L’Alzheimer est la forme de démence la plus répandue. Et malgré tous les efforts, aucun traitement n'a encore été trouvé. Pour y arriver, les chercheurs devront mieux comprendre la maladie et repenser leur approche en matière de développement de traitements.
L'idée de voir un être cher décliner et perdre ses souvenirs les plus importants peut être dévastatrice. C’est toutefois une réalité pour un nombre croissant de Canadiens. Un groupe d'experts sur la santé de la population, convoqué en 2015 par la Société Alzheimer du Canada, estime que près d’un million de Canadiens en seront atteints en 2031 (en France, 900 000 personnes sont touchées, et ce chiffre pourrait atteindre 1,2 million en 2030).
C’est ce qui motive le financement massif des essais cliniques, à la recherche d’un moyen de stopper la maladie. Malgré tous ces efforts, aucun nouveau traitement n’a été approuvé depuis plus de quinze ans.
Je suis étudiant de première année au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) dans le laboratoire de Marc-André Bédard. J'utilise l'imagerie nucléaire pour mieux comprendre les changements dans la transmission de l'acétylcholine chez les personnes en début de maladie d'Alzheimer. L’acétylcholine est un neurotransmetteur, c’est-à-dire un composé chimique permettant la transmission de l’information (d'un neurone à un autre neurone, ou à une cellule musculaire, à une glande…).
Les principaux médicaments prescrits contre l'Alzheimer ont un mode d’action fondé sur la dégénérescence de neurones responsables de la transmission de l’acétylcholine à travers le cerveau.
Les neurones qui le transmettent se trouvent dans le noyau basal de Meynert, un petit noyau situé à l’avant du cerveau. La mort de ces neurones serait à l’origine des troubles d’attention et de mémoire retrouvés dans la maladie d'Alzheimer. Ces médicaments aident à compenser pour la perte de ces neurones en augmentant la transmission d’acétylcholine, mais ils n’ont que peu d'impact sur l’évolution de la maladie.
Une hypothèse critiquée
Actuellement, la recherche de traitements pouvant ralentir ou arrêter l’évolution de la maladie d'Alzheimer est principalement basée sur l’hypothèse de la « cascade amyloïde ». D’après cette hypothèse, la maladie débute lorsque le corps ne nettoie pas la protéine amyloïde correctement. Cela provoque son agrégation en plaques microscopiques dans le cerveau.
Ces plaques s’accumulent pendant des décennies, avant même que les premiers symptômes de l'Alzheimer n'apparaissent. Elles causeraient à leur tour la dysfonction d'une autre protéine, la protéine tau. Ces protéines forment alors des enchevêtrements neurofibrilaires à l’intérieur des neurones et causent leur mort. Cependant, de plus en plus de chercheurs critiquent cette hypothèse.
Par exemple, environ une personne âgée sur cinq présente une accumulation importante de plaques et pourtant ne développera jamais la maladie. Il existe même des cas où des enchevêtrements de tau ont été retrouvés en l’absence de plaques, ce qui remet en question la séquence d’événements prédite par l’hypothèse. En outre, des traitements ayant été développés pour nettoyer ou empêcher l'agrégation de l’amyloïde n'ont eu aucun effet sur l'évolution de l'Alzheimer. Les plaques pourraient donc être la conséquence de changements étant survenus plus tôt.
Reproduire l'Alzheimer chez les rongeurs
Avant d’utiliser un nouveau médicament sur des êtres humains, il faut d'abord le tester sur des animaux, afin de vérifier s'il est efficace et sécuritaire. Les animaux utilisés, habituellement des rongeurs, doivent développer une pathologie similaire à celle que l'on retrouve chez l’être humain.
Dans le cas de l'Alzheimer, il faut provoquer la maladie par des manipulations génétiques, afin de créer un modèle animal de la maladie. Les principaux modèles animaux de la maladie d'Alzheimer sont développés en manipulant des gènes causant l’accumulation de plaques. Les rongeurs concernés présentent des troubles de mémoire et d'attention rappelant l'Alzheimer.
Les expérimentations animales reposent sur la prémisse que les effets des traitements sur les modèles animaux sont similaires aux effets sur l’être humain. Toutefois, les modèles animaux de la maladie d'Alzheimer recréent la cascade amyloïde, qui est imparfaite.
Comme les causes et les symptômes ne sont pas parfaitement recréés, un traitement qui fonctionne chez les rongeurs peut ne pas fonctionner chez l’être humain. Cela signifie aussi que des médicaments qui pourraient être efficaces chez l’être humain peuvent ne pas être efficaces sur les animaux.
Pour améliorer la recherche, il faut donc trouver de meilleurs modèles animaux afin de mieux représenter les mécanismes de l'Alzheimer. Cela passe par une meilleure compréhension de la maladie.
Les défis de la recherche clinique
Le choix de patients lors des essais cliniques peut également poser problème. Les patients en stade léger ont déjà perdu une majorité des neurones du noyau basal. Cela empêche la récupération complète des fonctions, même si le traitement fonctionne. C'est pourquoi les essais récents ont été faits sur des patients atteints d'Alzheimer pré-symptomatique. Ces personnes ont de grandes chances de développer la maladie et en portent des signes tels que des plaques, même si on ne peut détecter aucun symptôme.
Ces recherches ont des coûts exorbitants. Elles impliquent en effet de suivre et traiter quelque milliers de participants pendant environ deux ans afin de détecter une différence dans les chances de développer la maladie d'Alzheimer.
La prévention : le meilleur remède
Les méthodes de prévention de la maladie d'Alzheimer suscitent de plus en plus l'intérêt des chercheurs. Parmi celles-ci, l'activité physique pourrait contribuer à ralentir, voire prévenir l'apparition de la maladie grâce à ses effets antioxydants.
Cette oxydation affecte surtout les neurones, tels que les neurones du noyau basal, qui communiquent avec de grandes régions du cerveau.
Pratiquer une activité physique intense peut s'avérer impossible pour bien des personnes âgées. Mais Nicole L. Spartano et ses collègues de l'université de Boston ont découvert que ce n'était pas nécessaire. Chaque heure d'activité physique légère (comme la marche) améliorerait en effet la santé du cerveau, et réduirait potentiellement les risques de développer la maladie d'Alzheimer.
Jusqu'à présent, la recherche d'un remède miracle contre l'Alzheimer a échoué, malgré des efforts énormes de la part des chercheurs. Pour surmonter ce défi, les chercheurs doivent repenser leur approche de développement de traitements. D'ici là, la prévention, grâce à l'adoption d'un mode de vie sain, est la meilleure arme pour combattre cette terrible maladie.