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Un ingénieur masculin utilise une imprimante 3D.
Le marché mondial des aliments imprimés en 3D prêts à consommer devrait connaître une croissance spectaculaire, passant de 6,4 millions de dollars en 2019 à 44,5 millions de dollars fin 2026. Flickr/This is Engineering, CC BY-SA

Impression 3D alimentaire : quels sont les principaux défis en matière de déploiement ?

L’impression 3D est une « smart technology » qui peut potentiellement transformer les chaînes d’approvisionnement alimentaires, des producteurs et industriels aux détaillants et clients finaux. Les consommateurs se préoccupent de plus en plus de leurs besoins alimentaires, mettant l’accent sur les ingrédients et la valeur nutritionnelle, ce qui entraîne une demande d’aliments hautement personnalisés.

L’impression 3D peut jouer un rôle central en offrant des aliments conçus avec des ingrédients nutritionnels spécifiques, pour différents segments de population tels que les voyageurs aériens et spatiaux, le personnel militaire posté dans des endroits éloignés, les femmes enceintes, les athlètes ou encore les personnes âgées. On estime que le marché mondial des aliments imprimés en 3D prêts à consommer connaîtra une croissance spectaculaire, passant de 6,4 millions de dollars en 2019 à 44,5 millions de dollars fin 2026.

L’impression 3D alimentaire peut accompagner la transformation numérique des chaînes d’approvisionnement alimentaire en rendant les opérations agiles et en contribuant au développement d’un écosystème commercial en ligne. Par conséquent, la chaîne d’approvisionnement alimentaire peut se connecter partout et à tout moment au système de fabrication et de livraison des aliments.

Cependant, les acteurs de l’industrie de l’impression alimentaire restent préoccupés par un certain nombre de défis qu’ils doivent surmonter pour réaliser une véritable percée sur le marché. Ces obstacles à surmonter concernent en premier lieu la durée de conservation des aliments, les réglementations gouvernementales et la difficulté d’obtenir les ingrédients adaptés.

13 grands défis recensés

Notre équipe de chercheurs basés en France, au Maroc et en Inde, a mené une étude afin d’explorer ces différents défis et analyser leurs interactions. Des entretiens ont été menés avec douze praticiens expérimentés dans le domaine de la transformation des aliments. Ces experts ont tous une formation technico-gestionnaire et une riche expérience de l’industrie agroalimentaire comprise entre 12 et 35 ans, avec une moyenne de 17 ans. Sept des douze experts sont diplômés de filière en transformation et technologie alimentaire d’institutions réputées en Inde. Sur la base des discussions, treize défis, dont nous présentons ici les grandes lignes, ont été identifiés dans divers domaines des chaînes d’approvisionnement.

Défis relatifs aux ingrédients et aux attentes alimentaires

i. Structure des aliments : il semble nécessaire de développer des ingrédients plus fonctionnels entrant dans la structuration d’un produit, et satisfaisant les clients sur les dimensions de saveur, de couleur, de taille et de viscosité. Les paramètres techniques tels que la distance d’impression, la vitesse de l’imprimante et le diamètre de la buse sont également clés.

ii. Conception des aliments : des améliorations sont à apporter dans la conception des aliments. Cela nécessite le développement des compétences humaines associées, appliquées à la fois aux imprimantes et à la cuisine.

iii. Impression multimatériaux : actuellement, très peu d’ingrédients sont compatibles avec l’impression alimentaire. Les matériaux multigrades peuvent pourtant créer des textures compatibles avec les processus de stérilisation requis et offrir plus de choix aux consommateurs.

iv. Coût des consommables : la technologie et les matériaux nécessaires à la 3D sont, pour l’instant, coûteux. La facture des consommables tend à diminuer avec l’augmentation de la demande. L’industrie et les scientifiques de l’alimentation travaillent à réduire le prix des consommables alimentaires imprimés en 3D, et cette tendance accompagnera positivement la progression de ce marché.

v. Durée de conservation des aliments imprimés : les aliments imprimés en 3D ont une durée de conservation limitée. Les entreprises et les chercheurs doivent donc améliorer les propriétés des ingrédients impliqués. L’incitation à améliorer la durée de conservation de ces aliments est très forte, et cela créera une demande massive de produits alimentaires sûrs et denses en nutriments.

Défis liés aux imprimantes

vi. Vitesse de production : la vitesse de fabrication doit être améliorée, en fonction de paramètres spécifiques tels que la taille des buses, la vitesse d’impression, la vitesse de déplacement et la hauteur des couches. Actuellement, cette vitesse de production est lente et la production de masse est, pourtant, un défi central.

vii. Problèmes de prétraitement : il faut une certaine cohérence au stade du prétraitement pour améliorer la qualité de sortie du produit imprimé, comme la texture, les couches de voxels et l’aspect. Les étapes de prétraitement comprennent des décisions sur l’utilisation d’un fichier CAO approprié, le contrôle de la température et l’utilisation d’ingrédients de prétraitement.

viii. Défis du post-traitement : le post-traitement comprend, lui, les processus de cuisson, de friture et de nettoyage qui, s’ils ne sont pas effectués correctement, peuvent déformer les aliments imprimés. Il s’agit d’une phase critique qui garantit que les formes des aliments imprimés en 3D sont préservées jusqu’à leur arrivée sur la table des consommateurs.

ix. Coût élevé des imprimantes : La demande croissante d’aliments et de produits imprimés en 3D peut être satisfaite en installant davantage d’imprimantes dans les restaurants, les hôtels, les magasins d’alimentation, etc. Actuellement, le coût des imprimantes est élevé, ce qui rend incertaine la demande future massive d’aliments imprimés en 3D.

Défis propres à l’écosystème

x. Droits d’auteur : il y a actuellement un manque de règles et de directives spécifiques sur le droit d’auteur des aliments « imprimés ». En outre, la disponibilité limitée des ingrédients, les réglementations en matière de protection des aliments et les défis liés au post-traitement rendent le processus de certification plus difficile.

xi. Sécurité et contamination : Les normes de sécurité alimentaire et de prévention des contaminations sont une préoccupation cruciale. Chaque partie prenante d’une chaîne d’approvisionnement alimentaire doit avoir la capacité adéquate d’assurer la traçabilité des aliments, le partage sans contact, et les systèmes de partage d’informations en temps réel pour adhérer à des normes strictes de qualité alimentaire et éviter les contaminations. La filière 3D n’échappe bien entendu pas à ces obligations.

xii. Pénurie de main-d’œuvre qualifiée : il faut créer les conditions d’émergence d’une main-d’œuvre qualifiée et des personnes expérimentées qui peuvent améliorer les performances des entreprises et de la chaîne d’approvisionnement. Comme évoqué précédemment, cette main-d’œuvre doit posséder des connaissances techniques et alimentaires.

xiii. Ordonnances et directives : les techniques d’assurance qualité, de validation et d’inspection adoptées par de nombreuses entreprises de cette filière sont cruciales pour les articles qu’elles produisent. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) notamment doit élaborer des directives concernant l’impression 3D alimentaire.

Comprendre les interactions entre ces défis

Une analyse plus poussée de ces défis a été réalisée à l’aide de la technique DEMATEL pour savoir comment ces obstacles interagissent entre eux. La structure de l’aliment, sa conception, la vitesse de production, l’impression multimatériaux et les défis du prétraitement ont été identifiés comme des « défis primaires » menant à d’autres problématiques. Ces « défis secondaires » comprennent les questions de droits d’auteur, la sécurité et la contamination, le post-traitement, le coût de l’imprimante, le coût des consommables, la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée, la durée de conservation de l’aliment imprimé, l’ordonnance et les directives.

Plus précisément, la réalisation d’une bonne « structure alimentaire » a influencé presque tous les autres défis. Il a été mis en lumière que le coût des consommables et la non-disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée limitaient la durée de conservation des aliments imprimés. Les discussions ont enfin révélé qu’il était nécessaire de se concentrer sur les « défis primaires » car les surmonter aidera considérablement à résoudre les « défis secondaires » à moindre effort.

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