moitié <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28981654/">moins fertile qu’à 25 ans… sans que l’on sache vraiment pourquoi</a>. Ce sujet reste très débattu, au point qu’il n’existe pas de définition claire de ce que serait une paternité « tardive » chez l’homme.</p>
<p>Pourtant, il est désormais démontré que l’âge du père (au-delà notamment de 45 ans) :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12958-015-0028-x">affecte négativement la qualité du sperme (en altérant ses données génétiques et épigénétiques, et donc le patrimoine génétique du futur enfant)</a>,</p></li>
<li><p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378512219301343">réduit sa fertilité</a> et le nombre de spermatozoïdes produits. Ces derniers sont également moins mobiles et moins performants pour féconder un ovocyte, ce qui implique souvent de recourir à leur injection médicalement assistée,</p></li>
<li><p>augmente le risque de <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12958-015-0028-x">fausse couche et de complications médicales pour la mère (retard de croissance intra-utérine, naissances prématurées…)</a>,</p></li>
<li><p>entraîne une plus grande probabilité de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11934-018-0802-3">problèmes de santé futurs</a> chez les enfants à naître – en particulier les <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12958-015-0028-x">troubles du spectre autistique (risque augmenté de 80 %), la schizophrénie (de près de 50 %), les troubles bipolaires et la leucémie infantile</a>. Le risque de faible poids à la naissance ou d’hospitalisation néonatale est également accru.</p></li>
</ul>
<p>Mais ces éléments sont rarement mis en avant, et les hommes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001502821202345X">ne sont ainsi souvent pas conscients que chez eux aussi la fertilité peut diminuer avec l’âge</a>. Même si les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4854095/">risques restent faibles</a>, il est toujours préférable d’en être conscient lorsque l’on prévoit d’attendre pour avoir des enfants.</p>
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<h2>Améliorer vos chances</h2>
<p>Y a-t-il des moyens qui aideraient à mettre vos chances de votre côté lorsque vous voudrez avoir des enfants ? Il y a deux facteurs à prendre en compte.</p>
<p>Le premier est votre <strong>mode de vie</strong>. Les recherches montrent que de nombreux éléments liés au mode de vie peuvent affecter la fertilité masculine. En particulier, les recherches suggèrent que le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14647273.2017.1382733">tabagisme</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29713532/">consommation excessive d’alcool</a> influent négativement sur la qualité du sperme et la fertilité. Les <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/33/9/1749/5066758?login=true">sous-vêtements trop serrés</a>, les <a href="https://www.nice.org.uk/guidance/cg156/evidence/full-guideline-pdf-188539453">drogues et les stéroïdes</a> sans à éviter pendant l’adolescence et la vingtaine. À l’inverse, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7848840/">régime alimentaire et un IMC sains</a> ont un effet positif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un groupe de jeunes hommes boit une bière au pub" src="https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certaines pratiques, comme une mauvaise alimentation ou le fait de boire excessivement, peuvent affecter la fertilité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/people-leisure-friendship-bachelor-party-concept-389227426">Ground Picture/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais avoir un mode de vie sain n’est qu’une partie de l’équation. <strong>Le second élément clé est l’âge</strong>.</p>
<p>Idéalement, il est préférable d’essayer d’avoir des enfants avant que le sujet de l’âge ne devienne un paramètre à prendre en compte pour la fertilité – c’est-à-dire avant que l’âge n’affecte les chances de concevoir, ou le bien-être des futurs enfants. C’est pourquoi il peut être pertinent que les garçons commencent à <a href="https://theconversation.com/forget-freezing-sperm-its-time-for-men-to-take-responsibility-for-the-foreplay-of-fatherhood-43753">réfléchir plus tôt qu’aujourd’hui</a> à la question de savoir s’ils veulent des enfants.</p>
<p>De nouvelles technologies continuent d’être développées et peuvent aider les gens à augmenter leurs chances de devenir parents à un âge moyen ou avancé. En particulier, la <a href="https://theconversation.com/congeler-ses-ovocytes-nest-pas-une-assurance-maternite-80155">congélation des ovules est un phénomène en pleine expansion</a> et certains suggèrent que la <a href="https://jme.bmj.com/content/41/9/775.short?g=w_jme_ahead_tab">congélation du sperme chez les jeunes adultes</a> pourrait aider les hommes à avoir des enfants plus tard dans leur vie. Mais attention, ces technologies ne sont pas parfaites et ne garantissent pas le succès d’un projet parental reporté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Law ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le fait est connu pour les femmes : la fertilité baisse avec les années. Il l’est moins pour les hommes. Pourtant l’impact de l’âge, s’il se manifeste différemment, est tout aussi réel… Petit rappel.Caroline Law, Senior Research Fellow, De Montfort UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1889252022-08-30T18:54:29Z2022-08-30T18:54:29ZAntoine : « Pourquoi ce sont les femmes qui font les enfants et pas les hommes ? »<p>Avant de répondre à ta question, il faut éclaircir certaines choses concernant la reproduction. Chez les mammifères (dont nous faisons partie), il y a deux sexes biologiques : mâle (homme pour nous) et femelle (femme pour nous). La différence principale entre les deux, c’est la partie située entre nos jambes. Les femmes ont un trou qui continue vers l’intérieur grâce à ce qu’on appelle un vagin. Au bout du vagin, il y a une poche, qu’on appelle l’utérus, et deux antennes qui se finissent par un petit sac, qu’on appelle l’ovaire. Chez l’homme, c’est un peu différent, leur sexe est à l’extérieur : ils ont un pénis, qui ressemble à une trompe, et des testicules, deux petits sacs cachés derrière. Dans les deux cas, les humains (et les mammifères en général) produisent des gamètes : les spermatozoïdes chez l’homme, les ovules chez la femme. Ils fonctionnent comme des graines qui, quand elles se rencontrent, vont donner un bébé.</p>
<p>Si les spermatozoïdes sont produits en continu dans les testicules, les ovules suivent un cycle, et ce qui régule la formation des gamètes, ce sont les hormones (de toutes petites molécules qui vont faire passer des messages entre les organes et le cerveau). Chez les hommes, l’hormone principale s’appelle la testostérone : c’est le chef d’orchestre de la formation des spermatozoïdes, même si elle n’agit pas seule. Chez les femmes, c’est plus compliqué… car plus d’hormones sont impliquées ! Il existe un équilibre entre œstrogène et progestérone, régulé par d’autres hormones au niveau du cerveau. Le travail commun de ces hormones va donner lieu à un cycle, permettant d’abord la maturation d’un ovule, l’ovulation (c’est-à-dire la libération de l’ovule par l’ovaire), la préparation utérine (des changements dans l’utérus pour accueillir un bébé) puis l’expulsion de tout ce qui s’est formé (ce que nous appelons les règles). Tous les mois, le corps de la femme fabrique donc tout ce qu’il faut pour faire un bébé.</p>
<p>Mais elle ne peut pas le faire toute seule : il va falloir que les spermatozoïdes aillent à la rencontre de l’ovule pour donner un embryon, puis un fœtus, puis un bébé. Pour cela, il existe plusieurs méthodes, mais la plus classique consiste à une pénétration du pénis de l’homme dans le vagin de la femme. Et ce n’est pas tout ! Le bébé doit ensuite pouvoir grandir quelque part pendant les neuf mois dont il a besoin pour se développer. C’est là que l’utérus et ses partenaires entrent en jeu. Il va être capable d’accueillir le bébé, lui donnant un nid douillet. Et c’est un super organe : il est très élastique pour s’adapter au bébé qui grandit, il permet au bébé de se nourrir grâce au placenta (une sorte de disque relié à la maman, collé à l’utérus) et il va permettre de protéger le bébé grâce à la formation d’une poche, qu’on appelle poche amniotique, remplie d’eau. Sans utérus, il n’est pas possible d’avoir d’enfants… et c’est pour cela que ce sont les femmes qui font des enfants. Les hommes ne sont simplement pas équipés pour les faire !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lSl2eaAVEJk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment on fait les bébés ? (1 jour, 1 question).</span></figcaption>
</figure>
<p>Si l’on amène ta question un peu plus loin, on peut se demander pourquoi les femmes ont ce qu’il faut pour porter un bébé et pas les hommes. À cette question, nous n’avons pas vraiment de réponse… sauf qu’il faut un sexe qui porte les enfants et un qui féconde, chez tous les animaux qui dépendent de la reproduction sexuée. Car il existe plusieurs types de reproduction. Chez quasiment tous les animaux, il s’agit d’une reproduction sexuée, ce qui veut dire qu’il faut la rencontre d’un gamète femelle et d’un gamète mâle pour donner un bébé. Cependant, chez certains animaux, comme l’hippocampe, c’est le papa qui porte les œufs ! Tu peux aussi rencontrer des animaux qui changent de sexe, comme l’escargot : on les appelle hermaphrodites.</p>
<p>Et chez d’autres animaux, comme certains poissons ou lézards, on assiste à une reproduction asexuée, c’est-à-dire que le parent n’a pas besoin d’un partenaire pour se reproduire et va créer lui-même son « clone ». Ce ne sont, en revanche, que des animaux qui ne portent pas leur bébé, mais qui pondent des œufs. Pas de différence entre un papa et une maman dans ce cas-là !</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188925/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Tible ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce n’est pas chez toutes les espèces que les femelles portent les bébés.Marion Tible, Docteur en physiopathologie et biologie cellulaire à l'INSERM -Neurocentre Magendie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830152022-08-18T13:16:16Z2022-08-18T13:16:16ZAgression sexuelle durant l’enfance : comment les hommes font-ils face à ce trauma ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465101/original/file-20220524-25-39tcsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C982%2C672&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une majorité d’hommes victimes sont réticents à demander de l’aide et prennent des années, voire des décennies, avant de dévoiler l’agression dont ils ont été victimes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’agression sexuelle est un enjeu social et de santé publique qui a pris sa place dans l’espace public au cours des dernières années, notamment à travers les mouvements de dénonciations tels que <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mouvement-moiaussi">#moiaussi</a> et <a href="http://www.rqcalacs.qc.ca/projets/17-onvouscroit">#onvouscroit</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-deuil-chez-les-hommes-cinq-mythes-a-deboulonner-177507">Le deuil chez les hommes : cinq mythes à déboulonner</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Toutefois, les hommes qui dévoilent leur victimisation sont peu nombreux, et le sujet reste tabou. Ceci est particulièrement vrai au sein d’une socialisation masculine traditionnelle qui inculque l’idée qu’un homme, « un vrai homme », doit être fort, ne parle pas de ses problèmes et n’a pas besoin d’aide. Par ricochet, il ne peut donc pas être une « victime ».</p>
<p>Il peut ainsi s’écouler des années, voire des décennies, avant que ces hommes dévoilent les agressions dont ils ont été victimes, tout en souffrant de répercussions sur leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9635069/">santé neurodéveloppementale, physique, psychologique, sexuelle et relationnelle</a>.</p>
<blockquote>
<p>J’ai de la difficulté à garder des relations et tout ça, la seule façon que j’ai connu pour garder des relations c’est d’accommoder l’autre, de faire des choses que je n’ai pas envie. Accepter des choses qui ne correspondent pas à mes valeurs ou à mes besoins. (Chuck, 36 ans)</p>
</blockquote>
<p>À titre de membres <a href="https://cnvam.natachagodbout.com/fr/accueil">fondateurs du CNVAM</a>, un partenariat qui réunit différents acteurs soucieux de promouvoir les connaissances empiriques sur la victimisation au masculin et leurs applications pratiques, nous avons développé une expertise en recherche interventionnelle auprès des adultes survivants de traumas interpersonnels en enfance, sur les violences sexuelles, les réalités masculines et la mobilisation des connaissances dans le cadre d’approches participatives.</p>
<blockquote>
<p>J’ai toujours peur qu’on se serve de mes faiblesses pour me blesser. (Ludger, 63 ans)</p>
</blockquote>
<p>Cet article présente notre initiative de création de <a href="https://cnvam.natachagodbout.com/fr/capsules-videol">cinq capsules vidéos</a> – en partenariat avec des hommes victimes et des représentants d’organismes spécialisés dans l’intervention auprès d’eux – visant à sensibiliser le grand public à l’ampleur des agressions sexuelles chez les garçons, aux conséquences de ces crimes et aux réponses favorisant le rétablissement de ces victimes.</p>
<h2>L’agression sexuelle, ça arrive aussi aux garçons</h2>
<p>Entre <a href="https://natachagodbout.com/sites/default/files/pdf/emotional%20and%20sexual%20correlates%20-%20vaillancourt.pdf">8 % et 20 %</a> des hommes ont été victimes d’agression sexuelle pendant leur enfance, selon les études menées au Québec, au Canada et à l’internationale. Or, ces crimes demeurent invisibles, peu documentés dans les écrits scientifiques, et peu discutés dans la sphère publique. Ceci entrave le cumul d’informations nécessaires pour guider les interventions et la sensibilisation auprès de la population.</p>
<p>Il importe de reconnaître cette problématique sociale pour faire tomber les tabous et mobiliser des réponses sociales favorisant la guérison des survivants. Dans cette optique, la capsule vidéo <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3zMvTqpdW30">« Ça arrive aussi aux garçons »</a>, met en scène des hommes victimes qui témoignent de leur expérience. Elle informe le public sur les prévalences, les caractéristiques de ces agressions (majoritairement commises par des personnes connues, et certains hommes ont été abusés par une femme), et les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3zMvTqpdW30">répercussions</a> qui affectent l’identité (vide intérieur, faible estime), le fonctionnement relationnel (détresse conjugale), la santé mentale (dissociation, détresse psychologique), et le parcours scolaire puis socioéconomique des victimes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3zMvTqpdW30?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les agressions sexuelles, ça arrive aussi aux garçons.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Dévoilement et demande d’aide</h2>
<p>Les hommes dévoilent peu les abus subis et mettent entre <a href="https://www.pulaval.com/produit/les-realites-masculines-oubliees">25 et 42 ans</a> avant de demander de l’aide.</p>
<p>Des données recueillies auprès de 105 hommes qui consultent un organisme spécialisé dans l’accompagnement d’hommes victimes d’abus sexuels montrent que <a href="https://www.acfas.ca/evenements/congres/programme/89/400/428/c">57 % n’avaient jamais dévoilé les abus vécus avant d’initier leur processus</a>.</p>
<p>L’internalisation des stéréotypes associés à la masculinité (un homme n’est pas une victime, doit faire preuve de force) peut, entre autres, nuire au dévoilement et à la guérison. Ces éléments sont exprimés par des hommes victimes eux-mêmes dans la capsule vidéo intitulée <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lrfuLmxC8Gk">« Briser le silence »</a>, produite par l’équipe du CNVAM.</p>
<blockquote>
<p>On parle pas de ça. Faut que ça reste secret, c’est honteux. (Denis)</p>
<p>Ça nourrissait la honte, le sentiment d’être une mauvaise personne. T’as pas dit non, donc t’as consenti. (Daniel)</p>
</blockquote>
<p>Or, le fait de nier la souffrance causée par les abus les prive de la possibilité de soutien de leurs proches et de professionnels. Également, étant donné que les conséquences des abus émergent malgré tout, ils ont tendance à consulter en tout dernier recours pour des problèmes exacerbés ou cristallisés, tels que la dépression, l’abus de substances, des problèmes relationnels ou de gestion de la colère.</p>
<p>Alors que la demande d’aide est jonchée d’obstacles, « en parler ouvertement, librement, sans peur, permet de déplacer le fardeau de la honte sur l’agresseur », selon Daniel, un homme survivant.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qFgdoWbufDo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Demander de l’aide a des effets bénéfiques.</span></figcaption>
</figure>
<h2>L’accueil du dévoilement et la guérison</h2>
<p>La réaction de l’entourage des hommes face au dévoilement joue un rôle clé. Des <a href="https://natachagodbout.com/sites/default/files/pdf/All%20Involved%20in%20the%20Recovery.pdf">réponses négatives</a> sont liées à une augmentation de la détresse psychologique et relationnelle à l’âge adulte. Bien que certaines victimes masculines expriment leur vulnérabilité, d’autres manifestent leur souffrance à travers colère et irritabilité, ce qui augmente le défi pour les proches et les professionnels à les accueillir avec bienveillance.</p>
<p>Une réponse favorable au dévoilement est centrale au processus de rétablissement et se caractérise par :</p>
<ul>
<li><p>Écouter sans jugement, sans minimiser ni amplifier ;</p></li>
<li><p>S’assurer de la sécurité de la personne ;</p></li>
<li><p>Croire – il s’agit de sa perception et de son vécu ;</p></li>
<li><p>Respecter le rythme ;</p></li>
<li><p>Souligner la force et le courage de dévoiler ;</p></li>
<li><p>Valider les émotions, réactions ;</p></li>
<li><p>Donner de l’information (impacts, ressources et recours possibles) ;</p></li>
<li><p>Reconnaître et déconstruire les mythes.</p></li>
</ul>
<p>Une <a href="https://youtu.be/bxGwZAtMRmo">réaction favorable</a> de l’entourage est centrale au processus de rétablissement.</p>
<h2>Vers des réponses sensibles aux traumas</h2>
<p>La guérison passe par un changement de paradigme qui délaisse la tendance classique de demander : « C’est quoi le problème avec lui ? » ou même « C’est quoi le problème avec moi ? » pour plutôt chercher à comprendre [« Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »], <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1smqY0nKULQ">« Qu’est-ce qui s’est passé dans ma vie et qui me permettrait de mieux comprendre et modifier mes réactions, mes états, ma souffrance ? »</a>.</p>
<p>Reconnaître l’abus sexuel en enfance vécu par les hommes comme une problématique sociale contribue à faire tomber le tabou, à développer les services spécialisés en intervention auprès de cette population et à libérer la parole des survivants qui expriment que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1smqY0nKULQ">« C’est important de reprendre sa liberté »</a>, tel qu’énoncé par Alain, un homme survivant.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1smqY0nKULQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les hommes victimes doivent reprendre leur liberté.</span></figcaption>
</figure>
<p>Nous avons tous et toutes un rôle majeur à jouer pour créer un tissu social qui favorise la guérison des personnes victimes et qui résiste à retraumatiser ces personnes, à force d’écoute, d’ouverture, d’éducation et de bienveillance.</p>
<p>Les <a href="https://ncsacw.acf.hhs.gov/userfiles/files/SAMHSA_Trauma.pdf">approches sensibles aux traumas</a> ont d’ailleurs été élaborées devant le constat du caractère endémique des expériences de traumas et de leurs répercussions. Ces dernières, lorsque négligées, entravent la santé et le bien-être des victimes, et exacerbent le risque pour les victimes de vivre des expériences retraumatisantes au sein de nos sociétés, de nos systèmes et de nos institutions publiques.</p>
<p>L’objectif des pratiques sensibles aux traumas est de promouvoir une meilleure compréhension des traumas vécus par les personnes et de leurs effets, d’atténuer leurs répercussions et de ne pas retraumatiser les victimes. Elles rappellent l’importance de :</p>
<ul>
<li><p>Réaliser l’ampleur du phénomène et ses impacts ;</p></li>
<li><p>Reconnaître les manifestations des effets de ces traumas ;</p></li>
<li><p>Répondre aux besoins des personnes victimes en leur offrant des interventions appuyées par des données probantes ;</p></li>
<li><p>Résister à retraumatiser ces personnes (par des réponses inadaptées).</p></li>
</ul>
<p>Vous aussi pouvez faire une différence !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183015/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Natacha Godbout dirige TRACE--l’unité de recherche et d’intervention sur les TRAumas et le CouplE et elle est membre-chercheure au CRIPCAS-Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles, et au sein des équipes de recherche ÉVISSA-Équipe sur la violence et la santé sexuelle, SCOUP-Équipe sur la Sexualilté les traumas et le COUPle et du Pôle d’expertise en santé et bien-être des hommes. Elle a reçu des subventions de recherche pour mener ses travaux des Fonds de recherche du Québec, des IRSC - Instituts de recherche en santé du Canada, et du CRSH-Conseil de recherches en sciences humaines. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mylène Fernet est titulaire du Laboratoire d'études sur la violence et la sexualité - Fondation canadienne pour l'innovation. Elle
est membre-chercheure au CRIPCAS-Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles, et au sein des équipes de recherche ÉVISSA-Équipe sur la violence et la santé sexuelle et SAS-Femmes- Collectif de recherches et d'actions pour la Sécurité, l'Autonomie et la Santé des Femmes. Elle a reçu des subventions de recherche pour mener ses travaux des Fonds de recherche du Québec, du CRSH-Conseil de recherches en sciences humaines, du Secrétariat à la condition féminine du Québec et du Ministère de l'Enseignement supérieur du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Martin Deslauriers et Stephanie Pelletier ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les hommes qui dévoilent les violences et abus sexuels subis sont peu nombreux et le sujet demeure particulièrement tabou.Natacha Godbout, Full Professor, Professeure titulaire, Sexologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Jean-Martin Deslauriers, Professeur, L’Université d’Ottawa/University of OttawaMylène Fernet, Professeure titulaire, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Stephanie Pelletier, Coordonnatrice de recherche, Unité de recherche et d'intervention sur le TRAuma et le CouplE (TRACE), Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1635432022-06-30T12:23:41Z2022-06-30T12:23:41ZHarcèlement de rue : quatre idées reçues à démystifier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455911/original/file-20220402-53457-9w8hp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C18%2C3977%2C2999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le harcèlement de rue est trop souvent banalisé, alors qu'il s'agit d'un phénomène ayant des impacts négatifs réels.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Mélissa Blais)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’an dernier, nous lancions la publication de la recherche « <a href="https://www.ceaf-montreal.qc.ca/files/rapport_ceaf-avril-2021.pdf">Les impacts du harcèlement de rue sur les femmes</a> à Montréal ». </p>
<p>Fruit d’un partenariat de recherche avec le <a href="https://www.ceaf-montreal.qc.ca/">Centre d’éducation et d’action des femmes</a> (CÉAF), cette enquête (s’appuyant sur cinq groupes de discussion) brosse un portrait détaillé des impacts des multiples violences (verbales, psychologiques, physiques et sexuelles) commises par des hommes envers des femmes dans l’espace public montréalais.</p>
<p>Ces violences comprennent les insultes, les menaces, le fait d’être suivie ou de subir des attouchements et des sifflements, l’exhibitionnisme et les commentaires à connotation sexuelle ou raciste, notamment.</p>
<h2>Le harcèlement de rue ne devrait pas être banalisé</h2>
<p>Les impacts recensés du harcèlement de rue sont de divers ordres. Ils incluent la peur de circuler dans certains endroits le soir venu (impact spatio-temporel) ; la crainte d’échanger avec des inconnus (effet sur la vie sociale) ; la modification de la posture de son corps ou de la façon de s’habiller (impacts corporels) ; la planification de ses réactions au cas où un épisode surviendrait (obligation de riposter) ; l’organisation de ses sorties avec son chien, même pour se rendre à deux coins de rue (l’utilisation d’objets ou d’animaux) ; et, enfin, l’hypervigilance, la culpabilité, la colère, la honte ou le dégoût ressentis à court, moyen ou long terme (impacts psychologiques et émotionnels).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="collage de papiers « libres dans la rue »" src="https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463066/original/file-20220513-24-v9eo4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les femmes devraient être libre de circuler dans l’espace public sans subir de harcèlement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(CÉAF)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré ces témoignages, des procédés de banalisation, voire de négation du harcèlement de rue sont toujours à l’œuvre sur le Web. Ces derniers ont été identifiés comme autant d’attitudes nuisibles par les participantes à la recherche. Loin d’être anodins, ils sont représentatifs de ceux que nous avons l’habitude de lire lors de la publication d’études féministes ou lors de campagnes de sensibilisation sur les violences faites aux femmes.</p>
<p>Dans l’espoir de contrer la banalisation de ces violences, nous souhaitons répondre ici à des commentaires publiés sur les pages des sites Internet et comptes Facebook de quelques médias ayant couvert la parution de notre rapport de recherche (dont <em>La Presse</em>, <em>Le Journal de Montréal</em>, <em>TVA Nouvelles</em> et <em>Le Devoir</em>).</p>
<p>Les prénoms et les citations ont été modifiés pour préserver l’anonymat des internautes.</p>
<p>Nous avons regroupé ces propos sous quatre rubriques.</p>
<h2>Le harcèlement de rue existe ailleurs, mais pas à Montréal</h2>
<p>Pour certain·e·s, le harcèlement de rue n’existe pas à Montréal, contrairement à d’autres métropoles comme Paris, Alger ou Rome. Pour d’autres, il leur suffit de ne pas avoir été victimes ou témoins de tels actes pour nier leur existence, à la manière de Dominic, qui utilise les majuscules pour insister sur le fait qu’il n’a « JAMAIS vu de problème de ce genre ».</p>
<p>Pourtant, une enquête menée en 2019 par <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2019001/article/00017-fra.htm">Statistique Canada</a> indique que les femmes sont couramment la cible de violences commises par des inconnus dans l’espace public. Ainsi, une Canadienne sur trois dit en avoir vécu au moins un épisode dans la dernière année. Il importe d’ajouter que la fréquence de ces violences explique largement pourquoi des gestes qui peuvent sembler anodins aux yeux de certains provoquent des effets durables dans la vie des femmes interrogées.</p>
<h2>Les auteurs de harcèlement sont des hommes racisés</h2>
<p>Selon Paul, Marc, Dany et Roger, les auteurs de harcèlement de rue sont des hommes noirs ou encore des migrants originaires du Maghreb. Or, notre recherche démontre qu’il n’existe pas de profil type : les harceleurs sont de toutes origines et classes sociales. En plus d’être fausses, les affirmations de ces internautes contribuent à la stigmatisation des hommes racisés, justifiant directement ou non le profilage racial par les pouvoirs publics (un problème déjà bien documenté au sein du <a href="https://cridaq.uqam.ca/publication/les-interpellations-policieres-a-la-lumiere-des-identites-racisees-des-personnes-interpellees/">corps policier montréalais</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="banderole -- à bas le harcèlement de rue -- au bord d’un viaduc" src="https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463067/original/file-20220513-14-pdhx1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des gestes qui peuvent sembler anodins aux yeux de certains provoquent des effets délétères durables dans la vie des femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(CÉAF)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs participantes à notre étude, elles-mêmes harcelées par des hommes blancs, ont exprimé leur crainte qu’une telle dérive survienne si le harcèlement de rue devenait un méfait sanctionné légalement, comme en <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2002-n47-lsp377/000340ar/">France</a> et en Belgique, où des <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2021-1-page-25.htm?ref=doi">recherches</a> ont démontré que la criminalisation du harcèlement de rue contribuait à renforcer le <a href="https://journals.openedition.org/ema/3532">profilage</a> racial.</p>
<h2>Les femmes aiment ça et les féministes exagèrent</h2>
<p>Pour certains internautes, le simple fait que notre étude ait été menée à l’aide d’une approche féministe suffit à la décrédibiliser, en plus de représenter une opportunité pour victimiser les hommes. C’est notamment le cas de Jérôme, qui croit que les féministes endoctrinent les femmes et dépeignent « tous les hommes [comme] des obsédés sexuels en puissance ».</p>
<p>D’autres renvoient dos à dos le harcèlement de rue et la séduction en estimant que les femmes « aiment être regardées, admirées et ne s’en plaindront jamais » (Clément). À cela, Marie répond qu’elle était mineure lorsqu’un homme l’a sifflée dans la rue, remettant en question le plaisir qu’elle aurait dû ressentir selon Clément. À ce propos, il convient de rappeler que le premier épisode de harcèlement a été vécu à un très jeune âge pour plusieurs des répondantes à notre enquête (dès 9 ans).</p>
<p>Une <a href="https://australiainstitute.org.au/report/everyday-sexism/">étude australienne</a> démontre à ce propos que 54 % des 1 426 femmes sondées étaient mineures lors du premier épisode, alors que 20 % d’entre elles avaient moins de 15 ans. Ajoutons que l’une des spécificités du harcèlement de rue tient au fait que les agresseurs sont des inconnus des victimes et que ce statut confère à leurs gestes un caractère particulièrement intrusif et inquiétant, laissant parfois présager une escalade de violence.</p>
<p>En outre, les multiples impacts du harcèlement de rue que nous avons documentés suffisent à démontrer que les femmes n’en retirent aucun plaisir.</p>
<h2>C’est la faute des femmes</h2>
<p>Ce qui nous interpelle particulièrement appartient au registre de la culture du viol. Il s’agit des nombreuses tentatives de culpabilisation des victimes et de déresponsabilisation des agresseurs. Plus troublants encore sont les propos de Caroline, qui affirme que des jeunes filles de 12 ans « courent après le trouble » en s’habillant « comme des ados de 16-17 ans », ou ceux de Kevin, qui justifient les coups de Klaxon que subit sa fille de 12 ans en affirmant que les jeunes femmes « sont plus développées maintenant ».</p>
<p>Or, tout en faisant écho au commentaire de Célia, qui dit « porter le voile et ça m’arrive quand même », notre étude démontre que des femmes sont harcelées dans l’espace public, peu importe leur habillement, leur comportement, la saison ou le moment de la journée.</p>
<p>Enfin, des propos cherchant à justifier le harcèlement de rue s’appuient sur une soi-disant « nature » masculine, comme ceux de Jacques, qui affirme que « c’est tout un défi pour un homme de maîtriser ses pulsions ».</p>
<p>Face à ce procédé de neutralisation des possibilités de changement social, des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer les violences basées sur le genre, comme le fait le Centre d’éducation et d’action des femmes depuis plusieurs années.</p>
<p>Des voix qui semblent en déranger certains, pour ne nommer que Mathieu, qui s’insurge du fait que la publication de notre étude vient « brimer » sa « liberté ».</p>
<p>Mais qu’en est-il de leur liberté à elles de pouvoir circuler dans l’espace public sans subir de harcèlement ?</p>
<hr>
<p><em>Les autrices tiennent à remercier Audrey Simard pour la précieuse collaboration à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163543/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélissa Blais a reçu des financements du fond PAFARC du Service aux collectivités de l'UQAM et du Réseau québécois en études féministes (RÉQEF). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélusine Dumerchat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il importe de déconstruire les arguments récurrents qui banalisent le phénomène du harcèlement de rue à l’aide des données et analyses.Mélissa Blais, Professeure associée au département des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais et à l'Institut de recherches et d'études féministes, UQAM, Université du Québec en Outaouais (UQO)Mélusine Dumerchat, Chercheure doctorale et chargée de cours, département de sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1829282022-06-07T13:47:31Z2022-06-07T13:47:31ZIl faut qu’on parle de la manière dont on parle des incels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464362/original/file-20220519-11-zq16cc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C15%2C5114%2C3430&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que la violence misogyne continue, les chercheurs et les journalistes devront prendre garde quant au traitement à accorder à la sous-culture du célibat involontaire (Incel).</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le militantisme pour les droits masculins est apparu au milieu des <a href="https://www.crimejusticejournal.com/article/view/800">années 1970</a>, en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0891243298012003002">réaction aux études féministes</a>. Mais ce militantisme nourrit désormais des <a href="https://xyonline.net/sites/xyonline.net/files/2020-08/Horta%20Ribeiro%2C%20From%20Pick-Up%20Artists%20to%20Incels%202020.pdf">points de vue de plus en plus extrêmes et misogynes</a> – dont les plus violents sont les « Célibataires involontaires », ou « incels » pour l’acronyme anglais.</p>
<p>Les recherches sur les « incels » se multiplient. En décembre 2021, un groupe de chercheurs de l’université de New York (NYU) a publié un <a href="https://nyu.app.box.com/s/8tpb98ekkoviu1h6q2z3oiz8e72qosfd">rapport intitulé « Incels : Inside the world of involuntary celibates »</a> (Incel : Dans l’univers des célibataires involontaires). Malgré son glossaire utile de l’idéologie « incel » et sa terminologie, ce document suscite cependant un certain malaise, comme pour de nombreux écrits sur les « incels » (et sur d’autres terroristes violents).</p>
<p>Car s’il est impératif de mieux connaître cette sous-culture, le risque est bien réel que ces écrits exploratoires servent aussi d’amplificateurs et contribuent à donner à ce mouvement davantage de visibilité.</p>
<p>Les chercheurs comme moi qui travaillent dans une perspective critique de ces idéologies doivent être conscients du fait qu’ils peuvent, par inadvertance, légitimer ce qu’ils cherchent à condamner.</p>
<p>Cette limite est très facile à franchir, comme le montrent plusieurs bons exemples fournis par deux chercheuses en communications, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1097184X17706401">Debbie Ging</a> et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2056305118768302">Adrienne Massanari</a>. Et le rapport de l’université de New York, malheureusement, n’échappe pas à cette tendance.</p>
<h2>Il faut éviter de créer des adorateurs et des imitateurs</h2>
<p>La question brûlante pour tous ceux qui écrivent sur la violence d’extrême droite et misogyne est celle-ci : faut-il <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0002764217730854">identifier les agresseurs</a> ?</p>
<p>Le fait de nommer des agresseurs et de les désigner « incels » <a href="https://openscholarship.wustl.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=2113&context=law_journal_law_policy">augmente l’impact de ce qui est publié</a>. Mais, quelle que soit l’intention de l’auteur, l’agression en devient alors plus visible. Et il arrive que l’agresseur devienne un phénomène culturel et même un martyr de la cause.</p>
<p>L’exemple le plus significatif est sans doute celui de la <a href="https://www.bbc.com/news/world-us-canada-43892189">tuerie d’Isla Vista</a>, en Californie (six personnes assassinées en 2014). À l’échelle des États-Unis, <a href="https://everytownresearch.org/issue/mass-shootings/">on a vu pire</a>. Mais ce massacre a profité d’une visibilité énorme du fait de la couverture médiatique quasi constante dont il a fait l’objet, en plus d’être très largement cité dans les recherches universitaires.</p>
<p>Cette information, constamment republiée, a beaucoup contribué à perpétuer la mémoire d’un assassin <a href="https://jezebel.com/saint-elliot-rodger-and-the-incels-who-canonize-him-1825567815">devenu une icône au sein de la communauté « incel »</a>, laquelle vénère ceux qui « meurent pour la cause ».</p>
<h2>Une étiquette à risque qui donne du pouvoir aux « incels »</h2>
<p>Il en va de même de l’étiquette « incel », qui doit être manipulée avec soin.</p>
<p>Par exemple, le rapport de NYU déclare que l’auteur de la <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/tragedie-de-polytechnique">tragédie de l’École Polytechnique</a> en 1989 a été le tout premier « incel ».</p>
<p>Or, ce n’est pas possible. Certes, l’assassin avait des <a href="http://researcharchive.vuw.ac.nz/bitstream/handle/10063/8915/thesis_access.pdf">comportements qui l’apparentent aux « incels » actuels</a>, sauf que le terme n’est <a href="https://muse.jhu.edu/article/777134">apparu que dix ans plus tard à la fin des années 1990</a>. L’inclusion de la tuerie de Montréal dans l’histoire de la violence « incel » à proprement parler est une fabrication visant à donner à certains positionnements idéologiques des racines plus profondes.</p>
<p>Une telle inclusion minimise les nuances et les complexités de la violence misogyne et dessert ceux qui s’efforcent d’y mettre fin. Au contraire, elle contribue à construire une « légitimité » en lui accordant une présence historique précoce qu’elle n’a jamais eue.</p>
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<img alt="Un groupe d’hommes regardant avec colère une femme" src="https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459888/original/file-20220426-20-6tpq8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les célibataires involontaires se radicalisent selon un processus connu qu’il est possible d’enrayer suivant les méthodes de luttes à la radicalisation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Comprendre la radicalisation « incel »</h2>
<p>Dans le contexte de la couverture médiatique et des écrits universitaires, les « incels » sont à la mode ; ils attirent du clic. Mais cet intérêt tend à brouiller un certain nombre de nuances essentielles – <a href="https://www.nytimes.com/2019/03/08/style/misogyny-women-history-photographs.html">notamment quant aux aspects les plus « banals » et quotidiens de misogynie violente</a>.</p>
<p>En réalité, le cheminement vers la radicalisation suit un processus de mieux en mieux compris, dans lequel la violence misogyne extrême des « incels » s’inscrit plutôt en fin de parcours.</p>
<p>Avant d’être complètement obnubilés, plusieurs « célibataires involontaires » commencent par participer à des <a href="https://ijoc.org/index.php/ijoc/article/view/13216">« communautés de séduction »</a> les [soi-disant « pickup artists »] – dans lesquels des hommes échangent des conseils de séduction. C’est souvent là qu’ils prennent conscience de leur état, s’exposent à des discours plus misogynes, se radicalisent et passent à la violence réelle.</p>
<p>Or, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.00437/full">cet engrenage présente des possibilités d’intervention</a>. Le fait que les « incels » se rassemblent, en personne ou virtuellement, permet <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1057610X.2014.879379">d’en intercepter certains afin de les orienter autrement</a> avant qu’ils ne commettent l’irréparable, ou en encouragent d’autres à le faire.</p>
<p>Comme l’a montré le projet <a href="https://www.groundswellproject.org/">Groundswell</a> au Royaume-Uni, il est même possible de déradicaliser des hommes « convertis » à l’« incel ».</p>
<p>Et c’est pourquoi la manière d’écrire sur les « incels » importe tant. En tant qu’auteurs et chercheurs, nous avons la responsabilité de faire mieux.</p>
<p>Il faut absolument éviter de perpétuer ce que l’on tente de neutraliser en magnifiant une idéologie et une sous-culture de subjugation et d’agression des femmes.</p>
<p>Cette forme de violence n’a pas sa place au Canada, et nous avons la responsabilité d’y mettre fin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182928/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Cousineau a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines. Il est directeur de recherche à l'Institut Canadien d'études sur l'extrême-droite.</span></em></p>Donner trop de temps et d’énergie à l’idéologie incel finit par la perpétuer, au lieu de l’arrêter.Luc Cousineau, Postdoctoral Fellow in International Network on Technology, Work, and Family, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820892022-05-27T13:39:48Z2022-05-27T13:39:48ZPourquoi les hommes ont-ils plus d’orgasmes que les femmes dans les relations hétérosexuelles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463038/original/file-20220513-26-r4bkev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C20%2C4536%2C3017&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’un des mythes qui contribuent à maintenir le fossé orgasmique est qu’il existe des différences intrinsèques entre les hommes et les femmes quant à ce qu’ils veulent des rapports sexuels.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://doi.org/10.1080/19317611.2018.1563014">chercheurs en sexualité</a> constatent que les hommes ont davantage d’orgasmes que les femmes dans les rapports hétérosexuels.</p>
<p>C’est ce qu’on appelle l’écart entre les sexes en matière d’orgasmes, ou fossé orgasmique. Il existe de nombreux mythes et hypothèses sur ce qui explique cet écart. Parmi les plus répandus, citons le fait que les femmes mettent trop de temps à atteindre l’orgasme, qu’elles ne tiennent pas à avoir un orgasme, que faire jouir une femme demande plus de travail et qu’elle est plus difficile à satisfaire.</p>
<p>Mais l’orgasme des femmes nécessite-t-il vraiment beaucoup d’efforts et, si ce n’est pas le cas, pourquoi cette croyance est-elle si répandue ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tout-ce-que-vous-devriez-savoir-sur-le-fosse-orgasmique-109789">Tout ce que vous devriez savoir sur le « fossé orgasmique »</a>
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<h2>Recherche sur la sexualité au Canada</h2>
<p>J’ai <a href="https://doi.org/10.1177%2F08912432211073062">publié récemment</a>, conjointement avec les sociologues Tina Fetner et Melanie Heath, une étude qui remet en question ces hypothèses sur la capacité et le désir des femmes d’atteindre l’orgasme.</p>
<p>Nous avons utilisé les données de <a href="https://socialsciences.mcmaster.ca/sexuality-attitudes-practices-and-policy/news/launch-of-a-nationally-representative-canadian-survey-of-sex-in-canada-1">notre enquête « Sex in Canada »</a>, représentative à l’échelle nationale, pour établir qu’il existe un écart entre les sexes en matière d’orgasmes — 86 % des hommes cisgenres ont déclaré avoir eu un orgasme lors de leur dernier rapport hétérosexuel, contre 62 % des femmes cisgenres.</p>
<p>Qu’est-ce qui contribue à réduire l’écart dans notre échantillon ? Le sexe oral.</p>
<p>Le besoin des femmes d’avoir une <a href="https://dx.doi.org/10.1016%2Fj.yhbeh.2010.12.004">stimulation du clitoris pour atteindre l’orgasme</a> a été documenté par de nombreux chercheurs en sexualité, mais ce qui n’est pas clair, c’est pourquoi l’écart persiste même si cette information est connue.</p>
<p>Pour mieux cerner la situation, nous avons mené des entretiens poussés avec des hommes et des femmes adultes des quatre coins du Canada dans le but d’examiner les croyances et les sentiments qui retiennent les couples de s’adonner aux types d’activités sexuelles qui permettraient aux femmes d’atteindre l’orgasme plus facilement.</p>
<h2>L’essentialisme de genre</h2>
<p>L’un des mythes dominants qui contribuent à maintenir le fossé organismique est qu’il existe des différences intrinsèques entre les hommes et les femmes <a href="https://www.apa.org/topics/personality/men-women-difference">quant à</a> ce qu’ils cherchent dans les rapports sexuels. Les femmes désireraient par nature une connexion émotionnelle, et les hommes souhaiteraient une libération physique.</p>
<p>Ainsi, on considère que, pour une femme, se sentir émotionnellement lié à son partenaire et atteindre l’orgasme s’excluraient mutuellement, une vision qui est loin d’être nouvelle.</p>
<p>Cette perspective relève de ce que les spécialistes des sciences sociales appellent <a href="https://www.verywellmind.com/what-is-gender-essentialism-theory-5203465">« l’essentialisme de genre »</a>, c’est-à-dire la croyance qu’il existe des différences naturelles, biologiques et physiques entre les hommes et les femmes.</p>
<p>Les croyances essentialistes ont servi à justifier diverses inégalités entre les hommes et les femmes, comme le fait de <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0200921">perpétuer la notion</a> selon laquelle la place des femmes est au foyer et celle des hommes au travail.</p>
<p>Si l’on prend la vision essentialiste au pied de la lettre, on affirmerait que les femmes ne souhaitent pas atteindre l’orgasme, car elles privilégient le lien émotionnel au plaisir sexuel. Mais est-il vrai qu’elles ne veulent pas avoir d’orgasme quand elles ont un rapport sexuel avec un homme ?</p>
<p>Notre recherche semble montrer que les mythes sur l’orgasme au féminin ont moins à voir avec l’incapacité ou le manque de désir des femmes à atteindre l’orgasme qu’avec la manière dont les normes de genre forment et limitent les attentes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YEQPpzHsHjk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un épisode de « Vagina Dispatches » se penche sur le fossé orgasmique.</span></figcaption>
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<h2>Le rôle de l’hétéronormativité</h2>
<p>Le fossé orgasmique n’est pas seulement une question de sexe, mais aussi d’hétéronormativité. Nos participants ont défini une « relation sexuelle normale » comme étant une pénétration du vagin par le pénis, ce qui signifie que leur sexualité est centrée sur la stimulation du pénis plutôt que celle du clitoris.</p>
<p>Notre étude montre que la conception hétéronormative de la sexualité fait que les autres pratiques sexuelles qui privilégient la stimulation du clitoris — comme le sexe oral — sont considérées comme complémentaires à l’acte principal.</p>
<p>Cela signifie qu’elles sont perçues comme à part, nécessitant davantage d’efforts, de temps et représentant un défi, même si elles augmentent les chances qu’une femme atteigne l’orgasme.</p>
<h2>Vision négative d’une sexualité qui serait satisfaisante pour les femmes</h2>
<p>La croyance selon laquelle les rapports sexuels sont une question de « connexion émotionnelle » pour les femmes et la définition des « rapports sexuels » comme étant une pénétration du vagin par le pénis ont pour conséquence de limiter les pratiques sexuelles des femmes. Cela influence aussi leur perception des autres pratiques sexuelles.</p>
<p>À titre d’exemple, certaines des personnes interrogées ont décrit d’autres activités sexuelles, notamment le sexe oral, comme étant contre nature, mauvaises ou sales.</p>
<p>Voici ce qu’en a dit une de nos participantes, Kathy : « Je ne pratique pas le sexe oral. Ça peut être très agréable, mais ça ne me semble pas correct, je me sens sale. »</p>
<p>La réticence des femmes à avoir des pratiques sexuelles qui pourraient leur procurer davantage de plaisir physique montre la force du <a href="https://doi.org/10.1111%2Fj.1471-6402.1998.tb00173.x">double standard</a> en matière de sexualité qui fait qu’on juge plus sévèrement les femmes que les hommes et qu’on leur apprend à maîtriser leurs désirs et leurs comportements sexuels.</p>
<h2>La sexualité à l’ordre du jour de la lutte pour l’égalité des sexes</h2>
<p>Les croyances sur le corps des femmes, sur ce qu’elles attendent de la sexualité et même sur ce qu’est un rapport sexuel contribuent à justifier que les femmes n’atteignent pas l’orgasme lorsqu’elles ont un rapport sexuel avec un homme.</p>
<p>Les luttes pour l’égalité des sexes ont permis de combattre et de <a href="https://www.healthline.com/health/gender-essentialism">réfuter de nombreuses visions essentialistes</a>. Pourtant, le fossé orgasmique qui perdure montre que les idées essentialistes influencent toujours le déroulement des rencontres sexuelles hétérosexuelles.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11930-020-00237-9">fossé orgasmique met en évidence la manière dont l’inégalité</a> entre les sexes se manifeste même dans les moments les plus intimes et personnels des relations hétérosexuelles.</p>
<p>Comme pour les autres formes de disparités, il est important d’aller au-delà des explications individuelles pour comprendre que le fossé orgasmique constitue une forme d’inégalité entre les sexes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182089/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Andrejek ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il faut comprendre l’écart entre les hommes et les femmes en termes d’orgasmes comme une forme d’inégalité entre les sexes.Nicole Andrejek, Researcher Analyst, "Sex in Canada" project at McMaster and "SUMMIT" project at CAMH, McMaster UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1811122022-05-10T21:50:12Z2022-05-10T21:50:12ZLes femmes sont-elles plus attachées aux animaux que les hommes ?<p>Le Parti animaliste, cette nouvelle formation politique menée par l’avocate Hélène Thouy, serait en quête d’hommes pour les prochaines élections législatives. Il avait déjà été pénalisé lors d’un précédent scrutin <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/03/28/si-le-parti-animaliste-ne-conteste-pas-la-regle-de-la-parite-il-aurait-souhaite-que-l-esprit-de-cett_1718050/">pour manquement à la parité</a>.</p>
<p>Cela crée un petit effet de surprise, car nous sommes habitués à ce que la course à la parité se fasse dans l’autre sens. Pourquoi manquent-ils à l’appel, ceux que l’on croit si disposés à aspirer aux fonctions publiques ? Seraient-ils moins intéressés par la condition animale ? En guise de réponses stéréotypées, des images automatiques viennent à l’esprit : celle du chasseur (98 % d’hommes en France), du boucher (90 % d’hommes), de la végétarienne (67 % de femmes), voire de telle actrice connue pour défendre leur cause. Sans parler des primatologues, qui sont le plus souvent des femmes, à la suite de pionnières comme Dian Fossey, Jane Goodall ou Brigitte Galdigas, <a href="https://www.psychologytoday.com/gb/blog/animals-and-us/202105/women-dominate-research-the-human-animal-bond">et même des universitaires qui se consacrent à l’étude des relations humains-animaux</a>.</p>
<p>Au-delà de ces exemples sélectifs, les hommes se sentent-ils vraiment moins concernés par le sort des animaux ?</p>
<h2>L’antivivisectionnisme féminin</h2>
<p>L’opposition à l’expérimentation animale est l’un des domaines où les écarts entre les sexes sont les plus documentés. Il s’agit d’une cause où les femmes sont surreprésentées, et dans des proportions qui ont peu évolué depuis 150 ans. Au XIX<sup>e</sup> siècle, 60 % des leaders antivivisectionnistes étaient des femmes, ce qui représente un chiffre élevé à une époque où celles-ci étaient presque invisibles dans l’espace public. De plus, à cette période, les <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691656625/antivivisection-and-medical-science-in-victorian-society">trois quarts des participants lors de manifestations en faveur des animaux étaient des participantes</a>.</p>
<p>Aujourd’hui encore, l’engagement pour les animaux lors de manifestations publiques reste très féminin : dans neuf études qui comptabilisaient les femmes lors des manifestations pro-animales dans plusieurs pays, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-08051-001">elles étaient trois fois plus nombreuses que les hommes</a>.</p>
<p>À l’inverse, lorsqu’il s’agit de violences physiques, ce sont les hommes qui dominent, que les victimes soient humaines ou non. La probabilité qu’une femme adulte frappe gravement un animal est de 39 fois inférieures à celle d’un homme, et celle de lui tirer dessus avec une arme à feu l’est de 45 fois.</p>
<p>Chez les adolescents, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32969299/">étude française</a> publiée en 2020 et menée par l’un d’entre nous auprès de 12 344 élèves montrait que parmi les 7,3 % qui avaient déjà fait volontairement du mal à un animal, plus des deux tiers étaient des garçons. Il n’existe à notre connaissance aucune culture où les femmes auraient des conduites de violence gratuite plus fréquentes que les hommes avec les animaux. En revanche, on ne manque pas d’exemples ethnographiques <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-08/010041948.pdf">où les femmes en prennent soin, et même les allaitent</a>.</p>
<p>C’est aussi les femmes qui se distinguent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S037663571000241X">par une pathologie</a> qui peut être conçue comme une forme subvertie du soin : le syndrome de Noé, cette accumulation compulsive d’animaux qui touche trois fois plus de femmes. Comme en miroir, on constate d’ailleurs que <a href="https://www.assuropoil.fr/chat/news/chats-et-femmes/">certains animaux domestiques comme les chats s’attachent plus aux femmes qu’aux hommes qui s’en occupent</a>.</p>
<h2>Une empathie genrée chez les mammifères</h2>
<p>Pour éclairer les différences entre femmes et hommes dans leurs relations avec les animaux, on peut avancer l’hypothèse qu’elle est sous-tendue par des différences dans le degré d’empathie, qui semblent s’appliquer dans de nombreuses espèces en défaveur des mâles.</p>
<p>Dans une vaste synthèse, Leonardo Christov-More, à l’Université de Californie à Los Angeles, a montré qu’en matière de contagion émotionnelle ou d’imitation automatique, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25236781/">femelles surpassaient constamment les mâles dans diverses espèces</a>.</p>
<p>De plus, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-00870-008">chez les gorilles</a> et les chimpanzés, <a href="https://www.pnas.org/content/107/27/12110">on observe davantage de comportements consolateurs chez les femelles</a>. Chez les gorilles sauvages de l’Ouest, des femelles adolescentes montrent une réaction particulière (entre la curiosité et la peur) vis-à-vis d’un corps sans vie d’un potamochère rencontré sur leur chemin, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10329-019-00745-w">tandis qu’un’un jeune mâle semblait indifférent à la situation</a>.</p>
<p>Cette préoccupation concernant le sort d’autrui chez les femelles ne semble pas s’arrêter aux primates non-humains. Chez les souris, les femelles sont plus enclines à se tortiller <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16809545/">lorsqu’elles voient une autre souris souffrir</a>.</p>
<p>Les femelles de primates non-humains semblent aussi être plus influencées par les comportements des autres membres du groupe. Par exemple, bâiller lorsque des congénères bâillent (une manifestation comportementale bien connue de contagion émotionnelle) <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0049613">se produit plus souvent chez les femelles bonobos</a>.</p>
<p>Chez le choucas, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22511972/">ce sont les femelles qui partagent le plus leur nourriture</a>.</p>
<p>Dans les jeux spontanés, on note aussi plus de conduites de soin : les jeunes femelles chimpanzés sauvages portent davantage des bâtons <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(10)01449-1.pdf">comme s’il s’agissait de bébés (les mâles s’en servant plutôt pour se taper dessus)</a> ou en captivité elle jouent plus souvent que les mâles avec des poupées <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(10)01449-1.pdf">si on leur en met à disposition</a>.</p>
<p>Ceci est probablement le résultat d’une prédisposition ou préparations chez les jeunes femelles à la maternité. Chez les primates (ex. macaques, gorilles, etc.), les femelles adolescentes essayent fréquemment de voler des nouveau-nés aux femelles adultes pour tester et apprendre l’art maternel.</p>
<p>Bien sûr, il faudrait étudier de manière systématique ces conduites dans de nombreuses espèces afin de vérifier si elles sont présentes chez la plupart d’entre elles ou seulement dans certaines, et analyser les conditions sociales et écologiques auxquelles ces comportements sont liés. Ceci sera indispensable aussi pour se prémunir d’une évocation sélective de faits qui confirment nos attentes stéréotypiques, qui puisent facilement dans le monde naturel pour se justifier.</p>
<p>Mais de manière provisoire, les travaux disponibles laissent penser que l’empathie est bien plus présente chez les femelles, et qu’elle est probablement un phénomène biologique ancien fondé sur le soin des petits durant la période postnatale.</p>
<h2>Pleurs et charité humaine</h2>
<p>Tout cela se retrouve chez l’humain. Ainsi, les nouveau-nés de sexe féminin <a href="https://psycnet.apa.org/record/1978-07946-001">pleurent davantage que les garçons si elles entendent pleurer un autre enfant</a>.</p>
<p>Plus tard, des petites filles de 4 ans qui voient des photos de personnes en détresse <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0012-1649.12.6.557">ont des réactions plus empathiques que les garçons</a>.</p>
<p>Les écarts d’empathie s’amplifient nettement à l’adolescence, et chez l’adulte, les femmes reconnaissent avec plus d’exactitude les émotions d’autrui, qu’il s’agisse d’expressions faciales, de vocalisations ou de postures. Elles consacrent <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25236781/">plus de temps et d’argent à autrui à travers des dons ou un engagement associatif</a>.</p>
<p>Il semble aujourd’hui acquis que les capacités empathiques différencient hommes et femmes, <a href="https://www.pnas.org/content/115/48/12152">comme l’indiquait cette étude menée sur un échantillon de près de 670 000 participants</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tuer-pour-la-science-une-nouvelle-experience-de-milgram-176929">Tuer pour la science ? Une nouvelle expérience de Milgram</a>
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<h2>Tuer un animal pour la science</h2>
<p>Les différences comportementales entre hommes et femmes ont été récemment confirmées de manière directe lors d’une étude comportementale réalisée à l’Université Grenoble-Alpes. Durant une expérimentation, près de 750 participants de tous les milieux sociaux devaient administrer des doses d’un produit toxique à un animal dans le cadre d’un protocole de recherche pharmaceutique (l’animal était un robot très réaliste, mais ils l’ignoraient). Malgré les signaux de détresse de l’animal, la majorité des participants ont injecté les 12 doses, croyant donc condamner l’animal.</p>
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<p>L’observation des comportements a permis de constater que les femmes ressentaient un stress bien plus intense que les hommes et surtout qu’elles administraient moins de doses toxiques en moyenne. Durant l’expérience, quatre participants ont versé des larmes, uniquement des femmes.</p>
<h2>Les femmes tueuses existent</h2>
<p>Si l’engagement politique dans un parti qui se présente comme celui des animaux attire moins les hommes, serait-ce pour des motifs enracinés dans leur biologie ? Peut-être en partie, mais à condition de ne pas y voir un déterminisme rigide. Il existe de nombreux cas où des hommes manifestent plus d’empathie que les femmes envers les animaux, et par ailleurs, celle-ci découle de dispositions psychologiques individuelles mais est aussi encouragée et canalisée par l’environnement social, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2000-03781-000">qui désigne souvent qui peut en bénéficier</a>.</p>
<p>Ensuite, au moins dans un cas, celui de la chasse au filet chez les pygmées Aka, une chasse coopérative que pratiquent hommes et femmes, ce sont les femmes qui ôtent la vie. Chez ce peuple de la forêt, chasseurs-cueilleurs de la République centrafricaine au cœur de la forêt tropicale, les femmes tuent les céphalophes, ces petites antilopes de forêt que les Akas, hommes et femmes ensemble, chassent au filet (Masi, observation personnelle en 2005 et 2016). Si l’animal est de petite taille (par exemple dans le cas du céphalophe bleu), les chasseuses délèguent même aux plus jeunes, y compris les enfants, la possibilité de gagner de l’expérience à tuer un animal. Les hommes laissent peut-être les femmes tuer ces petites antilopes car il s’agit d’une tâche qui ne requiert pas leur force physique, réservée aux animaux de plus grande taille comme l’éléphant, le buffle de foret, le potamochère, l’hylochère, ou le bongo.</p>
<p>En conclusion, l’existence même exceptionnelle de femmes tueuses d’animaux n’est pas nécessairement une tragédie pour la candidate d’un parti animaliste, même si celles-ci semblent infirmer la figure stéréotypique de la femme empathique et non violente. Elle signifie que la plasticité relative des rôles culturels peut aussi permettre d’envisager que des hommes se dévouent à la cause animale, et que la parité électorale sera peut-être un jour… naturelle.</p>
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<p><em>Laurent Bègue-Shankland vient de publier <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sante-vie-pratique/animaux/face-aux-animaux_9782415001841.php">« Face aux animaux », aux éditions Odile Jacob</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Shelly Masi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’engagement en faveur des causes animales et les marques d’empathie envers les animaux semblent factuellement beaucoup plus féminins que masculins. Mais s’agit de rôles acquis socialement ?Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA), Université Grenoble Alpes (UGA)Shelly Masi, Primatologue, Maitre de Conférence du Muséum National d'Histoire Naturelle au Musée de l'Homme et Vice-President de la Société Francophone de Primatologie (SFDP), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816702022-04-29T14:07:54Z2022-04-29T14:07:54ZNos biais de genre dans le vote populaire de Star Académie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460156/original/file-20220427-22-rh15sm.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C1174%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les biais genrés qui s'expriment à travers le vote populaire de Star Académie 2022 illustrent la persistance d'un angle mort sexiste dans nos perceptions de la compétence féminine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/Cc3JSoaONy2/">Instagram, @staracademietva</a></span></figcaption></figure><iframe style="width: 100%; height: 100px; border: none; position: relative; z-index: 1;" allowtransparency="" allow="clipboard-read; clipboard-write" src="https://narrations.ad-auris.com/widget/la-conversation/nos-biais-de-genre-dans-le-vote-populaire-de-star-academie" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Pour la deuxième fois depuis 2003, le public de <em>Star Académie</em> a consacré en 2022 une gagnante contre un concurrent masculin. Depuis sa première mouture au Québec, les tendances du vote suggèrent toutefois que l’instinct populaire s’attache aisément aux artistes masculins et reconnaît difficilement la compétence de leurs collègues féminines, pourtant bien identifiée par les juges.</p>
<p>De cette propension plus manifeste cette année, a résulté une seule protection de femme par le vote populaire en six éliminations mixtes avant la finale. Autrement, le public n’aura protégé les chanteuses que lorsque le choix était exclusivement féminin.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/od-dans-louest-remue-menage-des-modeles-pour-les-gars-et-les-filles-168828">« OD dans l’Ouest » : remue-ménage des modèles pour les gars et les filles</a>
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<p>On peut lire dans cette préférence l’héritage d’une vision traditionnellement genrée de la compétence, qui déconsidère les femmes. La persistance d’un angle mort sexiste dans notre inconscient collectif perpétue en effet l’association entre la crédibilité et le masculin, ainsi qu’entre la frivolité et le féminin.</p>
<p>Les doubles standards qui découlent de ces stéréotypes de genre ont été observés en 2019 dans le milieu littéraire par une <a href="https://www.uneq.qc.ca/wp-content/uploads/2019/11/Rapport_Egalite%CC%81-hommes-femmes_novembre2019.pdf">étude de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)</a>. <em>Idem</em> dans la sphère de l’éducation, nous confirment des recherches menées entre 2014 et 2016 en France et aux États-Unis sur <a href="https://theconversation.com/les-evaluations-des-enseignements-par-les-etudiants-et-les-stereotypes-de-genre-53590">l’évaluation des enseignements par les étudiants et les étudiantes</a>. Il en ressort une différence marquée dans les attentes, les exigences et les appréciations envers le travail des hommes et celui des femmes, au désavantage de ces dernières.</p>
<p>Le même constat émerge de mes recherches doctorales à l’Université Laval. En écrivant la biographie d’une intellectuelle québécoise (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Lapointe">Jeanne Lapointe, 1915-2006</a>), j’analyse notamment les résistances systémiques qui ont nui à la reconnaissance des accomplissements des femmes. On peut déceler cette réticence historique dans les réactions populaires qui ont ponctué la saison 2022 de <em>Star Académie</em>. Je propose d’en examiner certains biais de genre sous les regards croisés de l’histoire des femmes et de la sociologie de la culture.</p>
<h2>Exigences accrues pour légitimer sa place</h2>
<p>Rappelons d’abord l’étonnement qui s’exprimait <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2022/04/17/eloi-et-krystel-en-finale-1">dans les médias</a> devant le fait que Krystel Mongeau « accède étrangement [à la] finale sans n’avoir jamais été plébiscité[e] par le public ». Constatons ensuite qu’en l’absence de quotas genrés et en dépit d’une compétence féminine remarquée par le corps professoral, le public a si peu accordé son vote aux candidates qu’il est revenu au jury de leur assurer une place en demi-finale et en finale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518607198045315072"}"></div></p>
<p>Pourquoi des artistes complètes telles qu’Audrey-Louise Beauséjour, Sarah-Maude Desgagné et Krystel Mongeau n’ont-elles jamais remporté le suffrage populaire avant la finale, alors qu’elles se démarquaient d’emblée ? Pourquoi le capital de sympathie semble-t-il plus difficile à acquérir pour les femmes ?</p>
<p>Notons que le monde traditionnel sur lequel s’érige notre société reposait sur un équilibre entre le travail des hommes dans la sphère publique et l’assignation des femmes à l’espace privé. Les premières à poursuivre des carrières publiques ont essuyé maintes objections parce que leur engagement menaçait cet ordre établi. En 1940, le romancier Claude-Henri Grignon contestait la pertinence de la journaliste Anne-Marie Gleason : « Cette bonne femme […] n’a su que vagir des impressions de boudoirs […] au lieu de s’occuper de repriser des chaussettes et d’écurer des chaudrons ».</p>
<p>Une femme de carrière qui acquérait une expertise hors du champ domestique devait légitimer sa contribution à la vie publique en démontrant que celle-ci ne l’empêcherait pas de remplir ses obligations d’épouse et de mère. En 2022, parce que la <a href="http://www.orfq.inrs.ca/les-femmes-et-le-marche-du-travail-des-inegalites-qui-persistent/">responsabilité parentale incombe encore majoritairement aux mères</a>, Krystel Mongeau a senti l’obligation de justifier sa persistance dans le concours en répétant que cet accomplissement en ferait une femme épanouie et donc une meilleure mère, un <a href="https://www.billie.ca/2022/03/11/tout-sur-krystel-mongeau-la-jeune-maman-determinee-de-star-academie">exemple pour sa fille</a> de deux ans. Au lendemain de sa victoire, la une du <em>Journal de Québec</em>, « Une jeune maman couronnée », glorifiait davantage son identité maternelle que son mérite et son nom.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Ccs4AJwMmZg","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Parallèlement, l’activité professionnelle des femmes devait s’accomplir avec un degré accru d’efficacité et d’excellence. Encore en 2014, une <a href="https://www.annualreviews.org/doi/pdf/10.1146/annurev-psych-113011-143745#article-denial">étude américaine</a> fondée sur les parcours de 500 professionnelles en administration révélait qu’à performances équivalentes, les femmes obtiennent moins de reconnaissance que leurs homologues masculins. Elles doivent donc se montrer plus productives pour acquérir une considération similaire.</p>
<p>Les perceptions péjoratives de l’expertise féminine comme réflexe cognitif restent palpables dans l’ensemble des domaines. L’inadéquation entre le soutien du public et la qualité des performances féminines à <em>Star Académie</em> 2022 tend à montrer que, dans l’estime populaire, le travail des candidates demeure sous-évalué.</p>
<h2>Se battre contre le discrédit historique</h2>
<p>La campagne de sensibilisation <a href="https://www.always.fr/fr-fr/a-propos-de-always/commeunefille">#CommeUneFille</a> menée par Always en 2014 illustrait la ténacité d’un préjugé selon lequel l’être social des filles demeure associé au ridicule dans notre imaginaire collectif. Les effets de ce discrédit historique jeté sur le féminin se sont dévoilés sous la <a href="https://www.lapresse.ca/arts/chroniques/2022-03-19/les-p-tits-coeurs-brises-de-lara-fabian.php">plus importante polémique de <em>Star Académie</em> au Québec</a>, autour de l’éviction d’Audrey-Louise Beauséjour.</p>
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<figcaption><span class="caption">La campagne #CommeUneFille, menée par Always, visait à briser les stéréotypes associés à l’être social des filles.</span></figcaption>
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<p>Le public a alors été confronté à ses contradictions internes, dénonçant l’élimination d’une candidate jugée exceptionnelle sans pour autant lui accorder l’immunisation première, lui préférant Éloi Cummings. Une pétition réclamant la démission de la directrice a ensuite circulé sur les réseaux sociaux, alléguant qu’« elle n’a pas un bon jugement et [qu’]elle a ses protégés ».</p>
<p>Le soupçon de favoritisme de la part de Lara Fabian envers Krystel Mongeau, avec qui elle a collaboré à <em>La Voix</em>, apparaît autant comme une déconsidération du professionnalisme de la directrice que comme une mésestime du talent de la candidate. Tout comme les aptitudes de la future lauréate, la crédibilité de Lara Fabian avait pourtant été exposée au grand public, tant par son impartiale exigence critique que par son acuité pédagogique.</p>
<p>Cet événement rappelle que même lorsque la preuve de leur excellence professionnelle s’établit, la place des femmes au pouvoir ou sur une tribune reste davantage menacée. « Si tu veux préserver ta réputation, être prise au sérieux, tiens-toi tranquille », a-t-on conseillé à l’ancienne députée péquiste Elsie Lefebvre <a href="https://plus.lapresse.ca/screens/394432b9-2f59-4cbd-a78d-d8509d384144__7C___0.html">à ses débuts en 2004</a>. Ces propos font écho à ceux que tenait le recteur de l’Université Laval cent ans plus tôt : « les femmes […] doivent être comme des fleurs qui n’exhalent leur parfum que dans l’ombre. »</p>
<p>Bien que la prestance de Lara Fabian suscite l’admiration d’un large pan de son public, sa posture de mentore remue les restes d’une vision traditionnelle du féminin qu’on voulait autrefois discret et modeste. La détermination de la directrice et des candidates de <em>Star Académie</em> placent sous les projecteurs le tabou de l’ambition féminine. La fierté des candidates étoiles paraît-elle prétentieuse, même si celles-ci ont clamé leur gratitude envers leurs fans ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson thème officielle de Star Académie 2022.</span></figcaption>
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<p>Une chose est sûre : l’humilité apparaît comme une clé du succès populaire au Québec francophone. S’identifier à l’être modeste dont on glorifie les efforts conforte le rêve américain et apaise les complexes. Or, quand l’imperfection a la cote, les femmes peinent à négocier leur succès dans un monde où l’exigence d’irréprochabilité professionnelle crée pour elles une impasse.</p>
<p>À l’instar d’Hugo Dumas, on peut se demander si « la consécration de Krystel [signale] la fin de cette habitude que nous avons de <a href="https://www.lapresse.ca/arts/chroniques/2022-04-25/star-academie/les-noces-de-krystel.php">privilégier les laissés-pour-compte »</a>. De cette exceptionnelle victoire féminine émerge aussi l’espoir d’une valorisation plus juste des compétences des hommes et des femmes dans la sphère publique.</p>
<h2>Changer le monde</h2>
<p>Comment vaincre les doubles standards au cœur d’un événement télévisuel dont le concept est lié à l’affect du public ? Il serait avantageux de former le jugement populaire par l’énonciation de critères d’évaluation objectifs : justesse vocale, présence scénique, faculté de communiquer l’émotion, aptitude à la collaboration artistique, etc.</p>
<p><em>Star Académie</em> pourrait aussi demander à la population de se prononcer sur les mises en danger, mais pas sur les éliminations. La production pourrait également proposer un mode de scrutin partagé entre le verdict populaire et celui des juges, tout en limitant à un le nombre de votes par appareil. Bref, le concours bénéficierait d’une révision de ses fonctionnements structurels pendant sa pause annoncée pour 2023.</p>
<p>Par-delà ces mécanismes, la vitrine que constitue <em>Star Académie</em> favorise les prises de conscience en valorisant de mieux en mieux la diversité des modèles de compétence parmi ses cohortes, son <em>band</em> maison et ses troupes de danse. Écrite pour la première fois par des femmes, la chanson thème de 2022 appelait cette évolution : « ensemble, on pourra changer le monde […] pour que demain nous ressemble ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181670/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudia Raby a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec - Société et culture</span></em></p>Des biais de genre ont semblé orienter le vote populaire à Star Académie 2022. L’influence des doubles standards mène inconsciemment à la sous-évaluation des compétences féminines.Claudia Raby, Doctorante en études littéraires, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775072022-03-30T14:26:23Z2022-03-30T14:26:23ZLe deuil chez les hommes : cinq mythes à déboulonner<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449026/original/file-20220228-27-2ihugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors d'un deuil, certaines réactions émotives apparaissent appropriées pour une femme alors qu’elles sont perçues comme étant inappropriées pour un homme.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les normes sociales influencent la manière dont nous composons avec les différentes situations de la vie et comment les membres de notre entourage interagissent avec nous.</p>
<p>C’est ainsi que <a href="https://scholar.utc.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1465&context=mps">certaines réactions apparaissent appropriées pour une femme alors qu’elles sont perçues comme étant inappropriées pour un homme</a>. On sait par exemple que <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-06952-002">l’expression de certaines émotions « négatives » comme la peur et la tristesse</a> est découragée chez les jeunes garçons, et tolérée chez les jeunes filles, qu’on socialise à être patientes, sensibles et empathiques.</p>
<p>Lors d’un décès, l’entourage peut s’interroger sur la normalité des manifestations de chagrin selon qu’il est exprimé par une femme ou par un homme. Des préjugés existent en effet en fonction du genre. En tant que chercheurs en socio-anthropologie sur le deuil et intervenant en santé bien-être des hommes, nous essayons de comprendre le vécu derrière chaque deuil, dans ses particularités individuelles. Menant actuellement le <a href="https://www.uqac.ca/covideuil/">projet COVIDEUIL</a>, nous constatons que le vécu des répondants masculins est très éloigné des croyances populaires.</p>
<p>Voici cinq mythes que nous désirons démystifier sur le deuil des hommes.</p>
<h2>Mythe #1 : les hommes sont moins affectés par le deuil</h2>
<p>On entend souvent que les <a href="https://www.socialworktoday.com/archive/exc_0816.shtml">hommes sont moins affectés par le deuil</a>. Ce type de mythe prend racine dans <a href="http://agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/lhomme_en_deuil">l’éducation sociale de l’homme</a>. On attend de lui qu’il soit « fort » et « solide », donc <a href="https://www.albin-michel.fr/vivre-le-deuil-au-jour-le-jour-9782226438423">« qu’il manifeste peu ou pas d’émotions en public et se montre ni trop éploré, ni trop vulnérable »</a>. La culture peut ainsi rendre difficile l’expression de leur souffrance morale. De plus, les deuils « symboliques » tels que la perte d’un emploi, la fin d’une relation amoureuse ou une importante perte financière touchent grandement les hommes, car ils se définissent souvent par ce qu’ils font et ce qu’ils ont. Ce type de deuil entraîne une grande souffrance chez les hommes, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/148324/2140451"> </a><a href="https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/281-EpidemiologieSuicide.pdf">qui peut les conduire, plus souvent que les femmes, au suicide</a>.</p>
<h2>Mythe #2 : les hommes expriment moins leur deuil</h2>
<p>S’il est vrai que certains hommes sont moins portés à utiliser la parole pour exprimer leur deuil, <a href="https://www.fcfq.coop/chroniques/homme-deuil-231/">ils mobilisent des stratégies davantage axées sur l’agir et le mouvement</a>. En effet, les hommes sont davantage portés à vivre leur deuil à travers l’action et à <a href="https://www.fcfq.coop/chroniques/homme-deuil-231/">l’exprimer dans des contextes plus informels</a>, comme une conversation entre amis. C’est que plusieurs hommes sentent qu’ils doivent vivre dans <a href="https://promundoglobal.org/resources/man-box-study-young-man-us-uk-mexico/">ce qu’on appelle un « Man Box »</a>, un construit rigide représentant l’identité masculine. L’expression verbale du deuil peut alors être perçue comme un signe de faiblesse. Il est alors faux de dire que les hommes expriment moins leur deuil : ils l’expriment autrement – notamment par le silence – et davantage par des actions – comme la violence ou l’isolement – que par des mots.</p>
<h2>Mythe #3 : le deuil des hommes est moins long</h2>
<p>La « durée » d’un deuil ne peut être calculée précisément. En effet, chaque trajectoire ne saurait être réduite à un début et une fin clairement définis. Nous savons que le <a href="https://search.informit.org/doi/abs/10.3316/INFORMIT.339916590087229">genre peut influencer les « styles » de deuil</a>, en mobilisant par exemple des stratégies centrées sur <a href="https://www.socialworktoday.com/archive/exc_0816.shtml">« l’intuition » (émotions) ou sur « l’instrumentalisation »</a> (expression physique et cognitive), mais que la durée varie d’un individu à l’autre plutôt que d’un genre à l’autre.</p>
<p>Il existerait cependant pour les hommes une pression pour « reprendre une vie normale rapidement » qui <a href="http://madd.ca/media/docs/Les-hommes-et-le-deuil.pdf">se traduirait par un retour au travail rapide, une prise d’action pour se tenir occupé et un vécu du deuil dans le secret</a>. Il s’agit autant d’une pression sociale qu’une manière de vivre le deuil qui implique de lui donner du sens par le retour à une vie « normale ». Ces aspects pourraient laisser croire que le deuil des hommes est moins long et qu’ils auraient moins besoin de ressources que les femmes, alors que ce n’est pas le cas.</p>
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<img alt="un homme, assis, se tient le menton entre les mains" src="https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il y a pour les hommes une pression pour reprendre une vie normale rapidement, alors que chaque trajectoire ne saurait être réduite à un début et une fin clairement définis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Mythe #4 : les hommes ont besoin d’être seuls pour vivre leur deuil</h2>
<p>Pour certains hommes, la solitude peut être bénéfique dans le cheminement du deuil. Mais cela ne signifie pas que c’est le cas tout le temps et pour tous les hommes. En fait, les <a href="https://promundoglobal.org/wp-content/uploads/2017/03/TheManBox-Full-EN-Final-29.03.2017-POSTPRINT.v3-web.pdf">jeunes hommes sont plus enclins à rapporter qu’ils offrent du soutien à d’autres que de rapporter qu’ils sont émotionnellement vulnérables</a>. Les hommes craindraient d’aller chercher du soutien dans leur entourage, non pas parce qu’ils n’en ont pas besoin, mais parce que cette pratique ne cadre pas avec les attentes sociales liées au genre masculin.</p>
<p><a href="https://promundoglobal.org/wp-content/uploads/2017/03/TheManBox-Full-EN-Final-29.03.2017-POSTPRINT.v3-web.pdf">L’étude de Promundo</a> portant sur l’identité masculine aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Mexique révèle que lorsque les hommes demandent du soutien, ils le font le plus souvent auprès des femmes dans leur vie. Il ne serait donc pas question d’un « besoin d’être seul », mais davantage de cadrer avec la « nécessité » de ne pas perdre la face. Il s’agit même parfois d’une difficulté a percevoir son propre besoin d’aide.</p>
<h2>Mythe #5 : les hommes souffrent moins de perturbations du deuil</h2>
<p>Si l’expression des émotions fait émerger un <a href="http://madd.ca/media/docs/Les-hommes-et-le-deuil.pdf">sentiment dévalorisant pour l’homme</a>, il est possible que celui-ci décide de se renfermer sur lui-même et d’intérioriser la souffrance qu’il vit en lien avec un décès. <a href="https://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files/2020-02/CHUM-2020-Prevention-du-suicide-TREMBLAY.pdf">La honte, émotion forte et dominante dans un tel contexte</a>, peut renforcer l’idée qu’il vaut mieux cacher la détresse.</p>
<p>Cela rend les manifestations anxieuses et dépressives plus difficiles à discerner pour l’entourage, pouvant donner l’impression que les hommes souffrent moins de perturbations du deuil. Alors que dans la réalité, les perturbations ne sont pas forcément là où on les attend : l’irritabilité, le surmenage et l’automédication en sont des exemples. <a href="https://www.suicideinfo.ca/resource/les-hommes-et-le-suicide/#leshommes">Deux suicides sur trois en 2018 concernaient des hommes</a>, alors que les femmes sont 4 fois plus nombreuses à faire des tentatives de suicide.</p>
<p><a href="https://www.cpsquebec.ca/saviez-vous-que/">Un deuil récent peut amplifier la fragilité d’une personne</a>, en créant un déséquilibre dans sa vie. Il ne faudrait pas, en ce sens, assumer qu’un homme est moins à risque de développer des perturbations du deuil sur la seule base de son genre.</p>
<h2>Connaître le vécu des hommes pour déconstruire les mythes</h2>
<p>Les associations entre genre et deuil sont ancrées dans les représentations sociales et ne sauraient représenter l’ensemble des trajectoires de deuil de chaque homme ou femme. Comme nous l’écrivions dans un <a href="https://theconversation.com/les-etapes-du-deuil-de-kubler-ross-sont-un-mythe-il-y-a-plus-quune-facon-de-faire-son-deuil-157504">précédent article</a> sur les étapes du deuil de Kubler-Ross, chaque deuil est particulier.</p>
<p>À cet égard, nous réalisons en ce moment une importante étude sur le vécu du deuil en temps de pandémie. Or, les hommes participent peu aux études sur le deuil. Nous souhaiterions mieux connaître leur vécu et les invitons à nous le faire connaître en y participant : <a href="https://www.uqac.ca/covideuil/">covideuil.ca</a>.</p>
<p>C’est par les connaissances scientifiques que l’on peut le mieux combattre les mythes et ultimement prendre en compte l’expérience singulière des trajectoires de deuil de chacun, au-delà des idées reçues et des stéréotypes de genre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177507/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Gauthier est auxiliaire de recherche pour le projet Covideuil et a reçu des financements de Mitacs pour réaliser la recherche Covideuil. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacques Cherblanc a reçu des financements des IRSC, du RISUQ et de Mitacs pour réaliser la recherche Covideuil. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gwenaël Granal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les attentes de la société lors d’un deuil diffèrent s’il s’agit d’un homme ou d’une femme qui le vivent. Les hommes doivent être forts, peu émotifs et ils ne doivent pas montrer leur vulnérabilité.Geneviève Gauthier, Candidate au doctorat sur mesure en sciences sociales et travailleuse sociale, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Gwenaël Granal, Intervenant Social, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jacques Cherblanc, Professeur, anthroposociologie et éthique, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801032022-03-28T18:31:14Z2022-03-28T18:31:14ZLes hommes meurent plus du Covid-19 que les femmes : de combien ? et pourquoi ?<p>Le Covid-19 tue plus les hommes que les femmes. Sachant que c’est vrai aussi de la mortalité générale : en France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge.</p>
<p>En quoi la <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">surmortalité masculine pour les décès par Covid-19</a> diffère-t-elle de celle observée habituellement pour l’ensemble des décès ? Et quelles en sont les raisons ?</p>
<h2>La surmortalité masculine en temps normal</h2>
<p>En France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge. Un homme de 70 ans a par exemple un risque double de celui d’une femme de 70 ans. De même à 40 ans, le risque est double, même s’il est bien plus faible qu’à 70 ans, à la fois pour les hommes et les femmes.</p>
<p>Les hommes sont biologiquement plus fragiles que les femmes mais les <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/manuels/demographie-analyse-et-synthese-iii/">écarts viennent surtout de leurs activités et leurs comportements</a>. Tout au long de la vie, ils prennent plus de risques et ont plus fréquemment des comportements nocifs pour la santé, notamment ils fument plus et boivent davantage d’alcool. Les femmes de leur côté sont en général plus attentives à leur santé et consultent plus souvent les médecins.</p>
<p>Il en résulte une surmortalité des hommes par rapport aux femmes pour l’ensemble des causes de décès en temps normal. Elle est plus ou moins importante selon l’âge avec un profil à deux « bosses » (voir figure 1 ci-dessous, en mauve). Elle atteint des sommets aux âges de jeune adulte – les décès, très peu fréquents à ces âges, sont dus principalement aux morts violentes (suicides et accidents, notamment ceux de la circulation) –, et entre 55 et 74 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="On peut observer les deux bosses, comme jeune adulte et entre 65 et 74 ans" src="https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=675&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=675&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=675&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=849&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=849&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=849&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le Covid-19 a augmenté la surmortalité masculine à partir de la cinquantaine</h2>
<p>La surmortalité masculine due au Covid-19 a un profil distinct (figure 1, en rouge). Elle est moindre que celle pour l’ensemble des décès avant la cinquantaine, mais plus importante à partir du groupe d’âge 55-64 ans. À ces âges, cela pourrait venir d’un plus grand risque pour les hommes d’être contaminés, du fait de leurs comportements : moindre respect des gestes barrière, plus grande interaction sociale, moins de télétravail.</p>
<p>Les <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2018/10/2018_10_1.html">comorbidités (hypertension, diabète), plus fréquentes chez eux à partir de la cinquantaine</a>, entraîneraient aussi une plus grande létalité (risque de mourir quand on est atteint).</p>
<h2>Une bosse de surmortalité masculine à 25-34 ans lors de la première vague de Covid-19</h2>
<p>La surmortalité masculine pour ce qui est des décès par Covid-19 a évolué depuis le début de la pandémie (voir la figure 2 ci-dessous).</p>
<p>Quelle que soit la période, elle atteint un maximum vers 65-74 ans. Mais se rajoute au 1<sup>er</sup> semestre 2020 une première bosse à 25-34 ans. Elle pourrait s’expliquer par des comportements plus à risque chez les jeunes hommes, un peu comme pour la mortalité accidentelle. Et aussi par la très forte mortalité par Covid-19 chez les jeunes adultes étrangers.</p>
<p>La première vague a en effet été <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4627049">particulièrement meurtrière chez les personnes nées à l’étranger</a>, en particulier celles nées en Afrique ou en Asie. Ces dernières résident en effet souvent dans les régions les plus touchées par cette vague (Île-de-France, Grand Est) et exercent des métiers ne permettant pas le télétravail et exposant beaucoup à l’infection. Et <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4627049">parmi les étrangers nés en Afrique ou en Asie</a> la mortalité a été plus élevée chez les hommes que chez les femmes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Courbes de l’évolution de la mortalité par semestre en 2020 et 2021" src="https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=629&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=629&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=629&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>La vaccination a réduit la surmortalité masculine par Covid-19</h2>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">première bosse à 25-34 ans disparaît ou se réduit ensuite</a>, la reprise partielle des activités exposant alors hommes et femmes au virus de façon plus égale.</p>
<p>La bosse principale, centrée vers 65-74 ans, s’affaisse en partie au 2<sup>e</sup> semestre 2021, peut-être en lien avec la vaccination. À ces âges, la proportion de personnes non vaccinées est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">plus de 10 % contre moins de 8 %</a>.</p>
<p>Cet écart pourrait venir de ce que les hommes auraient été considérés comme prioritaires pour la vaccination plus souvent que les femmes du même âge, du fait de comorbidités plus fréquentes. Se rajouterait une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0262192">plus forte réticence des femmes à la vaccination</a> en comparaison des hommes, qui n’est d’ailleurs pas propre à celle contre le Covid-19 mais s’observe aussi pour d’autres vaccins.</p>
<p>Les hommes auraient ainsi été plus attentifs à leur santé que les femmes concernant la vaccination contre le Covid-19 – ou au moins plus respectueux des directives sanitaires. Une exception, donc, car comme rappelé plus haut, ils ont en général des comportements moins favorables à la santé que les femmes.</p>
<h2>La France dans les comparaisons internationales</h2>
<p>La surmortalité masculine concernant les décès dus au Covid-19 se situe en France dans la moyenne quand on la compare à celle observée dans d’autres pays (voir la figure 3 ci-dessous) : elle est plus élevée en Italie et en Espagne qu’en France, et moindre en Angleterre-Galles et aux États-Unis.</p>
<p>Les profils par âge se ressemblent dans les pays latins (Italie, Espagne, France), avec une bosse très marquée entre 60 et 70 ans. La bosse est moins marquée en Angleterre-Galles et aux États-Unis, où elle s’observe plutôt à des âges un peu plus jeunes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=624&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=624&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=624&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Seules des analyses plus fines, qui prendraient en compte les comorbidités et les vaccinations détaillées par sexe et âge, pourraient permettre de comprendre ces différences de profil. Mais ce type d’information n’est pour l’heure pas disponible dans tous les pays. Espérons qu’il le devienne prochainement afin de mieux comprendre la surmortalité masculine pour le Covid-19.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié en mars 2022 par les auteurs dans la revue Population et Sociétés n° 598, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">« La Covid-19 plus meurtrière pour les hommes que pour les femmes »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>France Meslé a reçu des financements de Fonds AXA pour la recherche, Fondation SCOR, Agence nationale de la recherche.</span></em></p>Le Covid-19 tue davantage les hommes que les femmes. Est-ce plus que la mortalité habituelle, qui frappe également davantage les hommes à un même âge ? Et quelles en sont les raisons ?Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)France Meslé, Démographe, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1774082022-03-08T14:13:21Z2022-03-08T14:13:21ZTrop peu de femmes atteignent les plus hauts échelons. Il est temps d’agir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450080/original/file-20220304-25-j6lxax.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les femmes rencontrent plus de difficultés que leurs collègues masculins au cours de leur parcours professionnel, selon <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13524-020-00874-8">l’ensemble des études sur la question</a>. Une série de facteurs l’expliquent : biais, stéréotypes, enjeux de conciliation travail-famille, absences dues à la maternité et politiques d’entreprise peu ou mal adaptées aux particularités de la condition féminine.</p>
<p>Tout ceci fait en sorte que trop peu de femmes atteignent les plus hauts échelons de nos organisations. Au Canada, <a href="https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2021/2021nov04-58-313-avis-acvm-fr.pdf">seulement 5 % des plus grandes entreprises inscrites à la Bourse de Toronto sont dirigées par une femme</a> et 17 % comptent une femme au poste de chef des finances. Ces deux fonctions au sommet de la hiérarchie font l’objet de questions précises dans la documentation exigée par les autorités réglementaires sur la représentation féminine aux postes d’administrateurs et de membres de la haute direction. Ceci dit, la sous-représentation des femmes dans les postes de très haute direction <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/mckinsey/featured%20insights/gender%20equality/the%20present%20and%20future%20of%20women%20at%20work%20in%20canada/the-present-and-future-of-women-at-work-in-canada-vf.pdf">prend ses assises dès les premiers échelons de gestionnaires au sein des organisations</a>.</p>
<p>Économiste, MBA et certifiée en gouvernance, je suis engagée depuis 40 ans à promouvoir une participation accrue des femmes au sein des hautes instances de nos organisations.</p>
<h2>Des choix lourds de conséquences</h2>
<p>Cette situation est d’autant plus préoccupante que depuis le début de la pandémie, beaucoup de femmes ont choisi de mettre sur pause leur carrière ou de privilégier des emplois à temps partiel afin de se donner plus de flexibilité pour absorber le surcroît de travail à la maison. N’est-ce pas là une illustration du paradoxe de la contribution féminine à la cohésion sociale ? Ce phénomène veut que les femmes interviennent comme les principaux agents de cohésion sociale, mais qu’elles soient paradoxalement les <a href="https://eurosocial.eu/wp-content/uploads/2021/05/370_PLAN-DE-ACCION_COHESION-SOCIAL-Y-GENERO_ENG.pdf">premières exclues quand il est question d’égalité des chances et de participation aux grands enjeux de la société</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://theconversation.com/un-monde-du-travail-a-reinventer-pour-faire-une-meilleure-place-aux-femmes-173862">article publié en janvier 2022 dans <em>La Conversation</em></a>, je rappelais que le choix du temps partiel ou d’un emploi offrant la flexibilité nécessaire pour la conciliation travail-famille a des répercussions tant sur la rémunération à long terme des femmes que sur le choix des cheminements de carrière qu’elles emprunteront.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/dec/06/uk-gender-pay-gap-unaffected-by-government-policy-over-past-25-years">étude de l’Institute of Fiscal Studies</a>, une femme diplômée de 50 ans aura passé 3,7 années à travailler à temps partiel au cours de sa vie active, et son salaire horaire à ce moment de sa vie sera inférieur de 7,7 % à ce qu’il aurait été si elle avait pu travailler à temps plein pendant toutes ces années.</p>
<p>Outre l’impact sur la rémunération, ce choix pour plus de flexibilité signifie souvent que les femmes choisiront des emplois d’appui (staff) comparativement à des employés reliés directement au modèle d’affaires ou aux opérations de l’organisation.</p>
<p>L’étude de la firme McKinsey préalablement citée révèle que les femmes travaillent davantage dans des postes d’appui (45 %) dans des domaines tels que les communications ou les services juridiques, alors que les hommes occupent des fonctions dites opérationnelles, telles que directeur des ventes, des technologies ou d’unités d’affaires. Or, on sait que les emplois d’appui mènent plus rarement à ces fonctions opérationnelles. Leur accès à des postes de haute direction pourrait être reporté de quelques années, creusant ainsi l’écart entre les hommes et les femmes qui occupent des postes qui mènent à la très haute direction.</p>
<h2>L’importance de la diversité</h2>
<p>Un récent article publié par le cabinet McKenzie <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/putting-stakeholder-capitalism-into-practice">et intitulé « Putting stakeholders capitalism into practice »</a> notait avec pertinence que parmi les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG ») englobant les activités d’une entreprise, le volet social soulève un <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/putting-stakeholder-capitalism-into-practice">intérêt plus marqué chez les dirigeants d’entreprise, les employés et la clientèle</a>.</p>
<p>Les préoccupations pour le bien-être des employés, la diversité et la participation active visant à bâtir une meilleure société pèsent de plus en plus dans les priorités des organisations. Une enquête récente du World Economic Forum identifiait l’érosion de la cohésion sociale comme le risque s’étant le plus aggravé au cours des deux dernières années, <a href="https://www3.weforum.org/docs/WEF_The_Global_Risks_Report_2022.pdf">soit depuis le début de la pandémie</a>. Ce constat militerait donc en faveur d’actions constructives visant le mieux-être des employés et la valorisation de la mission sociale des organisations.</p>
<h2>Pour une « déconstruction sociale »</h2>
<p>Au fil des décennies, une <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2018/11/28/blog-economic-gains-from-gender-inclusion-even-greater-than-you-thought">meilleure représentation des femmes dans les entreprises a permis d’accomplir de grands progrès</a> en tant que société. La pandémie qui sévit depuis deux ans est malheureusement venue freiner cet élan. Ses effets pourraient se faire sentir encore plusieurs années <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/36-28-0001/2021005/article/00005-fra.htm">étant donné ses répercussions sur la participation féminine au marché du travail</a>. Des politiques proactives des gouvernements, des autorités réglementaires et des entreprises sont nécessaires si l’on veut créer un milieu propice à une participation égalitaire des femmes et des hommes à la vie économique.</p>
<p><a href="https://www.magazine-decideurs.com/news/m-p-rixain-il-faut-lutter-contre-les-stereotypes-de-maniere-pragmatique">Comme l’exprimait récemment Marie-Pierre Rixain</a>, femme politique française à l’origine de la Loi pour l’égalité économique et professionnelle, « il faut une déconstruction sociale par rapport à un certain nombre de postes plus attribués à des hommes qu’à des femmes ». Elle constatait également que « s’il n’y a pas de volonté forte du législateur et des mesures un peu coercitives, les choses n’avancent pas ». J’abonde dans le même sens, en regard de la situation qui prévaut actuellement au Canada.</p>
<p>Ainsi, lorsqu’ils conçoivent une nouvelle intervention, les gouvernements doivent recourir à des outils leur permettant de discerner de façon préventive les répercussions potentielles que pourrait avoir leur adoption sur les femmes et les hommes, compte tenu de leurs conditions socio-économiques particulières. Quant aux entreprises, leur proactivité devra s’exprimer par l’adoption de cibles de mixité pour l’ensemble des postes de haute direction assortie de dates butoirs dans une perspective d’accélérer la représentation féminine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177408/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louise Champoux-Paillé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Trop peu de femmes atteignent les plus hauts échelons des organisations. Des politiques proactives des gouvernements et des autorités réglementaires sont nécessaires si l’on veut une équité.Louise Champoux-Paillé, Cadre en exercice John Molson School of Business Concordia, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1745072022-01-13T13:58:23Z2022-01-13T13:58:23ZUn peu d’or dans vos bijoux de famille : les nanotechnologies au service de la contraception masculine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440073/original/file-20220110-23-fkyevh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C9500%2C5800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le réchauffement des testicules à l’aide de nanotubes affecte la production de sperme.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Alors que les femmes ont accès à plusieurs méthodes de contraception, les hommes n’ont que deux moyens à leur disposition, le préservatif et la vasectomie. Tout comme l’abstinence, ils comportent leur lot d’inconvénients.</p>
<p>Les préservatifs peuvent se déchirer, et <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1600-0536.1989.tb03173.x">certains hommes sont allergiques au latex couramment utilisé</a>. Quant à la vasectomie, cette chirurgie parfois <a href="https://www.ajandrology.com/article.asp?issn=1008-682X;year=2016;volume=18;issue=3;spage=332;epage=337;aulast=Tan">douloureuse</a> est <a href="https://www.ajandrology.com/article.asp?issn=1008-682X;year=2016;volume=18;issue=3;spage=365;epage=371;aulast=Patel">habituellement irréversible</a>.</p>
<p>La recherche se poursuit donc, et l’une des méthodes à l’étude est la <a href="https://www.nature.com/articles/nmat3701">« nanocontraception »</a>.</p>
<h2>Comme un interrupteur</h2>
<p>Le processus par lequel le testicule produit des spermatozoïdes est <a href="https://rep.bioscientifica.com/view/journals/rep/114/2/jrf_114_2_001.xml">très sensible à la chaleur</a>. C’est pourquoi, chez les mammifères, les glandes génitales sont habituellement situées dans un sac à l’extérieur du corps, le scrotum, qui assure leur maintien à une température optimale, légèrement inférieure à celle du reste du corps.</p>
<p>La nanocontraception consiste à activer ou de désactiver la glande génitale à volonté, un peu comme un interrupteur. On y parvient en implantant dans le testicule des nanoparticules d’un diamètre d’environ 100 nanomètres — un millième de l’épaisseur d’un cheveu humain — que l’on échauffe ensuite par effet magnétique ou photothermique.</p>
<p>En pratique, toutefois, l’exercice est plutôt délicat : trop de chaleur peut détruire les tissus produisant les spermatozoïdes de manière irréversible.</p>
<h2>De l’or et du fer</h2>
<p>En 2013, le biologiste Fei Sun et son équipe de recherche multidisciplinaire ont réalisé les premières expériences de nanocontraception sur des souris. Ils ont d’abord <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/nl400536d">injecté des nanoparticules directement dans les testicules</a>. Il s’agissait de nanotubes d’or — long de 120 atomes et larges de 30 atomes — recouverts de quelques chaînes de polymère qui leur donnait l’aspect de bactéries oblongues hérissées de poils.</p>
<p>Dans un deuxième temps, ils ont soumis les testicules aux infrarouges, ce qui permettait de hausser la température des nanotubes de 30 °C à un niveau entre 37 et 45 °C — une variation qui dépendait de la concentration des nanoparticules et de l’intensité du rayonnement.</p>
<p>Malheureusement, les radiations ont provoqué des brûlures. Même s’il n’existait aucun moyen fiable de mesurer le niveau de douleur, l’équipe a préféré repartir sur de nouvelles bases.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une main portant un gant en latex tient une souris de laboratoire blanche" src="https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439252/original/file-20220103-23-e6nw1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des chercheurs ont expérimenté sur des souris les méthodes de contraception utilisant les nanotechnologies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>En juillet 2021, l’équipe de Fei Sun a publié un <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.nanolett.1c02181">article sur ses dernières avancées</a>. Les nouveaux nanotubes sont similaires précédents, sauf qu’ils se composent plutôt d’oxyde de fer, doté de propriétés magnétiques, et ils sont recouverts d’acide citrique plutôt que d’éthylène glycol.</p>
<p>Ces nanoparticules magnétiques sont simplement injectées dans le système sanguin puis l’animal est anesthésié. À raison de quatre heures pendant un à quatre jours, les nanotubes sont attirés vers les testicules à l’aide d’un aimant placé près du scrotum.</p>
<p>Après quoi, le scrotum est enroulé dans du fil électrique. Mis sous tension, le fil induit alors un champ magnétique qui échauffe les nanotubes.</p>
<p>Cette méthode a permis de produire des écarts de température similaires au précédent procédé, entre 37 et 42 °C — la variation dépend de la quantité injectée.</p>
<p>Les testicules, ainsi réchauffés, se sont atrophiés et leur fertilité a diminué sept jours après le traitement — jusqu’à les rendre complètement inféconds pour certains. Après arrêt du traitement, les testicules ont repris leur forme et leur fonction normale en 30 à 60 jours.</p>
<p>Même si la fertilité n’est pas revenue au niveau antérieur, la qualité des spermatozoïdes ne semble pas avoir été affectée. Chez les femelles fécondées, les chercheurs n’ont constaté aucune différence dans la taille des portées ni d’infirmités chez leur progéniture.</p>
<p>Enfin, Fei Sun et ses collègues ont constaté que ce procédé réduit le risque de toxicité à long terme. Alors que les nanotubes d’or étaient logés indéfiniment dans les testicules, ceux à base de fer sont progressivement décomposés par le foie et la rate avant d’être éliminés par l’organisme.</p>
<h2>La reproduction contrôlée</h2>
<p>Les premières applications de la nanocontraception touchent les animaux de compagnie, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1098612X15594994">comme alternative à la castration chirurgicale, qui est coûteuse et irréversible</a>. aLa nanocontraception serait déjà utilisée sur des chats en Chine, selon Fei Sun.</p>
<p>Cette méthode a davantage de chance de trouver preneur en Europe, où la castration chirurgicale est moins répandue, qu’en Amérique du Nord, prévoit David Powell, directeur du <a href="https://www.aza.org/reproductive-management-center/">Centre de gestion de la reproduction</a> de l’Association des zoos et aquariums à Saint-Louis, dans le Missouri.</p>
<p>Le marché animal est somme toute limité, explique-t-il, en l’absence de débouché du côté de l’élevage. « L’industrie agricole fait très peu de recherche sur la contraception animale, car le bétail et les moutons sont élevés pour la consommation et l’abattage. »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un lion et un lionceau" src="https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439196/original/file-20220103-25-cxsk5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une méthode de contraception viable pour les animaux peut être un outil précieux pour les programmes de conservation et de reproduction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>« Et comme en plus les zoos représentent un très petit marché, les entreprises pharmaceutiques ne sont donc pas très motivées pour fabriquer des contraceptifs pour animaux », dit David Powell. Tout de même, certaines le font, et le Centre de gestion de la reproduction recueille des données pour évaluer l’efficacité des contraceptifs sur différentes espèces.</p>
<p>La nanocontraception par nanotubes ferreux pourrait un jour faire partie de la panoplie des outils de reproduction des zoos. Mais, prévient David Powell, il faudra d’abord établir si elle est douloureuse, et chez quelles espèces il y aurait contrindication. <a href="https://bioone.org/journals/journal-of-zoo-and-wildlife-medicine/volume-43/issue-3s/2011-0152.1/IRON-STORAGE-DISORDERS-IN-CAPTIVE-WILD-MAMMALS--THE-COMPARATIVE/10.1638/2011-0152.1.short">Le fer peut être toxique en grande quantité</a>. Or, selon les études, certains mammifères — rhinocéros, lémuriens et dauphins — n’élimineraient pas ce minéral de manière normale en captivité.</p>
<h2>Options réversibles</h2>
<p>La réversibilité serait le principal avantage potentiel de la nanocontraception : elle permettrait aux zoos, notamment, de programmer avec précision les événements de reproduction au cours du cycle de vie des animaux.</p>
<p>Mais la chose reste à étudier. Les souris des expériences de Fei Sun n’ont subi le traitement qu’une seule fois ; elles n’ont jamais été soumises à une seconde injection de nanoparticules après rétablissement des testicules.</p>
<p>L’objectif ultime du chercheur est la nanocontraception humaine, mais il admet en être encore loin. Mais outre que son niveau de toxicité chez l’humain n’est pas établi, il n’est pas acquis que les messieurs accepteraient de subir une anesthésie de quatre heures avant de se faire embobiner le scrotum dans du fil électrique.</p>
<p>Fei Sun, qui envisage d’administrer les nanotubes magnétiques par voie orale, devra aussi trouver autre chose qu’un aimant pour les faire migrer vers les glandes génitales.</p>
<p>Et même à cela, il reste encore à voir combien de mâles seront à l’aise avec l’idée de testicules rétrécis, même si ceux-ci retrouvent leur taille initiale avec le temps.</p>
<p>Il faudra donc s’en tenir aux capotes encore un temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174507/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeffrey Mo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parmi les applications croissantes des nanotechnologies figure l’utilisation de nanotiges pour la contraception masculine. La technique a connu un certain succès chez les animaux.Jeffrey Mo, Global Journalism Fellow, Dalla Lana School of Public Health, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1578042021-12-23T19:59:23Z2021-12-23T19:59:23Z« Chemsex » : les dessous de l’alliance dangereuse du sexe et des amphétamines<p>Le phénomène est apparu aux États-Unis et dans certaines grandes villes européennes, au début des années 2000. Le « chemsex », ou <em>chemical sex</em>, associe de façon inédite les rapports sexuels à la prise de drogues comme la cocaïne, la kétamine ou les cathinones. Il se développe aujourd’hui en France, tout en restant largement méconnu – surtout quant à ses dangers, à court et long termes.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/comment-les-amphetamines-de-synthese-se-sont-imposees-173453">Produit de synthèse d’une substance présente dans les feuilles de khat</a>, les cathinones jouissent d’un succès grandissant. Membre de la vaste famille des amphétamines, elles doivent cette popularité au fait qu’elles augmentent la libération de dopamine, neurotransmetteur central du circuit de la récompense.</p>
<p>L’arrivée de ces molécules de synthèse dans l’Hexagone est récente : la <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/sintes/ir_100331_mephedrone.pdf">première saisie date de 2007</a>. Depuis, leur consommation, <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/lettre-tendances/nouveaux-produits-de-synthese-dix-ans-de-recul-sur-la-situation-francaise-tendances-127-octobre-2018/">longtemps restreinte à un cercle étroit</a> d’expérimentateurs fréquentant les blogs spécialisés (e-psychonautes) ou d’anciens toxicomanes, n’a pas tardé à prendre de l’ampleur chez les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes).</p>
<p>Ce succès tient en partie aux caractéristiques du stupéfiant en lui-même, mais aussi à l’émergence concomitante de plusieurs facteurs le favorisant : applications mobiles de rencontres, GHB (dont nous parlerons plus loin) et efficacité des médicaments destinés à prévenir et traiter le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).</p>
<h2>Les nombreux facteurs qui expliquent son succès</h2>
<p>Notons d’abord que les cathinones de synthèse sont plutôt bon marché du fait de leur production relativement simple, et ce alors que leurs effets sont puissants et sans apparition d’une tolérance lors d’une consommation régulière. Une différence notable avec l’ecstasy, qui impose d’espacer les prises pour garder un effet maximum.</p>
<p>Soulignons aussi l’<a href="https://techcrunch.com/2009/03/25/gay-dating-makes-its-way-to-the-iphone/?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAANJ6eigulNZzLYdCNUnJGpDBxLRE7VHmYAtqENyVtHXZ2fEIy4OdBxsop71m0OzHHSnEp8NVOE7Fk6HDbWkJVT2vNH8zRYVvEw49q0RdKT-WSmZROqB2SrSlEWIssb21-FNQ-mzZqitTPesJYMcs4TRnOTt0hcL9ojTbSfxtS3um">impact des applications mobiles de rencontres en géolocalisation sur les comportements</a>, dont la plus célèbre (Grindr) fut lancée en 2009. Ces applications facilitent la rencontre de partenaires partageant les mêmes envies sexuelles, mais leur diffusion s’est accompagnée de la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-2-page-152.htm">fermeture de lieux de convivialité gay</a>. De manière paradoxale, la facilité des rencontres s’est parfois accompagnée d’un isolement affectif douloureux chez des personnes ayant pourtant de nombreux partenaires sexuels.</p>
<p>Ensuite, après des décennies marquées par la crainte du Sida, sa meilleure prise en charge a rendu possible dans les années 2000 une nouvelle période de libération sexuelle. En effet, si les traitements antirétroviraux ne permettent toujours pas de guérir, ils sont très sûrs, bien tolérés et <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(19)30418-0/fulltext">empêchent la transmission du VIH</a>. De plus, la prophylaxie pré-exposition (<a href="https://www.sidaction.org/actualites/la-prep-mode-demploi-572">PrEP</a>), autorisée en France depuis juillet 2017, protège efficacement du VIH les personnes ayant <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28747274/">des rapports non protégés avec des partenaires multiples</a>.</p>
<p>Enfin, le GHB (acide 4-hydroxybutanoïque ou γ-hydroxybutyrate), autre drogue de synthèse popularisée au début des années 2010, a contribué au succès du chemsex. Ce neurotransmetteur est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2691926/">naturellement synthétisé par certains neurones</a> et se fixe dans le cerveau sur des récepteurs à GHB et GABA (acide γ-aminobutyrique), comme le font l’alcool et les anxiolytiques. Ses effets relaxant et sédatif expliquent son usage médical comme anesthésiant.</p>
<p>Classé comme stupéfiant depuis 1999, le GHB est en théorie difficile à se procurer… mais c’est loin d’être le cas du GBL (γ-butyrolactone). Solvant très utilisé dans l’industrie, le GBL est rapidement métabolisé en GBH après ingestion. Couramment qualifié de « drogue des violeurs », car parfois utilisé comme produit de soumission chimique, il est associé volontairement par beaucoup de consommateurs avec les cathinones dans la pratique du chemsex.</p>
<p>Impuissant, le monde médical voit émerger l’usage combiné des cathinones et du GBL/GHB depuis 10 ans à travers le prisme de la prise en charge des infections sexuellement transmissibles.</p>
<h2>En lien avec les infections sexuellement transmissibles</h2>
<p>Au tournant des années 2010, les problématiques liées à la consommation de drogues paraissaient secondaires dans la prise en charge hospitalière des personnes vivant avec le VIH. Les anciens toxicomanes étaient pour la plupart sevrés, ou sous traitement substitutif par Subutex ou méthadone ; les consommations de psychotropes concernaient les mêmes produits que dans la population générale, à savoir le tabac, l’alcool, les benzodiazépines et le cannabis.</p>
<p>On s’aperçut néanmoins qu’un petit nombre de patients présentaient de manière surprenante de multiples infections sexuellement transmissibles : VIH, hépatite A et C mais aussi syphilis, gonococcie, chlamydiose… En 2013, le service de consultation au CHU de Montpellier dont je suis l’un des praticiens rapportait des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25119693/">cas d’infections sexuellement transmissibles (IST) multiples liées à l’usage de cathinones</a>. Ces patients présentaient des comportements sexuels particulièrement à risques, lesquels paraissant favorisés par l’usage de drogues alors méconnues.</p>
<p>L’enquête menée la même année dans le service de consultation auprès de 1 000 patients infectés par le VIH révéla que <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01890116">2,7 % d’entre eux consommaient des cathinones et 7,1 % du GBL</a>.</p>
<h2>Un usage banalisé</h2>
<p>Depuis, la consommation s’est considérablement banalisée. À partir de 2017 et l’arrivée de la PrEP, de nombreuses consultations hospitalières ont intégré un volet préventif destiné aux personnes à risque d’infection par le VIH. Qu’il s’agisse de consultants jeunes (démarrant leur sexualité dans une ère moins anxiogène) ou plus âgés (abordant avec enthousiasme leur retour au célibat après une période en couple), la liberté procurée par cette prévention et les applications de rencontres expose aussi les plus fragiles à l’aliénation du chemsex.</p>
<p>De nouveaux termes sont venus s’immiscer dans la routine des consultations : « chem » pour chemsex, « 3-MMC » ou « 4-MEC » pour 3-Methylmethcathinone et 4-Methylethcathinone (méphédrone), « G hole » pour perte de conscience liée à un surdosage de GBL/GHB…</p>
<p>Le profil du consommateur s’est, lui, enrichi de multiples visages animés d’autant de motivations : trentenaires timides cherchant le lâcher-prise, quinquagénaires en quête d’une libido renouvelée, homosexuels en conflit avec une éducation ou une culture homophobe ou simples hédonistes.</p>
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<img alt="Une boite et une tablette de Viagra sont posées sur une table" src="https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436642/original/file-20211209-141979-sdpeqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cathinones entraînent des troubles de l’érection. Qui conduit de nombreux jeunes hommes à avoir recours au Viagra.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SElefant/Wikimedia/Pfizer</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Parallèlement, il est à noter que la demande de prescription pour un médicament de la dysfonction érectile est devenue plus fréquente en fin de consultation de prévention ou de traitement des infections sexuellement transmissibles : les cathinones stimulent en effet la libido… mais inhibent l’érection. Si bien qu’à 20 ou 30 ans à peine, l’usager régulier de ces produits de synthèse consomme souvent déjà à forte dose des médicaments de la famille du Viagra.</p>
<h2>Le problème du « craving »</h2>
<p>Les nombreux nouveaux consommateurs que nous voyons désormais arriver en consultation méconnaissent ces risques, comme celui de la dépendance. Or lorsque que la pratique du chemsex avec usage de cathinones devient régulière, il est rare que la consommation cesse ensuite. Le « craving », ou besoin impulsif de consommation, est très marqué avec cette amphétamine : <a href="https://www.academia.edu/49329610/Instability_of_the_ecstasy_market_and_a_new_kid_on_the_block_mephedrone">85 % des utilisateurs pourraient le ressentir</a>. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20675396/">Le risque de dépendance</a> est quant à lui <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1360-0443.2011.03502.x.">estimé à 30 %</a></p>
<p>Le craving est l’un des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1369-1600.2011.00384.x">principaux problèmes liés à l’usage des cathinones</a> et s’explique par l’activation du circuit de la récompense. L’envie de consommer viendrait de la persistance d’une concentration élevée de dopamine alors que le taux de sérotonine (autre neurotransmetteur qui contrebalance normalement l’effet de la dopamine) serait revenu à la normale : ce qui provoque une période de stimulation, et secondairement le besoin impérieux du produit.</p>
<p>Chez le rongeur, où le craving a été confirmé par des expériences d’auto-administration de cathinones, on constate qu’en comparaison avec d’autres drogues comme la métamphétamine, les rats s’administrent quotidiennement des quantités cumulées très élevées (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23739178/">31,3 mg/kg/jour pour la cathinone contre 4 mg/kg/jour pour la méthamphétamine</a>. Parmi les drogues actuellement utilisées, le risque d’abus lié aux cathinones de synthèse serait ainsi l’un des plus élevés observé.</p>
<h2>Sur la pente de l’addiction</h2>
<p>Ces quatre dernières années, les histoires tragiques liées aux cathinones se banalisent dans les hôpitaux et les centres d’information et de dépistage des IST. Les personnes les plus fragiles sont les plus susceptibles de voir leur consommation augmenter, leur intégration sociale se fragmenter et leur psychisme basculer vers la dépression ou la paranoïa.</p>
<p>Le caractère récent de l’usage de cathinones associées au GBL, de même que la relative rareté du sevrage complet chez les consommateurs réguliers, laisse présager à moyen terme une accentuation des problèmes de santé liés à l’usage prolongé. Que deviendra dans dix ans cette génération qui expérimente de nouvelles pratiques combinant PrEP, applications mobiles de rencontres et drogues de synthèses ?</p>
<p>La chute dans l’addiction passe souvent par une succession d’étapes. La modalité de consommation en est une. Les cathinones peuvent se consommer par voie orale, voire rectale. Mais ces voies digestives, associées à une lente augmentation des concentrations sanguines de cathinones, sont délaissées par la majorité des usagers expérimentés au profit de la voie nasale, qui permet une élévation rapide des taux sanguins. S’ajoute enfin la voie injectable, donnant accès à un effet encore plus violent (le <em>slam</em>, « claque » en anglais).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte figurant le contenu des seringues par catégorie de drogue détectée à Paris en 2019 (domination des cathinones, à 67 %)" src="https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437187/original/file-20211213-23-t5s1m5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les cathinones peuvent se consommer par voies orale, rectale, nasale ou par injection. Cette dernière pratique signant le passage vers la toxicomanie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Tuaillon/D’après European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction (2021), An analysis of drugs in used syringes from sentinel European cities : Results from the ESCAPE project</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette dernière pratique marque un passage à la fois symbolique et pharmacologique vers la toxicomanie, jusqu’à conduire certains consommateurs à des injections compulsives pluriquotidiennes. La fréquence et le contexte de consommation sont d’autres étapes sur la pente de l’addiction aux cathinones.</p>
<h2>De l’événement festif à la pratique quotidienne</h2>
<p>Les consommateurs occasionnels, limitant la pratique du chemsex à quelques événements festifs dans l’année, demeurent heureusement nombreux. Mais d’autres en font un usage régulier en particulier le week-end.</p>
<p>Dans ce cas, la consommation débute fréquemment le vendredi soir et peut se prolonger jusqu’au samedi parfois au dimanche. Elle devient souvent régulière, comme un rituel festif de fin de semaine, perturbant plus ou moins l’humeur et le travail pendant la semaine, quand le cerveau est en disette de dopamine.</p>
<p>Beaucoup de nouveaux adeptes réguliers du chemsex ont lié l’<a href="http://www.slate.fr/story/204533/tribune-urgence-chemsex-hommes-gays-temps-covid-19-sexe-drogues-consommation-aides-medicales">augmentation de leur consommation de cathinones aux restrictions sanitaires imposées par la pandémie de Covid-19</a>.</p>
<p>Le contexte sexuel de l’usage des produits constitue par ailleurs un autre indicateur de la sévérité de l’addiction. Pour les personnes peu ou pas dépendantes, l’acte sexuel reste possible et désirable sans cathinones. Pour d’autres, la sexualité n’est plus attrayante que dans le cadre de la pratique du chemsex. Au stade suivant, la notion même de chemsex s’efface au profit de la seule consommation de drogue.</p>
<p>Dans les cas d’addiction les plus sévères, le produit est consommé deux à trois fois par semaine, souvent par voie injectable, et à plusieurs reprises dans une même journée. Il entraîne des phases d’éveil de 48h à 72h, suivies de phases de sommeil prolongé.</p>
<p>Comme pour d’autres drogues, les risques de la consommation des cathinones et du GHB tiennent à l’inexpérience des nouveaux consommateurs et aux conséquences de l’addiction des usagers expérimentés avec des décès par accident domestique ou de la voie publique, suicide ou arrêt cardiorespiratoire par overdose.</p>
<p>Le nombre de morts directement ou indirectement attribuables à ces produits est délicat à établir du fait de la difficulté de distinguer la part d’accidents et de suicide liés à leur usage. En 2017, une vingtaine de décès vraisemblablement en lien avec le chemsex étaient rapportés par le Comité de coordination régionale de lutte contre le VIH de Lyon (COREVIH Lyon-Vallée du Rhône).</p>
<h2>La prévention : une véritable priorité</h2>
<p>Beaucoup de pratiquants du chemsex ne se considèrent pas comme usagers de drogues. Ceux qui sont conscients de l’addiction refusent souvent une prise en charge difficile et n’offrant pas de traitement substitutif.</p>
<p>Aussi la prévention doit-elle devenir une priorité. Il faut expliquer les mécanismes neurologiques de l’addiction, inciter les consommateurs réguliers, occasionnels et potentiels à sortir du déni et à voir les difficultés de ceux qui, dans leur entourage, sont devenus dépendants.</p>
<p>La prise de conscience contribue à prévenir ou réduire les risques liés à l’usage des cathinones et du GBL.</p>
<p>Au-delà des consultations spécialisées des hôpitaux, c’est toute la société qui est appelée à prendre conscience de la problématique des cathinones.</p>
<p>Pour l’heure, le chemsex fait parler de lui dans la <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2019/06/27/chemsex-quand-drogues-et-sexe-forment-un-duo-fatal/">presse</a>, des <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/foule-continentale/foule-continentale-26-mars-2021">émissions de radio</a>, dans la <a href="https://www.grasset.fr/livres/chems-9782246820277">littérature</a>. Mais ceci sans discours de prévention des pouvoirs publics, alors que parallèlement la répression se met en place.</p>
<p>Pendant longtemps, les vendeurs, eux-mêmes consommateurs et socialement bien insérés, ont été peu inquiétés par la police et la justice. Ce n’est plus le cas. Les consommateurs sont convoqués pour des rappels à la loi et des peines de prison ferme sont prononcées contre les vendeurs. Début 2021, un médecin de la région de Montpellier, consommateur et fournisseur, a été <a href="https://www.midilibre.fr/2021/01/26/piscenois-deux-ans-de-prison-pour-le-medecin-trafiquant-de-stupefiants-9334003.php">condamné et interdit d’exercer</a>.</p>
<p>Dans un tel contexte, l’absence d’interdiction de commercialisation de solvant contenant du GBL est un paradoxe. La France a promulgué en 2011 un arrêté interdisant sa vente au public, mais pas sa commercialisation pour les professionnels.</p>
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<img alt="Six bidons saisis et sachets de poudre" src="https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436672/original/file-20211209-172173-nhfl4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Si le GHB, ou drogue du violeur, est interdite à la vente, le GBL (que notre corps dégrade naturellement en GHB) reste un solvant industriel disponible à la vente pour les professionnels (saisie de bidons suspectés de contenir du GBL, États-Unis).</span>
<span class="attribution"><span class="source">United States Department of Justice/DEA/Wikimedia</span></span>
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<p>Le GBL reste donc disponible, et sa consommation s’est accrue ces dernières années. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s’en est <a href="https://archiveansm.integra.fr/var/ansm_site/storage/original/application/2a125986cd8595b85fe889425d7ab57a.pdf">alarmée en décembre 2018</a>. Les <a href="https://www.dailymotion.com/video/x7fes0k">recommandations de l’ANSM</a>, qui visaient à renforcer les limites de commercialisation du GBL, semblent pour l’instant être restées lettre morte.</p>
<p>Alors que les campagnes de prévention devraient être la priorité, elles demeurent très rares. On peut citer par exemple celle mise en place dès 2018 par le COREVIH Lyon-Vallée du Rhône, incluant un site web, des conférences, des <a href="https://www.lyonetlavalleedurhonesanssida.fr/spots-videos">vidéo</a>. On notera également qu’en mars 2021 le Conseil de Paris a voté en faveur d’un « plan d’information et de réduction des risques sur le chemsex », et souhaite <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/25/paris-veut-agir-face-a-l-essor-du-chemsex_6103588_3224.html">mettre en place d’outils d’ici fin février 2022</a>. L’un des porteurs du projet, l’adjoint à la Maire de Paris et militant <a href="https://tetu.com/2020/06/10/jean-luc-romero-michel-avec-le-chemsex-on-va-vers-quelque-chose-de-tres-grave">Jean-Luc Romero-Michel</a>, a lui-même perdu son mari en 2018 des suites d’une overdose.</p>
<p>Il faut espérer que ces initiatives marquent le début d’une période nouvelle, celle d’une réaction des pouvoirs publics face aux enjeux de la prévention des risques liés aux amphétamines de synthèse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157804/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edouard TUAILLON est membre de la Société française de microbiologie.
Il a reçu des soutiens financiers, bourse de recherches subventions des organisations suivantes : l'Agence national de recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS), l'Université et du CHU de Montpellier, des groupements Interrégionaux de Recherche Clinique et d'innovation, la fondation Pierre Fabre, les laboratoire Gilead et ViiV, les sociétés Biomérieux, Biocentric et DiaSorin</span></em></p>De nouvelles formes de toxicomanie associées à la pratique sexuelle, le « chemsex », s’installent en France. Décryptage d’un succès dont les risques sont sous-estimés par ses usagers.Edouard TUAILLON, Professeur des Universités-Praticien Hospitalier. Domaines d'expertise : maladies infectieuses, virologie, santé sexuelle, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.