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L’océan coloré, visible depuis l’espace. ©Université de Nantes - Pierre Gernez, Fourni par l'auteur

Images de science : Quand l’invisible empourpre l’océan

Sur cette image satellite prise le 22 mars 2021, on voit des volutes rouges dans l’océan – ce sont des ciliés, micro-organismes du plancton, qui se sont développés massivement suite à un déséquilibre probable dans leur écosystème. Ces eaux colorées ont aussi été détectées le 23 mars 2021 depuis la plate-forme d’essais du SEM/REV au large du Croisic, et une équipe de l’École centrale de Nantes l’a signalée sur le site web participatif Phenomer.

Ici, le pigment responsable de la coloration rouge est la phycoérythrine, présente chez la plupart des algues rouges, et aussi chez certaines cyanobactéries et certains cryptophytes (des micro-organismes vivants unicellulaires). Dans ce cas, les pigments ont été synthétisés au sein d’une cryptophyte, elle-même consommée par un micro-organisme cilié appelé Mesodinium rubrum, observé en Vendée le 27 mars, puis dans le port des Sables-d’Olonne le 28 mars 2021.

Mesodinium rubrum, un organisme cilié. tmoita, PlanktonNet, Wikipedia, CC BY

Ce fragile petit cilié d’environ 40 micromètres poursuit sa croissance dans les locaux de la « Roscoff Culture Collection », à la Station Biologique de Roscoff. En l’étudiant, nous espérons notamment mieux comprendre la toxicité du dinoflagellé Dinophysis, dont il constitue la proie favorite : Dinophysis est connu pour produire des toxines induisant des symptômes diarrhéiques chez le consommateur de coquillages en cas de contamination au-delà des seuils de sécurité sanitaire, régis par l’état et surveillés par IFREMER.

Le phytoplancton, poumon de notre planète

Les cryptophytes, les ciliés mixotrophes, et les dinoflagellés sont différents exemples de plancton, l’ensemble d’organismes microscopiques unicellulaires dérivant au gré des courants et qui peuplent notamment les eaux marines de surface.

Méconnu, car invisible à l’œil nu, le phytoplancton est pourtant le poumon de notre planète. Grâce à la photosynthèse, il produit plus de la moitié de l’oxygène terrestre et consomme une partie du dioxyde de carbone d’origine naturelle ou anthropique (environ la moitié des émissions reste piégée dans l’atmosphère, le reste étant absorbé par des puits de carbone naturels, comme les océans, les forêts, les tourbières et la toundra).

Le phytoplancton est aussi indispensable à la vie marine, car il constitue la base des chaînes alimentaires océaniques ou « réseaux trophiques », à l’image de Mesodinium rubrum qui nourrit Dinophysis.


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Le projet de sciences participatives Phenomer vise à améliorer les connaissances en observant, photographiant, prélevant et signalant les eaux colorées. Il en résultera une meilleure compréhension de ces phénomènes par les scientifiques à long terme.

L’épisode d’eaux colorées de mars 2021 illustre la synergie des divers moyens d’observation dont nous disposons : quand les conditions météorologiques sont propices, les observations satellites permettent d’obtenir une vision d’ensemble des eaux colorées signalées dans Phenomer, fournissant ainsi un contexte géographique et chronologique plus étendu. En complément, les observations de Phenomer permettent d’obtenir de précieuses informations sur les espèces responsables des eaux colorées, améliorant ainsi le traitement des images satellites réalisé dans le cadre du projet de recherche LASHA (Laboratory to Satellite Experiments for Remote Sensing of Harmful Algae) de l’université de Nantes, financé par le Centre National d’Études Spatiales.

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