tag:theconversation.com,2011:/id/topics/television-20491/articlestélévision – The Conversation2024-02-15T14:11:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2216532024-02-15T14:11:21Z2024-02-15T14:11:21ZDans la série « Deadloch », le rire en étendard face aux violences de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575881/original/file-20240215-20-f937ou.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C7%2C2431%2C1537&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une écriture féminine pour dénoncer les violences de genre.</span> </figcaption></figure><p>La scène d’ouverture donne le ton. Dans une ville fictive de la côte tasmanienne (Australie), deux jeunes aborigènes rentrent, insouciantes, au petit matin, traversant des espaces déserts et embrumés. Comme dans toute série policière qui se respecte, on s’attend à ce qu’elles soient attaquées, sinon qu’elles découvrent le cadavre d’une femme horriblement violentée. Mais contre toute attente, elles tombent plutôt sur le corps sans vie d’un homme nu. Littéralement même, puisqu’en trébuchant dessus, l’une d’elles fait tomber son joint, qui se ravive alors au contact des poils du pubis. Et l’adolescente, paniquée, de pousser un juron, tout en frappant énergiquement le sexe pour éteindre son mégot.</p>
<p><a href="https://tspace.library.utoronto.ca/handle/1807/10253">« Parodie satirique »</a>, selon les termes de la professeure de littérature Linda Hutcheon, <em>Deadloch</em>, la série créée par le duo de comiques australiennes Kate McLennan et Kate McCartney, est autant un réquisitoire contre la <a href="https://journals.openedition.org/gss/3546">« masculinité hégémonique »</a> qu’un plaidoyer en faveur des victimes de discrimination. En usant du rire pour dénoncer des violences structurelles, la série se positionne en tête d’un courant d’expression féministe, récent mais affirmé.</p>
<h2>Une satire sociale</h2>
<p>À la façon des <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/la-bruyere/caracteres"><em>Caractères</em> de la Bruyère</a>, dans <em>Deadloch</em>, chaque personnage correspond à un archétype et incarne de façon exagérée un trait de personnalité, associé à une tendance de la société occidentale. Ce principe permet à la série de brosser avec humour le portrait de nombreux personnages, parmi lesquels des « gentils », comme une vétérinaire écolo persécutant son entourage avec des règles de bienveillance, une footballeuse tenace en quête désespérée de coéquipières ou un agent de police adorablement tire-au-flanc. Du côté des « vilains », on retrouve toute une gamme de misogynes – du paternaliste arrogant au pervers harceleur, en passant par des sexistes ouvertement hostiles et insultants – ainsi que deux femmes : une héritière raciste condescendante, et la belle idiote du village, intolérante essentiellement par stupidité : <a href="https://www.nytimes.com/1991/04/07/magazine/hers-the-smurfette-principle.html">« la schtroumpfette »</a> selon le concept de l’autrice féministe américaine Katha Pollitt, qui sert autant d’alibi aux hommes masculinistes qu’elle est abusée et manipulée par eux.</p>
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<p>Auparavant entièrement contrôlée par des hommes blancs et discriminants, la ville de Deadloch s’est tournée vers l’art et la culture, à la faveur de quelques décès opportuns mais aussi sous l’impulsion d’une maire de couleur, stressée et stressante. La commune est alors devenue miraculeusement un havre de paix pour des couples de lesbiennes, qui sont maintenant beaucoup plus nombreuses ou visibles qu’avant, à commencer par la shérif Dulcie.</p>
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<p>C’est dans ce contexte qu’une série de meurtres fait paraître, aux abords de la ville, des cadavres d’hommes dénudés, dont on a également sectionné la langue, toute référence au <a href="https://www.cairn.info/les-femmes-et-le-pouvoir--9782262075811-page-13.htm">mythe grec de Philomèle</a> étant évidemment purement volontaire.</p>
<p>L’enquête se retrouve alors aux mains de Dulcie mais aussi d’Eddie, une détective impulsive, vulgaire et borderline homophobe, dépêchée en renfort. Les tensions très fortes qui émergent, à la fois entre Dulcie et Eddie et entre le duo d’enquêtrices et le reste de la population s’entremêlent avec la poursuite d’un, ou d’une serial killer, dont le mobile se révèle être lié à la question des violences de genre, les victimes en ayant toutes commis de leur vivant.</p>
<p>Naturellement, comprenant qu’ils sont visés par ce qu’ils pensent être une tueuse en série et supportant très mal leur soudaine position de cible vivante, les machos de la ville tentent de s’organiser pour reprendre la situation en main. Ainsi, dans <em>Deadloch</em>, les comiques de caractère, de mœurs et de situation permettent-ils la peinture contrastée d’un monde inégalitaire et absurde, au bord de l’implosion, une représentation encore rehaussée par une utilisation prononcée du vrai.</p>
<h2>La vérité comme ressort comique</h2>
<p>À maintes reprises, et de façon toujours inattendue, dans la série, les personnages énoncent la vérité, tout du moins leur vérité, que ce soit lors d’un banquet gastronomique, d’un dîner d’anniversaire, d’un interrogatoire de témoin, ou pendant une garde à vue collective. En plus de déclencher le rire, cette authenticité imprévue permet aux autrices de verbaliser, via leurs personnages, un nombre important de phénomènes sociaux et historiques : par exemple, le stigmate social dû à la non-conformité aux stéréotypes de genre, l’éviction des aborigènes de leurs terres lors de la colonisation anglaise ou encore la condamnation de l’homosexualité par l’Église. Typiquement, à la shérif qui lui demande pourquoi elle a arrêté de se rendre à la paroisse, Skye, la chef cuisinière, répond : « Comme toi, Dulcie, je suis devenue trop gay pour ça. »</p>
<p>Cette franchise à portée pédagogique s’accompagne de plus d’un langage grossier, imagé et tellement outrancier que les scénaristes ont dû le défendre auprès de la direction d’Amazon, qui diffuse la série. Dans un essai argumenté, surnommé <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2023/may/27/we-invoked-shakespeare-kates-mclennan-and-mccartney-on-explaining-australian-swearing-to-amazon"><em>The Cunt Manifesto</em></a> (littéralement <em>Le Manifeste de la Chatte</em>), les deux Kate, McLennan et McCartney, ont argué autant d’une exception culturelle australienne que d’une écriture de l’insulte <a href="https://mymarginalia.wordpress.com/2011/01/24/william-shakespeare-and-the-gentle-art-of-cursing/">typiquement shakespearienne</a>. Leur démarche est d’autant plus originale que c’est justement au nom de la bienséance que les femmes ont été pendant des siècles exclues du cercle des comiques professionnels, comme l’explique l’historienne Sabine Melchior-Bonnet dans son livre <a href="https://www.cairn.info/le-rire-des-femmes--9782130825531.htm"><em>Le Rire des femmes, une histoire de pouvoir</em></a>.</p>
<p>Par ailleurs, en observant d’autres œuvres comiques de la décennie passée, on constate que <em>Deadloch</em> partage avec certaines d’entre elles une écriture exclusivement féminine, une grande liberté de ton et l’exposition truculente de violences de genre.</p>
<h2><em>Deadloch</em>, série phare d’une contre-offensive féminine par le rire</h2>
<p>En effet, comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3ktWCk8g1kY"><em>Sweet/Vicious</em></a>, série inconnue en France mais qui a lancé en 2016 la carrière de l’autrice-réalisatrice américaine Jennifer Kaytin Robinson, <em>Deadloch</em> met en lumière l’importance de la sororité face à l’impunité masculine, et ce, malgré la difficulté reconnue de maintenir une cohésion féminine. Comme le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rwZwpqP89pc"><em>Promising Young Woman</em></a> d’Emerald Fennell, couronnée de l’Oscar du meilleur scénario en 2021, <em>Deadloch</em> malmène la figure de l’allié apparent, de l’homme en apparence « sympa », mais qui, sous des dehors amènes, ne sert en réalité que des intérêts égoïstes et malsains. Comme dans le final de <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19588708&cserie=25797.html"><em>I May Destroy you</em></a>, la série en partie autobiographique de Michaela Coel, on ne sait plus si l’on doit rire de l’homme violent, violenté à son tour, ou au contraire le plaindre, voire le consoler.</p>
<p>Auparavant, d’autres séries avaient déjà fait usage d’éléments de comédie, tout en dissertant sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2019-1-page-17.htm">« continuum des violences faites aux femmes »</a>, théorisé par la sociologue britannique Liz Kelly. Citons en particulier la première saison de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hO8Q0qGkiRY"><em>Jessica Jones</em></a> en 2015, la série <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1uFIwRDIO2k"><em>Big Little Lies</em></a> et la troisième saison de <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19568196&cserie=11230.html"><em>Broadchurch</em></a> en 2017. Néanmoins, dans ces œuvres, qui n’étaient pas toutes écrites par des femmes, le rire venait surtout en réconfort, ponctuer un récit dramatique de respirations comiques.</p>
<p>Au contraire, dans <em>Deadloch</em>, <em>I May Destroy You</em> ou <em>Promising Young Woman</em>, loin d’être un baume, le rire a du piquant et provoque d’amères prises de conscience. Non seulement rire et violences y sont indissociables, mais les tensions soulevées par l’humour restent en suspens. Alors qu’une plaisanterie consiste logiquement en l’articulation de deux temps, la création d’une tension que l’on vient ensuite soulager par une punchline, dans <em>Deadloch</em> – exactement comme le préconisait Hannah Gadsby, la comique d’origine tasmanienne, dans son spectacle <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5aE29fiatQ0"><em>Nanette</em></a> – la tension se maintient du côté des hommes. Réduits au silence ou exposés à la risée du public, machistes et misogynes terminent les véritables dindons de la farce, un procédé que l’on retrouve dans <em>Sweet/Vicious</em>, dans <em>Promising Young Woman</em> ou dernièrement aussi dans la démarche de l’humoriste belge Laura Laune. Celle-ci a en effet lancé Trashh, une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6WVMvaoZ4Pg">gamme de vêtements</a> recyclant des commentaires haineux reçus par elle-même et par d’autres femmes. Retournant notamment l’insulte sexiste la plus communément adressée en ligne, l’humoriste arbore, en couverture de son site, un t-shirt sur lequel on peut lire “Salut les fils de pute”. En rassemblant par connivence les personnes insultées et discriminées, le rire participe ici d’une contre-offensive féminine, voire d’une écriture post-traumatique collective.</p>
<h2>Une vision complexe des rapports de domination</h2>
<p>En tant que production emblématique d’une mouvance récente, <em>Deadloch</em> est donc autant une validation qu’un démenti des écrits de Virginia Woolf. D’un côté, la série est écrite et réalisée par des femmes qui cherchent clairement « à modifier les valeurs établies, à rendre sérieux ce qui paraît insignifiant à un homme, et insignifiant ce qui est, pour lui, important », <a href="https://www.editionsdelavariation.com/product-page/virginia-woolf-%C3%AAtre-femme">comme le disait l’autrice aux étudiantes de Cambridge en 1928</a>. Mais quelques années plus tard, <a href="https://www.editions-stock.fr/livre/journal-integral-1915-1941-9782234060302/">Woolf écrivait aussi dans son journal</a> : « plus une vision est complexe et moins elle se prête à la satire ». Or <em>Deadloch</em> offre justement, via la satire, une vision complexe des rapports de domination et de la façon dont ceux-ci peuvent gangrener le tissu d’une communauté.</p>
<p>De fait, puisqu’on ne peut rire de quelque chose sans présupposer de son existence, <a href="https://www.press.jhu.edu/books/title/1576/fictional-truth">comme l’expliquait le critique littéraire Michael Riffaterre</a>, l’humour, surtout s’il est moqueur, est un puissant moyen de générer une vérité, de dessiner les contours d’un fait social, selon la <a href="https://philosophie.universite.tours/documents/1894_Emile_Durkheim.pdf">terminologie d’Émile Durkheim</a>. C’est pourquoi <em>Deadloch</em> donne finalement raison à <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/la-civilisation-du-rire/">l’historien Alain Vaillant</a>, pour qui, « il faut parfois du sérieux, ne serait-ce que pour redonner au rire sa vraie mission anthropologique, qui est de mettre le réel à distance. Mais pour mieux le voir ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221653/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Bastin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’humour, surtout s’il est moqueur, est un puissant moyen de générer une vérité, de dessiner les contours d’un fait social. Illustration avec la série « Deadloch ».Nicole Bastin, Enseignante en études sur le genre, doctorante en études culturelles anglophones, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231062024-02-08T16:54:47Z2024-02-08T16:54:47ZSuper Bowl : 7 millions de dollars les trente secondes de pub, pour quel résultat ?<p>Pendant que les Chiefs de Kansas City se préparent à affronter les San Francisco 49ers lors du Super Bowl 2024 (dans la nuit de dimanche à lundi pour la France), une conversation s’engage sérieusement en parallèle des terrains de <a href="https://theconversation.com/topics/football-americain-82544">football américain</a> sur les <a href="https://theconversation.com/topics/publicite-24275">publicités</a> qui seront diffusées lors de l’un des <a href="https://theconversation.com/topics/television-20491">événements télévisés</a> les plus regardés de l’année aux États-Unis (<a href="https://www.billboard.com/culture/tv-film/super-bowl-2023-viewership-numbers-1235253521/">110 millions de téléspectateurs</a>). Si certains habitués seront bien présents à l’antenne, d’autres brillent par leur absence.</p>
<p>Professeurs spécialistes du <a href="https://harbert.auburn.edu/directory/linda-ferrell.html">marketing</a> et de l’<a href="https://harbert.auburn.edu/directory/oc-ferrell.html">éthique des affaires</a>, nous nous sommes intéressés de près à la liste des annonceurs et notamment aux absents. Parmi ces derniers, on retrouve notamment les <a href="https://finance.yahoo.com/news/america-4-largest-car-makers-224356471.html">quatre grands constructeurs automobiles</a> que sont Ford, General Motors, Chrysler (groupe Stellantis) et Toyota. Tous ont choisi de consacrer leurs budgets publicitaires à des campagnes de marketing plus ciblées. Seuls Kia et BMW seront bien là pour promouvoir leurs nouveaux véhicules électriques, tandis que Volkswagen a prévu de consacrer son budget publicitaire au 75<sup>e</sup> anniversaire de la marque aux États-Unis.</p>
<p>GoDaddy, gestionnaire de noms de domaines sur Internet dont les publicités du Super Bowl ont fait parler d’elles au fil des ans, ne sera pas non plus de la partie cette année. La direction de l’entreprise a indiqué qu’elle <a href="https://adage.com/article/ad-age-podcast/why-godaddy-still-sitting-out-super-bowl/2534516">explorait d’autres options marketing</a> susceptibles de susciter davantage d’engagement de la part de ses marchés cibles.</p>
<h2>7 millions de dollars les trente secondes</h2>
<p>Les publicités du Super Bowl de cette année, dont les créneaux avaient déjà <a href="https://variety.com/2023/tv/news/super-bowl-commercials-sold-out-cbs-tv-advertising-1235777413">tous été vendus au début du mois de novembre 2023</a>, sont dominées par des marques de produits alimentaires et de boissons qui s’adressent à un large public. Les nouveaux annonceurs comme Popeyes, Drumstick, Nerds et le nouveau soda au citron vert de Pepsi, Starry, rejoindront les habitués comme Reese’s, M&M’s, Pringles, Frito-Lay ou Mountain Dew.</p>
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<p>Le plus grand brasseur du monde, Anheuser-Busch InBev, prévoit de diffuser de <a href="https://www.benzinga.com/news/24/01/36779729/bud-light-to-make-a-comeback-at-super-bowl-2024-with-humorous-ad">nombreuses publicités</a> pour ses différentes marques. Cela inclut notamment Bud Light, dont une campagne marketing récente avec une influenceuse transgenre a viré au <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/suite-a-un-fiasco-marketing-la-biere-bud-light-decroche-aux-etats-unis-1952277">fiasco</a>, dans l’espoir de poursuivre l’histoire de ses publicités emblématiques pour le Super Bowl.</p>
<p>À <a href="https://www.msn.com/en-us/sports/nfl/cbs-reportedly-selling-super-bowl-lviii-ads-at-staggering-price-nearly-sold-out-before-2024/ar-AA1jtQs2">7 millions de dollars</a> la diffusion du spot de 30 secondes, même tarif que l’an passé, le passage à l’antenne n’est pas bon marché. Et c’est sans compter le <a href="https://finance.yahoo.com/news/most-expensive-super-bowl-commercials-130041725.html">coût de création des publicités elles-mêmes</a>, souvent plus de deux fois supérieur à ce qu’elles coûteront pour être diffusées le jour du match. Au total, un spot peut coûter aux entreprises plus de 20 millions de dollars.</p>
<p>Qu’espèrent alors les annonceurs ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour certains, c’est clairement le cas.</p>
<h2>Des spots qui ont marqué leur époque</h2>
<p>Il faut tout d’abord rappeler que les publicités les plus efficaces – celles qui sortent du lot – sont visibles bien avant le début du match et pendant des semaines, voire des années, après celui-ci. Des accroches, des bandes-annonces et parfois les publicités elles-mêmes sont généralement diffusées dans les semaines précédant le Super Bowl et font l’objet d’analyse à la télévision, en ligne et sur les médias sociaux.</p>
<p>Cette couverture se poursuit également après le match, avec des sondages et des articles de fond qui classent les publicités qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas fonctionné. Certaines des meilleures publicités du Super Bowl ont même une vie propre qui dure longtemps après leur diffusion. Beaucoup n’ont pas oublié <a href="https://davidjdeal.medium.com/hey-kid-catch-how-coca-cola-and-mean-joe-greene-launched-a-legend-ab7b9492c84d%23:%7E:text=The%252520Reinvention%252520of%252520a%252520Football%252520Legend&text=NBC%252520turned%252520the%252520commercial%252520into,of%252520the%252520ad%252520for%252520Downy">l’emblématique publicité Coca-Cola de 1980</a> mettant en scène le joueur de Pittsburgh, Mean Joe Greene, lançant son maillot à un jeune fan. Diffusée à la fin de l’année 1979, cette publicité a touché un public beaucoup plus large pendant le match, quelques mois plus tard.</p>
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<p>Le spot est resté si populaire qu’il a été repris 30 ans plus tard sous la forme d’une publicité pour le Coca Zero mettant en scène Troy Polamalu, un autre joueur des Steelers. Ces dernières années, la couverture avant et après le Super Bowl a souvent fait revivre ces deux publicités, ainsi que d’autres publicités emblématiques, des décennies plus tard.</p>
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<h2>Choisir ailleurs une publicité plus ciblée ?</h2>
<p>Pourquoi alors les quatre grands constructeurs automobiles, GoDaddy et d’autres anciens annonceurs du Super Bowl délaissent-ils le grand jeu ? Un argument peut-être : la génération Z (personnes nées entre 1997 et 2010), en particulier, ne se montre <a href="https://www.forbes.com/sites/petersuciu/2023/02/08/super-bowl-ads-may-need-to-evolve-to-target-gen-z--that-will-include-a-social-media-component/?sh=4e70a3162b3e">pas impressionnée par les publicités du Super Bowl</a> et ne s’intéresse pas spécialement à la télévision.</p>
<p>Les spécialistes du marketing savent que TikTok et d’autres sites sociaux deviennent de <a href="https://www.shopify.com/blog/tiktok-marketing">meilleures plates-formes</a> pour diffuser des messages à des groupes démographiques ciblés. Le retour sur investissement de la publicité est beaucoup plus facile à suivre sur ces sites, et les dépenses publicitaires plus faciles à justifier, surtout si l’on considère la fréquence à laquelle ces publicités sont partagées avec la famille et les amis, en quelques secondes et en appuyant sur quelques touches.</p>
<p>Dans le paysage médiatique fragmenté d’aujourd’hui, le Super Bowl reste malgré tout un événement rare dont l’attrait demeure véritablement massif : selon la National Football League (NFL), <a href="https://www.nfl.com/news/super-bowl-lvii-total-viewing-audience-estimated-at-200-million">plus de 60 % des Américains</a> ont regardé le match de l’année dernière. Cela fait beaucoup de spectateurs.</p>
<p>En fin de compte, les responsables marketing d’aujourd’hui reconnaissent que les publicités télévisées du Super Bowl fonctionnent mieux lorsqu’elles promeuvent des produits de grande consommation – grâce à <a href="https://doi.org/10.1080/13527266.2011.581302">l’humour, à l’utilisation d’animaux, à la nostalgie et aux célébrités</a> – ainsi que des causes sociales qui trouvent un écho auprès des consommateurs. Associer une marque à un storytelling marquant et créatif est également un moyen efficace d’accroître sa <a href="https://www.cnn.com/2020/02/03/perspectives/super-bowl-ads-google-loretta/index.html">visibilité globale</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Reste-t-il intéressant pour les entreprises de dépenser 7 millions de dollars pour trente secondes de publicité autour du Super Bowl, même s’il reste un des événements les plus regardés de l’année ?Linda Ferrell, Professor of Marketing, Auburn UniversityO.C. Ferrell, Professor of Ethics, Auburn UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228362024-02-06T14:42:04Z2024-02-06T14:42:04ZLa série « Balenciaga », fenêtre sur l’histoire de la haute couture<p>Né dans un petit village de pêcheurs basques sur la côte nord de l’Espagne à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://www.cristobalbalenciagamuseoa.com/en/discover/cristobal-balenciaga/">Cristóbal Balenciaga</a> (1895-1972) est devenu l’un des créateurs de mode les plus novateurs et les plus influents du XX<sup>e</sup> siècle – et le roi de la mode à Paris.</p>
<p>Son dévouement au métier de couturier et de tailleur a été très tôt encouragé par sa mère couturière et reconnu par l’aristocratie espagnole locale qui a su reconnaître ses talents. La marquise de Casa Torres, sa protectrice, lui permet de faire un apprentissage de tailleur à Saint-Sébastien, où il a ouvert sa première entreprise de couture en 1919, à l’âge de 24 ans, et plus tard un atelier à Madrid.</p>
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<img alt="Un homme brun en costume élégant" src="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cristóbal Balenciaga ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Crist%C3%B3bal_Balenciaga#/media/File:Cristobal_Balenciaga.jpg">Louise Dahl-Wolfe, 1950/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ses coupes impeccables et ses compétences exceptionnelles en matière d’assemblage et de couture de vêtements à la main lui valent une position respectée dans le monde de la haute couture à Paris, où il ouvre sa <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/acref/9780199891573.001.0001/acref-9780199891573-e-4043">maison</a> en 1937.</p>
<p>La vie et l’œuvre de Balenciaga sont actuellement explorées dans une <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2024/jan/19/cristobal-balenciaga-review-this-classy-drama-is-utterly-gorgeous">série biographique espagnole en six épisodes</a> sur <a href="https://press.disney.co.uk/news/original-drama-series-crist%C3%B3bal-balenciaga-will-debut-january-19-exclusively-on-disney+-in-the-uk">Disney+</a>. La série retrace l’histoire de l’homme qui est devenu le « maître » de la <a href="https://www.businessoffashion.com/education/fashion-az/haute-couture">haute couture</a> grâce à ses créations innovantes de vêtements féminins et son utilisation originale des textiles pendant les années qu’il a passées à Paris, de 1937 à 1968.</p>
<p>La nouvelle série de Disney met en scène Alberto San Juan dans le rôle de Balenciaga et s’articule autour du créateur qui se remémore les événements de sa vie et de sa carrière lors d’une rare interview en 1971 avec la rédactrice de mode du <em>Times</em>, Prudence Glynn (Gemma Whelan).</p>
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<h2>La mode pour un monde d’après-guerre</h2>
<p>Nous rencontrons Balenciaga en 1937, un an après avoir accepté le statut très convoité de « couturier », conféré par les normes rigoureuses de la <a href="https://www.fhcm.paris/en/our-history">Chambre syndicale de la couture parisienne</a>. Les talents de tailleur et de couturier de Balenciaga, ainsi que ses créations innovantes, ont joué un rôle crucial dans le succès et l’impact durable de la haute couture du milieu du XX<sup>e</sup> siècle – un fait qui est soigneusement décrit dans la série.</p>
<p>Si la licence artistique embellit les moments intimes et émotionnels de la série, celle-ci est globalement fidèle à l’histoire, notamment en ce qui concerne les relations et les rivalités entre les couturiers <a href="https://www.vogue.co.uk/article/coco-chanel-biography">Coco Chanel</a> (Anouk Grinberg), <a href="https://www.vogue.co.uk/article/christian-dior">Christian Dior</a> (Patrice Thibaud) et le mentorat de <a href="https://www.vogue.co.uk/article/hubert-de-givenchy-biography">Hubert de Givenchy</a> (Adrien Dewitte).</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans l’épisode 2 (« L’occupation »), lorsque l’investisseur de Balenciaga cherche à se rassurer et rend visite à Chanel pour lui demander si le créateur peut réussir dans la haute couture parisienne, sa célèbre réponse est retentissante : « « Cristóbal était le seul vrai couturier parmi nous tous. Les autres n’étaient que des stylistes ».</p>
<p>La série retrace les turbulences politiques et économiques de la mode au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Les créateurs devaient protéger leur réputation et leur intégrité créative et faire face à l’espionnage industriel, dans un contexte international mouvementé. Pendant ce temps, les traditions artisanales de la couture devaient faire face à la montée et à l’expansion de la fabrication en masse du <a href="https://www.masterclass.com/articles/ready-to-wear-fashion-guide">prêt-à-porter</a>.</p>
<h2>Trouver l’inspiration</h2>
<p>L’influence de Balenciaga dans le domaine de la couture tient aussi à son inspiration issue des vêtements traditionnels espagnols et des vêtements liturgiques du catholicisme, qu’il a incorporés dans ses collections.</p>
<p>Au cours des épisodes 1 et 2, nous le voyons s’efforcer de définir le style de sa maison jusqu’à ce qu’il consulte ses livres d’art et de costumes historiques pour trouver l’inspiration. Cet engagement dans la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/memories-of-dress-9781350153813/">mémoire culturelle de l’habillement</a>, révèle l’authenticité, la signification et la profondeur de ses créations qui émergent de ses racines espagnoles.</p>
<p>Christian Dior a dit de Balenciaga qu’il était « notre maître à tous », et l’Espagnol était admiré pour son génie technique et ses innovations par les journalistes de mode, les critiques, les clients, les employés et ses pairs dans les cercles de la haute couture.</p>
<p>Les nouveaux créateurs de prêt-à-porter, dont il a été le mentor, ont repris ses principes de conception dans leurs lignes de vêtements de luxe fabriqués en série, notamment Givenchy, <a href="https://www.vogue.com/article/remembering-andre-courreges">André Courrèges</a> et <a href="https://www.vogue.co.uk/article/emanuel-ungaro-biography">Emanuel Ungaro</a>.</p>
<h2>Industrie et passion</h2>
<p>Il s’agit d’une série écrite, réalisée et dirigée par des personnes qui respectent la place des idées, des compétences et de l’innovation dans la pratique de la fabrication des vêtements de haute couture. La magie de Balenciaga repose sur un dévouement infatigable son art. Partout, nous voyons des mains, des outils, des textiles manipulés, coupés, pliés, cousus, ajustés et finalement formés sur un corps, prêt à être admirés et, en fin de compte, vendus.</p>
<p>Il s’agit là d’une des réussites de cette série. Dans le dernier épisode, « Je suis Balenciaga », l’Espagnol s’interroge sur l’avenir de la couture et de sa maison dans un contexte de prêt-à-porter en plein essor. Il se rend compte que l’une des options qui s’offrent à lui est de se retirer et de passer les rênes à un collaborateur de confiance. Cependant, il déclare : « Ce n’était pas seulement une entreprise, elle faisait partie de moi, comme une extension de mon corps. Comment un corps peut-il survivre sans cerveau ? »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femme portant un tailleur noir à manches évasées et jupe au genou, assise sur un socle, la main droite levée et appuyée contre le mur" src="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Costume vintage Cristóbal Balenciaga, 1951.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/51248231@N04/4711015713">Bianca Lee/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La série montre aussi le pouvoir croissant des médias qui imposent le rythme des changements sur les marchés de la mode. <a href="https://www.harpersbazaar.com/culture/features/a92/bazaar-140-0507/">Carmel Snow</a> ((Gabrielle Lazure) est un personnage important de la série : c’était la responsable de la mode de l’édition américaine du très influent magazine lifestyle <a href="https://www.harpersbazaar.com/"><em>Harper’s Bazaar</em></a>. Snow avait le pouvoir de faire ou défaire la fortune des plus grands couturiers, car, sans l’exposition offerte par le prestigieux magazine, il n’y aurait eu ni clients, ni commandes.</p>
<p>L’épisode quatre – « Imitations » – montre les prémisses du débat sur les systèmes actuels de <a href="https://www.vogue.co.uk/fashion/article/article/history-of-paris-fashion-week"><em>fashion weeks</em></a>, afin de limiter l’accès de la presse aux défilés de couture intimes dans les maisons, par crainte de voir apparaître des copies et des contrefaçons.</p>
<p>Cette série, bien que dramatisée, représente avec une certaine fidélité un pan important de l’histoire. Ce que nous portons est une facette de notre identité, et la mode est au cœur des événements quotidiens et extraordinaires. Cette série témoigne du fait que la conception, la fabrication et la promotion des vêtements mêleront toujours passion et drame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elizabeth Kealy-Morris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La série Balenciaga offre un aperçu fascinant de l’univers de la haute couture au milieu du siècle dernier, en retraçant le destin d’un couturier d’exception.Elizabeth Kealy-Morris, Senior Lecturer in Dress and Belonging, Manchester Fashion Institute, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204372024-01-25T14:53:19Z2024-01-25T14:53:19ZCulture pornographique et télé-réalité : quand l’inceste envahit nos écrans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570917/original/file-20240123-27-4v3kbw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C10%2C997%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kelle embrasse son fils Joey, image de promotion de l’émission MILF Manor, 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span></figcaption></figure><p>Dans l’émission de télé-réalité <em>Loft Story</em>, la désormais célèbre « scène de la piscine », dans laquelle il y aurait eu un rapport sexuel filmé entre Loana et Jean-Édouard, fait les gros titres en 2001. À ce moment-là, la polémique que suscite l’émission est symptomatique d’une panique morale plus large qui accompagne l’émergence de la télé-réalité en France : un genre télévisuel que certains appellent alors la « télé-poubelle » ou autrement dit en anglais la « trash TV ».</p>
<p>Plus de vingt ans après <em>Loft Story</em>, l’émission <em>Frenchie shore</em> diffusée fin 2023 sur la plate-forme de streaming payante Paramount+ et sur MTV fait à son tour scandale. Alors qu’elle donne à voir de manière bien plus explicite des personnes assumant « baiser devant les caméras » pour reprendre les mots d’Ouryel, une candidate de l’émission, <em>Frenchie Shore</em> montrerait alors, selon une journaliste de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TrjrU1MVIXI"><em>C l’hebdo</em></a>, une « image assez particulière de la sexualité ».</p>
<p>Si certains sonnent alors le retour de « la vraie télé-réalité » avec <em>Frenchie Shore</em>, considérée comme l’émission la plus « trashissime » jamais diffusée en France, ce genre d’émissions n’est pourtant pas nouveau. On pense à <em>L’île de la tentation</em> (diffusée à partir de 2002 sur TF1), <em>Opération séduction aux Caraïbes</em> (2002), <em>Secret Story</em> (première diffusion en 2007), <em>Les Anges de la télé-réalité</em> (diffusée pendant 10 ans à partir de 2007 également), <em>Les Marseillais</em> (de 2012 à 2022) ou encore <em>Adam recherche Eve</em>, une émission de <em>dating</em> diffusée en 2015 sur la chaîne C8, dans laquelle des hommes et des femmes se rencontrent totalement nus sur une île déserte.</p>
<h2>Les bikinis shows : sexualité et nudité au programme</h2>
<p>En fait, l’émission <em>Frenchie Shore</em>, dans laquelle de jeunes gens passent des vacances plutôt torrides dans une villa au Cap d’Adge, pourrait être classée du côté de ce que l’industrie appelle en anglais les bikinis shows : des émissions aux couleurs saturées, qui reposent sur un casting de jeunes adultes, hommes et femmes aux plastiques standardisées. </p>
<p>Notons par ailleurs que la plate-forme de streaming Netflix a elle aussi investi dans les <em>bikinis shows</em>, en diffusant par exemple depuis 2020 l’émission <em>Séduction haute tension</em> (<em>Too Hot to Handle</em> en anglais), dans laquelle les téléspectateurs assistent aux ébats sexuels des participantes et participants qui doivent pourtant rester chastes (sous peine de voir leur cagnotte collective diminuer à chaque transgression). Connue pour être désormais l’émission « la plus chaude » de Netflix, cette émission de télé-réalité américaine a depuis été déclinée dans plusieurs versions, comme en Allemagne ou au Brésil par exemple.</p>
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<p>En ce qui concerne <em>Frenchie Shore</em>, le producteur de l’émission précise que « ce n’est pas de la pornographie ». Pour ne pas franchir ce qui semblerait être les limites communément admises de ce qu’est ou non un contenu pornographique, les producteurs font usage de stratégies variées : floutages des parties génitales, images filmées en caméra infrarouges, <em>smiley</em> cachant des actes sexuels telles que des fellations ou des pénétrations, etc. Par ces procédés, les émissions de télé-réalité jouent de fait avec les limites de la pornographie, et en France, dans un contexte de nouvelle légifération entourant l’accessibilité des contenus pornographiques, l’émission <em>Frenchie Shore</em> fait sensation. Si l’émission ne peut être qualifié de « contenu pornographique » en tant que tel, elle permet néanmoins de poser la question des circulations entre télé-réalité et pornographie.</p>
<p>Subrepticement, l’émergence des thématiques incestueuses dans la télé-réalité permet d’approfondir la nature de ces liens et leurs conditions d’existence : d’autres émissions, cette fois-ci américaines mais disponibles aussi en France, s’emparent en effet plus manifestement des codes de la pornographie mainstream, en s’appuyant notamment sur la trend pornographique de l’érotisation de l’inceste, et méritent que l’on y prête une plus grande attention.</p>
<h2>« Dans la famille sexy », je demande… la mère et le fils !</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joey et sa mère, « ça va être une période effrayante » en parlant de l’émission de télé-réalité <em>MILF Manor</em> (2023).</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>En 2023, les émissions américaines <em>MILF Manor</em> (diffusé sur TLC en 2023) puis <em>Dated and Related</em> (en français <em>Dans la famille sexy</em> diffusée sur Netflix la même année) s’inscrivent dans la dynastie des bikinis shows, mais avec un twist narratif inédit : la co-présence de frères et sœurs (parfois jumeaux) ou de mères et de leurs fils dans les villas faisant office d’espaces de séduction clos.</p>
<p>Ainsi, <em>MILF Manor</em> filme huit femmes âgées de 44 à 60 ans cherchant à rencontrer des hommes plus jeunes qu’elles et à entamer une relation avec l’un d’entre eux. Mais « surprise », les huit jeunes hommes qui les rejoignent dans la villa ne sont autres que leurs fils respectifs, âgés de 20 à 30 ans environ. Dans l’émission <em>Dated and Related</em>, présentée par la plate-forme comme son émission la plus « gênante », des duos composés de frères et de sœurs ou de cousines et de cousins se rencontrent et cherchent à relationner sous l’œil plus ou moins complaisant de leurs collatéraux, dans une villa située dans les hauteurs de Cannes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les sœurs jumelles Diana et Nina dans l’émission Dated and Related (<em>Dans la famille sexy</em> en français) 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>À première vue, <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> pourraient appartenir à la lignée des émissions portées sur l’investissement de membres de la parenté dans la planification et le jugement de relations conjugales ou matrimoniales d’un·e des leurs (comme dans <em>Qui veut épouser mon fils ?</em> ou encore par exemple <em>Ma mère, ton père, l’amour et moi</em>, diffusée récemment sur TF1). Mais contrairement à ces émissions, l’enjeu entre les candidats appartenant à la même famille n’est pas l’intégration par la conjugalité d’un nouveau membre dans leur famille.</p>
<p>Les émissions <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> portent en effet sur la vie affective et sexuelle des candidates et candidats et s’inscrivent de cette façon dans le genre des bikinis shows et se distinguent par plusieurs aspects des émissions engageant les membres d’une même famille. D’abord, elles mettent en scène des corps standardisés et hypersexualisés propres aux codes de la pornographie mainstream.</p>
<p>Ensuite, le fait que les duos « mères/fils » dans <em>MILF Manor</em>, ou les duos de sœurs, de cousins, etc. dans <em>Dated and Related</em> soient simultanément à la recherche d’un partenaire dans le même espace clos est une mécanique narrative inédite dans la télé-réalité. Ainsi, dans ces deux émissions, les membres de la famille commentent les désirs des uns et des autres ou ce que chacun décide de faire avec son corps, dans sa vie intime : des sujets qui les invitent à se sexualiser mutuellement, ce qui est généralement esquivé dans les <em>dating shows</em> impliquant les familles des candidat·e·s.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le défi massage dans <em>MILF Manor</em>, lors duquel les fils massent chacune des mamans à l’aveugle, 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>Par ailleurs, <em>MILF Manor</em> joue de manière plus flagrante sur l’ambiguïté produite par la co-présence de celles et ceux présentés tout au long de l’émission comme les « moms » et les « sons » (en français « les mamans » et les « fils »). En effet, les duos mère-fils partagent une même chambre, ce qui ne les empêche pas d’avoir simultanément des invité·e·s dans leurs lits respectifs. Une confusion des générations est constamment mise en scène, des « moms » étant successivement amenées à « esquiver » d’autres MILFS pour s’acoquiner avec les « sons » sans se faire prendre, puis à exprimer une réprobation toute maternelle quant aux choix de fréquentations de leurs fils.</p>
<p>L’humour et le scandale reposent ainsi sur le risque érotisé de l’inceste et la suggestion de son existence, puisque les « défis » consistent par exemple, pour les mères, à reconnaître le torse de leur fils, les yeux bandés, en palpant un à un les garçons. En retour, les « sons » seront notamment invités à réaliser des massages sensuels, les yeux bandés, sur les dos nus de chacune des « moms ». Tous auront également à reconnaître un maximum de sous-vêtements sales appartenant à leur mère/fils pour obtenir une victoire.</p>
<h2>L’inceste : une nouvelle trend de la télé-réalité ?</h2>
<p>C’est avant tout dans l’industrie pornographique que l’inceste est devenu omniprésent au fil des dernières années, comme l’explique Ovidie dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-culture-de-l-inceste-collectif/9782021502053"><em>La culture de l’inceste</em></a> à travers un article sur la « step-mom » (belle-mère), « le tag le plus recherché au monde » sur les sites pornographiques.</p>
<p>Dans la pornographie, elle explique que l’inceste est montré comme fun et consenti. Outre les scénarios incestueux, il arrive également que des acteur·rices apparenté·e·s tournent ensemble dans des vidéos, tandis que des pages X (Twitter), Instagram ou Onlyfans proposent leur lot de contenus érotiques amateurs mettant en scènes des frères, des sœurs, des jumeaux. Les émissions <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em> capitalisent de fait sur cette tendance pornographique pour capter l’attention du public.</p>
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<p>Cela étant, la pirouette narrative de l’émission consiste au montage à accompagner systématiquement ces moments d’érotisation de l’inceste par les commentaires de candidat·e·s exprimant soit du dégoût, soit de l’excitation, mettant ainsi en exergue l’ambiguïté attendue dans la réception de ces scènes. Il s’agit donc de suggérer l’éventualité de la transgression (ici incestueuse), sans que celle-ci ne soit jamais actualisée, pour reprendre l’analyse de la chercheuse Divina Frau-Meigs dans un <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/15502322.pdf">article</a> qu’elle consacre aux liens entre télé-réalité et pornographie en 2003.</p>
<p>Si s’appuyer sur la culture de l’inceste dans la télé-réalité semble relativement nouveau, dans la pornographie, cette tendance est en revanche loin d’être marginale. Les journalistes de <em>Cash Investigation</em> (France TV, 2023) expliquent <a href="https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/5247165-porno-un-business-impitoyable.html">par exemple</a> que des sites pornographiques s’obligent en fait à « défaire » les liens de parenté dans leurs titres (en ajoutant par exemple « step » devant « brother and sister » ou devant « moms ») pour que les vidéos soient diffusables et ne soient pas qualifiées d’incestueuses. La popularité de l’inceste dans la pornographie souligne ainsi une contradiction entre les discours publics de rejet et de dégoût en réaction à l’inceste (et donc aux émissions citées), et entre l’excitation générée par la consommation de contenus en privé.</p>
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<h2>Décloisonner certains imaginaires pornographiques</h2>
<p>Il est important de souligner que la télé-réalité fait l’objet d’une forte dévaluation sociale, ici en montrant notamment dans <em>Frenchie Shore</em> des formes de sexualités jugées socialement inacceptables car considérées « trop vulgaires » et « débridées ». En fait, cette émission, comme beaucoup d’autres avant elle, brouille les frontières du public et de l’intime et s’inscrit dans un mouvement plus général de publicisation de l’intime, alors au cœur du « modèle néolibéral » (comme le note plus précisément Divina Frau-Meigs). Cela dit, la nouveauté dans <em>Frenchie Shore</em>, c’est qu’en plaçant la sexualité au cœur de son dispositif télévisuel de manière explicite, elle pousse le brouillage à son paroxysme, rendant alors quasi-visibles des choses qui demeurent habituellement cachées, sauf dans le cadre de la production pornographique. De la même manière, ce qui suscite l’indignation dans <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em>, c’est que des éléments de l’intimité des candidat·e·s sont exposés et commentés par des membres de leur famille.</p>
<p>Quoi qu’en disent plusieurs journalistes et internautes, notons que ces émissions de télé-réalité ne traduisent pas un intérêt nouveau pour l’inceste. À ce titre, il est important de rappeler que l’érotisation des relations incestueuses est un procédé récurrent des productions culturelles (comme le démontre Iris Brey dans <em>La culture de l’inceste</em>), qui nourrissent la culture de l’inceste et en occultent le véritable phénomène social : les violences sexuelles intrafamiliales commises sur les enfants, dont nous savons aujourd’hui qu’elles concernent un <a href="https://facealinceste.fr/blog/publication/comment-nous-arrivons-au-chiffre-de-1-francais-sur-10-victime-d-inceste">enfant sur dix</a> et qu’elles relèvent de l’exercice d’une domination.</p>
<p>Finalement, la question n’est donc pas de savoir si ce type d’émissions se place ou non à la limite de la pornographie, mais d’analyser la manière dont la télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique. Filmer des actes sexuels ou érotiser l’inceste s’inscrit dans la continuité de circulations et d’emprunts qui s’opèrent entre le genre de la télé-réalité et la pornographie. </p>
<p>Alors que ces représentations ne semblent guère entaillées par une période de lutte renouvelée contre les violences sexuelles intrafamiliales, la place d’un inceste illusoire, car « fun » et « consenti », dans ce genre de contenus qui troublent la notion de réalité, doit être questionnée de manière critique. Cela, dans un contexte où les productions culturelles montrant la violente réalité de l’inceste demeurent rares. La réception de certaines d’entre elles, tel que <em>Triste Tigre</em> de Neige Sinno qui a remporté les prix Femina et le Goncourt des lycéens en 2023, atteste d’ailleurs d’un intérêt renouvelé pour ces récits restituant les réalités subies par les victimes. Ainsi, la question de l’inceste ne cesse de mettre la société face à ses propres contradictions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique.Aziliz Kondracki, Doctorante en anthropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Corentin Legras, Doctorant en athropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204052024-01-14T16:30:10Z2024-01-14T16:30:10ZDu « Jour du Seigneur » aux croisades morales de CNews<p>Le <em>Jour du Seigneur</em> vient de fêter ses 75 ans. Émission emblématique du <a href="https://theconversation.com/debat-laudiovisuel-public-est-il-vraiment-public-156794">service public</a> par sa longévité, elle s’inscrit dans un processus ancien d’influence de l’Église au sein des médias. Si les émissions religieuses font désormais partie du « patrimoine » de la <a href="https://theconversation.com/la-necessite-de-la-television-publique-158175">télévision publique</a>, elles ne manquent pas d’interroger le <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/271400-la-loi-du-9-decembre-1905-de-separation-des-eglises-et-de-letat">principe de laïcité</a>.</p>
<h2>Des causeries religieuses aux radio-sermons</h2>
<p>Les émissions religieuses illustrent la rapidité avec laquelle l’Église catholique a su s’adapter à l’évolution des médias pour étendre son influence. Ce sont essentiellement les dominicains, appartenant à <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-histoire-des-religions-2018-3-page-554.htm">l’Ordre prêcheur</a> (OP), congrégation pour l’évangélisation des peuples, qui vont être les fers de lance du mouvement d’influence.</p>
<p>À partir de 1927, la station Radio-Paris retransmet les conférences de Notre-Dame et diffuse chaque dimanche 20 minutes de prédication catholique, appelée la « causerie religieuse ». Au 1<sup>er</sup> janvier 1934, suite à la décision du gouvernement français de racheter Radio-Paris afin d’en faire une radio nationale publique, les émissions religieuses sont supprimées au nom de la neutralité de l’État malgré les critiques rejetant un « laïcisme outrancier".</p>
<p>C’était sans compter l’influence des dominicains : elles sont rétablies à Pâques la même année… À partir de cette date, les prédications <a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/1411">« radio-sermons »</a>, sorte de discours simples, directs, familiers, à la portée de tous, fleurissent sur les radios d’État ou privées.</p>
<p>L’introduction de la messe est plus tardive. En 1935, une campagne est menée par des auditeurs et des personnalités de confession catholique auprès du ministre des PTT pour la diffusion d’une messe hebdomadaire. Mais la radio d’État résiste au motif que l’expression religieuse à la radio doit être soumise aux principes de laïcité et de neutralité. Les dominicains orchestrent alors une campagne de communication et obtiennent ainsi à la Pentecôte 1938 que Radio-37, nouvelle radio privée en quête d’audience, diffuse en direct la messe.</p>
<p>Après la libération, la radiodiffusion française (RTF) devient monopole d’État. Néanmoins, dès octobre 1944, la messe est diffusée sur les antennes et des programmes spéciaux ont lieu pour les événements catholiques.</p>
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<h2>L’introduction des émissions religieuses à la télévision</h2>
<p>Dans les années 1950, dans une télévision française naissante, les premiers programmes de télévision accordent sans tarder une place et une attention particulières aux émissions à caractère religieux.</p>
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<p>Cette présence du religieux est essentiellement due à l’action conjointe du père Pichard, dominicain, et celle de <a href="https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/arcy-jean">Jean d’Arcy</a>, alors chargé de mission au cabinet de François Mitterrand, secrétaire d’État chargé de l’information auprès du président du Conseil. Si Jean d’Arcy défend le choix des 819 lignes, technique de qualité qui rendrait la France compétitive, le père Pichard entend prioritairement mettre la technique au service de l’unité chrétienne. Ancien résistant, Jean d’Arcy considère aussi ce nouveau média comme instrument de lien et de communication entre les peuples, susceptible de répondre aux besoins spirituels du public :</p>
<blockquote>
<p>« Grâce à la Télévision, qui apporte un spectacle complet, maintenant, à domicile, nous pouvons apporter la satisfaction de ces besoins intellectuels et spirituels, qui ne sont plus réservés ainsi aux classes riches, aux classes aisées, comme c’était le cas jusqu’à maintenant. C’est en cela que nous sommes un service, et un service public. » (stage international des réalisateurs, 21/10/1957. Fonds J. d’Arcy)</p>
</blockquote>
<h2>La première messe télévisée</h2>
<p>En 1948 est diffusé le premier direct extérieur de la télévision française : il s’agit la messe de Noël en direct de la cathédrale Notre-Dame, la première messe télévisée au monde. Quant au <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i19053921/premiere-allocution-televisee-du-pape-pie-xii">premier discours à la télévision</a> française, c’est celui du Pape Pie XII, diffusé le 17 avril 1949.</p>
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<p>À partir du 9 octobre 1949, la télévision française émet 17 heures de programme par semaine. Parmi celles-ci : une heure et demie de programmes religieux catholiques, soit 9 % du temps d’antenne. Le père Pichard, engagé par contrat « en qualité de collaborateur artistique » est rémunéré pour exercer des fonctions de conseiller ecclésiastique à la télévision, ce qui constitue un certain nombre <a href="https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite">d’entorses au principe de laïcité</a>.</p>
<p>Jean d’Arcy, devenu directeur des programmes de la RTF (radiodiffusion-télévision française) en 1952, continue de s’intéresser au développement de la télévision catholique en même temps qu’à celui de l’Eurovision, toutes deux destinées à créer « une communauté spirituelle entre les peuples » selon lui. Ses <a href="https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2007-2-page-247.htm">discours</a> attestent ainsi de la place des courants d’inspiration chrétienne dans la construction de la première télévision.</p>
<p>Le débat autour de la compatibilité des émissions religieuses avec le principe de laïcité reprendra de la vigueur après que la RTF, le 5 décembre 1954, décide de diffuser tous les dimanches à la télévision <em>Le Jour du Seigneur</em>, un magazine et une messe catholiques en direct. En l’absence de cadre légal, au nom du principe de neutralité du service public mais aussi pour faire taire les critiques, les responsables proposent au président de la Fédération protestante de France une émission « Présence protestante » dès 1955 dans la grille des programmes. D’autres religions et courants spirituels suivront : <em>La Source de vie</em> (judaïsme, 1962), <em>Orthodoxie</em> (1963), <em>Foi et traditions des chrétiens orientaux</em> (1965), rejoints par l’Islam (1983) et le Bouddhisme (1996).</p>
<h2>Émissions religieuses : une entorse au principe de laïcité ?</h2>
<p>Il faut attendre la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000006089724">loi du 7 août 1974</a> pour que soit consacré un « égal accès à l’expression des principales tendances de pensée et des grands courants de l’opinion ». Plus tard, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000043969260">loi du 30 septembre 1986</a> relative à la liberté de communication prévoit et encadre juridiquement la programmation des émissions religieuses (article 56). <a href="https://www.senat.fr/rap/l08-150/l08-15089.html">Cette loi impose à France Télévisions</a> de programmer et de participer financièrement à la réalisation d’émissions religieuses consacrées aux principaux cultes.</p>
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<p>La diffusion de programmes religieux est donc rendue possible en droit français par une interprétation du principe de neutralité du service public audiovisuel : l’idée est que le pluralisme dans le contenu de l’audiovisuel public est une garantie de cette neutralité. Il en résulte que c’est bien la loi qui prévoit les émissions religieuses, sur la base de la Constitution, et cela sans que puisse être opposée la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905. Selon le législateur, les programmes à caractère religieux à la télévision publique participent à la formation des divers courants d’opinions des citoyens, et revêtent ainsi le caractère d’une mission de service public.</p>
<p>Si la neutralité du service public audiovisuel suppose la représentation de tous les courants de pensée, c’est le juge qui doit délimiter les contours de cette notion en cas de conflits. En 1980, Le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007687938">Conseil d’État</a> a rejeté une demande tendant à bénéficier d’un même espace d’expression au bénéfice des athées, en jugeant que le principe d’égalité de traitement des grands courants d’opinion « ne fait pas obstacle à ce que des émissions particulières soient consacrées à l’expression de certaines formes de pensée et de croyance ».</p>
<p>Dans la pratique, les émissions religieuses sont diffusées le dimanche matin entre 8 h 30 et 12 h, et réunissent en moyenne 8,5 % de part d’audience. Le <em>Jour du Seigneur</em>, émission co-produite avec le comité français de radio-télévision (CFRT), association dominicaine en charge du programme, bénéfice d’une heure trente tous les dimanches avec une audience de <a href="https://www.arcom.fr/sites/default/files/2023-11/Rapport-sur-execution-du-cahier-des-charges-de-France-Televisions-Annee-2022-Arcom_0.pdf">600 000 personnes</a> soit 11,4 % de parts d’audience, en baisse depuis plusieurs années. Cela est peu au regard des 1,8 M d’abonnés du <a href="https://twitter.com/Pontifex_fr">compte du Pape François sur X (ex Twitter)</a></p>
<h2>Un monopole du sens ?</h2>
<p>Comme le rappelle <a href="https://irel.ephe.psl.eu/sites/default/files/iesr_import//debray.pdf">Regis Debray</a>, on ne saurait reconnaître aux religions un quelconque monopole du sens. Pour ce qui relie l’individu au temps, au cosmos et à ses congénères, les religions instituées n’ont ni exclusivité ni supériorité a priori. Les réponses profanes aux questions que posent la fin de vie, l’interruption volontaire de grossesse, le mariage pour tous, l’origine et la finalité de l’univers, contribuent pleinement à la formation du sens. Il faut ainsi faire le partage entre le religieux comme objet de culture (entrant dans le cahier des charges de la télévision publique qui a pour mission de permettre de comprendre l’apport des différentes religions à l’institution symbolique de l’humanité) et le religieux comme objet de culte (pratique personnelle dans le cadre d’associations privées). On peut légitimement s’interroger sur la place de retransmissions de prières collectives à la télévision de service public.</p>
<h2>CNews et croisade morale</h2>
<p>Enfin, si les émissions religieuses du service public sont bien encadrées par la loi, quoiqu’en porte-à-faux avec la représentation d’une République incarnant l’émancipation du service public à l’égard du religieux, la présence de journalistes d’opinion au sein de chaînes privées interroge peut-être plus encore la laïcité.</p>
<p>Avec l’émission « En quête d’esprit » animée par Aymeric Pourbaix, journaliste du magazine France Catholique, diffusée chaque dimanche, CNews entend « aborder l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique » et plus précisément défend une ligne éditoriale chrétienne affirmée. À titre d’exemple, le <a href="https://www.cnews.fr/emission/2023-03-12/en-quete-desprit-du-12032023-1331847">12 mars 2023</a>, à l’occasion du projet d’inscription dans la Constitution de la loi « Veil » relative à l’interruption volontaire de la grossesse (IVG), l’animateur qualifie l’IVG de « dogme » et défend « la place du pardon et de la miséricorde divine ». Une attaque au droit fondamental de la femme à disposer de son corps.</p>
<p>Faut-il rappeler que la laïcité est la garantie de la liberté de conscience, indépassable outil au service de l’émancipation des hommes et des femmes, ciment de la citoyenneté et de l’égalité de tous vis-à-vis de tous ? L’esprit critique est alors indispensable pour décrypter au sein des médias et sur les réseaux sociaux les discours dogmatiques et manœuvres d’influence, offrant un terrain fertile aux attaques à la laïcité et à la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/07/ivg-net-le-site-tres-oriente-d-un-couple-de-militants-catholiques_5044551_4355770.html">désinformation active dans le domaine</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Pierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Chaque dimanche depuis 75 ans, la télévision publique diffuse une émission catholique. Comment cela s’articule-t-il avec le principe de laïcité ?Sylvie Pierre, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication/Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189542023-12-14T19:11:09Z2023-12-14T19:11:09ZTéléfilms de Noël : les recettes de leur succès au long cours<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565157/original/file-20231212-23-3tf6ve.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C988%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_Falling for Christmas_, téléfilm de Noël diffusé sur Netflix.</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Alors que la nuit tombe plus tôt, que les rues, vitrines et monuments s’illuminent de mille feux et que les traditionnels marchés s’installent au cœur des bourgs, Noël envahit également l’intérieur des habitations, des décorations aux petits écrans. En effet, comme le chantait <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Rct7_aMc5B8">Billy Mack</a> dans le désormais culte <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=44445.html"><em>Love Actually</em></a>, « Christmas is all around », y compris à la télévision.</p>
<p>Les « films de Noël » ne sont pas nouveaux : ils existent dès la fin du <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-films-de-noel-e5ccd9ce-ca1b-4cfe-9468-c19a72a2a054">XIX<sup>e</sup> siècle</a> et arrivent en France au tout début du XX<sup>e</sup> siècle (avec notamment <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Dc3ei1tseeM"><em>Santa Claus</em></a> de George Albert Smith, en 1898). Parmi les plus iconiques, on compte <em>Maman j’ai raté l’avion</em> (1990), <em>Love Actually</em> (2003), <em>The Holiday</em> (2006), ou les diverses adaptations des contes et histoires de Noël (<em>Le Grinch</em>, par exemple).</p>
<p>En plus d’un siècle d’histoire, ils ont bien entendu évolué au gré des époques et des technologies. Si les films de Noël existent toujours, ces dernières décennies ont vu le succès d’un autre format : les téléfilms de Noël. Ces derniers sont produits uniquement pour la télévision, et donc sont soumis à une production différente, généralement bien moins onéreuse. Ils se distinguent aussi par des codes narratifs bien précis empruntés aux comédies romantiques – les décorations de Noël en plus – qui en font des objets emblématiques de la période des fêtes.</p>
<h2>Un scénario cousu de fil blanc</h2>
<p>En général, l’histoire suit une jeune femme carriériste vivant dans une grande ville ; elle rencontre un problème qui la contraint à se rendre dans une petite bourgade pour les fêtes, où elle va rencontrer un homme. Sur place, les habitants et le protagoniste masculin, baignés dans une ambiance festive traditionnelle, l’aident à résoudre son problème, l’incitant ainsi à changer de vie et à s’installer dans la bourgade où elle a passé Noël… avec l’homme en question.</p>
<p>Parmi les instigateurs de ces codes bien connus de tous les amateur de ces téléfilms, on compte la chaîne américaine Hallmark, filiale de Hallmark Cards, la plus grande entreprise de cartes de vœux américaine. A l’origine, les films produits par la chaîne Hallmark avaient pour but de rappeler aux téléspectateurs que le temps était venu d’envoyer des cartes de vœux.</p>
<p>Les valeurs de Noël représentées dans les téléfilms appellent au partage et à la générosité, tentant ainsi d’inciter leurs publics à promouvoir les mêmes valeurs dans leur vie quotidienne. La chaîne Hallmark elle-même était, avant de devenir Hallmark, une chaîne religieuse (The Faith and Values Channel), puis une chaîne centrée sur la famille (Odyssey Network).</p>
<p>Cette orientation vers des programmes pour la famille s’est intensifiée après le rachat d’Odyssey par Hallmark, ce qui explique le côté conservateur de ses productions mais aussi l’aspect marketing, toujours présent derrière ces programmes saisonniers. La chaîne Hallmark diffuse dès le début des années 2000 ses premiers films de Noël et <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-films-de-noel-e5ccd9ce-ca1b-4cfe-9468-c19a72a2a054">lance en 2009 son « Countdown to Christmas », une programmation spéciale de fin octobre au 1<sup>er</sup> janvier »</a>, établissant la diffusion saisonnière des téléfilms de Noël. Hallmark est par ailleurs un des plus grands producteurs de téléfilms de Noël, avec plus de <a href="https://www.brut.media/fr/entertainment/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-films-de-noel-e5ccd9ce-ca1b-4cfe-9468-c19a72a2a054">300 films diffusés depuis 2009 et près de 40 nouveaux films produits et diffusés chaque année</a>.</p>
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<p>Ces téléfilms sont le fruit d’un simple calcul : un téléfilm de Noël Hallmark est produit pour environ <a href="https://thesciencesurvey.com/arts-entertainment/2022/01/13/the-hallmark-movie-popularity-paradox/">800 000 $ en trois mois</a> (contre plusieurs millions de dollars et plus d’un an pour un film classique) tout en étant extrêmement rentable, lors de la diffusion américaine (les annonceurs plébiscitent ces productions de fin d’année) et de la vente de ces téléfilms à l’international.</p>
<p>Les téléfilms Hallmark jouissent d’un succès certain, rassemblant plusieurs millions de téléspectateurs devant leur écran. De fait, Hallmark était en 2020 une des chaînes américaines les plus regardées.</p>
<h2>En France aussi</h2>
<p>Mais les téléfilms de Noël se sont également démocratisés en France ces dernières années. TF1 diffuse quotidiennement <a href="https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000047293.html">2 téléfilms de Noël</a> à partir de fin octobre. Les téléspectateurs français peuvent également trouver des films de Noël sur les plates-formes de replay My TF1 (dans la section <a href="https://www.tf1.fr/tf1/telefilms-de-noel">Les Films de Noël</a>) et M6 Replay (dans la section <a href="https://www.6play.fr/6play/-telefilms-de-noel-6play-f_1317">Téléfilms de Noël</a>).</p>
<p>Depuis plusieurs hivers, les téléfilms de Noël sont également devenus des incontournables des plates-formes de streaming telles que Netflix, qui s’est lancé dans la production de téléfilms et séries de Noël depuis 2017. Ces productions, parmi lesquelles on peut citer <em>A Christmas Prince</em> (2017), <em>The Princess Switch</em> (2018), <em>A Castle for Christmas</em> (2021) ou <em>The Noel Diary</em> (2022), rencontrent un succès indéniable. Sous forme de téléfilm ou de séries, ces réalisations reprennent les codes bien connus des films de Noël, tout en tentant d’actualiser le genre, avec plus de diversité dans les castings et la production de films de Noël LGBTQ-<em>friendly</em> par exemple (<em>Happiest Season</em>, 2020, <em>Single All the Way</em>, 2021).</p>
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<p>On l’a bien compris, à partir du 1<sup>er</sup> novembre, il n’est plus possible d’échapper à ces productions kitsch et pleines de bons sentiments. Comme l’écrit <a href="https://www.20minutes.fr/television/4006934-20221024-telefilms-noel-arrivent-automne-nouveau-printemps-demain?utm_term=Autofeed&xtref=twitter.com&utm_medium=Social&utm_source=Twitter&fbclid=IwAR2an9RyYBO-FiLZ620jilY9jYjpOVIAk9awU3XL_L47tITojOYCCqjxwvU#Echobox=1666630466">Maxime Fettweis</a>, « désormais incontournables, ces productions américaines se sont fait une place de choix dans le catalogue des rituels de Noël ». Celles-ci enchantent autant qu’elles agacent : pour certains téléspectateurs, ces productions codifiées et prévisibles sont insupportables, alors qu’elles font chaque année le bonheur d’autres publics, inconditionnels du genre. Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les téléfilms de Noël ne laissent personne indifférent. Mais quelles sont les raisons de leur succès ?</p>
<h2>Un rendez-vous réconfortant</h2>
<p>Un des premiers facteurs de succès des téléfilms de Noël, c’est leur temporalité : ces productions ne sont diffusées qu’à une période de l’année, entre fin octobre et début janvier. Ce sont donc des produits « de saison », dont les spectateurs ne peuvent profiter qu’à une période donnée et pendant un laps de temps déterminé.</p>
<p>Outre leur saisonnalité, les téléfilms de Noël sont également un divertissement qui arrive à point : novembre rime généralement avec pluie et froid, alors que décembre est le plus souvent une période effrénée et stressante de planification des achats de Noël et d’organisation des fêtes de famille. Que ce soit contre la grisaille de novembre ou la frénésie de décembre, les téléfilms de Noël apportent <a href="https://thesciencesurvey.com/arts-entertainment/2022/01/13/the-hallmark-movie-popularity-paradox/">optimisme</a> et réconfort, et présentent une vision positive des fêtes de fin d’année.</p>
<p>Autre raison de leur succès, ces téléfilms en appellent à la <a href="https://thesciencesurvey.com/arts-entertainment/2022/01/13/the-hallmark-movie-popularity-paradox/">nostalgie</a> des téléspectateurs à l’égard de la période de Noël. Par le biais de poncifs liés à la période des fêtes, ils convoquent des souvenirs et soulignent ce qui en fait une période magique – ou offrent l’occasion de la fantasmer ou de l’idéaliser. À cet égard, les téléfilms de Noël sont une véritable madeleine de Proust permettant un retour en enfance. Les spectateurs voient à nouveau Noël à hauteur d’enfant, avec ses lumières, sa magie et sa chaleur humaine – ou peuvent se lover dans cet imaginaire stéréotypé, quand bien même Noël n’a jamais ressemblé à cela pour eux. Ces productions se veulent un plaisir réconfortant qui garantit une déconnexion avec les problèmes du quotidien.</p>
<h2>Des valeurs conservatrices et rassurantes</h2>
<p>Les téléfilms de Noël mettent également en avant des valeurs conservatrices qui peuvent être rassurantes : la famille, la communauté, la solidarité, l’amitié, la loyauté. Ces « bons sentiments » qui peuvent faire paraître ces films mièvres sont également ce qui les rendent attrayants : ils ne sont pas engagés politiquement (même s’ils sont sous-tendus par une idéologie conservatrice), non clivants, et ne traitent pas de sujets controversés. Ce sont des téléfilms qui se veulent <a href="https://www.wgfoundation.org/blog/2022/12/6/hallmark-christmas-movies">consensuels</a>, qui rassemblent en rappelant les valeurs idéales d’une société utopique. Dans ces productions, les valeurs américaines conservatrices ont la part belle, et subliment la vie dans les petites villes, le travail manuel et les petits bonheurs quotidiens, par opposition à la représentation des citadins-cols blancs carriéristes et égocentriques. Ces téléfilms mettent aussi l’accent sur le fait qu’il n’y a pas besoin d’aller loin pour trouver le bonheur, dans une vision rassurante et un « retour aux vraies valeurs » qui trouve un écho aux États-Unis et au-delà.</p>
<h2>Un divertissement pour toute la famille</h2>
<p>Enfin, les téléfilms de Noël sont des produits divertissants par leur simplicité de compréhension. Ils ne requièrent pas une grande attention, s’adressent à tous, petits et grands, et permettent ainsi de rassembler toute la famille. Les scénarii cousus de fil blanc permettent de s’adonner à d’autres activités en parallèle tout en créant une ambiance de Noël.</p>
<p>C’est ce <a href="https://www.vogue.com/article/hallmark-christmas-movies">qu’affirmait Bill Abbott</a>, alors dirigeant de Crown Media Family Networks, la maison mère de la chaîne Hallmark, lorsqu’il déclarait : « Notre but est de créer une expérience où on peut allumer la télévision, se sentir bien, et cuisiner, décorer ou faire une activité en lien avec les fêtes qui met dans l’esprit de Noël. » Les téléfilms de Noël ne sont donc pas des films faits pour être appréciés pour leur qualité cinématographique, mais l’équivalent télévisuel d’un feu de cheminée, appréciés pour leur valeur symbolique et leur capacité à fédérer. Ils parlent à toutes les générations et ainsi unissent la famille devant la télévision, que ce soit pour profiter du film… ou pour s’en moquer.</p>
<p>Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les téléfilms de Noël font à présent bien partie du paysage médiatique français. Ce genre codifié et rassurant, fortement ancré dans les valeurs traditionnelles américaines, a su trouver son public en France. Au-delà des téléfilms américains, les plates-formes de streaming comme Netflix ont permis une plus grande diversification des productions de Noël, avec l’apparition de téléfilms et séries de Noël <a href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=28716.html">français</a>, <a href="https://www.programme-tv.net/news/cinema/290161-aux-antipodes-de-noel-netflix-devoile-un-nouveau-film-de-noel-a-laccent-espagnol/">espagnols</a> ou <a href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=25431.html">norvégiens</a> qui adaptent le genre aux spécificités culturelles européennes. Un premier pas vers de nouvelles représentations ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218954/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Escurignan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les téléfilms de Noël font à présent bien partie du paysage médiatique français. Mais pourquoi séduisent-ils autant ?Julie Escurignan, Enseignante chercheuse en Communication & Marketing, Responsable du Master Creative & Cultural Industries Management, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143172023-11-21T14:39:11Z2023-11-21T14:39:11ZFaire le mauvais buzz sur les réseaux sociaux, ça vous tente ? Voici comment !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559387/original/file-20231114-25-wra0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C989%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parce qu'elles prennent l'esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://semji.com/fr/guide/quest-ce-qu-un-bad-buzz/">Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet</a>, c’est-à-dire « faire le mauvais buzz », ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.</p>
<p>C’est manifestement ce qui est arrivé aux trois personnes dont je présente ici les cas embarrassants, avec le projet de décrypter les raisons de leur mauvaise fortune. Mon objectif n’est pas de mettre en cause la valeur de leurs idées ou de leurs combats (féminisme, LGBTisme ou antispécisme), mais plutôt d’examiner leurs stratégies de communication à partir de mon point de vue d’<a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">artiste anthropologue</a>.</p>
<p>Plus spécifiquement, je souhaite mettre en lumière les <a href="https://ifftb.com/wiki/cadrage-effet-de/">effets de cadrage</a> qui les ont desservies et que je soupçonne être la principale cause de l’énorme dégât de commentaires désobligeants qui ont été formulés à leur endroit, avec atteinte à leur réputation sur les réseaux sociaux. </p>
<p>Construit sur les fondements de mon étude du <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/27428">changement d’état d’esprit</a>, cet article s’intéresse aux ruptures de cadre provoquées par des communicateurs malhabiles ainsi qu’aux répercussions psychiques de leurs prestations sur l’humeur d’internautes mal préparés à cette expérience. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-talk-shows-quon-aime-des-machines-a-broyer-la-dignite-198044">Les talk-shows qu’on aime : des machines à broyer la dignité ?</a>
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<h2>La « théorie des cadres » en communication</h2>
<p>Les techniques de <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/10320?lang=fr">cadrage</a> et de <a href="https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2006-4-page-377.htm">recadrage</a> soutenues par les principes fondamentaux de la communication sont utilisées en psychiatrie, en thérapie familiale, en publicité, en arts et en gestion médiatique des comportements sociaux ou privés, principalement. </p>
<p>La théorie générale qui sous-tend ces différentes applications est souvent attribuée au sociologue Erving Goffman, dont la pensée sur le sujet fait l’objet du livre intitulé <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Les_Cadres_de_l%E2%80%99exp%C3%A9rience-2094-1-1-0-1.html">« Les cadres de l’expérience »</a>. Le principe central de cette théorie est que <a href="https://tactics.convertize.com/fr/definitions/framing-effect-effet-de-cadrage">« nous réagissons différemment aux messages ou aux choix que l’on nous soumet en fonction de la manière dont on nous les présente »</a>.</p>
<p>La théorie des cadres est toutefois antérieure aux travaux de Goffman. Elle prend racine dans l’œuvre de l’anthropologue Gregory Bateson et de ses partenaires de l’<a href="https://www.cairn.info/l-ecole-de-palo-alto--9782130606628.htm">École de Palo Alto</a>. Cette équipe de recherche a établi des rapports significatifs entre <a href="http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/bateson/eco-esprit/2-3-0-formes-pathologies-relations2.htm">pathologies de la communication et pathologies des relations sociales</a>. </p>
<p>C’est sous le nom de <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2001-1-page-229.htm">« syndrome trancontextuel »</a> que Bateson a regroupé les réactions émotives et psychiques observées chez des personnes confrontées à l’expérience brutale d’une rupture de cadre – ou d’une « transgression » des contextes de communication – lorsque celle-ci se produit dans le cours d’un échange significatif. C’est cette épreuve cognitive à la fois troublante et risquée que parodie avec humour la scène suivante construite sur le modèle de la « caméra cachée ».</p>
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<p>Si les ruptures de cadre peuvent provoquer le rire lorsqu’elles sont mises en scène, elles peuvent aussi entraîner la perplexité, la colère ou même la <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/430">souffrance psychique</a> lorsqu’elles se produisent dans la réalité.</p>
<h2>Trois buzz négatifs</h2>
<p>Les trois vidéos qui suivent présentent des cas d’espèce dont les conséquences sur les internautes sont facilement discernables grâce à la présence visible de commentaires, d’apartés et de réactions exprimées au moyen de <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert/raconte-moi-robert/mot-jour/meme.html">mèmes</a>, comme celui que constitue le <a href="https://www.rtl.fr/culture/cine-series/qui-etait-juan-joya-borja-alias-el-risitas-l-homme-derriere-le-rire-culte-d-internet-7900026236">rire culte de l’humoriste espagnol El Risitas</a>. </p>
<p>Le premier cas est celui d’une entrevue donnée par Typhaine D, une militante dont l’apostolat est de <a href="https://typhaine-d.com/index.php/actualites/234-manifeste-de-la-feminine-universelle">promouvoir une langue « féminine universelle »</a>.</p>
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<p>L’effet déjanté de ses prestations, que ce soit dans la vidéo ci-dessus ou dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v4J3m7VnlS8">conférence TEDx Talks de 2022</a>, est une conséquence de sa manière d’enchevêtrer des cadres discursifs réciproquement incompatibles sans avoir l’air de s’en apercevoir : celui du débat d’idées et celui de la comédie burlesque. Pour les personnes qui en ressentent les effets, il en résulte un paradoxe qui les coince entre des émotions contradictoires, comme en témoignent les commentaires laissés sous ses vidéos :</p>
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<li><p>😂 Franchement, j’ai beaucoup ri ! Puis après je me suis souvenu que cette personne existe pour de vrai et qu’elle n’est pas internée en psychiatrie…</p></li>
<li><p>😵💫 Il n’y a pas de mot assez fort pour décrire le malaise que j’ai éprouvé durant cette vidéo… </p></li>
<li><p>🤔 Je n’ai pas su définir si c’était de l’humour ou un exposé féministe. Je ne sais pas s’il faut que je pleure ou que je rigole ?</p></li>
</ul>
<p>Le deuxième cas concerne Arnaud Gauthier-Fawas, responsable d’une association militante pour les <a href="https://www.inter-lgbt.org/">droits des personnes LGBT</a>.</p>
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<p>Le paradoxe avec lequel il faut composer ici est à la fois d’ordre <a href="https://journals.openedition.org/lcc/180">perceptif</a> (comme dans une illusion d’optique) et <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/paradoxe/2-paradoxes-scientifiques/">cognitif</a> (comme lorsque deux visions du monde s’opposent). L’échange auquel on assiste est déconcertant parce qu’il met en doute notre capacité d’évaluer la réalité sur la seule base de nos perceptions : bien qu’on puisse être d’avis que Gauthier-Fawas présente bien l’apparence d’un <em>homme blanc</em>, il faut réviser notre estimation en conséquence de l’arbitraire de son identité psychique : « <em>Je ne suis pas un homme, monsieur ! Je ne suis pas blanc</em> ! » L’effet surréaliste qui en résulte pour l’observateur est comparable à celui qu’entraîne la contemplation du célèbre tableau de Magritte, <a href="https://artshortlist.com/fr/journal/article/trahison-des-images-magritte">La trahison des images (1928)</a>.</p>
<p>Le troisième et dernier cas s’alimente à la source de plusieurs performances médiatiques de Solveig Halloin, activiste <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2022-2-page-58.htm">végétaliste</a> se portant, entre autres, à la <a href="https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/qui-est-solveig-halloin-la-militante-activiste-qui-a-fait-le-buzz-dans-touche-pas-a-mon-poste-2112721">défense des animaux d’abattage</a>.</p>
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<p>Le mode paradoxal sur lequel s’exprime cette militante – notamment lorsqu’elle affirme « <em>se battre</em> pour que la violence cesse » – garantit à lui seul l’apparition du syndrome de Bateson chez ses interlocuteurs. En sublimant la cause animale qu’elle défend, Solveig Halloin franchit le seuil critique qui relie le profane au sacré, forçant dès lors une promiscuité de sens choquante entre <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=343310679576397">élevage et holocauste</a>. Cela appelle des commentaires acides à lire sous plusieurs de ses <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rJIOez7-G_s">vidéos</a>.</p>
<h2>Trois cadres rompus</h2>
<p>Ces trois cadres rompus de la communication entraînent des réactions à classer dans des catégories distinctives du syndrome transcontextuel de Bateson. Le premier cas – qui fait sauter les frontières entre le sérieux du débat et le jeu du théâtre – exploite les effets déroutants d’un changement de règles qui survient en plein cours d’un événement social significatif. Les personnes qui s’aventurent sur un tel terrain doivent savoir qu’elles entreprennent un <a href="https://web.archive.org/web/20220718093758id_/https://journals.openedition.org/communication/7002">jeu sans fin</a>, c’est-à-dire un jeu « qui ne peut pas engendrer de l’intérieur les conditions de son propre changement ».</p>
<p>Le deuxième cas – qui abolit les <a href="http://www.lyber-eclat.net/lyber/korzybski/glossaire.html">différences entre la carte des perceptions et le territoire de l’expérience</a> – exploite les effets pervers d’un changement de niveau d’abstraction non maîtrisé. </p>
<p>Le troisième cas – qui culbute le sacré dans la cour du profane et vice-versa – exploite les effets catastrophiques d’un changement de paradigme, lequel commande une conversion irréversible de l’humanité tout entière. Ce dernier type de rupture peut causer des troubles psychiques d’une très grande gravité.</p>
<h2>Les réseaux sociaux comme « méta cadre » de communication</h2>
<p>Parce qu’elles prennent l’esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales. Lorsqu’on les envisage dans le « méta cadre » des réseaux sociaux, toutefois, leurs conséquences pathologiques se trouvent diminuées par les ripostes créatives de personnes (youtubeurs, tiktokeurs, instagrameurs et autres influenceurs) pratiquant l’art de la <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-dialogue-en-entreprise--9782100798711-page-96.htm"><em>métacommunication</em></a>, c’est-à-dire l’art de « communiquer sur la communication ». </p>
<p>Grâce à la mise en abîme que leurs <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/region-zero-8/segments/chronique/195001/technologie-youtube-tendance-musique-reaction-video">« vidéos de réaction »</a> accomplissent dans nos esprits – c’est-à-dire grâce à des « vidéos de vidéos » dans lesquelles on peut observer des « réactions humaines à des réactions humaines » – notre sort collectif sur les réseaux sociaux s’en trouve amélioré par la présence de dispositifs nous indiquant comment nous conduire en cas de rupture de cadre : <em>Attention ! Indignez-vous ici ! Riez maintenant ! Soyez méfiant en tout temps !</em></p>
<p>Par leur capacité à recadrer les communications cabossées, ces méta vidéos confirment – au grave détriment de malheureux attiseurs de rumeurs – l’une des plus belles hypothèses de Bateson : « chaque fois qu’on introduit une confusion dans les règles qui donnent un sens aux relations importantes, on provoque une douleur et une inadaptation qui peuvent être graves. Or, si on peut éviter ces aspects pathologiques, l’expérience a des chances de déboucher sur la créativité ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214317/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest est membre de l'Institut de recherches et d'études féministes (IREF) de l'Université du Québec à Montréal ; de SAS-Femmes, Collectif de recherches et d'actions pour la sécurité, l'autonomie et la santé de toutes les femmes ; et du Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l'Université de Montréal.</span></em></p>Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet, ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2169432023-11-05T18:27:09Z2023-11-05T18:27:09ZComment protéger les enfants exposés à des images de guerre violentes ?<p>Dans le monde actuel rempli d’écrans, de nombreux enfants et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/adolescents-21823">adolescents</a> ont un accès quasi permanent aux médias. Selon des estimations américaines, les enfants d’âge scolaire passent quatre à six heures par jour à regarder ou <a href="https://www.aacap.org/AACAP/Families_and_Youth/Facts_for_Families/FFF-Guide/Children-And-Watching-TV-054.aspx">à utiliser des écrans</a>. Les adolescents passent jusqu’à neuf heures par jour sur des écrans.</p>
<p>(<em>En France, des <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1414345/duree-utilisation-ecran-france-jeunes/">données statistiques</a> montrent une forte hausse du temps passé par les enfants mineurs devant un écran. L’augmentation la plus importante concerne la tranche 13-19 ans dont le temps passé devant un écran (télévision, jeux vidéos ou sur Internet), mesuré sur une base hebdomadaire, a augmenté de six heures par semaine entre 2011 et 2022, pour atteindre 36 heures par semaine, ndlr</em>).</p>
<p>Si les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/medias-20595">médias</a> peuvent ouvrir la voie à l’apprentissage et favoriser les liens relationnels des enfants, ils comportent également un risque d’exposition à la violence.</p>
<p>Les médias d’information, en particulier, font courir des risques en diffusant des actualités qui traitent de guerres, de génocides, de morts violentes, de terrorisme et de souffrance, ces actualités étant couvertes de manières répétées tout au long d’un cycle d’information de 24 heures. Des recherches montrent que la violence et la criminalité font l’objet d’une <a href="https://scholarship.law.marquette.edu/mulr/vol103/iss3/14/">couverture médiatique disproportionnée</a>. Cela s’explique en partie par le fait que nous sommes attirés par ces récits ; il a été constaté que les <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01538-4">titres négatifs</a> suscitent plus d’intérêt et de clics que les titres positifs.</p>
<p>Aujourd’hui, sur Internet, les enfants et les adolescents ont accès à des images de conflits armés, d’attaques terroristes, de violences policières, de fusillades de masse et d’homicides. Les médias qui retransmettent ces informations violentes, en presse écrite, audiovisuelles ou via des vidéos peuvent être consultés à tout moment et diffusent leurs informations en boucle. Celles-ci sont accompagnées de commentaires, d’analyses et véhiculent des représentations que les enfants peuvent être susceptibles d’intérioriser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-les-ados-face-aux-ecrans-171232">Dossier : Les ados face aux écrans</a>
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<p>En tant que <a href="https://doi.org/10.1080/15299732.2019.1572043">chercheuse en traumatologie</a> et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10783903231171590">infirmière en psychiatrie</a>, j’étudie l’impact des traumatismes et des traumatismes vicariants sur les enfants.</p>
<p>(<em>On parle de <a href="https://www.cairn.info/pratique-de-la-psychotherapie-emdr--9782100737802-page-269.htm">traumatisme vicariant</a> quand une personne est « contaminée » par le vécu traumatique d’une autre personne avec laquelle elle est en contact, ndlr</em>).</p>
<p>Les médias qui diffusent des informations violentes et les <a href="https://www.business-school.ed.ac.uk/research/blog/media-framing-and-how-it-shifts-the-narrative">représentations qu’ils véhiculent</a> sur Internet ne peuvent être ignorés lorsqu’il s’agit de la santé mentale des enfants. Même les parents les plus avertis, à propos des médias, ne peuvent pas totalement contrôler les contenus que leurs enfants consomment ou les représentations qu’ils intériorisent. Néanmoins, je pense que certaines mesures peuvent être prises pour en atténuer les effets.</p>
<h2>Quand la peur est amplifiée</h2>
<p>Dans certains cas, les analyses faites par les médias d’information peuvent se révéler utiles pour comprendre les événements qui font l’actualité. Mais toutes les personnes avec un accès à Internet peuvent s’exprimer, qu’il s’agisse d’experts reconnus ou d’adolescents influents sur les réseaux sociaux. Ces personnes peuvent amplifier la peur d’un enfant, sans tenir compte du contexte.</p>
<p>Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, des chercheurs ont inventé le terme <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1111%2Fj.1468-2850.2007.00078.x">« terrorisme secondaire »</a> pour décrire la manière dont les représentations véhiculées par les médias d’information augmentaient la perception d’une menace et d’une situation de détresse.</p>
<p>À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations qu’ils véhiculent, les enfants peuvent développer une <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01538-4">vision déformée</a> du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile. Cela peut, en retour, amener chez eux de l’anxiété et entraver leur capacité à être en confiance et à s’engager dans le monde.</p>
<p>Le sentiment de sécurité des enfants peut également être altéré, ce qui rend difficile le développement chez eux d’un sentiment d’optimisme.</p>
<p>Des études ont révélé que, parmi les enfants exposés aux médias violents sous leurs <a href="https://www.aafp.org/about/policies/all/violence-media-entertainment.html">nombreuses formes</a>, certains risquaient de souffrir d’une perte de sensibilité, de peur, d’anxiété, de troubles du sommeil, d’agression et de symptômes de stress traumatique.</p>
<h2>Comment les parents peuvent-ils réagir ?</h2>
<p>Les parents doivent concilier deux priorités opposées.</p>
<p>D’une part, il est important d’élever les enfants pour qu’ils deviennent des citoyens informés, pour qu’ils cultivent des compétences adaptées à leur âge afin qu’ils s’impliquent, de manière critique, face aux événements et aux injustices du monde. On évoquera la réalité dévastatrice des fusillades dans les écoles (<a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-un-nombre-ahurissant-d-eleves-exposes-a-la-violence-par-armes-a-feu-dans-les-ecoles-americaines"><em>un nombre important de fusillades ont lieu dans des établissements scolaires aux États-Unis</em></a><em>, ndlr</em>) et d’autres lieux publics qui représentent une menace réelle pour les enfants, tout comme les conflits armés et les attaques terroristes qui ont lieu dans de nombreuses régions du monde.</p>
<p>D’autre part, les parents doivent surveiller la consommation que leurs enfants font des médias afin de réduire leur exposition à la violence et de contrôler la façon dont les enfants intériorisent des représentations fondées sur la peur, qui nuisent à leur bien-être psychologique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-de-jeunes-enfants-comment-guider-lusage-des-ecrans-153310">Avec de jeunes enfants, comment guider l’usage des écrans ?</a>
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<p>Les parents, les grands-parents, les enseignants et tous les autres adultes responsables d’enfants au sein de diverses communautés peuvent prendre des mesures pour atteindre cet équilibre délicat. Dans une vie d’enfants remplie par les médias, ils doivent offrir un cadre constant et sécurisé.</p>
<p>Tout d’abord, il est important que les adultes encouragent la réflexion critique sur ce que les enfants voient et entendent sur Internet et dans les médias. Les enfants et les adolescents doivent participer à des conversations adaptées à leur âge concernant les situations dont ils sont témoins et le contexte dans lequel surviennent des événements violents, en particulier quand ils ont lieu près de chez eux. Les conversations ouvertes, l’exploration des sentiments et la reconnaissance d’expériences vécues par les enfants et marquées par la tristesse, l’inquiétude, la colère ou la peur peuvent favoriser un dialogue réfléchi et une sécurité psychologique.</p>
<p>Ensuite, les adultes doivent veiller à fixer des limites à la consommation de médias et surveiller les contenus auxquels les enfants sont exposés. Regarder ou écouter les médias avec eux et créer un espace de discussion peut aider les enfants à donner un sens aux informations difficiles qu’ils reçoivent et cela permet aux parents de surveiller la réaction de l’enfant.</p>
<p>Enfin, les adultes doivent être des modèles pour leurs enfants concernant les médias d’information. Les enfants copient souvent le comportement de leurs parents et d’autres adultes. Nos propres <a href="https://www.insiderintelligence.com/content/us-time-spent-with-media-2019">habitudes de consommation des médias</a>, nos réactions et notre capacité à avoir une vie en ligne contrebalancée par des activités positives dans la vie réelle, cela parle aux enfants.</p>
<p>La violence du monde étant entre les mains des enfants et des adolescents, il incombe aux adultes de les guider vers une compréhension nuancée du monde, tout en leur assurant une sécurité psychologique.</p>
<p>Il est essentiel d’encourager l’esprit critique, de fixer des limites et de montrer un modèle de consommation responsable des médias.</p>
<p>Si les adultes mènent à bien ces actions des adultes, cela peut permettre à la prochaine génération de naviguer dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, en faisant preuve d’empathie, de résilience émotionnelle et d’esprit critique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Choi est financée par les National Institutes of Health et la Gordon and Betty Moore Foundation.</span></em></p>À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations que ces médias véhiculent, les enfants peuvent développer une vision déformée du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile.Kristen Choi, Assistant Professor of Nursing & Public Health, University of California, Los AngelesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2150262023-10-18T17:02:40Z2023-10-18T17:02:40ZLes séries télévisées, des armes culturelles géopolitiques ?<p><em>Elles battent sans cesse de nouveaux records d’audience, elles attirent des stars qui auparavant ne se consacraient qu’au cinéma, elles alimentent les conversations en famille, entre collègues et entre amis… et cela, partout sur la planète. Les séries télévisées, dont un grand nombre sont désormais traduites en de multiples langues et diffusées sur tous les continents, ont un impact réel sur les représentations que nous nous faisons du monde, et reflètent et même façonnent à leur manière la très complexe réalité géopolitique.</em></p>
<p><em>Nous vous proposons ici quelques extraits de l’introduction d’un récent ouvrage co-signé par Virginie Martin, professeure de sciences politiques et de sociologie à Kedge Business School, et Anne-Laure Melquiond, docteure en études cinématographiques, <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807357990-j-assure-en-geopolitique-grace-aux-series">« J’assure en géopolitique grâce aux séries »</a>, qui vient de paraître aux éditions De Boeck, ainsi que des passages consacrés à certaines des quinze séries analysées dans le livre, dont « Fauda », que la tragique actualité du Proche-Orient invite aujourd’hui à voir ou à revoir.</em></p>
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<p>Le phénomène des séries a pris un tournant particulier avec l’apparition récemment des plates-formes comme Netflix, Disney +, Amazon ou Apple, qui diffusent sur l’ensemble de la planète des séries qu’elles produisent elles-mêmes. Cette concentration dans la diffusion, voire dans la production, a des effets d’impact puissants et participe à modifier en retour la géopolitique du pays concerné.</p>
<p>Si le monde des séries intéresse la géopolitique, c’est à un double niveau : d’une part, comme inspiration et, d’autre part, comme vecteur politique. Les fictions sérielles sont d’abord des témoins de l’actualité et de l’histoire en marche : elles s’inscrivent dans leur monde et évoquent fréquemment les rapports de force géopolitiques. Mais au-delà de refléter ces réalités, elles en sont elles-mêmes des actrices. Chaque pays joue avec sa production sérielle afin de créer sa propre image, sa propre histoire, son propre <em>storytelling</em> pour l’utiliser comme arme de <em>soft power</em>, notion <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1991_num_41_1_394547">développée par Joseph Nye</a> dans les années 1990.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-series-historiques-turques-epousent-la-vision-du-pouvoir-168398">Quand les séries historiques turques épousent la vision du pouvoir</a>
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<p>Pour influencer le monde, cette « puissance douce » – par opposition au <em>hard power</em> de la « vraie » guerre avec armes et drones – compte sur le fait de séduire ou d’attirer certaines catégories de population, idéalement le plus largement possible, à travers notamment la culture populaire des séries, utilisée comme arme massive d’influence. Le « monde en séries » révèle de manière puissante le pouvoir des objets culturels sur nos sociétés. Les séries participent à une tentative d’hégémonie culturelle comme l’avait théorisé Antonio Gramsci, penseur communiste italien au début du XX<sup>e</sup> siècle, dans ses <a href="https://www.cairn.info/cahiers-de-prison--9782072901492.htm"><em>Cahiers de prison</em></a>.</p>
<p>C’est ce qui se joue à pleine puissance avec les plates-formes, armes de domination et d’appropriation culturelle.</p>
<p>Dans cette guerre idéologique, des pays sortent du lot pour la qualité et la performance de leurs séries, par exemple Israël avec des productions comme « Hatufim » ou « Fauda ».</p>
<p>Comme l’a largement montré Virginie Martin dans <a href="https://www.humensciences.com/livre/Le-charme-discret-des-series/85"><em>Le Charme discret des séries</em></a>, depuis une dizaine d’années les séries télévisées israéliennes sont devenues un puissant instrument de <em>soft power</em> car, au-delà du simple divertissement, elles diffusent subtilement des discours contribuant à positiver et embellir l’image du pays à l’étranger. L’Inde n’est pas en reste avec des séries télévisées comme « Delhi Crime », « Le Seigneur de Bombay », « Leila » ou « Bombay Begums ».</p>
<p>Déjà par son industrie cinématographique prolifique, Bollywood a souvent été perçu comme un vecteur du <em>soft power</em> de l’Inde. Les pays scandinaves eux-mêmes maîtrisent cet art du <em>soft power</em>, valorisant leur culture et leur vision politique du monde et des sociétés, avec des séries comme « Occupied » ou « Borgen » qui permettent par exemple de faire connaître et de diffuser leurs initiatives environnementales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-serie-occupied-une-dystopie-europeenne-117067">La série « Occupied », une dystopie européenne ?</a>
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<p>Les relations Sud-Sud sont aussi parfois très fortement présentes : le Sénégal, par exemple, consomme des séries brésiliennes, ou le Maroc diffuse les séries indiennes, séries qui ne sont que très rarement doublées en anglais.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cinema-et-series-au-senegal-la-portee-politique-dun-divertissement-tres-populaire-161464">Cinéma et séries au Sénégal : la portée politique d’un divertissement très populaire</a>
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<p>Ce « monde en séries » révèle plus que jamais un théâtre multipolaire, voire apolaire. Notre environnement est devenu extrêmement complexe depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et l’explosion du digital rebat les cartes dans la possibilité pour une ou deux puissances de maîtriser à elles – seules la planète. C’est aussi cette complexité que racontent ces fictions et qui montre combien la série est un outil de géopolitique au sens strict.</p>
<h2>Le conflit au Proche-Orient avec « Fauda »</h2>
<p>Fauda met en scène un face-à-face qui s’inscrit dans le conflit israélo – palestinien. Aucun camp n’est valorisé : un commandant du Hamas peut être montré avec des sentiments alors qu’un soldat israélien peut se comporter comme une brute. Mais l’unité d’infiltrés se bat contre un nouvel ennemi à chaque saison, le Hamas, l’État islamique, le Hezbollah… La série montre que, même si tout le monde veut la paix, on ne cherche pas la paix, on cherche à gérer le conflit.</p>
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<p>La question de la langue est fondamentale dans la série, comme le prouve déjà son titre : Fauda (qui signifie « chaos » en arabe). C’est donc une série israélienne qui porte un titre arabe. On entend d’ailleurs ce mot prononcé par les membres de l’unité lorsqu’ils sont en grande difficulté en territoire occupé, démasqués par les Palestiniens et qu’ils n’arrivent plus à se sortir du bourbier.</p>
<p>De fait, on parle principalement arabe dans la série, puisqu’elle se déroule au sein d’une unité arabophone de l’armée israélienne. Tous les membres de cette unité sont issus de pays arabes, parlent l’arabe et peuvent se fondre dans la masse : « Un Israélien de Tel-Aviv qui arrive à un café à Naplouse est repéré en exactement 45 secondes. Eux, ils savent demander un café avec l’accent de Naplouse et ils savent se fondre dans la population et c’est toute la spécificité de cette guerre souterraine que mène Israël contre des réseaux palestiniens », explique Pierre Haski lors d’une conférence dans le cadre de Série Mania en janvier 2023.</p>
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<p>Inversement, dans la série, des Palestiniens apprennent l’hébreu pour eux aussi s’infiltrer en Israël. Dans la première saison, l’épouse du frère de la Panthère, qui s’est fait tuer le jour de son mariage, cherche à se venger des assassins de son mari. Elle apprend quelques mots d’hébreu pour pouvoir commander un coca sans se faire repérer dans un café branché de Tel-Aviv où elle va faire exploser une bombe. Elle arrive dans le bar, complètement bouleversée par ce qu’elle va faire. La serveuse, ignorant tout de ses intentions, se méprend et pense qu’elle a été victime d’une agression sexuelle (on est à Tel-Aviv, ville israélienne très ouverte, très occidentale). La femme va faire exploser la bombe, et la serveuse mourra également. Toutes deux sont victimes d’un conflit qui les dépasse.</p>
<p>Dans la série, la maîtrise de la langue de « l’ennemi » (comme le dit, dans la deuxième saison, un membre de l’État islamique qui apprend l’hébreu à l’université pour s’infiltrer) est un enjeu central, tout comme la bonne connaissance des us et coutumes. Un soldat israélien infiltré dans une prison israélienne et qui se fait passer pour un prisonnier palestinien du Hamas dans le but de faire parler un détenu l’apprendra à ses dépens. Il se fait démasquer parce qu’il exprime à son codétenu son souhait de manger de l’akkoub quand il sortira de prison. Or, l’akkoub est un plat qui ne se mange pas à Gaza, d’où il prétend venir (S02 E08).</p>
<p>Si la langue est un enjeu dans la série, c’est parce qu’elle l’est dans la réalité puisque l’arabe et l’hébreu étaient les deux langues officielles du pays.</p>
<h2>L’Inde, un supergéant tout en paradoxes avec « Bombay Begums »</h2>
<p>Dans « Bombay Begums », Ayesha, une jeune provinciale nouvellement arrivée à Bombay se fait agresser sexuellement par son patron. Après un moment d’hésitation, elle décide de le dénoncer sur un forum, qui ressemble à s’y méprendre à MeToo :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai 23 ans. C’est le directeur adjoint de ma banque. Il m’a agressée. Il me touchait, me caressait, m’embrassait. Je ne pouvais rien faire. J’étais sans défense. Je me sens si mal. J’ai honte de l’avoir laissé faire. Il a fait comme si de rien n’était. C’est normal ? »</p>
</blockquote>
<p>Dans un premier temps, la banque couvre son directeur général adjoint qui remercie ses collègues :</p>
<blockquote>
<p>« Merci d’avoir géré aussi bien cette histoire débile. Depuis MeToo, le monde est devenu fou. »</p>
</blockquote>
<p>Finalement, la PDG, elle-même victime d’agression sexuelle lorsqu’elle était plus jeune, va dénoncer son bras droit, qui sera arrêté. Cette affaire renvoie évidemment au mouvement MeToo (mentionné à maintes reprises dans la série), arrivé en Inde une année après avoir ébranlé Hollywood.</p>
<p>Tout comme le mouvement américain, c’est dans le milieu du cinéma indien que démarre le trouble avec l’accusation de l’actrice Tanushree Dutta contre l’acteur Nana Patekar. Après les premières plaintes déposées à Bollywood, de nombreuses femmes ont publié leurs histoires de harcèlement et d’agression sexuelle mettant en cause des hommes puissants dans leurs domaines. Le mouvement a enregistré en octobre 2018 une première victoire importante avec la démission d’un ministre du gouvernement Modi, ancien rédacteur en chef du journal <em>The Asian Age</em>, M. J. Akbar, alors accusé par une vingtaine de femmes. Plusieurs journalistes ont aussi dû quitter leur poste, notamment le rédacteur politique du <em>Hindustan Times</em>, Prashant Jha.</p>
<h2>Économie et consommation avec « Mad Men »</h2>
<p>Le générique de <em>Mad Men</em> est iconique, ce sont 38 secondes où tout est résumé : un homme, Don Draper, tombe d’un building, des façades sont couvertes de publicités, et Don continue de tomber pour finir sur son canapé de bureau, une cigarette à la main.</p>
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<p>Un détail est important à relever dans les dessins préparatoires du générique de la série <em>Mad Men</em> : Don Draper chute donc d’un building (ce qui n’est pas sans rappeler l’image du « Falling Man » du 11 Septembre). Mais, au départ, l’idée était que le héros s’écrase au sol pour voler en éclats comme du verre. Cette animation finale a été modifiée, car elle rappelait trop l’ima – gerie liée aux attentats du 11 septembre 2001.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-limportance-des-generiques-de-series-170824">De l’importance des génériques de séries</a>
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<p>Finalement, Don Draper tombe, mais il atterrit sur son canapé, un verre de whisky à la main et une cigarette entre les doigts, une Lucky Strike.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=932&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555627/original/file-20231024-27-sp2m39.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1171&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cet extrait est tiré de « Les Russes veulent-ils la guerre ? », qui vient de paraître aux Éditions du Cerf.</span>
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<h2>L’Europe et ses marges avec « Serviteur du Peuple »</h2>
<p>Arte a remis au goût du jour une fiction ukrainienne absolument incroyable. L’histoire d’un acteur-clown, du nom de Volodymyr Zelensky, qui est le protagoniste de la série « Serviteur du Peuple ». L’acteur Zelensky joue le rôle d’un professeur d’histoire qui, notamment encouragé pas ses élèves, finira président de l’Ukraine ; une fiction devenue littéralement réalité. À la fin de la diffusion de la série, l’acteur-clown Zelensky va effectivement devenir le président de l’Ukraine que l’on connaît, l’homme aux tee-shirts kaki vu sur Instagram, qui défend son pays contre la Russie de Poutine.</p>
<p>En somme, nous retrouvons une histoire qui nous emmène aux confins de la raison démocratique, peut-être au sommet du génie de la communication politique, ou plutôt du super-marketing politique. Nous avons ici une histoire folle qui donne corps et réalité à une pure fiction sérielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215026/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De l’israélienne « Fauda » à l’ukrainienne « Serviteur du Peuple », les séries télévisées reflètent l’état du monde… et peuvent même, dans une certaine mesure, l’influencer.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147482023-10-09T17:44:19Z2023-10-09T17:44:19Z« The Serpent Queen », hommage modernisé à Catherine de Médicis ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551783/original/file-20231003-15-2458g6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C6%2C1429%2C950&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Catherine de Médicis (Samantha Morton), dans la série « The Serpent Queen », de Justin Haythe. </span> <span class="attribution"><span class="source">STARZ</span></span></figcaption></figure><p>Au cours du XVI<sup>e</sup> siècle, Catherine de Médicis a été successivement reine de France, mère de trois rois et de deux reines, et belle-mère de Marie, reine d’Écosse. Avec tant de pouvoir et une telle longévité, le personnage avait tout pour séduire les scénaristes, et c’est ainsi qu’elle est devenue l’héroïne de la série <em>The Serpent Queen</em>.</p>
<p>Dans cette fiction, nous découvrons une Catherine intelligente et puissante (interprétée par Liv Hill à l’adolescence et Samantha Morton à l’âge adulte), séduisante et dangereuse. Ayant connu des violences dans l’enfance, et rejetée par son mari Henri (Alex Heath interprétant le jeune Henri et Lee Ingleby Henri sa version adulte), elle devient impitoyable.</p>
<p>Catherine décide de gouverner avec l’aide de la magie noire, déterminée à donner une leçon à ses ennemis. Et déclare même « ça fait du bien d’être méchante », sur fond de riffs de guitare.</p>
<p>Mais la série propose-t-elle vraiment une nouvelle vision du personnage ? En réalité, l’histoire de l’une des « bad girls » préférées de l’histoire se répète. Et dans ce processus, l’histoire de la vraie Catherine de Médicis est à nouveau déformée.</p>
<p>Il semble que la propagande conçue de son vivant – renforcée par les générations suivantes – reste plus convaincante que jamais.</p>
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<h2>Une femme de pouvoir</h2>
<p>Catherine n’a jamais régné sur la France, mais elle connaissait intimement les rouages de la politique, au plus haut niveau.</p>
<p>Les lettres qui nous sont parvenues (quelque 6 000 ont été conservées) ne nous donnent qu’une petite idée de l’ampleur des relations qu’elle a entretenues tout au long d’une vie longue et bien remplie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mary-queen-of-scots-was-a-poet-and-you-should-know-it-29645">Mary, Queen of Scots was a poet – and you should know it</a>
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<p>Sa trajectoire a été remarquable. Les Médicis n’étaient pas une dynastie de sang royal, mais Catherine est néanmoins devenue régente et a été la conseillère de ses fils devenus rois.</p>
<p>Sa sphère d’influence en tant qu’épouse et mère, bien que conventionnelle, était perçue comme dangereuse par les hommes politiques et les commentateurs, parce qu’elle se jouait hors des mécanismes formels de régulation du pouvoir.</p>
<h2>Plusieurs versions de Catherine</h2>
<p>Catherine connaît l’apogée de son pouvoir au moment des <a href="https://www.geo.fr/histoire/les-guerres-de-religion-conflit-sanglant-entre-catholiques-et-protestants-202778">guerres de religion</a>. De 1562 à 1598, catholiques et <a href="https://books.openedition.org/pup/6796">Huguenots</a> s’opposent en France.</p>
<p>Devenue veuve en 1559, Catherine reste proche du trône en tant que conseillère de ses trois fils devenus rois.</p>
<p>Bien qu’ils soient catholiques, les recommandations de Catherine pour ses fils favorisaient généralement une voie médiane visant à maintenir l’intégrité du royaume et la réputation de la dynastie à laquelle elle était affiliée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Production image" src="https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484154/original/file-20220912-22-yusclr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les Médicis n’étaient pas une dynastie de sang royal, mais Catherine est néanmoins devenue régente de France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stan</span></span>
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<p>Les ardents défenseurs des deux camps n’y trouvaient pas leur compte et ont créé différentes versions du personnage de Catherine de Médicis à instrumentaliser en fonction de leur cause. Dans tous les cas, Catherine apparaissait comme un ennemi public. Un pamphlet de 1575 versifie ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Elle dépouille les coqs, leur arrache la crête et les testicules, une virago règne sur les Français. Une femme débridée se nourrit de testicules de coqs, et en dévorant cette nourriture, elle se frappe les lèvres et dit : “Ainsi, je castre le courage gaulois, ainsi je déshabille les Français, ainsi je les soumets”. »</p>
</blockquote>
<p>Cette vision scandaleuse rencontra beaucoup de succès.</p>
<p>Bien sûr, Catherine de Médicis <a href="https://brill.com/view/title/36179?language=en">veillait elle-même à son image</a> à travers des productions artistiques, des cérémonies officielles, la décoration de ses palais et par son comportement public.</p>
<p>Catherine connaissait les enjeux importants pour les femmes. Elle entretenait des relations tendues et complexes avec Marie, reine d’Écosse, mais elle l’a défendue auprès de Francis Walsingham, le courtisan d’Élisabeth I. Elle a déclaré à Walshingham qu’elle “savait très bien combien de fois les gens ont dit des choses sur une pauvre princesse affligée qui ne se sont pas toujours révélées être vraies”.</p>
<p>Après sa mort, des dizaines de versions de Catherine ont pris leur envol dans des romans. Dans la <a href="https://theconversation.com/culture-vivante-la-reine-margot-ce-manifeste-feministe-sombre-et-flamboyant-155908"><em>Reine Margot</em></a> (1845) d’Alexandre Dumas, elle dissèque le cerveau d’un poulet dont elle a tranché la tête d’un seul coup, en vue d’une analyse prophétique. Elle est affublée d’un « sourire malin ».</p>
<p>Elle n’a guère eu plus de succès auprès des érudits du XIX<sup>e</sup> siècle. L’historien influent Jules Michelet, un huguenot, a qualifié Catherine de « larve du tombeau de l’Italie ».</p>
<p>Cette représentation de Catherine a également connu un grand succès au fil de l’histoire.</p>
<h2>Les femmes dans l’opinion publique</h2>
<p>Le traitement réservé à Catherine tout au long de l’histoire reflète notre relation problématique avec le rôle des femmes dans la vie publique. Il existe une <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/les-institutions-internationales-sinquietent-de-la-recrudescence-des-attaques-sexistes-a-lencontre-des-femmes-de-pouvoir-207723">longue histoire</a> d’hostilité envers les femmes de pouvoir et les femmes au pouvoir.</p>
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<p><em>The Serpent Queen</em> retrace la vie de Catherine, depuis les épreuves de son enfance jusqu’à l’époque où elle joua un rôle politique central, pendant le règne de ses fils. Dans la série, elle apparaît puissante, maîtresse de son récit. Ses répliques font même écho à des discours enregistrés par des ambassadeurs contemporains.</p>
<p>Cette Catherine semble rechercher notre sympathie. Elle nous regarde et nous parle directement, semblant solliciter notre compréhension. Elle semble nous demander : « Dites-moi ce que vous auriez fait à ma place ».</p>
<p>Mais c’est peut-être simplement notre complicité dans la création d’une version familière de Catherine que la série cherche à susciter.</p>
<p>S’agit-il d’une Catherine nouvelle pour des temps nouveaux, complexe, remise dans son contexte, libérée de la réputation de « bad girl » qui l’a poursuivie à travers les siècles ? Ou bien simplement d’une version modernisée de Catherine en « bad girl » ? une chose est sûre : on est encore dans le domaine de la légende, et loin de la vérité historique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Susan Broomhall bénéficie d'un financement du Conseil australien de la recherche. Elle est l'auteur du livre « The Identities of Catherine de' Medici », publié par Brill en 2021.</span></em></p>Catherine de Médicis fut reine de France, mère de trois rois et de deux reines, et belle-mère de Marie, reine d’Écosse.Susan Broomhall, Director, Gender and Women's History Research Centre, Australian Catholic UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138082023-09-25T16:49:34Z2023-09-25T16:49:34ZDans « Game of Thrones », un autre regard sur le handicap<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548798/original/file-20230822-26-ii0ulk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1803%2C1198&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peter Dinklage dans le rôle de Tyrion Lannister dans _Game of Thrones_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.filmaffinity.com/es/filmimages.php?movie_id=874956">FilmAffinity</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Il y a une place particulière dans mon cœur pour les infirmes, les bâtards et choses brisées. »</p>
</blockquote>
<p>C’est par cet aveu – une véritable déclaration d’intention – que Tyrion Lannister ouvre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Infirmes,_B%C3%A2tards_et_Choses_bris%C3%A9es">quatrième épisode de la série <em>Game of Thrones</em></a>.</p>
<p>Ces dernières années, de nombreux <a href="https://www.researchgate.net/publication/346215251_Cripples_Bastards_and_Broken_Things_Disability_in_Game_of_Thrones">universitaires</a> se sont intéressés à la pop culture, à travers l’étude des séries et des émissions de télévision les plus populaires. Des séries cultes comme <em>Breaking Bad</em> et <em>The Sopranos</em> sont des exemples notoires de productions audiovisuelles à fort impact qui, en raison de leurs connotations idéologiques ou politiques, ont suscité des réflexions dans différents domaines, clairement comparables à des approches portant sur des matériaux plus classiques (tels que des œuvres littéraires ou des œuvres philosophiques canoniques).</p>
<p>Bien que l’on ait déjà beaucoup écrit sur <em>Game of Thrones</em> selon différentes perspectives académiques, il est très intéressant d’<a href="https://journal.media-culture.org.au/index.php/mcjournal/article/view/895">analyser</a>, comme le fait Katie M. Ellis, le traitement du handicap dans la série.</p>
<h2>Jaime Lannister s’effondre</h2>
<p>Tout au long de l’histoire, de nombreux personnages de <em>Game of Thrones</em> se « brisent ». Bran se brise (il tient son surnom, le <em>Brisé</em>, de la chute qui l’a rendu paraplégique), Tyrion se brise (lui qui, en plus d’être atteint d’achondroplasie, est défiguré après une bataille), l’eunuque Varys se brise (lorsqu’il est castré), et Jaime se brise (lorsqu’il perd sa main). Tout au long de la série, la rupture est présentée comme un chemin existentiel interrompu.</p>
<p>Nous, les spectateurs, sommes témoins de l’apprentissage, de la découverte ou de l’acquisition d’un caractère moral chez des personnages qui, dans de nombreux cas, se découvrent vulnérables après s’être montrés incapables de développer de l’empathie avant leur blessure ou leur accident.</p>
<p>Par exemple le méchant, beau et invaincu Jaime Lannister <a href="https://eneltronodehierro.wordpress.com/2013/05/02/jaime-lannister-y-el-impacto-de-una-amputacion/">perd</a> sa main – main avec laquelle il se bat et tue, qui lui donne du prestige par la violence – et sa vie s’effondre…</p>
<p>Finalement, grâce aux commentaires sages et crus de Brienne, la géante elle-même discriminée pour sa taille et sa férocité au combat, l’amputation lui ouvre les yeux d’une autre manière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme avec une main d’acier regarde fixement devant lui alors que d’autres hommes se tiennent à quelques pas derrière lui" src="https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544054/original/file-20230822-23-19c1pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nikolaj Coster-Waldau dans le rôle de Jaime Lannister dans l’un des derniers chapitres de <em>Game of Thrones</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.imdb.com/name/nm0182666/mediaviewer/rm2454021632?ref_=nmmi_mi_all_sf_18">IMDB</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fait, l’une des dernières scènes de la série, où Jaime appelle Brienne « chevalier » en tenant son épée de la main gauche, représente l’une des <a href="https://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?code=7418639">transgressions</a> les plus fascinantes de toute la saga : un amputé en disgrâce enfreint les règles parce qu’il nomme une femme <em>chevalier</em>, qui ne respecte pas non plus la loi écrite (en raison de son sexe, elle n’a pas pu prêter serment en tant que telle, puisqu’elle n’est <em>pas</em> un homme), bien qu’elle soit en réalité la plus loyale, la plus noble, de sa catégorie.</p>
<h2>Le « héros ambigu »</h2>
<p>Dans le cadre de l’analyse du handicap dans cette fiction, la complexité du personnage de <a href="https://www.wiley.com/en-us/Game+of+Thrones+and+Philosophy%3A+Logic+Cuts+Deeper+Than+Swords-p-9781118161999">Tyrion Lannister</a> – le « héros ambigu » – est remarquable.</p>
<p>Nous pourrions dire que ce personnage gagnerait certainement un concours de popularité parmi les fans les plus acharnés de la série, battant le noble et beau Jon Snow ou la scintillante mère des dragons, Daenerys Targaryen, entre autres.</p>
<p>Tyrion est une combinaison intéressante de vertus et de vices. Le nain difforme et parricide, parangon des « estropiés », nous émeut par sa lucidité, sa compréhension du monde et son intelligence.</p>
<p>Certes, Tyrion est né marqué par le pire et le meilleur. Sa petite taille (en plus de sa défiguration), cause un profond mépris et une grande haine même de la part de ses proches ; mais en parallèle il jouit du pouvoir qui découle du fait d’être un Lannister. À cela s’ajoute sa formidable intelligence, autant d’éléments lumineux de son caractère complexe.</p>
<p>C’est cette intelligence que Tyrion s’efforce de cultiver alors qu’il défie la masculinité hégémonique de Westeros, physiquement puissante, musclée et guerrière. Ainsi, s’adressant à Jon Snow, Tyrion déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Mon esprit est mon arme. Mon frère a son épée, le roi Robert a son marteau de guerre, et moi, j’ai mon esprit… et un esprit a besoin de livres, car une épée a besoin d’une pierre à aiguiser pour avoir l’avantage. C’est pour cela que je lis beaucoup. »</p>
</blockquote>
<h2>Les exclus hériteront de la terre</h2>
<p>Cette superproduction, qui touche aujourd’hui plus de foyers et de cœurs que n’importe quel classique de la littérature mondiale, offre un cadre fascinant pour observer tous ces personnages appartenant à des catégories minoritaires ou <a href="https://books.google.fr/books/about/Beyond_the_Wall.html?id=6sJQMs6WyQcC&redir_esc=y">marginalisées</a>, comme nous le montrent des approches critiques contemporaines.</p>
<p>En effet, la série nous permet de l’aborder sous différentes perspectives, telles que l’<a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-genre-et-science-politique--9782724613810-page-286.htm">intersectionnalité</a> (une approche inventée par la juriste américaine Kimberlé Crenshaw, qui met l’accent sur la relation structurelle de toutes les formes de discrimination ou d’exclusion), le concept de <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2006-3-page-133.htm">subalternité</a> chez la philosophe indienne Gayatri Spivak (qui reconnaît, dans sa critique postcoloniale, la nécessité de la valeur combative de la position subalterne face à l’hégémonique dans une structure hiérarchique), ou les différents <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/genre-et-europe/f%C3%A9minismes-et-mouvements-f%C3%A9ministes-en-europe/f%C3%A9minismes-et-mouvements-f%C3%A9ministes-en-europe">féminismes</a>.</p>
<p>Dans <em>Game of Thrones</em>, le monde est <em>hérité</em>, symboliquement et matériellement, par les marginaux du système : personne de petite taille et infirme comme Tyrion ou Bran (personnes présentant des diversités fonctionnelles intrinsèques ou acquises), enfant illégitime ou « bâtard », tel qu’il est nommé dans la série, comme Jon Snow (socialement exclu pour être né hors mariage), <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jpcu.12647">eunuques</a> comme Varys ou Grey Worm (de hommes castrés), les femmes (dans toutes leurs versions, en particulier celles qui ont des féminités non normatives) et les hommes éloignés du modèle dominant de masculinité, qui sont stigmatisés et finissent par en faire une force.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme en cape s’agenouille devant un jeune homme en fauteuil roulant, tandis que deux femmes les regardent" src="https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544052/original/file-20230822-15-6ukrbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Jon Snow s’agenouille devant Bran, tandis qu’Arya Stark et Sansa Stark regardent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.imdb.com/name/nm3652842/mediaviewer/rm395942401/">IMDB</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut y voir une manière de se <a href="https://www.jstor.org/stable/20866817">réapproprier</a> de manière subversive <a href="https://ojs.ehu.eus/index.php/papelesCEIC/article/view/21839">l’imaginaire scandaleux</a> (celui qui depuis des millénaires présente le handicap comme paradigme du péché ou de la disgrâce), <a href="https://ojs.ehu.eus/index.php/papelesCEIC/article/view/21839">au sens</a> de la philosophe Melania Moscoso : « sa propre puissance offensive nous préservera de la tentation de conformer les corps à des représentations sociales ancrées dans la norme, aussi bien intentionnées soient-elles. »</p>
<p>Ainsi, et conformément à l’observation de Tyrion dans la citation d’ouverture, nous utilisons également ici des termes tels que <em>estropié</em>, <em>bâtard</em> ou <em>chose cassée</em> en nous réappropriant leur sens de manière critique et combative. Lui-même, dans le chapitre « Le loup et le lion », déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Si on te donne un surnom, accepte-le et approprie-le-toi, ainsi, il ne peut plus te blesser. »</p>
</blockquote>
<h2>Une vie pleine de possibilités</h2>
<p>Une conversation entre les frères Lannister, Tyrion et Jaime, dans le deuxième épisode de la série (« La route royale »), montre que le handicap n’est pas la fin de l’histoire. Bien qu’ils se ressemblent à certains égards, ils sont, à ce moment du récit, aux antipodes des archétypes du désir et de l’horreur.</p>
<p>Après sa « chute » (c’est en fait Jaime qui l’a poussé du haut d’une tour, déclenchant ainsi le conflit initial), Bran est dans le coma, et les frères discutent de son sort :</p>
<p><strong>Jaime</strong> : Même si le garçon survit, il sera infirme, il sera monstrueux. La mort serait une fin appropriée.</p>
<p><strong>Tyrion</strong> : Au nom des monstres, je ne suis pas d’accord. La mort a quelque chose d’effroyablement définitif. La vie, elle, ouvre sur d’infinies possibilités. J’espère qu’il se réveillera, j’ai hâte de l’entendre raconter ce qui lui est arrivé.</p>
<p>Tyrion finit par triompher à la <a href="https://www.konbini.com/biiinge/final-game-of-thrones-analyse-epique-decevant/">fin</a> de la saga, non seulement parce qu’il a été capable de survivre contre toute attente dans un monde post-apocalyptique, mais aussi parce qu’il est devenu (une fois de plus) la Main du Roi (le bras droit) lorsque Bran le Brisé a pris le pouvoir.</p>
<p><em>Sous-fifres</em>, <em>brisés</em>… au nom du grotesque, tous deux finissent par montrer que « l’infirme », dans <em>Game of Thrones</em>, c’est autre chose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ester Massó Guijarro ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans « Game of Thrones », les personnages handicapés, blessés ou considérés comme des parias sont légion et tissent un vibrant éloge de la non-conformité.Ester Massó Guijarro, Profesora Titular de Filosofía Moral y miembro de la Unidad de Excelencia FiloLab, Universidad de GranadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087932023-08-10T21:18:31Z2023-08-10T21:18:31Z« Snack Masters », quand les grands chefs font recette avec la malbouffe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541978/original/file-20230809-14-9gcmy3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C2%2C1912%2C1286&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reproduire le burger d'une grande enseigne de junk food, une fausse bonne idée ? </span> <span class="attribution"><span class="source">M6 / Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Avec <em>Snack Masters</em>, dont le second épisode sera diffusé mardi 16 août 2023, M6 présente <a href="https://youtu.be/zYxW_k-iX_8?si=o3Ev2EoyJs8E_Eli">sa nouvelle émission culinaire</a> venue tout droit de Grande-Bretagne. Son concept est pour le moins surprenant, voire déroutant. Il s’agit en effet de demander à de grands noms de la gastronomie française – chefs étoilés et/ou Meilleurs Ouvriers de France (MOF) – de reproduire à l’identique des produits issus de la « junk food », comme des hamburgers, des frites ou des cornets glacés industriels. Au-delà de l’aspect divertissant de l’émission, menée comme une enquête policière, de la confrontation de deux univers culinaires qui, par principe, ne se rencontrent jamais, ces grands chefs sont-ils à leur place dans ce jeu ? En se montrant ainsi, ne prennent-ils pas le risque de légitimer la malbouffe ?</p>
<h2>Les grands chefs : Artisanat d’excellence, créativité et innovation</h2>
<p>Obtenir le statut de <a href="https://toutpourleresto.fr/carte-restaurants-etoiles/">chef étoilé</a> et/ou de <a href="https://www.lexpress.fr/styles/plaisirs/saveurs/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-titre-de-meilleur-ouvrier-de-france-ou-mof_1648941.html">Meilleur ouvrier de France</a> est loin d’être aisé. Seule une petite élite y parvient au terme d’années d’un labeur extrême, d’un engagement total, d’heures de travail non comptées. Ce sont des artisans d’excellence qui maîtrisent leur art à la perfection, doublés de créatifs capables d’innover, que ce soit en associant de nouvelles saveurs, en revisitant des mets traditionnels, en remettant au goût du jour des produits tombés dans l’oubli, ou en créant de nouveaux plats.</p>
<p>Ces artisans insistent aussi sur de la qualité des produits qu’ils utilisent, principalement de saison, mettent en avant les relations qu’ils entretiennent avec leurs producteurs, souvent locaux, et vantent les avantages des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/les-chefs-adaptent-de-plus-en-plus-leurs-menus-aux-produits-locaux-et-de-saison_71904.html">circuits courts</a>. Ils sont les garants de la réputation de la gastronomie française, d’un savoir-faire spécifique, d’un art de vivre envié. Ce statut leur confère une forte légitimité aussi bien auprès des autres acteurs de la profession que du grand public. Et c’est bien cette légitimité que recherchent les producteurs de l’émission. Cependant, derrière ce discours se cache une autre réalité : celle des liens des chefs avec l’industrie agroalimentaire.</p>
<h2>Une relation ancienne et fructueuse</h2>
<p>En effet, les liens entre l’industrie agroalimentaire et les chefs existent, sous différentes formes, depuis des années. Dans son ouvrage <em>Histoire des cuisiniers en France XIXe-XX<sup>e</sup> siècle</em> (2004), Alain Drouard explique que dès le XIX<sup>e</sup> siècle les chefs et les industriels de l’alimentation se mettent à tisser des relations. C’est ainsi que le <a href="https://disciples-escoffier.com/fr/histoire/auguste-escoffier-biographie">célèbre chef Auguste Escoffier</a> (1846-1935) après avoir longuement cherché à obtenir un produit capable toute l’année de remplacer la tomate fraîche, fut à l’origine de la conserve de tomates concassées. Ce nouveau produit, qui rencontra un vif succès suite à son utilisation dans les cuisines du célèbre palace londonien le Savoy dont il gérait les cuisines, était en fait fabriqué dans une conserverie dans laquelle il possédait des parts.</p>
<p>Mais c’est surtout dans le dernier quart du XX<sup>e</sup> siècle que les grands cuisiniers, en plus d’être des artisans du luxe et des restaurateurs haut de gamme sont aussi devenus des consultants pour les grands groupes alimentaires. C’est à partir de 1976 que le chef multi étoilé Michel Guérard, membre du mouvement « nouvelle cuisine » et chantre de la cuisine « légère », développa le premier partenariat en signant un contrat avec la marque Findus du groupe Nestlé. Il élabora pour eux des plats surgelés parmi lesquels le « Pithiviers de poisson au beurre blanc » qui est resté en rayon… plus de 35 ans. Il justifia cette collaboration en expliquant que l’observation industrielle lui avait énormément apporté sur le plan culinaire, qu’il avait découvert la « dimension scientifique » de l’agroalimentaire et qu’il était important de bien s’entendre avec les professionnels de cet univers là pour les aider à s’améliorer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539386/original/file-20230725-23-m3x988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publicité montrant la collaboration entre la marque de surgelés Findus et le chef multi étoilé Michel Guérard.</span>
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<p>Depuis, très rares sont les grands chefs qui n’ont pas développé de partenariat avec les acteurs de l’industrie agroalimentaire. Parmi eux on trouve – pour un temps plus ou moins long – la collaboration de Marc Veyrat avec le jambon <em>Madrange</em>, Joël Robuchon avec <em>Fleury Michon</em>, Cyril Lignac, avec <em>Findus</em> lui aussi ou Philippe Etchebest pour l’accord mets et bière avec la <em>1664 de Kronembourg</em>.</p>
<p>Cet été, le <a href="https://www.slate.fr/story/248677/collaboration-burger-king-michel-sarran-experience-culinaire-decevante-fast-food-master-boeuf-mozzarella-top-chef">chef Michel Sarran</a>, ancien juré de <em>Top Chef</em> est allé un peu plus loin encore dans les partenariats en s’associant avec la chaîne de restauration rapide <em>Burger King</em> pour laquelle il a imaginé trois nouvelles recettes, les « Masters du chef ». C’est, en effet, la première fois qu’un chef étoilé s’associe à un fast-food, ce qu’il justifie en expliquant la mise en commun d’expertises et l’utilisation de produits frais tandis que le directeur France de l’enseigne parle de « proposer des burgers de chef étoilé à un prix accessible pendant plus d’un mois dans toute la France […] notamment en période d’inflation ». Les problèmes liés à la malbouffe ne sont, eux, pas du tout mentionnés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540979/original/file-20230803-19-rtzeo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Michel Sarran premier chef à signer un partenariat avec une chaine de fast food.</span>
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<h2>Restaurants gastronomiques en quête de rentabilité</h2>
<p>Si le fait de comprendre les enjeux et d’aider l’industrie agroalimentaire à s’améliorer sont les principaux motifs évoqués par les chefs pour expliquer leurs différents partenariats, il y a d’autres explications. Les raisons financières sont, elles aussi, déterminantes, bien que jamais évoquées. En effet, gérer un restaurant étoilé se révèle très <a href="https://www.neorestauration.com/article/restaurants-gastronomiques-la-difficile-equation-de-la-rentabilite,29832">onéreux et pas vraiment rentable</a>. Entre les frais de personnel et d’infrastructure en hausse constante, l’univers très concurrentiel dans lequel ils évoluent, plus dernièrement la crise du Covid-19 ainsi que l’inflation, leurs bénéfices sont maigres.</p>
<p>Selon la revue <a href="https://www.entreprendre.fr/les-etoiles-michelin-une-pression-insupportable-pour-les-chefs/"><em>Entreprendre</em></a> de mai dernier, le taux de marge oscillerait entre 5 et 10 %, ce qui est peu. C’est pourquoi les divers partenariats pour de la publicité ou du consulting avec des <a href="https://www.leparisien.fr/economie/quand-ils-pretent-leur-nom-aux-plats-cuisines-13-12-2010-1188374.php">marques de l’agro-alimentaire</a> s’avèrent très lucratifs et permettent souvent d’aider à combler le manque à gagner des restaurants étoilés.</p>
<p>Les émissions télévisées sont aussi l’occasion, pour les chefs qui y participent, de faire connaître leurs restaurants et d’augmenter ainsi leur popularité. Hélène Darroze expliquait à Cécilia Delporte dans <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/emissions-culinaires-la-poule-aux-oeufs-dor-de-la-television-1158094"><em>Les Echos</em></a> que dès les premières minutes de <em>Top Chef</em> les coups de téléphone avaient afflué dans son restaurant pour des réservations. Elle ajoutait que si parfois elle envisageait d’arrêter l’émission, cette décision était difficile à prendre à cause de la visibilité que cette dernière lui apportait.</p>
<h2>Snacking et obésité</h2>
<p>Le marché du snacking (ou celui du « prêt à manger » ou de la restauration rapide avec par exemple les sandwichs, les hamburgers ou les plats préparés) connaît depuis quelques années une réelle croissance avec un chiffre d’affaires proche des <a href="https://www.businessfrance.fr/les-francais-de-plus-en-plus-seduits-par-le-snacking">18,5 milliards d’euros en 2022</a>. Les français souhaitent, en effet, trouver des moyens pratiques et rapides pour se nourrir. Même si les snacks sains et bio sont de plus en plus recherchés, la majeure partie d’entre eux restent peu équilibrés avec trop de matières grasses, de sel ou de sucre. Or la <a href="https://presse.inserm.fr/obesite-et-surpoids-pres-dun-francais-sur-deux-concerne-etat-des-lieux-prevention-et-solutions-therapeutiques/66542/">moitié de la population française est aujourd’hui en excès de poids</a> et 17 % des personnes concernées par l’obésité. De plus, ce sont surtout les plus jeunes qui sont touchés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539833/original/file-20230727-19593-46c6up.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des prévalences de l’obésité selon l’âge entre les enquêtes Obépi-Roche 1997-2012 et l’enquête Obépi 2020 (source Inserm).</span>
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<p>Dans ce contexte, on peut se demander si ce n’est pas jouer avec la santé de certains de nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, que de proposer en prime time une émission qui promeut plus ou moins indirectement et sous forme ludique le snacking, le tout légitimé par deux grands chefs. En effet, jusqu’à présent dans des émissions comme <em>Top Chef</em> il s’agissait parfois de reproduire des plats de la steet food ou de revisiter des burgers, mais avec des produits frais. Or, dans <em>Snack Masters</em>, il s’agit de réaliser à l’identique des produits issus de la junk food, de montrer les usines dans lesquelles ils sont produits, comme si ce n’était finalement pas si mauvais que cela, qu’il ne s’agissait pas presque systématiquement de produits trop gras, trop salés, trop sucrés. Difficile de ne pas penser au documentaire de Morgan Spurlock <a href="https://youtu.be/JsMwvTnu5Bc?si=KjCgb1v-g9zWVejk"><em>Supersize me</em></a> (2004) qui dénonçait la malbouffe et ses conséquences néfastes pour la santé.</p>
<p>Avec ce programme, les shows culinaires ne viennent-ils pas, sous couvert d’un jeu divertissant avec des chefs reconnus et appréciés, de franchir une limite ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand les grands chefs reproduisent à l’identique des produits issus de la « junk food », la gastronomie et la santé n’en sortent pas forcément gagnantes.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087902023-08-02T18:06:44Z2023-08-02T18:06:44Z« Black Mirror » : notre monde est-il devenu la dystopie que prédisait la série ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535145/original/file-20230701-100349-yyygjs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C17%2C1076%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visuel de "Joan est horrible", premier épisode de la sixième saison de Black Mirror sortie le 15 juin dernier sur Netflix. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Diffusée en France depuis 2016 sur la plate-forme <a href="https://www.netflix.com/title/70264888">Netflix</a>, <em>Black Mirror</em> est ce qu’on appelle une série d’anthologie : ses épisodes sont indépendants les uns des autres et <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">reliés par la thématique de la dystopie</a>. Elle met en scène une société à l’avenir sombre, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-le-cote-obscur-de-la-technologie-117466">marquée par le progrès technologique</a>.</p>
<p>Le 15 juin marquait le grand retour de la série, quatre ans après la sortie de sa cinquième saison, en raison de la crise sanitaire. Depuis la première saison, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lanthologie-de-la-pente-fatale-90482">nous retrouvons au centre de chaque épisode un procédé technique soulevant des problématiques éthiques</a>, dans un repère temporel généralement flou pour nous permettre d’envisager ses dangers à moyen ou long terme. </p>
<p>Dans cette sixième saison, des sujets récurrents sont abordés, tels que l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux et une vision horrifique de l’usage des technologies. Pourtant, ces cinq derniers épisodes ne semblent pas tournés vers l’avenir proche comme les précédents. Dans une dimension spatio-temporelle mieux définie, soit contemporaine, soit située quelque part au XX<sup>e</sup> siècle, ils abordent des situations néfastes qui présentent la décadence des comportements humains déjà bien amorcés dans la réalité.</p>
<p>Notre monde est-il donc définitivement entré dans l’écran noir de <em>Black Mirror</em> ? Cette sixième saison nous tend-elle un miroir sur notre quotidien ?</p>
<h2>Red Mirror : la fin d’une dystopie ?</h2>
<p>Durant cinq saisons, la dystopie fait sens dans tous les épisodes en évoquant les dangers des progrès technologiques (S01E03 ; S04E02), le contrôle au profit d’une élite (S03E01 ; S03E05), le recours à l’intelligence artificielle pour maîtriser ce nouveau monde (S02E01 ; S05E03) ou encore le pouvoir politique des médias (S01E01 ; S01E02 ; S02E03 ; S03E06). Ces épisodes se déroulent souvent dans un « non-lieu » (S03E04 ; S04E01) et un futur apocalyptique (S04E04 ; S04E05).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">« Black Mirror » ou l’ambiguïté du pire</a>
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<p>Or, cette sixième saison marque un changement par rapport aux autres, en jouant davantage sur l’ironie des situations induites par ces progrès déjà en cours dans notre société. Du premier épisode (« Joan is Awful ») présentant la venue des doubles virtuels déjà parmi nous depuis 2017 aux deux suivants (« Loch Henry » et « Beyond the Sea ») qui traitent de meurtres, rien de nouveau n’apparaît. Pas plus que les deux derniers épisodes (« Mazey Day » et « Demon 79 ») qui abordent le voyeurisme de la presse et les mythes sociaux (le loup-garou et le démon).</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce, <em>Black Mirror</em>, saison 6 (Netflix).</span></figcaption>
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<p>Ce changement de perspective questionne. La série montre habituellement notre avenir disruptif perturbé par le progrès technologique. Et <em>Black Mirror</em> a eu énormément de succès en se basant sur la dystopie d’un monde auquel nous ne pouvons échapper. Pour quelles raisons dans cette saison, les scénaristes alertent-ils déontologiquement sur les comportements humains qui dégénèrent ? Est-on toujours dans une dystopie ?</p>
<p>Le contexte de production de cette sixième saison est à prendre compte pour comprendre le changement de ton et de direction artistique de la série. Les scénaristes se voient rattrapés par le présent anxiogène (Covid-19) alors qu’ils contaient des histoires destinées à penser l’avenir : « En ce moment, je ne vois pas comment on pourrait avoir l’envie et la force de regarder des histoires concernant une société qui s’écroule. Donc je ne travaille pas du tout sur de nouveaux épisodes », <a href="https://www.radiotimes.com/tv/sci-fi/black-mirror-6-update/">confiait Charlie Brooker à <em>Radio Times</em> en 2020</a>.</p>
<p>Cette affirmation confirme que le créateur s’éloigne de la dystopie pour traiter autrement des histoires menant à une réflexion et des temporalités différentes qui se situent dans le présent ou dans le passé, voire dans une <a href="https://journals.openedition.org/elh/362">uchronie</a> (le récit d’évènements fictifs à partir d’un point de départ historique).</p>
<p>C’est le cas de l’épisode 3 (« Beyond the Sea ») qui puise dans le passé pour réécrire le futur. En effet, à partir d’un évènement narré en 1969, en <a href="https://www.britannica.com/topic/rock-Los-Angeles-1950s-overview-1371230">référence au meurtre de Sharon Tate (épouse de Roman Polanski)</a>, les scénaristes introduisent un progrès technologique. Un astronaute assiste alors, impuissant, au meurtre de sa femme et de ses enfants par des hippies via sa propre réplique numérique. Comme en témoigne un spécialiste <a href="https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-features/black-mirror-beyond-the-sea-ending-josh-hartnett-kate-mara-1235516380/">“[…] Charlie voulait retourner à cette époque pour réinventer le pourquoi […]”</a>, nous renvoyant au principe de l’uchronie.</p>
<p>La question « que se serait-il passé si… » prévaut dans chacun des épisodes composant cette sixième saison, invitant le spectateur à imaginer un récit hypothétique : « et si une starlette ne s’était pas suicidée ? », « et si le démon n’avait pas pu contacter l’héroïne ? », « et si un astronaute n’avait pas laissé son collègue revenir sur Terre ? »</p>
<p>Le ton est aussi différent dans cette saison, à la tournure clairement plus horrifique comme pour compenser la dimension prophétique qui avait tant marqué les premières saisons : le créateur de la série en témoigne : « Cette saison, j’ai voulu faire quelque chose de très différent – une sorte de Red Mirror, comme un label parallèle tourné vers le crime et l’horreur. Et en faisant ça, je me suis dit, essaye de transformer ta propre vision de ce qu’est un épisode de <em>Black Mirror</em> ».</p>
<p><em>Black Mirror</em>, jusque là, se faisait l’écho du futur de notre société dans un contexte souvent totalitaire, de contrôle et de surveillance étatique par le biais des progrès informatiques. Par des scénarios prenant source dans notre réalité, cette série d’anticipation projetait donc, dans un avenir dystopique, des fictions qui n’en sont plus. Le temps semble avoir avancé plus vite que les scénaristes et la réalité dépasse aujourd’hui la fiction – mentionnons par exemple la déflagration ChatGPT.</p>
<h2>Quand l’intelligence artificielle dépasse la fiction</h2>
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<p><a href="https://www.netflix-news.com/articles/programmes/1577344-joan-est-horrible-black-mirror-saison-6-que-vaut-le-premier-episode-douverture-de-la-serie-netflix-avis-des-internautes-22-06-2023/">Le premier épisode de cette nouvelle saison met en scène une jeune femme</a> (Joan) troublée après qu’elle ait découvert sur une plate-forme de streaming une série à son image, relatant ses journées, parfois au mot près. Cet épisode permet aux scénaristes d’aborder la question du vide juridique qui entoure les doublures digitales, imaginées à partir de la vie bien réelle d’êtres humains.</p>
<p>La problématique se présente déjà dans le milieu de la communication et du marketing avec une absence de cadre législatif régulant l’usage des <a href="https://theconversation.com/si-un-influenceur-virtuel-commet-une-infraction-qui-est-responsable-208512">influenceurs biodigitaux</a>.</p>
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<p>Cette absence de mesure législative peut mener tout un chacun à usurper l’identité visuelle d’une personne en plaçant son double digitalisé sur le net, sans encourir aucune poursuite. Depuis le 13 juillet 2023, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/14/greve-a-hollywood-les-acteurs-craignent-d-etre-remplaces-par-des-machines_6181893_3234.html">grève des acteurs à Hollywood</a> place l’intelligence artificielle au centre du débat public, poussant ces premiers à réclamer de meilleurs revenus du streaming et des garanties contre son intrusion dans le milieu audiovisuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1679770215796678656"}"></div></p>
<p>Dans <em>Black Mirror</em>, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce thème mêlant intelligence artificielle (IA) et corps digitalisés est abordé. En effet, par les progrès de la science, la reproduction virtuelle d’une jeune chanteuse Ashley apparaît sous l’apparence d’une poupée robotisée nommée « Ashley Too » (saison 5, épisode 3). La réflexion au centre de cet épisode est proche de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-05064-0_20">ce travail de recherche internationale</a> dans lequel les professionnels de la communication et du marketing s’expriment sur les fondements de nos libertés, il y a déjà plus de trois ans ; ils disent craindre le façonnage d’humains virtuels dont la digitalisation est invisibilisée. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">Les influenceurs virtuels sont-ils plus puissants que les influenceurs humains ?</a>
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<p>Cette question prévaut également dans le premier épisode de la saison 2, intitulé « Bientôt de retour », qui présente des êtres de substitution faisant revivre des morts en utilisant toutes les caractéristiques de l’individu décédé (voix, gestuelle, personnalité, etc.).</p>
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<p>Dans la série, le personnage principal, une femme éprouvée par le décès de son mari, refuse de reconnaître toute humanité à cette entité <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">biodigitale</a>, elle finit toutefois par converser secrètement avec elle. Ceci n’est pas sans nous rappeler la <a href="https://www.facebook.com/help/103897939701143">page Facebook d’un individu qui reste active après son décès</a> ou la <a href="https://theconversation.com/debat-lintelligence-artificielle-peut-elle-accompagner-les-personnes-en-deuil-205491">façon dont l’intelligence accompagne les personnes en deuil</a>. Le dernier exemple en date étant l’application « Project December » qui utilise GPT-3 pour permettre à l’utilisateur de recréer un dialogue avec des personnes disparues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Simulate the Dead, « Project December ».</span></figcaption>
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<p>Il faudra sans doute attendre la septième saison pour savoir si la série se propose toujours d’explorer toutes les facettes des avancées technologiques et sociales en tentant de nous éclairer sur cet avenir dirigé par l’intelligence artificielle qui brille de mille feux pour mieux nous aveugler. Il se peut aussi que, subliminalement, la série ait choisi d’alerter sur les comportements humains, toujours plus déviants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour son grand retour, « Black Mirror » appréhende à nouveau notre rapport aux nouvelles technologies : un usage démesuré comme elle l’avait prédit.Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleMarie-Nathalie Jauffret, Chercheure - Prof. Communication & Marketing, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980442023-07-24T15:32:01Z2023-07-24T15:32:01ZLes talk-shows qu’on aime : des machines à broyer la dignité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537841/original/file-20230717-234969-wnrgek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4288%2C2848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>Les talk-shows, ces émissions de télévision populaires, ne sont pas qu’une simple forme de divertissement inoffensif où se discutent des enjeux de société. De par leurs choix de production et d’animation, ils peuvent mettre à mal les personnes invitées sur le plateau, particulièrement par leurs diverses techniques d’humiliation. </p>
<p>Dans le milieu de la recherche universitaire sur l’industrie de la culture, de l’information et du divertissement, l’<a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Le-syst%C3%A8me-de-la-politesse-confront%C3%A9-aux-d%C3%A9fis-du-%3A-Oprea/47dc20d7d283d8d90d7ca3f3538f8d868ba78b49">étude des talk-shows</a> occupe pourtant une place plutôt modeste, éclairée surtout par la sémiologie (qui est l’étude des signes et de leurs significations), les études en journalisme et les sciences du langage.</p>
<p>Dans de tels contextes, ce genre médiatique paraît inoffensif, ne faisant appel qu’à des stratégies discursives comme l’interview ou le débat dans la perspective d’informer ou de divertir la population tout en exploitant des sujets d’intérêt public.</p>
<p>Placé sous la loupe d’une pragmatique de la communication telle que je la mobilise dans <a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">mes travaux de recherche sur la culture populaire</a>, les talk-shows se présentent toutefois sous des aspects plus inquiétants. Le genre s’illustre, notamment sur le plan éthique, du fait des mesures humiliantes et contraignantes que les hôtes prennent à l’encontre de leurs invités pour en obtenir des révélations inattendues ou compromettantes dans l’expectative de gains en popularité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture d’un ouvrage de référence sur les violations de la dignité humaine, édition de 2011.</span>
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<h2>Morales flexibles et égos démesurés</h2>
<p>Vus sous cet angle, les talk-shows deviennent des machines à broyer la dignité humaine, actionnées sciemment par des producteurs à la morale flexible et des animateurs à l’égo démesuré à des fins ludiques, narcissiques ou capitalistes.</p>
<p>Le propos de cet article est de faire apparaître le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-6-page-39.htm">caractère menaçant</a> de l’humiliation en tant qu’acte de pouvoir délibéré, accompli sur des personnes vulnérables ou rendues vulnérables par la présence d’un public, de micros et de caméras.</p>
<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-6-page-39.htm">conséquences des procédés dégradants de l’humiliation</a> peuvent être dévastatrices pour les victimes : souffrance psychique, perte de confiance en soi, sentiment d’exclusion, désir de disparaître ou de se venger. Pourtant, les gens de l’industrie télévisuelle continuent de les appliquer sous des formes prétendument divertissantes dans une grande quantité de talk-shows, parmi les plus écoutés de la dernière décennie, que ce soit au Canada, en France, en Angleterre ou aux États-Unis. Au Québec, le populaire talk-show <em>Tout le monde en parle</em> nous a fourni, en 2007, l’exemple tragique d’un <a href="https://www.dailymotion.com/video/xalxbg">épisode</a> cruellement vécu par l’écrivaine <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/331552/nelly-son-corps-ses-livres">Nelly Arcan</a>. Il aurait pu contribuer à son suicide, comme elle l’a sous-entendu dans un texte intitulé <a href="http://www.nellyarcan.com/pages/la-honte.php">« La honte »</a>.</p>
<p>Dans la remarquable abondance des <a href="https://www.voici.fr/news-people/actu-people/humilie-dans-un-talk-show-britannique-un-homme-est-retrouve-mort-dix-jours-plus-tard-659816">cas d’humiliation télévisée</a> qui sont à ma disposition pour cet article, les trois suivants demeurent exemplaires en raison du caractère éprouvé de leurs stratégies offensives déployées par des animateurs (ou ex-animateurs) particulièrement habiles et expérimentés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-a-od-martinique-lintimidation-na-plus-sa-place-dans-les-emissions-de-tele-realite-192385">Crise à OD Martinique : l'intimidation n'a plus sa place dans les émissions de télé-réalité</a>
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<h2>La dégradation de l’image d’autrui : « Shooter ! »</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Les recettes pompettes</em> avec Éric Salvail, animateur (à droite) et ses invités (à gauche) Maripier Morin et Mike Ward, émission diffusée le 20 mars 2017.</span>
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<p>La dégradation de l’image d’autrui est une humiliation qui consiste à créer, autour d’une personne, des situations qui la maintiennent dans un état de vulnérabilité, de faiblesse, de défaut ou de tort, tout en l’exposant au regard de ses admirateurs.</p>
<p>Chaque épisode de la série <em>Les recettes pompettes</em> – animée par le controversé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Salvail">Éric Salvail</a> constitue, en l’espèce, un véritable guide de référence sur le sujet. Simulées ou non, les interactions qui s’y déroulent <a href="https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/hugo-dumas/201601/14/01-4939758-eric-na-pas-le-vin-triste-.php">versent systématiquement dans la vulgarité</a>, ce qui affecte notre façon de percevoir nos vedettes préférées.</p>
<p>Sur un ordre de l’animateur (Shooter !), les invités trinquent, au sens propre comme au figuré : ils sont bombardés de commentaires vexants, confrontés à leurs pires phobies (tarentule, souris, allergies, etc.) et avilis par des insultes personnelles en plus d’être dévisagés par des caméras qui en captent tous les états. L’humiliation, s’il en est, s’en trouve ainsi immortalisée.</p>
<h2>L’expulsion autoritaire : « Tu sors ! »</h2>
<p>L’expulsion, comme le bannissement, l’éviction ou l’exclusion sociale, est un châtiment qu’on dit <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/infamant">infamant</a> parce qu’il porte atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne plutôt qu’à son intégrité physique.</p>
<p>Ce type de châtiment est la marque de commerce de la personnalité française Cyril Hanouna, lequel expulse des gens de son plateau de télé de façon arbitraire et autoritaire à chacune de ses émissions, plusieurs fois par émission. De cet affront cuisant, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PjMu1BGWouM">n’importe qui peut devenir la cible</a> : un chroniqueur dont l’intervention est jugée déplacée, un invité qui déçoit par ses gestes ou ses propos, un opérateur technique qui rate son effet ou même une personne du public qui dérange la captation en direct. L’humiliation est aggravée par la cadence du public qui scande <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=2757050421274923">« Tu sors ! Tu sors ! Tu sors ! »</a> jusqu’à ce que la personne désignée soit hors du champ des caméras.</p>
<p>En tant que roi et maître de l’émission qu’il anime et produit, Cyril Hanouna n’est évidemment pas le seul à avoir fait de son plateau de télévision un instrument d’exclusion sociale. En revanche, il n’y a que lui à en avoir fait également un dispositif de séquestration, comme on peut le constater en visionnant <a href="https://fb.watch/lV7yPHKGcQ/">cet extrait</a>. L’acte d’humiliation consiste alors, pour le prédateur, à isoler sa proie, qui est visiblement sans défense et complètement seule parmi des millions de voyeurs assis dans leurs salons.</p>
<h2>La suppression de la volonté : « Yes ! You Will ! »</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Ellen DeGenereset Taylor Swift" src="https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’animatrice Ellen DeGeneres, à gauche, et la chanteuse, Taylor Swift, à droite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Flickr/@ronpaulrevolt2008), (Flickr/Eva Rinaldi)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=rRXVuIsVBnI">Un extrait d’une entrevue</a> entre Taylor Swift et Ellen DeGeneres a déjà soulevé <a href="https://www.24heures.ca/2023/01/19/ellen-degeneres-accusee-de-slut-shaming-a-cause-dune-vieille-entrevue-avec-taylor-swift">l’indignation du public</a> concurremment aux <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1735431/ellen-degeneres-accusations-harcelement">accusations de harcèlement</a> qui se sont élevées contre l’animatrice et productrice Ellen DeGeneres en 2020. Les procédés qui y sont mis en œuvre ne sont pas étrangers aux découvertes de <a href="https://www.redalyc.org/journal/2910/291057851004/291057851004.pdf">Stanley Milgram</a> sur l’obéissance aux ordres déraisonnables d’une autorité lorsque celle-ci est perçue comme étant légitime.</p>
<p>À partir de sa posture hiérarchique forte d’animatrice et de productrice au sommet de son art, Ellen DeGeneres exige ici d’une Taylor Swift qui, en 2013, était encore jeune (24 ans) et inexpérimentée, qu’elle pose un geste apparemment anodin (agiter une cloche), mais néanmoins susceptible de produire des effets préjudiciables et irréversibles sur sa vie privée et sa carrière, notamment : en révélant l’identité d’un tiers, en exposant au grand jour ses conduites amoureuses et sexuelles et en accomplissant, devant tous, la profanation de son propre sanctuaire d’inspiration artistique.</p>
<ul>
<li><p>Taylor : Oh mon Dieu, je ne sais pas si je devrais le faire…</p></li>
<li><p>Ellen : Oui, tu le feras !</p></li>
<li><p>Taylor : C’est… la seule chose que j’ai ! C’est la seule parcelle de dignité qu’il me reste ! Les gens peuvent faire des hypothèses s’ils en ont envie, mais… C’est la seule carte que j’ai !</p></li>
</ul>
<p>Le plus habile de la part de Ellen DeGeneres, dans ce passage, est d’avoir imaginé puis installé une situation de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Double_contrainte">double contrainte</a>, du genre de celles qui font de vous un être « damné si vous obéissez, damné si vous n’obéissez pas » (damned if you do, damned if you don’t).</p>
<h2>L’humiliation : « nouveau poison de notre société » ?</h2>
<p>Dans la vie de tous les jours, l’humiliation n’est pas un spectacle ni un divertissement. C’est un acte délibéré d’autorité pratiqué de manière abusive par un agresseur dont le principal levier de pouvoir est la présence complice d’autrui. </p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture du livre de Olivier Abel, paru en 2022.</span>
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<p>Car, pour être humiliée, une victime ne doit pas seulement être amoindrie par des paroles ou par des actes, elle doit également être vue et apparaître comme telle dans le regard des autres. Dans ce genre de dispositif de collaboration entre un bourreau qui exécute et une foule anonyme qui lui sert de témoin, ceux qui ne font rien d’autre que regarder accomplissent néanmoins quelque chose : leur présence est non seulement la condition essentielle au crime d’humiliation, mais elle en est également la garantie d’impunité.</p>
<p>En combinant le talent des animateurs, l’avidité des producteurs, l’efficacité des technologies télévisuelles et l’engouement passif d’un public de salon qui peut <em>tout voir sans être vu</em>, les talk-shows sont l’instrument contemporain par excellence du crime psychique d’humiliation, une redoutable machine à broyer la dignité humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198044/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Perçus comme un simple divertissement, les talk-shows peuvent devenir des machines à broyer la dignité humaine. Les conséquences des procédés dégradants peuvent être dévastatrices pour les victimes.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2071622023-06-15T16:44:31Z2023-06-15T16:44:31ZLe journal télévisé français, un rituel populaire au service du public ?<p>« Bonsoir et bienvenue dans le 20h de France 2. Voici les titres de ce lundi 5 juin 2023. 21 jours sans pluie à Paris et dans plusieurs villes du Nord. On n’avait pas vu cela en cette période depuis 1949 ».</p>
<p>Voici comment débutait le JT de France 2, le lundi 5 juin à 19h58, avec une présentatrice – la journaliste Anne-Sophie Lapix – debout devant la table et souriante. Le générique qui a précédé cette ouverture, une ligne rouge et circulaire, symbolise depuis août 2019 le <a href="https://www.programme.tv/news/actu/206806-les-jt-de-france-2-font-leur-rentree-avec-un-nouvel-habillage-video/">« fil rouge de l’information, pour accompagner les téléspectateurs tout au long des éditions » du groupe France Télévisions</a>. Un générique qualifié par la <a href="https://www.programme-tv.net/news/tv/238298-les-jt-de-france-2-soffrent-un-tout-nouvel-habillage-video/">presse spécialisée</a> de « sobre, élégant et moderne ». Au-delà des nouveaux habillages, alors que l’on observe une reconfiguration des manières de s’informer en lien avec les propositions numériques, comment évolue le rendez-vous rituel d’information du journal télévisé ?</p>
<h2>Un succès populaire durable</h2>
<p>Depuis sa première apparition à la télévision française en 1949 (le <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-3-page-209.htm">premier journal quotidien de quinze minutes apparaît sur la chaîne CBS aux États-Unis en 1948</a>), le journal télévisé connaît un succès populaire durable, malgré les moments de défiance qui caractérisent son histoire. Il faut rappeler que le <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/une-histoire-des-medias-jean-noel-jeanneney/9782757851609">JT a été initialement pensé par le gouvernement comme un outil de communication à sens unique</a>, remis en cause par la suite au nom de l’indépendance de l’information. C’est notamment à partir de la fin des années 1980 que l’information à la télévision occupe une place contradictoire dans l’espace public.</p>
<p>D’une part, l’évolution concurrentielle du paysage télévisuel (arrivée de chaînes privées, privatisation de TF1) a permis la conquête d’une indépendance de l’information télévisée à l’égard du pouvoir politique ; si la part de l’information dans l’ensemble des programmes se réduit, celle des JT reste primordiale et les <a href="https://www.nouveau-monde.net/catalogue/histoire-de-la-television-francaise-de-1935-a-nos-jours/">journaux connaissent des scores d’audience particulièrement importants</a>. D’autre part, de vives critiques commencent à dénoncer autant le voyeurisme, le sensationnalisme et la complaisance à l’œuvre dans les journaux télévisés que les problèmes déontologiques que posent la diffusion de mises en scène fallacieuses et celle, trop pressée, d’informations erronées. <a href="https://www.decitre.fr/livres/le-journal-televise-9782724607093.html">La confiance dans les médias télévisés d’information commence alors à décliner, jusqu’à une remise en cause virulente du journalisme de télévision</a>.</p>
<p>Néanmoins, à l’heure actuelle, les téléspectateurs plébiscitent toujours le rendez-vous quotidien du JT, qui est pour une majorité d’individus en France le moyen d’information privilégié. Les scores d’audience actuels des deux journaux télévisés les plus regardés (celui de TF1 et celui de France 2) représentent en moyenne un peu plus de 20 % de part d’audience chacun ; toutes chaînes confondues, <a href="https://www.mediametrie.fr/fr/lannee-tv-2022">environ 20 millions de téléspectateurs regarderaient un journal télévisé chaque soir</a>. La <a href="https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2022-01/2022%2001%2003%20M%C3%A9diamat%20Annuel%202021.pdf">part d’audience annuelle pour 2021 des 4 chaînes d’information en continu s’élève à 6,7 %</a> (2,9 % pour BFMTV qui se classe à la 7e place des chaînes les plus regardées, ex aequo avec Arte ; 2 % pour CNews ; 1,1 % pour LCI et 0,7 % pour FranceInfo), en augmentation de 0,5 % par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Ce qu’indiquent ces scores d’audience au sujet de la consommation des journaux télévisés est corroboré par une étude menée en 2019 par des chercheurs dans le cadre d’un <a href="http://www.anr-pil.org/">projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) sur le « Pluralisme de l’information en ligne »</a> : la télévision hors ligne – les programmes de télévision visionnés de manière linéaire – reste le média dominant pour s’informer en France.</p>
<p>Si certaines catégories de la population (« les jeunes et les grands consommateurs de médias ») ont tendance à préférer regarder les actualités en ligne, la télévision (hors ligne et en ligne) conserve son rôle de lien social. Le <a href="https://www.meta-media.fr/2023/01/28/barometre-kantar-la-croix-la-confiance-des-francais-dans-les-medias-remonte.html">baromètre Kantar-La Croix</a> sur la confiance des Français dans les médias le confirme aussi : alors qu’au début de l’année 2023 « plus de trois-quarts des Français déclarent suivre avec attention l’actualité » avec une place centrale accordée à la télévision pour cela, « 35 % de l’ensemble du panel interrogé, quel que soit l’âge, a affirmé regarder le JT au quotidien pour s’informer » ; des chiffres en hausse par rapport aux années précédentes.</p>
<h2>Une information incarnée</h2>
<p>Le rendez-vous particulier qu’a rapidement constitué le JT dans la vie d’une majorité d’individus est en partie un rendez-vous avec un journaliste présentateur, à la longévité remarquable pour certains. En effet, c’est en 1971 que le JT adopte un dispositif de présentation fondé sur le modèle américain d’un « anchorman » permanent, visible à l’antenne, de manière à personnaliser et fidéliser la relation entre l’information et ses publics. Sur l’initiative de Pierre Desgraupes, président de l’ORTF, le journaliste Jacques Pasteur s’inspire alors du charismatique Walter Cronkite (présentateur du journal télévisé du soir sur CBS de 1962 à 1981) pour incarner l’information. Par la suite, les présentateurs du journal adoptent de nouvelles postures qui installent une proximité avec le public ; ils tiennent un <a href="https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1986_num_4_21_1014#:%7E:text=Non%20seulement%20un%20JT%20est,n%27importe%20quelle%20autre%20%C3%A9mission.">rôle écrasant</a> dans ce dispositif.</p>
<p>La figure de Jean-Pierre Pernaut est à cet égard emblématique : le journaliste a présenté le journal de 13h pendant 32 ans, de 1988 à 2020. Il s’est rapidement démarqué de la concurrence par son approche, sa sincérité et sa spontanéité puisqu’il menait son rendez-vous quotidien sans prompteur. Ce présentateur a marqué les esprits : lorsqu’il a quitté l’antenne de TF1 (2020) ainsi qu’au moment de son dècès (2022), il était désigné telle une « icône », « incarnation », « vedette » et une « star ». L’incarnation stabilisée et durable du journal télévisé est promue par les professionnels du secteur. </p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p><a href="https://www.ladepeche.fr/2020/11/08/medias-les-jt-sont-devenus-des-rendez-vous-ou-lon-retrouve-du-sens-9189527.php">David Medioni</a>, directeur de l’Observatoire des médias de la Fondation Jean-Jaurès, explique que « les présentateurs des JT traditionnels ne sont pas interchangeables contrairement à leurs homologues des chaînes d’info en continu. Sur TF1, à 13 heures, c’était le journal de Pernaut avec une audience deux fois supérieure à celle de France 2 à la même heure. Il y a un besoin d’incarner ces rendez-vous quotidiens avec les Français ». Des rendez-vous honorés pendant de nombreuses années par Patrick Poivre d’Arvor, Christine Ockrent, Bruno Masure, Claire Chazal ou encore David Pujadas.</p>
<p>La proximité et la familiarité sont aujourd’hui banalisées dans les mises en scène de l’information télévisée : d’une part, avec des marques régulières de spontanéité de la part des présentateurs et présentatrices ; d’autre part avec une dynamique de déplacements sur le plateau, des postures debout, tablette entre les mains, en alternance avec la posture assise.</p>
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<p>Ces rendez-vous incarnés pourraient-ils un jour se transformer avec l’intelligence artificielle ? <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/en-chine-le-jt-est-presente-par-une-intelligence-artificielle-146635">En 2018, l’agence de presse chinoise officielle Xinhua avait mis au point un présentateur de JT virtuel, Qiu Hao</a>, qui a <a href="https://www.scmp.com/tech/innovation/article/2172235/xinhua-news-agency-debuts-ai-anchors-partnership-search-engine-sogou">intégré l’équipe de reportage de l’agence</a>. Vue de l’Occident, où le lien de proximité entre le public et un présentateur en chair et en os est une priorité, la prestation n’a pas (encore ?) convaincu.</p>
<h2>L’information télévisée au service des spectateurs connectés</h2>
<p>Face à l’évolution des usages des médias et des supports numériques, les journaux télévisés mettent en œuvre des procédés fondés sur une recette traditionnelle (favoriser la proximité avec le public) couplée au <a href="https://journals.openedition.org/edc/15403">recours à des dispositifs participatifs numériques</a>, comme l’appel à réactions, le déploiement sur les réseaux socionumériques, ou encore le visionnage à la carte.</p>
<p>Dans les JT, la relation entre la rédaction, incarnée par le(s) journalistes présentateurs et les publics est traditionnellement <a href="https://www.parislibrairies.fr/livre/9782711772810-l-information-televisee-mutations-professionnelles-et-enjeux-citoyens-guy-lochard/">mise en scène par le « regard caméra » et la proximité psychologique imaginée, manifestée par des formes d’adresse</a> comme de chaleureux « vous » et « chers téléspectateurs, chères téléspectatrices » « merci de nous avoir suivis ». La mise en scène de ce relationnel est aujourd’hui représentée par les rubriques « #Le20hvousrépond » sur TF1 et « #OnVousRépond » sur France 2, qui offrent la possibilité aux téléspectateurs d’intervenir et de réagir aux contenus du journal.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530546/original/file-20230607-22-jk24se.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Journal télévisé du 18 mars 2021, France 2. (capture d’écran réalisée par l’auteure).</span>
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<p>Pendant la campagne présidentielle de 2022, France Télévisions a déployé l’interview politique rituelle des candidats à la fin du journal télévisé de France 2 (la séquence « 20h22 ») sur la plate-forme de vidéo en streaming Twitch (« 20h22, la suite sur Twitch ») ; – les <a href="https://www.webullition.info/la-plateforme-twitch-sinvite-en-politique-50541">journalistes y poursuivaient l’interview à partir de certaines des questions posées dans le chat par les spectateurs</a>.</p>
<p>Par ailleurs, des influenceurs, comme l’équipe d’<a href="https://www.twitch.tv/hugodecrypte">HugoDécrypte</a>, reprennent les principes du format JT (un présentateur qui livre l’information avec un ton chaleureux) en y ajoutant la participation du public, incarnée par les réponses aux sondages, les « j’aime », les commentaires, etc.</p>
<p>La personnalisation de l’information est une tendance actuelle, matérialisée par des applications qui proposent aux usagers de construire leur propre JT en ne visionnant successivement que les reportages qui les intéressent : <a href="https://artifact.news">Artifact.news</a>, le <a href="https://www.tf1info.fr/high-tech/video-tf1info-votre-jt-personnalise-2208115.html">JT personnalisé de TF1</a>. Par la création de <a href="https://www.tiktok.com/@france3grandest">comptes sur le réseau Tik Tok</a>, les rédactions contribuent également à une offre d’informations “à la carte”. Cette logique de segmentation de l’information est présentée comme un service proposé aux spectateurs connectés. Si elle concourt à <a href="https://journalisme.com/assises-de-tours/assises-2023-des-propositions-pour-retrouver-le-gout-de-linfo/">« retrouver le goût de l’information »</a> en particulier chez les jeunes publics, elle peut aussi nuire à la diversité et à la pluralité du débat d’idées : la « newsletterisation » du JT risque de rétrécir la pluralité des points de vue auxquels un individu est confronté, limitant ainsi son esprit critique.</p>
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<p><em>Merci à Noé Chaillot, Kevin Ferry, Simon Iung, Steeven Pellan, Elie Polselli, Antonin Utz, étudiants en master Journalisme et médias numériques de l’université de Lorraine (site de Metz), qui ont contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207162/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Ségur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les téléspectateurs plébiscitent toujours le rendez-vous quotidien du JT, qui est pour une majorité d’individus en France le moyen d’information privilégié.Céline Ségur, Professeure des universités en sciences de l'information et de la communication, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2053382023-05-11T18:15:17Z2023-05-11T18:15:17ZEurovision : fausses notes au concert des nations<p>La 67<sup>e</sup> édition du Concours Eurovision de la Chanson (CEC) se tient à Liverpool, jusqu’au 13 mai 2023. Pays vainqueur en 2022, l’Ukraine a été contrainte de renoncer à l’organisation de l’événement en raison de son conflit militaire avec la Russie.</p>
<p>Aujourd’hui, le CEC dépasse largement le cadre culturel qu’il s’est officiellement et originellement construit. Tout <a href="https://www.liberation.fr/politique/le-sport-nest-pas-politique-macron-prouve-que-si-20221219_RQ564VXJNRE2JHZ2ZBUW5G37ZQ/">comme la Coupe du Monde de football</a>, dont la dernière édition au Qatar a fait l’objet de <a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-au-qatar-shell-danone-ou-nike-les-questions-que-soulevent-les-boycotts-191815">nombreuses controverses</a>, le CEC est une <a href="https://theconversation.com/leurovision-song-contest-un-laboratoire-politique-continental-182245">caisse de résonance continentale</a> où intérêts nationaux et enjeux économiques sous-jacents se multiplient et se diversifient au fil des éditions.</p>
<h2>Un événement incontournable</h2>
<p>Il a ses fans et ses détracteurs, mais une chose est sûre : le CEC, suivi par 200 millions de téléspectateurs, est devenu incontournable. Tout le monde y va de son avis sur la qualité des candidats. Ainsi certains aficionados déroulent leur théorie du complot – comme <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/23451">celle des « blocs »</a>, c’est-à-dire l’idée qu’il existerait des blocs de pays voisins votant massivement les uns pour les autres.</p>
<p>D’autres spectateurs accusent les délégations concurrentes de dopage (<a href="https://www.parismatch.com/Culture/Medias/Eurovision-2021-le-vainqueur-italien-a-t-il-pris-de-la-cocaine-en-direct-1739079">« les rockers cocaïnés »</a>, comme les footballeurs argentins, seraient toujours avantagés ; et, toujours selon certains, les <a href="https://eurovision-quotidien.com/eurovision-2022-votes-invalides-pour-6-jurys-nationaux/">jurys de l’Est</a> seraient aussi « pourris » que les arbitres de foot soviétiques)…</p>
<p>Même ceux qui détestent l’élan libertaire du CEC ne peuvent en faire abstraction : Bilal Hassani est – malheureusement pour les luttes contre les discriminations – <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/homophobie/concert-annule-a-metz-bilal-hassani-a-porte-plainte_5766239.html">d’autant plus attaqué</a> qu’il a acquis une envergure internationale et un statut d’icône LGBT+ depuis sa participation au concours en 2019.</p>
<h2>Instrumentalisation à tous les étages</h2>
<p>Le CEC, événement pan-européen annuel, mérite bien son surnom de <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/musique/amir-l-eurovision-c-est-les-jeux-olympiques-de-la-chanson-10-05-2016-5783859.php">Jeux olympiques de la chanson</a> – et pas seulement en raison du prix prohibitif <a href="https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/eurovision-2023-il-va-falloir-payer-tres-cher-pour-dormir-a-liverpool-le-soir-de-la-finale_208803.html">pour qui voudrait assister au live en logeant sur place</a>.</p>
<p>Dans cette compétition, tous les télédiffuseurs nationaux (et les États qui les pilotent) ne jouent néanmoins pas le même jeu. Certains font acte de présence (comme la <a href="https://www.slate.fr/story/101947/eurovision-france-haine">France jusqu’en 2015</a>) avec un <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/ordre-de-perdre-quand-la-france-ne-voulait-surtout-pas-gagner-leurovision-07-05-2023-PZGC2SG5VFB7XEQRO3VMLBPMT4.php">télédiffuseur qui n’investit pas financièrement et médiatiquement autour du candidat national</a>. Les autres y voient une opportunité, parfois la seule de l’année, de faire connaître et rayonner leur pays, leur folklore, langue et culture, quitte à <a href="https://escxtra.com/2018/09/10/celebrating-diversity-or-perpetuating-old-stereotypes/">surjouer des stéréotypes</a> : c’est le cas par exemple du Monténégro, du Portugal ou de la Macédoine du Nord.</p>
<p>Certains pays participent pour soutenir leur industrie musicale florissante, à l’image de la <a href="https://www.20minutes.fr/culture/4027534-20230312-eurovision-2023-melodifestivalen-feu-camp-2-0-suede-designe-artiste-concours">Suède</a>, tandis que d’autres tentent d’européaniser leur image, <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/la-turquie-va-maintenir-son-boycott-de-l-eurovision_3279371.html">comme la Turquie</a>, qui dès 1987 a fait correspondre sa présence au CEC avec sa candidature à l’UE, jusqu’à son retrait du concours en 2013.</p>
<p>D’autres espèrent afficher une modernité sociale factice, comme l’Azerbaïdjan qui, à travers cette <a href="https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/05/24/10001-20120524ARTFIG00772--bakou-l-eurovision-danse-sur-un-volcan.ph">« vitrine clinquante »</a> masque un <a href="https://theconversation.com/trente-ans-apres-leffondrement-de-lurss-ces-etats-fantomes-qui-hantent-lespace-post-sovietique-174140">régime dictatorial</a>. Ce même pays avait d’ailleurs, en 2020, transformé le concours en faire-valoir pour <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/comment-les-tensions-autour-du-haut-karabakh-se-sont-deja-fait-remarquer-au-concours-de-l-eurovision-2325047">revendiquer le territoire du Haut-Karabagh</a> dans le conflit militaire l’opposant à l’Arménie.</p>
<p>Il y a aussi ceux qui <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/05/13/eurovision-sous-le-kitsch-le-strass-et-les-paillettes-le-poids-de-la-geopolitique_6124945_4500056.html">veulent redorer leur image internationale</a>, comme Israël <a href="https://www.independent.co.uk/voices/eurovision-israel-lgbt-rights-pinkwashing-palestine-a8804851.html">et son recours au pinkwashing</a>, se donnant une image progressiste et engagée pour les droits LGBT+ malgré une tendance <a href="https://www.courrierinternational.com/article/droits-humains-en-israel-la-crainte-d-une-montee-de-l-homophobie">homophobe</a> de plus en plus marquée parmi les nouveaux membres du gouvernement.</p>
<h2>Un marketing territorial opportun</h2>
<p>Depuis quelques années, une nouvelle dynamique est à l’œuvre avec une forme de <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/marketing-territorial">marketing territorial</a>, afin d’attirer des populations jugées désirables, des investissements, des entreprises, ou tout cela à la fois.</p>
<p>Au-delà du <em>nation-branding</em>, d’échelle internationale, quand un pays remporte le concours et l’organise l’année suivante, une véritable bataille politique interne se déclenche. En effet, le télédiffuseur national doit sélectionner une ville hôte qui doit remplir de multiples conditions : une énorme salle, des hôtels en nombre, un aéroport international ou à défaut un réseau de transports performant, des garanties financières, etc.</p>
<p>Un lobbying féroce oppose alors les villes techniquement aptes à recevoir l’événement puisque celle qui est sélectionnée bénéficie d’une publicité inespérée (notamment via les « cartes postales », des vidéos diffusées entre chaque chanson participante), avec pour conséquence immédiate de booster le tourisme à court terme… et de courte durée, sous forme d’escapades de 72 heures en vols low-cost. La compagnie aérienne anglaise EasyJet est d’ailleurs le partenaire du CEC 2023 à Liverpool : tout un symbole.</p>
<p>Pour s’assurer la victoire – sept villes étaient en lice – la ville et la région de Liverpool ont déboursé <a href="https://www.bbc.com/news/uk-england-merseyside-63906938">2 millions de livres</a>. Une somme considérable mais soutenable lorsqu’on souhaite <a href="https://www.transformmagazine.net/articles/2019/place-branding-liverpool/">changer son image de ville industrielle auprès du grand public européen</a> et confirme une reconversion dans le secteur tertiaire des services initiée avec l’obtention du label <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/2008-decouverte-de-liverpool-capitale-europeenne-de-la-culture">Capitale européenne de la culture en 2008</a>.</p>
<h2>Une sérénade patriotique</h2>
<p>Un peu comme pour la Coupe du monde de foot, on confond les ambitions des délégations et d’artistes associés – mandatés par une chaîne de télévision publique – avec l’avenir d’une nation. C’est certes une fausse guerre, où les armes font place aux paillettes, mais la compétition est réelle, et les boucs émissaires vite désignés en cas de débâcle.</p>
<p>Lorsqu’il manque un but, <a href="https://theconversation.com/debat-de-zizou-a-mbappe-la-victoire-masque-le-spectre-du-racisme-99798">Mbappé, comme Zidane jadis</a>, n’est jamais assez français… De même <a href="http://www.chartsinfrance.net/La-Zarra/news-123714.html">La Zarra</a> (artiste choisie par France TV en 2023) est déjà ramenée, sur les réseaux sociaux, à ses origines québécoises et marocaines, avant même d’avoir performé.</p>
<p>De fait, on va <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/05/08/video-eurovision-on-avait-pour-ordre-de-perdre-on-sait-pourquoi-la-france-ne-gagne-jamais-11182183.php">désormais</a> à l’Eurovision pour <a href="https://eurovision-quotidien.com/interview-alexandra-redde-amiel-on-est-determine-a-gagner-leurovision/">ramener la coupe à la maison</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/corps-a-corps-a-leurovision-161365">Corps à corps à l’Eurovision</a>
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<p>Elle semble loin, l’époque où Sébastien Tellier acceptait mollement d’<a href="https://www.liberation.fr/ecrans/2008/05/24/eurovision-c-est-dinde_72502/">ajouter une phrase en français dans son morceau électronique</a>, alors qu’aujourd’hui c’est « la grande France » (R roulé, s’il vous plaît !) qui fait vibrer les foules, surtout à l’étranger – le syndrome <em>Emily in Paris</em>. En 2021, Barbara Pravi avait ouvert la voie du <em>french flair</em> nostalgique de la môme Piaf avec <a href="https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/finale-de-l-eurovision-2021-samedi-la-francaise-barbara-pravi-favorite-avec-voila-1621604033"><em>Voilà</em></a> ;</p>
<p>La Zarra, <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/une-tour-eiffel-humaine-avant-leurovision-2023-la-zarra-devoile-le-debut-de-sa-performance-07-05-2023-AG7QWIIPMREVPAZ6YD5P76GHJQ.php">« tour Eiffel humaine »</a>, enfonce le clou en 2023.</p>
<p>Ce patriotisme pop mais un peu inquiétant est un dommage collatéral d’une nationalisation extrême de l’effervescence inhérente à l’épreuve. Et il finit, immanquablement, par déborder aussi sur des communautés – LGBT+ en tête – qui trouvent pourtant dans l’Eurovision moderne un <a href="https://www.lalibre.be/culture/musique/2019/05/18/eurovision-le-royaume-de-la-communaute-lgbt-videos-IFT2VTBEKJEWTGGSC4RWCELPPQ">terrain d’expression rare et précieux</a>.</p>
<p>Par exemple, on voit apparaître sur les réseaux sociaux des stories agressives qui questionnent la validité nationale des concurrents. Dans ce grand maelström, chacun veut sa part du gâteau et y va de sa déclaration, gageure pour une victoire possible ou excuse visible en cas de déroute.</p>
<p>Petit concours devenu grand, l’Eurovision a changé de format, d’échelle et de cadre, et ses enjeux sont devenus globaux, pluriels et interconnectés. Et en cela, forcément sociopolitiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205338/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le concours de l’Eurovision est une caisse de résonance continentale où intérêts nationaux et enjeux économiques sous-jacents se multiplient et se diversifient au fil des éditions.Stéphane Resche, PRAG (PhD) / Associate researcher, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Quentin Mauduit, Enseignant-chercheur en politiques européennes, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2041572023-04-27T18:03:44Z2023-04-27T18:03:44ZAmour et téléréalité, un succès télévisuel inoxydable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522792/original/file-20230425-18-u4yhd0.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1072%2C610&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans « Mariés au premier regard », les futurs époux ne se rencontrent que le jour de leur mariage. Ici, Anabel s'avance vers l'autel, dans la saison 7. </span> <span class="attribution"><span class="source">M6 / Julien Theuil</span></span></figcaption></figure><p>Il y a quelques semaines, les portraits des nouveaux candidats de <em>L’amour est dans le pré</em> ont enfin été diffusés. Le 30 janvier, entre 21h11 et 22h04, ce sont ainsi 3,39 millions de téléspectateurs qui sont tombés sous le charme des agriculteurs et des agricultrices de cette nouvelle saison. En France, cette émission de <em>dating</em> est bientôt sur le point de célébrer ses noces de porcelaine puisqu’elle est diffusée depuis 18 ans sur la chaîne M6.</p>
<p>Plus récemment encore, le 20 Mars 2023, M6 a également lancé la septième saison de l’émission <em>Mariés au premier regard</em>, et ce sont « en moyenne 2,08 millions de téléspectateurs [qui] ont été séduits par le programme » peut-on lire dans un <a href="https://www.ozap.com/actu/audiences-quel-accueil-pour-maries-au-premier-regard-sur-m6-face-au-telefilm-avec-tomer-sisley-sur-tf1/629468">article</a> de presse spécialisée – dont 25,1 % de FRDA-50 autrement dit de « femmes responsables des achats de moins de cinquante ans ». Le coup d’envoi de la saison précédente avait réuni quant à lui 2,32 millions de téléspectateurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-leconomie-des-sites-de-rencontres-sans-jamais-oser-le-demander-140490">Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’économie des sites de rencontres (sans jamais oser le demander)</a>
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<p>Les émissions de <em>dating</em> sont les émissions de télé-réalité qui s’emparent du sujet de l’amour et qui placent au cœur de leurs mécaniques narratives la rencontre amoureuse, le mariage, la conjugalité ou encore la sexualité. Alors que le nombre de mariages baisse en France (on comptait par exemple 305 234 mariages de personnes de sexe différent en 2000 contre 237 000 en 2022, selon l’Insee) et que certaines invitations à en <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/2039-fin-couple-utopie-dystopie">finir avec le couple</a> et à <a href="https://www.binge.audio/podcast/le-coeur-sur-la-table/la-revolution-romantique-nest-pas-un-diner-de-gala">déconstruire le mythe de l’amour romantique</a> fleurissent, le succès que rencontre encore ce genre d’émissions peut sembler surprenant. Cela dit, si les chiffres d’audience de certaines émissions comme celles-ci peuvent diminuer avec le temps, le <em>dating</em> à la télévision n’est pas un genre qui s’essouffle.</p>
<h2>Une économie mondialisée</h2>
<p>C’est en 1965 que l’Américain Chuck Barris développe le premier format de <em>dating</em> : il s’agit de <em>The Dating Game</em>, une émission dans laquelle une jeune femme célibataire pose des questions à trois hommes qu’elle ne voit pas. À l’issue de ces échanges, elle choisit celui qui l’accompagnera à un rendez-vous galant. Le format américain donne lieu en 1985 à la production de l’émission française <em>Tournez Manège !</em> diffusée pendant huit ans sur la chaîne TF1.</p>
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<p>Souvent le public ignore que la majorité des programmes qu’il regarde sont des contenus adaptés de formats étrangers. Aujourd’hui, le nombre de formats de <em>dating</em> circulant sur le marché ne peut être calculé précisément mais il est possible toutefois d’affirmer que ce genre représente l’un des plus populaires à la télévision.</p>
<p>Il a d’abord massivement proliféré sur les écrans des pays occidentaux, et aujourd’hui, des formats de <em>dating</em> s’exportent aussi dans d’autres parties du monde. Par exemple, l’émission <em>Love is Blind</em> diffusée sur Netflix depuis 2020 a été récemment adaptée au Japon et <em>The Bachelor</em> en Afrique du Sud en 2022.</p>
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<p>En France, on a vu défiler sur nos écrans un nombre considérable d’émissions de ce genre telles que <em>Bachelor, le gentleman célibataire</em> (2003), <em>Qui veut épouser mon fils ?</em> (2010), <em>L’amour est aveugle</em> (2010), ou encore l’une des plus récentes, l’émission <em>Cosmic Love</em> diffusée en 2022 et présentée par la star de télé-réalité Nabilla Vergara et dans laquelle les participants s’en remettent entièrement au cosmos pour trouver l’amour.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522793/original/file-20230425-1294-xcfypv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’émission « Love is Blind » Japan est diffusée sur Netflix depuis 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran, Netflix</span></span>
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<h2>Et si c’était vrai ?</h2>
<p>Certaines émissions de <em>dating</em> – que les producteurs appellent en anglais les « bikinis shows » – reposent sur un casting de jeunes adultes, hommes et femmes, aux plastiques standardisées et dont les narrations se construisent sur des idylles éphémères aux allures de mélodrames. On pense par exemple en France à l’émission <em>L’île de la tentation</em> (diffusée en 2002 sur TF1) ou désormais à l’émission <em>Séduction haute tension</em> (diffusée depuis 2020 sur la plate-forme de streaming Netflix). Les émissions dites de télé-réalité, et notamment le <em>dating</em>, sont donc des genres hybrides qui regroupent un large éventail d’émissions.</p>
<p>Dans ces conditions, les producteurs opposent par exemple au caractère superficiel des « bikinis shows » les émissions de <em>dating</em> qui font de l’amour le support d’expériences dites « sociales » mettant en scène des gens dits « ordinaires ». On pense par exemple d’abord à <em>L’amour est dans le pré</em> mais aussi aux émissions qui s’emparent du mariage et dont plusieurs titres ont été importés en France comme <em>Quatre mariages pour une lune de miel</em> (2011), <em>La robe de ma vie</em> (2017) ou encore <em>Mariés au premier regard</em> (2016).</p>
<p>Pour ce type d’émissions, les producteurs s’efforcent de mettre au centre de leurs préoccupations le <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-le-succes-des-emissions-de-tele-realite-immobilieres-185436">caractère « réel »</a> du contenu qu’ils produisent. Il serait par ailleurs trop simpliste de réduire les émissions de <em>dating</em> à des contenus scénarisés, où toute action serait mise en scène de façon millimétrée – car il s’agit surtout, pour les participants, d’individus qui s’engagent dans des expériences dont les étapes sont « programmées » – provoquant de fait des réactions plus ou moins attendues de leur part.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-applications-de-rencontre-nous-deshumanisent-elles-184672">Pourquoi les applications de rencontre nous déshumanisent-elles ?</a>
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<p>Cela dit, toutes les personnes engagées dans la production de ce type d’émissions ne peuvent se détacher d’un impératif majeur : capter l’attention du public et l’émouvoir. Que ce soit pour les mariés qui ressentent des émotions et qui se doivent de les exprimer derrière la caméra, ou encore pour le monteur qui décide de sélectionner une séquence qu’il considère comme émouvante.</p>
<h2>Ce que veulent les femmes</h2>
<p>Les histoires d’amour qui sont proposées aux téléspectateurs se doivent alors d’être romantiques, mais pas trop, pour qu’elles puissent apparaître comme suffisamment réalistes. Les discours soutenus explicitement ou en creux par la plupart de ces dispositifs de téléréalité ne dépendent finalement que peu du registre de l’amour romantique, même si celui-ci représente l’ingrédient indispensable à la réactualisation des fantasmes liés à la conjugalité hétérosexuelle. Néanmoins, ces émissions en reprennent les codes visuels et narratifs.</p>
<p>De fait, les émissions de <em>dating</em> s’éloignent plutôt de l’idéal d’amour romantique en proposant un modèle réaliste d’amour et de conjugalité. Ce modèle s’appuie notamment sur une forte psychologisation des rapports amoureux. Par exemple, dans l’émission <em>Mariés au premier regard</em> – dans laquelle des inconnus se découvrent le jour de leur mariage – les jeunes mariés sont accompagnés par des psychologues dans cette aventure matrimoniale (et télévisée) pour les aider à construire des « relations véritables », pour reprendre leurs mots.</p>
<p>Quant à Karine Le Marchand, la présentatrice de <em>L’amour est dans le pré</em>, elle enjoint par exemple l’un des agriculteurs (Thierry) à ne pas « reproduire les erreurs du passé » dans l'un des premiers épisodes de la saison diffusée en 2022. Les émissions de <em>dating</em> participent de cette façon à une forme de régulation morale de l’expression du sentiment amoureux et continuent à diffuser des modèles amoureux qu’elles contribuent à normaliser et légitimer.</p>
<p>Enfin, soulignons que tout comme les comédies romantiques, les <em>soaps operas</em> ou les <em>telenovelas</em>, les émissions de <em>dating</em> invitent finalement les femmes à surinvestir le terrain de l'amour. Que ce soit alors du côté des téléspectatrices, qui constitue la principale cible des diffuseurs, ou du côté des participantes, qui derrière l'écran occupent un rôle important dans la réactualisation des fantasmes liés à la conjugalité hétérosexuelle. Fantasmes qui dans une société qui demeure profondément patriarcale, semblent encore résister à l'érosion.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204157/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aziliz Kondracki ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que le mythe de l’amour romantique semble avoir du plomb dans l’aile, les émissions de « dating » rencontrent un succès qui ne se dément pas. Comment expliquer ce paradoxe ?Aziliz Kondracki, Doctorante en anthropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2036282023-04-23T15:00:56Z2023-04-23T15:00:56ZAudiovisuel : sanctionner sans censurer, la difficile mission de l'Arcom<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522304/original/file-20230421-2957-1nbhxs.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C0%2C2307%2C1385&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après les insultes proférées par Cyril Hanouna contre le député LFI Louis Boyard, C8 a écopé d'une amende record de 3,5 millions d'euros.</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran C8</span></span></figcaption></figure><p>Séquence après séquence, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom) a été saisie en février après la tenue de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/insultes-de-hanouna-a-un-depute-l-arcom-inflige-une-amende-record-de-3-5-millions-d-euros-a-c8-7522002">propos outranciers</a> sur le plateau de Touche pas à mon poste, l’émission de Cyril Hanouna, diffusée sur C8. Sans que cela empêche ce genre de scène de se reproduire. La preuve, avec l'intervention de Pascal Praud demandant sur CNews si la recrudescence des punaises de lit pouvait être liée à l'immigration, vendredi 29 septembre, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/pascal-praud-fait-un-lien-entre-punaises-de-lit-et-immigration-l-arcom-est-saisie-3842310">provoquant une nouvelle saisie de l'Arcom dans la foulée</a>. </p>
<p>Voilà pourquoi dans sa « chronique médiatique » du 3 avril dernier, sur France Inter, le journaliste Cyril Lacarrière <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-mediatique/la-chronique-mediatique-de-cyril-lacarriere-du-lundi-03-avril-2023-6579610">pose une question un brin provocatrice</a> : « À quoi sert encore l’Arcom ? », et de répondre, désabusé : « en regardant la télé, on peut parfois être tenté de répondre : à rien ! »</p>
<p>À l’heure où les attaques tombent contre la supposée frilosité de l’Arcom, il est indispensable de revenir sur l’histoire de <a href="https://www.arcom.fr/">cette autorité administrative</a> et sur la philosophie qui sous-tend ses décisions.</p>
<p>L’Arcom est l’héritière d’une succession d’organismes ayant pour vocation d’introduire une régulation dans le monde de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/audiovisuel-public-61163">audiovisuel</a>, qui serait, <a href="https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2009-2-page-105.htm">idéalement, séparée du pouvoir politique</a>.</p>
<h2>Quand l’audiovisuel public servait les intérêts du pouvoir</h2>
<p>Du temps de la <a href="https://www.radiofrance.com/la-rtf-ou-radiodiffusion-television-francaise">RTF-Radiodiffusion-télévision française-</a>, puis de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) créée en 1964, à une époque où prévalait un quasi-monopole public sur les ondes, l’exécutif gouvernemental considérait que l’audiovisuel public devait servir les intérêts du pouvoir en place, au prix d’un mépris pour l’accès démocratique à l’antenne des forces d’opposition.</p>
<p>Comme le résuma abruptement le président Georges Pompidou en juillet 1970, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i07081543/le-president-georges-pompidou-sur-la-television-et-le-role-des-journalistes">l’ORTF, « qu’on le veuille ou non » est « la voix de la France »</a>, dans un contexte où tout le monde comprit qu’il fallait entendre la voix de son maître.</p>
<p>Mais la montée des idéaux libertaires après Mai 68 et <a href="https://theconversation.com/radios-libres-retour-sur-le-big-bang-de-la-democratisation-mediatique-171377">l’avènement des radios pirates après 1975</a>, dites <a href="https://etda.libraries.psu.edu/catalog/6022">« radios libres »</a>, ont sonné le glas d’un contrôle politique. Celui-ci, jusque-là, inféodait les journalistes et livrait les journaux télévisés et radio à la supervision d’une hiérarchie qui devait son poste au bon vouloir des gouvernants, comme nous l’avons montré <a href="https://www.mollat.com/livres/577999/arnaud-mercier-le-journal-televise-politique-de-l-information-et-information-politique">dans un ouvrage sur le sujet</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-radios-libres-un-moment-revolu-de-lhistoire-des-medias-88738">Les radios libres, un moment révolu de l’histoire des médias</a>
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<p>Voilà pourquoi, en 1981, figurait parmi les <a href="https://www.mitterrand.org/110-propositions-pour-la-france.html">promesses de campagne du candidat Mitterrand</a>, l’instauration d’une autorité administrative indépendante visant à couper le cordon ombilical entre le pouvoir et l’audiovisuel.</p>
<h2>Vers un peu d’indépendance</h2>
<p>Ce sera chose faite dès 1982 grâce à la loi sur la communication défendue par <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/info-medias/disparition-de-georges-fillioud-l-artisan-de-la-liberation-des-ondes_1722793.html">Georges Fillioud</a>, créant la <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00146/la-creation-de-la-haute-autorite.html">Haute Autorité de la communication audiovisuelle</a> (Haca), « chargée notamment de garantir l’indépendance du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision », dit le texte.</p>
<p>La Haca est aussi chargée de veiller « au respect du pluralisme et de l’équilibre dans les programmes ; au respect de la personne humaine et de sa dignité, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la protection des enfants et des adolescents ».</p>
<p>Elle nomme les administrateurs dans les conseils d’administration des sociétés publiques de l’audiovisuel et désigne leurs présidents. Elle délivre également les autorisations d’émettre et supervise les cahiers des charges des chaînes.</p>
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<p>Mais l’indépendance est loin d’être totale puisque le processus de nomination reste complètement politique, calqué sur celui du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conseil-constitutionnel-25234">Conseil constitutionnel</a>. L’instance est composée de neuf membres : trois désignés par le président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par celui du Sénat.</p>
<p>Cette création marque un premier pas modeste vers une autonomisation de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir, qui n’exclura pas des retours en arrière.</p>
<h2>« Guéguerre » politique stérile</h2>
<p>En 1986, la droite arrivée au pouvoir fait voter une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000512205">loi Communication et liberté</a>, qui introduit notamment la privatisation de TF1 et qui abolit la Haca pour installer une autre commission, aux pouvoirs très similaires, appelée Commission nationale communication et liberté (CNCL).</p>
<p>Cela a permis de changer les titulaires en place avant la fin de leur mandat pour placer des personnalités plus proches politiquement.</p>
<p>Pour ne pas être en reste, les socialistes, de retour aux affaires en 1988, firent voter une nouvelle loi en janvier 1989 pour attaquer le CNCL et <a href="https://www.senat.fr/rap/r03-371/r03-3712.html">créer le Conseil supérieur de l’audiovisuel</a> (CSA, doté peu ou prou des mêmes pouvoirs, et conservant des principes de nomination politiques et identiques).</p>
<p>Cette « guéguerre » stérile, signe d’une forte immaturité politique, prit fort heureusement fin avec cette troisième loi en sept ans… instaurant globalement la même instance de régulation.</p>
<h2>Le CSA garant du pluralisme</h2>
<p>Le CSA a donc pu s’installer durablement dans le paysage audiovisuel et administratif français, gagner ses lettres de noblesse par sa jurisprudence, accédant peu à peu à son autonomie (certes toujours un peu relative puisque les nominations restent politiques et que les rapports de force perdurent).</p>
<p>Le CSA a joué son rôle de régulateur, en contrôlant le temps de parole politique, singulièrement en période électorale. Son rôle a aussi été de contrôler le respect du cahier des charges des opérateurs audiovisuels et de nommer et révoquer les PDG des médias publics. En janvier 2018, le CSA a ainsi décidé de <a href="https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2018/01/31/le-csa-demet-mathieu-gallet-de-la-presidence-de-radio-france_5249874_3236.html">retirer son mandat au président de Radio France Mathieu Gallet</a> car il avait été condamné en justice pour favoritisme lorsqu’il dirigeait l’INA.</p>
<p>Autre apport, celui de quantifier et défendre l’expression des minorités – le CSA étant garant du respect du pluralisme. Les rappels à l’ordre en cas de dérapages à l’antenne et les sanctions financières ont pu constituer des outils de régulation.</p>
<p>Mais ses membres ont toujours eu en tête de ne jamais en faire une autorité de censure politique, comme au temps de l’ORTF.</p>
<p>Au 1<sup>er</sup> janvier 2022, le CSA a fusionné avec la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi, créée en 2009), pour devenir l’Arcom.</p>
<p><a href="https://www.csa.fr/Informer/Toutes-les-actualites/Actualites/Le-CSA-et-l-Hadopi-deviennent-l-Arcom-ce-qu-il-faut-retenir">Cette fusion</a> a pour principale motivation de mieux affronter un défi sociotechnique, celui de l’interpénétration du monde audiovisuel avec l’univers du numérique. Objectif : mieux appréhender les déstabilisations dans les contenus et les modèles économiques de l’audiovisuel face à l’essor de l’internet.</p>
<h2>L’Arcom, régulateur de l’audiovisuel et du numérique</h2>
<p>L’exécutif a donc créé un régulateur unique, avec ce double regard à la fois sur l’audiovisuel et sur le numérique, grâce à des compétences élargies et renforcées.</p>
<p>L’Arcom dispose en effet d’une <a href="https://www.arcom.fr/alertez-nous/comment-larcom-reagit-vos-alertes">gamme de sanctions contre les chaînes</a>, dès lors qu’elles ne respectent pas leur cahier des charges, ou des principes d’équilibre, de pluralisme et de déontologie. On peut citer la suspension de la diffusion d’un programme, l’amende, et, l’arme atomique, le retrait de l’autorisation d’émettre. Mais cette instance prétend-elle faire plein usage de tous ses pouvoirs ?</p>
<p>En vérité, ce régulateur se trouve en situation de fragile équilibre, écartelé entre, d’un côté, son rôle de défenseur d’une certaine indépendance des médias, et de l’autre côté, celui de contrôleur des contenus pour faire respecter des principes éthiques et juridiques.</p>
<p>De cette tension naît une forme de prudence et de refus d’un interventionnisme tous azimuts. L’Arcom, comme le CSA par le passé, refuse d’apparaître comme le shérif du PAF. L’instance préfère manier l’arme de la conviction et de la concertation, comme lorsqu’elle a organisé un travail de réflexion avec les chaînes télévisées sur leur couverture des attentats de 2015. Le but était de leur faire prendre conscience de leurs égarements et <a href="https://www.csa.fr/Reguler/Espace-juridique/Les-relations-de-l-Arcom-avec-les-editeurs/Chartes-et-autres-guides/Precautions-relatives-a-la-couverture-audiovisuelle-d-actes-terroristes">d’aboutir à mieux couvrir ce type d’actualité « chaude » et sensible</a>.</p>
<p>Face aux polémiques sur le défaut de réactivité de l’Arcom, son président, Roch-Olivier Maistre, <a href="https://www.dailymotion.com/video/x8fmc2q">s’est défendu, sur BFMTV</a> de faire de l’ARCOM « une police de la pensée ».</p>
<p>Interrogé le 31 mars 2023 sur le fait de savoir si une surveillance particulière touchait Cyril Hanouna, il a répondu fermement :</p>
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<p>« Il n’y a pas de surveillance particulière de tel ou tel. […] On fonctionne quand on signale des contenus. On n’intervient jamais a priori.[…] L’Arcom n’est pas une autorité de censure ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521635/original/file-20230418-926-8fw1bv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom, entouré de la présidente de France Télévision Delphine Ernotte et de celui de TF1 Gilles Pelisson lors du débat de l’entre-deux tour de la présidentielle, le 20 avril 2022.</span>
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<p>Face à un monde médiatique en pleine accélération, face aux polémiques instantanées sur les réseaux socionumériques, cette instance entend continuer à prendre son temps, se calant sur le rythme de la justice plutôt que sur celui de l’opinion publique.</p>
<h2>L’Arcom est beaucoup intervenue face à CNews</h2>
<p>L’Arcom instruit des plaintes, auditionne, délibère, rend des décisions à froid. C’est ce qui laisse bien des citoyens frustrés, ayant le sentiment qu’un <a href="https://www.20minutes.fr/television/4027359-20230310-hanouna-arcom-saisi-nouvelle-sequence-controverse-emission">dérapage avéré</a>, devenu rapidement viral, demeure pas ou peu sanctionné, ou en tout cas pas assez vite.</p>
<p>Pourtant, si on prend l’exemple de CNews, <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20220713-le-conseil-d-etat-confirme-une-amende-de-200-000-euros-%C3%A0-cnews-apr%C3%A8s-des-propos-d-eric-zemmour">dont nombre d’émissions ont généré des polémiques ou d’évidents abus</a> l’Arcom est beaucoup intervenue.</p>
<p>L’association Sleeping Giants France, qui traque notamment les modes de financement des acteurs de la désinformation, a relevé le <a href="https://sites.google.com/view/slpng-giants-fr/blog#h.mjmc2033laqn">grand nombre de rappels à l’ordre et parfois de sanctions pécuniaires contre la chaîne</a>.</p>
<p>Face à ces actions, deux problèmes émergent néanmoins. La chaîne Cnews conduite par un <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/11/16/l-opa-de-vincent-bollore-sur-la-presidentielle_6102316_4500055.html">agenda idéologique réactionnaire</a> semble n’en avoir cure.</p>
<p>La publicité apportée à ces décisions du régulateur dans les médias est très faible et sans commune mesure avec l’ampleur des polémiques qui ont initié une saisine de l’Arcom. C’est hélas un constat classique de la communication de crise concernant le fonctionnement des médias : une vive polémique initiale très reprise, mais une plus faible visibilité de l’éventuel démenti ou de l’arbitrage final.</p>
<p>Arrivant plusieurs mois après, énoncée avec une prudence de sioux, face à des acteurs médiatiques qui ont souvent les moyens financiers pour ne pas être ébranlés par une sanction pécuniaire, une décision de l’Arcom peut apparaître inaudible et accréditer l’idée fausse qu’elle n’agit pas. Sans doute est-ce à l’instance de repenser sa communication pour dissiper les malentendus qui entourent parfois son action.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour comprendre les décisions et les missions de l'Arcom, l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, il faut revenir sur son histoire.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris-Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2011352023-04-06T16:25:59Z2023-04-06T16:25:59ZComment les chefs cuisiniers sont devenus de véritables rock stars<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519879/original/file-20230406-14-muhsvp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=225%2C16%2C2308%2C1503&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chefs Glenn Viel et Paul Pairet dans _Top Chef_. </span> <span class="attribution"><span class="source">M6/ Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Pour sa 14<sup>e</sup> édition, l’émission <em>Top Chef</em>, diffusée sur M6, rassemble chaque semaine plusieurs millions de téléspectateurs pour voir de grands chefs et cheffes cuisiniers en tenue impeccable donner des conseils ou émettre des critiques.</p>
<p>Sur Netflix, la série documentaire « Chef’s table » met en scène des cuisiniers virtuoses du monde entier depuis 2015, à grand renfort de storytelling et de plans sophistiqués.</p>
<p>Les chefs ont atteint aujourd’hui un statut de rock stars, et le métier fait rêver. Mais il aura fallu de nombreuses années aux cuisiniers, même de renom, pour acquérir leur stature actuelle.</p>
<h2>Saleté, chaleur, charbon et alcoolisme</h2>
<p>De l’ouverture des premiers restaurants vers 1860, à la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le métier de <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/des-mets-des-mots/107-1/le-chef">chef cuisinier</a>, à quelques exceptions près, ne suscitait pas vraiment de vocations. Le chef exerce sa profession dans des lieux obscurs et insalubres.</p>
<p>Les cuisines d’alors, souvent dissimulées à l’entresol, se trouvent quasiment dépourvues d’aération, ce qui, associé à la chaleur du charbon utilisé pour la cuisson, rend l’atmosphère suffocante. Inhaler ainsi, plusieurs heures par jour, <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/9498?lang=fr,page20">d’importantes quantités de fumées toxiques</a> réduit considérablement l’espérance de vie, ce que le célèbre chef Antonin Carême (1783-1833) dénonce en disant : « C’est le charbon qui nous tue ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=742&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519257/original/file-20230404-15-7pkhv4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alfred Arthur Brunel de Neuville (1852-1941) A Kitchen Interior with Two Young Chefs playing with Kittens.</span>
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<p>Par ailleurs, à l’image de l’univers difficile dans lequel ils évoluent, les <a href="https://www.brepolsonline.net/doi/pdf/10.1484/J.FOOD.5.116330">chefs cuisiniers sont généralement présentés comme des personnages crasseux et gras</a>, avec un penchant pour l’alcool. Dans son autobiographie intitulée <em>Dans la dèche à Paris et à Londres</em> (1933), Georges Orwell dépeint au vitriol son quotidien dans les cuisines d’un des plus grands hôtels de la capitale dont il a préféré taire le nom. Selon lui, le chef cuisinier « est un artiste, mais la notion de propreté est totalement étrangère à son art. Au contraire, c’est précisément parce qu’il est un artiste qu’il se complaît dans la saleté car un plat, pour avoir l’air réussi, doit être exécuté salement. »</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-ressemblaient-les-premiers-restaurants-161714">À quoi ressemblaient les premiers restaurants ?</a>
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<p>Enfin, à cette époque, seuls de très rares chefs cuisiniers sont propriétaires de leur restaurant, et même s’ils bénéficient d’une excellente réputation, ils ne quittent pas leur cuisine et demeurent des exécutants, sous l’autorité du restaurateur et du maître d’hôtel.</p>
<h2>Le XXᵉ siècle, siècle de la reconnaissance</h2>
<p>Suite au développement du tourisme gastronomique dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, des chefs renommés comme André Pic, Fernand Point ou la mère Brazier s’installent à leur compte. C’est aussi le début de la reconnaissance professionnelle avec le concours du Meilleur Ouvrier de France (MOF) dès 1924, ou l’apparition des étoiles Michelin dès 1931, qui récompensent les meilleurs d’entre eux.</p>
<p>Mais c’est à partir des années 50 que la télévision va les révéler au grand public grâce aux émissions culinaires. <a href="https://youtu.be/YbxWMDdVSPY"><em>Art et Magie de la cuisine</em></a>, animée de 1954 à 1967 par le chef étoilé Raymond Oliver et Catherine Langeais, est le premier d’une longue série de programmes télévisés qui ont permis d’améliorer l’image des chefs, de faire connaître leur expertise, et de propulser les plus grands d’entre eux au rang de stars.</p>
<p>Ces derniers, désormais propriétaires de leur restaurant auquel ils commencent même à donner leur nom, à l’instar de Paul Bocuse – qui s’enorgueillit d’ailleurs d’avoir fait sortir les cuisiniers de leur cuisine – savent alors habilement utiliser les médias comme la télévision et la radio, ou publient des livres de recettes, pour accroître leur visibilité auprès du grand public. Les chefs de <a href="https://youtu.be/Bp9hpXUrcsU">« la Nouvelle Cuisine »</a>, comme Michel Guérard par exemple, surfent habilement sur cette tendance. À partir de cette période, nombre d’entre eux s’associent aussi avec des marques industrielles pour faire de la publicité.</p>
<p>Au fur et à mesure des années, les plus grands d’entre eux – à l’image de Paul Bocuse ou plus tard d’<a href="https://www.ducasse-paris.com/fr">Alain Ducasse</a>, de <a href="https://www.thierrymarx.com/">Thierry Marx</a>, d’<a href="https://anne-sophie-pic.com/">Anne-Sophie Pic</a> ou de <a href="https://www.yannick-alleno.com/fr/yannick-alleno.html">Yannick Alléno</a> – réussissent à surfer sur leur notoriété pour construire des « empires ». Ils acquièrent ainsi, en dehors de leur restaurant, des brasseries, ouvrent des restaurants à l’étranger, créent des instituts de formation ou lancent leur propre magazine gastronomique. Cet accès à la célébrité est étroitement lié à l’excellence : ils portent le col bleu blanc rouge des MOF, ou gèrent des restaurants multi-étoilés. Ce sont avant tout leurs compétences professionnelles qui leur ont permis d’atteindre cette renommée et d’être appréciés du grand public.</p>
<h2>Gastronomie 2.0 : Les chefs à l’assaut des réseaux sociaux</h2>
<p>Le passage au XXI<sup>e</sup> siècle et l’avènement des réseaux sociaux ont bousculé l’accès à la notoriété des grands chefs. Être excellent en cuisine ne suffit plus. Il faut désormais aussi savoir gérer son image. Ils sont donc dorénavant présents sur les réseaux sociaux, car ces derniers leur permettent de diffuser leur histoire, de la façonner à leur image, d’avoir de l’influence. Hélène Darroze compte ainsi 671 000 followers sur Instagram et Philippe Etchebest plus de 1 million.</p>
<p>Dans de nombreux cas aussi, ils se font accompagner par des <a href="https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/agent-de-chef-cuisine-marketing">agences de presse spécialisées</a>. C’est ainsi que l’agence Melchior, dirigée par Clarisse Ferreres-Fréchon, permet à ses clients – les chefs trois étoiles Éric Fréchon ou Emmanuel Renaut – de construire leur stratégie marketing et d’obtenir la meilleure visibilité médiatique possible.</p>
<p>Un nouveau type de jeunes chefs, tel Jean Imbert, est aussi apparu ces dernières années. Parfait inconnu avant son passage dans l’émission Top Chef en 2012, il a ensuite su jouer des médias et des <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/gastronomie-vins/cuisine-cinq-chefs-stars-des-reseaux-sociaux-1871341">réseaux sociaux</a> en s’affichant régulièrement sur son compte Instagram en compagnie de célébrités telles que Madonna ou Marion Cotillard. Il est d’ailleurs appelé « le chef des stars ». Ce n’est que plus tard, en partie grâce à cette notoriété médiatique, qu’on lui a confié les commandes des cuisines du Plaza Athénée (2021), ou qu’il a signé la carte du restaurant Monsieur Dior (2022).</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/ByW7qq6C7ei","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, les grands chefs sont donc devenus des célébrités ; ils sont invités, célébrés, adulés et écoutés. Ils font désormais partie du classement des cinquante personnalités préférées des Français, à l’image des chanteurs, acteurs ou footballeurs. En 2023 Philippe Etchebest et Cyril Lignac y figurent respectivement à la 7<sup>e</sup> et à la 13<sup>e</sup> place. Cependant, derrière toutes ces paillettes, il ne faut pas oublier que ce métier reste très exigeant, difficile, demande un profond dévouement et une discipline de fer – ce que nous rappelle la série <em>The Bear</em> – et que seule une infime minorité atteint le statut de « star ».</p>
<h2>Mais où sont les cheffes ?</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519376/original/file-20230404-14-kljyxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Andrée Rosier, première femme MOF cuisinière.</span>
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<p>Que dire du rôle et de la place <a href="https://theconversation.com/gastronomie-quand-les-cheffes-mettent-du-care-en-cuisine-188033">des grandes cheffes</a> ? Si elles affirment de plus en plus leur présence en cuisine, aujourd’hui encore elles obtiennent sensiblement moins d’honneurs ou de reconnaissance que leurs homologues masculins. En France, en un siècle, seules quatre femmes ont obtenu trois étoiles pour leur restaurant : la mère Brazier en 1924, Marie Bourgeois en 1933, Marguerite Bise en 1951 et Anne-Sophie Pic en 2007.</p>
<p>Cette année, moins de 10 % de femmes sont étoilées au guide Michelin. Andrée Rosier (en 2007) et Virginie Basselot (en 2015) sont les deux seules MOF cuisinière à avoir remporté un concours qui compte des centaines d’hommes primés depuis sa création. Dans les médias et sur les réseaux sociaux, les cheffes sont là encore sous-représentées. S’il est indéniable que <a href="https://blog-histoire.fr/2000-ans-histoire/2228-les-cuisiniers.html">l’image du chef a considérablement évolué</a> au cours de ces deux derniers siècles et que les plus grands d’entre eux sont de véritables vedettes, les cheffes attendent toujours leur tour et sont encore trop souvent victimes de <a href="https://www.50-50magazine.fr/2020/07/06/sexisme-en-cuisine-ou-sont-les-cheffes/">comportements machistes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aujourd’hui, les chefs cuisiniers – quelques cheffes aussi – sont écoutés, admirés, respectés. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984712023-03-30T19:29:48Z2023-03-30T19:29:48ZLes « late shows » et la politique : le cas de « Saturday Night Live » et de Gerald Ford<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512946/original/file-20230301-424-z5y2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C4%2C1088%2C621&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le comédien Chevy Chase parodiant le président Gerald Ford. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://img.nbc.com/sites/nbcunbc/files/images/2015/3/28/140207_2721410_Ford_on_the_Phone_anvver_3.jpg">NBC</a></span></figcaption></figure><p>La tradition américaine du <em>late show</em> a fait ses premiers pas en France début 2023 avec <em>Le Late</em> d’Alain Chabat sur TF1, dans une version potache et dépolitisée. Cependant, dans leurs versions américaines, ces émissions télévisées ont un pouvoir important, et peuvent influencer durablement l’opinion publique. Nul exemple n’est plus parlant, à ce titre, que celui de l’émission culte aux États-Unis, <a href="https://www.nbc.com/saturday-night-live"><em>Saturday Night Live</em></a> (SNL).</p>
<p>L’émission satirique, une véritable institution américaine diffusée sur la chaîne NBC le samedi soir, joue depuis 1975 un <a href="https://www.vulture.com/2017/06/snl-how-each-era-has-ridiculed-american-presidents.html">rôle déterminant dans le paysage politique</a> de la nation. Si elle présente chaque semaine des parodies et des segments musicaux, ce sont <a href="https://books.google.fr/books?hl=es&lr=&id=leWtAAAAQBAJ">ses satires des personnalités politiques</a> qui ont fait son succès.</p>
<p>Son rythme hebdomadaire lui permet d’influencer très rapidement la <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/tv/how-saturday-night-live-has-shaped-american-politics-n656716">perception du public sur l’actualité</a>, si bien que <a href="https://theweek.com/feature/briefing/1019449/a-history-of-presidential-parodies-on-saturday-night-live">ses caricatures des présidents des États-Unis</a>, en viennent parfois à <a href="https://cmsw.mit.edu/mit3/papers/cutbirth.pdf">être mieux connues du public</a> que l’héritage des présidents eux-mêmes. C’est le cas tout particulièrement du président <a href="https://www.britannica.com/biography/Gerald-Ford">Gerald Ford</a>, qui succède à <a href="https://www.britannica.com/biography/Richard-Nixon">Nixon</a>e n 1974 après le <a href="https://www.geo.fr/histoire/pourquoi-laffaire-du-watergate-a-t-elle-provoque-la-chute-du-president-nixon-213058">scandale du Watergate</a>.</p>
<h2>L’image d’un homme maladroit</h2>
<p>Malgré les <a href="https://books.google.fr/books?hl=es&lr=&id=yVgIDgAAQBAJ">contributions importantes de Ford à l’histoire américaine</a>, tout particulièrement <a href="https://books.google.fr/books?hl=es&lr=&id=qpfzsnHAzZAC">sa capacité à rallier la nation après l’opprobre suscité par Nixon</a>, il ne reste de lui dans l’imaginaire collectif que le souvenir d’un doux idiot, perpétuellement <a href="https://www.nytimes.com/2006/12/29/washington/29chevy.html">maladroit et sujet aux bourdes</a> les plus cocasses. <a href="https://www.britannica.com/biography/Lyndon-B-Johnson">Lyndon Johnson</a> disait d’ailleurs de Ford qu’il <a href="https://www.nytimes.com/1973/10/13/archives/presidents-choice-gerald-rudolph-ford-defeated-isolationist-met-in.html">« était incapable de mâcher et de marcher en même temps »</a>. D’où lui vient cette réputation ? En grande partie de SNL.</p>
<p>À l’heure où <a href="https://books.google.fr/books?hl=es&lr=&id=OVmE9I1XHnYC">parodie et réalité semblent se mêler plus que jamais</a> (<a href="https://www.britannica.com/biography/Volodymyr-Zelensky">Volodymyr Zelensky</a> est devenu président de l’Ukraine après <a href="https://www.lepoint.fr/monde/ukraine-zelensky-l-acteur-devenu-chef-de-guerre-17-12-2022-2502075_24.php#11">avoir joué ce rôle à la télévision</a>) il est important de comprendre les mécanismes par lesquels une émission satirique peut impacter l’histoire. La caricature du Président Ford sur SNL est plus qu’une simple exagération comique qui va occulter <a href="https://snl.fandom.com/wiki/Gerald_Ford">l’importance politique et historique de Gerald Ford</a>.Elle est une fiction marquée par le contexte politique et journalistique particulier des années 70.</p>
<h2>De Richard Reeves a Chevy Chase : Naissance d’une caricature</h2>
<p>SNL apparaît sur les écrans dans les années 70, à un moment où le journalisme politique prend un virage cynique. Comme le souligne <a href="https://www.jstor.org/stable/23249744?searchText=there+were+two+gerald+fords&searchUri=%2Faction%2FdoBasicSearch%3FQuery%3Dthere%2Bwere%2Btwo%2Bgerald%2Bfords&ab_segments=0%2Fbasic_search_gsv2%2Fcontrol&refreqid=fastly-default%3A9855f50e36606fe9298cf08f4781f21e">James L. Baughman</a>, le rôle du journaliste est en train de changer à cette période : finies les couvertures médiatiques glorifiantes et patriotes, il faut désormais contrer les équipes de communication professionnelles qui entourent les personnalités politiques. Alors que la <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/55c09dcc-a9f2-45e9-b240-eaef64452cae">guerre froide</a> fait rage, seul un ton acerbe, ironique, emprunt de scepticisme envers la machine politique est gage d’intégrité.</p>
<p>C’est le parti pris du journaliste <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/25/books/richard-reeves-dead.html">Richard Reeves</a> qui publie en 1975 une <a href="https://www.jstor.org/stable/23249744">biographie de Ford</a> extrêmement critique. Selon lui, le Président est trop gentil, un benêt à qui on aurait confié la vice-présidence justement car il n’offense personne. Pourtant, cette image de <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/Tout-le-Monde/186820">Monsieur Tout-Le-Monde</a> avait initialement suscité l’approbation du public. Après l’ignominie du Watergate, les médias n’avaient eu de cesse de montrer le président <a href="https://www.jstor.org/stable/23249744?searchText=there+were+two+gerald+fords&searchUri=%2Faction%2FdoBasicSearch%3FQuery%3Dthere%2Bwere%2Btwo%2Bgerald%2Bfords&ab_segments=0%2Fbasic_search_gsv2%2Fcontrol&refreqid=fastly-default%3A9855f50e36606fe9298cf08f4781f21e">affairé à des tâches ordinaires</a>. À l’inverse de Nixon, il préparait son propre petit-déjeuner, ne faisait pas chambre à part avec sa femme… La nouvelle biographie va sérieusement ternir cette image de Ford.</p>
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<p>Nouvellement arrivé sur les airs, SNL veut s’attirer un <a href="https://www.britannica.com/topic/Saturday-Night-Live">audimat plus jeune</a>. La posture cynique de Reeves va se retrouver dans les sketchs des <a href="https://books.google.fr/books?hl=es&lr=&id=-VXFAAAAQBAJ">premiers humoristes de l’émission et en faire son succès</a>. En 1975, le Président Ford a le malheur de trébucher en sortant de l’avion présidentiel <em>Air Force One</em>. </p>
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<p>L’épisode <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_bvxZgCryUE">sera parodié</a> à de nombreuses reprises par l’humoriste Chevy Chase sur la toute nouvelle émission SNL.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_bvxZgCryUE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La première apparition du faux président Ford sur SNL est semée de maladresses : il éparpille ses feuilles, se cogne la tête sur le podium, se sert un verre d’eau vide et finit par tomber avec fracas sur plusieurs chaises.</p>
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<p><a href="https://medium.com/satire-the-state/falling-down-gerald-ford-chevy-chase-and-the-power-of-a-pratfall-199043f288f5">Cette pantomime</a> a tant de succès que Chase la <a href="https://snl.fandom.com/wiki/Gerald_Ford">reprend à plusieurs reprises</a>, sans maquillage <a href="https://www.cheatsheet.com/entertainment/saturday-night-live-chevy-chase-nailed-gerald-ford-impression-by-not-trying.html/">ni accoutrement particulier</a>, et de façon de plus en plus exagérée, bombardant les spectateurs avec des balles de golf, dérapant sur les pistes de ski et se prenant des microphones sur la figure.</p>
<p>Ainsi naît la fiction d’un <a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-2006-dec-28-na-chase28-story.html">président empoté</a>, alors même que Ford, un <a href="https://geraldrfordfoundation.org/gerald-r-ford-biography/">joueur et entraîneur de football américain à Yale</a>, est probablement le président le plus athlétique de l’histoire des États-Unis.</p>
<h2>Mais qui est véritablement Gerald Ford ?</h2>
<p><a href="https://www.legion.org/distinguishedservicemedal/1980/president-gerald-r-ford">Vétéran de la Seconde Guerre mondiale</a>, Ford avait été le représentant républicain du <a href="https://history.house.gov/Historical-Highlights/1901-1950/Representative-and-President-Gerald-R--Ford-of-Michigan/">cinquième district du Michigan</a> au Congrès des États-Unis entre 1949 et 1973. Son score, à chacune des 12 élections, dépassait <a href="https://www.ourcampaigns.com/">toujours les 60 %</a>.</p>
<p>Dans la Chambre basse, il avait été membre de la <a href="https://www.britannica.com/topic/Warren-Commission">Commission Warren</a>, le célèbre comité en charge de l’investigation de l’assassinat de Kennedy. Très respecté au sein de son parti, il est élu <a href="https://www.fordlibrarymuseum.gov/grf/fordbiop.asp">président de la minorité républicaine en 1964</a>. Toutefois, il ne sanctionne jamais <a href="https://www.nytimes.com/2006/12/27/washington/27webford.html">ceux qui dévient de la ligne politique du parti</a>. « C’est contre-productif » disait Ford, qui préférait garder son capital sympathie pour de plus gros enjeux.</p>
<p>Son <a href="http://hnn.us/articles/6501.html">caractère conciliateur</a> décida Nixon à le nommer vice-président en décembre 1973. En plein Watergate, <a href="https://www.britannica.com/biography/Spiro-Agnew">Spiro Agnew</a>, le vice-président précédant, démissionne à cause d’une <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/111460/spiro-agnew-vice-president-americain-etats-unis-richard-nixon-watergate">affaire de corruption</a>. Il faut lui trouver un successeur moins polémique : Ford.</p>
<p>Contre toute attente, le 8 août 1974, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-vif-de-l-histoire/le-depart-de-nixon-de-la-maison-blanche-5090143">Nixon démissionne</a>. Le lendemain, sans être passé par les urnes, Gerald Ford devient président. Son discours d’investiture tente de marquer une <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230613034_10">rupture avec son prédécesseur</a> : « Notre long cauchemar national est terminé », déclare-t-il.</p>
<p>Lorsqu’il décide, contre l’avis général, de pardonner officiellement Nixon un mois plus tard, son geste sera perçu comme une <a href="https://education.nationalgeographic.org/resource/pardoning-nixon/">trahison, ou pire encore, comme un renvoi d’ascenseur</a>.</p>
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<p>Pourtant, cette décision historique fut fondamentale dans la <a href="https://www.jstor.org/stable/27551198?searchText=&searchUri=&ab_segments=&searchKey=&refreqid=fastly-default%3A550d3e9b89ab857f5bba064a845daf64&seq=1">continuité de la démocratie des États-Unis</a>. Affaibli par une suite tragique d’événements, de l’assassinat de Kennedy jusqu’à l’affaire Watergate, en passant par la <a href="https://www.lhistoire.fr/lenfer-du-vietnam">guerre du Vietnam</a>, le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1057/9781403948175_3">système constitutionnel n’est pas assez solide en 1974</a> pour résister à la mise en examen d’un Président. La foi des citoyens en leurs institutions aurait été perdue à jamais. Et Ford, fin connaisseur des rouages politiques, en <a href="https://eu.usatoday.com/story/life/books/2013/06/28/31-days-casts-post-watergate-gerald-ford-in-a-new-light/2467769/">était bien conscient</a>. Il fallait en finir avec la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1976/10/FLORENNE/33950">présidence impériale</a> et retourner à l’équilibre des pouvoirs que le Congrès exigeait depuis <a href="https://www.britannica.com/topic/War-Powers-Act">l’Acte des Pouvoirs de Guerre de 1973</a> <a href="https://www.britannica.com/topic/War-Powers-Act"></a>. Le Sénateur <a href="https://www.britannica.com/biography/Ted-Kennedy-American-senator">Edward M. Kennedy</a>, qui s’était fermement opposé à ce pardon, <a href="https://www.nytimes.com/2001/05/22/us/ford-wins-kennedy-award-for-courage-of-nixon-pardon.html">reconnut le courage de Ford</a> en 2001. « Le temps clarifie les événements », dit-il.</p>
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<p>Face <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/520">au choc pétrolier</a>, Ford propose un programme pour <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cbSbN1LTYvU&t=77s">réduire la dépendance énergétique</a> des États-Unis. En dépit des critiques du Congrès, il signe les <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/securite-desarmement-et-non-proliferation/actualites-et-evenements-lies-a-la-securite-au-desarmement-et-a-la-non/2020/article/45-ans-des-accords-d-helsinki-01-08-20">accords d’Helsinki</a>, une nouvelle preuve de sa vision à long terme. À l’époque, le président est accusé d’abandonner l’Europe de l’Est, alors qu’en réalité, ces accords créent un espace pour l’aperture démocratique. C’est aussi lui qui <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/michel-colomes/le-jour-ou-saigon-est-tombee-30-04-2015-1925287_55.php#11">met fin à la guerre du Vietnam</a> et qui est le premier à proposer une <a href="https://www.politico.com/story/2018/09/16/ford-amnesty-vietnam-deserters-815747">loi d’amnistie pour les déserteurs</a>, amorçant un lent processus de réconciliation nationale.</p>
<h2>Pourquoi la caricature de SNL perdure-t-elle ?</h2>
<p>Malgré de <a href="https://www.press.umich.edu/23373/press_and_the_ford_presidency">nombreuses tentatives</a>, l’équipe de communication de Ford <a href="https://www.jstor.org/stable/23249744">ne réussira jamais</a> à lui redonner <a href="https://engagedscholarship.csuohio.edu/cgi/viewcontent.cgi">l’image positive dont il avait bénéficié aux premiers jours de son mandat</a> ; ni à contrecarrer la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/psq.12326">parodie immortalisée par SNL</a>.</p>
<p>Si la <a href="https://abcnews.go.com/Entertainment/photos/snls-best-political-impersonators-5928429/image-5928155">caricature de Chevy Chase</a> a autant marqué – et marque toujours – les esprits, c’est, selon <a href="https://www.jstor.org/stable/26376810?searchText=au%3A%22SHANON+FITZPATRICK%22&searchUri=%2Faction%2FdoBasicSearch%3Fsi%3D1%26Query%3Dau%3A%2522SHANON%2BFITZPATRICK%2522&ab_segments=0%2Fbasic_phrase_search%2Fcontrol&refreqid=fastly-default%3A2c1270a70aa2607caf9bf5672a752cfb">l’historienne Shanon Fitzpatrick</a>, parce qu’elle a une résonance toute particulière dans l’Amérique post-Nixonienne.</p>
<p>Après les scandales du Watergate et des <a href="https://www.archives.gov/research/pentagon-papers">Pentagon Papers</a>, après les multiples audiences du comité chargé par le Sénat d’enquêter sur les abus des services secrets américains, la confiance du public en son gouvernement est au plus bas. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/9781118907634.ch10">À ce climat turbulent s’ajoute la crise de légitimité</a> qu’incarne Ford lui-même, seul dirigeant américain à n’avoir jamais été élu. L’image d’un président, <a href="https://thefreeagent.fr/divers/election-americaine-gerald-ford-un-wolverine-a-la-maison-blanche/">ex-star du football américain</a>, qui n’arrive pas à se tenir debout… c’est là toute une métaphore qui vient raconter non pas la chute d’un homme mais la fin d’une innocence. C’est l’Amérique elle-même qui perd pied.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Il ne reste de Ford que le souvenir d’un doux idiot, perpétuellement maladroit et sujet aux bourdes. En cause, sa caricature dans le SNL.Tamara Espiñeira-Guirao, Lecturer (Sciences Po Rennes) Associated Researcher (Espaces and Societies, UMR CNRS 6590), Sciences Po RennesLucille Hagège, Professeur de culture et civilisation anglophone, Sciences Po RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974692023-01-26T18:12:41Z2023-01-26T18:12:41ZPas touche à la Coupe du monde : quand le sacré s’invite sur le terrain de foot<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506157/original/file-20230124-27-30bymz.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C5%2C770%2C575&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En touchant le trophée, le chef lui fait-il perdre son caractère sacré? </span> <span class="attribution"><span class="source">Youtube, capture d'écran. </span></span></figcaption></figure><p>La Coupe du monde de football masculin 2022 s’étant conclue avec la victoire de l’Argentine, de nombreuses images de célébration ont été diffusées tant sur les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux. Parmi ces images, une séquence a défrayé la chronique. Nusret Gökçe (alias SaltBae pour les intimes des réseaux sociaux), célèbre chef cuisinier du restaurant SaltBae à Dubaï <a href="https://www.huffingtonpost.fr/sport/article/coupe-du-monde-apres-la-victoire-de-l-argentine-salt-bae-s-est-incruste-pres-de-messi-et-ca-s-est-vu_211841.html">s’est introduit sur le terrain</a> lors de la finale afin de se faire prendre en photo en tenant le trophée de la Coupe du monde, auprès de l’équipe nationale d’Argentine.</p>
<p>Pourquoi ces images ont-elles suscité tant de réactions ? Ce chef, habitué des controverses mais jusque-là très apprécié des footballers les plus célèbres, aurait-il commis une transgression de trop ?</p>
<p>Le processus de <a href="https://www.jstor.org/stable/40370102">« désenchantement du monde »</a> selon la fameuse expression de Max Weber, a conduit nos sociétés à une mise à l’écart de la religion et du sacré dans les affaires sociales. Cet exemple met néanmoins en évidence la présence et l’importance du « sacré », qui prend désormais d’autres formes, au sein de nos organisations contemporaines.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-saints-des-derniers-jours-influencent-le-management-mondial-193561">Comment les saints des derniers jours influencent le management mondial</a>
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<h2>Le trophée comme objet sacré</h2>
<p>Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, David Beckham, Ronaldinho <a href="https://ng.opera.news/ng/en/food/6ee26b7e74ab29a521827157d201a76a">et de nombreuses autres stars du football</a> se sont un jour rendus dans le très prisé restaurant de SaltBae à Dubaï. La popularité de ce chef cuisinier au sein de la communauté des footballeurs est indéniable. Pourtant, son entrée sur le terrain lors de la finale de la Coupe du monde a créé le malaise tant <a href="https://www.huffpost.com/entry/salt-bae-world-cup-argentina-lionel-messi_n_63a21c58e4b0aeb2ace82d47">auprès des supporters</a> qu’<a href="https://nybreaking.com/argentina-players-react-awkwardly-as-salt-bae-invades-world-cup-celebrations-after-win-over-france/">au sein même de l’équipe d’Argentine</a>. La FIFA a également réagi en <a href="https://www.francetvinfo.fr/coupe-du-monde/finale/coupe-du-monde-2022-la-fifa-ouvre-une-enquete-sur-la-presence-de-salt-bae-le-cuisinier-star-lors-des-celebrations-apres-la-finale_5560029.html">ouvrant une enquête</a> sur la présence de SaltBae sur le terrain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1606239950713880577"}"></div></p>
<p>Au-delà des questions de sécurité liées au <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-l-intrusion-de-salt-bae-sur-le-terrain-apres-la-finale-n-a-pas-plu-a-la-fifa_AV-202212220510.html">contrôle d’accès</a> sur le terrain, ce qui a fait le plus réagir les internautes sur les réseaux, c’est le fait que le chef ait <a href="https://www.forbes.com/sites/zakgarnerpurkis/2022/12/23/salt-bae-world-cup-trophy-outrage-is-a-matter-of-taste/?sh=3a16fc46795c">touché au trophée</a> de la Coupe du monde. Ce trophée en or massif, propriété de la FIFA, est simplement prêté pendant quelques heures aux joueurs vainqueurs de la Coupe du monde, avant d’être retourné à l’association sportive.</p>
<p>Bien qu’<a href="https://digitalhub.fifa.com/m/469bb4d043dc77c5/original/FIFA-LEGAL-HANDBOOK-EDITION-SEPTEMBRE-2022.pdf">aucune règle écrite</a> ne stipule clairement qui a le droit de toucher ce trophée pendant la célébration, il semblerait que l’ensemble des parties prenantes à l’organisation footballistique – joueurs, membres de la FIFA, supporters, etc. – s’accordent à dire que seule une infime catégorie de personnes peuvent le faire. Ainsi, seuls les vainqueurs et anciens vainqueurs, les chefs d’État et les membres du staff de la FIFA auraient le droit de toucher au trophée.</p>
<p>Par cette nécessité de maintenir cet objet à distance du plus grand nombre, le trophée de la Coupe du monde semble s’apparenter à un objet sacré, ne pouvant être manipulé sans danger que par une catégorie restreinte d’experts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-saints-des-derniers-jours-influencent-le-management-mondial-193561">Comment les saints des derniers jours influencent le management mondial</a>
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<p>Cette séparation du monde profane permet non seulement à l’objet de prendre un sens symbolique fort mais sacralise également les vainqueurs de la Coupe du monde, en leur reconnaissant un prestige et une position particulière au sein de l’organisation sociale du football. Un tel objet participe donc, par son sens symbolique partagé par les membres d’une organisation donnée, à maintenir l’ordre social de ladite organisation.</p>
<p>En touchant au trophée, SaltBae aurait alors perturbé cet ordre social et nui au prestige des vainqueurs. En entrant dans la sphère du profane, le trophée devient un simple objet, risquant de perdre sa force symbolique classificatrice. L’objet est ainsi « souillé », pour reprendre l’expression de l’anthropologue <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_la_souillure-9782707148117">Mary Douglas</a>, ce qui provoque l’outrage et le dégoût, comme on peut le lire dans les <a href="https://www.newsweek.com/salt-bae-slammed-holding-kissing-world-cup-trophy-1768420">commentaires</a> ayant suivi l’évènement.</p>
<h2>La transgression : une stratégie de communication délicate</h2>
<p>Si de nombreuses personnalités et organisations jouent avec la transgression pour augmenter leur <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9781503613904/html">notoriété</a>, il s’agit d’une stratégie très ambiguë et incertaine, pouvant aussi se traduire par un ternissement de leur réputation. Elon Musk, le célèbre entrepreneur, par exemple, défraye souvent la chronique et fascine tant par sa manière de se lancer dans des <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/elon-musk-l-homme-qui-reve-de-coloniser-mars-6853654">projets pharaoniques</a> que par son « mépris » des conventions et par ses <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/8-tweets-delon-musk-qui-ont-fait-polemique-1400758">prises de position controversées</a>.</p>
<p>Si ses actes et discours transgressifs participent à la construction d’une image héroïque de <a href="https://www.entrepreneur.com/business-news/genius-freak-opinions-on-elon-musk-vary-widely/367132">« génie incompris »</a> de l’entrepreneur, cela reste une stratégie de communication <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/elon-musk-ou-les-limites-de-la-transgression-1005812">risquée</a>. Par exemple, le rachat de Twitter par Elon Musk en avril 2022 dans le but d’octroyer une liberté d’expression absolue aux utilisateurs de ce réseau a été largement commenté et s’est notamment traduit par une frilosité des annonceurs à se positionner sur ce réseau, <a href="https://www.theguardian.com/technology/2023/jan/22/elon-musk-twitter-debt">dégradant davantage la situation financière de l’entreprise</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1519480761749016577"}"></div></p>
<p>Au-delà de ses effets potentiellement néfastes pour leurs auteurs, la transgression est néanmoins utile aux organisations et aux groupes sociaux, car elle leur permet de réaffirmer leurs valeurs communes à travers des expressions émotionnelles similaires (dans la joie, la répulsion, l’outrage, etc.).</p>
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<p>Dans le cas étudié, des amateurs de football à travers le monde partagent l’outrage de voir une personne lambda toucher le Trophée de la Coupe du monde, objet sacré que seuls les vainqueurs peuvent approcher. En s’offusquant de cette transgression et en dénigrant SaltBae, le public se solidarise dans la reconnaissance du prestige et de la singularité des vainqueurs, confirmant ainsi leur position.</p>
<p>Cela donne aussi l’occasion de réaffirmer les règles sociales de l’organisation et de fédérer autour de valeurs communes, solidifiant ainsi les liens au sein de la communauté des amateurs de football. Ainsi, la tristesse d’une défaite n’est plus le cœur du sujet : elle fait place à l’unification autour de la reconnaissance du prestige des vainqueurs et de ce qui les symbolise. Tout rentre dans l’ordre.</p>
<h2>Les nouveaux lieux du sacré dans les organisations</h2>
<p>À partir de cet exemple, il peut être utile d’analyser comment certains symboles, objets et discours peuvent s’apparenter aux dynamiques du sacré et y remplir les mêmes fonctions, dans n’importe quelle organisation. Toutes les organisations sont imprégnées de valeurs morales (implicites ou non) et de règles plus ou moins sacralisées qui permettent le maintien de leur ordre social.</p>
<p>Certains auteurs, comme <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840609347054">Keith Grint</a>, avancent que la notion de leadership est sacralisée dans nos organisations contemporaines. Les discours et les pratiques du leadership créent et maintiennent une séparation nécessaire à l’ordre social de l’organisation, entre les leaders et les suiveurs ; les leaders ayant notamment tendance à passer sous silence l’anxiété et la résistance des collaborateurs en valorisant la course vers le changement.</p>
<p>Avec l’arrivée du big data, l’accès facile et excessif à l’information détaillée peut également donner lieu à une certaine <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840609347054">fétichisation des données</a>. Dans des industries où le big data est au cœur de l’activité, la collecte de données peut devenir l’objectif même de la pratique organisationnelle, apportant à l’organisation concernée un certain prestige. Lorsqu’elle est excessive et sacralisée, la collecte de données ne permet pourtant pas l’apprentissage – qui nécessite le temps de l’analyse – et tend au contraire à maintenir une certaine <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840609347054">ignorance organisationnelle</a>, où l’accumulation de chiffres – plutôt que leur interprétation – devient une fin en soi.</p>
<p>De manière plus générale, les organisations tendent toutes à produire, à des degrés différents, des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-019-04266-w">histoires et des valeurs qui se sacralisent</a>. En formulant des « valeurs » distinctives au cœur de leur mission organisationnelle, les organisations formulent des principes et édictent des codes de conduite à tenir au sein et au nom de l’organisation, par tous les employés. Certaines valeurs se voient investies d’un caractère sacré lorsqu’elles deviennent des principes normatifs symboliques et inviolables, transcendant ainsi le domaine des pratiques. Cette sacralisation est utile à l’organisation car elle permet à ses membres de travailler ensemble et de maintenir une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840616685356">culture organisationnelle distincte</a>. Elle nourrit un sentiment d’appartenance qui tend à se réaffirmer face à des actes transgressifs.</p>
<p>Ainsi, loin d’avoir perdu de l’importance dans nos sociétés, le « sacré » semble prendre de nouvelles formes plus subtiles et s’inviter au sein de nos organisations, remplissant les mêmes fonctions de rassemblement et de maintien des structures et ordres sociaux à différentes échelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Farias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand un célèbre chef cuisinier s’empare quelques instants de la Coupe du monde sur le terrain de foot, c’est la notion de sacré qui fait irruption dans le réel.Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787352023-01-23T18:47:58Z2023-01-23T18:47:58ZCombattantes dans les séries : les femmes peuvent-elles aussi faire la guerre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505895/original/file-20230123-3880-28mpxd.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C851%2C473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La valeureuse Brienne de Torth dans Game of Thrones. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-532621/photos/detail/?cmediafile=20508088">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’histoire des représentations, la <a href="https://theconversation.com/quand-larcheologie-enquete-sur-lorigine-de-la-violence-organisee-149382">guerre</a> semble l’activité genrée par excellence : les femmes à l’arrière, les hommes au front. L’accès au combat ressort du domaine masculin, la cause semble entendue depuis longtemps ; c’est pour avoir transgressé cette règle que Jeanne d’Arc fut brûlée. Dans la série <em>Mrs America</em>, qui raconte l’histoire du mouvement féministe pour la ratification de l’amendement sur l’égalité des droits (Equal Rights Amendment) dans les années 1920, la conservatrice Phyllis Schlafy s’y oppose au prétexte que sa ratification permettrait d’envoyer les femmes se battre au Vietnam.</p>
<p>Pourtant, peu à peu, on découvre que la <a href="https://journals.openedition.org/clio/11845">controverse est ancienne</a> et que de nombreuses femmes en armes ont traversé l’histoire. Des récits perdus, des <a href="https://marie-eve-stenuit.iggybook.com/fr/femmes-en-armes/">noms quasi inconnus émergent</a>. Parallèlement, la guerre se complexifie, avec la montée en puissance de nouvelles technologies moins liées à la force physique.</p>
<p>Car c’est là l’argument phare qui barre l’accès des femmes au champ de bataille : d’une constitution plus faible, elles seraient plus vulnérables et donc à protéger. De ce fait, leur intrusion dans le monde guerrier ne serait acceptable que dans des moments exceptionnels, ce que reflètent clairement les séries.</p>
<h2>La guerre au front : une affaire d’hommes</h2>
<p>Difficile de comptabiliser le nombre de films de guerre sortis depuis le premier du genre, celui du Britannique James Williamson en 1901, <em>L’Attaque d’une mission en Chine</em>. La série <em>Band of Brothers</em> illustre parfaitement cet entre-soi viril <a href="https://youtu.be/aH06LWZs-Ys">tissé de camaraderie et de courage</a>.</p>
<p>Dans les séries comme dans la vie, les femmes restent systématiquement à l’arrière, dans des fonctions liées au « care », ou occupent momentanément les postes de travail laissés vacants. C’est l’effort de guerre des 6 millions d’Américaines appelées à l’usine que symbolise <a href="https://youtu.be/qWIVSmx0zPE">l’affiche Rosie la Riveteuse</a>.</p>
<p>Récemment encore <em>Les combattantes</em> reprennent cette classification genrée et <a href="https://theconversation.com/napoleon-vs-marie-antoinette-les-stereotypes-de-genre-dans-la-narration-des-jeux-video-194312">quelque peu stéréotypée</a>, avec les personnages de <a href="https://youtu.be/qxmIDIf0gYE">l’infirmière, la nonne, de la cheffe d’entreprise et de la prostituée</a>.</p>
<p>Quand il s’agit d’intervenir plus directement, les femmes se font résistantes ou espionnes : c’est le cas de Marie Germain dans <em>Un Village Français</em> ou de Marina Loiseau dans <a href="https://youtu.be/L0uSarccJ44"><em>Le Bureau des Légendes</em></a>.</p>
<h2>L’accès au combat : une héroïsation très encadrée</h2>
<p>L’idéal chevaleresque se montre plus propice à la représentation des femmes. Si l’icône Jeanne d’Arc a largement dépassé nos frontières, la possibilité pour une femme de défendre son fief en prenant les armes est historiquement fondée. Jusqu’à la professionnalisation de l’armée au XVII<sup>e</sup> siècle, les <a href="https://shs.hal.science/halshs-00687858/document">femmes ont en effet souvent combattu</a>. Comme le souligne l’historienne Nicole Dufournaud, Christine de Pizan écrivait au au début du XV<sup>e</sup> siècle que les dames « doi[ven]t avoir coeur d’homme », doivent « savoir les droits d’armes » afin qu’elles soient « preste de ordonner ses hommes » si besoin est, « pour assaillir ou pour deffendre » et doivent prendre garde que leurs forteresses soient bien garnies.</p>
<p>Ces femmes rejoignent en ce sens les figures de l’héroic fantasy qui manient l’épée, l’arc ou le couteau.</p>
<p>Ainsi <em>Brienne</em> de Torth dans <em>Game</em> <em>of</em> <em>Throne</em> défait ses ennemis <a href="https://youtu.be/wE2XFEUXxjk">à la stupéfaction générale</a>. Dans <em>Lord of The Rings</em> – <em>The Rings of Power</em>, Galadriel est une jeune combattante qui <a href="https://youtu.be/Bsnka8xrlfU">force l’admiration de tous</a>. Plus proche d’une réalité historique, dans <em>Vikings</em>, la <a href="https://youtu.be/liF0AyTz6Os">cheffe Lagertha</a> comme la Germanique <a href="https://youtu.be/SPADnZwchiU">Thusnelda dans <em>Barbares</em></a> tuent leurs ennemis sans hésitation.</p>
<p>Mais point d’armées. On ne croise que des singularités valeureuses, des exceptions. La norme se conjugue toujours au masculin.</p>
<h2>La condamnation latente de la violence des femmes</h2>
<p>Pourtant, il y a eu les bataillons féminins russes de la mort en 1917 fondées par la paysanne Yasha, les <a href="https://www.actes-sud.fr/node/25346">combattantes Scythes</a> ou la <a href="https://youtu.be/SJGVeq8-MGk">terrifiante tireuse d’élite soviétique Roza Chanina</a>.</p>
<p>Pourquoi cette frilosité des scénaristes, qui ne s’intéressent pas à ces parcours ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1211&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1211&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1211&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505897/original/file-20230123-10231-wooagh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Xéna, un exemple de vision érotisée et très cliché de la guerrière.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie-310/photos/detail/?cmediafile=18780810">Allociné</a></span>
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<p>Il faut croire que la violence inhérente au combat pose problème quand elle s’applique aux femmes. Si elle est acceptable dans la défense du foyer, du clan, voire de la nation, elle reste suspecte et dangereuse pour l’ordre social. Les femmes sont vite qualifiées d’hystériques, de furies, de pétroleuses, de terroristes. L’héroïne de <em>The Last Kingdom</em>, Brida, <a href="https://youtu.be/bo6C6ZxrPmQ">l’illustre parfaitement</a>.</p>
<p>Les clichés sur cette ambivalence abondent. Travestie en vêtements masculins, la combattante brouille la barrière des sexes. Érotisée en petite tenue, elle devient, comme <em>Xéna</em>, un <a href="https://youtu.be/sFIStm-Kzto">fantasme</a>. Les Amazones en savent d’ailleurs quelque chose.</p>
<h2>Les Amazones : un mythe ambigü et récurrent</h2>
<p>Cavalières armées, politiquement autonomes, les Amazones représentent un mythe puissant depuis l’Antiquité. Celui-ci semble s’inspirer des combattantes Scythes et se propage à bien des représentations de guerrières.</p>
<p>Nulle trace de pratique du sein brûlé qui aurait permis de tirer à l’arc. En revanche son imaginaire, tenace, participe bien de la fascination mêlée de peur pour ces femmes libres. Elles n’en sont pas moins généralement vaincues par les hommes, Penthesilée comme Hippolyte.</p>
<p>Dans une interprétation moderne, <em>Wonder Woman</em> est aux yeux de son créateur, Charles Mouton, une <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/03/30/wonder-woman-porte-voix-du-feminisme_6074902_3246.html">version féministe actualisée de l’amazone</a>. Mais très vite, les représentations d’Amazones se muent en caricature. La série éponyme a tenté de <a href="https://youtu.be/Ry8lBwtdMgQ">revenir aux sources du personnage</a>, <a href="https://youtu.be/1Q8fG0TtVAY">tout comme le film de 2017</a>.</p>
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<p>Cependant, ce sont les superhéroïnes de <em>The Boys</em>, <a href="https://youtu.be/4XMyBFvV_CY">Starlight et Maeve</a>, qui, dans leur lutte contre la misogynie, sont probablement les plus proches du projet émancipateur de Wonder Woman.</p>
<p>Elles alertent également sur le sexisme, peu évoqué, qui existe dans le monde réel <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/comment-son-reve-de-rejoindre-l-armee-l-a-confrontee-a-la-pire-misogynie_137202.html">au sein des armées</a>. Le réseau social « Paye mon Treillis » en <a href="https://www.aufeminin.com/news-societe/le-tumblr-paye-ton-treillis-denonce-le-sexisme-au-sein-de-l-armee-s2245202.html">témoigne.</a> </p>
<h2>L’émancipation féminine passe-t-elle par les armes ?</h2>
<p>Chevalier en armes, barbare ou amazone, la figure de la combattante navigue entre de nombreux stéréotypes. Les séries originales sur les combattantes sont relativement rares. Et dans la réalité, les annonces de nomination aux hauts grades sont médiatisées sans nécessairement être installées : le statut des femmes dans l’armée reste complexe.</p>
<p>On peut comme l’Irakienne Swasam dans <a href="https://youtu.be/wrURRgqiCWY"><em>Baghdad Central</em></a>, finir par s’interroger sur « l’empowerment » que représente au fond l’intégration dans l’armée. Cependant, <a href="https://igg-geo.org/?p=8285">comme le soulignent les combattantes d’aujourd’hui, en Ukraine</a>, ce n’est pas tant la participation à la guerre que son impossibilité qui doit poser problème, si l’on adopte un point de vue féministe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monika Siejka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les séries comme dans la vie, les femmes restent presque toujours à l’arrière, dans des fonctions liées au « care ». Et quand elles combattent, elles font figure d’exception.Monika Siejka, Enseignante Chercheuse en storytelling, leadership et management, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1929652022-12-01T17:27:38Z2022-12-01T17:27:38ZQuand l’univers du « drag » français rencontre le grand public<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497921/original/file-20221129-24-nwq8p.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1180%2C774&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le phénomène « drag » en pleine lumière, et au pied d'un décor qui évoque la tour Eiffel. </span> <span class="attribution"><span class="source">Francetv</span></span></figcaption></figure><p>Le « drag » est une pratique artistique dans laquelle des personnes, en grande majorité LGBTQIA+, incarnent le temps d’une soirée ou d’une performance un personnage genré personnel et exubérant (féminin, masculin ou mélangeant les genres). Émergeant aux États-Unis au début du XX<sup>e</sup> siècle – ses origines précises restent floues – il constitue un moyen d’expression pour une communauté LGBTQIA+ fortement discriminée et stigmatisée. C’est avec l’apparition des mouvements de libération LGBTQIA+ dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle et un intérêt médiatique grandissant pour cette pratique que le drag devient progressivement un phénomène mondialisé. Plus récemment, l’apparition de la franchise <em>Drag Race</em> a propulsé l’art du « drag » sur la scène médiatique <em>mainstream</em>.</p>
<p>Aujourd’hui, le « drag » est présent dans la plupart des pays et s’est adapté aux contextes culturels dans lesquels il s’est implanté créant ainsi des scènes uniques prenant racine sur des pratiques de travestissement artistiques préexistantes. La scène « drag » française ne fait pas exception et prospère en s’inspirant de longues traditions nationales comme le cabaret, la mode ou le théâtre. Les drag-queens françaises sont par exemple réputées pour la qualité et la beauté de leurs tenues.</p>
<p>À mesure que le « drag » se développe, les pratiques se diversifient et repoussent les limites du corps ; les drag queens ultra féminines et les drag kings jouant de la masculinité côtoient désormais des créatures plus ou moins horrifiques ou fantastiques au genre indéfini et à l’humanité équivoque.</p>
<p>Si l’émission <em>Drag Race France</em> a connu un beau succès d’audience (près de 7 millions de téléspectateurs), elle a pourtant fait l’objet de polémiques au niveau des scènes drag locales avant sa diffusion en juillet 2022. À un fort enthousiasme se mêlent à ce moment-là de vives inquiétudes quant au portrait qui sera fait du « drag » et des personnes LGBTQIA+. Dans le milieu du « drag », certains expriment une certaine méfiance envers la chaîne de production et sa capacité à traduire leur art, leurs vécus, leurs combats dans une émission télévisuelle grand public. </p>
<p>Cette vive réaction est symptomatique d’un malaise plus général des personnes LGBTQIA+ concernant le risque de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/26/le-terme-de-pinkwashing-revet-une-dimension-negative-avec-l-idee-d-hypocrisie-des-marques_6085781_3224.html">« pinkwashing »</a> – qui désigne la réappropriation de leurs cultures par des institutions et médias <em>mainstream</em> à des fins marchandes. </p>
<p>À tout cela s’ajoute l’espérance que l’émission <em>Drag Race France</em> ne soit pas qu’un pastiche de la version étasunienne. Les drags souhaitent alors une adaptation du format qui met en avant leur art dans tout ce qu’il a d’unique et de pluriel mais qui éduque aussi le grand public sur les problématiques liées au vécu LGBTQIA+. Tous ces questionnements traduisent l’incertitude des effets positifs ou négatifs que produit la rencontre entre une culture alternative et les masses à la fois pour les artistes et le public.</p>
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<h2><em>Drag Race</em>, une success-story mondialisée</h2>
<p>Douze ans après son lancement aux États-Unis, le format télévisuel étasunien <em>Drag Race</em> a fait l’objet d’adaptations au Royaume-Uni, au Canada, en Espagne, aux Pays-Bas, en Italie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Thaïlande, au Chili et aux Philippines. D’autres adaptations sont annoncées en Belgique, en Allemagne ou encore en Suède.</p>
<p>En France, la plupart des jeunes drags ont découvert cet univers à travers l’émission étasunienne, et en sont désormais des fans invétérés. De ce fait, la figure de proue de ce succès mondial, RuPaul, est encore perçue comme une figure tutélaire par beaucoup. La pratique de ces performeuses et performeurs est intimement liée à la franchise étasunienne et aux références qu’elle propose. L’une des participantes à l’émission française affirme ainsi : « Moi ce qui m’a donné envie de faire du drag c’est quand j’ai découvert <em>RuPaul’s Drag Race</em>. Donc je suis un pur produit <em>Drag race</em> ».</p>
<p>Notons cependant que l’émission ne fait pas l’unanimité chez les personnes LGBTQIA+ car considérée par certains – et avant même que le format s’exporte en France – comme <a href="https://tetu.com/2020/01/27/rupaul-sous-le-feu-des-critiques-apres-lannonce-du-casting-de-la-saison-12-de-rupauls-drag-race/">peu inclusive</a> et peu représentative des milieux queer ; alors très « téléréalité » le fait remarquer le drag king lyonnais Rico Loscopia. La directrice de l’unité des divertissements au sein du groupe France Télévisions affirme par exemple dans une <a href="https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/34178383">interview</a> que le groupe est fier « avec Endemol France et Shake Shake Shake de proposer <em>Drag Race France</em>, l’adaptation du format iconique créé par RuPaul, une marque connue du monde entier qui met à l’honneur l’art du drag [et] qui permet de mettre en lumière la scène queer, sa réalité, sa richesse, et des sujets comme la transidentité ». </p>
<p>Si la production de l’émission en France s’inscrit dans un enjeu politique fort, elle ne peut toutefois pas se défaire du cadre marchand transnational dans lequel elle s’inscrit et des contraintes d’adaptations imposées par celui-ci ; le groupe France Télévisions, lorsqu’il s’empare des droits d’adaptation du format doit suivre une procédure de production précise imposée par le distributeur étasunien du format.</p>
<h2>Une version frenchie du format étasunien</h2>
<p>Depuis les années 1990, la plupart des émissions diffusées à la télévision française sont des adaptations de formats télévisuels provenant de systèmes médiatiques étrangers : l’une des premières en France étant par l’exemple l’émission <em>Questions pour un champion</em>, une adaptation du format britannique <em>Going for Gold</em> créé en 1987. Ainsi, un format télévisuel est une recette précise à suivre pour la production d’émissions. </p>
<p>Cela fait peu de temps que les liens entre un format et ses adaptations locales sont mis en avant pour le marketing de ces produits économiques, et dans ce contexte, l’émission <em>Drag Race France</em> ne fait pas exception : on peut lire par exemple sur le <a href="https://www.francetelevisions.fr/et-vous/notre-tele/a-ne-pas-manquer/drag-race-12387">site</a> de France Télévisions que « c’est avant tout l’histoire d’une réussite internationale [et que l’adaptation française] reprend les incontournables de sa grande sœur américaine ».</p>
<p>Précisons que pour l’adaptation d’un format pour le public local, les producteurs ne peuvent pas disposer librement de ce modèle de production. Dans une tension entre rigidité et flexibilité, la production d’un format adapté s’inscrit ainsi dans un cadre marchand qui standardise la production des adaptations locales. Cela dit, dans un effort de localisation, le pari a été d’adapter le format étasunien en restant très proche du concept original de l’émission « mais avec l’idée qu’on sache tout de suite qu’on est en France » comme l’explique le producteur dans une <a href="https://www.komitid.fr/2022/09/13/raphael-cioffi-auteur-de-drag-race-france-jai-ete-ultra-impressionne-par-linvestissement-de-chaque-queen/">interview</a>. </p>
<p>Pour promouvoir l’émission, les drag queens françaises prennent ainsi la pose à la place du roi dans une mise en scène versaillaise et arborent des tenues exubérantes rappelant celles de la cour au XVIII<sup>e</sup> siècle. Mais ce n’est pas tout. Un cocorico en guise de jingle, un remix de la marseillaise qui scande « aux glams citoyennes ! », ou encore un <a href="https://www.instagram.com/p/Cf1KqgeKkoH/">défilé</a> sur le thème « French clichés » viennent donner à l’adaptation française sa couleur locale et singularise le contenu de l’émission <em>Drag Race France</em> par rapport aux autres adaptations.</p>
<h2>À la conquête des publics (une émission mainstream mais pas trop)</h2>
<p>Le producteur de l’émission, Raphaël Cioffi, affirme par ailleurs dans une <a href="https://www.komitid.fr/2022/09/13/raphael-cioffi-auteur-de-drag-race-france-jai-ete-ultra-impressionne-par-linvestissement-de-chaque-queen/">interview</a> que ce qu’il aime faire « ce sont des choses fortes, qui plaisent autant à ses amis pédés qu’à ses parents ». Un pari réussi <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/17/comment-drag-race-a-seduit-le-grand-public-le-fait-de-les-voir-si-libres-et-si-puissantes-ca-donne-envie-de-l-etre-aussi_6142081_3224.html">selon le journal <em>Le Monde</em></a> qui déclare que les « reines » exubérantes de l’émission « ont conquis un public qui dépasse désormais le cercle LGBT+ ». </p>
<p>En effet, l’émission doit s’adresser au grand public tout en mettant en valeur la culture LGBTQIA+. Le drag king Rico Loscopia abonde dans ce sens en ajoutant que les drags français se sont sentis respectés et que l’émission a « autant été à la rencontre du public queer qu’à la rencontre d’un public de non habitués ». L’art du drag voit <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/15/les-drag-queens-de-l-underground-a-la-consecration_6109557_4500055.html">son public s’élargir à une audience plus « hétéro »</a>, autrement dit plus <em>mainstream</em>. Ainsi, à travers l’émission <em>Drag Race France</em>, le « drag » devient un objet culturel de masse qui rassemble divers publics, avec diverses attentes et sensibilités.</p>
<h2>Les scènes locales impactées</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498005/original/file-20221129-12-adhcij.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les drags clermontoises de la House of Morningstar animant une soirée de visionnage de <em>Drag Race France</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Celala</span></span>
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<p>Ainsi, ce nouvel engouement populaire impacte une scène présente partout en France (et ce depuis au moins les années 1980) en la rendant plus visible et plus accessible. Dans ce contexte, l’émission est par exemple devenue un moyen pour les artistes de se faire connaître auprès d’un large public et ce à travers toute la France. Le « drag » n’est donc plus la pratique confidentielle qu’elle était jusqu’alors et de nouvelles institutions et établissements s’y intéressent désormais, l’incluant de plus en plus dans leurs programmations. « On existe aussi ! » clame la drag queen lilloise Crystal Chardonnay lors de la soirée organisée à Lille après le spectacle <em>Drag Race France live</em>, insistant ainsi sur l’importance de soutenir les scènes locales, leur donner des opportunités, et ne pas seulement se contenter d’une version édulcorée offerte par l’émission. </p>
<p>Cela dit, l’une des drags de l’émission déclare quant à elle espérer que toutes les drags qui profitent de ce nouvel engouement populaire auront la possibilité d’occuper des espaces télévisuels variés, autres que l’émission <em>Drag Race France</em>, seule case destinée à donner une place médiatique centrale aux drag queens, et de facto aux personnes LGBTQIA+. Parmi les rares précédents en France, on ne peut citer qu’une émission sur MCM, <em>Drag Save The Queen</em>, diffusée avant <em>Drag Race</em>, en 2021.</p>
<p>Alors que « la folie <em>Drag Race</em> a gagné la France » pour citer un <a href="https://www.bfmtv.com/culture/apres-avoir-conquis-le-public-cet-ete-les-drag-queens-de-drag-race-france-partent-en-tournee_VN-202209060126.html">média populaire</a>, une deuxième saison de l’émission française a été annoncée. Plus nombreuses et nombreux qu’au casting de la première saison, d’autres drags ont décidé de postuler pour tenter de devenir « la prochaine reine du drag français ». Toutefois, des controverses subsistent encore autour de l’émission et la standardisation de cet art, diluant sa portée politique à des fins marchandes. L’émission <em>Drag Race</em> constitue désormais la référence mainstream du « drag » en France, créant de nouvelles attentes de la part du public français : attentes avec lesquelles les drags doivent composer.</p>
<p>Toutefois, la mondialisation des biens culturels oblige aussi les artistes à se réinventer et se fortifier localement tout en exploitant une popularité en hausse. La demande croissante en spectacles drags de la part du public et de certains lieux depuis la diffusion de l’émission amène de plus en plus de drag queens à penser leur professionnalisation et à se produire dans des contextes nouveaux, comme des bars et restaurants avec une clientèle moins queer ou des salles de spectacle importantes, plus institutionnelles.</p>
<p>Si le format étasunien semble s’être trouvé une place sur nos écrans de télévision et qu’il a sans nul doute diverses répercussions sur les scènes drag locales, il est intéressant d’observer comment l’émission provoque finalement l’émergence d’un « drag » à la française qui a son tour s’exporte a l’étranger. Celui-ci met en avant, comme l’a fait l’émission, à la fois certains clichés nationaux mais aussi des influences venues du cabaret et de la mode, qui font désormais l’objet de spectacles, dans un retour logique à la scène.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L'apparition de la franchise « Drag Race »a propulsé l'art du drag sur la scène médiatique mainstream.Aziliz Kondracki, Doctorante en anthropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Elias Caillaud, Doctorant en Anthropologie , École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942182022-11-13T16:33:07Z2022-11-13T16:33:07ZLa saison 5 de « The Crown » est sortie : cap sur la décennie infernale des Windsor<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494145/original/file-20221108-20-q726f7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5914%2C2943&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo de la neuvième saison de "The Crown". </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span></figcaption></figure><p>La cinquième saison de <em>The Crown</em>, la série britannique consacrée à la vie d’Elizabeth II d’Angleterre, est sortie le 9 novembre. Le nouveau volet couvre les événements des années 1990 qui, sur le plan politique et privé, ont défini cette période de son règne. Mais que s’est-il passé exactement pendant ces années ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ej0vb8xhvbw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce pour la cinquième saison de <em>The Crown</em>.</span></figcaption>
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<h2>1992, <em>annus horribilis</em></h2>
<p>L’année 1992 marque le 40<sup>e</sup> anniversaire de l’accession au trône d’Elizabeth II. Toutefois, dans le discours qu’elle prononce le 24 novembre pour marquer l’occasion, Elizabeth II décrit 1992 comme son <a href="https://www.royal.uk/annus-horribilis-speech"><em>annus horribilis</em></a>.</p>
<p>Le discours intervient <a href="https://www.lumni.fr/video/elizabeth-ii-et-le-grand-incendie-1992">quatre jours après l’incendie du château de Windsor</a>, qui a détruit une partie du bâtiment. Au cours des mois précédents, les tabloïds londoniens ont ouvert leurs éditions quotidiennes en évoquant les frictions dans la relation entre le prince et la princesse de Galles, le divorce de la princesse Anne et de son mari, le capitaine Mark Phillips, et le divorce entre le prince Andrew et Sarah Ferguson.</p>
<p>Les scandales sont continuels et rien ne semble calmer la presse à scandale qui se déchaîne contre les enfants de la Reine. L’intransigeance de l’incombustible reine mère dans les affaires sentimentales de ses petits-enfants n’a pas non plus arrangé la situation.</p>
<p>L’époque est également marquée par de nombreux changements dans l’ordre international. Après plus d’une décennie en tant que Premier ministre, Margaret Thatcher laissait Downing Street aux mains de John Major, moins charismatique, mais doté d’un gouvernement conservateur capable de remettre sur les rails la situation en Irlande du Nord après des années de violence et de meurtres.</p>
<p>La fin de la guerre froide provoque l’effondrement de l’Union soviétique. Boris Eltsine tente de faire face à une nouvelle Russie menacée par la corruption et la guerre en Tchétchénie.</p>
<p>Bien qu’Elizabeth II soit parvenue à maintenir sa légitimité en tant que chef d’État et du Commonwealth, la famille royale s’effrite sous ses yeux.</p>
<h2>Charles et Diana</h2>
<p>Le désaccord entre le prince Charles et Diana a été rendu public bien que tous deux aient essayé de protéger leurs deux plus jeunes fils, William et Harry, qui avaient respectivement onze et neuf ans lorsque la séparation a été annoncée en décembre 1992.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493843/original/file-20221107-3451-2r1xxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran de la cinquième saison de <em>The Crown</em> où sont mis en scène Diana et le prince Charles avec leurs fils, Henry et William.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span>
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</figure>
<p>Camilla, toujours mariée au brigadier Andrew Parker Bowles, était peut-être alors la figure la plus détestée de la société britannique, une source infinie de dérision et de reproches. Peu de gens comprenaient pourquoi le prince de Galles préférait son éternelle maîtresse, peu raffinée et vulgaire, au glamour que dégageait Diana.</p>
<p>Élisabeth II ne l’a probablement pas compris non plus, même si ses relations avec sa belle-fille avaient été peu cordiales jusque-là. Elle a enduré pendant des décennies les rumeurs constantes sur les aventures extraconjugales du duc d’Édimbourg. Même au début des années 1990, alors qu’ils avaient tous deux largement dépassé l’âge mûr, l’existence de Lady Penny (Penelope Knatchbull) dans la vie sentimentale de son mari, une amie proche souvent considérée comme une maîtresse, était bien connue.</p>
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<p>La reine se souvient également de quelle façon la vie « licencieuse » de sa sœur Margaret a jeté le discrédit sur l’institution royale, même si depuis ces années de jeunesse, les relations entre elles se sont apaisées.</p>
<p>La goutte d’eau a fait déborder le vase lorsque <a href="https://www.la-croix.com/Interview-Lady-Di-1995-journaliste-BBC-excuse-defend-2021-05-23-1301157206">Diana, en deuil, a donné une interview en 1995</a> au journaliste de la BBC Martin Bashir dans laquelle elle a déclaré qu’ils étaient « trois dans leur mariage ». Le divorce suit rapidement et est rendu public en 1996.</p>
<h2>Charles… successeur ?</h2>
<p>Buckingham Palace était sur le point d’exploser. La popularité de l’héritier était au plus bas et certains ont osé faire allusion à des <a href="https://www.independent.co.uk/life-style/royal-family/the-crown-season-5-charles-john-major-b2211038.html">accords présumés</a> entre le prince Charles et John Major pour tenter de forcer une transmission accélérée de la couronne, ce que l’ancien Premier ministre lui-même a nié.</p>
<p>Si John Major a pu avoir des divergences d’opinion sur la manière de traiter les questions relatives au nouvel ordre du Commonwealth et, en particulier, le transfert de la souveraineté sur Hongkong du Royaume-Uni à la République populaire de Chine – l’un des sujets brûlants de la politique étrangère de la Couronne au milieu des années 1990 –, il n’y a jamais eu de manœuvres de Charles contre la Reine pour avancer la succession.</p>
<p>De plus, la vision britannique de l’héritier présomptif était si négative qu’une telle intrigue de palais aurait été incompréhensible.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493847/original/file-20221107-3451-mye6hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image fixe de <em>The Crown</em> représentant la famille royale britannique dans les années 1990.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span>
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</figure>
<p>Seul le plus jeune des enfants de la Reine, le prince Edward, qui avait abandonné ses activités audiovisuelles pour travailler pour la couronne, semblait alors épargné par les scandales sentimentaux. Edward essayait de garder secrète son histoire naissante avec la fille d’un vendeur de voitures, Sophie Rhys-Jones. Pour la reine et le duc d’Édimbourg, cela allait également être difficile à avaler.</p>
<h2>La « princesse du peuple »</h2>
<p>Pendant ce temps, les sujets britanniques commençaient à construire le mythe de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/video-surnommee-la-princesse-du-peuple-on-vous-raconte-l-historie-de-lady-diana_4183439.html">« princesse du peuple »</a> : celui de la pauvre Diana abandonnée, déprimée, boulimique qui, enfoncée dans la douleur de la trahison, tombait dans les bras des médecins et des gardes du corps. Elle était la martyre, il était le traître. La Reine tente de gérer la pire crise institutionnelle de la monarchie depuis l’époque d’Edouard VIII.</p>
<p>Au milieu des gros titres et des poursuites photographiques des paparazzi, la « Lady Di » autrefois apathique commence à renaître de ses cendres, portant du Versace, fréquentant des artistes et se souciant des problèmes de société, ceux que la monarchie semble négliger : la <a href="https://blog.francetvinfo.fr/bureau-londres/2017/04/09/la-poignee-de-main-de-la-princesse-diana-contre-le-sida.html">lutte contre le sida</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TKjvpmSYTPE">mines anti-personnel</a> ou la pauvreté à Calcutta, entre autres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493845/original/file-20221107-23-3b8npk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image fixe de <em>The Crown</em>, qui recrée un moment de la « résurgence » de la princesse Diana après son divorce.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://media.netflix.com/es_es/only-on-netflix/80025678">Netflix</a></span>
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<p>Cependant, elle commence également à avoir une liaison avec le fils rebelle du milliardaire Al-Fayed. Dodi Al-Fayed était d’origine égyptienne et de confession musulmane, ce qui était inacceptable pour la mère du futur souverain du Royaume-Uni.</p>
<p>En cet été 1997, il semblait que l’arrivée des travaillistes de Tony Blair au gouvernement ouvrirait une nouvelle ère. Mais le 31 août 1997, le <a href="https://www.sudouest.fr/culture/people/il-y-a-25-ans-la-mort-de-lady-diana-que-s-est-il-passe-ce-jour-la-12089004.php">monde s’est réveillé avec la nouvelle de la mort de Diana</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cristina Barreiro Gordillo no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>La cinquième saison débute, relatant une décennie pas si facile pour la reine Elizabeth II. Que s’est-il passé exactement pendant ces années ?Cristina Barreiro Gordillo, Profesora Titular Historia Contemporánea, Universidad CEU San PabloLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1918662022-10-17T15:45:54Z2022-10-17T15:45:54ZAvec « Stranger Things », faites des expériences de physique-chimie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488002/original/file-20221004-18-b51km0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1914%2C954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Eleven, le personnage principal de _Stranger Things_, flotte dans une piscine dans l'épisode de la série intitulé _La Baignoire_. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Certains films sont des viviers d’informations scientifiques et peuvent constituer de bonnes ressources pédagogiques pour renforcer la motivation des élèves. L’impact sensoriel des images en mouvement dépasse en effet souvent celui des photographies, ce qui permet de mieux renforcer la mémoire et les associations.</p>
<p>Il faut cependant rester vigilant dans la mesure où leur caractère ludique peut nuire à leur exploitation lorsque les phénomènes ne sont pas restitués avec rigueur.</p>
<p>La science-fiction rapproche la réalité scientifique des élèves en donnant des supports pour rebondir sur leurs idées reçues et les aider à les dépasser. Ce ne sont donc pas des modes aussi antagonistes qu’on pourrait le penser, la fiction se nourrissant de la réalité tandis que l’ingéniosité et l’imagination aident la science à avancer.</p>
<h2>Physique et chimie dans les séries et les films</h2>
<p>Des séries comme <em>The Big Bang Theory</em> et <em>Lost in Space</em> ont contribué à rapprocher la physique du grand public. Un film comme <em>Tad l’explorateur : à la recherche de la cité perdue</em> peut toucher des spectateurs plus jeunes. Dans ce type de fictions, on retrouve souvent le thème du voyage dans l’espace, c’est le cas par exemple dans <em>Gravity</em>, <em>Mars</em> ou <em>Interstellar</em>, où les références constantes à la physique moderne sont fréquentes. Pourquoi ne pas inclure dans cette catégorie la saga <em>Star Wars</em>, avec ses métaphores de l’énergie avec la notion de Force.</p>
<p>Aujourd’hui, si la physique est souvent invoquée au cinéma, la chimie reste camouflée entre les images, sans indice significatif. Cependant, on trouve des exemples tels que <em>Bones</em>, une série bien documentée basée sur la médecine légale, <em>Breaking Bad</em>, dont le protagoniste est un professeur de chimie, et le film <em>Le Fight Club</em>, qui détaille la fabrication du savon par saponification.</p>
<p>Afin d’adapter la ressource au niveau d’études et au temps disponible encours, nous proposons de partir de séquences courtes. Le choix de ces dernières est un point critique. Pour la Physique et la Chimie en classe de seconde (ou 4<sup>e</sup> ESO en Espagne), nous avons sélectionné un passage de la série <a href="https://www.netflix.com/browse"><em>Stranger Things</em></a>.</p>
<p>L’utilisation de ce matériel cinématographique n’est pas aussi courante au lycée qu’à l’université, bien qu’il existe suffisamment de preuves de son intérêt.</p>
<h2>Le réservoir de Eleven</h2>
<p>La scène que nous proposons se déroule de la 22<sup>e</sup> à la 32<sup>e</sup> minute de <a href="https://www.netflix.com/watch/80077374?trackId=255824129">l’épisode 7 de la première saison</a>. Les protagonistes veulent générer un portail pour qu’Eleven, le personnage principal, qui a des pouvoirs extrasensoriels, puisse contacter un ami piégé dans une autre réalité.</p>
<p>Leur professeur de sciences leur explique par téléphone comment créer le portail idéal : ils doivent construire un <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Tanque_de_aislamiento_sensorial">réservoir de privation sensorielle</a> avec une solution saline très concentrée. Ils préparent la solution en versant du sel ordinaire jusqu’à ce qu’un œuf flotte. Eleven doit aussi flotter.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Inspirons-nous de cette scène en classe. Les élèves disposent alors de 700 kg de sel, qu’ils doivent diluer dans le volume d’eau qui entre dans une pataugeoire à une température donnée. Ils doivent placer la piscine sur un terrain de basket, la remplissent d’eau et ajoutent du sel. On teste avec un œuf si la concentration est suffisante en appliquant le concept de flottabilité et sa relation avec la densité.</p>
<p>Au premier essai, l’œuf coule. Dans la vie quotidienne, on peut observer ce phénomène en faisant bouillir un œuf. Cependant, une fois que vous avez ajouté plus sel, « Eureka ! », vous exclamez-vous, voilà que l’œuf flotte.</p>
<p>« Eurêka ! » est l’expression dont se serait servi Archimède de Syracuse en découvrant que tout corps immergé dans un liquide subit une poussée vers le haut égale au poids du fluide déplacé. Si cette poussée s’oppose au poids d’un objet, celui-ci flotte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486254/original/file-20220923-214-gvxli8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dustin, Mike et Lucas vérifient que l’œuf flotte dans l’eau salée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’image de l’œuf flottant est la plus significative et suscite la curiosité du spectateur et, bien sûr, de l’étudiant en sciences. La séquence se termine lorsque Eleven entre dans la piscine et flotte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486256/original/file-20220923-2077-onfy5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Eleven flotte dans une piscine d’eau et de sel ordinaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de là, vous pouvez stimuler la réflexion de l’élève en lui posant des questions pour prédire s’il est possible ou non que l’œuf flotte de manière stable.</p>
<p>La densité de la solution finale doit être calculée. La quantité d’eau dans la piscine doit être connue. Pour cela, on applique des <a href="https://openstax.org/books/f%C3%ADsica-universitaria-volumen-1/pages/1-5-estimaciones-y-calculos-de-fermi">estimations de type Fermi</a>, car les informations provenant de la scène sont très limitées. L’étudiant, tel un détective, cherchera des informations en confrontant les données et les images.</p>
<p>Par exemple, le diamètre de la piscine peut être estimé à partir du cadre de la figure 2 : la piscine apparaît à l’intérieur du cercle central d’un terrain de basket américain (3,6 m).</p>
<p>Il est également nécessaire de connaître la solubilité du sel, qui dépend de la température. Cette valeur est obtenue à partir d’une autre image, où l’un des enfants tient un thermomètre où figure la température.</p>
<p>Incidemment, l’analyse des données indiquera que la solution saline n’est pas saturée. Il est possible de montrer que toutes les images sont scientifiquement rigoureuses.</p>
<p>L’intérêt de cette séquence de <em>Stranger Things</em> va au-delà de la science : elle favorise la coopération entre élèves, la curiosité d’apprendre et d’expérimenter, et rapproche le professeur de sa classe, en donnant une autre image aux sciences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Las personas firmantes no son asalariadas, ni consultoras, ni poseen acciones, ni reciben financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y han declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado anteriormente.</span></em></p>En une séquence de dix minutes, la série de science-fiction nous permet d’observer et d’expérimenter une série de principes de physique de manière ludique et accessible.Beatriz García Vasallo, Profesora titular en el Área de Electrónica (Departamento de Física Aplicada), Universidad de SalamancaPatricia Desire Aldonza Cimas, Profesora Enseñanza Secundaria especialidad Física y Química, Universidad de SalamancaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.