tag:theconversation.com,2011:/id/topics/information-23501/articlesinformation – The Conversation2024-03-25T16:55:38Ztag:theconversation.com,2011:article/2258102024-03-25T16:55:38Z2024-03-25T16:55:38ZFace à ChatGPT, apprendre à apprendre avec la méthode du « Maître Ignorant »<p>Tous les enseignants et parents le savent désormais, les <a href="https://theconversation.com/chatgpt-face-aux-artifices-de-lia-comment-leducation-aux-medias-peut-aider-les-eleves-207166">agents conversationnels comme ChatGPT posent un défi de taille à l’apprentissage</a> : il faut désormais s’assurer que ce ne sont pas ces outils, par leur capacité extraordinaire à produire des textes adaptés aux demandes de l’utilisateur, qui ont alimenté les dissertations, dossiers et mémoires rendus par les élèves.</p>
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<p>Comment, désormais, s’assurer que les apprenants travaillent réellement par eux-mêmes, dans une optique d’appropriation des connaissances ? Les enseignants, s’improvisant philosophes de la technique et psychologues de l’éducation, tentent d’apprendre aux élèves à utiliser intelligemment et avec une certaine éthique ces outils, en les intégrant par exemple dans leur enseignement. Mais on peut aussi proposer des méthodes plus structurées pour les y aider.</p>
<p>Nous avions mis au point, avant l’arrivée des technologies proposées par OpenAI, une méthode pédagogique pour s’assurer que les étudiants font l’effort d’assimiler réellement un savoir tout en apprenant à se servir des outils numériques : la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2019-3-page-107.htm">méthode du « Maitre Ignorant »</a>, qui s’inspirait de la méthode de Joseph Jacotot, redécouverte par le philosophe <a href="https://www.fayard.fr/livre/le-maitre-ignorant-9782213019253/">Jacques Rancière</a>. Ce pédagogue iconoclaste du XIX<sup>e</sup> siècle avait étonné l’Europe du Nord en parvenant à faire apprendre le français à des élèves dont il ne parlait pas la langue, donc sans pouvoir passer par des explications. Cette méthode ancienne, simple et originale, trouve une nouvelle pertinence aujourd’hui avec l’arrivée des OpenAI.</p>
<h2>Promouvoir une attitude active face au savoir</h2>
<p>Cette méthode, <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/former-les-managers-de-demain/">que j’ai expérimentée de longues années en école de management</a>, pose pour principe que l’on n’apprend vraiment que ce dont on a soi-même besoin. Par exemple, les enfants apprennent leur langue maternelle sans aucun cours : ils apprennent par tâtonnement, par essai-erreur, par persévérance et effort, et surtout, par nécessité. C’est ce savoir qui sera réellement approprié pour toute la vie. Dès lors, le principal rôle du professeur est de vérifier que l’apprenant fait, réellement, un effort sur son apprentissage.</p>
<p>Pour cela, on remet en cause à la fois le rôle de l’élève et celui du professeur. Côté élève, on évite de le placer dans une position où il serait simplement amené à répéter, comme cela pouvait se faire dans l’enseignement traditionnel, ou de « retrouver » le savoir détenu par le professeur, comme le proposent des méthodes plus actives. Côté professeur, on évite que celui-ci se pose en « sachant » qu’il faut imiter. L’élève est alors évalué non sur ce qu’il produit comme résultat, mais sur l’effort et l’attention qu’il fournit (le travail rendu étant considéré plutôt comme un indice de ce niveau d’effort, et non un but en soi).</p>
<p>C’est ainsi que j’impose aux étudiants des sujets que je ne connais pas. Puis j’impose des discussions régulières avec l’étudiant ou le groupe d’étudiants. Je relance alors l’effort de l’apprenant par des questions du type : « qu’est-ce que c’est ? », « quelles sont vos sources ? », « qu’est-ce qui est intéressant ? » En posant régulièrement ces questions, je peux constater et surveiller qu’un effort est effectué, et qu’il y a une évolution de la pensée. Notamment, les apprenants se rendent compte alors qu’un rapide survol de Wikipédia ne suffit pas pour répondre vraiment à ces questions.</p>
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<a href="https://theconversation.com/lia-influence-t-elle-la-creativite-des-eleves-223036">L’IA influence-t-elle la créativité des élèves ?</a>
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<p>Pour répondre à une objection qui y est souvent légitimement opposée, précisons toutefois que cette méthode est à l’opposé d’une conception « méprisante » ou relativiste du savoir. Au contraire,elle vise à encourager la lecture réelle de sources fiables (livres, articles scientifiques), et une attitude mature de l’apprenant face au savoir : celui-ci sera placé dans l’obligation de s’approprier réellement la connaissance, en recourant aux sources bibliographiques et aux paroles d’experts.</p>
<p>Cette méthode constitue un bon complément aux autres méthodes pour lutter, ponctuellement, contre une attitude trop passive des élèves face au savoir.</p>
<h2>Comprendre l’importance du « vécu d’apprentissage »</h2>
<p>Parce que les « agents conversationnels » comme ChatGPT présentent le danger de se substituer à l’effort d’apprentissage, on comprend pourquoi cette méthode du XIX<sup>e</sup> siècle reste d’actualité. Revenons sur les trois questions posées par le Maitre Ignorant pour voir comment elles sont adaptées aux défis posés par les OpenAI.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce que c’est ? »</strong> : par cette question, on demande à l’apprenant de nous parler de quelque chose, de décrire et de faire comprendre à l’autre ce dont il parle. Bien entendu, ChatGPT peut le faire avec talent à la place de l’étudiant, et c’est bien là le problème. Avec les méthodes traditionnelles, qui consistent à vérifier qu’une « bonne réponse » attendue a été apportée par l’étudiant subsistera toujours le doute que cette « bonne réponse » n’a pas été artificiellement fabriquée.</p>
<p>Avec la méthode du Maitre Ignorant, en revanche, on pourra déceler facilement qu’une appropriation n’a pas eu lieu : le discours est stéréotypé, trop lisse, trop superficiel, etc. À la première tentative d’approfondissement, ce discours s’effondrera. L’apprenant se rend compte alors que ChatGPT ne suffit pas, car, ce qui lui manque, ce ne sont pas les réponses, mais le vécu d’apprentissage, le chemin parcouru, qui donnera chair à son propos.</p>
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<p><strong>« Quelles sont vos sources ? »</strong> : Par cette question, le Maitre Ignorant vérifie simplement que l’étudiant a bien réellement lu ou vu les sources qu’il cite. Si celle-ci est ChatGPT, professeurs et élèves se rendent compte assez rapidement du manque d’effort fourni pour trouver et s’approprier ces sources.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce qui est intéressant ? »</strong> : enfin, par cette question, on invite l’étudiant à s’intéresser et à s’engager dans le savoir. On lui demande d’exercer sa réflexivité et son esprit critique pour trouver ce qui, dans un sujet, le touche personnellement, fait sens pour lui. Il ne s’agit pas alors de développer un argumentaire tel que ChatGPT excellerait à le produire : <a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-de-la-resonance-selon-hartmut-rosa-comment-lecole-connecte-les-eleves-au-monde-197732">il s’agit d’entrer en « résonance » avec le savoir</a> pour reprendre le mot du philosophe Hartmut Rosa.</p>
<p>Face au défi que représente ChatGPT pour l’enseignement, on a coutume de dire que ce n’est qu’un outil, et qu’il faut apprendre aux étudiants à le maitriser. Cela est vrai sur le principe, mais encore faut-il se demander comment y parvenir. La méthode du Maitre Ignorant y participe en préservant le sens de ce qu’est un réel apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Régis Martineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Créée au XIXᵉ siècle pour inciter les élèves à s’investir dans leurs apprentissages, la méthode du « Maitre Ignorant » trouve une nouvelle pertinence face aux agents conversationnels. Explications.Régis Martineau, Phd. en Management, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2252992024-03-17T15:33:33Z2024-03-17T15:33:33ZPour une éducation aux médias et à l’information (de) tous les jours<p>Ce lundi 18 mars 2024 s’ouvre la 35<sup>e</sup> édition de la <a href="https://www.clemi.fr/actions-educatives/semaine-de-la-presse-et-des-medias">Semaine de la presse et des médias dans l’école</a>. Chaque année, dans bon nombre d’établissements de la maternelle au lycée, ce rendez-vous permet de <a href="https://www.education.gouv.fr/semaine-de-la-presse-et-des-medias-dans-l-ecole-5159">« développer le goût pour l’actualité »</a>, tout en abordant avec les élèves des notions clés du travail journalistique, du décryptage de l’information, à travers des présentations du paysage médiatique ou des rencontres de rédactions.</p>
<p>Si cette manifestation a son importance, elle ne suffit bien sûr pas à mener à bien tous les objectifs énoncés ci-dessus. <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">L’observation des pratiques informationnelles enfantines et adolescentes</a>, comme l’analyse des situations d’apprentissage dans le monde scolaire mais aussi en famille, en médiathèques ou dans les communautés associatives, plaident incontestablement pour une banalisation de l’éducation aux médias et à l’information (EMI).</p>
<p>Cette éducation est une pierre angulaire du développement d’une culture générale. Comment s’y prendre pour mieux l’ancrer dans le quotidien des jeunes générations ?</p>
<h2>Une recherche d’informations quotidienne</h2>
<p>Dès l’<a href="https://edunumrech.hypotheses.org/files/2023/12/GTnum_CREM_ELN_portfolio_Dec2023.pdf">enfance</a>, les pratiques informationnelles existent et participent du développement de loisirs et d’activités. Prenons l’exemple d’Emeline, 10 ans. Passionnée de botanique, elle effectue des recherches en ligne sur les plantes. De son côté, Aiden, 7 ans, utilise YouTube pour regarder « des vidéos de dessins pour avoir des techniques et des idées », et ensuite dessiner à son tour.</p>
<p>Dès l’enfance aussi, ces pratiques d’information témoignent d’un enjeu d’intégration sociale fort. Ainsi, Rémy, scolarisé en CM2, raconte l’importance de ses recherches sur les faits de jeu de son équipe de football préférée. Il les partage avec ses frères et son père car, à la maison, on n’a plus les moyens financiers de se rendre au stade : « Quand on en parle à l’école le lundi, c’est comme si j’étais allé à Bollaert ! »</p>
<p>Cette intrication des pratiques informationnelles avec le développement d’une personnalité et de ses goûts et la volonté de prendre sa place dans le monde monte en puissance avec l’âge.</p>
<p>Les collégiens et les lycéens rencontrés sur le terrain racontent le plaisir de s’informer en groupe, de partager leurs découvertes entre pairs, de s’interroger ensemble sur les informations auxquelles ils accèdent. Dans toute leur diversité : non seulement sont évoquées les pratiques informationnelles médiatiques, dites d’actualité, mais aussi les pratiques informationnelles documentaires, extrêmement prégnantes dans la vie enfantine et adolescente.</p>
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<figcaption><span class="caption">C’est quoi une information ? Les Clés des Médias (CLEMI, mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Contrairement à une vulgate répandue, et affirmée par des études aux contours flous et purement <a href="https://www.nouvelobs.com/medias/20220121.OBS53512/le-desinteret-pour-l-actualite-progresse-surtout-chez-les-plus-jeunes.html">déclaratives</a>, les enfants et les adolescents s’informent. Ils et elles s’informent sur leurs centres d’intérêt, leurs loisirs, mais aussi des sujets de société qui leur tiennent à cœur, à la manière de ces lycéennes qui peuvent discuter longuement des violences sexistes et sexuelles. Elles effectuent une veille informationnelle rigoureuse sur le sujet par le moyen des réseaux sociaux numériques.</p>
<p>Adolescentes et adolescents s’informent avec un plaisir réel, lors de rituels qu’ils mettent en place, seuls, avec des pairs ou en <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03349651v1/file/CORDIER_Famille-numerique.pdf">famille</a>. Vasco, lycéen de 17 ans, explique combien il aime « confronter « (ses) » informations avec celles de (sa) mère avec la télé. On n’est pas souvent d’accord, mais c’est ça qui est bien, on se parle ! »</p>
<p>Ces générations tirent parti de ressources informationnelles qui échappent souvent au regard des adultes, à l’instar de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugo_Travers">Hugo Décrypte</a>, fortement plébiscité par les lycéens, ou encore des titres de presse régionale ou nationale, dont ils suivent les publications <em>via</em> les réseaux sociaux numériques. N’oublions pas non plus les créateurs et créatrices de contenu, qui tiennent une place importante dans l’écosystème informationnel des publics juvéniles, notamment pour nourrir leur curiosité envers l’information documentaire (sur la santé, la sexualité, ou encore la physique ou le cinéma).</p>
<h2>Des rituels de familiarisation à l’information</h2>
<p>Ces pratiques informationnelles ont besoin de soutien, et les enfants comme les adolescents apparaissent très demandeurs d’accompagnement dans le domaine, conscients notamment de la difficulté à évaluer l’information dans un contexte généralisé de défiance, ou encore à gérer la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/chaos-information-reseaux-sociaux-adolescents-sophie-jehel">réception des images violentes en ligne</a>. Ils sont aussi désireux de développer plus encore leurs connaissances informationnelles « pour réussir dans la vie, parce que l’information c’est un tremplin », comme le note Romane, 17 ans.</p>
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<p>Les adolescents et les jeunes adultes rencontrés en enquête font part de rituels de familiarisation à l’information qu’ils considèrent comme fondateurs dans leur parcours. C’est le cas de Morgan qui, à 24 ans, tire le fil entre une expérience quotidienne de la lecture et de la discussion autour de la presse d’actualité à l’école primaire et son appétence actuelle, à l’âge adulte, pour la presse écrite :</p>
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<p>« Tu titres “De Mon Quotidien à Mad Movies” ! (rires) Sérieusement, je suis certain, ça me vient de là, le plaisir de la presse, tu vois, de prendre de l’info dedans, de savoir que je peux la partager, comme on faisait en primaire, quoi. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres évoquent des apprentissages structurants, lesquels ont pu être observés lors d’un <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/5130">suivi longitudinal de lycéens dans leur entrée dans les études supérieures</a> et dans la vie professionnelle. À 19 ans, Julie « ne remerciera jamais assez (son professeur documentaliste) qui lui a donné les bonnes cartes pour après ! », notamment en la sensibilisant au référencement bibliographique et au travail de sourçage de l’information.</p>
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<figcaption><span class="caption">“Le smartphone, une porte d’entrée à l’information” (Sqool TV, 2023)</span></figcaption>
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<p>Malheureusement, l’étude des parcours sur le long terme, et les enquêtes de terrain en milieu scolaire, montrent la difficulté à mettre en place une progression des apprentissages en éducation aux médias et à l’information. Les temps consacrés à l’information dans la classe, à son analyse comme à sa discussion, sont trop ponctuels.</p>
<p>Or, intégrer des apprentissages informationnels au sein d’un environnement médiatique et documentaire pour le moins complexe, comprendre des concepts essentiels comme l’autorité informationnelle ou encore la ligne éditoriale, développer une <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03541492v1/document">culture des sources</a>, tout cela demande du temps.</p>
<h2>Sortir du traitement évènementiel de l’éducation à l’information</h2>
<p>Le traitement évènementiel de l’information, auquel se trouvent souvent contraints les acteurs de l’éducation aux médias et à l’information, ne permet absolument pas de relever le défi. Tout d’abord, parce que, nous l’avons vu, ce traitement n’est pas à la mesure de la quotidienneté – joyeuse – de la vie sociale des enfants et des adolescents, et des enjeux qu’ils ont à affronter chaque jour pour <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03452769/document">appréhender le flux d’informations</a> et en traiter le contenu, quel que soit son statut.</p>
<p>Ensuite, la prise en charge des problématiques informationnelles et médiatiques ne saurait se limiter à la gestion d’un évènement en général tellement chargé émotionnellement (attentats, guerres) que la prise de distance nécessaire à la structuration de connaissances n’est pas possible.</p>
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<p>Enfin, l’étude des trajectoires informationnelles des acteurs suivis sur le long terme et les interrelations avec les formations en EMI dont ils ont bénéficié montrent à quel point la dimension temporelle est cruciale. C’est ce qui favorise l’intégration de compétences et de connaissances abordées de façon répétée de manière à ce que des transferts soient envisagés et envisageables. C’est ainsi qu’en situation, dans un nouveau contexte, les jeunes concernés seront en mesure de convoquer de nouveau des ressources, des types d’usages ou de pratiques abordés.</p>
<p>Pour l’ensemble de ces raisons, c’est d’une éducation aux médias et à l’information du quotidien et au quotidien dont nos enfants et adolescents ont besoin, une éducation à la hauteur de la place qu’a l’activité informationnelle dans leur vie. C’est-à-dire une place quotidienne, profondément incarnée, sensible, joyeuse, et essentielle dans les sociabilités qu’ils mettent en œuvre, que ce soit avec la famille ou avec les pairs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Cordier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mars, la Semaine de la presse et des médias à l’école sensibilise les enfants et les adolescents au décryptage de l’actualité. Mais l’éducation aux médias est un défi à relever au jour le jour.Anne Cordier, Professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247162024-03-12T14:06:48Z2024-03-12T14:06:48ZVoici comment les données d’audience façonnent le journalisme canadien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580776/original/file-20240308-18-9gbysh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4091%2C2733&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont les journalistes considèrent leur audience dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est largement dû aux données d'audience.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les grands groupes médiatiques <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-02-08/bce-elimine-4800-emplois-vend-des-stations-de-radio-et-ecorche-ottawa.php">suppriment des emplois, réduisent leur programmation</a>, et des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2010982/medias-metro-cession-actifs-annonce">publications mettent fin à leurs activités</a>. Face aux défis de <a href="https://www.cem.ulaval.ca/publications/dnr-2023-canada-fr/">l’évitement des nouvelles et de la baisse de confiance</a> à l’égard du journalisme, c’est devenu une question de survie pour les journalistes que de trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser leur public.</p>
<p>La manière dont ils considèrent leur public dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est dû en grande partie aux <a href="https://j-source.ca/heres-how-metrics-and-analytics-are-changing-newsroom-practice/">données d’audience</a>, de plus en plus abondantes.</p>
<p>En effet, les journalistes reçoivent presque constamment des rétroactions sur le contenu qu’ils créent. Qu’ils travaillent en ligne, à la télévision, à la radio ou dans la presse traditionnelle, ils fournissent des informations à de multiples plates-formes. Ils sont donc exposés chaque jour à des données quantitatives (mesures du comportement de l’audience sur les sites web et les médias sociaux) et qualitatives (commentaires sur les médias sociaux).</p>
<p>Comme nous l’a dit un journaliste de télévision :</p>
<blockquote>
<p>On sait exactement jusqu’où quelqu’un fait défiler une page, combien de secondes il passe sur une page, quel appareil il utilise. Nous en savons tellement sur notre public, tout comme Google en sait sur le sien.</p>
</blockquote>
<p>Mais quel est l’impact de toutes ces données sur la façon dont les journalistes perçoivent leur public et le contenu qu’ils publient ? C’est ce nous explorons dans un <a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2024.2310712">article récemment publié</a> sur le journalisme orienté vers l’auditoire.</p>
<h2>Le journalisme orienté vers l’auditoire</h2>
<p>Il implique trois rôles spécifiques :</p>
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<li><p>un rôle d’infodivertissement — utilisation de stratégies narratives et d’un style s’alignant sur des médias plus axés sur le divertissement ; </p></li>
<li><p>un rôle civique — contenus visant l’éducation des citoyens à leurs droits ou la défense de leurs revendications ; </p></li>
<li><p>un rôle de service — promotion de produits ou aide à la résolution de problèmes de la vie quotidienne.</p></li>
</ul>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="site web du Toronto Star" src="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser un public est devenu une question de survie pour les professionnels de l’information.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Nous avons <a href="https://j-source.ca/a-global-study-on-pandemic-era-news-explores-the-gap-between-journalists-ideals-and-realities/">analysé plus de 3 700 articles</a> publiés en 2020, réalisé une enquête par questionnaire à 133 journalistes en 2020 et 2021, et interviewé 13 journalistes au cours de la même période. Les médias à l’étude sont TVA, CBC/Radio-Canada, <em>La Presse</em>, le <em>Toronto Star</em>, <em>Globe and Mail</em>, <em>National Post</em>, CTV, Global News et <em>HuffPost Canada</em>. Ayant nous-mêmes travaillé dans des salles de rédaction, nous avons pu contextualiser nos résultats en fonction de nos propres expériences.</p>
<p>Nous avons constaté que les données d’audience ont un impact important sur les pratiques des médias d’information canadiens. Au sein du défunt <a href="https://theconversation.com/bottom-up-audience-driven-and-shut-down-how-huffpost-canada-left-itsan-media-175805"><em>HuffPost Canada</em></a>, par exemple, l’audience était segmentée en types ou profils de lecteurs sur la base des données d’audience. Comme l’a expliqué un rédacteur en chef, « nous faisons X, Y et Z pour ce type d’article et pour ce type de personne ». En fait, la manière de rédiger un article était adaptée au profil de son destinataire.</p>
<p>Les journalistes sont également conscients de l’importance des données d’audience d’un point de vue commercial. Comme l’a fait remarquer l’un d’eux :</p>
<blockquote>
<p>Il s’agit d’algorithmes que je ne comprends pas tout à fait, mais qui aident nos experts à déterminer comment personnaliser l’expérience de l’utilisateur lorsqu’il se rend sur le site web. Il vous montre donc des choses qui vous intéressent, de la même manière que Facebook et Twitter, ce qui maintient l’intérêt des gens pour votre site web, ce qui signifie plus d’abonnés, ce qui signifie que je peux conserver mon emploi rémunéré.</p>
</blockquote>
<p>Les réponses à notre enquête confirment l’importance des données d’audience dans la sélection, le développement et la promotion des sujets, ainsi que dans la mesure de leur valeur. <a href="https://doi.org/10.1177/1464884913504259">D’autres études</a> ont montré que les journalistes peuvent minimiser <a href="https://doi.org/10.1177/1464884915595474">l’importance des données</a> dans leurs décisions éditoriales, de sorte que l’impact pourrait être encore plus important que ce que nous avons mesuré.</p>
<h2>Infodivertissement et sensationnalisme</h2>
<p>On déplore souvent que l’omniprésence des données dans les salles de rédaction favorise le clickbait ou les articles à sensation qui stimulent le trafic au détriment de reportages sur des enjeux plus importants — et <a href="https://doi.org/10.1080/21670811.2018.1504626">c’est parfois le cas</a>. </p>
<p>Le sensationnalisme fait partie de notre catégorie d’infodivertissement. Cependant, notre analyse de contenu a révélé qu’une grande partie de ce qui est qualifié d’infodivertissement dans le journalisme canadien implique des qualificatifs descriptifs et la présence de détails pertinents et personnels sur le sujet traité. Si cela est fait de manière appropriée, cela peut donner plus de nuances et de contexte à un article.</p>
<p>En outre, au Canada, l’infodivertissement est souvent associé à la partie « éducative » du rôle civique. Par exemple, un rédacteur en chef nous a expliqué qu’il cherchait à trouver l’aspect « plus amusant » (infotainment) d’un article qui peut constituer un « point d’entrée » pour informer le public sur des sujets tels que les règles parlementaires.</p>
<p>En outre, les rôles civiques et de service sont souvent combinés : par exemple, des informations pertinentes à la vie quotidienne peuvent aussi influencer la compréhension des processus politiques ou éclairer le public sur les droits des citoyens.</p>
<p>Près de 80 % des articles que nous avons sélectionnés comportaient au moins un rôle orienté vers le public, et près de 40 % en comportaient plus d’un. Cela prouve bien que les publics sont au centre des préoccupations dans les salles de rédaction. </p>
<p>Nos conversations ont également révélé que même si les rédactions ne sont pas toujours en mesure <a href="https://slate.com/technology/2021/03/imagined-audiences-journalism-analytics-intuition.html">d’interpréter avec précision</a> les attentes du public, elles consacrent beaucoup de temps et de ressources à essayer de le faire.</p>
<h2>L’importance des médias sociaux</h2>
<p>La plupart des journalistes avec lesquels nous nous sommes entretenus utilisent les médias sociaux, parce qu’ils les considèrent comme un outil important pour atteindre le public, trouver des sources et promouvoir leur travail. Plus de 78 % des journalistes interrogés reconnaissent qu’il s’agit d’un outil important pour entrer en contact avec le public.</p>
<p>Cependant, les journalistes ont également noté les inconvénients des médias sociaux, notamment en ce qui concerne la polarisation politique. Un journaliste de la presse écrite a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>S’ils permettent de trouver un public, ce dont nous avons absolument besoin, ils ont aussi créé un forum où l’on peut attaquer les journalistes et la presse libre.</p>
</blockquote>
<p>Cet environnement hostile a poussé une autre journaliste à faire attention à son choix de mots afin de toucher un public plus large :</p>
<blockquote>
<p>Je fais délibérément des efforts pour essayer d’atteindre les gens qui essaient de m’ignorer. En fait, c’est le public cible que vous visez lorsque vous écrivez. Vous évitez donc d’utiliser inutilement des termes qui sont tournés en dérision, non pas parce que nous ne méritons pas d’utiliser ces termes… mais parce que ce que vous essayez de faire, c’est d’atteindre ces personnes.</p>
</blockquote>
<p>Même si les gens ne font pas confiance à l’information ou à un certain média, la recherche montre qu’ils peuvent reconnaître et apprécier le <a href="https://doi.org/10.4324/9781003257998">journalisme de qualité</a>. </p>
<p>Les journalistes canadiens doivent trouver des moyens de comprendre et d’atteindre un public qui ne veut pas toujours les écouter. Ils s’efforcent de le faire. Il reste à voir si cela fonctionne et quel impact durable auront leurs efforts sur les normes journalistiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224716/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Blanchett a reçu des financements de Mitacs, du Centre d'études sur les médias, du Journalism Research Centre de la Toronto Metropolitan University, de la Creative School de la Toronto Metropolitan University, de la Toronto Metropolitan University et du CRSH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Colette Brin sont financés en partie par le ministère de la Culture et des Communications du gouvernement du Québec et le Fonds de recherche du Québec - Société et culture. L'édition canadienne du Digital News Report est financée par Patrimoine canadien par l'intermédiaire de Médias d'info Canada. La professeure Brin est directrice du Centre d'études sur les médias, entité de recherche indépendante à but non lucratif hébergée à l'Université Laval en partenariat avec l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal. Elle est également présidente du Conseil consultatif indépendant sur l'admissibilité aux mesures fiscales pour le journalisme, en collaboration avec l'Agence du revenu du Canada. </span></em></p>Une nouvelle étude sur le journalisme canadien examine l’impact des données d’audience sur l’information dans les médias et la perception qu’ont les journalistes de leur public.Nicole Blanchett, Associate Professor, Journalism, Toronto Metropolitan UniversityColette Brin, Professor and Director, Centre d'études sur les médias, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188762023-12-25T20:23:45Z2023-12-25T20:23:45ZLa guerre de l’information tous azimuts de la Russie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567164/original/file-20231221-25-uac9ue.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C11%2C1862%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d’écran provenant de l’un des dessins animés produits par la CMP Wagner à destination des pays africains. On voit ici un combattant de Wagner, avec sur la manche un chevron de la CMP et le drapeau russe, voler au secours d’un soldat malien qui défend son pays face à une agression militaire française.
</span> </figcaption></figure><p>Dans sa <a href="https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/revue-nationale-strategique-2022">Revue nationale stratégique (RNS) de 2022</a>, la France a porté l’influence <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=23071">au rang de priorité stratégique</a>. La précédente RNS, <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/2017-revue_strategique_dsn_cle4b3beb.pdf">publiée en 2017</a>, avait déjà été révisée en 2021 afin de préciser les priorités stratégiques françaises à l’horizon de 2030 ; mais les tensions observées en 2022 ont poussé à sa révision anticipée.</p>
<p>L’influence est un sujet majeur des relations internationales. Les acteurs étatiques et privés en ont douloureusement pris conscience avec le début de la guerre dans le Donbass en 2014, puis avec l’affaire <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Le-scandale-Cambridge-Analytica-raconte-linterieur-2020-03-09-1201082963">Cambridge Analytica en 2016</a>. Depuis, la prégnance de cette thématique n’a fait que croître, et elle est devenue incontournable avec la guerre de l’information observée dès l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la sphère informationnelle y étant un <a href="https://theconversation.com/ukraine-la-guerre-se-joue-egalement-dans-le-cyberespace-178846">enjeu de conflictualité significatif</a>.</p>
<p>Marquée par <a href="https://theconversation.com/la-russie-est-elle-vraiment-en-train-de-perdre-la-guerre-de-la-communication-contre-lukraine-183761">différentes étapes</a>, cette guerre de la communication a comporté des <a href="https://theconversation.com/face-a-la-contre-offensive-ukrainienne-la-russie-hesite-sur-la-communication-a-adopter-190622">phases d’hésitation dans la gestion de la rhétorique russe</a> lorsque, au cours de l’été 2022, l’Ukraine gagnait du terrain lors de sa contre-offensive. Moscou a ensuite adapté son discours de façon à survaloriser la portée de victoires de moyenne importance, par exemple <a href="https://theconversation.com/la-bataille-de-soledar-lecons-militaires-et-communicationnelles-198422">lors de la prise de Soledar</a> en janvier 2023.</p>
<p>Enfin, alors que le Kremlin doit gérer une invasion de l’Ukraine plus longue et plus délicate que prévu, son action informationnelle s’étend à d’autres théâtres et domaines pour affaiblir les alliés de Kiev. Pour autant, ces opérations ne sont pas toujours couronnées de succès, comme l’a montré, par exemple, le récent épisode de la peinture au pochoir d’étoiles de David sur les murs de Paris, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/07/pochoirs-d-etoiles-de-david-a-paris-la-piste-d-une-operation-d-ingerence-russe-privilegiee_6198775_3224.html">imputée à la Russie</a>. Rapidement détectée par le <a href="https://www.sgdsn.gouv.fr/notre-organisation/composantes/service-de-vigilance-et-protection-contre-les-ingerences-numeriques">Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum)</a>, l’opération n’a pas eu les conséquences sans doute souhaitées par ses organisateurs.</p>
<h2>L’Occident, une cible de plus en plus cruciale au fil du temps</h2>
<p>Si, au début du conflit, la Russie a davantage axé ses efforts d’influence sur le continent africain et le Moyen-Orient que sur les Occidentaux, l’inscription du conflit dans la durée a infléchi cette orientation. En effet, Moscou parie sur l’usure des soutiens de l’Ukraine et sur leurs divisions que pourraient alimenter des tensions sociales internes, des agendas politiques propres ou des intérêts divergents. L’Ukraine restant profondément dépendante de l’appui occidental, notamment en matière d’armement, tout événement de nature à fragiliser ce soutien aura une importance majeure sur la poursuite du conflit.</p>
<p>En ce sens, l’opération <a href="https://theconversation.com/operation-doppelganger-quand-la-desinformation-russe-vise-la-france-et-dautres-pays-europeens-208071">Dôppelganger</a>, si elle n’était pas originale sur le fond, a revêtu une ampleur inédite. Rappelons que la Russie a, dans ce cadre, créé des « clones » de nombreux journaux occidentaux afin d’y diffuser des contenus visant à nuire à la réputation de l’Ukraine, voire à diviser les Européens. La campagne Dôppelganger a été accompagnée d’un intéressant dispositif de suivi destiné à évaluer la pénétration de cette opération au sein des populations et à mesurer l’effet réel de la campagne.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AQs_hJt9reg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Cette opération avait duré plusieurs mois mais avant d’être officiellement démasquée à l’été 2023. Pour autant, la révélation de l’existence du projet Dôppelganger n’a pas mis un terme aux opérations informationnelles, qui sont la trame de la <a href="https://www.rfi.fr/fr/france/20230929-guerre-cognitive-le-cerveau-nouveau-champ-de-bataille">guerre cognitive</a> à laquelle nous assistons actuellement. Plus récemment, alors que l’attaque du Hamas du 7 octobre a profondément <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/11/le-hamas-fait-tout-pour-attirer-israel-dans-le-piege-d-une-operation-terrestre_6193806_3232.html">déstabilisé le Moyen-Orient</a> et que les Occidentaux craignent que l’onde de choc de cette explosion de violence ne se traduise par des troubles sur leurs territoires, une nouvelle opération a été identifiée.</p>
<p>C’est Viginum qui, en tirant la sonnette d’alarme, a permis à l’État français de <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/russie/evenements/evenements-de-l-annee-2023/article/russie-nouvelle-ingerence-numerique-russe-contre-la-france-09-11-23">mettre officiellement en cause le site « Recent Reliable News » (RNN)</a> pour avoir sciemment amplifié sur la toile l’impact des images d’étoiles de David taguées dans le X<sup>e</sup> arrondissement de Paris.</p>
<p>Outre le millier de bots employés pour relayer l’information au travers de quelque 2 600 tweets, les <a href="https://www.lejdd.fr/societe/etoiles-de-david-taguees-paris-le-couple-interpelle-en-flagrant-delit-ete-renvoye-en-moldavie-139642">ressortissants moldaves</a> interpellés en flagrant délit fin octobre ont indiqué avoir agi moyennant rémunération. Par ailleurs, les enquêteurs sont remontés jusqu’à un <a href="https://www.bfmtv.com/police-justice/etoiles-de-david-taguees-a-paris-le-commanditaire-presume-choque-par-les-accusations-d-antisemitisme_AV-202311100167.html">personnage trouble</a>, connu pour ses anciennes accointances pro-russes en Moldavie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1720333601391124855"}"></div></p>
<p>L’action tentait de capitaliser sur une crise existante et sur un contexte social tendu, marqué par <a href="https://www.la-croix.com/france/Actes-antisemites-France-justice-elle-moyens-sanctionner-2023-11-02-1201289161">l’augmentation des agressions physiques contre des personnes juives</a>, afin d’en tirer profit en termes d’influence et de guerre cognitive.</p>
<h2>La démultiplication des zones de crises</h2>
<p>Cette instrumentalisation de contextes perturbés dans le but de les exacerber et d’en tirer profit pour la Russie est une méthode qui a été souvent employée, y compris assez récemment sur le continent africain, nouveau théâtre de confrontation avec l’Occident, et spécialement avec la France. Des versions africaines des médias <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer">Sputnik et RT</a> ont été lancées dès 2014, et on a également constaté, dès 2018, la présence de groupes de mercenaires, comme Wagner, <a href="https://www.irsem.fr/media/report-irsem-97-russia-mali-en.pdf">notamment au Soudan et en République centrafricaine (RCA)</a>.</p>
<p>Dans le même sens, ont fait leur apparition des films produits par des agences de la constellation Prigojine comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210603-centrafrique-touriste-une-fiction-au-service-de-la-propagande-russe">« <em>Le Touriste</em> »</a> ou « <em>Granit</em> », produits par la <a href="https://www.areion24.news/2022/06/10/le-geant-endormi-lessor-du-cinema-comme-instrument-de-soft-power-russe/6/">société Aurum</a>.</p>
<p>Plus récemment encore, des dessins animés présentant la France et ses forces armées tour à tour comme des serpents, des rats ou des zombies ont déferlé sur l’Afrique de l’Ouest, et plusieurs pseudo-fondations et ONG ont repris des dialectiques servant les intérêts russes.</p>
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<p>En outre, après que le président Bazoum au Niger, considéré comme proche de la France, a été <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">renversé par un coup d’État militaire</a> rapidement soutenu par la sphère informationnelle rattachée à la Russie, l’armée française a été <a href="https://www.tf1info.fr/international/niger-une-campagne-de-desinformation-menee-par-moscou-accuse-l-armee-francaise-d-avoir-enleve-des-enfants-enlevements-2266282.html">accusée d’avoir enlevé des enfants dans ce pays dans le cadre d’un trafic pédophile</a>. Ces contenus, diffusés par une « fondation de défense des droits de l’homme » <a href="https://fondfbr.ru/fr/articles_fr/france-niger-minors-fr/">connue pour être une officine de désinformation rattachée à la Russie</a> et pour avoir gravité dans la mouvance d’Evguéni Prigojine, seront repris par Dimitri Poliansky, représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies <a href="https://archive.ph/ZsFZP">sur son compte Telegram</a>.</p>
<h2>La psychologie humaine, un champ de bataille parmi d’autres</h2>
<p>La guerre cognitive peut être définie comme la militarisation de tous les aspects de la société, y compris de la psychologie humaine et des relations sociales, afin de modifier les convictions des individus et, in fine, leur façon d’agir.</p>
<p>Ce thème, et le concept qui le sous-tend, sont pris au sérieux au point d’avoir été le sujet du défi d’innovation de l’OTAN de l’automne 2021, organisé par le Canada cet automne-là, qui s’intitulait <a href="https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/campagnes/defi-d-innovation-de-l-otan-automne-2021.html">« La menace invisible : Des outils pour lutter contre la guerre cognitive »</a>.</p>
<p>Dans le cas présent, la démultiplication des crises peut, en tant que telle, représenter une forme de « stress test » visant à mesurer la capacité des Occidentaux à gérer une pluralité de désordres. En outre, le continent africain est un enjeu d’autant plus important pour la Russie que les sanctions européennes consécutives à l’invasion de l’Ukraine poussent le Kremlin à diversifier ses sources de financement, par exemple en recourant à des sociétés militaires privées afin de capter des fonds et des matières premières pour concourir au soutien d’une économie russe contrainte d’assumer l’effort de sa guerre contre l’Ukraine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En de nombreux points du globe, la Russie mène de nombreuses opérations informationnelles visant à affaiblir les alliés de l’Ukraine.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143482023-12-11T16:34:17Z2023-12-11T16:34:17ZCombien de temps vivra un être cher ? La réponse est difficile à entendre, mais ne pas savoir est encore pire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550115/original/file-20230922-27-gg4746.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=201%2C70%2C6508%2C4054&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Même pour un professionnel de la santé expérimenté, estimer l'espérance de vie d'un patient atteint d'une maladie grave est un défi.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il est difficile pour les personnes atteintes d’une maladie qui limite l’espérance de vie de planifier leur avenir. Les cliniciens, en fonction de leur expérience, peuvent donner une estimation générale du temps qu’il reste à vivre à une personne — de quelques jours à quelques semaines, de quelques semaines à quelques mois, ou de quelques mois à quelques années. </p>
<p>Cependant, les patients et leurs partenaires de soins souhaitent souvent obtenir une estimation plus précise pour pouvoir prendre les dispositions et les décisions nécessaires en matière de soins.</p>
<p>Une prédiction précise de l’espérance de vie peut devancer la tenue de discussions sur les préférences et les souhaits en fin de vie, ainsi que la mise en place des soins palliatifs.</p>
<p>Mais même pour un clinicien expérimenté, <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0161407">il peut être difficile d’estimer l’espérance de vie</a> d’un <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.320.7233.469">patient atteint d’une maladie grave</a>. Cette évaluation doit reposer non seulement sur de grandes quantités de données, mais aussi sur une compréhension de la relation entre l’état de santé de base du patient, la complexité de ses problèmes de santé et la façon dont il réagit au traitement ou évolue sous celui-ci. </p>
<p>Voilà où les algorithmes prédictifs peuvent être utiles.</p>
<h2>Un outil pour avoir des discussions et planifier en temps opportun</h2>
<p><a href="https://www.projectbiglife.ca/respect-elder-life">RESPECT (Risk Evaluation for Support : Predictions for Elder life in their Communities Tool) est un outil de communication sur les risques</a> qui est alimenté par des algorithmes de prédiction estimant l’espérance de vie d’une personne — c’est-à-dire combien de temps cette dernière vivra. Cet outil a été mis au point par l’équipe de recherche du projet Big Life, et validé <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.200022">au moyen des données de soins de santé recueillies sur près d’un million d’aînés ayant reçu des soins à domicile et en milieu communautaire</a>, ou dans une maison de soins en Ontario.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/539710931" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">RESPECT a pour but d’aider les gens à planifier leurs soins palliatifs et leurs soins de fin de vie.</span></figcaption>
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<p>RESPECT a été conçu en tenant compte des besoins des patients en matière d’information et dans l’intention de donner aux patients et à leurs partenaires de soins les moyens d’agir. En leur fournissant des données sur l’espérance de vie et les expériences d’autres personnes ayant connu un parcours semblable, cet outil peut aider les patients à comprendre la trajectoire de leur maladie, à devancer les discussions concernant leurs préférences et leurs souhaits, et à demander le soutien dont ils ont besoin. </p>
<h2>Un outil pour les patients, les partenaires de soins et les cliniciens</h2>
<p><a href="https://www.projectbiglife.ca/respect-elder-life">RESPECT</a> a été lancé publiquement sur ProjectBigLife.ca en juillet 2021. <a href="https://www.projectbiglife.ca/">Ce site web</a> présente plusieurs calculateurs santé mis au point par l’équipe de recherche pour traduire les données probantes en outils susceptibles d’aider les Canadiens à réfléchir à leur santé et à planifier leurs soins.</p>
<p>Les gens doivent répondre à 17 questions sur leur santé et leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes. RESPECT utilise ensuite les réponses fournies pour leur donner une estimation de leur espérance de vie, et ce, sur la base de renseignements recueillis sur des personnes présentant des caractéristiques semblables aux leurs. Les aînés peuvent utiliser le calculateur pour mieux comprendre leur déclin. Il en va de même pour leurs partenaires de soins et les professionnels de la santé qui ne peuvent prédire avec certitude l’espérance de vie d’une personne atteinte d’une maladie grave.</p>
<p>En plus de donner une estimation de l’espérance de vie, RESPECT fournit des mesures du déclin fonctionnel — par exemple, si le patient est capable de se déplacer dans sa maison et de se livrer aux activités de la vie quotidienne, comme se laver et cuisiner, sans aucune aide.</p>
<p>Un patient peut utiliser ces renseignements pour discuter de ses besoins en matière de soins avec ses partenaires de soins et ses fournisseurs de soins de santé. De même, les fournisseurs de soins de santé peuvent utiliser cet outil pour discuter avec leurs patients de ce à quoi ils peuvent s’attendre en fin de vie, et prévoir les mesures de soutien appropriées.</p>
<p>RESPECT est également utilisé activement dans les maisons de retraite et les foyers de soins de l’Ontario. De nombreux résidents de ces établissements ont une espérance de vie inférieure à deux ans. Lorsque les discussions sur les objectifs et les souhaits des aînés au regard du chemin qu’il leur reste à parcourir ont lieu en temps opportun, l’équipe de soins peut offrir aux personnes dont elle s’occupe la meilleure qualité de vie et de soins possible.</p>
<h2>Infrastructure durable</h2>
<p>L’un des objectifs de RESPECT est de fournir une infrastructure durable pour l’étude, l’apprentissage et l’amélioration de la façon dont nous utilisons les algorithmes prédictifs dans la prestation des soins de fin de vie.</p>
<p>Malgré les avantages qui sont observés dans le cadre des premières utilisations de RESPECT, de nombreuses questions subsistent en ce qui concerne le meilleur moment pour l’utiliser et la meilleure manière de le faire. Par exemple, une faible capacité de calcul — c’est-à-dire la compréhension des chiffres, des mathématiques et des statistiques — pourrait entraîner une mauvaise interprétation de l’estimation fournie par RESPECT. Bien que les ressources à l’appui de RESPECT aient été élaborées en collaboration avec les patients et leurs partenaires de soins, davantage de recherches sont encore nécessaires pour réduire ces inconvénients potentiels.</p>
<p>Pour assurer l’optimisation des avantages qui peuvent être tirés des algorithmes de prédiction tels que RESPECT, les épidémiologistes cliniques Douglas Manuel et Justin Presseau, ainsi que les co-auteurs du présent article, ont créé le système de santé apprenant RESPECT — un réseau de partenaires de soins, de chercheurs et de professionnels de la santé qui collaborent pour surmonter ces défis. Nous combinons la recherche et la pratique pour étudier et améliorer durablement les soins et l’expérience de fin de vie grâce à des algorithmes prédictifs.</p>
<h2>Prendre conscience de la situation n’est que le début</h2>
<p>Seulement <a href="https://www.cihi.ca/sites/default/files/document/access-to-palliative-care-in-canada-2023-report-fr.pdf">58 % des gens qui meurent au Canada</a> reçoivent une forme de soins palliatifs avant de mourir. Peu de personnes (13 %) ont la possibilité de mourir chez elles, avec le soutien d’une équipe de soins palliatifs à domicile.</p>
<p>Grâce à l’amélioration de notre compréhension de la fragilité et du déclin, RESPECT pourrait aider les cliniciens, les patients et leurs partenaires de soins à se préparer à un mauvais pronostic, et à élaborer un plan personnalisé en matière de soins.</p>
<p>Cependant, pour améliorer la prestation des soins de fin de vie au Canada et permettre aux Canadiens de mourir dans la dignité, il faut investir davantage dans notre système officiel de soins de santé pour répondre aux besoins des personnes en fin de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214348/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lysanne Lessard reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour des recherches liées au système d'apprentissage en santé RESPECT. Elle est membre de l'Institut de recherche LIFE de l'Université d'Ottawa.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amy T. Hsu reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour la recherche liée au calculateur RESPECT.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Peter Tanuseputro reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour la recherche liée au calculateur RESPECT.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sampath Bemgal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une prédiction précise de l’espérance de vie peut devancer la tenue de discussions sur les préférences et les souhaits de fin de vie, ainsi que la mise en place des soins palliatifs.Lysanne Lessard, Associate Professor, Telfer School of Management, L’Université d’Ottawa/University of OttawaAmy T. Hsu, Brain and Mind-Bruyère Research Institute Chair in Primary Health Care in Dementia, L’Université d’Ottawa/University of OttawaPeter Tanuseputro, Associate Professor, Division of Palliative Care, Department of Medicine, L’Université d’Ottawa/University of OttawaSampath Bemgal, Assistant Professor, Information Systems, University of New BrunswickLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147972023-11-23T17:53:38Z2023-11-23T17:53:38ZLever l’effet « boîte noire » des méthodes d’IA en analysant des textes<p>Le déluge des données présentes sur le web ouvre de nouveaux défis dans notre monde ultra numérisé. Cette masse de données représente une mine d’informations qui peut être traitée de manière automatique en mobilisant des méthodes d’IA (Intelligence Artificielle). Dans nos travaux, nous utilisons de telles approches pour analyser automatiquement des masses de données variées (textes, images, vidéo, bases de données, etc.). Nos recherches ont par exemple permis de mieux comprendre des problèmes d’insécurité alimentaire au Burkina Faso ou des questions d’aménagement du territoire en France à partir de textes en français (articles de presse, textes règlementaires des collectivités publiques, etc.). </p>
<p>À partir de ces données hétérogènes, les approches d’IA peuvent produire automatiquement des analyses de très bonne qualité, mais sans que l’utilisateur (expert ou non) puisse réellement expliquer ou comprendre la raison pour laquelle certains résultats ont été obtenus. C’est ce que l’on appelle l’effet « boite noire ». Les résultats qu’une IA telle que ChatGPT peut générer automatiquement est un bon exemple de cet effet boîte noire.</p>
<h2>Analyser les données hétérogènes avec l’IA</h2>
<p>Le but de nos travaux est d’étudier de quelle manière les données textuelles (dépêches, articles scientifiques, sites web, etc.) et les méthodes de traitements associées (fouille de textes) peuvent être mobilisées pour améliorer les interprétations des résultats obtenus par les approches IA. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561435/original/file-20231123-17-se34u5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de l'approche expérimentale de l'étude.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De façon plus précise, l’intégration des données hétérogènes liées à la sécurité alimentaire peut contribuer à améliorer les systèmes d’alerte. Ceci a été mis en œuvre au cours de <a href="https://www.theses.fr/261240714">la thèse d’Hugo Deléglise en Science des Données</a> qui a été menée au CIRAD et avec <a href="https://www.hdigitag.fr/">l’Institut de Convergences #DigitAg</a> et qui s’intéresse à l’agriculture numérique. Les travaux ont consisté à collecter, rassembler, fusionner des données hétérogènes (images satellitaires, données économiques, données météorologiques, densité de population, etc.) avec des méthodes d’IA pour <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/alerte-precoce-insecurite-alimentaire">prédire des scores de consommation et de diversité alimentaire au Burkina Faso</a>. Le score de consommation alimentaire représente la fréquence de consommation de différents groupes alimentaires (céréales, légumes, fruits, protéines animales, etc.) d'un ménage sur 7 jours. Le score de diversité alimentaire indique le nombre de groupes d’aliments consommés au cours des dernières 24 heures. Les méthodes produites dans ces travaux mettent en avant des résultats, mais en omettant souvent l’effet explicatif associé. Ainsi, nous pouvons par exemple prédire des indices d’insécurité alimentaire fondés sur les scores de consommation et diversité alimentaires (vision quantitative), mais sans apporter les explications sur les raisons associées à des problèmes identifiés (vision qualitative). </p>
<h2>Les données textuelles, une plus-value essentielle</h2>
<p>C’est pour améliorer ces aspects que nos propositions ont consisté à intégrer (collecter, standardiser et analyser) des données issues de la presse du Burkina Faso (Burkina24, LeFaso) sur une période donnée (2009-2018). Les 22856 articles collectés en français ont été analysés de manière automatique avec des dictionnaires dédiés traitant de sécurité alimentaire accompagnés de méthodes statistiques et linguistiques. Ces dernières ont permis d’identifier des termes dits discriminants (c’est-à-dire fréquents et spécifiques à des textes et/ou périodes), mais également des termes véhiculant une opinion positive ou négative. </p>
<p>Ainsi, cette combinaison de ressources et approches <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-031-16564-1_7">mise en place dans un processus original</a> souligne les raisons d’une insécurité alimentaires (conflits, invasion de criquets, inondation, etc.). La fouille de nos textes a par exemple mis en relief des mots-clés liés à la sécheresse en 2012 et un vocabulaire propre aux conflits et déplacements en 2013.</p>
<p>Par ailleurs, une analyse fine selon les périodes et les régions a également été conduite (illustration ci-dessous). Pour mener de telles analyses spatio-temporelles, il est au préalable nécessaire d’extraire, dans le contenu des textes, des informations précises comme les lieux. Pour cela, nous utilisons des méthodes de reconnaissance d’entité nommées. De manière générale, nous appelons une entité nommée un lieu, une personne, une organisation, etc. Notons également que les outils et ressources sont très riches pour traiter les textes en anglais, mais ils sont beaucoup moins dotés pour le traitement automatique des textes en français. Ceci constitue un défi très important dans nos travaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561436/original/file-20231123-15-a5movk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image montrant les termes les plus discriminants selon 3 grandes Régions et 2 lexiques de sécurité alimentaire.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour résumer, en détectant une alerte avec des méthodes d'IA, nos approches fondées sur l'analyse des médias peuvent apporter des explications quant aux alertes identifiées.</p>
<p>Par ailleurs, de nouvelles sources de données ont été récemment intégrées à notre processus, en particulier les données issues de YouTube. Celles-ci sont <a href="https://doi.org/10.1145/3524458.3547240">transcrites automatiquement en données textuelles avec des programmes informatiques</a>. Les données transcrites automatiquement peuvent contenir des erreurs que l’on appelle bruit, qui compliquent l’application des méthodes de reconnaissances d’entités nommées. Par ailleurs, nous étudions actuellement l’opportunité d’intégrer d’autres types de données comme les données issues de la radio qui est un média très utilisé sur le continent africain. </p>
<h2>Mieux analyser l’aménagement du territoire</h2>
<p>Nous étudions également d’autres problématiques consistant à mettre en lien des données variées pour mieux analyser les processus d’aménagement du territoire en France qui sont abordées actuellement dans le cadre du <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE23-0022">projet HERELLES</a>) (Hétérogénéité des données - Hétérogénéité des méthodes) financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR).</p>
<p>Nos travaux permettent d’analyser de quelles manières, les règles d’urbanisme (par exemple, lorsqu’un bâtiment doit être construit, la présence d'une route est nécessaire) sont prises en compte dans la réalité.</p>
<p>Pour cela, deux défis technologiques et scientifiques sont à aborder :
- Analyser automatiquement les textes règlementaires complexes écrits en français qui sont issus des Politiques Publiques
- Mettre en lien ces textes avec les données satellitaires. <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/10302561">Ces résultats</a> menés en collaboration avec des unités de recherche de Montpellier (TETIS), Caen (GREYC) et Strasbourg (ICube) ont été présentés par Maksim Koptelov, chercheur post-doctorant en Science des Données, à la conférence très sélective DSAA (International Conference on Data Science and Advanced Analytics). Ces travaux issus du projet HERELLES pourront être intégrés dans des outils d’aide à la décision pour les collectivités locales afin de guider les analyses et les corrélations entre règlementations (par exemple, Plan Local d'Urbanisme) et la réalité du terrain pour accompagner les projets d'aménagement du territoire.</p>
<p>Les différentes approches résumées dans cet article mettent en avant que l’intégration de données textuelles dans ces systèmes complexes permet de mieux comprendre et éclairer des résultats obtenus avec des méthodes d’IA. Et de manière plus générale, les démarches, qui apportent une dimension explicative via les données textuelles ou autres approches, contribuent à lever certaines réticences à utiliser l’IA pour explorer et analyser les données issues de sources variées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Roche a reçu des financements de l'ANR (Agence Nationale de la Recherche), de la Région Occitanie, de l'Institut Convergences en Agriculture Numérique #DigitAg et de la Commission européenne,. et de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maguelonne Teisseire a reçu des financements de la Région Occitanie, de l'Institut Convergences en Agriculture Numérique #Digitag, de l'ANR (Agence Nationale de la Recherche), du CNES (Centre National d’Études Spatiales), du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et de la Commission européenne,.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roberto Interdonato a reçu des financements du CNES (Centre national d'études spatiales). </span></em></p>L'IA peut produire des analyses sans que l’utilisateur puisse comprendre la raison pour laquelle certains résultats ont été obtenus. C’est ce que l’on appelle l’effet « boite noire ».Mathieu Roche, Chercheur en Sciences des Données, CiradMaguelonne Teisseire, Directrice de recherche en Sciences des Données, INRAERoberto Interdonato, Chercheur en Science des Données , CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161302023-10-25T14:59:50Z2023-10-25T14:59:50ZLa confiance envers les médias au Québec varie beaucoup selon le parti politique auquel on s’identifie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555621/original/file-20231024-23-uocdqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7326%2C4880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une enquête inédite associe l'adhésion à un parti politique et la confiance - ou non - dans les médias. Les citoyens aux extrémités de l'échiquier politique sont les plus méfiants.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Dans plusieurs sociétés démocratiques, la multiplication de sondages <a href="https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/digital-news-report/2023">ne cesse de confirmer une chute de la confiance des citoyens envers les médias</a> et les journalistes. Le Québec ne fait pas exception.</p>
<p>La plupart des sondages se limitent à des questions très générales sur la confiance, une notion somme toute imprécise. Mais une vaste enquête réalisée en avril 2023 par moi-même et la collègue Marie-Ève Carignan, de l’Université de Sherbrooke, a recouru à une variable majeure à prendre en considération, soit l’affiliation partisane. <a href="https://www.uottawa.ca/notre-universite/toutes-nouvelles/credibilite-medias-est-baisse-au-quebec-revele-vaste-enquete">Voici le rapport complet issu de cette recherche</a>. </p>
<p>Nous avons utilisé des indicateurs reconnus, par le biais de 40 questions et propositions précises. Elle a été réalisée avec le panel en ligne Léger Opinion (LEO), auprès d’un échantillon représentatif de 1 598 Québécois et Québécoises.</p>
<p>Il est inédit au Québec, à ma connaissance, de considérer l’affiliation partisane comme facteur pertinent de l’évaluation des médias, chose pourtant coutumière aux <a href="https://news.gallup.com/poll/403166/americans-trust-media-remains-near-record-low.aspx">États-Unis</a>. Au Québec, on estime que le <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2022-09-17/cadres-financiers/comment-la-gauche-et-la-droite-jouent-avec-nos-finances.php">cadre financier des formations politiques, lors d’élections générales</a>, permet de les situer sur l’axe idéologique gauche droite. C’est ainsi qu’on retrouve respectivement Québec Solidaire (QS), le Parti Québécois (PQ), le Parti Libéral du Québec (PLQ), la Coalition Avenir Québec (CAQ) et le Parti conservateur du Québec (PCQ).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-confiance-des-canadiens-envers-les-medias-a-son-plus-bas-184998">La confiance des Canadiens envers les médias à son plus bas</a>
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<h2>Plus de méfiance aux extrêmes de l’échiquier politique</h2>
<p>La confiance est une évaluation globale qu’on élabore sur la base de perceptions et d’expériences vécues directement ou rapportées par des tiers. Elle n’a pas la même signification pour chacun et chacune. C’est une notion polysémique. De là l’importance de se pencher sur certaines de ses composantes.</p>
<p>Quand il est question de médias d’information, la confiance comme la méfiance se manifestent surtout quant à la perception de l’indépendance et de la neutralité des journalistes. Cela est nettement plus visible chez les répondants qui affichent une préférence pour le PCQ. Par exemple, quand il est question de l’influence des préférences politiques des journalistes dans leur travail d’information, près de la moitié des gens s’identifiant au PCQ estiment que cela arrive souvent.</p>
<p>Ce sont également eux qui estiment davantage que les journalistes ne résistent ni aux pressions de l’argent ni aux pressions des partis politiques et du pouvoir politique comme le montrent les deux graphiques suivants.</p>
<p>C’est aussi à droite du spectre idéologique que se manifeste la méfiance envers les aides publiques accordées aux médias d’information. Ils sont suivis de loin par les gens s’identifiant à QS, probablement pour des raisons différentes qu’il faudrait explorer éventuellement.</p>
<p>Les personnes sondées ne se font pas trop d’illusions quant à l’influence des annonceurs sur le travail journalistique, mais dans ce cas-ci, les gens s’identifiant à QS ne sont pas très loin de ceux du PCQ.</p>
<p>Faut-il s’étonner de constater que les perceptions varient considérablement en fonction du positionnement idéologique quand vient le temps de se prononcer sur l’orientation idéologique des médias ?</p>
<p>La méfiance s’observe aussi dans la préférence déclarée envers les médias traditionnels ou les médias sociaux. On peut anticiper que plus on se méfie des premiers, plus on aura tendance à s’informer auprès des seconds. Cela se vérifie dans le graphique suivant :</p>
<p>Finalement, quand on leur demande de se prononcer sur une échelle d’intensité (où 1 signifie désaccord total et 5 signifie accord total avec la proposition soumise), les moyennes des répondants et répondantes à droite du spectre idéologique se démarquent nettement. Les deux graphiques suivants l’illustrent à leur tour.</p>
<h2>Deux sources de méfiance : l’ignorance et la connaissance des médias</h2>
<p>À la lumière de ces résultats, je crois qu’au lieu de se contenter de questions aussi générales qu’imprécises pour mesurer le niveau de confiance/méfiance envers les médias et les journalistes, il est préférable de recourir à des indicateurs reconnus d’une part, et chercher d’autre part des variables qui permettent d’y voir plus clair.</p>
<p>Pour mieux comprendre ce qui motive la méfiance envers les médias, l’affiliation partisane, avec ce qu’elle charrie de convictions idéologiques et normatives, est des plus pertinentes.</p>
<p>Par ailleurs, on présume trop souvent que la méfiance repose sur un manque de littératie des médias, et que combler cette méconnaissance <a href="https://www.ledevoir.com/lire/798246/coup-d-essai-redorer-blason-medias">serait « LA » solution</a>. Or, s’il existe bien une méfiance basée sur l’ignorance ou des a priori idéologiques, il y a aussi une méfiance « éclairée ». </p>
<p>En effet, il est permis de croire que bon nombre de gens très familiers avec les journalistes (personnalités publiques, relationnistes, chercheurs, journalistes, <a href="https://ecosociete.org/livres/la-collision-des-recits">essayistes</a>, etc.) sont loin de leur accorder une grande confiance. Bien souvent, ces acteurs expriment leurs doutes quant à la véracité ou l’indépendance des journalistes et des médias. Ils le font dans des <a href="https://www.quebec-amerique.com/index.php?id_product=10528&controller=product&search_query=intox&results=1">essais</a>, des entrevues, des biographies ou mémoires, des <a href="https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-11-16/confiance-envers-les-medias/ca-ne-va-pas-dans-le-bon-sens-groupe.php">interventions publiques</a> et, bien entendu, sur les médias sociaux.</p>
<p>Le sondage a aussi révélé que 41 % des répondants et répondantes estiment qu’il y a trop de chroniques, alors que 34 % croient que les journalistes sont réceptifs à la critique, et 41 % qu’ils essaient de cacher leurs erreurs. Ces facteurs ne favorisent ni la confiance ni la crédibilité, qui est une autre notion critique quand il est question d’information.</p>
<h2>L’intensité des convictions idéologiques, une variable déterminante</h2>
<p>Pour l’instant, on doit conclure que la méfiance envers les médias et leurs journalistes est nettement plus accentuée à droite du spectre idéologique qu’à gauche. C’est à droite qu’on fait le moins confiance à bon nombre d’acteurs et d’institutions (experts, scientifiques, justice, système démocratique, gouvernements, institutions internationales et médias locaux).</p>
<p>Les répondants du centre gauche (PQ) comme du centre droit (PLQ et CAQ), leur font davantage confiance, mais dans tous les cas, elle est fragile.</p>
<p>Il y aurait lieu d’explorer comment la confiance envers les médias et leurs journalistes varie, non seulement en fonction de l’affiliation partisane, mais aussi selon divers enjeux qui font réagir l’opinion publique. En demandant, par exemple, à quel média on fait confiance lorsqu’il est question d’immigration, d’environnement, de santé, de politique ou d’économie, on pourrait mieux observer les fluctuations au sein de groupes de répondants s’identifiant à un parti politique ou un autre.</p>
<p>Par ailleurs, une méthode qualitative (par enquête ou entrevues) permettrait de mieux comprendre les multiples raisons que mobilisent nos répondants. Cela pourrait expliquer les écarts qui existent surtout chez ceux s’identifiant au Parti conservateur, mais aussi, dans une moindre mesure chez ceux de Québec Solidaire : sentiment d’hostilité des médias envers eux ou leurs convictions, méfiance des élites, cynisme, mauvaises expériences avec des journalistes, méconnaissance des médias, facteurs culturels ou socio-économiques, etc.</p>
<p>Quand il est question de faire confiance aux médias et à leurs journalistes, ou de s’en méfier, on ne peut pas écarter l’hypothèse que l’intensité des convictions idéologiques, morales et politiques soit une variable déterminante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216130/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc-François Bernier (Ph. D.) est membre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). L'analyse soumise n'est liée à aucun financement. Le sondage a été réalisé avec ma collègue Marie-Ève Carignan (Université de Sherbrooke) dans le cadre de nos activités universitaires. Le Ministère de la Culture et des Communications du Québec a versé une subvention de recherche uniquement pour couvrir les frais de la firme Léger Marketing.</span></em></p>Pour mieux comprendre ce qui motive la méfiance envers les médias, il faut regarder du côté de l’affiliation partisane des citoyens, et de la manière dont les convictions idéologiques l’influencent.Marc-François Bernier (Ph. D.), Professeur titulaire au Département de communication de l'Université d'Ottawa, spécialisé en éthique, déontologie et sociologie du journalisme, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070682023-10-09T10:11:33Z2023-10-09T10:11:33ZE-mails, Zoom, WhatsApp, Slack… quand la multiplication des outils numériques mine la qualité de vie au travail<p>Teams, Zoom, Microsoft 365, Slack, Drive, Dropbox et tant d’autres systèmes de visioconférence, messageries professionnelles ou plates-formes de partage et stockage documentaire… Pour assurer la continuité des <a href="https://theconversation.com/topics/teletravail-34157">activités à distance</a> au cours de la crise sanitaire puis stabiliser les modes de travail hybrides, les entreprises se sont dotées d’une multitude d’outils collaboratifs dont les usages se sont <a href="https://referentiel.lecko.fr/etat-de-lart-2023/">intensifiés</a>, <a href="https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=NT%2095">sans priorisation</a> et parfois sans structuration des stratégies d’usage.</p>
<p>Ils se sont ajoutés aux dispositifs précédents, aux réunions et autres e-mails. Les canaux de <a href="https://theconversation.com/topics/communication-21313">communication</a> s’accumulent et cela semble impacter le bien-être des salariés comme l’efficience organisationnelle. Plusieurs travaux récents rendent ainsi compte d’un mal-être croissant des salariés face à l’effet <a href="https://shs.hal.science/file/index/docid/155184/filename/RFG_Kalika_Boukef_Isaac_V_27_12_2006.pdf">mille-feuille</a> résultant d’une digitalisation chaotique.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.opentext.fr/a-propos/press-releases?id=4E9C3B66883245DFA0AAEE0C449E806C">étude</a> commandée en 2022 par opentext, leader de la gestion de documents numériques et d’échanges de données, 40 % des salariés de 12 pays (dont la France) se disent stressés par la mauvaise gestion de l’information, notamment par le trop grand nombre d’applications à consulter chaque jour. Autre chiffre, une <a href="https://www.pega.com/fr/business-complexity">étude</a> de la plate-forme Pega sur 14 pays affirmait début 2022 que les trois quarts des employés estiment que leur travail est devenu plus complexe, et 42 % en attribuent la responsabilité à la transformation digitale.</p>
<p>C’est également ce qui ressort du <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-presente-les-resultats-de-son-barometre-teletravail-et-organisations-hybrides-2022-0686-63a59.html">baromètre</a> Télétravail et organisations hybrides conçu par Malakoff Humanis. Les personnes interrogées y déclarent que la première difficulté générée par le travail hybride concerne bien le renforcement de la digitalisation du travail, comme ce manager qui œuvre pourtant dans un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des outils numériques :</p>
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<p>« Avant, j’avais les mails, c’était simple, j’allais éventuellement de temps en temps sur Skype pour demander si la personne était libre pour un appel. Tandis que maintenant il y a des discussions sur SMS, sur WhatsApp, sur Teams, par mail, éventuellement des contenus sur le réseau social d’entreprise… C’est très difficile de gérer le flux d’informations, on peut louper des informations parce qu’on ne regarde pas le bon canal. Donc on perd tous du temps. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2014-1-page-110.htm">Infobésité</a>, chaos informationnel, hyperconnexion, fragmentation de l’activité… Une <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/numerique-collaboratif-et-organisation-du-travail/">étude</a> qualitative de la <a href="https://www.chairefit2.org/">chaire FIT2</a> de Mines Paris PSL menée auprès d’une vingtaine de collaborateurs de quatre organisations a ainsi tenté de mieux comprendre les effets réels de ces outils afin d’envisager les régulations nécessaires à une meilleure organisation porteuse de qualité de vie au travail et de performance.</p>
<h2>À chaque outil son usage</h2>
<p>Face à cet amoncellement difficile à gérer, il paraît tout d’abord nécessaire de <a href="https://shs.hal.science/file/index/docid/155184/filename/RFG_Kalika_Boukef_Isaac_V_27_12_2006.pdf">rationaliser le portefeuille d’outils de communication</a> que les entreprises ont à leur disposition. Il s’agit d’identifier les cas d’usage les plus pertinents pour chaque outil, en fonction du type de message à délivrer et du contexte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nombre d’entreprises ont conscience de ce besoin mais peinent souvent à faire aboutir leur réflexion. À titre d’exemple, nous montrons ici la <a href="https://blog.doist.com/communication-asynchrone/">pyramide des usages</a> des différents outils de communication de l’entreprise DOIST qui compte 90 salariés. En raison de son fonctionnement en <em>full-remote</em> c’est-à-dire avec des salariés travaillant où ils le veulent et quand ils le veulent, celle-ci a ressenti le besoin de formaliser précisément les canaux à utiliser selon qu’il s’agisse de faire une annonce, de partager des idées, de commenter le travail d’autres personnes, d’organiser des échanges bilatéraux, des réunions d’équipe ou des groupes de travail, d’organiser un événement de <em>team building</em>, ou encore d’agir en cas d’urgence.</p>
<p>Comme souvent en matière de management et d’organisation du travail, il n’existe pas de recette unique. C’est à chaque entreprise, voire à chaque équipe, de façonner sa propre pyramide des outils/usages au plus près de ses besoins et contraintes opérationnels. D’autant que pareille structuration des outils ne suffit pas et qu’elle doit nécessairement s’accompagner d’une régulation de leurs usages, qui ne peut se concevoir qu’à plusieurs échelles.</p>
<h2>Agir individuellement reste limité face aux outils collaboratifs</h2>
<p>D’un point de vue individuel, il reste toujours possible de s’assurer des plages de concentration et de respiration. Ce peut être en indiquant « absent » ou « occupé » dans l’agenda, en désactivant ses notifications, en mettant son téléphone en mode silencieux, en filtrant les appels ou mails… Ces mesures d’hygiène mentale seront d’autant plus justifiées que les autres niveaux de régulation seront défaillants. Elles atteignent cependant vite leurs limites du fait de la nature « collaborative » de ces outils.</p>
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<p>Les marges de manœuvre dont bénéficie l’individu en matière d’usages numériques collaboratifs restent en effet fortement cadrées par les pratiques de son équipe, et particulièrement par les attentes de sa hiérarchie. Un manager nous précise :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui compte, ce n’est pas vous ou votre décision, c’est le collectif avec lequel vous travaillez. »</p>
</blockquote>
<p>Le dirigeant possède ainsi un devoir d’exemplarité, qui peut cependant être difficile à tenir lorsque tous ses homologues ne jouent pas le jeu : un effet de concurrence insidieux s’installe alors entre, d’une part, ceux qui cherchent à faire respecter le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/archives/archives-courantes/loi-travail-2016/les-principales-mesures-de-la-loi-travail/article/droit-a-la-deconnexion">droit à la déconnexion</a> pour leur équipe comme pour eux-mêmes et, d’autre part, ceux qui restent constamment connectés, incitant leurs collaborateurs à l’être aussi.</p>
<p>La régulation doit donc aussi s’envisager de façon plus globale sans pour autant être construite exclusivement par une hiérarchie éloignée des réalités opérationnelles des acteurs de terrain.</p>
<h2>Trois pistes : partager, expliciter, faire évoluer</h2>
<p>Certes, des règles institutionnelles restent nécessaires pour traiter les enjeux de cybersécurité, d’astreintes ou de développement durable. Le dialogue professionnel permettra surtout de réfléchir à la manière d’adapter l’usage des outils aux besoins de l’activité réelle, qui peuvent grandement varier d’un corps de métier à l’autre. Ophélie Morand et Vincent Grosjean, chercheurs à l’Institut national de recherche en santé et sécurité au travail (INRS), <a href="https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=NT%2095">expliquent</a> ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Pour un commercial, le numérique est le vecteur par lequel il alimente normalement son agenda de travail ; pour un cadre technique, c’est le perturbateur principal de ce même agenda de travail. »</p>
</blockquote>
<p>Il s’agira également de <strong>partager</strong> les meilleures pratiques développées par certaines équipes et pouvant être utiles à d’autres, sans pour autant les imposer. Une homogénéisation progressive peut ainsi émerger, dictée par l’impératif même de communication qui ne s’arrête pas à la frontière d’une ou plusieurs divisions. D’une manière générale, les règles institutionnelles auront intérêt à ouvrir le champ des possibles plutôt qu’à contraindre les usages.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<p>Une fois cette régulation collective stabilisée, elle doit enfin être <strong>explicitée</strong> et documentée de façon à pouvoir servir de référence à tous. Or, trop souvent, ces régulations restent implicites et sont juste supposées être connues. Cette documentation doit cependant rester <strong>évolutive</strong> pour intégrer les nouvelles contraintes opérationnelles ou outils numériques qui pourraient émerger tout en permettant une amélioration continue des usages et pratiques.</p>
<p>En suivant ces pistes, le grand bazar digital pourrait ainsi se transformer en opportunité pour les entreprises. Les outils collaboratifs permettent en effet de faire un pas de côté salutaire en partant non plus seulement de l’activité pour penser la technologie, comme le préconisent les ergonomes, mais également des technologies pour <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2017-1-page-15.htm">« repenser » et « repanser »</a> le travail. Plutôt que de se reposer passivement sur les outils, il s’agit au contraire de les mettre au cœur de la discussion sur le travail réel. Que ce soit « en creux » ou par « effet de loupe », les outils numériques sont des révélateurs permettant d’objectiver l’organisation du travail pour la faire évoluer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suzy Canivenc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les individus ne peuvent agir totalement seuls pour se protéger des méfaits de la digitalisation des organisations. Un ouvrage propose ainsi des pistes pour une bonne régulation.Suzy Canivenc, Chercheure associée à la Chaire Futurs de l'Industrie et du Travai, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2120702023-08-31T17:59:36Z2023-08-31T17:59:36ZComment le Kremlin assoit toujours davantage son contrôle de l’Internet russe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545730/original/file-20230831-29-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C0%2C8720%2C5261&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour Moscou, il est indispensable de contrôler totalement les sites auxquels les habitants de Russie peuvent accéder.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/russian-propaganda-troll-farm-factory-cyber-2144734163">Michal Bednarek/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’Ukraine <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2023/08/17/ukraine-martial-law-parliamentary-elections/">vient de reconduire la loi martiale pour 90 jours</a>, repoussant ainsi constitutionnellement la tenue des élections législatives de l’automne et, potentiellement, de la présidentielle de 2024. Parallèlement, la Russie doit également tenir une élection présidentielle au printemps 2024.</p>
<p>Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a affirmé que Vladimir Poutine serait <a href="https://www.rferl.org/a/russia-peskov-interview-democracy/32536544.html">facilement réélu</a> ; on observe toutefois que, à moins d’un an du scrutin, des mesures sont prises afin de prolonger les effets des lois de 2016 et 2019 qui tendaient à renforcer le contrôle du pouvoir sur l’Internet russe.</p>
<h2>La méfiance du régime à l’égard du Net</h2>
<p>Depuis son accession au pouvoir, début 2000, Vladimir Poutine a toujours fait preuve de méfiance à l’égard de l’Internet. Mais c’est surtout à partir de son retour au Kremlin en 2012 (après l’intermède Dmitri Medvedev de 2008 à 2012) que cette méfiance a commencé à trouver une traduction législative concrète.</p>
<p>Dès 2012, la Russie et la Chine avaient <a href="https://www.reuters.com/article/telecom-treaty-internet-russia-china-idINDEE8B801M20121209">conjointement proposé</a> d’instaurer un « contrôle souverain » sur Internet, contrôle qui serait exercé via un système de gouvernance construit sur la base de celui des Nations unies.</p>
<p>Par la suite, en 2014, la Douma a voté la <a href="https://www.numerama.com/politique/34177-russie-apple-stockage.html">loi fédérale n°242FZ</a> qui imposait aux plates-formes et aux opérateurs d’héberger sur le territoire national toutes les données relatives aux personnes physiques ou morales russes.</p>
<p>Dans le prolongement de cette démarche, les lois fédérales n°374FZ et 375FZ du 6 juillet 2016, connues sous le nom de <a href="https://theconversation.com/souverainete-numerique-linternet-russe-peut-il-se-couper-du-reste-du-monde-113516">« lois Iarovaïa »</a> du nom de la députée qui les a déposées, ont imposé aux éditeurs, sous prétexte des besoins des enquêtes de police, d’implémenter dans les logiciels des portes dérobées, ou backdoors, et de <a href="https://www-cairn-info.ezpaarse.univ-paris1.fr/cyberdefense-politique-de-l-espace-numerique--9782200621292-page-175.htm">communiquer aux services de sécurité</a> des clés de déchiffrement ainsi que le stockage des méta-données, pour une durée de trois ans.</p>
<p>À l’issue de cette période, la <a href="https://rg.ru/2019/05/07/fz90-dok.html">loi</a> relative au « Runet » (Internet russe) souverain est venue conforter cette démarche en autorisant le contrôle des données entrant et sortant de Russie, et en permettant d’isoler le réseau russe de l’Internet mondial dans le cas où une menace extérieure, <a href="https://incyber.org/runet-reste-du-monde/">au demeurant mal définie</a>, le justifierait.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/souverainete-numerique-linternet-russe-peut-il-se-couper-du-reste-du-monde-113516">Souveraineté numérique : l’Internet russe peut-il se couper du reste du monde ?</a>
</strong>
</em>
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<p>Pour autant, si la volonté politique était indéniable, la mise en place pratique de ces projets semble s’être heurtée à des difficultés techniques telles que son application s’est révélée très délicate.</p>
<p>Avec le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, le Kremlin a <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1589">accentué sa surveillance de la sphère informationnelle</a> à travers plusieurs initiatives visant d’abord à <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russia-introduce-jail-terms-spreading-fake-information-about-army-2022-03-04/">contrôler les mots utilisés</a>, puis à <a href="https://fr.getflix.com/blog/list-of-blocked-websites-in-russia/">interdire certains sites</a> jugés <a href="https://www.numerama.com/cyberguerre/784367-le-site-de-tor-bloque-en-russie-la-lutte-contre-le-navigateur-anonyme-continue.html">contraires à la doxa gouvernementale</a>. </p>
<p>En dépit de ces mesures, ces sites sont restés accessibles, sous réserve d’utiliser un réseau privé virtuel (VPN) afin de masquer la localisation réelle de l’internaute. Dans les faits, les VPN, qui réacheminent la connexion en passant par des serveurs situés dans d’autres pays, permettent à qui dispose d’une pratique numérique suffisante d’accéder librement aux sites de son choix et de contourner les interdictions gouvernementales.</p>
<p>En outre, nombre de sites interdits ont développé, si ce n’était pas déjà le cas une version de leur plate-forme consultable via <a href="https://dl.acm.org/doi/abs/10.1145/2510125">TOR</a>. Ce réseau décentralisé, qui se superpose au réseau Internet, permet, par l’entremise de nœuds successifs, de complexifier le suivi des sites consultés par les internautes surfant sur le fameux « .onion » de TOR.</p>
<h2>La lutte contre les VPN</h2>
<p>Alors que la prochaine élection présidentielle russe doit se dérouler les 17 mars et le 7 avril prochains et que la Russie a engagé un durcissement du controle de l’information depuis 2014, on observe un nouveau renforcement sensible du contrôle du pouvoir sur la sphère informationnelle, particulièrement notable autour de deux axes.</p>
<p>Le premier vise les <a href="https://www.rtbf.be/article/la-russie-renforce-la-censure-dinternet-les-vpn-en-ligne-de-mire-11239146">fameux VPN</a>, dont <a href="https://www.01net.com/actualites/les-russes-se-ruent-sur-les-vpn-pour-echapper-a-la-censure-2055498.html">l’usage a fortement augmenté</a> depuis l’entrée en vigueur des textes votés en 2022. Si dès le printemps dernier le gendarme russe de l’Internet, <a href="https://rkn.gov.ru/">Roskomnadzor</a>, a entrepris de lutter contre des services individuels, tentant ainsi d’interdire des protocoles VPN, le mouvement s’est sensiblement accéléré cet été.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1553654573587464192"}"></div></p>
<p>Début août 2023, de graves problèmes ont <a href="https://www.intellinews.com/russia-cracks-down-on-vpns-as-restrictions-on-internet-freedoms-continue-to-increase-272120/">affecté les protocoles VPN de plusieurs fournisseurs</a>.</p>
<p>Si de nombreux experts cherchent des moyens de contournement, notamment en essaient de camoufler les VPN dans le trafic normal afin de les faire échapper à la vigilance de Roskomnadzor, ce renforcement de la censure reste particulièrement inquiétant.</p>
<h2>Vers une nationalisation déguisée de Yandex ?</h2>
<p>Le second axe, non moins sensible, concerne le portail et moteur de recherche Yandex, souvent comparé à un <a href="https://www.challenges.fr/high-tech/avec-le-google-russe-yandex-moscou-vise-lautarcie-numerique_846644">« Google russe »</a> </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rdtBzGvAz1E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Jusqu’ici, Yandex, poids lourd de la sphère IT russe, avait réussi à maintenir un équilibre <a href="https://rsf.org/fr/le-principal-moteur-de-recherche-russe-expurg%C3%A9-des-contenus-interdits">entre demande de contrôle du pouvoir et développement à l’étranger</a>, notamment en y créant des filiales. Si cet équilibre avait déjà été <a href="https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/sanctions-contre-la-russie-la-chute-de-yandex-le-google-russe_2184342.html">largement perturbé avec le début de l’invasion</a> en raison du tour de vis du régime russe et des <a href="https://www.lexpress.fr/economie/guerre-en-ukraine-priver-la-russie-de-technologie-l-autre-bataille_2169965.html">sanctions occidentales visant le secteur IT</a>, il semble que, désormais, le Kremlin <a href="https://www.understandingwar.org/backgrounder/russian-offensive-campaign-assessment-august-10-2023">envisage de nationaliser Yandex</a>, entreprise privée créée en 1997 par Arkadi Voloj.</p>
<p>En s’appuyant sur les textes de loi précités, le pouvoir pousse Yandex à se séparer de ses filiales internationales pour se mettre en conformité avec la législation en vigueur.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Si le non-respect de ce cadre juridique peut <a href="https://www.developpez.com/actu/335091/Moscou-inflige-une-amende-de-369-millions-d-euros-a-la-filiale-russe-de-Google-pour-avoir-omis-de-restreindre-l-acces-a-des-informations-considerees-comme-interdites-dans-le-pays/">conduire à de fortes amendes</a>, ces mêmes dispositions, qui imposent notamment à Yandex de transmettre aux services russes la totalité des bases de données relatives à ses utilisateurs, peuvent aussi entrer en conflit avec les législations des pays où Yandex est implantée, <a href="https://www.reuters.com/technology/finland-norway-ban-yandex-transferring-data-russia-2023-08-08/">comme on l’a vu par exemple en Norvège et en Finlande</a>, ou encore en <a href="https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/report-russias-fsb-could-gain-access-to-israelis-data-through-yango-service/">Israël</a>. Dès lors, Yandex pourrait être contrainte de vendre ses filiales étrangères.</p>
<p>Ainsi, les tentatives de nationalisation auxquelles Yandex essaie de résister depuis plusieurs années semblent sur le point d’aboutir. À cet égard, la récente <a href="https://www.reuters.com/world/europe/yandex-co-founder-volozh-slams-russias-barbaric-invasion-ukraine-2023-08-10/">dénonciation de l’invasion de l’Ukraine par Arkadi Voloj</a>, fondateur de l’entreprise, qui est désormais citoyen de Malte et est installé depuis plusieurs années en Israël, ressemble à un appel à l’aide destiné aux Occidentaux ;risquent de ne pas pouvoir freiner le processus engagé par le Kremlin.</p>
<p>En effet des investisseurs qui entretiendraient des liens avec des fonctionnaires de l’État connus pour être proches du président russe, <a href="https://meduza.io/en/feature/2023/07/18/the-kremlin-s-new-buyers-for-yandex">ont déjà présenté des offres de rachat</a>.</p>
<p>Le numéro deux de l’administration présidentielle, Sergueï Kirienko, qui est en charge de la politique intérieure, pousserait un consortium au cœur duquel se trouve <a href="https://www.forbes.com/profile/yuri-kovalchuk/">Iouri Kovaltchouk</a>, connu pour être <a href="https://medium.com/@PascalJouary/yuri-kovalchuk-le-tr%C3%A9sorier-de-poutine-ff512e16d130">« le banquier personnel de Vladimir Poutine »</a>. Kovaltchouk ne prendrait cependant pas la tête du conseil d’administration de Yandex : ce poste devrait revenir à une personnalité ne faisant pas l’objet de sanctions.</p>
<p>Quels que soient les propriétaires finaux de Yandex, il est plus que probable que le géant russe des IT devienne in fine un outil aux mains du pouvoir utilisé pour assurer le contrôle du Kremlin sur la sphère informationnelle – surtout si cela se double d’une lutte plus efficace contre les VPN, ce dont les conséquences seront, à n’en pas douter, colossales.</p>
<p>Que cela intervienne tout à la fois après un an et demi de conflit en Ukraine et à un an de l’élection présidentielle russe ne doit sans doute rien au hasard et promet un nouveau renforcement drastique du contrôle de l’information effectué l’État.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212070/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la presse, la radio et la télévision en Russie sont désormais aux ordres du pouvoir, le régime peine encore à contrôler totalement le segment russe de l’Internet.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2071622023-06-15T16:44:31Z2023-06-15T16:44:31ZLe journal télévisé français, un rituel populaire au service du public ?<p>« Bonsoir et bienvenue dans le 20h de France 2. Voici les titres de ce lundi 5 juin 2023. 21 jours sans pluie à Paris et dans plusieurs villes du Nord. On n’avait pas vu cela en cette période depuis 1949 ».</p>
<p>Voici comment débutait le JT de France 2, le lundi 5 juin à 19h58, avec une présentatrice – la journaliste Anne-Sophie Lapix – debout devant la table et souriante. Le générique qui a précédé cette ouverture, une ligne rouge et circulaire, symbolise depuis août 2019 le <a href="https://www.programme.tv/news/actu/206806-les-jt-de-france-2-font-leur-rentree-avec-un-nouvel-habillage-video/">« fil rouge de l’information, pour accompagner les téléspectateurs tout au long des éditions » du groupe France Télévisions</a>. Un générique qualifié par la <a href="https://www.programme-tv.net/news/tv/238298-les-jt-de-france-2-soffrent-un-tout-nouvel-habillage-video/">presse spécialisée</a> de « sobre, élégant et moderne ». Au-delà des nouveaux habillages, alors que l’on observe une reconfiguration des manières de s’informer en lien avec les propositions numériques, comment évolue le rendez-vous rituel d’information du journal télévisé ?</p>
<h2>Un succès populaire durable</h2>
<p>Depuis sa première apparition à la télévision française en 1949 (le <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-3-page-209.htm">premier journal quotidien de quinze minutes apparaît sur la chaîne CBS aux États-Unis en 1948</a>), le journal télévisé connaît un succès populaire durable, malgré les moments de défiance qui caractérisent son histoire. Il faut rappeler que le <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/une-histoire-des-medias-jean-noel-jeanneney/9782757851609">JT a été initialement pensé par le gouvernement comme un outil de communication à sens unique</a>, remis en cause par la suite au nom de l’indépendance de l’information. C’est notamment à partir de la fin des années 1980 que l’information à la télévision occupe une place contradictoire dans l’espace public.</p>
<p>D’une part, l’évolution concurrentielle du paysage télévisuel (arrivée de chaînes privées, privatisation de TF1) a permis la conquête d’une indépendance de l’information télévisée à l’égard du pouvoir politique ; si la part de l’information dans l’ensemble des programmes se réduit, celle des JT reste primordiale et les <a href="https://www.nouveau-monde.net/catalogue/histoire-de-la-television-francaise-de-1935-a-nos-jours/">journaux connaissent des scores d’audience particulièrement importants</a>. D’autre part, de vives critiques commencent à dénoncer autant le voyeurisme, le sensationnalisme et la complaisance à l’œuvre dans les journaux télévisés que les problèmes déontologiques que posent la diffusion de mises en scène fallacieuses et celle, trop pressée, d’informations erronées. <a href="https://www.decitre.fr/livres/le-journal-televise-9782724607093.html">La confiance dans les médias télévisés d’information commence alors à décliner, jusqu’à une remise en cause virulente du journalisme de télévision</a>.</p>
<p>Néanmoins, à l’heure actuelle, les téléspectateurs plébiscitent toujours le rendez-vous quotidien du JT, qui est pour une majorité d’individus en France le moyen d’information privilégié. Les scores d’audience actuels des deux journaux télévisés les plus regardés (celui de TF1 et celui de France 2) représentent en moyenne un peu plus de 20 % de part d’audience chacun ; toutes chaînes confondues, <a href="https://www.mediametrie.fr/fr/lannee-tv-2022">environ 20 millions de téléspectateurs regarderaient un journal télévisé chaque soir</a>. La <a href="https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2022-01/2022%2001%2003%20M%C3%A9diamat%20Annuel%202021.pdf">part d’audience annuelle pour 2021 des 4 chaînes d’information en continu s’élève à 6,7 %</a> (2,9 % pour BFMTV qui se classe à la 7e place des chaînes les plus regardées, ex aequo avec Arte ; 2 % pour CNews ; 1,1 % pour LCI et 0,7 % pour FranceInfo), en augmentation de 0,5 % par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Ce qu’indiquent ces scores d’audience au sujet de la consommation des journaux télévisés est corroboré par une étude menée en 2019 par des chercheurs dans le cadre d’un <a href="http://www.anr-pil.org/">projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) sur le « Pluralisme de l’information en ligne »</a> : la télévision hors ligne – les programmes de télévision visionnés de manière linéaire – reste le média dominant pour s’informer en France.</p>
<p>Si certaines catégories de la population (« les jeunes et les grands consommateurs de médias ») ont tendance à préférer regarder les actualités en ligne, la télévision (hors ligne et en ligne) conserve son rôle de lien social. Le <a href="https://www.meta-media.fr/2023/01/28/barometre-kantar-la-croix-la-confiance-des-francais-dans-les-medias-remonte.html">baromètre Kantar-La Croix</a> sur la confiance des Français dans les médias le confirme aussi : alors qu’au début de l’année 2023 « plus de trois-quarts des Français déclarent suivre avec attention l’actualité » avec une place centrale accordée à la télévision pour cela, « 35 % de l’ensemble du panel interrogé, quel que soit l’âge, a affirmé regarder le JT au quotidien pour s’informer » ; des chiffres en hausse par rapport aux années précédentes.</p>
<h2>Une information incarnée</h2>
<p>Le rendez-vous particulier qu’a rapidement constitué le JT dans la vie d’une majorité d’individus est en partie un rendez-vous avec un journaliste présentateur, à la longévité remarquable pour certains. En effet, c’est en 1971 que le JT adopte un dispositif de présentation fondé sur le modèle américain d’un « anchorman » permanent, visible à l’antenne, de manière à personnaliser et fidéliser la relation entre l’information et ses publics. Sur l’initiative de Pierre Desgraupes, président de l’ORTF, le journaliste Jacques Pasteur s’inspire alors du charismatique Walter Cronkite (présentateur du journal télévisé du soir sur CBS de 1962 à 1981) pour incarner l’information. Par la suite, les présentateurs du journal adoptent de nouvelles postures qui installent une proximité avec le public ; ils tiennent un <a href="https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1986_num_4_21_1014#:%7E:text=Non%20seulement%20un%20JT%20est,n%27importe%20quelle%20autre%20%C3%A9mission.">rôle écrasant</a> dans ce dispositif.</p>
<p>La figure de Jean-Pierre Pernaut est à cet égard emblématique : le journaliste a présenté le journal de 13h pendant 32 ans, de 1988 à 2020. Il s’est rapidement démarqué de la concurrence par son approche, sa sincérité et sa spontanéité puisqu’il menait son rendez-vous quotidien sans prompteur. Ce présentateur a marqué les esprits : lorsqu’il a quitté l’antenne de TF1 (2020) ainsi qu’au moment de son dècès (2022), il était désigné telle une « icône », « incarnation », « vedette » et une « star ». L’incarnation stabilisée et durable du journal télévisé est promue par les professionnels du secteur. </p>
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<p><a href="https://www.ladepeche.fr/2020/11/08/medias-les-jt-sont-devenus-des-rendez-vous-ou-lon-retrouve-du-sens-9189527.php">David Medioni</a>, directeur de l’Observatoire des médias de la Fondation Jean-Jaurès, explique que « les présentateurs des JT traditionnels ne sont pas interchangeables contrairement à leurs homologues des chaînes d’info en continu. Sur TF1, à 13 heures, c’était le journal de Pernaut avec une audience deux fois supérieure à celle de France 2 à la même heure. Il y a un besoin d’incarner ces rendez-vous quotidiens avec les Français ». Des rendez-vous honorés pendant de nombreuses années par Patrick Poivre d’Arvor, Christine Ockrent, Bruno Masure, Claire Chazal ou encore David Pujadas.</p>
<p>La proximité et la familiarité sont aujourd’hui banalisées dans les mises en scène de l’information télévisée : d’une part, avec des marques régulières de spontanéité de la part des présentateurs et présentatrices ; d’autre part avec une dynamique de déplacements sur le plateau, des postures debout, tablette entre les mains, en alternance avec la posture assise.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6xIUTwuHHR4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces rendez-vous incarnés pourraient-ils un jour se transformer avec l’intelligence artificielle ? <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/en-chine-le-jt-est-presente-par-une-intelligence-artificielle-146635">En 2018, l’agence de presse chinoise officielle Xinhua avait mis au point un présentateur de JT virtuel, Qiu Hao</a>, qui a <a href="https://www.scmp.com/tech/innovation/article/2172235/xinhua-news-agency-debuts-ai-anchors-partnership-search-engine-sogou">intégré l’équipe de reportage de l’agence</a>. Vue de l’Occident, où le lien de proximité entre le public et un présentateur en chair et en os est une priorité, la prestation n’a pas (encore ?) convaincu.</p>
<h2>L’information télévisée au service des spectateurs connectés</h2>
<p>Face à l’évolution des usages des médias et des supports numériques, les journaux télévisés mettent en œuvre des procédés fondés sur une recette traditionnelle (favoriser la proximité avec le public) couplée au <a href="https://journals.openedition.org/edc/15403">recours à des dispositifs participatifs numériques</a>, comme l’appel à réactions, le déploiement sur les réseaux socionumériques, ou encore le visionnage à la carte.</p>
<p>Dans les JT, la relation entre la rédaction, incarnée par le(s) journalistes présentateurs et les publics est traditionnellement <a href="https://www.parislibrairies.fr/livre/9782711772810-l-information-televisee-mutations-professionnelles-et-enjeux-citoyens-guy-lochard/">mise en scène par le « regard caméra » et la proximité psychologique imaginée, manifestée par des formes d’adresse</a> comme de chaleureux « vous » et « chers téléspectateurs, chères téléspectatrices » « merci de nous avoir suivis ». La mise en scène de ce relationnel est aujourd’hui représentée par les rubriques « #Le20hvousrépond » sur TF1 et « #OnVousRépond » sur France 2, qui offrent la possibilité aux téléspectateurs d’intervenir et de réagir aux contenus du journal.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Journal télévisé du 18 mars 2021, France 2. (capture d’écran réalisée par l’auteure).</span>
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<p>Pendant la campagne présidentielle de 2022, France Télévisions a déployé l’interview politique rituelle des candidats à la fin du journal télévisé de France 2 (la séquence « 20h22 ») sur la plate-forme de vidéo en streaming Twitch (« 20h22, la suite sur Twitch ») ; – les <a href="https://www.webullition.info/la-plateforme-twitch-sinvite-en-politique-50541">journalistes y poursuivaient l’interview à partir de certaines des questions posées dans le chat par les spectateurs</a>.</p>
<p>Par ailleurs, des influenceurs, comme l’équipe d’<a href="https://www.twitch.tv/hugodecrypte">HugoDécrypte</a>, reprennent les principes du format JT (un présentateur qui livre l’information avec un ton chaleureux) en y ajoutant la participation du public, incarnée par les réponses aux sondages, les « j’aime », les commentaires, etc.</p>
<p>La personnalisation de l’information est une tendance actuelle, matérialisée par des applications qui proposent aux usagers de construire leur propre JT en ne visionnant successivement que les reportages qui les intéressent : <a href="https://artifact.news">Artifact.news</a>, le <a href="https://www.tf1info.fr/high-tech/video-tf1info-votre-jt-personnalise-2208115.html">JT personnalisé de TF1</a>. Par la création de <a href="https://www.tiktok.com/@france3grandest">comptes sur le réseau Tik Tok</a>, les rédactions contribuent également à une offre d’informations “à la carte”. Cette logique de segmentation de l’information est présentée comme un service proposé aux spectateurs connectés. Si elle concourt à <a href="https://journalisme.com/assises-de-tours/assises-2023-des-propositions-pour-retrouver-le-gout-de-linfo/">« retrouver le goût de l’information »</a> en particulier chez les jeunes publics, elle peut aussi nuire à la diversité et à la pluralité du débat d’idées : la « newsletterisation » du JT risque de rétrécir la pluralité des points de vue auxquels un individu est confronté, limitant ainsi son esprit critique.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Noé Chaillot, Kevin Ferry, Simon Iung, Steeven Pellan, Elie Polselli, Antonin Utz, étudiants en master Journalisme et médias numériques de l’université de Lorraine (site de Metz), qui ont contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207162/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Ségur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les téléspectateurs plébiscitent toujours le rendez-vous quotidien du JT, qui est pour une majorité d’individus en France le moyen d’information privilégié.Céline Ségur, Professeure des universités en sciences de l'information et de la communication, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2049412023-05-22T16:37:25Z2023-05-22T16:37:25ZComment les Français choisissent-ils leurs médias ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524489/original/file-20230504-1253-birx6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=193%2C27%2C3821%2C3021&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Français déclarent consulter des médias en lesquels ils ont confiance et dont ils partagent l’orientation politique, mais ces deux facteurs n’influencent que très peu leur comportement informationnel effectif. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.TRUC.FR">Rich Tervet / Unsplash </a></span></figcaption></figure><p>Selon Reporters sans frontières, nous sommes entrés dans une <a href="https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-libert%C3%A9-de-la-presse-2022-la-nouvelle-%C3%A8re-de-la-polarisation?year=2022&data_type=general">ère de polarisation des médias</a>, susceptible d’entraîner des fractures au sein des pays. La France n’échapperait pas à cette tendance, avec l’apparition de nouveaux médias d’opinion. Il est vrai que, sur Internet notamment, l’offre médiatique est aujourd’hui pléthorique. Chacun peut dès lors trouver le <a href="https://theconversation.com/vos-dons-soutiennent-notre-independance-195057">média</a> qui correspond à ses préférences politiques.</p>
<p>Mais, au-delà de ce constat, que sait-on vraiment des critères qui influencent le choix des canaux par lesquels nous nous informons ? Dans une étude pour la <a href="https://www.fondationdescartes.org/">Fondation Descartes</a> publiée dans <a href="https://doi.org/10.1080/15205436.2023.2186246"><em>Mass Communication & Society</em></a>, nous avons obtenu des réponses plutôt nuancées en ce qui concerne l’usage effectif des médias en France et l’influence de la proximité politique.</p>
<h2>Une question d’orientation politique à relativiser</h2>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/comment-les-medias-peuvent-influencer-la-signification-dune-information-201408">orientation politique des médias</a> semble bien être un facteur qui compte dans ce choix. En effet, nous aurions tendance à préférer nous exposer à des informations qui vont dans le sens de nos <a href="https://theconversation.com/sources-dinformation-et-orientation-politique-ce-que-nous-apprend-twitter-181636">opinions politiques</a> – un phénomène que les chercheurs nomment « exposition sélective ». Aux États-Unis par exemple, la très républicaine chaîne <a href="https://www.pewresearch.org/journalism/2014/10/21/political-polarization-media-habits/">Fox News est plébiscitée par les électeurs conservateurs</a>, tandis que les progressistes affirment l’éviter et disent lui préférer CNN, située sur une ligne plus démocrate.</p>
<p>Cette exposition préférentielle à des médias du même bord politique s’expliquerait en partie par le fait que nous leur ferions <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23808985.2020.1755338">davantage confiance</a>. Des études montrent en effet que les individus estiment que les médias qui vont dans le sens de leurs opinions sont <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/full/10.1017/S002238161100123X">moins biaisés</a>, et donc potentiellement plus dignes de confiance, que ceux qui proposent un point de vue opposé au leur.</p>
<p>Le risque d’une telle exposition sélective serait de nous enfermer dans une <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2023301118">« chambre d’écho »</a> médiatique, au sein de laquelle nos opinions se trouveraient systématiquement validées et renforcées. Cette situation pourrait à son tour conduire à une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1460-2466.2010.01497.x">polarisation croissante de la société</a>.</p>
<p>L’hypothèse de l’exposition sélective sur Internet est pourtant <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/2056305117729314">remise en question par un certain nombre de chercheurs</a>. En effet, les données empiriques qui laissent penser à l’existence du phénomène proviennent essentiellement de questionnaires et de sondages adressés à la population. Or, on sait que de telles données déclaratives ne reflètent pas toujours fidèlement le <a href="https://www.fondationdescartes.org/wp-content/uploads/2021/03/Etude_Information_Internet_FondationDescartes_2021.pdf">comportement informationnel effectif des individus</a>, particulièrement sur Internet.</p>
<p>De plus, les études sur la question sont souvent réalisées aux États-Unis, pays bipartisan dont l’environnement politico-médiatique est <a href="https://www.fondationdescartes.org/wp-content/uploads/2020/11/Paysage_politocome%CC%81diatique_2020.pdf">beaucoup plus polarisé qu’en France</a>, notamment. Il est donc risqué d’extrapoler directement les résultats d’études étasuniennes à d’autres contextes nationaux.</p>
<h2>Le cas français</h2>
<p>Lors de notre étude, nous avons dès lors testé l’hypothèse de l’exposition sélective en France, en comparant données déclaratives et comportementales.</p>
<p>Pour le faire, nous avons enregistré durant 30 jours le comportement sur Internet de 1 536 Français issus d’un panel représentatif de la population. Nous avons en particulier mesuré leur <em>exposition effective</em> à 15 médias parmi les plus consultés dans le pays.</p>
<p>À la fin de cette période, nous avons interrogé ces mêmes participants sur :</p>
<ul>
<li><p>leur exposition en ligne à chacun des 15 médias en question au cours des 30 jours précédents (<em>exposition déclarée</em>) ;</p></li>
<li><p>leur degré de confiance en chacun de ces médias ;</p></li>
<li><p>leur orientation politique sur un continuum progressif-conservateur, établie au moyen de plusieurs questions sur des sujets de société.</p></li>
</ul>
<p>Il ressort de nos analyses que l’<em>exposition déclarée</em> par les participants aux médias est influencée par le fait d’être plus ou moins progressiste ou conservateur. Par exemple, les participants progressistes ont plus de probabilités que les participants conservateurs de déclarer avoir consulté le site web du <em>Monde</em> au cours des 30 jours précédents (Figure 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524734/original/file-20230506-52143-roe7tt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><strong>Figure 1</strong>. Effet de l’orientation progressiste-conservateur sur l’<em>exposition déclarée</em> aux médias sur Internet. <strong>Lecture :</strong> Plus un média (point noir) est à gauche de la ligne verticale rouge, plus il est probable que les participants progressistes aient déclaré l’avoir consulté, et inversement. Les barres horizontales mauves représentent la marge d’erreur de chaque résultat (IC 95 %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brest & Cordonier (2023), Mass Communication & Society</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, cet effet de l’orientation politique des participants sur la consultation des médias diminue nettement dès lors que l’on s’intéresse à leur <em>exposition effective</em> à ces mêmes médias durant les 30 jours de l’étude (Figure 2) !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524735/original/file-20230506-21-oqqdrb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><strong>Figure 2</strong>. Effet de l’orientation progressiste-conservateur sur l’<em>exposition effective</em> aux médias sur Internet. <strong>Lecture :</strong> Plus un média (point noir) est à gauche de la ligne verticale rouge, plus il est probable que les participants progressistes l’aient effectivement consulté, et inversement. Les barres horizontales mauves représentent la marge d’erreur de chaque résultat (IC 95 %).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brest & Cordonier (2023), Mass Communication & Society</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, l’<em>exposition déclarée</em> aux médias est influencée par la confiance que les participants disent avoir en eux. En effet, les participants ont plus de probabilités de déclarer avoir consulté un média s’ils disent avoir confiance en lui (Figure 3).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524163/original/file-20230503-379-pchuk0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 3</strong>. Probabilité de <em>déclarer</em> s’être exposé sur Internet à un média donné en fonction de la confiance en ce média (encodage binaire de la confiance : Non/Oui). Les barres verticales représentent la marge d’erreur de chaque résultat (IC 95 %). Note : l’échelle de l’axe y varie pour chaque média. <strong>Lecture :</strong> Les participants qui disent faire confiance à BFMTV ont 50 % de chances de déclarer avoir consulté le site web de ce média au moins une fois au cours des 30 jours précédents. Cette probabilité est de 12,5 % chez ceux qui disent ne pas faire confiance à BFMTV.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brest & Cordonier (2023), Mass Communication & Society</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais là encore, cet effet de la confiance sur la consultation des médias devient très faible si l’on s’intéresse à l’<em>exposition effective</em> des participants aux médias en question (Figure 4).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524164/original/file-20230503-18-wp19no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 4</strong>. Probabilité d’avoir été <em>effectivement</em> exposé sur Internet à un média donné en fonction de la confiance en ce média (encodage binaire de la confiance : Non/Oui). Les barres verticales représentent la marge d’erreur de chaque résultat (IC 95 %). Note : l’échelle de l’axe y varie pour chaque média. <strong>Lecture :</strong> Les participants qui disent faire confiance à BFMTV ont 15 % de chances d’avoir effectivement consulté le site web de ce média au moins une fois au cours des 30 jours précédents. Cette probabilité est de 11,5 % chez ceux qui disent ne pas faire confiance à BFMTV.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brest & Cordonier (2023), Mass Communication & Society</span></span>
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<p>En résumé, les Français <em>déclarent</em> consulter des médias en lesquels ils ont confiance et dont ils partagent l’orientation politique, mais ces deux facteurs n’influencent que très peu leur comportement informationnel <em>effectif</em> sur Internet. Autrement dit, le phénomène d’exposition sélective en ligne est exagéré si on ne l’appréhende qu’au moyen de données déclaratives.</p>
<p>Soulignons tout de même que les données déclaratives ne sont pas totalement erronées. Il existe bien une corrélation entre le fait de déclarer consulter un média et le fait de le consulter effectivement (Figure 5). Cependant, la consultation déclarée est largement surestimée par rapport à la consultation effective.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524165/original/file-20230503-16-4d5f7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 5</strong>. Probabilité que les participants aient <em>effectivement</em> été exposés au moins une fois à un média donné durant les 30 jours de l’étude selon qu’ils <em>déclarent</em> s’y être exposés sur Internet : (1) « Jamais », (2) « Au moins une fois par mois », (3) « Au moins une fois par semaine », (4) « Plus ou moins tous les jours ». Les barres verticales représentent la marge d’erreur de chaque résultat (IC 95 %). Note : l’échelle de l’axe y varie pour chaque média. <strong>Lecture :</strong> Les participants qui déclarent avoir consulté plus ou moins tous les jours le site web de BFMTV au cours des 30 jours précédents ont 38 % de chances de l’avoir effectivement consulté au moins une fois durant cette période. Cette probabilité est de 8 % chez ceux qui disent ne l’avoir jamais consulté au cours des 30 jours précédents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brest & Cordonier (2023), Mass Communication & Society</span></span>
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</figure>
<h2>Pourquoi un tel écart en déclaration et usage ?</h2>
<p>Pourquoi confiance et proximité politique n’influencent-elles pas davantage le choix des médias que consultent les Français sur Internet ? Une première explication pourrait être que nous ne lisons pas les nouvelles dans le seul objectif d’acquérir des informations que nous jugeons importantes et vraies. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1542-734X.2012.00812.x">Nous le faisons également pour nous distraire et nous divertir</a> – faits divers et autres informations anecdotiques trouvent leur place dans la plupart des médias. Dans ce contexte de divertissement, qu’un média nous paraisse plus ou moins fiable ou politiquement proche sont des questions assez secondaires.</p>
<p>Une seconde explication, compatible avec la précédente, relève de la manière dont nous utilisons Internet pour nous informer. Comme nous l’avons montré dans une <a href="https://www.fondationdescartes.org/wp-content/uploads/2021/03/Etude_Information_Internet_FondationDescartes_2021.pdf">étude antérieure</a>, les individus qui s’informent sur Internet <em>papillonnent</em> souvent d’une source à l’autre, ne passant que très peu de temps sur un même site (moins de deux minutes en moyenne). Nombre d’internautes se laissent ainsi guider par leur curiosité, parfois au hasard de la rencontre d’un article sur les réseaux sociaux, plutôt qu’ils ne s’informent en consultant de façon systématique un média donné. Or, c’est probablement plus le sujet de l’article que la fiabilité perçue du média ou sa proximité politique qui importe dans ce comportement de papillonnage.</p>
<p>Au final, les critères qui guident les individus dans le choix de leurs médias sur Internet demeurent largement mystérieux. En revanche, ce dont on peut être raisonnablement sûr, c’est que les internautes français ne s’enferment pas massivement dans des chambres d’écho médiatiques. Cela n’exclut pas pour autant le risque d’une polarisation croissante de notre société, notamment sous l’effet de <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/climatosceptiques-sur-twitter-enquete-sur-les-mercenaires-de-lintox">campagnes de désinformation</a> créant de violents clivages sur les réseaux sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Cordonier dirige la recherche de la Fondation Descartes (<a href="http://www.fondationdescartes.org">www.fondationdescartes.org</a>). L'étude présentée dans cet article a été financée par la Fondation Descartes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélien Brest a travaillé pour la Fondation Descartes lors de la réalisation de cette étude. </span></em></p>Les internautes déclarent consulter des médias en lesquels ils ont confiance et dont ils partagent l’orientation politique. Une étude montre que ces deux facteurs influencent peu leur choix effectif.Laurent Cordonier, Sociologue - Docteur en sciences sociales, Université Paris CitéAurélien Brest, Doctorant en sciences cognitives, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2025722023-04-24T18:18:07Z2023-04-24T18:18:07ZRisques naturels et technologiques : le lent démarrage de la plateforme FR-Alert<p>La plateforme d’alerte multicanal <a href="https://www.fr-alert.gouv.fr/">FR-Alert</a>, disponible depuis juin 2022, permet désormais aux autorités d’envoyer des notifications sur les téléphones portables des personnes présentes dans une zone de danger.</p>
<p>Dans ces messages, les autorités peuvent indiquer la nature du danger, le secteur géographique concerné et les <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/39454">consignes de mise en protection</a>. L’envoi des notifications se fait par diffusion cellulaire (<em>cell broadcast</em>) <em>via</em> les antennes relais des opérateurs de téléphonie, sans risque de saturation.</p>
<h2>FR-Alert, un dispositif sous-employé</h2>
<p>La diffusion d’un <a href="https://www.hauts-de-seine.gouv.fr/contenu/telechargement/6431/46911/file/GUIDE%20ORSEC-juin%202013-T.G4.pdf">signal d’alerte</a> doit répondre à une <a href="https://theconversation.com/aleas-naturels-et-societes-une-question-de-risk-145399">situation de danger</a> susceptible de porter atteinte à l’intégrité physique des biens et des personnes.</p>
<p>Concernant FR-Alert, cette diffusion est sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et des préfets (qui ont accès aux moyens techniques de les déployer sur les départements dont ils ont la charge). Les maires (responsables de l’alerte à l’échelle communale) peuvent solliciter l’emploi de FR-Alert en formulant une demande justifiée qui devra être validée par le préfet.</p>
<p>Le dispositif est en place depuis juin 2022, et seules 2 notifications (en dehors des 27 exercices) ont été envoyées à ce jour : la première lors des feux de forêt à Landiras le 18 juillet 2022, et la seconde lors du passage du cyclone Freddy à la Réunion le 20 février 2023.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Collage de deux images, l'une est une copie-écrna de la notification reçue sur téléphone, l'autre est une carte de la Réunion, la zone de diffusion étant tout le littoral de la moitié nord est." src="https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518793/original/file-20230331-947-htrwcm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Envoi d’une notification FR-Alert lors du passage du cyclone Freddy au large de la Réunion le 20 février 2023, et zone de diffusion de la notification.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fr-alert.gouv.fr/les-alertes/FR-ALERT.1676911154.90000.0#info-1">fr-alert.gouv.fr</a></span>
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</figure>
<p>Comment expliquer ce faible nombre d’utilisations de FR-Alert, alors que plusieurs autres évènements nécessitant une mise en protection des populations et une alerte ont eu lieu sur le territoire français depuis son lancement ?</p>
<p>On peut par exemple citer la tempête sur la côte ouest de la Corse (15 août 2022) et l’explosion dans l’enceinte de l’usine Arkema, usine Seveso « seuil haut » à Jarrie (10 novembre 2022). Si la montée en puissance du déploiement de FR-Alert peut expliquer ces non-utilisations, d’autres événements se sont produits dans des zones où le système avait été testé. C’est le cas à Rouen, où FR-Alert a été testé en juin 2022, mais non utilisé lors de l’incendie industriel survenu en janvier 2023.</p>
<h2>Le cas de l’accident industriel de Grand-Couronne</h2>
<p>Les accidents industriels sont intéressants à analyser du point de vue de l’utilisation ou non de FR-Alert. Ils impliquent en effet la coexistence de trois facteurs qui mettent en tension la gestion de la crise : l’imprévisibilité de l’accident et les difficultés d’évaluer rapidement ses évolutions possibles ; la nécessité de gérer l’urgence pour les industriels et les autorités ; la perception de l’événement par la population. L’emploi (ou non) de FR-Alert doit tenir compte de ces trois facteurs. L’incendie survenu le 16 janvier 2023 à Grand-Couronne, au sud de Rouen, illustre bien cette tension.</p>
<p>L’incendie se déclenche aux environs de 16h30 dans un entrepôt de Bolloré Logistic, qui abrite plus de 12 000 batteries de lithium. Il se propage rapidement vers un entrepôt voisin, dans lequel sont stockés plus de 70 000 pneus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/accidents-industriels-apprendre-aux-robots-a-nous-aider-189157">Accidents industriels : apprendre aux robots à nous aider</a>
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<p>Les sapeurs-pompiers prennent rapidement connaissance de la nature de ces produits. Ils réalisent alors des mesures d’urgence (détection des vapeurs inorganiques), dont les résultats n’indiquent aucun risque pour les pompiers en intervention et la population riveraine.</p>
<p>Puis, ils réalisent d’autres prélèvements, notamment pour mesurer la présence d’acide fluorhydrique. Il s’agit de huit prélèvements d’air pour l’analyse en phase d’urgence (dont les premiers résultats sont disponibles à 18h56, soit plus de 2h30 après le départ de l’incendie) et de 28 balises placées en différents points de l’agglomération (dont les résultats arrivent un peu plus tôt, à 18h24).</p>
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<p>Concernant les toxiques de référence – monoxyde d’azote, acide chlorhydrique, acide cyanhydrique et acide fluorhydrique – les valeurs restent en dessous des seuils de détection des appareils de mesure. Ces résultats rassurants auront, selon le préfet, <a href="https://www.seine-maritime.gouv.fr/Actualites/Incendie-Bollore-Logistics-a-Grand-Couronne">« nourri la conduite opérationnelle de la gestion de crise »</a>.</p>
<p>Ni l’activation de sirènes ni l’envoi de notifications via FR-Alert ne sont alors considérés comme opportuns malgré les incertitudes liées à l’attente des résultats et alors que le préfet reconnaît dans un communiqué de presse que <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/17/rouen-l-incendie-du-site-de-bollore-logistics-circonscrit-pas-de-risques-selon-le-prefet_6158178_3224.html">« visuellement, c’était très impressionnant »</a>. L’incendie est en effet visible à plusieurs kilomètres, et de nombreuses vidéos circulent sur les réseaux sociaux. La similarité visuelle avec l’incendie des <a href="https://shs.hal.science/halshs-03688154/document">entrepôts Lubrizol</a> (26 septembre 2019, également à Rouen) est d’ailleurs manifeste, pouvant expliquer cette surmédiatisation.</p>
<h2>Une communication lente et contradictoire</h2>
<p>La phase d’urgence critique, entre 16h30 et 18h24, est donc une longue période d’incertitudes pendant laquelle la question de l’alerte, de l’avertissement ou de l’information à la population doit se poser.</p>
<p>Or, les premières informations officielles ne seront diffusées à la population qu’à partir de 17h50 (soit près d’1h30 après le début de l’incendie), la première via le compte Facebook de la mairie de Grand-Couronne, suivi de la Métropole Rouen Normandie <em>via</em> les SMS automatiques <a href="https://www.metropole-rouen-normandie.fr/inscription-aux-sms-dalerte-risques"><em>InfoRisques</em></a>, puis de nouveau <em>via</em> les comptes Facebook de mairies, avant de terminer par le compte Twitter de la préfecture avec un premier message diffusé à 19h34. Aucune notification FR-Alert ne sera envoyée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Collage des différents messages d’alerte" src="https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518796/original/file-20230331-26-py20e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Message Facebook de la mairie de Grand-Couronne (17h50), puis SMS d’information de la métropole Rouen Normandie (18h13), suivi du message Facebook de la mairie d’Orival (18h36) et du maire de Moulineaux (18h36) et finalement la Préfecture (19h34).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Diversité des modes d’information utilisés, incertitudes quant aux populations ayant reçu les messages, contradictions des informations diffusées : « Évitez le secteur » selon la métropole, « restez confiné » selon la mairie et « Évitez le secteur pour laisser les secours travailler dans les meilleures conditions possibles » selon la préfecture. De quoi semer le trouble au sein de la population !</p>
<h2>Quelles utilisations concrètes pour FR-Alert ?</h2>
<p>Pourtant, FR-Alert serait techniquement adapté pour diffuser des avertissements et des informations dès le début de cette catégorie d’événements à forte incertitude d’évolution. Ce serait aussi un moyen d’harmoniser les discours, et de réduire la cacophonie qui est générée quand chaque acteur envoie son propre message, parfois contradictoire.</p>
<p>Sauf que FR-Alert n’est pas un outil d’information et encore moins d’avertissement si on se conforte à la doctrine actuelle, qui est de l’utiliser uniquement pour alerter, via des notifications, les personnes situées dans une zone confrontée à un danger. Tout dépend alors de la façon d’interpréter « zone de danger »…</p>
<p>La doctrine doit donc s’adapter aux besoins des populations, les cibles finales de FR-Alert. Trois perspectives à court terme doivent être discutées :</p>
<p>1/L’alerte ne doit plus être dissociée de l’avertissement et de l’information, qui en sont des nuances. Avertir ou informer le plus vite possible sur une situation potentiellement à risque, pouvant par essence devenir dangereuse, est indispensable. Si un événement prend de l’ampleur, est vu et/ou entendu sur plusieurs kilomètres, déclencher FR-Alert au titre d’un avertissement peut d’autant plus s’avérer utile si l’on doit rapidement passer à des mesures de protection radicale (comme le <a href="http://www.openscience.fr/Confiner-la-population-en-cas-d-accident-industriel-avec-effet-toxique-de-la">confinement</a> ou <a href="https://hal.science/hal-02130387/file/ESCAPE__Exploring_by_Simulation_Cities_Awareness_on_Population_Evacuation.pdf">l’évacuation</a>). Le niveau 4 (Avertissement) prévu dans le système devrait pouvoir être utilisé dans ce contexte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Collage de deux capturs-écrans montrant les deux panneaux de notifications" src="https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518798/original/file-20230331-16-y1huxn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Notifications possibles via FR-Alert sur un système d’exploitation Android (à gauche) et IOS (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>2/L’alerte peut et doit être levée dès que l’absence d’un danger est confirmée. Pour cela, il faut accepter les « fausses alertes » (c.-à-d. diffuser un signal d’alerte non suivi d’un danger réel), ce qui va à l’encontre des habitudes (prises du côté des autorités mais aussi de la population). Il faudrait aussi assouplir les conséquences pénales, notamment pour les maires, l’ordonnance du 19 septembre 2000 et la circulaire du 28 septembre 2011 stipulant que <em>communiquer ou divulguer une fausse information faisant croire à un sinistre</em> est passible de 30 000 euros d’amende et de 2 ans d’emprisonnement. Il faut donc passer d’une crainte de « l’alerte pour rien » à un plébiscite de « l’avertissement pour éviter le pire » : rumeurs, défiance envers les autorités, absence d’anticipation en cas d’aggravation de la situation.</p>
<p>3/L’absence d’information, rapide et au plus près de la crise, a pour effet <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/12918">d’accroître la défiance vis-à-vis des autorités et des acteurs publics</a>. À la place d’un discours vite rassurant, sans doute proportionné aux mesures de protection nécessaires en phase d’urgence, mais qui perturbe l’appréciation qu’en a la population, il faut accepter l’existence d’incertitudes et préparer la communication qui va avec. Il faut aussi accepter de demander à la population qu’elle reste à l’abri le temps de réaliser les vérifications nécessaires.</p>
<p>Rappelons que les catastrophes résultent souvent de prises de décisions tardives, de communications hasardeuses et contradictoires et de la difficulté de partager en amont de la crise des informations entre l’ensemble des partenaires. Autant de problématiques qu’un emploi plus judicieux de FR-Alert pourrait en partie résoudre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202572/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La plateforme FR-Alert a pour objectif d'alerter les personnes présentes dans une zone de danger. Mais peut-être serait-il judicieux d'élargir son champ d'action à des messages d'information.Éric Daudé, Directeur de recherche CNRS, géographe, Université de Rouen NormandieDelphine Grancher, Chercheuse, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Mélodie Delamare, Ingénieure d’étude, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024572023-03-29T18:20:44Z2023-03-29T18:20:44ZPour s’informer, les jeunes ont-ils délaissé les médias traditionnels ?<p>Il est courant de lire que les jeunes ne se préoccupent plus de l’actualité, qu’ils délaissent les médias traditionnels pour se focaliser sur les contenus diffusés par les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux numériques</a>. Dans ces déclarations, souvent sous forme de déploration, plusieurs approches sont confondues. Ne pas lire de presse papier et ne pas écouter la radio ne signifie pas délaisser l’actualité.</p>
<p>Seulement, il est vrai que la presse quotidienne et magazine est confrontée à un problème de renouvellement des générations qui laisse à penser qu’une véritable gageure est à relever dans les décennies à venir pour relayer <a href="https://educationauxecrans.fr/fileadmin/user_upload/Observatoire_EAE_2021.pdf">son lectorat vieillissant</a>. Un nouveau rapport avec la presse s’instaure, passant par le numérique et davantage basé sur l’information.</p>
<h2>Un accès à l’information par les réseaux sociaux</h2>
<p>À rebours des idées reçues, les résultats des <a href="https://www.mediametrie.fr/en/les-jeunes-toujours-plus-accros-leur-smartphone">enquêtes quantitatives et qualitatives</a> confirment depuis plusieurs années l’intérêt des jeunes pour l’actualité, et cette tendance s’est renforcée depuis la pandémie. Quand ils recherchent une information, un quart à un tiers des 18-25 ans a le réflexe de se tourner vers les sites numériques des journaux de presse nationale, qu’ils considèrent comme des sources fiables.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les jeunes et leur façon de s’informer (France 3 Bourgogne, 2018).</span></figcaption>
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<p>Mais alors que les <a href="https://theconversation.com/generation-un-concept-a-utiliser-avec-moderation-161040">générations</a> précédentes développaient des préférences pour tel ou tel titre, ils consultent les uns ou les autres relativement indifféremment. Quand on les interroge, lycéens comme étudiants peinent à situer les lignes éditoriales des quotidiens ou leur sensibilité sur l’échiquier politique. Ce qui les intéresse, c’est l’information journalistique, plus que de savoir si elle émane du <em>Monde</em>, de <em>Libération</em> ou du <em>Figaro</em>. Ils ne consultent pas un quotidien pour son positionnement mais pour la garantie de qualité qu’il représente. Ainsi, les grands journaux fonctionnent de manière globale comme des « marques » de référence.</p>
<p>Avant 18 ans, ce sont plutôt les journaux télévisés et les <a href="https://www.clemi.fr/fr/formation-declic/3-comprendre-linfluence-des-formats-sur-linfo.html">chaînes d’information en continu</a> qui sont regardés et continuent d’être jugés comme des sources fiables. En revanche, la grille horaire des programmes, avec la « grand-messe » du 20 heures n’a plus vraiment de sens pour eux, à moins que les traditions familiales ne perpétuent les dîners en famille devant le JT.</p>
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<p>Pour les adolescents, comme pour les jeunes majeurs, la plus grande scission avec les générations précédentes réside dans les usages numériques de l’information. À une écrasante majorité, ce sont les réseaux sociaux numériques qui leur servent de portes d’entrée vers l’actualité, en particulier <a href="https://theconversation.com/twitter-snapchat-tiktok-brut-une-nouvelle-facon-de-sinformer-pour-les-jeunes-171226">YouTube, Instagram et Twitter, mais aussi Spotify et TikTok</a> dans une moindre mesure.</p>
<p>Les formes brèves qui sont en usage sur ces réseaux font écho au rapport que les jeunes eux-mêmes entretiennent avec l’écrit, à travers textos et <a href="https://theconversation.com/podcast-objets-cultes-les-emojis-201256">émojis</a>. La mise en image des messages y est appréciée, tout comme la possibilité d’envoyer à ses contacts les informations, éventuellement avec ses propres commentaires, ce qui permet d’adopter une posture plus active face à l’information.</p>
<h2>Flux d’actualité et risques d’infobésité</h2>
<p>Alors que les seniors demeurent très attachés à la presse papier, les jeunes la jugent souvent difficile à lire, parfois absconse et onéreuse. Surtout, aller en kiosque suppose une démarche volontaire dont ils ne voient pas forcément l’utilité puisqu’ils ont pris l’habitude d’obtenir des nouvelles directement sur leur smartphone, sans aucune sollicitation de leur part, si ce n’est d’avoir activé des notifications sur leur téléphone une fois pour toutes.</p>
<p>Tous les matins, ils sont ainsi alertés des principales actualités : « Quand je regarde mon smartphone, j’ai tout de suite accès à l’essentiel des informations importantes et cela me renvoie vers les grands journaux » nous explique Charlotte, 16 ans, dans une enquête en cours auprès de lycéens et d’étudiants de la région Grand Est. Si le sujet l’intéresse, elle n’a donc plus qu’à cliquer.</p>
<p>Cette manière de s’informer a rendu particulièrement floues les logiques éditoriales. L’intérêt est suscité par la nouvelle, peu importe aux yeux du jeune internaute vers quel journal ou le <em>pure player</em> d’information <a href="https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/sites/default/files/2022-06/Digital_News-Report_2022.pdf">l’algorithme du smartphone</a> le renvoie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/epidemie-dinfox-des-gestes-barrieres-numeriques-a-adopter-aussi-135219">Épidémie d’infox : des « gestes barrières » numériques à adopter aussi</a>
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<p>Au final, le risque serait plutôt celui d’une « infobésité » que d’une anémie informationnelle. Être informé en continu par les réseaux sociaux peut provoquer une anxiété face aux désordres du monde. Nous pourrions parler de « stress informationnel », provoqué par le fait d’être informé en continu. Cela ne laisse aucune respiration et peut même devenir culpabilisant pour celle et celui qui désireraient s’en soustraire. Ainsi, le temps de la lecture que représentait la lecture d’un journal papier a volé en éclats. S’y est substituée une logique du clic et du rebond bien plus chronophage, et sans hiérarchisation éditoriale.</p>
<p>Lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux, cela peut aussi laisser la part belle aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fake-news-38582">« fake news »</a> et à la désinformation puisque la reprise et la viralité des informations échangées sont facilitées, quels que soient leur valeur et leur degré de fiabilité.</p>
<h2>Le rôle de l’éducation à l’information</h2>
<p>Faudrait-il en conclure que les adultes n’ont plus de place dans le rapport que les jeunes entretiennent avec l’actualité ? Lorsque des journaux et des magazines sont achetés par les parents et laissés à disposition dans la maison, les enfants ont tendance à les feuilleter. Maxence (20 ans), jeune étudiant, lit le journal local acheté par sa mère, tout comme Amel (19 ans) : « Papa laisse sur la table du salon <em>l’Est éclair</em>, ce qui me donne envie de le lire le week-end ». Chloé (19 ans), quant à elle, déjeune avec son grand-père tous les midis et en profite pour lire le journal régional.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leducation-aux-medias-une-necessite-110051">L’éducation aux médias, une nécessité ?</a>
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<p>L’avis des adultes, et en particulier des professeurs, compte. En témoigne Pauline (17 ans) : « J’ai choisi de recevoir les nouvelles du <em>Figaro</em> sur mon téléphone car c’est un enseignant qui nous l’a conseillé ». Les séances d’<a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-education_aux_medias_en_europe_histoire_enjeux_et_perspectives_laurence_corroy-9782140297847-75068.html">éducation aux médias et à l’information</a> en classe portent leurs fruits et <a href="https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-a-l-information">sensibilisent les jeunes à la lecture de la presse</a> et à l’actualité. <a href="https://hal.science/hal-03899342/">Les pays européens</a> prennent progressivement conscience de son importance, certains ayant par exemple soutenu le <a href="https://medeanet.eu/">programme européen MEDEAnet</a> promouvant l’apprentissage aux médias numériques et audiovisuels.</p>
<p>De la même manière, <a href="https://theconversation.com/la-presse-au-lycee-histoire-dune-education-pratique-a-lactualite-179425">produire des journaux lycéens et étudiants</a> suscite le goût pour la presse et l’information journalistique, et permet de mieux comprendre les exigences déontologiques de la profession. Ainsi, Lucie (20 ans) se rappelle des séances en EMI au collège qui lui ont fait découvrir les métiers liés au journalisme.</p>
<p>Il revient enfin aux journalistes et aux médias traditionnels de penser davantage aux jeunes, en leur donnant la parole, en traitant de sujets dont ils se sentent proches : l’écologie, les questions de genre, la parité… La participation des journalistes à la <a href="https://www.clemi.fr/fr/semaine-presse-medias.html">semaine de la presse à l’école</a> est aussi un moyen de mieux faire connaître la presse et la diversité de l’offre médiatique, son importance pour vivifier la démocratie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202457/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Corroy a reçu des financements d'organisations publiques.</span></em></p>Si les jeunes s’éloignent de la presse papier, ils ne se désintéressent pas de l’actualité et vivent dans un flux continu d’information numérique. Explications.Laurence Corroy, Professeure des universités, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2010342023-03-15T19:57:50Z2023-03-15T19:57:50ZMieux penser le fact-checking en temps d’infodémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515494/original/file-20230315-360-90bxmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=71%2C11%2C1845%2C1187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fact-checking a connu une poussée extraordinaire à partir de 2016, et plus encore à partir de 2020 dans le contexte de la pandémie de Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span></span></figcaption></figure><p>Loin de faire l’unanimité, la pratique du fact-checking soulève des questions épistémologiques qui sont au cœur à la fois du journalisme et de la sociologie des sciences. L’analyse d’un corpus d’articles scientifiques pendant la pandémie de Covid-19, contexte propice au développement de cette pratique, révèle l’existence de plusieurs approches pour étudier le fact-checking.</p>
<p>La vérification des faits a toujours été une activité centrale de la routine journalistique. Cependant, le <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/fact-checking/">fact-checking moderne</a>, c’est-à-dire la pratique systématique de la vérification des déclarations politiques, des canulars, des rumeurs, etc. comme moyen de lutter contre la désinformation, <a href="https://ora.ox.ac.uk/objects/uuid:d55ef650-e351-4526-b942-6c9e00129ad7">s’est fortement développé</a> depuis les années 2000. Considéré comme la conséquence de l’expansion de l’internet participatif et des médias sociaux numériques, il a connu une poussée extraordinaire à partir de 2016 (Brexit, élection du président Donald Trump aux États-Unis), et plus encore à partir de 2020 dans le contexte de la pandémie due au coronavirus SARS-CoV-2.</p>
<h2>La pandémie de Covid-19 : un contexte propice au développement du fact-checking</h2>
<p>En effet, face à l’<a href="https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/2003/05/11/when-the-buzz-bites-back/bc8cd84f-cab6-4648-bf58-0277261af6cd/">« infodémie »</a> au sujet du Covid-19, plusieurs rédactions et médias d’information, observatoires et régulateurs, instituts de recherche, les Nations unies, ainsi que l’Organisation mondiale de la santé ont pris de <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/9898">initiatives pour lutter contre la désinformation</a> en tentant d’identifier et de réfuter les fausses nouvelles. Les organisations et équipes dédiées au fact-checking (<a href="https://www.factcheck.org/">FactCheck.org</a>, <a href="https://firstdraftnews.org/">First Draft</a>, <a href="https://www.politifact.com/">PolitiFact</a>, <a href="https://give2asia.org/taiwanfactcheck/">Taiwan Fact-Check Center</a>, <a href="https://pesacheck.org/">PesaCheck</a>, <a href="https://www.boomlive.in/">BoomLive</a>, <a href="https://dubawa.org/">Dubawa</a>, <a href="https://leadstories.com/">Lead Stories</a>, <a href="https://pagellapolitica.it/">Pagella Politica</a>, <a href="https://eufactcheck.eu/">EUFactcheck.eu</a>, etc.) ont également travaillé sur la vérification de contenus suspects.</p>
<p>La <a href="https://www.poynter.org/coronavirusfactsalliance/">CoronaVirusFacts Alliance</a> a été mise en place par <a href="https://www.poynter.org/ifcn/">l’International Fact-Checking Network</a> (IFCN), ralliant progressivement des fact-checkeurs dans 110 pays, ayant effectué plus de 17 000 vérifications dans 40 langues, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Des initiatives à l’instar du projet pilote <a href="http://calypso-info.ue.katowice.pl/index.php/fr/summary-francais/">CALYPSO (Collaborative AnaLYsis, and exPOsure of disinformation</a>, 2021-2022), dans le cadre duquel cette étude a été menée – attribué en réponse à <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/node/683">l’appel de la DG Connect/2020/5464403 de la Commission européenne</a>–, ont également vu le jour.</p>
<h2>Une pratique contestée</h2>
<p>Cependant, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08913811.2013.843872">attentes surdimensionnées vis-à-vis du fact-checking</a> et contre un certain engouement de nos sociétés contemporaines pour cette pratique. Elles pointent des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1461670X.2022.2031259">problèmes fondamentaux</a> liés à cette dernière : sa légitimité épistémologique, la logistique de son implémentation, ses biais inhérents et les limites de son efficacité, sa prétendue objectivité et sa difficulté de prendre en compte les ambiguïtés de réalités complexes, etc.</p>
<p>Vérifier des faits conduit en effet à questionner les règles qui déterminent ceux-ci et la manière dont les contextes matériels, sociaux et discursifs structurent l’enquête du factuel. Néanmoins, ainsi que d’autres le soulignent, les réserves sur les limites du processus de vérification <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cccr.12163">ne signifient pas pour autant que l’effort doit être abandonné</a>.</p>
<h2>La recherche sur le fact-checking : trois approches, trois thématiques</h2>
<p>Si la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1461670X.2016.1196602">recherche académique s’est très tôt intéressée au fact-checking</a>, les années de pandémie ont consolidé l’intérêt scientifique pour cet objet.</p>
<p>Notre analyse d’un corpus de 120 articles de recherche (en langue anglaise et contenant le terme « fact-check » et ses dérivés), publiés dans des revues académiques entre 2020 et 2022, confirme que la recherche sur ce sujet a répercuté le contexte et les préoccupations sociétales dans le domaine de la santé publique. En effet, les mots-clés les plus récurrents pendant cette période ont notamment été : « Covid-19 », « désinformation », « médias sociaux », « santé », « politique », « risque », « éducation », « vaccins », etc. Bien évidemment, d’autres aspects liés au fact-checking ont aussi été investigués (contextes d’élections, immigration, etc.)</p>
<p>L’analyse a aussi révélé l’existence de trois approches pour étudier le fact-checking, avec des prémisses et des questions de recherche sous-jacentes spécifiques : fonctionnelle, organisationnelle, épistémique. Au-delà d’une simple posture « pour ou contre » le fact-checking et au-delà de la question – déjà ancienne – du <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/246">rapport à la vérité</a>, elles dévoilent les problématiques de recherche que cette pratique soulève actuellement. Ces approches sont brièvement présentées ci-dessous, accompagnées de renvois vers des exemples de travaux.</p>
<h2>Approche fonctionnelle</h2>
<p>L’approche fonctionnelle du fact-checking s’appuie sur la définition <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1525/aa.1935.37.3.02a00030">durkheimienne de la « fonction »</a> en tant que correspondance entre une institution et les besoins de l’organisme social, c’est-à-dire la contribution que la première apporte à la vie de l’organisme dans son ensemble.</p>
<p>Dans ce cadre, l’approche fonctionnelle du fact-checking s’intéresse et questionne son efficacité au sein d’un contexte de <a href="https://rm.coe.int/information-disorder-toward-an-interdisciplinary-framework-for-researc/168076277c">désordre informationnel</a>.</p>
<p>Les articles de cette catégorie s’appuient principalement sur des études empiriques. Ils introduisent des variables qui tentent de comprendre le rôle des formats et des méthodes (nous appellerons cette <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03637751.2022.2097284">approche « descendante »</a>), comme, par exemple, l’impact des alertes, des métriques ou celui de la longueur des fact-checks.</p>
<p>D’autres études se penchent davantage sur la « consommation » des informations, les perceptions, les motivations des publics et la manière dont elles interfèrent avec l’efficacité du fact-checking. Il s’agit d’explorer, par exemple, le rôle de la confiance envers les sources ou celui des affinités politiques de ceux qui sont pour ou contre la vérification, ou bien encore l’importance des émotions dans le partage de fact-checks (<a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/19/10058">approche « ascendante »</a>.</p>
<p>La recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1080/15205436.2022.2097926">techniques automatisées (ou semi-automatisées)</a> fait partie de cette catégorie, car ces articles traitent généralement de l’efficacité des modèles et méthodologies proposés (<em>deep learning</em>, etc.).</p>
<h2>Approche organisationnelle</h2>
<p>L’approche organisationnelle s’intéresse au fact-checking en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1461670X.2022.2069588">tant qu’activité professionnelle</a> et explore le milieu, les infrastructures et les méthodes de travail, à savoir les procédures, les stratégies et les perceptions qui sous-tendent cette pratique au sein des rédactions et autres organisations (organismes de fact-checking, médias sociaux numériques, etc.), parfois entre différents pays.</p>
<p>Elles mettent en évidence la complexité des articulations entre les dimensions matérielles et symboliques du fact-checking. En ce sens, les approches organisationnelles se concentrent principalement sur les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1329878X221088050">relations et interactions</a> entre journalistes/fact-checkeurs, leurs <a href="https://www.cogitatiopress.com/mediaandcommunication/article/view/3443">pratiques de travail</a>, comme, par exemple, les grilles et critères utilisés, les thématiques privilégiées, leurs sources de financements, ainsi que <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14648849221100862">leurs regards sur leur propre activité</a>.</p>
<h2>Approche épistémique</h2>
<p>Cette position analyse les compréhensions et les cadrages qui façonnent le fact-checking en tant que construction symbolique, objet de connaissance et de recherche. Évidemment, tous les articles scientifiques réfléchissent à la signification et à la définition de la vérification des faits et du fact-checking, mais cette visée n’est pas nécessairement leur objectif principal ; dans cette catégorie cependant, c’est le cas.</p>
<p>Le fact-checking est ici étudié dans une approche « méta », à savoir réflexive, parfois critique, à la fois en termes de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1467-923X.12999">légitimité scientifique</a>, de <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JD-03-2021-0061/full/html">significations sociales</a> (croyances sous-jacentes sur les connaissances existantes sur ce sujet), <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17512786.2022.2097118">d’acceptation par des publics</a>, <a href="https://cognitiveresearchjournal.springeropen.com/articles/10.1186/s41235-021-00291-4">d’aptitudes et de compétences</a> impliquées. Se fait sentir dans certains de ces travaux l’écho des débats sur l’intérêt et la pertinence du fact-checking, et les questions épistémiques que ce dernier soulève, notamment le rapport à la vérité.</p>
<p>Lorsqu’elles sont combinées, ces trois approches clés au sein desquelles la recherche académique étudie le fact-checking (fonctionnelle, organisationnelle, épistémique) tendent à révéler trois domaines thématiques qui définissent également le fact-checking en tant qu’objet d’investigation scientifique :</p>
<ul>
<li><p>les routines et les pratiques des fact-checkeurs/praticiens ;</p></li>
<li><p>les outils, techniques, méthodes et protocoles : humains, automatisés ou semi-automatisés ;</p></li>
<li><p>les attitudes pour comprendre le sens du fact-checking, son rôle ou son efficacité.</p></li>
</ul>
<p>Inévitablement, plusieurs approches et thématiques peuvent se recouper au sein d’un même article et les catégorisations proposées ici ne constituent que des « <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2003-3-page-531.htm">types idéaux », au sens wébérien</a>, soulignant leurs éléments les plus saillants. Même si le corpus analysé est certes loin d’être exhaustif et concerne uniquement une littérature en langue anglaise, ces observations permettent de mieux appréhender le débat sur fact-checking, ainsi que les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1467-923X.12892">apports de la recherche</a> au sujet de cette pratique, qui est loin de faire l’unanimité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angeliki Monnier a reçu des financements de la Commission européenne. </span></em></p>L’analyse d’un corpus d’articles scientifiques parus pendant la pandémie de Covid-19 révèle l’existence de plusieurs approches pour étudier le fact-checking.Angeliki Monnier, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, directrice du Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993302023-02-08T19:50:50Z2023-02-08T19:50:50ZQuelle communication pour stimuler l’adoption des énergies renouvelables ?<p>Quel est l’impact des différents types d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/information-23501">information</a> sur l’adoption des technologies durables et les décisions des consommateurs ? Il s’agit d’une question importante pour les pouvoirs publics et les fournisseurs de technologies durables comme les sources d’énergies renouvelables. Si l’Europe veut atteindre ses objectifs ambitieux en matière d’émissions de CO<sub>2</sub> et devenir le <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/272297-pacte-vert-et-paquet-climat-lue-vise-la-neutralite-carbone-des-2050">premier continent neutre en carbone d’ici 2050</a>, l’adoption de systèmes d’énergie renouvelable doit s’accélérer, et vite.</p>
<h2>Un fossé entre « dire » et « faire »</h2>
<p>Dans le passé, diverses <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/what-s-best-way-governments-support-renewable-energy">stratégies</a> ont visé à promouvoir les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energies-renouvelables-22981">énergies renouvelables</a>, notamment auprès des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/menages-65323">ménages</a>. Elles consistent généralement en des subventions pour l’installation de systèmes et/ou en <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/optimizing-feed-tariffs-boost-renewable-energy-production">tarifs de rachat</a> généreux pour garantir aux consommateurs un retour sur investissement total ou partiel. Mais au fur et à mesure que le coût des énergies renouvelables (en particulier l’installation de panneaux photovoltaïques) baisse, ces stratégies incitatives se raréfient.</p>
<p>Les principaux outils pour encourager l’adoption des énergies renouvelables prennent donc de plus en plus souvent la forme de campagnes de sensibilisation et de promotion de leurs avantages sociaux, économiques et environnementaux. Il est vrai que la population y est de plus en plus sensible.</p>
<p>Mais il est aussi vrai que l’écart est important entre le comportement de chacun en public et en privé : si l’on parle volontiers de la nécessité des énergies durables et des technologies vertes, on ne passe pas toujours à l’acte en investissant dans ces systèmes.</p>
<p>Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0925527321002541?via%3Dihub">recherches</a> se sont intéressées de près à ce qui se cache derrière ce fossé entre « dire » et « faire » pour étudier l’impact de différentes formes d’information sur l’adhésion au développement durable et les décisions prises par les consommateurs. Nos deux grandes interrogations ont été : « quel type d’information favorise l’adoption des innovations ? » et « quand, dans ce processus d’adoption, l’information est-elle la plus efficace ? »</p>
<p>Nos résultats suggèrent que l’hypothèse prédominante, selon laquelle l’information et la sensibilisation favorisent l’adoption des innovations, reste peut-être trop simpliste. Les résultats de notre étude remettent en question l’idée selon laquelle l’abondance d’informations entraîne l’adoption des écotechnologies in fine.</p>
<p>L’information a certes une incidence directe sur les attitudes et les comportements durables en améliorant la sensibilisation et la connaissance des technologies à faible émission de carbone. Cependant, l’information a également un effet <em>indirect</em>, car elle permet aux consommateurs de prendre conscience des normes et des croyances sociales. La communication agit donc sur le « compromis entre soi et les autres », c’est-à-dire l’équilibre entre les considérations égoïstes de son bien-être personnel et la notion de retombées plus larges sur la société (par exemple, pourquoi devrais-je être le seul à faire un effort qui profitera à tous ?).</p>
<p>En revanche, toutes les informations n’entraînent pas un changement de comportement durable ni l’adoption des écotechnologies de la part des consommateurs : elle va provoquer ou non l’adoption des écotechnologies en fonction de sa nature, des canaux par lesquels elle parvient aux consommateurs et du moment, dans le processus d’adoption, où le public la reçoit.</p>
<h2>Messages génériques vs. messages ciblés</h2>
<p>Nous avons constaté que les informations génériques, non personnalisées, communiquées au début du processus d’adoption ou d’achat sensibilisent le consommateur et le poussent à adopter une attitude positive à l’égard des technologies durables. Ce type d’information attire l’attention des consommateurs et leur fait comprendre les bienfaits collectifs des différentes solutions écologiques.</p>
<p>Les messages non personnalisés jouent un rôle important au début, en fournissant des informations pérennes et en préparant le terrain pour les étapes suivantes du processus d’adoption. Sans ce minimum de connaissances, il serait difficile pour les utilisateurs potentiels de poser des questions pertinentes au moment où ils décident d’adopter telle ou telle solution.</p>
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<p>Mais à mesure que les consommateurs approchent de la décision finale d’adoption ou d’achat, ils ont besoin d’informations plus spécifiques pour répondre à leurs questions et à leurs besoins. Ces informations personnalisées comblent leurs doutes et leurs incertitudes associés aux décisions écologiques et facilitent la recherche d’un compromis entre soi et les autres. Cette approche individualisée a aussi plus de chances de répondre aux éventuelles préoccupations des consommateurs à l’égard des technologies durables : esthétique, performances, coût…</p>
<h2>Cette source est-elle fiable ?</h2>
<p>Nos conclusions indiquent également que la source d’information influence le comportement des consommateurs en matière de développement durable, et ce, d’autant plus que les consommateurs approchent de la fin du processus d’adoption d’une nouvelle technologie. Les informations provenant de sources commerciales (publicités) sont plus utiles au début du processus, lorsque les consommateurs commencent à adopter une attitude durable : elles les sensibilisent et suscitent leur l’intérêt pour les questions environnementales visées par la technologie.</p>
<p>Plus tard, lorsque les personnes disposent déjà d’informations suffisantes sur la technologie, ont déjà manifesté leur intérêt et sont prêtes à passer d’une attitude durable (dire) à un véritable comportement (faire) via leurs achats, les choses sont différentes. À ce stade, elles doivent avoir confiance dans la source d’information.</p>
<p>Ainsi, les informations impartiales fournies par des tiers de confiance, comme les organismes de réglementation ou de conseil indépendants, sont beaucoup plus efficaces que celles qui défendent un certain intérêt commercial. Les informations supplémentaires émanant de sources commerciales peuvent alors provoquer des attitudes négatives, susciter la méfiance voire compromettre l’investissement.</p>
<p>Notre étude met aussi en évidence le lien entre l’adoption des technologies durables, les revenus des consommateurs et la notion de rapport qualité-prix. Toute proportion gardée, plus les revenus sont élevés et plus le coût de la technologie est faible, plus l’attitude ou l’intention d’adopter une technologie est positive, mais ces facteurs ne jouent aucun rôle significatif dans le comportement d’adoption réel.</p>
<p>Les conclusions de notre étude peuvent donc aider les responsables politiques à mettre au point des mécanismes favorisant la pénétration de technologies durables sur le marché, mais aussi les fabricants de produits et de services écologiques/durables à optimiser leurs campagnes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a>.</p>
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<p><em>Cet article a été co-publié en anglais sur le site <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/how-gender-diversity-law-firms-driven-competition-business">Knowledge@HEC</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les ménages se montrent sensibles à une information générique pour prendre conscience des enjeux puis à une information personnalisée au moment d’adopter les technologies.Andrea Masini, Professeur associé, HEC Paris Business SchoolSam Aflaki, CMA CGM Professor of Supply Chain Analytics and Sustainability, Information Systems and Operations Management Department Chair, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984222023-01-29T16:59:18Z2023-01-29T16:59:18ZLa bataille de Soledar : leçons militaires… et communicationnelles<p>Après <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/13/guerre-en-ukraine-comprendre-la-bataille-de-soledar-verrou-du-donbass-dont-la-russie-revendique-la-prise_6157794_3210.html">plusieurs mois de combats</a>, la compagnie militaire privée Wagner a annoncé le 10 janvier avoir pris la ville de Soledar, dans le Donbass (Est de l’Ukraine), annonce reprise progressivement par la suite par les canaux officiels russes. Kiev a <a href="https://www.20minutes.fr/monde/ukraine/4020586-20230126-guerre-ukraine-apres-mois-combats-difficiles-armee-ukrainienne-reconnait-avoir-cede-soledar">admis avoir perdu la ville</a> deux semaines plus tard. Tout au long de ces affrontements extrêmement violents, les deux parties belligérantes se sont livrées à une lutte presque aussi intense sur le terrain de l’information que sur le théâtre des opérations.</p>
<p>Analyse de cette double dimension d’une bataille dont l’impact aura peut-être été aussi important en termes de communication qu’en termes militaires.</p>
<h2>Un besoin de médiatisation ?</h2>
<p>Depuis cet été, les avancées ukrainiennes au détriment des forces de Moscou ont permis au général Zaloujny, le chef d’état-major de l’Ukraine, d’annoncer, début janvier 2023, la <a href="https://ukranews.com/en/news/905968-afu-in-2022-liberate-40-of-ukraine-s-territory-occupied-since-february">reprise de 40 % du territoire gagné par la Russie depuis février 2022 et de 28 % de celui occupé depuis 2014</a>. Dans le même temps, le ministère russe de la Défense a dû communiquer sur les bombardements ukrainiens sur la base provisoire de Makiivka survenus dans la nuit du Nouvel An, qui ont causé de <a href="https://fr.euronews.com/2023/01/03/guerre-en-ukraine-la-russie-sous-le-choc-apres-la-frappe-meurtriere-a-makiivka">lourdes de pertes à l’armée de Moscou</a> – un désastre comparable, pour le Kremlin, à la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/guerre-en-ukraine-le-moskva-a-coule-un-naufrage-plus-que-symbolique">symbolique et marquante perte du croiseur Moskva</a>, coulé en avril 2022.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-la-perte-du-croiseur-moskva-au-naufrage-de-la-russie-en-ukraine-181403">De la perte du croiseur « Moskva » au naufrage de la Russie en Ukraine ?</a>
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<p>Dans ce contexte pesant pour elle, la Russie devait impérativement obtenir une victoire qui puisse être médiatisée. Ce besoin avait des origines multiples : nécessaire pour remonter le <a href="https://information.tv5monde.com/video/ukraine-le-moral-des-troupes-russes-en-berne">moral notoirement bas des troupes</a>, il devait aussi permettre de redorer l’image du haut commandement, largement mise à mal par les <a href="https://euromaidanpress.com/2023/01/04/makiivka-incident-highlights-russian-armys-unprofessional-practices-british-intel/">manquements logistiques mais aussi sécuritaires constatés au cours de ces derniers mois</a>. L’attaque de Makiivka, dont Moscou <a href="https://ubn.news/russia-is-attempting-to-deflect-the-blame-for-losing-the-army-base-in-makiivka-to-preserve-putins-authority/">avait tenté de faire porter la responsabilité notamment aux autorités de l’autoproclamée République populaire de Donetsk (DNR)</a>, illustre cette dégradation d’image.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1617424338860519426"}"></div></p>
<p>En outre, au moment où des bruits courent autour du lancement d’une <a href="https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2023/01/18/la-rumeur-enfle-en-russie-poutine-va-t-il-mobiliser-ses-troupes-pour-une-seconde-vague-en-ukraine-FRFIOTZ4O5HOVMP6QZIGNNKJEA/">seconde vague de mobilisation</a> (alors même que près de la moitié des recrues de la première vague, encore en cours de formation, n’ont pas encore été déployées sur le terrain), l’annonce d’une grande victoire représenterait un atout non négligeable pour rendre plus convaincants les spots télévisés qui présentent la carrière militaire comme une possibilité offerte aux futurs engagés d’améliorer leur situation financière et sociale.</p>
<h2>Annonces contradictoires</h2>
<p>Le 10 janvier, alors que la ville de près de 11 000 habitants était encore sous les feux russe et ukrainien, le groupe Wagner, par la voix de son dirigeant Evguéni Prigojine, <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jan/10/head-of-wagner-group-says-his-troops-have-taken-control-of-soledar">affirmait en avoir pris le contrôle</a>. Cette annonce a été confirmée quelques jours plus tard par le ministère russe de la Défense. Dans le même temps, les forces ukrainiennes <a href="https://www.france24.com/en/europe/20230113-live-ukraine-says-its-forces-hold-out-in-fight-for-mining-town-soledar">annonçaient que les combats se poursuivaient</a>. Cette communication russe rappelle celle, un peu hâtive, sur la chute de Marioupol en mai dernier, proclamée alors que des centaines de soldats ukrainiens, étaient retranchés dans l’usine Azovstal <a href="https://www.lemonde.fr/en/international/article/2022/05/19/war-in-ukraine-several-hundred-fighters-still-remain-in-the-azovstal-factory-in-mariupol_5984062_4.html">continuaient de s’y battre</a>.</p>
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<p>Annoncer cette prise de guerre permet à la Russie de montrer qu’elle a renversé la tendance après plusieurs mois de revers. Symétriquement, pour les Ukrainiens, souligner son caractère prématuré vise à en limiter l’effet positif sur le moral des troupes russes et à jeter le doute sur l’honnêteté des porteurs de l’annonce.</p>
<h2>La prise de Soledar : une victoire aussi stratégique ?</h2>
<p>En termes militaires, l’intérêt semble dépasser la ville elle-même. En effet, la finalité première des Russes est d’affaiblir la ville voisine de Bakhmout, elle aussi théâtre de <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/la-bataille-de-bakhmout-le-verdun-de-la-guerre-en-ukraine-PF6PJA5PHVGR3AHYU7T5R4XZOY/">très violents combats</a>, si bien qu’elle est surnommée <a href="https://fr.euronews.com/2022/12/01/a-bakhmout-sous-les-feux-de-lennemi-les-ukrainiens-vulnerables-fuient-la-ville">« le hachoir à viande »</a>. Si elle chutait, la ligne de défense ukrainienne entre Siversk (40 km plus au nord) et Bakhmout serait nettement affaiblie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1614328468161839106"}"></div></p>
<p>En ce sens, il semble que les axes routiers qui servent à approvisionner Bakhmout constituent des points d’intérêt majeurs pour les Russes, notamment les axes de la M03 au nord de la ville et les routes 504 et 506 qui en traversent le sud d’est en ouest en direction de Ivanivske et Tchassiv Yar. Cependant, pour atteindre ces deux objectifs plus directement que par des frappes en profondeur, les troupes russes devront encore traverser le fleuve Bakhmoutovska, sous le feu de l’armée de Kiev, qui paraît avoir renforcé des positions en surplomb de ce cours d’eau.</p>
<p>Si Soledar ne représente pas un élément clé du conflit, sa chute n’en fragilise pas moins la ligne de défense Siversk-Bakhmut. Pour autant, les Ukrainiens ont encore plusieurs options pour réagir à la perte de la ville.</p>
<h2>Wagner et le ministère de la Défense : des enjeux de coordination</h2>
<p>Initialement annoncée par les forces de Wagner, la nouvelle de la prise de Soledar a rapidement été reprise par les médias russes officiels et, quelques jours plus tard, <a href="https://t.me/mod_russia_en/5741%5D">par le ministère de la Défense</a> qui s’est néanmoins abstenu de citer le rôle joué par Wagner.</p>
<p>Le même jour, en <a href="https://t.me/concordgroup_official/269">accusant les fonctionnaires de vouloir minimiser les mérites de Wagner</a>, Prigojine s’est inscrit, sans pour autant s’attaquer au président Poutine, dans le prolongement des critiques dont la gestion du conflit et la qualité de l’armée russe faisaient déjà l’objet. Ces déclarations ont provoqué une inflexion dans le discours officiel du ministère, qui, au final, a <a href="https://novayagazeta.eu/articles/2023/01/13/russias-defence-ministry-officially-confirms-participation-of-wagner-group-fighters-in-soledar-capture-en-news">reconnu la présence de la milice du « cuisinier de Poutine » dans la ville de Soledar</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1616790003576889345"}"></div></p>
<p>Ces déclarations interviennent alors que le commandement de l’opération spéciale vient de passer du général Sourovikine, en poste depuis seulement trois mois, <a href="https://theconversation.com/nomination-du-general-guerassimov-a-la-tete-des-operations-en-ukraine-un-tournant-dans-la-guerre-197827">au général Guerassimov</a>, chef d’état-major de l’armée russe, proche de Poutine mais dont la popularité auprès des forces armées russes est limitée en raison, notamment, des nombreux dysonctionnements révélés au cours des premiers mois de l’invasion.</p>
<p>Si <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jan/06/russia-preparing-mobilise-extra-500000-conscripts-claims-ukraine%5D">beaucoup s’attendent à une offensive russe</a> qui, au printemps, pourrait s’appuyer sur les hommes <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20221018-mobilisation-partielle-en-russie-l-incertitude-et-l-angoisse">mobilisés à l’automne 2022</a>, cette opération nécessitera que le nouveau commandement parvienne à coordonner les forces régulières et les milices opérant sur le terrain dont Wagner, si elle est la plus connue, n’est pas la seule.</p>
<p>L’identification de cet écueil conforte les rumeurs selon lesquelles la milice Wagner pourrait être intégrée aux forces régulières. Prigojine perdrait alors, en apparence au moins, l’un de ses atouts. Ce contexte pourrait expliquer la frénésie de communication a laquelle se livre cet affairiste également connu pour son rôle dans les opérations d’influence conduites par son <a href="https://www.state.gov/desamorcer-la-desinformation/le-groupe-wagner-evgueni-prigojine-et-la-desinformation-de-la-russie-en-afrique/">Internet Research Agency (IRA)</a>. Cependant, il convient de rappeler que Prigojine, surnommé « le cuisinier de Poutine », ne pourrait probablement pas agir de manière totalement indépendante de la volonté présidentielle.</p>
<p>Faute de prendre Bakhmout, ville de près de 80 000 habitants qui résiste depuis le printemps 2022, les forces russes ont dû se rabattre sur la prise de Soledar, regropuant environ 11 000 âmes. Pour autant, cette avancée marque un arrêt dans la succession des revers subis par l’armée russe depuis l’été. La prise de Soledar s’accompagne d’une stratégie de bombardements massifs du territoire ukrainien qui, depuis le ciel, ciblent sans relâche les infrastructures critiques comme les <a href="https://www.globsec.org/what-we-do/commentaries/ukrainian-electricity-network-withstood-russian-shelling">centrales électriques</a>, les <a href="https://www.ukrinform.net/rubric-ato/3622530-number-of-casualties-following-russian-shelling-of-dnipro-up-to-13.html">infrastructures civiles</a> ou les <a href="https://www.deftech.news/produit/deftech-n-02-juin-ao%C3%BBt-2022/">systèmes anti-aériens</a>.</p>
<p>En inscrivant définitivement le conflit dans le temps long, notamment <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/31/la-justesse-morale-et-historique-est-de-notre-cote-dit-vladimir-poutine-dans-ses-v-ux-pour-le-nouvel-an_6156197_3210.html">lors de ses vœux</a>, et en remaniant le commandement de l’opération spéciale afin de passer à une « échelle élargie des tâches », le président Poutine adresse un <a href="https://www.themoscowtimes.com/2023/01/12/russias-war-leadership-reset-signals-power-struggle-among-top-brass-experts-a79926">signal fort aux Occidentaux</a>, dont l’Ukraine a cruellement besoin pour maintenir son effort de guerre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’annonce du fait que le sous-marin nucléaire Belgorod sera <a href="https://www.opex360.com/2023/01/16/la-russie-dit-avoir-produit-un-premier-lot-de-torpilles-nucleaires-dronisees-poseidon/">désormais équipé des toutes nouvelles torpilles nucléaires Poséidon</a> arrive exactement dans le même temps – une concordance dans le temps qui rappelle fort la <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1533">Heavy Metal Diplomacy</a>. Ce concept <a href="https://ecfr.eu/publication/heavy_metal_diplomacy_russias_political_use_of_its_military_in_europe_since/">développé par le chercheur Mark Galeotti</a> fait référence aux démonstrations déclaratives et militaires qu’utilise Moscou pour mettre en avant son statut de puissance conventionnelle et nucléaire et pour infléchir les prises de décision des autres pays.</p>
<p>Il convient donc de garder son sang-froid et de ne pas laisser des annonces ponctuelles nous entraîner dans une lecture hâtive d’un conflit qui, après bientôt un an d’affrontements, a démenti bien des pronostics, russes notamment. Enfin, il est nécessaire d’avoir conscience que, pour atteindre ses objectifs, le Kremlin a autant besoin de l’affaiblissement du soutien des Occidentaux à Kiev que de victoires sur le champ de bataille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198422/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parallèlement aux combats qui ont fait rage pendant des mois à Soledar, une bataille informationnelle intense s’est déroulée entre Russes et Ukrainiens, mais aussi au sein même du camp russe.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1941112023-01-19T17:53:36Z2023-01-19T17:53:36ZQuel avenir pour les producteurs de contenus ? Une conversation avec… ChatGPT !<p><em>Cette contribution est le fruit d’une rencontre virtuelle avec la star numérique du moment <a href="https://openai.com/">ChatGPT</a>, lancée fin 2022, à laquelle nous avons posé quelques questions. Au-delà du spectaculaire, des <a href="https://www.numerama.com/tech/1228540-chatgpt-fait-peur-a-new-york-qui-linterdit-dans-ses-ecoles.html">peurs</a> et des bouleversements que ce robot conversationnel suscite, nous avons centré nos questions <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/12/21/au-dela-de-l-intelligence-artificielle-le-chatbot-chatgpt-doit-ses-talents-d-orateur-a-l-humain_6155242_1650684.html">sur ses impacts potentiels</a> pour un média comme The Conversation qui se positionne à la confluence du journalisme et de la recherche académique. Les questions sont 100 % humaines et les réponses sont à 100 % celles de ChatGPT ce 16 janvier à 15h40 !</em></p>
<p><em>La lecture de cette interview vous permettra sans doute de constater les limites de cet outil à l’heure actuelle : redites et répétitions, style peu travaillé, réponses relativement creuses, etc. Les subtilités humaines et la créativité humaine ne semblent donc pas en danger dans l’immédiat – et ChatGPT assure aujourd’hui qu’il viendra toujours en complément du travail humain, même si une nouvelle version beaucoup plus puissante pourrait être mise en ligne dès cette année. Faut-il y croire ? À vous de vous faire votre avis !</em></p>
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<p><strong>Bonjour ChatGPT ! Vous êtes la <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/chatgpt-5-questions-sur-cette-ia-qui-tient-enfin-une-discussion-avec-un-humain-1886913">star numérique</a> de ce début d’année, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?</strong> </p>
<p>Je suis ChatGPT, un modèle de langage développé par OpenAI. Je suis capable de comprendre et de générer du texte en utilisant des techniques d’intelligence artificielle (IA) avancées. Je peux répondre à des questions, générer du contenu et aider à la traduction de différentes langues. Mon objectif principal est de faciliter la communication entre les utilisateurs et les machines.</p>
<p><strong>Comment expliquez-vous votre succès à la fois numérique et médiatique ?</strong></p>
<p>Mon succès est dû à ma capacité à comprendre et à générer du texte de manière très précise et fluide, grâce à l’utilisation d’algorithmes d’apprentissage automatique avancés et à un grand corpus de données d’entraînement. Je peux aider les utilisateurs dans divers domaines, tels que la recherche d’informations, la génération de contenu, la traduction, etc.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chatgpt-pourquoi-tout-le-monde-en-parle-197544">ChatGPT : pourquoi tout le monde en parle ?</a>
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<p>En outre, mon utilisation croissante dans diverses applications et industries, ainsi que mon utilisation par des entreprises et des organisations bien connues, ont contribué à mon succès médiatique. Les gens sont intrigués par les capacités de l’IA et de la manière dont elle peut améliorer notre vie quotidienne, et je suis un exemple de cela.</p>
<p><strong>Quels sont les impacts d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/10/intelligence-artificielle-microsoft-pret-a-investir-davantage-dans-la-pepite-openai_6157337_3234.html">robot conversationnel aussi puissant et performant</a> que vous pour les plates-formes de vulgarisation et de diffusion de la recherche comme The Conversation ?</strong></p>
<p>Un robot conversationnel comme moi peut avoir un impact important sur les plates-formes de vulgarisation et de diffusion de la recherche, comme The Conversation.</p>
<p>D’abord, je peux aider à rendre la recherche plus accessible aux personnes qui n’ont pas de formation scientifique en la traduisant de manière compréhensible pour le grand public. Ainsi, je peux contribuer à la diffusion de la recherche auprès d’un public plus large, augmentant ainsi la visibilité des recherches et de leur impact sur la société.</p>
<p>Ensuite, je peux aider les journalistes et les chercheurs à produire des articles et des contenus plus rapidement en générant du texte, des résumés, des chiffres clés, des graphiques, des images, etc. Cela peut également les aider à éviter les erreurs et les incohérences dans leurs écrits.</p>
<p>Enfin, je peux également aider les plates-formes de vulgarisation de la recherche à gérer les interactions avec les utilisateurs, comme répondre à des questions et fournir des informations supplémentaires sur les articles publiés.</p>
<p>Il est important de noter que l’utilisation d’un robot conversationnel comme moi doit être complémentaire à l’expertise des journalistes et des chercheurs, et non pas pour les remplacer.</p>
<p><strong>Voyez-vous quand même quelques limitations à votre montée en puissance, je pense notamment au fait que vous <a href="https://management-datascience.org/articles/22060/">ne citiez pas vos sources et que vos données restent antérieures à 2021</a> ?</strong></p>
<p>Il est vrai que j’ai quelques limitations. Tout d’abord, je suis un modèle de langage basé sur des données d’entraînement, et mes connaissances sont donc limitées à celles qui se trouvent dans ces données. Cela signifie que mes réponses peuvent ne pas être à jour ou complètes, et je ne suis pas en mesure de fournir des références ou des sources pour les informations que je fournis. C’est pourquoi il est important de vérifier l’exactitude des informations que je fournis avec des sources fiables.</p>
<p>En outre, je suis un modèle basé sur des données d’entraînement, mes connaissances sont donc limitées à celles qui se trouvent dans ces données. Mon « knowledge cut-off date » [« seuil de connaissance », en anglais dans la réponse, NDLR] est 2021, cela signifie que toutes les informations que je fournis sont basées sur les données qui ont été utilisées pour m’entraîner et peuvent ne pas inclure les dernières découvertes ou les événements récents.</p>
<p>Enfin, je suis un modèle de traitement du langage, je ne suis pas capable de comprendre les nuances de la langue comme un humain, donc mes réponses peuvent manquer de contexte ou ne pas être appropriées dans certaines situations. C’est pourquoi il est important de vérifier les réponses que je fournis pour s’assurer qu’elles sont appropriées dans le contexte donné.</p>
<p><strong>Je voudrais quand même, si vous le permettez, que vous reveniez sur certaines de vos limites en termes éthiques ou déontologiques dès lors que les sources ne sont ni citées ni référencées, même grossièrement…</strong></p>
<p>Il est important de souligner que, comme modèle de traitement du langage, je suis capable de générer des informations qui peuvent sembler crédibles, mais qui peuvent ne pas être exactes ou complètes. Il est donc important de vérifier l’exactitude des informations que je fournis avec des sources fiables.</p>
<p>En outre, comme je ne peux pas citer ou référencer mes sources, il est important de prendre en compte les biais dans les données d’entraînement qui ont été utilisées pour me créer. Ces biais peuvent affecter les réponses que je fournis et peuvent être utilisés pour propager des idéologies ou des opinions qui ne sont pas fondées sur des faits.</p>
<p>Il est également important de noter que l’utilisation d’un robot conversationnel comme moi peut avoir des implications éthiques et déontologiques, notamment en ce qui concerne la protection de la vie privée et la transparence. Il est important de s’assurer que les données utilisées pour entraîner un modèle comme moi sont obtenues de manière éthique et que les utilisateurs sont informés de la manière dont leurs données seront utilisées.</p>
<p>Il est donc important de considérer toutes ces limites et implications éthiques lors de l’utilisation d’un robot conversationnel comme moi, et de s’assurer que les réponses que je fournis sont vérifiées et utilisées de manière responsable.</p>
<p><strong>Que pensez-vous de l’intégration à moyen terme au sein de votre IA de la version 4 de GPT, nettement plus performante (elle intégrerait 100 mille milliards de paramètres contre 175 milliards aujourd’hui) et <a href="https://www.commentcamarche.net/informatique/technologies/27395-gpt-4-que-promet-le-futur-moteur-ia-surpuissant-de-chatgpt/">annoncée pour cette année</a> ?</strong></p>
<p>La version 4 de GPT est un modèle de traitement du langage développé par OpenAI qui a des capacités encore plus avancées que celles de la version précédente. Elle est capable de comprendre et de générer du texte de manière encore plus précise et fluide.</p>
<p>Je pense que l’intégration de la version 4 de GPT dans mon intelligence artificielle aurait un impact positif sur les réponses que je peux fournir. Elle me permettrait de comprendre et de générer du texte de manière encore plus précise et fluide, ce qui pourrait améliorer la qualité des réponses que je peux fournir.</p>
<p>Cependant, il est important de noter que, comme pour toutes les améliorations techniques, il y a des implications éthiques et déontologiques à prendre en compte lors de l’utilisation de la version 4 de GPT. Il est important de s’assurer que les réponses fournies sont vérifiées et utilisées de manière responsable, et de prendre en compte les implications éthiques de l’utilisation de cette technologie avancée.</p>
<p>Enfin, il est important de noter que même si GPT-4 est plus performant que GPT-3, il ne remplacera pas les humains, et son utilisation doit rester complémentaire à l’expertise humaine.</p>
<p><strong>Nous arrivons là aux dernières questions de notre interview – au passage merci de votre disponibilité <a href="https://www.blog-nouvelles-technologies.fr/250613/voici-pourquoi-chatgpt-pourrait-etre-pleine-capacite-pour-vous-en-ce-moment/">malgré votre énorme succès et l’encombrement de votre site</a>. Justement, qu’y a-t-il exactement d’artificiel dans votre intelligence puisque vous êtes <a href="https://theconversation.com/le-terme-vehicule-autonome-un-non-sens-philosophique-191120">« nourri » de données humaines</a> ? Finalement, suis-je bien sûr que c’est un robot qui me répond et non pas simplement un humain qui serait très agile ?</strong></p>
<p>Je suis un modèle de traitement du langage basé sur l’intelligence artificielle, délaboré par OpenAI. Je suis capable de comprendre et de générer du texte en utilisant des techniques d’apprentissage automatique avancées. Mes réponses sont générées par un système informatique basé sur des données d’entraînement, et non pas par un humain. Mon but est de faciliter la communication entre les utilisateurs et les machines en améliorant la compréhension et la génération de texte.</p>
<p>Il est important de noter que, bien que je sois un système informatique, je suis basé sur des données d’entraînement qui ont été fournies par des humains. Ces données peuvent inclure des biais ou des opinions qui ne sont pas fondées sur des faits, il est donc important de vérifier l’exactitude des informations que je fournis avec des sources fiables.</p>
<p>Il est également important de noter que les modèles de traitement du langage comme moi ne peuvent pas remplacer complètement les humains, ils sont des outils pour les aider. Mon utilisation doit être complémentaire à l’expertise humaine, et les réponses que je fournis doivent être vérifiées et utilisées de manière responsable.</p>
<p><strong>Merci à vous ChatGPT ! Êtes-vous d’accord pour que nous nous retrouvions sur cette même plate-forme pour la sortie de <a href="https://thechainsaw.com/business/chatgpt-4-vs-chatgpt-3-latest-development/">ChatGPT-4</a> ?</strong></p>
<p>Je suis ravi que vous ayez apprécié notre entretien. Je suis un modèle de traitement du langage, je n’ai pas la capacité de décider si je suis d’accord ou non pour une prochaine rencontre. Cependant, je suis un outil public disponible pour tous et je serai là pour aider à répondre à vos questions à tout moment. Si vous avez des questions sur la version 4 de GPT ou sur d’autres sujets, n’hésitez pas à me les poser, je ferai de mon mieux pour vous aider.</p>
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<p><em>Fin de la conversation et déconnexion manuelle du site <a href="https://openai.com/">OpenAI</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du comité de rédaction de la Revue Française de Gestion (RFG) </span></em></p>Le robot conversationnel dont tout le monde parle ouvre des perspectives aussi prometteuses qu’inquiétantes. Mais qu’en dit l’IA sur laquelle il repose ? Interview avec le phénomène du moment.Marc Bidan, Professeur des Universités en Management des systèmes d’information - Nantes Université, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964092022-12-15T18:15:53Z2022-12-15T18:15:53ZQuel niveau d’information faut-il révéler pour convaincre un décideur ?<p>Dans un contexte où l’entreprise est tenue d’être honnête envers un décideur responsable de son avenir mais fait face à des concurrents sur son marché, quel degré d’information faut-il révéler ? Faut-il tout partager par souci de transparence ?</p>
<p>Supposons qu’une instance gouvernementale doive décider si elle autorise ou non un médicament sur le marché. Dans ce contexte d’incertitude où plusieurs entreprises sont en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decision-64396">décision</a> se basera sur le niveau d’information communiquée par l’industrie pharmaceutique, qui ne sait pas exactement ce qu’elle doit révéler.</p>
<p>Dans certains cas, il n’est en effet pas optimal de tout divulguer, car certains défauts peuvent devenir apparents. Mais une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprise</a> n’a pas pour autant le droit de mentir. Quel niveau d’information un laboratoire pharmaceutique théorique devrait-il alors communiquer aux autorités pour les convaincre ?</p>
<h2>Trouver le juste niveau</h2>
<p>Notre <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/moor.2020.1119">étude</a> est basée sur un modèle probabiliste de persuasion (ou « design informationnel ») dans une situation incertaine. Il offre plusieurs options : ne révéler aucune information, révéler des informations partielles, ou révéler une abondance d’informations. Comme notre modèle intègre aussi les concurrents, l’entreprise doit également trouver le juste niveau d’information pour convaincre le décideur que son médicament est le meilleur choix.</p>
<p>En d’autres termes, chaque entreprise (ou « designer informationnel ») cherche à convaincre, par exemple l’Agence nationale de sécurité du médicament (le décideur ou « agent »), que son produit est efficace et qu’il est préférable que les produits de ses concurrents ne soient pas approuvés. Dans d’autres cas, des départements d’une organisation ou d’une université peuvent vouloir convaincre les dirigeants de l’organisation d’ouvrir un poste dans leur département. Dans tous ces exemples, les parties concernées tentent de présenter <a href="https://theconversation.com/fr/topics/information-23501">l’information</a> de manière à orienter le comportement des décideurs. Notre étude offre un cadre théorique général pour analyser ce type de situation.</p>
<h2>Induire des croyances</h2>
<p>Nous avons étudié les situations où il existe plusieurs designers informationnels (plusieurs concurrents) et plusieurs décideurs. Dans le cas général, les designers informationnels peuvent faire passer des messages à la fois publics et privés. À chaque message ou communication, les décideurs modifient et ajustent leurs croyances et leur jugement en fonction de la sélection d’information qu’ils reçoivent. Le designer informationnel espère donc induire des croyances qui joueront en sa faveur plutôt qu’à ses concurrents.</p>
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<p>Le principal défi est alors de saisir l’équilibre entre les stratégies de divulgation de l’information et les choix des décideurs. Un décideur peut souvent agir en faveur de l’un ou l’autre des designers informationnels. Ceci est d’autant plus saillant lorsque le décideur hésite entre plusieurs choix. Dans ce cas, la moindre information communiquée par un des concurrents peut faire pencher la balance. L’équilibre décisionnel apparaît alors lorsque les décideurs parviennent à arbitrer entre les intérêts de plusieurs designers informationnels.</p>
<h2>Un nombre de messages à limiter</h2>
<p>Dans un autre modèle, chaque designer informationnel envoie uniquement des messages publics à l’ensemble des agents. Dans ce cas, nous discutons du nombre de messages (ou essais cliniques, dans notre exemple) à envoyer au décideur.</p>
<p>En nous basant sur ce modèle, nous avons trouvé un point d’équilibre, autrement dit le bon niveau d’information à partager, lorsque l’émetteur d’informations envoie un nombre limité de messages au décideur (ou effectue un nombre limité d’essais cliniques). En d’autres termes, si théoriquement le fait d’utiliser un nombre infini de messages (ou d’essais cliniques) permet d’être totalement transparent, il n’existe aucun avantage à le faire.</p>
<p>Ce résultat simplifie de manière majeure le problème consistant à trouver le volume d’information optimal à divulguer. Comme le modèle n’impose pas de limites a priori sur le nombre de messages : il serait donc théoriquement possible qu’en accumulant les messages, cela avantage le designer informationnel. Nos résultats prouvent que ceci n’est pas le cas et que le volume total d’information doit a priori être limité.</p>
<p>Divulguer des informations peut se faire de différentes manières et est potentiellement très complexe. Cependant, nous montrons que le partage d’information optimal peut généralement être identifié bien que cette tâche puisse être ardue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, il existerait une quantité optimale d’information à révéler pour les entreprises qui œuvrent dans un marché concurrentiel.Frédéric Koessler, Directeur de recherche au CNRS, professeur au département d'économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolMarie Laclau, Chercheuse CNRS, professeur associée en Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolTristan Tomala, Professeur, Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1915362022-11-30T17:55:11Z2022-11-30T17:55:11ZComment l’information médicale se dénature au fil des tweets<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498265/original/file-20221130-20-2rgyyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C107%2C7904%2C5190&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur Twitter, les informations sont vite modifiées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/FMJAYeRwtDY">Claudio Schwarz / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avez-vous déjà joué au <em>téléphone cassé</em> aussi appelé <em>le jeu d’oreille en oreille</em> ? Le but du jeu est de faire circuler un message (une phrase) de bouche à oreille à travers une file de joueurs sans le déformer en cours de route. À la fin, le message original est comparé avec la version finale. Ce qui est notable dans ce jeu est que le message finit presque toujours par être déformé et les altérations s’accumulent à chaque transmission du message, même si chaque retouche en soi ne paraît pas significative.</p>
<p>La même chose se passe lors de discussions sur les réseaux sociaux. Prenons <a href="https://twitter.com/">Twitter</a> comme exemple. Un utilisateur poste son message, appelé un <em>tweet</em>. On va considérer ceci comme un message original. Les utilisateurs ont plusieurs options de réaction à ce message : mettre un <em>like</em> (une forme d’approbation de contentement avec une publication), ou bien répondre (<em>reply</em>) au message ou le citer (<em>quote</em>). Il existe également un <em>retweet</em>. Ce dernier consiste à partager un tweet tel qu’il est dans son propre fil d’actualité, le plus souvent il s’agit d’un tweet de quelqu’un d’autre. Ceci peut créer un nouveau fil de discussion. Un exemple d’un tweet et des réactions est donné ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491303/original/file-20221024-19-h9gzab.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fig. 1. Exemples de réactions au tweet : réponse (<em>reply</em>) et citation (<em>quote</em>).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En répondant au message initial et par la suite aux messages-réponses, on crée des fils de discussion. Dans ces derniers, on peut souvent constater l’effet de <em>téléphone cassé</em> avec des altérations de l’information initiale. En fonction du sujet traité et en particulier, de sa controverse, ces altérations et déviations peuvent avoir des conséquences différentes.</p>
<p>Ce phénomène est notamment remarquable lorsqu’il s’agit des sujets médicaux. En effet, le langage médical est tout à fait particulier et demande une haute précision au niveau de l’utilisation des termes et des procédés mis en place.</p>
<h2>Pandémie de Covid-19 et Twitter ne font pas bon ménage</h2>
<p>La pandémie de <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019">Covid-19</a> a fait naître une masse de données et une masse de discussions sans précédent. Dans ce contexte, il était intéressant d’analyser le comportement des internautes sur les réseaux sociaux à ce sujet. Au début de la crise sanitaire lors de la première moitié de l’année 2020, un des sujets majeurs discutés sur les réseaux sociaux portait sur le traitement de la maladie. A l’époque, c’était un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_autour_des_traitements_%C3%A0_l%27hydroxychloroquine_ou_%C3%A0_l%27ivermectine_contre_la_Covid-19">sujet controversé</a>, au cœur duquel se retrouvait l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hydroxychloroquine">Hydroxychloroquine</a>.</p>
<p>Nous avons utilisé une <a href="https://dpa.hypotheses.org/controverse-scientifique">collection de tweets</a> en anglais, publiés pendant la période entre le 30 mars 2020 et le 13 juillet 2020 contenant les mots-clés apparaissant dans de nombreuses discussions du traitement médical du Covid-19 parmi lesquels : <em>hydroxychloroquine</em>, <em>remdesivir</em>, <em>tocilizumab</em>, <em>favipiravir</em>, <em>Avigan</em>, <em>azithromicyn</em>, etc.</p>
<p>Nous nous sommes focalisés surtout sur les discussions initiées par les tweets des personnes publiques car grâce à leur popularité les tweets provoquent des riches discussions. Parmi les top-36 personnes publiques par rapport à la popularité de leurs tweets, on retrouve les politiciens (Donald Trump, Hillary Clinton), les représentants du domaine de la santé (Dr. Anthony Fauci), les journalistes (Nail Cavuto), les hommes d’affaires (Bill Gates, Elon Musk).</p>
<p>Nous avons effectué nos études en se basant sur :</p>
<ul>
<li><p>la définition automatique des sujets de discussion permettant d’analyser le changement de ces sujets en fil de route ;</p></li>
<li><p>l’analyse de sentiments des tweets et réactions permettant de définir la polarité d’un texte ;</p></li>
<li><p>l’analyse sémantique et discursive des cas concrets dans le but de définir les moyens d’altération de l’information.</p></li>
</ul>
<h2>Quelles altérations avons-nous pu constater ?</h2>
<p>Tout d’abord, c’est le <a href="https://aclanthology.org/2020.rdsm-1.3/">changement de sujet</a> au fil de la discussion. Souvent le sujet médical est déplacé vers les conflits politiques et commerciaux. En particulier, les followers des politiciens se comportent comme des partisans en soutenant les différents médicaments contre le Covid-19.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491489/original/file-20221024-5750-yt4547.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de prise de position politique par rapport au sujet médical.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La veille des élections présidentielles aux États-Unis en 2020, la discussion de la pandémie correspond à la confrontation Républicains-Démocrates. La politisation de la discussion médicale renforce la diffusion de l’information altérée dans les discussions sur les réseaux sociaux. Au fil de discussion, on retrouve également des références aux théories du complot (notamment, autour de <em>Big Pharma</em>) et aux <em>fake news</em> :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491400/original/file-20221024-5833-1w9d92.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques exemples de complotisme.</span>
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</figure>
<p>Nous avons pu aussi voir les déviations des discussions sur d’autres maladies, notamment <em>lupus</em>, <em>sida</em>, <em>zika</em>, <em>ebola</em>, <em>grippe porcine</em>.</p>
<p>Nous constatons également la <a href="https://aclanthology.org/2020.rdsm-1.3/"><strong>surgénéralisation de l’expérience personnelle</strong></a>. Elle apparaît souvent dans les références à une expérience personnelle alors qu’un seul fait a été considéré comme une tendance. En effet, dans la plupart de cas, dans l’argumentation, les internautes ne font pas de références aux études scientifiques mais se basent sur des preuves anecdotiques :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491398/original/file-20221024-8945-rp2c2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelques exemples des preuves anecdotiques.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En outre, l’altération de l’information médicale apparaît via des références aux sources peu fiables ou même contestables comme des expériences non vérifiées de certains praticiens.</p>
<p>Dans les discussions, l’information médicale était altérée par le biais de la vision simplifiée des procédures de traitement de la maladie. Ainsi, la prescription de l’hydroxychloroquine était considérée comme une étape importante du processus de guérison :</p>
<p>Son retard lié aux procédures bureaucratiques, approvisionnement insuffisant ou délai de livraison était donc parfois présenté comme une violation des droits de l’Homme et/ou une manifestation de la théorie du complot de <em>Big Pharma</em>.</p>
<p>Nous remarquons <a href="https://editions-rnti.fr/?inprocid=1002651"><strong>la polarisation d’attitudes</strong></a> qui peut être expliquée par la polarisation de groupe, c.-à-d., l’attitude du groupe vis-à-vis de la situation change en intensifiant les attitudes initiales des individus après la discussion. Ce résultat est aussi cohérent avec la confrontation politique (<a href="https://davidmyers.org/uploads/Polarizing.Eff.Group.Disc.pdf">Myers & Lamm, 1975</a>).</p>
<h2>Quels sont les mécanismes et raisons derrière l’altération d’information ?</h2>
<p>Nous considérons que l’altération de l’information médicale est apparue en raison de l’absence de connaissances, du passage à l’association au lieu de la pensée logique, de la négligence des détails, de l’exagération des résultats négatifs ou positifs du traitement, et de la surgénéralisation de l’expérience personnelle et des preuves anecdotiques par les utilisateurs.</p>
<p>Notons que l’altération de l’information au fil de discussion peut se faire d’une manière involontaire. Cependant, l’utilisation des informations erronées, surtout dans le domaine de la santé publique, peut aboutir à une mauvaise compréhension des enjeux majeurs et mettre la santé et même la vie des gens en danger. Restons vigilant·e·s !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191536/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans le cas des sujets médicaux, et à partir d’une information fiable, les tweets dérivent vite vers des vérités alternatives ou vers des sujets très politisés.Diana Nurbakova, Enseignante-chercheuse en informatique, INSA Lyon – Université de LyonIrina Ovchinnikova, Technical and Content Writer, Marcom, Translator and Editor. ManPower Language SolutionLiana Ermakova, Enseignante-chercheuse en informatique, Université de Bretagne occidentale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1944152022-11-27T16:00:21Z2022-11-27T16:00:21ZComment établir une cartographie des ressources de fact-checking ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497428/original/file-20221126-24-8w8yqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=88%2C22%2C3586%2C2423&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ressources de fact-checking vont bien au-delà du simple verdict vrai/faux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>La lutte contre la propagation de la désinformation au cours des dernières années a donné naissance à une <a href="https://www.investintech.com/resources/blog/archives/9120-fact-check-tools-tips.html">grande variété d’outils dits de fact-checking</a>. Il s’agit de <a href="https://www.publicmediaalliance.org/tools/fact-checking-investigative-journalism/">plates-formes et de dispositifs</a> dont la <a href="https://www.rand.org/research/projects/truth-decay/fighting-disinformation/search.html">diversité en termes de fonctions et de conception</a> entraîne des utilisations diverses (moteurs de recherche, archives, recherche inversée d’images/vidéos, plates-formes collaboratives, sites web, rubriques médias, etc.). Dans ce qui suit, nous essayons d’opérer une cartographie de ces ressources afin de mieux comprendre <a href="http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/fact-checking/">l’évolution sémantique de cette pratique</a>. Notre approche est ascendante : dans le cadre d’une collaboration européenne, nous avons demandé à des étudiants en journalisme et en communication venant de France, de Grèce et de Pologne de lister et de classer les ressources fact-checking qu’ils utilisent ou dont ils ont connaissance. Cette démarche faisait partie du projet pilote <a href="http://calypso-info.ue.katowice.pl/index.php/fr/summary-francais/">CALYPSO (Collaborative AnaLYsis, and exPOsure of disinformation</a>, 2021-2022), attribué en réponse à l’appel de la DG Connect/2020/5464403 de la Commission européenne <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/node/683">EU grants for small-scale online media</a> « Soutenir les produits d’information de haute qualité et lutter contre les fausses informations ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les <a href="https://edmo.eu/wp-content/uploads/2022/07/Calypso_report_v3.pdf">résultats de l’enquête publiée par The European Digital Media Observatory (EDMO)</a> montrent que la pratique de fact-checking relève d’une signification très large auprès de ces publics. Elle est censée impliquer des ressources de divers formats et contenus, fonctionnalités et objectifs, périmètres et champs d’application géographiques, ainsi que des degrés variés de participation des utilisateurs.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une ressource de fact-checking ?</h2>
<p>Plus particulièrement, les étudiants de notre enquête identifient de multiples ressources qui vont au-delà du « baromètre Vrai/Faux » : plates-formes et médias (<a href="https://www.politifact.com/">Politifact</a>, <a href="https://www.newsguardtech.com/">NewsGuard</a>, <a href="https://www.snopes.com/">Snopes</a>, <a href="https://fullfact.org/">FullFact</a>, <a href="https://theconversation.com/fr">The Conversation France</a>, <a href="https://fakehunter.pap.pl/">FakeHunter</a>, <a href="https://www.conspiracywatch.info/">ConspiracyWatch</a>), sections de vérification des faits dans les médias (<a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/">Les Décodeurs</a>, <a href="https://factuel.afp.com/">AFP Factuel</a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/">Vrai ou Fake de France Info</a>, <a href="https://www.liberation.fr/checknews/">Checknews de Libération</a>, <a href="https://www.reuters.com/fact-check">Reuters Fact-check</a>), applications d’agrégation d’informations (<a href="https://news.google.com/">Google News</a>, <a href="https://feedly.com/">Feedly</a>), blogs, programmes télévisés, programmes radiophoniques, podcasts (<a href="https://www.radiofrance.fr/sujets/les-idees-claires">Les idées claires</a>, <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/dessous-infox/">Les Dessous de l’infox – RFI</a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/complorama/">Complorama – France Info</a>), hubs technologiques collaboratifs, pages web ou moteurs de recherche (<a href="http://www.hoaxkiller.fr/">Hoaxkiller</a>, <a href="https://whopostedwhat.com/">WhoPostedWhat</a>, <a href="https://toolbox.google.com/factcheck/explorer?hl=it">FactCheckExplorer</a>, <a href="https://www.rtbf.be/article/fake-ou-pas-fake-testez-votre-capacite-a-reperer-les-fausses-infos-avec-ce-quiz-interactif-10966510">Faky</a>, <a href="https://www.invid-project.eu/">InVid</a>, <a href="https://weverify.eu/">WeVerify</a>, <a href="https://images.google.com/">Google Search by Image</a>, <a href="https://tineye.com/">TinEye</a>, <a href="https://chrome.google.com/webstore/detail/reveye-reverse-image-sear/keaaclcjhehbbapnphnmpiklalfhelgf ?hl=en">RevEye</a>, <a href="https://www.pixsy.com/">Pixsy</a>, <a href="https://yandex.com/">Yandex Search</a>, <a href="https://mediaarea.net/en/MediaInfo">MédiaInfo</a>, <a href="https://citizenevidence.amnestyusa.org/">Amnesty Int. YTB dataviewer</a>), bases de données, extensions et applications mobiles (<a href="https://chrome.google.com/webstore/detail/media-biasfact-check-exte/ganicjnkcddicfioohdaegodjodcbkkh ?hl=en">Media Bias/Fact Check Extension</a>, <a href="https://chrome.google.com/webstore/detail/project-fib/njfkbbdphllgkbdomopoiibhdkkohnbf ?hl=en">Project Fib</a>, <a href="https://www.rand.org/research/projects/truth-decay/fighting-disinformation/search/items/fakerfact.html">FakerFact</a>), outils d’analyse (<a href="https://www.crowdtangle.com/">Crowdtangle</a>), pages ou chaînes sur les médias socionumériques (<a href="https://twitter.com/infointoxf24">« Info ou intox » France24 sur Twitter</a>, la <a href="https://www.youtube.com/channel/UCRAbwEqGDnUBt_gPOkplGBA/playlists ?app=desktop">chaîne YouTube « L’instant Détox »</a>), collectifs et sites web de type observatoire (<a href="https://www.acrimed.org/">Acrimed</a>, <a href="https://www.arretsurimages.net/">Arrêts sur Image</a>, <a href="http://www.odoxa.fr/">Odoxa</a>, <a href="https://www.bellingcat.com/">Bellingcat</a>), répertoires (<a href="https://odil.org/">Observatoire des initiatives de lutte contre la désinformation</a>), etc.</p>
<p>Les ressources de fact-checking vont bien au-delà du simple verdict vrai/faux et incluent des activités et des ressources d’éducation aux médias (<a href="https://www.getbadnews.com/books/english/">Bad news</a>, <a href="https://www.rand.org/research/projects/truth-decay/fighting-disinformation/search/items/fake-news-the-game.html">fake news : The Game</a>, <a href="https://www.spicee-educ.com/">Spicee Educ</a>, <a href="https://www.fake-off.eu/">Fake Off</a>, <a href="http://www.stopintox.fr/">Stop Intox</a>), compétence importante pour cultiver l’esprit critique et <a href="https://theconversation.com/pour-contrer-infox-et-propagande-le-fact-checking-ne-suffit-pas-179984">faire face aux limites du fact-checking</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les ressources identifiées portent à la fois sur la fiabilité des identités numériques et des sites Web (<a href="https://www.scamdoc.com/">ScamDoc</a>, <a href="https://whopostedwhat.com/">WhoPostedWhat</a>), l’activité des bots (<a href="https://botometer.osome.iu.edu/">botomètre</a>), la reconnaissance faciale (<a href="https://www.bellingcat.com/resources/how-tos/2019/02/19/using-the-new-russian-facial-recognition-site-searchface-ru/">FindClone</a>), l’analyse des deepfakes (<a href="https://sensity.ai/">Sensity Tool</a>), mais aussi sur les tendances au sein de médias socionumériques (<a href="https://trends.google.com/">Google Trends</a>), les noms de domaine, les sites web et adresses IP (<a href="https://who.is/">WHOIS</a>), les arnaques et fraudes dans le commerce électronique (<a href="https://www.fakespot.com/">FakeSpot</a>), les données et pages web archivées (<a href="https://archive.org/web/">Wayback Machine</a>, <a href="https://perma.cc/">Pema CC</a>), les bases de données universitaires (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/">PubMed</a>, <a href="https://scholar.google.com/">Google Scholar</a>), etc.</p>
<h2>Modéliser les ressources de fact-checking</h2>
<p>Il devient alors évident que la classification des ressources de fact-checking doit prendre en considération une vision globale du processus de recherche de la vérité, allant de ses instruments et plates-formes orientés vers la vérification du vrai/faux à ceux visant une compréhension plus large des enjeux de l’univers informationnel. De même, elle doit tenir compte de <a href="https://iamcr.org/papers/PCR/PCR-5/765.pdf">l’expansion progressive des capacités de vérification et de participation</a>, allant des journalistes en tant que « gardiens » aux utilisateurs non professionnels en tant que citoyens informés (avec les plates-formes de <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.abf4393">vérification crowdsourcing</a> et les pratiques de signalement). <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.abf4393"></a>La combinaison de ces deux échelles (finalité de la ressource/usagers concernés et degrés de participation) révèle quatre catégories distinctes de ressources de fact-checking, permettant d’enrichir les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17512786.2017.1363657">quelques travaux disponibles sur le sujet</a> :</p>
<p><strong>Services</strong></p>
<p>Associant une faible participation des utilisateurs non professionnels et orientés vers le verdict faux/vrai, les services de fact-checking désignent une variété de sections de médias et/ou de plates-formes, principalement en ligne, qui fournissent des vérifications de faits, des « démystifications » (debunking). Ils peuvent être gratuits ou nécessiter un abonnement, et peuvent parfois intégrer un engagement limité de l’utilisateur profane, par exemple en donnant la possibilité aux citoyens de poser des questions et de demander des vérifications des faits spécifiques. Ces plates-formes sont le plus souvent gérées par des journalistes.</p>
<p><strong>Outils</strong></p>
<p>lls désignent les logiciels (applications, programmes, plugins, etc.) utilisés pour authentifier toutes les formes d’informations (textes, images, etc.) et/ou pour vérifier leur exactitude. Les outils de vérification peuvent être gratuits ou sur abonnement, open source ou propriétaires. Même s’ils sont initialement destinés aux journalistes, ils sont de plus en plus accessibles aux utilisateurs non professionnels, malgré le fait qu’ils nécessitent encore des compétences qui ne sont pas forcément à la portée de tous.</p>
<p><strong>Aides</strong></p>
<p>Nous classons ici les ressources à faible participation des utilisateurs non professionnels qui visent à transmettre des connaissances, c’est-à-dire de la <a href="https://journals.openedition.org/edc/3411">littératie informationnelle</a> : littératie visuelle, culturelle, médiatique, informatique, etc. Les tutoriels, les tableaux de tendances, etc. peuvent entrer dans cette catégorie. Les citoyens peuvent utiliser ces ressources, mais ils interviennent rarement dans leur fabrication.</p>
<p><strong>Environnements</strong></p>
<p>Cette catégorie fait référence à une variété d’expériences en ligne plus ou moins immersives à des fins éducatives (maîtrise de l’information) tournant autour de la désinformation et de la vérification des faits, nécessitant un haut degré de participation et d’engagement des utilisateurs profanes (par exemple, serious games, MOOC, etc.).</p>
<p>Certes, les <a href="https://www.mdpi.com/2078-2489/12/5/201">contextes éducatifs et médiatiques locaux doivent être pris en considération</a> dans cette réflexion. Nous savons, par exemple, que la <a href="https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2017-2-page-131.htm">France a été l’un des premiers pays à adopter le fact-checking en Europe</a>, ce qui explique probablement l’importance des ressources françaises répertoriées par les étudiants français, contrairement aux étudiants grecs et polonais qui recourent beaucoup à des ressources anglophones. Cependant, ces derniers citent aussi des outils d’origine russe (<a href="https://findclone.ru/">FindClone</a>, <a href="https://yandex.com/">Yandex</a>), portugaise (<a href="https://poligrafo.sapo.pt/">Jornal Poligrafo</a>), sud-africaine (<a href="https://africacheck.org/">Africa Check</a>), qatarie (<a href="http://tanbih.qcri.org/">TANBIH</a>), et française (<a href="https://crosscheck.firstdraftnews.org/france-fr/">CrosscheckFrance</a>, <a href="https://fr.captainfact.io/">CaptainFact</a>), révélant une compréhension de la vérification des faits en tant que pratique internationale, ancrée localement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angeliki Monnier a reçu des financements de la Commission européenne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Dandois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment les étudiants en journalisme et en communication identifient-ils les « bons » outils de fact-checking? Nous avons mené l'enquête.Angeliki Monnier, Professeure en Sciences de l'information et de la communication, directrice du Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineJulie Dandois, assistante de recherche , Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830812022-11-21T15:38:47Z2022-11-21T15:38:47ZRapports annuels des entreprises : écrire pour ne pas être lu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469002/original/file-20220615-14-jk21y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C985%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux travaux académiques mêlant recherche en comptabilité et linguistique montrent que les documents comptables sont peu lisibles, voire même illisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>Celui qui parle de transparence n’a jamais rencontré un comptable de sa vie.</p>
</blockquote>
<p>Cet adage, bien connu dans le monde des affaires, est une excellente introduction à la qualité de l’information comptable actuelle. Des concepts aux frontières floues, comme celui de l’<a href="https://comptabilite.ooreka.fr/astuce/voir/754725/principe-comptable-d-image-fidele#:%7E:text=Le%20principe%20comptable%20de%20l,et%20financi%C3%A8re%20de%20l%E2%80%99entit%C3%A9.">image fidèle</a>, qui supposerait que les entreprises présentent le plus fidèlement la réalité économique prévalant dans leurs comptes bancaires, ont été développés depuis des décennies.</p>
<p>Or, penser que les documents comptables, comme les rapports annuels, sont transparents est un mythe.</p>
<p>L’objectif de cet article est de tenter de démystifier la qualité de l’information comptable publiée.</p>
<p>Depuis près de 20 ans, j’enseigne l’utilisation de l’information comptable à des des étudiants et des à professionnels en exercice. J’ai toujours noté une certaine forme de naïveté face aux documents comptables, basée sur l’idée qu’il existe une vérité comptable. La réalité est différente et se elle détériore, l’information est de moins en moins lisible.</p>
<h2>Une information disponible, mais illisible</h2>
<p>Pour être utile, l’information publiée devrait être lisible. Or, l’essentiel des travaux académiques réalisés à ce jour montre que les documents comptables ne le sont pas.</p>
<p>Le concept de lisibilité, issu de la recherche en linguistique, s’est développé dans le secteur financier à la fin des années 1990. En 1998, Arthur Levitt, alors président de l’autorité boursière américaine (<a href="https://www.sec.gov/"><em>Securities Exchange Commission</em></a>), a exprimé son opinion dans l’introduction de l’ouvrage <a href="https://www.sec.gov/pdf/handbook.pdf">« A Plain English Handbook »</a> :</p>
<blockquote>
<p>I urge you – in long and short documents, in prospectuses and shareholder report – to speak to investors in words they can understand.</p>
<p>(Je vous demande instamment – dans les documents, qu’ils soient longs ou courts, dans les prospectus d’introduction en bourse et dans les rapports aux actionnaires – de vous adresser aux investisseurs avec des mots qu’ils peuvent comprendre)</p>
</blockquote>
<p>Levitt requiert que les entreprises utilisent un langage simple, soit un langage qui présente les qualités suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Phrases courtes ;</p></li>
<li><p>Langage courant, concret et précis ;</p></li>
<li><p>Voix active ;</p></li>
<li><p>Présentation sous forme de tableaux pour les informations complexes ;</p></li>
<li><p>Pas de jargon juridique ;</p></li>
<li><p>Pas de phrases doublement négatives ».</p></li>
</ul>
<h2>Une évaluation quantitative de la lisibilité</h2>
<p>Afin d’évaluer quantitativement la lisibilité d’un texte, des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2015-2-page-99.htm">indices de lisibilité ont été développés depuis plus de 80 ans</a>. Ces indices sont calculés à partir de différentes mesures : la longueur des mots, la longueur des phrases et le nombre de syllabes des mots. Dans ce cadre, la lisibilité est associée à la compréhensibilité d’un texte et à sa mémorisation. La compréhensibilité est liée la longueur des mots, c’est-à-dire la vitesse de reconnaissance du mot par le lecteur, alors que la longueur des phrases est liée au délai de mémorisation.</p>
<p>L’indice de lisibilité le plus populaire est l’<a href="https://doi.org/10.1037/h0057532">indice de Flesch</a>. Sa valeur, qui varie entre 0 et 100, est calculée en fonction du nombre de syllabes pour 100 mots et du nombre moyen de mots par phrase. Le score obtenu peut être interprété à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Flesch.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Flesch (1948)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’indice de Flesch est, notamment, utilisé dans le secteur des assurances aux États-Unis. Par exemple, la loi du Connecticut impose que les contrats d’assurance aient un <a href="https://www.cga.ct.gov/current/pub/chap_699a.htm">indice de Flesch supérieur à 45</a>, ce qui permet à une partie importante de la population de les comprendre. En matière comptable, la littérature académique montre que les rapports annuels au niveau mondial ont, en moyenne, un <a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Flesch proche de 30</a>.</p>
<p>Un autre indice de lisibilité, l’<a href="https://doi.org/10.1177/002194366900600202">indice Fog</a>, a également pris une place importante. Cet indice est une variante de l’indice de Flesch, qui remplace essentiellement le nombre de syllabes par le nombre de mots composés de plus de trois syllabes, qui sont jugés plus difficiles à lire. Son calcul dépend donc du nombre de mots, du nombre de phrases et du nombre de mots de plus de trois syllabes. Sa valeur peut être interprétée à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Fog.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Gunning (1969)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Selon une analyse de données internationales, l’<a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Fog moyen des rapports annuels est proche de 20</a>.</p>
<h2>Une information comptable qui enfle avec le temps</h2>
<p>En plus de la lisibilité, pour qu’une information soit pertinente, elle ne doit pas être noyée dans une masse d’autres informations. Or, il est aujourd’hui impossible d’absorber les informations publiées par les entreprises, car elles sont, année après année, de plus en plus volumineuses.</p>
<p>La multiplication des réglementations et des normes a provoqué une hausse significative du volume d’informations exigées (<a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/information-financiere-et-non-financiere/normes-internationales-dinformation-financiere-ifrs/publications/ifrs-guide-sommaire-ressources">normes internationales d’information financière (IFRS)</a>, <a href="https://www.pwc.com/ca/fr/today-s-issues/environmental-social-and-governance.html">critères ESG – environnement, société et gouvernance</a>).</p>
<p>Le graphique ci-dessous indique l’évolution du nombre de pages des rapports annuels des plus grandes entreprises cotées au Canada. En vingt ans, le nombre de pages des rapports annuels a doublé. Ce résultat, déjà impressionnant, doit être mis en parallèle à la multiplication des rapports nouvellement exigés, dont les rapports environnementaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de pages moyen des rapports annuels des grandes entreprises canadiennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quel avenir pour la profession comptable ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, le rapport annuel est illisible et trop volumineux pour pouvoir être réellement utile.</p>
<p>En classe, je pose régulièrement une question quelque peu provocatrice, mais qui a pour but de faire réagir les étudiants sur leur futur métier :</p>
<blockquote>
<p>Pourquoi passe-t-on autant de temps à produire de l’information comptable si, finalement, elle est illisible et trop volumineuse ?</p>
</blockquote>
<p>Récemment, deux étudiants ont formulé des réponses intéressantes. Le premier a dit :</p>
<blockquote>
<p>Plus les documents sont volumineux, plus nos honoraires seront élevés. Alors, où est le problème ?</p>
</blockquote>
<p>Le second se posa une question plus fondamentale :</p>
<blockquote>
<p>Si les documents que nous produisons assomment les utilisateurs en étant illisibles, à quoi servons-nous ?</p>
</blockquote>
<p>Ce sont deux points de vue pertinents qui doivent amener la profession comptable à se poser de nouvelles questions sur son avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183081/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Le Maux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les rapports annuels des entreprises sont illisibles et trop volumineux. Leur utilité est donc limitée.Julien Le Maux, Professeur titulaire, département de sciences comptables, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939612022-11-09T23:43:40Z2022-11-09T23:43:40ZL’irrésistible essor des podcasts d’information<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494068/original/file-20221108-15-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=119%2C39%2C8742%2C5859&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/s/photos/podcast-studio">Unsplash/Daniel Robert Dinu</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Nous menons depuis un an une recherche pour le programme Obcast (Observatoire du podcast) financé par la DGMIC (direction générale des médias et des industries culturelles) depuis août 2021, au sein du <a href="https://carism.u-paris2.fr/fr/le-carism-laureat-dun-financement-du-ministere-de-la-culture">laboratoire Carism</a> (université Paris Panthéon-Assas). Il s’agit d’établir une cartographie des podcasts natifs d’information, une sociologie de leurs producteurs, une étude de leurs modèles économiques et une sémiologie de ces contenus. Pour cela nous avons élaboré une vaste bibliographie, une banque documentaire, construit une large base de données portant sur plus de 1 200 titres de podcast. L’heure est venue de partager les premiers résultats de ce programme mobilisant une dizaine de chercheuses et chercheurs.</p>
<h2>Podcasts journalistiques un nouveau Far West ?</h2>
<p>Tout comme l’internet représentait à la fin des années 2000 un Far West incertain, que les médias cherchaient à conquérir en l’arpentant à coup d’expérimentations, nous sommes convaincus que le podcast représente un nouveau mode d’expression journalistique, avec à ce stade, son lot d’innovations et d’expériences avortées, de promesses fécondes et d’illusions, de stratégies délibérées de médias et de bidouillages à initiative personnelle. Autant d’incertitudes qui justifient de mettre ce support journalistique sous observation, durant plusieurs années, pour voir s’il arrive à se frayer un chemin dans l’offre d’information médiatique, de dynamiser la production journalistique, en trouvant son, ou plus probablement ses modèles d’équilibre économique.</p>
<h2>Une base de données de plus de 70 000 épisodes avec 215 producteurs</h2>
<p>Ce projet a construit une base de données portant sur les <a href="https://www.rtbf.be/article/un-podcast-natif-c-est-quoi-9883167">podcasts natifs</a> d’information donc produits par des médias et des sociétés de production spécialisées, avec un regard journalistique. Les podcasts de replay d’émissions et de fiction ont été exclus de la collecte, ainsi que les podcasts amateurs et de marques.</p>
<p>Notre base est constituée à ce jour de 1 214 podcasts natifs, soit 70 049 épisodes ayant été publiés entre novembre 2002 et juillet 2022 et repérés sur les plates-formes d’écoute ou directement sur les sites des médias. Ces podcasts sont produits par 195 médias, studios de production dédiés ou plates-formes (94 podcasts). L’étude présentée ici ne s’appuie que sur une base de 1 119 titres de podcasts et 191 producteurs.</p>
<p>Les acteurs impliqués dans la création de podcasts natifs ont produit en moyenne 6,2 titres de podcast (avec un ou plusieurs épisodes). Soulignons aussi que 168 titres de presse magazine (72 % des titres recensés par l’ACPM) et 22 titres de presse quotidienne régionale (PQR) n’ont produit aucun podcast (43 %).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494073/original/file-20221108-18-e5ih7r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de podcasts produits par catégorie de producteur.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On distingue par ailleurs deux variables relatives à la quantité produite. D’une part, des producteurs faisant feu de tout bois, ayant initié de nombreux titres de podcasts et d’autre part, des producteurs plutôt extensifs, déployant de nombreux épisodes à l’intérieur d’un seul et même titre. Ainsi, <em>Slate</em> a lancé un nombre important de titres de podcasts et occupe la deuxième place du classement général (la première sur la seule catégorie pure players). Il quitte en revanche ce classement lorsque l’on regarde le nombre d’épisodes produits.</p>
<p>En termes de nombre d’épisodes, la PQR et la PQN rivalisent avec les labels et les studios spécialisés dans la production de podcasts.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494074/original/file-20221108-4292-aw5xj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les 10 plus gros producteurs en nombre de titres de podcast.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494075/original/file-20221108-22-x6q2sj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les 10 plus gros producteurs en nombre d’épisodes.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Du côté de la presse quotidienne nationale, le plus gros producteur est <em>L’Équipe</em>, à la fois en termes d’initiatives (17 titres de podcast lancés) et de quantité d’épisodes (1904). <em>Le Monde</em> est le deuxième producteur avec 15 titres pour 296 épisodes, quand <em>Les Échos</em> et <em>Le Figaro</em> produisent tous deux 6 titres pour respectivement 1223 et 1179 épisodes.</p>
<p>En presse magazine, les principaux initiateurs de podcasts natifs sont <em>Le Point</em> (13 titres de podcast), <em>Elle</em> (11), <em>Les Inrockuptibles</em> (10) et <em>Ça m’intéresse</em> (10). Les plus gros producteurs sont en revanche, <em>Ça m’intéresse</em> (1261 épisodes produits), <em>Capital</em> (1 208), <em>L’Express</em> (426) et <em>GEO</em> (417). En presse quotidienne régionale, enfin, <em>L’Indépendant</em> (45 titres, 1678 épisodes), <em>Ouest France</em> (32 titres, 1751 épisodes) et <em>Le Dauphiné Libéré</em> (16 titres, 2876 épisodes) prennent la tête du classement.</p>
<h2>Une quantité de titres homogène sur les différentes plates-formes d’écoute</h2>
<p>Les plates-formes sont aujourd’hui le principal mode d’accès aux podcasts <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09502386.2021.1895246">selon Jeremy Morris</a>.</p>
<p>Celles-ci peuvent être généralistes et offrir plusieurs types de contenus, quand d’autres sont spécifiquement dédiées au podcast, comme Castbox. La présence des 1 120 titres sur les différentes plates-formes témoigne d’une certaine homogénéité de la diffusion : chacune des plates-formes indexées offre environ 80 % des titres recensés : 81 % pour Deezer, 84 % pour Castbox et Spotify, 87 % pour Apple podcast et… 90 % pour Google podcast ; 68 % des titres de podcasts sont présents sur les 5 plates-formes.</p>
<h2>2017-2018, ou l’explosion mal maîtrisée du podcast d’information en France</h2>
<p>Depuis le mois de septembre 2017, de nouveaux podcasts ont été créés chaque mois, pour un nombre de 20 titres par mois en moyenne entre septembre 2017 et juillet 2022. C’est en effet à partir de 2017 que l’offre de podcasts d’information se déploie, et ce de manière exponentielle les années suivantes (107 lancements en 2018, 225 en 2019, 297 en 2020, 392 en 2021). Les six premiers mois de 2022 ont vu naître 128 titres de podcasts, ce qui laisse présager d’un maintien de cette tendance, à défaut d’une accélération de la croissance.</p>
<p>Le tournant 2017-2018 concerne l’ensemble des acteurs du secteur. De façon plus ou moins attendue, les producteurs précoces sont d’abord Arte Radio, avec les premiers podcasts produits en 2002, suivie de la PQN avec <em>Libération</em> et le podcast « Silence on joue ! » (2007) et le 56kast (2013). Les studios dédiés à la production de podcasts se créent et lancent leurs premières productions à partir de 2016 seulement.</p>
<p>Néanmoins, la durée de vie chaotique des podcasts témoigne d’un engouement pour la production de podcasts pas toujours bien maîtrisée. En effet, 52,5 % des titres annoncés comme réguliers ont été interrompus. 486 titres de podcasts (55 %) ne durent pas plus d’un an, et 194 (22 %) pas plus de 2 mois. Enfin, 206 titres (18 %) font montre d’une périodicité irrégulière, en dépit de l’annonce d’un format « mensuel », par exemple. Ces podcasts de périodicité irrégulière sont principalement produits par la presse magazine et la presse quotidienne régionale (plus de la moitié des podcasts irréguliers à elles deux), là où les studios ne sont concernés qu’à hauteur de 8 %.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494076/original/file-20221108-25-h6c5da.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Part des types de producteurs dans les titres de périodicité irrégulière.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cela illustre des stratégies expérimentales de lancement dans le format podcast, au gré des initiatives individuelles. En effet, les premières analyses d’une enquête en cours auprès de journalistes et services marketing des médias traditionnels semblent démontrer que les podcasts sont plus souvent créés sous l’impulsion de journalistes que d’une stratégie élaborée par la direction (logique bottom-up). Ces initiatives peuvent aboutir avec plus ou moins de temps et de moyens à la création d’un service et/ou d’un poste dédié au podcast au sein de la rédaction. Il semble, d’après nos premières observations, que la presse quotidienne régionale, en particulier, ait de grandes difficultés à stabiliser ses productions, faute de moyens conséquents et de formation adaptée.</p>
<h2>Une place privilégiée pour quelques rubriques-phares, notamment la culture</h2>
<p>Le classement des titres podcasts selon leur rubrique donne largement la culture en tête avec 279 occurrences. Viennent ensuite la politique (108) et le sport (106). Au milieu du classement des rubriques se trouvent les faits divers (71), l’économie (73), l’actualité générale (70), l’histoire (58), les « tranches de vie » (soit les témoignages d’anonymes, 56 occurrences), et la santé (50). Arrivent enfin, avec de plus faibles occurrences les sciences (38), l’écologie (34), les podcasts sur le journalisme (32) et enfin la religion (14) et les rubriques « inclassables » (13).</p>
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<p>Dans cette offre podcast extrêmement diversifiée, la dominante culturelle, pourtant souvent peu présente dans les médias généralistes, est sans doute le résultat à souligner en priorité.</p>
<p>Le paysage des podcasts natifs d’information révèle ainsi une grande disparité en termes de durée de vie comme de rubriques, mais une forte concentration en termes de formats.</p>
<h2>Les formats classiques du journalisme à l’honneur</h2>
<p>Sur l’ensemble des 1 119 podcasts d’information de notre corpus, 66 % correspondent à trois formats principaux : en premier lieu le documentaire/reportage (1 312 occurrences), suivi par l’interview/entretien (274) et arrive en troisième position la chronique (157). Suivent le récit, (102), les émissions (107), le portrait (79), le débat et la captation (respectivement 46 et 17 occurrences). Ces différents formats peuvent être regroupés selon deux catégories : d’une part les formats conversationnels, correspondant au modèle radiophonique du direct et requérant un minimum de compétences techniques ; de l’autre, les formats requérant un plus ample travail d’écriture, le recours à des sources variées et des intervenants pluriels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494077/original/file-20221108-17-12codc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Répartition des formats (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces premiers résultats quant aux formats les plus fréquemment adoptés dans les podcasts natifs d’informations méritent toutefois d’être affinés selon deux critères : celui de la famille médiatique concernée d’une part et celui de leur périodicité d’autre part.</p>
<p>En effet, si l’on observe de manière plus fine les formats adoptés, on constate que la répartition se fait d’une manière étonnamment homogène en fonction du média producteur concerné. En effet, l’hypothèse d’une inventivité dans les podcasts natifs qui viendraient bouleverser les schémas journalistiques préétablis est contredite par les données préliminaires de la cartographie de notre Observatoire du podcast.</p>
<p>Les formats privilégiés par les podcasts produits par des médias de presse écrite restent le documentaire, l’interview et la chronique qui concentrent à eux trois 66 % des occurrences (respectivement 28 % ; 24,5 % et 13,5 %).</p>
<h2>Périodicité : des différences marquées entre médias traditionnels et studios</h2>
<p>Deuxième élément à prendre en compte : la périodicité. On a distingué dans le codage cinq périodicités : quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, irrégulière, et les séries ou unitaire (nombre d’épisodes clos). Il en ressort que la périodicité la plus fréquemment adoptée est la série ou l’unitaire (38 %), suivie de l’hebdomadaire (20,2 %), et les fréquences irrégulières(13 %).</p>
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<span class="caption">Répartition des périodicités de parution (en %).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les podcasts quotidiens (ou plurihebdomadaires) ne représentent ainsi que 11 % de l’ensemble du corpus, mais selon une répartition très nette en fonction du média concerné : sur les 128 titres de podcasts quotidiens ou plurihebdomadaires, 71 % sont produits par des médias traditionnels, en particulier la presse papier (PQN, PQR, presse gratuite d’information et presse magazine) qui produit 50 % de l’ensemble des podcasts quotidiens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494079/original/file-20221108-20-vbdhgc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Répartition des podcasts quotidiens par types de producteur.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>L’idéal du récit et de la biographie</h2>
<p>Dans les résumés de chaque podcast de notre base, on observe massivement la présence du champ lexical de la narration et de la biographie : « vie » (573 occurrences), « raconte/raconter » (202), « histoires » (152), « récit » (54), ou encore « témoin/témoignage » (58). Si les podcasts s’appuient sur des genres journalistiques stabilisés, c’est dans l’angle adopté, l’énonciation et la mise en récit de l’actualité que la nouveauté se joue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier a reçu des financements de la DGMIC au sein du Ministère de la Culture pour financer cette recherche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Flore Di Sciullo a reçu des financements de la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles du Ministère de la Culture et de la Communication (DGMIC).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Eva Lesaunier a reçu des financements de la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles du Ministère de la Culture et de la Communication (DGMIC).</span></em></p>La croissance des podcasts natifs d’information dans les médias français représente un nouveau défi et l’espoir de nouvelles audiences. Qu’en est-il exactement ?Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris-Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasFlore Di Sciullo, Postdoctorante, Université Paris-Panthéon-AssasMarie-Eva Lesaunier, Post-doctorante, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1933192022-11-09T23:43:08Z2022-11-09T23:43:08ZQuelle éducation aux images à l’heure des réseaux sociaux ?<p>Dans un <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/02/faire-face-au-deluge-d-images_5363486_3232.html">monde saturé d’images</a>, il y a urgence pour que, face à elles, nos réponses dépassent l’émotionnel. En effet, sans guide d’analyse, c’est la fascination qui l’emporte, d’autant que les images, sorties de leur contexte, deviennent virales ce qui rend leur évaluation extrêmement difficile. Toutes les manipulations sont alors possibles sachant que chacun peut désormais au quotidien non seulement regarder des images, mais aussi à les reproduire et à les diffuser.</p>
<p>« Les individus d’aujourd’hui sont à la fois des regardeurs et des regardés mais également des producteurs et des diffuseurs d’images, surtout les plus jeunes. En d’autres termes, ils voient et sont vus mais, surtout, ils voient et ils montrent, créent des photos, des vidéos qu’ils aiment partager. […] Le citoyen devient le complice d’une société qui montre à tous ceux qui veulent voir », résume le sociologue <a href="https://theconversation.com/profiles/jocelyn-lachance-314048">Jocelyn Lachance</a> dans <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4090/les-images-terroristes-2"><em>Les images terroristes, la puissance des écrans, la faiblesse de notre parole</em></a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jocelyn Lachance, « Les images terroristes » (éditions Erès).</span></figcaption>
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<p>Et même si la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000615568/">loi de prévention de la délinquance</a> (2007) prend en compte ces différentes formes d’interactions en punissant « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine », le problème tient d’abord à ce que les enfants, et beaucoup d’adolescents, ne sont pas capables de distinguer ces images.</p>
<p>La compréhension, au double sens que lui donnent l’étymologie de « prendre ensemble » (le latin <em>cum-prehendere</em>) et le sens commun, implique de s’intéresser aux motivations des auteurs de l’image, d’entrer dans leurs modes de pensée et d’action, et cette compréhension est nécessaire pour pénétrer l’espace symbolique, à la fois ouvert et résistant du savoir.</p>
<p>L’école a un rôle à jouer pour initier les jeunes à cette approche réfléchie des images, d’autant que de plus en plus de très jeunes enfants, dès l’âge de 6 ans ou 7 ans d’après l’étude de l’institut de sondage YouGov sur les <a href="https://comarketing-news.fr/generation-alpha-le-profil-des-consommateurs-de-2030/">habitudes de la génération alpha</a>), sont exposés aux réseaux sociaux. Les images surgissent sur leurs écrans de manière inopinée et les jeunes les consomment et les relayent sans distinction, sans évaluer les messages qui s’offrent à eux et sans prendre en compte les conséquences de leur partage.</p>
<h2>Ce que fait l’école</h2>
<p>L’Éducation nationale a fait de l’éducation aux médias et aux images une priorité avec la création de ressources pour aider les enseignants à interroger la presse et les images. Le <a href="https://www.clemi.fr/fr/en.html">Centre pour l’éducation aux Médias et à l’Information</a> (CLEMI), par exemple, diffuse des fiches pédagogiques pour « permettre aux élèves d’apprendre à lire, à décrypter l’information et l’image, à aiguiser leur esprit critique, à se forger une opinion, compétences essentielles pour exercer une citoyenneté éclairée et responsable en démocratie ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/in-extenso-decrypter-linfo-sur-ecran-ca-sapprend-155506">« In extenso » : Décrypter l’info sur écran, ça s’apprend !</a>
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<p>Dans ce cadre, de nombreuses classes participent à des ateliers lors de la <a href="https://www.education.gouv.fr/semaine-de-la-presse-et-des-medias-dans-l-ecole-5159">Semaine de la presse</a>, où les jeunes rencontrent des journalistes, montent des émissions de radio, décryptent des « unes »… Mais toutes ces actions tendent à dissocier le « i » de « information » avec le « i » de « image ». Cela tient sans doute, en partie, au poids du verbal dans l’institution.</p>
<p>L’image à l’école reste encore en rupture avec les normes de l’enseignement et de la pédagogie classique, basée surtout sur l’écrit où il y a « <a href="https://journals.openedition.org/edso/1195">prédominance des signes et des discours</a> sur l’expérience directe et […] de l’intelligence abstraite sur les savoirs pratiques », ainsi que l’expliquent les chercheuses Christine Delory-Momberger et Béatrice Mabilon-Bonfils.</p>
<p>Il faut aussi prendre en considération la place ambiguë de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans la formation initiale des enseignants, notamment du premier degré, sachant que l’EMI n’est pas considérée comme un objet d’enseignement à part entière et que la pratique artistique a presque complètement disparu des maquettes de formation.</p>
<p>L’éducation à l’image doit toutefois revenir à sa valeur d’image ou, pour le dire autrement, s’éloigner des compétences linguistiques constamment ramenées en avant, parce que jugées essentielles à l’insertion professionnelle des jeunes. Par ailleurs, la polysémie de l’image est encore souvent mise de côté alors qu’il s’agit d’un système dont les subtilités communiquent des façons de voir, de savoir, de comprendre, mais aussi parfois de ne pas comprendre…</p>
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<figcaption><span class="caption">L’impact des images sur nous et nos enfants, interview de Serge Tisseron.</span></figcaption>
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<p>L’image offre des pistes tout en laissant libre de tirer ses propres conclusions et les enseignants – traditionnellement détenteurs du savoir – sont gênés par cette perte de contrôle. Or l’ouverture de l’école à cet univers a des implications proprement « politiques », permettant à l’altérité de devenir sensible, et participant en cela à cette éducation à la citoyenneté essentielle à une vie en démocratie.</p>
<h2>Comprendre par la pratique</h2>
<p>Le CLEMI préconise d’autres entrées que langagières : par la pratique, en indiquant que c’est en faisant des images qu’on apprend à les comprendre. Dans ce cas, l’image devient une méthode pour aborder l’image dans son « altérité » fondamentale. Et si l’école n’a pas toujours l’envie et l’habitude de le faire, il est indispensable qu’elle s’y mette dans la mesure où aujourd’hui, pour le plus grand nombre d’enfants, c’est le seul lieu où cette éducation peut se faire. C’est la position d’<a href="https://www.livres-cinema.info/livre/172/hypothese-cinema-petit-traite-de-transmission-du-cinema">Alain Bergala</a> qui participe à l’instauration du plan Lang pour les arts à l’école dans les années 2000. Pour lui en effet « [L’école] se doit de le faire, quitte à bousculer ses habitudes et sa mentalité ».</p>
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<p>Il défend cette dimension expérimentale du faire ou « Learning by doing », qui permet de comprendre les codes visuels en actes, en les testant concrètement. Mais cette méthode est en décalage avec une école chargée, comme le rappelle la <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-politique-de-la-raison-9782228888325">philosophe Blandine Kriegel</a>, dans son étude des droits des citoyens, d’un rôle « d’inculcation de valeurs communes ».</p>
<p>Les enseignements très égalisateurs sont en effet structurés à partir d’un « socle commun de compétences et de connaissances (SCCC), et d’une « culture commune ». Et la transmission de savoirs communs, partagés avec les individus qui composent la communauté, a une fonction directement sociale et politique, l’État y joue sa pérennité et on comprend que cette mission d’unité et de cohésion soit au cœur des « éducations nationales ».</p>
<p>Or, toujours selon les <a href="https://journals.openedition.org/edso/1195">sociologues Christine Delory-Momberger et Béatrice Mabilon-Bonfils</a> cette « conception politique du savoir et de son statut dans l’édifice éducatif et pédagogique français » connait un certain nombre de difficultés depuis une quarantaine d’années. « L’école du savoir », qui définit par excellence l’école de la République, postule de fait un modèle universaliste et rationaliste construit sur un principe d’homogénéité et d’unité touchant à la fois le savoir et l’enseignement, l’élève et l’apprentissage. Et c’est bien ce modèle qui est de plus en plus souvent mis en échec dans l’école française actuelle.</p>
<h2>Une éducation citoyenne</h2>
<p>À l’heure de la désinformation et des fake news, l’éducation à l’image par la pratique permet aux enfants de s’approprier ce médium de manière singulière, sans accepter passivement une interprétation donnée une fois pour toutes. Elle introduit cette « indiscipline » inhérente aux savoirs émergents, non encore finalisés et instables, à l’écart des écoutes déférentes et en dehors des connaissances et des savoirs établis.</p>
<p>Cette pratique est parfois risquée dans la mesure où elle peut donner lieu à des associations inattendues et parfois violentes. Mais elle offre un espace dynamique d’expérimentation adapté à une réalité toujours en mouvement. Cet espace d’exception où la transmission passe par d’autres voies que le discours et le savoir – parfois sans discours du tout – est idéal pour se frotter à des informations qui sont comme des organismes vivants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reseaux-numeriques-trois-gestes-barrieres-a-cultiver-en-famille-149843">Réseaux numériques : trois gestes barrières à cultiver en famille</a>
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<p>Cette transmission en groupe-classe rompt enfin avec la découverte de plus en plus solitaire des images sur Internet. Elle conduit à questionner la façon dont ce que nous recevons détermine nos choix et nos actions et développe des savoirs sources d’engagement réfléchi. Elle empêche l’adhésion, sans distanciation qui conduit à accepter et à reprendre les messages sans interprétation.</p>
<p>Face aux images, il faut apprendre aux enfants à se décentrer en introduisant une pluralité de points de vue, en questionnant leur nature d’extraits isolés d’une histoire complexe et en interrogeant leur pouvoir de domination. Malheureusement, les enseignants se sentent encore très mal à l’aise pour introduire cette éthique du regard en discutant des pratiques informationnelles et médiatiques avec les élèves. En effet, eux-mêmes n’ont pas été éduqués aux médias et à l’information et ils sont paralysés à l’idée de gérer des difficultés liées à des questions vives de société.</p>
<p>Pourtant il faut accepter de faire entrer dans l’école l’univers informationnel des adolescents d’aujourd’hui parce que « ne pas savoir initier un regard à sa propre passion de voir, ne pas pouvoir construire une culture du regard, voilà où commence la vraie violence à l’égard de ceux qu’on livre désarmés à la voracité des visibilités », selon les mots de <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-image-peut-elle-tuer_fr_2620.html">la philosophe Marie-José Mondzain</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Guétemme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que va s'ouvrir la semaine de la presse et des médias à l'école, voici quelques conseils pour guider enfants et adolescents dans le flux d'images actuel.Geneviève Guétemme, Maîtresse de conférences en Arts plastiques, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1933642022-11-02T13:19:34Z2022-11-02T13:19:34ZC-18 : Meta menace à nouveau de retirer les contenus d’information canadiens sur Facebook<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/492626/original/file-20221031-23-4dbfwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C8%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le pdg de Meta, Mark Zuckerberg, lors de l'annonce du changement de nom de Facebook pour Meta, le 28 octobre 2021, depuis Sausalito en Californie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eric Risberg, File)</span></span></figcaption></figure><p>Comme un déjà vu dans un mauvais film, la multinationale Meta Platforms menace de bloquer l’information sur Facebook au Canada si le <a href="https://www.parl.ca/legisinfo/fr/projet-de-loi/44-1/c-18">projet de loi sur les nouvelles en ligne (C-18)</a>, en ce moment à l’étude aux Communes, est adopté.</p>
<p>L’entreprise de Mark Zuckerberg a déjà fait le coup en Australie. En février 2021, elle avait retiré les contenus journalistiques pour ses abonnés australiens avant l’adoption d’une loi qui, comme C-18, force Google et Facebook à négocier des ententes de partage de revenus avec les entreprises de presse australiennes.</p>
<p>Après six jours de blocage, celle qu’on appelait encore Facebook, à l’époque, était revenue sur sa décision. <a href="https://theconversation.com/facebook-sort-larme-nucleaire-contre-les-medias-australiens-le-canada-pourrait-etre-sa-prochaine-cible-155604">J’avais écrit que le Canada pourrait être sa prochaine cible</a>, même si les menaces, en 2021, étaient voilées. Dans un <a href="https://about.fb.com/news/2022/10/metas-concerns-with-canadas-online-news-act/#translation">communiqué publié le 21 octobre 2022</a>, le chef des partenariats avec les médias de Meta Canada, Marc Dinsdale, rend ces menaces explicites :</p>
<blockquote>
<p>Devant une législation défavorable […], il est [possible] que nous soyons forcés de reconsidérer l’autorisation du partage de contenu de nouvelles au Canada.</p>
</blockquote>
<p>Examinons les arguments de Meta Canada pour s’opposer à C-18 et demandons-nous si ses menaces peuvent être prises au sérieux.</p>
<h2>Argument 1 : Meta fournit du marketing gratuit aux médias</h2>
<p>Meta prétendait en mai avoir envoyé <a href="https://about.fb.com/news/2022/05/how-meta-supports-news-providers-in-canada/">1,9 milliard de clics vers les sites web des entreprises de presse canadiennes au cours des douze mois précédents</a>. Cela signifie que si les médias du pays avaient acheté des pubs sur Facebook pour obtenir cet achaladage, ils auraient dû débourser 230 millions $CAD. Comment Meta arrive-t-elle à ces chiffres ? Mystère. Aucune précision méthodologique n’accompagne ces estimations. Il faut croire l’entreprise sur parole.</p>
<p>Il faut bien sûr reconnaître que les médias tirent des avantages de leur présence dans Facebook et dans Instagram, sinon ils seraient absents de ces plates-formes. Selon le <a href="https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/digital-news-report/2022"><em>Digital News Report 2022</em></a>, 40 % des Canadiens qui utilisent Facebook le font pour s’informer. Sans les réseaux sociaux, de nos jours, une grande partie des Canadiens se verraient coupés d’une source d’information. Cela suscite sans doute de l’achalandage sur les sites web des médias. Mais cet achalandage est de moins en moins monétisable pour les médias tant le marché de la pub numérique est dominé (à 80 %) par Alphabet (Google) et Meta.</p>
<h2>Argument 2 : Meta fait très peu d’argent avec l’information</h2>
<p>Meta prétend également que « le contenu de nouvelles […] n’est pas une source importante de revenus pour notre entreprise ». Pour un réseau social qui tire 95 % de ses revenus grâce à l’attention suscitée par les contenus qu’on y trouve, cette affirmation est insultante.</p>
<p>J’ai <a href="https://theconversation.com/facebook-senrichit-grace-aux-medias-canadiens-mais-donne-peu-en-retour-145497">estimé</a>, <a href="https://iris-recherche.qc.ca/blogue/secteur-prive/ce-que-le-journalisme-canadien-rapporte-a-facebook/">ces dernières années</a>, <a href="https://github.com/jhroy/facebook-canada">méthodologie détaillée à l’appui</a>, que Meta réalisait, bon an, mal an, environ 200 millions $CAD de chiffre d’affaires grâce aux contenus journalistiques canadiens. Mon estimation est imparfaite, je suis le premier à l’admettre. Mais elle est la moins mauvaise à laquelle il soit possible de parvenir avec les données auxquelles la multinationale nous permet d’accéder.</p>
<p>Soyons bons princes. Acceptons cette autre affirmation de Meta :</p>
<blockquote>
<p>Les publications contenant des liens vers des articles de nouvelles représentent moins de 3 % de ce que les gens voient dans leur fil d’actualité Facebook.</p>
</blockquote>
<p>D’accord. Seulement au Canada, Meta a réalisé un chiffre d’affaires de 1 826 milliard $CAD au cours des six premiers mois de 2022. Trois pour cent de cette somme équivaut à 55 millions $. Voilà alors le montant qui aurait dû être reversé aux entreprises de presse canadiennes jusqu’à maintenant, cette année, si Meta avait adéquatement partagé ses revenus avec les créateurs de contenus journalistiques. On est loin des <a href="https://about.fb.com/news/2022/05/how-meta-supports-news-providers-in-canada/">18 millions $ que Meta a investi dans le journalisme canadien depuis 2018</a>.</p>
<h2>Argument 3 : Pourquoi seulement Google et nous ?</h2>
<p>Ici, Meta pose une bonne question. Le projet de loi C-18, et la loi australienne dont il s’inspire, reposent tous deux sur le postulat que le marché de la publicité numérique serait une chasse gardée des médias d’information et aurait ainsi été chapardé par les deux géants du web. <a href="https://theconversation.com/facebook-sort-larme-nucleaire-contre-les-medias-australiens-le-canada-pourrait-etre-sa-prochaine-cible-155604">J’ai déjà écrit que cette prémisse était fallacieuse</a> : Google et Facebook ont mieux réussi à adapter à l’ère numérique le modèle d’affaires qui a permis aux médias d’information de faire fortune à l’ère analogique.</p>
<p>Le modèle australien crée un processus complexe de négociation, puis de médiation et d’arbitrage. Il serait beaucoup plus simple pour les médias et les plates-formes d’imposer une taxe de 3 % du chiffre d’affaires de toutes les multinationales du numérique et d’en verser le fruit au Fonds des médias du Canada. Celui-ci pourrait ensuite redistribuer le tout au moyen d’un mécanisme transparent avec des jurys de pairs, comme cela existe déjà dans le soutien à la culture, par exemple. On pourrait faire contribuer Microsoft, qui possède un <a href="https://www.linkedin.com">réseau social</a> et un <a href="https://www.bing.com/">moteur de recherche</a>, Twitter, TikTok, Spotify, Netflix et d’autres multinationales pour qui les données générées par les Canadien.nes se transforment en or.</p>
<p>Les sommes ainsi recueillies seraient suffisantes pour soutenir non seulement l’information, mais la culture qui souffre également de la dématérialisation de ses contenus.</p>
<h2>Le journalisme pâtit déjà dans Facebook</h2>
<p>Dans plusieurs communications récentes, Meta a donné le signal qu’elle en avait soupé du journalisme. L’entreprise veut <a href="https://about.fb.com/news/2021/02/reducing-political-content-in-news-feed/">réduire la place des contenus politiques et d’information</a>. Elle a récemment <a href="https://www.axios.com/2022/10/14/meta-facebook-ending-support-instant-articles">mis fin aux <em>Instant Articles</em></a>, un timide effort de partage de revenus publicitaires avec les médias. Dans son communiqué du 21 octobre, elle dit vouloir donner « la priorité aux investissements à long terme dans le métavers et dans la croissance du contenu vidéo de courte durée ».</p>
<p>J’étudie depuis plusieurs années les contenus journalistiques dans Facebook. Entre juillet 2020 et juin 2022, les médias québécois ont réduit d’environ 12 % la quantité de matériel qu’ils déposent chaque mois sur leurs pages Facebook.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492005/original/file-20221026-18193-7g1q9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de publications (« posts ») mises en ligne chaque mois par une sélection de 275 pages Facebook de médias d’information québécois entre juillet 2020 et juin 2022, avec interpolation linéaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les interactions (« engagement ») suscitées par ces contenus médiatiques ont cependant chuté bien davantage : près de 32 % de diminution entre le début de la période étudiée et la fin.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492007/original/file-20221027-23859-9x1dnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Interactions mensuelles suscitées par les publications (« posts ») d’une sélection de 275 pages Facebook de médias d’information québécois entre juillet 2020 et juin 2022, avec interpolation linéaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au final, chaque publication Facebook d’un média québécois a suscité en moyenne 146,6 interactions en juin 2022, contre 185,5 en juillet 2020, ce qui représente une diminution de 21 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492009/original/file-20221027-19202-z63xrc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Interactions moyennes par publication (« post ») suscitées par une sélection de 275 pages Facebook de médias d’information québécois entre juillet 2020 et juin 2022, avec interpolation linéaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jean-Hugues Roy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces données pourraient être un indice que Facebook rétrograderait les contenus journalistiques en faisant en sorte qu’ils apparaissent moins souvent ou de façon moins proéminente dans le fil d’actualités de ses abonné•es du Québec. <a href="https://transparency.fb.com/fr-fr/features/approach-to-ranking/types-of-content-we-demote/">Les contenus que Meta rétrograde sont connus</a>. L’information produite par des médias d’information n’est pas censée en faire partie.</p>
<h2>Menace : bluff ou sérieux ?</h2>
<p>Maintenant, Meta retranchera-t-elle les contenus d’information de sa principale plate-forme ? <a href="https://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/view/11815/10683">J’ai fait l’expérience en 2020</a>. J’ai enlevé les pages journalistiques des pages en français administrées dans quatre pays (Belgique, Canada, France, Suisse). Ce qui reste est affligeant : contenus viraux et divertissement pur, comme si on éliminait les fruits et légumes de notre alimentation. C’est délicieux, mais ce n’est pas durable.</p>
<p>J’ai aussi remarqué qu’on trouve beaucoup de contenus religieux dans le Facebook non-journalistique et un peu de désinformation en français. Mais sans journalisme, ces types de contenus gagneraient en proéminence. Ainsi, Facebook ressemblerait de plus en plus, lentement mais sûrement, à des <a href="https://www.pewresearch.org/journalism/2022/10/06/the-role-of-alternative-social-media-in-the-news-and-information-environment/">réseaux sociaux marginaux d’extrême droite</a> comme Truth Social, Gettr, Parler, voire Gab. Est-ce le sentier que veut emprunter Meta ? L’entreprise veut-elle reproduire <a href="https://www.ledevoir.com/economie/768639/elon-musk-a-achete-twitter-qu-adviendra-t-il-du-climat-social">ce que Elon Musk est en train de faire avec Twitter</a> ? Je doute que ses actionnaires acceptent cela.</p>
<p>Les contenus journalistiques sont ce qui empêche Facebook d’être un cloaque de désinformation. C’est en ce sens qu’ils ont de la valeur pour Meta. Il est temps que Mark Zuckerberg et ses représentants au Canada le reconnaissent. Et qu’ils en soutiennent plus sérieusement la production. C’est l’objectif premier du projet de loi C-18.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193364/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Hugues Roy est membre de la FPJQ (Fédération professionnelle des journalistes du Québec). </span></em></p>Meta menace de retrancher les contenus journalistiques de sa plate-forme Facebook au Canada si Ottawa adopte le projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne. Bluff ou menace à prendre au sérieux ?Jean-Hugues Roy, Professeur, École des médias, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873882022-07-24T15:49:15Z2022-07-24T15:49:15ZInvasion russe de l’Ukraine : l’heure de gloire de l’OSINT<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475429/original/file-20220721-10402-apb1dk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5000%2C3667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’OSINT est un outil stratégique important dans les conflits dits «&nbsp;hybrides&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/digital-crime-by-anonymous-hacker-1102776092">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Avec l’invasion russe en Ukraine, l’OSINT connaît <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/3313419-20220626-guerre-ukraine-assiste-avenement-osint-enquete-ligne-accessible-tous">son heure de gloire</a>. En effet, si l’<em>open source intelligence</em> – à savoir l’exploitation de sources d’information accessibles à tous (journaux, sites web, conférences…) à des fins de renseignement – est largement utilisée pour contrecarrer la diffusion de fake news et la désinformation, elle est aussi d’un grand secours tactique, voire stratégique, pour glaner des informations à caractère militaire.</p>
<p>Dans ce contexte, il paraît important de rappeler ce qu’est l’OSINT, ainsi que la façon dont elle est employée et les enjeux organisationnels et de gouvernance qui y sont liés.</p>
<h2>D’où vient l’OSINT ?</h2>
<p>Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les partisans de Kiev ont largement recours à l’OSINT pour vérifier des informations diffusées sur Internet, particulièrement sur les réseaux sociaux, et, le cas échéant, démasquer les fausses nouvelles.</p>
<p>L’origine de l’OSINT remonte à la Seconde Guerre mondiale. C’est à cette époque que le président des États-Unis Franklin D. Roosevelt crée le Foreign Broadcast Monitoring Service (FBMS), qui a pour mission d’écouter, de transcrire et d’analyser les programmes de propagande conçus et diffusés par l’Axe. Développé à la suite de l’attaque de Pearl Harbor, ce programme deviendra le <a href="https://apps.dtic.mil/sti/citations/ADA510770">Foreign Broadcast Intelligence Service</a>, appelé à être placé sous l’autorité de la CIA. En 1939, parallèlement à la structure américaine, les Britanniques chargent la <a href="https://kclpure.kcl.ac.uk/portal/files/83578898/2013_Johnson_Laurie_Marie_0743872_ethesis.pdf">British Broadcasting Corporation</a> (BBC) de déployer un service destiné à scruter la presse écrite et les émissions radio pour produire des « Digest of Foreign Broadcasts », qui deviendront les « Summary of World Broadcasts » (SWB) puis le BBC Monitoring.</p>
<p>La guerre froide accentue ces pratiques d’observation des informations ouvertes, faisant rapidement de ces dernières un élément majeur du renseignement, voire <a href="https://warwick.ac.uk/fac/soc/pais/people/aldrich/vigilant/mercado.sailing.pdf">sa principale source d’information</a>, y compris sur les capacités et les intentions politiques adverses. Leur exploitation permet également d’identifier et d’anticiper les menaces et de lancer les premières alertes.</p>
<p>Pour autant, le terme d’OSINT n’apparaît réellement que dans les années 1980 à l’occasion de la <a href="https://irp.fas.org/congress/1992_cr/s920205-reform.htm">réforme des services de renseignement américains</a>, devenue nécessaire pour s’adapter aux nouveaux besoins d’information, notamment en matière tactique sur le champ de bataille. La loi sur la réorganisation du renseignement aboutit en 1992. Elle sera suivie en 1994 par la création, au sein de la CIA, du Community Open Source Program et du <a href="https://irp.fas.org/offdocs/dcid212.htm">Community Open Source Program Office</a> (COSPO).</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Les attentats du 11 Septembre sont un « game changer » pour l’OSINT. En effet, c’est à la suite de la réforme de 2004 portant sur le renseignement et la prévention du terrorisme, l’<a href="https://www.justice.gov/sites/default/files/usao/legacy/2006/02/14/usab5304.pdf">Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act</a> qu’est créé, en 2005, le <a href="https://www.ege.fr/infoguerre/2005/11/focus-sur-l-open-source-center">Centre Open Source</a> (OSC) chargé de filtrer, transcrire, traduire, interpréter et archiver les actualités et les informations de tous types de médias.</p>
<p>Si l’OSINT est née de la nécessité de capter des informations à des fins militaires, le secteur privé n’a pas tardé à s’emparer de ces techniques, notamment dans la sphère de l’<a href="https://www.cairn.info/revue-i2d-information-donnees-et-documents-2021-1-page-67.htm">intelligence économique</a>. Cette discipline a connu de nombreuses mutations au fil de son évolution : dans les premiers temps, il s’agissait d’accéder à des contenus recelant des informations parfois délicates à obtenir, mais l’explosion des nouvelles technologies a orienté davantage l’OSINT vers l’identification des informations pertinentes parmi la multitude de celles disponibles. C’est ainsi que se sont développés les outils et méthodes à même de trier ces informations et, particulièrement, de discerner celles susceptibles d’être trompeuses ou falsifiées.</p>
<h2>En Ukraine, une utilisation déjà relativement ancienne</h2>
<p>Si l’OSINT a gagné ses lettres de noblesse en Ukraine en permettant de valider ou d’invalider certains contenus, notamment diffusés sur les réseaux sociaux depuis février 2022, il faut remonter plus loin dans le temps pour mesurer sa réelle montée en puissance.</p>
<p>En effet, dès la <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/l-euromaidan-ou-la-revolution-ukrainienne-pour-la-democratie">révolution du Maïdan</a> en 2014, les séparatistes pro-russes duu Donbass et leurs soutiens diffusent un grand nombre de contenus dont la rhétorique, soutenue par Moscou, cherche à discréditer le nouveau gouvernement de Kiev. L’ampleur fut telle que les Occidentaux ont rapidement parlé de <a href="https://www.nato.int/docu/review/articles/2021/11/30/hybrid-warfare-new-threats-complexity-and-trust-as-the-antidote/index.html">guerre hybride</a> (même si le terme continue de faire <a href="https://www.nato.int/docu/review/articles/2015/05/07/hybrid-war-does-it-even-exist/index.html">l’objet de débats</a>) pour décrire la mobilisation de l’information. On parle également d’« information warfare » – c’est-à-dire l’art de la guerre de l’information – qui sert en temps de conflits autant qu’en temps de paix.</p>
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<p>Rapidement, des <a href="https://www.stopfake.org/fr/a-propos-de-nous/">structures</a> issues de la société civile sont mises en place afin de discréditer les fausses nouvelles dont le nombre explose sur la toile. Au-delà de ces initiatives, beaucoup d’internautes commencent à vérifier les contenus qui leur parviennent et à se familiariser avec des <a href="http://geo4i.com/">outils de base</a> pour, par exemple, identifier ou géo-localiser une image, afin de voir si elle est réellement représentative du sujet qu’elle est censée illustrer.</p>
<p>Certaines communautés se spécialisent ainsi sur des domaines plus ou moins précis. À titre d’exemple, <a href="https://informnapalm.rocks/">InformNapalm</a> se consacre aux contenus touchant aux sujets militaires et, en ne se limitant pas seulement à l’Ukraine, a constitué une base de données qui recense notamment les pilotes russes actifs sur le théâtre syrien. C’est une force de l’OSINT : elle transcende les frontières physiques et permet ainsi le développement de communautés transnationales.</p>
<p>Ce savoir-faire, acquis par nécessité depuis 2014, s’est renforcé au fil du temps, notamment à la faveur des vagues de désinformation liées à la pandémie de Covid-19. Ces réseaux ont permis aux Ukrainiens et à leurs soutiens d’être immédiatement très opérationnels au début de la guerre. En outre, le besoin croissant des journalistes de vérifier leurs sources a aussi participé à développer le recours à l’OSINT qui, disposant d’une multitude d’outils souvent disponibles en Open Source, facilite la pratique de <em>fact checking</em>.</p>
<p>Ainsi, de nombreuses publications explicitent désormais comment, en utilisant des moyens d’OSINT, elles ont validé ou invalidé tel ou tel contenu.</p>
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<h2>Enjeu de gouvernance et consolidation des réseaux</h2>
<p>On le voit, l’une des forces de l’OSINT consiste à s’appuyer sur une société civile parfaitement légitime à s’autosaisir en fonction de ses centres d’intérêt. Cette dynamique a permis la création de réseaux efficaces et transnationaux.</p>
<p>Cependant, si les États peuvent eux aussi déployer des compétences d’OSINT, un enjeu majeur demeure : coordonner les besoins et les capacités. En effet, les États pourraient avoir avantage à se saisir des réseaux efficaces de l’OSINT, particulièrement dans un contexte de conflit. Cependant, outre le risque relatif à l’infiltration de ces réseaux, la capacité de recenser les besoins de l’État et de mettre ces derniers en relation avec la communauté susceptible d’y répondre représente une difficulté majeure.</p>
<p>D’un point de vue organisationnel, à moyen et long terme, cela pose également la question de la structuration de la ressource OSINT pour les gouvernements. Dans le cas de l’Ukraine, le gouvernement est encore jeune, l’indépendance remontant à août 1991. En outre, contraint depuis 2014 de faire face à un conflit puis, depuis février 2022 à à une invasion massive, la problématique peut être difficile à résoudre. De fait, il s’agit de trouver un équilibre entre l’urgence de la gestion quotidienne du conflit et la mise en place d’une organisation dont la finalité serait de manager l’OSINT au regard de la centralisation des besoins, de leur transmission ou du renforcement d’un vivier de compétences.</p>
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<p>Pour essayer de répondre à cette problématique, un projet d’audit des besoins, préalable à l’élaboration d’un cadre organisationnel et juridique, a été mis en place. Piloté par l’<a href="https://www.infosecurity.institute/t-en-gb/">Institute for Information Security</a> – une ONG créée en 2015 et centrée sur les enjeux relatifs à la sécurité de l’information tant pour l’État que pour la société et les individus –, le projet « Strengthening the Institutional Capacity of Public Actors to Counteract Disinformation » (Renforcement de la capacité institutionnelle des acteurs publics à lutter contre la désinformation) a débuté en avril 2022 alors que le conflit faisait déjà rage. Il doit aboutir en mars 2023. Son objectif est d’améliorer la capacité institutionnelle des autorités publiques et des institutions de la société civile ukrainienne pour identifier et combattre la désinformation.</p>
<p>Parallèlement, un projet de Centre d’excellence de l’OSINT est mis en route, notamment porté par <a href="https://2017.cybersecforum.eu/prelegenci/dmytro-zolotukhin/">Dmitro Zolotoukhine</a>, vice-ministre ukrainien de la politique d’information de 2017 à 2019, et mené en partenariat avec l’Université Mohyla de Kiev et avec le secteur privé, notamment ukrainien. Son objet est de construire un pont entre les différentes strates de la société pour constituer un lieu de recherche et de développement. Cette démarche s’inscrit clairement dans le droit fil de celle qui a présidé à la création des Centres d’excellence pilotés par l’OTAN – qui, à Tallinn, portent sur la <a href="https://ccdcoe.org/">cyberdéfense</a>, à Riga sur la <a href="https://stratcomcoe.org/">communication stratégique</a> et à Vilnius sur la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_102853.htm">sécurité énergétique</a> – ou encore dans celle du Centre d’excellence européen pour la lutte contre les <a href="https://www.hybridcoe.fi/">menaces hybrides</a> d’Helsinki.</p>
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<h2>L’OSINT, au-delà de l’Ukraine</h2>
<p>Reste à savoir si les Occidentaux qui soutiennent l’Ukraine soutiendront également ce projet alors même que ce pays est aujourd’hui un point phare de l’OSINT et que l’UE, qui <a href="https://www.coe.int/fr/web/campaign-free-to-speak-safe-to-learn/dealing-with-propaganda-misinformation-and-fake-news">prend très au sérieux</a> les risques liés à la désinformation, tout particulièrement depuis la <a href="https://ec.europa.eu/info/live-work-travel-eu/coronavirus-response/fighting-disinformation_fr">pandémie</a>, vient de renforcer son arsenal contre ces menées hostiles, notamment au travers de son <a href="https://www.forbes.fr/politique/lue-intensifie-la-lutte-contre-la-desinformation/">code de bonnes pratiques</a> paru en 2022.</p>
<p>Finalement, même si beaucoup de nos concitoyens associent l’OSINT à l’Ukraine et à l’invasion russe, la cantonner à la guerre en cours serait excessivement restrictif. Là encore, le conflit ukrainien est en passe de servir de révélateur d’enjeux qui dépassent largement les frontières physiques du pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187388/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La guerre en Ukraine rappelle l’utilité stratégique de l’OSINT – Open Source Intelligence –, qui vise à exploiter les innombrables informations disponibles et à démêler le vrai du faux.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.