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Cette coquille Saint-Jacques vous regarde

Une coquille s’ouvre et vous regarde de ses centaines d’yeux élémentaires, dont le rôle reste encore à mieux comprendre. Olivier Dugornay, Ifremer, Fourni par l'auteur

Espèce extra-terrestre ou beauté sous-marine ? Nul besoin de plonger parmi les récifs coralliens des mers tropicales pour découvrir les splendeurs offertes par le monde du silence.

La coquille Saint-Jacques européenne Pecten maximus, espèce emblématique des eaux tempérées de la Manche, bien connue des gourmets pour la saveur de ses noix, mais également des pèlerins pour la symbolique qu’elle représente sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, présente une singularité moins connue : implantée tout du long de son manteau, elle dispose d’une rangée d’« ocelles », des yeux élémentaires de couleur bleu-vert.

Ils ne sont pas toujours faciles à observer à l’œil nu. Ici, quatre de ses magnifiques ocelles entourés de dizaines de tentacules sensitifs sont photographiés en gros plan, dans le milieu naturel de notre coquille dont les valves légèrement entrouvertes pour faciliter respiration et filtration des éléments nutritifs (phytoplancton). Elle en possède environ 200 tout au long de son manteau (l’organe qui entoure les tissus mous de la coquille Saint-Jacques, et qui sécrète sa coquille externe).

Voir pour mieux bouger ?

La coquille Saint-Jacques est un mollusque bivalve qui, contrairement à ses cousines huître et moule, n’est pas fixé à son support et a la capacité d’effectuer de courts déplacements, grâce à une nage active : en claquant brusquement ses deux valves, une coquille produit un puissant jet d’eau qui lui permet de s’enfuir rapidement vers l’arrière face à un prédateur. Elle peut également, en disposant son manteau de façon adéquate, avancer progressivement en produisant deux jets latéraux de moindre puissance.

Peu d’études ont été menées sur les capacités visuelles de la coquille Saint-Jacques et sur le rôle que pourraient avoir ces ocelles dans son comportement.

Les biologistes ont longtemps considéré que les ocelles d’une coquille lui permettaient de capter les différences de luminosité dans son milieu ambiant, au mieux certains mouvements lents. Récemment, les résultats d’une étude menée par des chercheurs israéliens ont prouvé que les ocelles de la coquille présentent une complexité remarquable en comparaison à l’œil humain par exemple.

Ces yeux élémentaires disposent ainsi à la fois d’une lentille et d’un miroir concave, tel un télescope, qui focalisent les sources de lumière sur une double rétine permettant la création d’images complexes. La première rétine réagirait à des éléments relativement sombres et en mouvement, déclenchant des réflexes de défense ou de fuite. Les images produites par la seconde rétine restent quant à elles plus énigmatiques pour l’instant, mais on sait qu’elles concernent davantage la périphérie du champ de vision : elles pourraient fournir des informations utiles pour contrôler et guider les mouvements de la coquille Saint-Jacques lorsqu’elle se déplace par hydropropulsion, ou encore lui permettre d’évaluer les caractéristiques statiques de son habitat.

De nombreuses inconnues subsistent quant à l’importance réelle de la vision des pectinidés sur leur comportement. Est-ce qu’elle peut permettre un échappement actif face aux prédateurs ? Cela voudrait supposer une capacité de reconnaissance de ces prédateurs, ce que le système nerveux ganglionnaire de la coquille ne permet a priori pas…

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