tag:theconversation.com,2011:/institutions/burgundy-school-of-business-2355/articlesBurgundy School of Business 2024-02-27T16:11:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2240252024-02-27T16:11:50Z2024-02-27T16:11:50ZLa gestion agroécologique des mauvaises herbes, un levier pour l’agriculture durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576803/original/file-20240220-16-uaxpth.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C6%2C1064%2C758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les herbicides représentent actuellement 54&nbsp;% de la consommation totale de pesticides en Europe.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/nature-paysages/champ-fr/mauvaises-herbes-plante-champ">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les herbicides, dont la consommation – en hausse – devrait atteindre environ <a href="https://www.statista.com/statistics/1403196/global-agricultural-use-of-herbicides-forecast/">2,4 millions de tonnes en 2027</a> dans le monde, représentent actuellement <a href="https://www.statista.com/topics/11803/pesticides-in-europe/">54 % de la consommation totale de pesticides en Europe</a>. Or, la stratégie « <a href="https://food.ec.europa.eu/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en">Farm to Fork</a> », promue au niveau de l’Union européenne (UE) inclut la réduction de l’utilisation des herbicides parmi ses objectifs politiques clés.</p>
<p>Les herbicides peuvent entraîner l’appauvrissement de la biodiversité et en <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/14-1605.1">nuisant aux plantes non ciblées</a>, cruciales pour l’équilibre de divers écosystèmes. La persistance de certains herbicides dans l’environnement peut contribuer à des dommages écologiques à long terme et présenter des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/weed-science/article/abs/seedbank-and-field-emergence-of-weeds-in-glyphosateresistant-cropping-systems-in-the-united-states/8814FD777D92DF0E026BDD6DE79874C4">risques pour la faune</a>.</p>
<p>De plus, leur utilisation entraîne des effets néfastes sur la santé humaine via des résidus dans les aliments et l’eau, <a href="https://www.mdpi.com/1422-0067/23/9/4605">pouvant causer des problèmes allant de réactions allergiques à des problèmes de santé plus graves</a>.</p>
<p>Comment faire pour réduire cette consommation de produits néfastes ? La gestion agroécologique des mauvaises herbes (AWM pour « agroecological weed management ») peut ici constituer ici une réponse. Il s’agit d’une approche qui concentre diverses pratiques agricoles pour lutter efficacement contre les mauvaises herbes en limitant l’usage des herbicides.</p>
<p>Par exemple : le pâturage, le contrôle automatisé des mauvaises herbes, les couverts (qui bénéficient au sol plutôt qu’à la récolte) ou encore la rotation des cultures (l’alternance de différentes cultures dans un champ pour perturber le cycle de croissance des mauvaises herbes).</p>
<p>Le résultat de ces techniques n’est pas seulement une meilleure gestion des mauvaises herbes, mais aussi une amélioration de la durabilité, de la biodiversité et de la santé des sols.</p>
<h2>La force de l’habitude</h2>
<p>Comment expliquer, dès lors, que les agriculteurs restent fortement tributaires des herbicides ? L’explication réside ici notamment dans la force des habitudes. C’est ce dont il ressort d’une étude récente menée dans le cadre du projet européen <a href="https://www.goodhorizon.eu/">GOOD</a>. Comme le montre la recherche en sciences comportementales, l’aversion au risque conduit les agriculteurs à <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15258-0_4">craindre des pertes</a> en cas de changement de pratiques. Ce biais, non seulement maintiendrait leur utilisation des herbicides, mais les conduirait aussi à en « surconsommer » 25 % en plus que nécessaire en moyenne !</p>
<p>Une étude récente menée dans le cadre du projet européen <a href="https://www.goodhorizon.eu/">GOOD</a> montre cependant que le terrain est propice à un changement d’habitude. S’inspirant de la « théorie du comportement planifié », qui a été appliquée dans de nombreux domaines (y compris le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2023.2210815">comportement de consommation du vin</a>), ce travail par questionnaire a impliqué 330 agriculteurs dans 8 pays (Portugal, Grèce, Chypre, Italie, Espagne, Pays-Bas, Serbie et Lettonie).</p>
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<p>Il en ressort en effet que les agriculteurs connaissent les pratiques de l’AWM et sont prêts à les adopter, ce qui témoigne d’une reconnaissance croissante des avantages et de la durabilité. Un autre résultat significatif de l’enquête révèle la tendance progressive des agriculteurs à réduire l’utilisation d’herbicides, avec 63 % de l’échantillon déclarant leur intention de réduire cet usage à court terme (figure 1).</p>
<p><iframe id="h7V5L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/h7V5L/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’enquête met également en lumière les avantages perçus qui motivent l’adoption de l’AWM (figure 2). Les agriculteurs reconnaissent généralement le potentiel de ces pratiques pour l’amélioration de la qualité des sols. Ils sont convaincus que les herbicides représentent un problème critique de nos jours et que l’adoption de ces pratiques est une étape fondamentale pour garantir la sécurité alimentaire.</p>
<p><iframe id="1RYX6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1RYX6/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois, un grand nombre d’exploitants estiment que d’autres agriculteurs continueront à utiliser des herbicides sans adopter les pratiques de l’AWM (figure 3).</p>
<p><iframe id="Yv5V9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Yv5V9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En effet, des obstacles perçus à l’adoption de l’AWM demeurent. En premier lieu, les agriculteurs admettent leurs difficultés à modifier leurs habitudes (figure 4). Ils estiment que, si la compréhension des pratiques de l’AWM reste relativement facile, la mise en œuvre s’avère plus compliquée, notamment en raison du manque de main-d’œuvre.</p>
<p><iframe id="JLP1C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JLP1C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans l’ensemble, l’avenir du secteur agricole semble néanmoins de plus en plus orienté vers des pratiques agricoles réduisant l’utilisation d’herbicides. Le développement d’un réseau de gestion agroécologique des mauvaises herbes pourrait ainsi fournir des lignes directrices pour une gestion durable de celles-ci, déployant des pratiques agricoles plus résilientes et plus respectueuses de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un projet de recherche montre que les freins à l’adoption de techniques agricoles moins gourmandes en herbicides sont notamment psychologiques.Lara Agnoli, Associate professor, Burgundy School of Business Efi Vasileiou, Assistant professor at the Economics and Social Science Department, Burgundy School of Business Nikos Georgantzis, Professor, Director of the Wine and Spirits Business Lab, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202982023-12-21T17:37:19Z2023-12-21T17:37:19ZMiss France, ambassadrice des maths auprès des filles ?<p>À une semaine d’intervalle, on a (encore) beaucoup parlé de mathématiques en France. C’est d’abord la communication des résultats de la fameuse <a href="https://theconversation.com/enquete-pisa-derriere-la-baisse-de-niveau-une-hausse-des-inegalites-scolaires-219242">enquête PISA</a>, qui a soulevé des inquiétudes quant au niveau des élèves français dans cette matière. Puis, l’élection de Miss France a mis la filière universitaire en lumière, la lauréate du concours se trouvant être cette année une étudiante en mathématiques appliquées.</p>
<p>Une Miss France étudiante en mathématiques pourrait-elle être un modèle pour les jeunes filles et les inviter à investir un domaine d’études qu’elles <a href="https://smf.emath.fr/sites/default/files/2022-10/22_10_4_FillesSciencesLycee_PourDiffusion.pdf">désertent actuellement massivement</a> ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>C’est une hypothèse qu’il serait tentant de formuler dans la mesure où des « role models » peuvent susciter des vocations et où les rencontres entre professionnelles et lycéennes peuvent <a href="https://theconversation.com/choisir-une-filiere-scientifique-limportance-des-role-models-pour-les-lyceennes-198908">lever les freins à certaines orientations scolaires</a>. Mais il faut tenir compte d’un phénomène bien connu en économie comportementale, l’« effet de dilution ».</p>
<h2>Étudiantes et « role models »</h2>
<p>Eve Gilles n’est pas la première Miss France mathématicienne. En 1962, Muguette Fabris avait déjà emporté le titre alors qu’elle était diplômée de mathématiques. Et beaucoup de candidates au titre de Miss France font, ou ont fait, de longes études, parfois scientifiques. Pourtant, ni en 1962, ni depuis, leur présence sur les podiums n’a eu un effet de « role model », incitant les jeunes filles à suivre leur chemin et de faire des études scientifiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">Pourquoi les filles ont délaissé l’informatique</a>
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<p>Un « role model » est une personne qui a particulièrement bien réussi dans un domaine où le groupe auquel elle appartient est réputé avoir moins de succès. De nombreuses études montrent qu’un role model, c’est-à-dire un membre qui va à l’encontre des stéréotypes de son groupe social, peut représenter une figure inspirante. D’autres peuvent vouloir <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/01461672022812004">reproduire ou imiter</a> ses qualités ou ses accomplissements.</p>
<p>C’est là qu’intervient ce qu’on appelle l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bse.2280">effet de dilution</a> : il a été prouvé en <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-02840-002">sciences comportementales</a> que les individus ont tendance à croire instinctivement qu’une chose qui remplit une seule fonction est meilleure qu’une autre remplissant la même fonction, plus des fonctions supplémentaires (par exemple, un produit qui nettoie et qui est respectueux de l’environnement).</p>
<p>En d’autres termes, le cumul d’objectifs est susceptible de réduire ou de diluer l’efficacité perçue pour atteindre chaque objectif, ce qui réduit la probabilité que ce pour quoi l’objet en question a été conçu en premier lieu soit perçu comme un usage efficace.</p>
<p>Il en va ainsi avec les objets, mais le même principe s’applique aux personnes : une candidate qui participe à Miss France, dont l’attribut principal de sélection est la beauté, sera considérée comme moins belle si, en plus d’être belle, elle est aussi… intelligente. D’ailleurs, la nouvelle Miss s’est heurtée à une vague de critiques sur les réseaux sociaux.</p>
<h2>Des biais cognitifs à prendre en compte</h2>
<p>En théorie marketing, les personnes qui votent pour élire Miss France font des choix qui correspondent à des préférences, sur la base des informations disponibles. Le fait qu’une candidate soit sélectionnée en finale du concours valide son attribut « beauté » d’une candidate. Voilà qui résout principalement un problème d’asymétrie de l’information : l’attribut de croyance (je crois qu’une fille pourrait être belle, mais je ne suis pas sûr de la norme de beauté en vigueur, de ce que pensent les autres) devient un <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/259630">attribut de recherche</a>, en réduisant l’incertitude (je suis certain que cette candidate est belle par rapport à une norme sociale, et il s’agit désormais de choisir la plus belle).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tfht2Piljo8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Pour moi, il y a aussi un problème dans l’appréhension des mats », Eve Gilles (décembre 2023, TF1).</span></figcaption>
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<p>Par conséquent, il est intuitivement convaincant d’informer les électeurs de l’existence d’un autre attribut de la candidate en question, en particulier si cet attribut n’affecte pas objectivement la dimension « beauté » : le fait qu’elle ait fait des études, par exemple, n’est pas censé à lui enlever de son capital beauté. Il devrait même lui être profitable. Cependant, dans la pratique, les choses sont plus compliquées, car les individus, de manière erronée, perçoivent que la dimension beauté a pu être détériorée en raison des études… du fait de l’orthogonalité et donc de la dissonance de ces deux attributs.</p>
<p>Il y a deux raisons à cette divergence : premièrement, le modèle de <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/28/4/618/1785512">dilution des objectifs</a> suggère que, lorsque plusieurs objectifs sont poursuivis avec un seul moyen, les individus les perçoivent comme étant <a href="https://psycnet.apa.org/record/2007-02840-002">moins efficacement atteints que lorsque les objectifs poursuivis individuellement</a>.</p>
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<p>Deuxièmement, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1509/jmkr.38.3.349.18865">l’heuristique du jeu à somme nulle</a> suggère que les individus pensent que l’augmentation de la qualité sur une dimension du produit est automatiquement compensée par une diminution de la qualité sur d’autres dimensions : si en plus d’être belle, on est aussi intelligente, c’est aux frais de moins de beauté, comme si la somme entre intelligence et beauté devait rester constante et donc, pour être intelligente, il fallait renoncer à un peu de beauté.</p>
<p>Le biais de la somme nulle correspond à la tendance à juger intuitivement une situation comme étant à somme nulle : les ressources investies dans une dimension seraient automatiquement compensées par une perte équivalente de ressources investies dans d’autres dimensions, même si la situation objective est en réalité à somme non nulle.</p>
<h2>Parler de sport plutôt que de maths ?</h2>
<p>Il semble donc inefficace de continuer de parler des études qu’ont pu faire les Miss. Ceci n’aura pas l’effet escompté à long terme et, à court terme, confortera la perception d’une Miss moins jolie.</p>
<p>Cependant, il y a bien un attribut que la plupart des candidates au concours de Miss France ont, et dont on n’en parle pas assez : un attribut consonant, qui va de pair avec la beauté. C’est la <a href="https://www.elle.fr/Minceur/News/Sport-et-forme/Les-Miss-France-raffolent-du-sport-ces-cliches-vont-vous-motiver">pratique de sports</a>.</p>
<p>De manière contre-intuitive, parler de sport pourrait pousser plus de jeunes filles… à faire de maths ! Pourquoi ? Il est <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00181-009-0304-8">établi</a> que les sportifs bénéficient d’une « prime sportive » sous forme de salaires et d’avantages sociaux plus élevés, d’une meilleure employabilité et d’une durée de chômage plus courte.</p>
<p>Les sportifs sont plus susceptibles d’être rémunérés en fonction de leurs performances, ce qui <a href="https://www.econstor.eu/handle/10419/106997">réduit l’écart salarial entre les hommes et les femmes</a>. Les traits psychologiques des sportifs pourraient également correspondre à ceux qui déterminent l’intention et la réussite entrepreneuriales.</p>
<p>Tout cela a d’importantes implications pour la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19406940.2017.1359648">politique de l’enseignement supérieur</a>. La pratique du sport a une influence causale sur le succès dans les compétitions (comme celle de Miss France, mais aussi dans la vie en général) et ceci plaide en faveur de son renforcement dans l’éducation de tous les jeunes. L’augmentation de la compétitivité par le biais de la participation sportive semble être une voie possible pour combler <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/15270025221108189">l’écart de compétitivité entre les hommes et les femmes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noémie Bobin a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), dans le cadre du projet AAPG - CE26 SPORT, sous la direction de Marc Willinger (Université de Montpellier). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Angela Sutan et Sylvain Max ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Miss France 2024 est étudiante en maths. Pourrait-elle devenir un modèle pour des collégiennes et des lycéennes qui se détournent souvent des filières scientifiques ?Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Noémie Bobin, Doctorante en Economie Comportementale et Expérimentale, Université de MontpellierSylvain Max, Social Psychologist, Associate Professor, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161052023-12-17T15:34:32Z2023-12-17T15:34:32ZLe silence, un outil de performance managériale sous-estimé<p>Les managers travaillent évidemment avec des mots… mais peuvent-ils travailler avec le silence ? Lorsqu’il était président-directeur général (PDG) d’Amazon, Jeff Bezos avait supprimé les présentations PowerPoint des réunions et avait introduit 30 minutes de silence <a href="https://www.cnbc.com/2019/10/14/jeff-bezos-this-is-the-smartest-thing-we-ever-did-at-amazon.html">au début de chaque réunion</a>. Il a qualifié ce changement radical de « chose la plus intelligente que nous n’ayons jamais faite » au sein du géant de la distribution en ligne. De manière similaire, Diane Greene, ex-PDG de Google Cloud, explique que « les <a href="https://hbr.org/2017/03/bursting-the-ceo-bubble">moments calmes sont essentiels</a> pour penser clairement et augmenter les chances de poser les bonnes questions ».</p>
<p>Ces propos peuvent sembler surprenants dans nos quotidiens suractifs, parce que le calme est souvent négligé dans les environnements de travail. En 2022, plus de <a href="https://www.sante-auditive-autravail.org/pdf/enquete-Ifop-JNA-SSAT-2022.pdf">50 % des actifs</a> se disaient ainsi gênés par le bruit au travail, un chiffre qui n’a que peu évolué ces dernières années.</p>
<p><iframe id="xP7a9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/xP7a9/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pourtant, le silence peut constituer un formidable vecteur de performances…</p>
<h2>90 minutes perdues par jour</h2>
<p>Alors que d’autres types de silence, comme la communication non verbale ou la rétention d’information, ont été largement étudiés en management, nous nous intéressons à l’environnement de travail et à la pratique intentionnelle du silence par les individus, les groupes et les organisations. Ces situations ont fait l’objet de très peu de recherches. À l’inverse, des études montrent sans ambiguïté les pertes considérables de temps liées au bruit et à l’absence de tranquillité sur le lieu de travail (<a href="https://hbr.org/2015/03/stop-noise-from-ruining-your-open-office">près de 90 minutes par jour et par employé</a>).</p>
<p>Ollie Campbell, PDG et co-fondateur de Milanote, une entreprise australienne de développement d’applications, a par exemple estimé que l’introduction de moments de calme <a href="https://medium.com/@oliebol/quiet-time-969ccc3416f8">a augmenté la productivité de l’entreprise de 23 %</a>. Une étude portant sur le fait de motiver les autres a en outre démontré que le fait de se taire et d’être silencieux pouvait être <a href="https://www.jmir.org/2013/6/e104/">nettement plus efficace que des mots d’encouragement</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-limiter-la-pollution-sonore-au-bureau-197165">Comment limiter la pollution sonore au bureau ?</a>
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<p>Comme les temps perdus par le bruit sont peu quantifiables, ils restent cependant négligés et constituent des coûts cachés : ils impactent pourtant significativement les performances individuelle et organisationnelle, auxquelles il faut ajouter leurs effets potentiels sur les problématiques majeures que sont l’absentéisme, la qualité de vie au travail ou la santé des collaborateurs.</p>
<p>La question du silence dans les environnements de travail apparaît donc très pertinente. Celui-ci peut procurer un certain nombre de bénéfices indirects, à commencer par un renforcement du potentiel d’attractivité et de fidélisation pour les collaborateurs. Combien d’employés dont on attend une production sont – très paradoxalement ! – mis dans des situations bruyantes rendant difficiles leur concentration, leur attention et leur capacité d’analyse, altérant donc leur productivité ?</p>
<h2>Organiser le silence</h2>
<p>Certes, apprivoiser le silence en entreprise n’est pas chose aisée. Pour démarrer un tel processus où la place du silence est reconnue et valorisée, nous proposons aux managers, sur la base de notre <a href="https://hal.inrae.fr/hal-04251781">étude</a> dans la revue <em>Industrial & Organizational Psychology</em>, les deux recommandations suivantes.</p>
<p>Tout d’abord, accorder de la valeur au silence en <strong>prévoyant explicitement des moments et des espaces de silence</strong> dans l’espace de travail : la configuration des locaux peut consacrer des espaces dédiés au silence, où le bruit n’a pas sa place. De même, des périodes silencieuses peuvent être placées en début de réunion, à l’instar de la méthode de Jeff Bezos, ou insérées en cours de discussion.</p>
<p>Il s’agit ensuite de s’accorder – et accorder – des <strong>moments de déconnexion totale dans la nature</strong>,** **<a href="https://hbr.org/2017/03/the-busier-you-are-the-more-you-need-quiet-time">voire des retraites silencieuses</a>. A priori, cela peut sembler surprenant, mais les effets de ces moments sont puissants, comme le fait de renouveler son stock d’énergie, de procéder à un « rangement » intérieur ou d’être plus à l’écoute des autres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"825035424829685763"}"></div></p>
<p>Sally Blount, doyenne de la Kellogg School of Management aux États-Unis, <a href="https://www.linkedin.com/pulse/burnt-out-work-consider-silent-retreat-sally-blount">conseille même</a> :</p>
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<p>« La prochaine fois que vous vous sentirez coincé au travail avec un problème difficile à résoudre, une dynamique d’équipe compliquée ou que vous vous sentirez simplement épuisé – au lieu d’embaucher un consultant, d’aller à un séminaire ou de tweeter à ce sujet – envisagez de partir pour deux à trois jours de silence. »</p>
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<p>Même si les effets restent essentiellement indirects et difficilement quantifiables, le silence mériterait une bien meilleure considération de la part des managers et des organisations. Cette question pourrait par exemple s’insérer dans les négociations employeurs-employés sur les modalités de télétravail, la productivité, la santé/qualité de vie au travail. L’objectif n’est pas de transformer les organisations en cathédrales ni de proposer des mesures qui seraient efficaces partout et toujours. Simplement d’ouvrir une perspective qui semble receler, dans de nombreux contextes, un formidable potentiel d’opportunités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour organiser le calme au calme au travail, un travail de recherche préconise d’aménager des espaces et des plages horaires spécifiques mais aussi de partir parfois en retraite en pleine nature.Alexandre Asselineau, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Gilles Grolleau, Professor, ESSCA School of ManagementNaoufel Mzoughi, Chargé de recherches en économie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166642023-11-02T20:57:59Z2023-11-02T20:57:59ZSport féminin : les médias sociaux ont-ils réussi là où les médias traditionnels ont échoué ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556605/original/file-20231030-19-owtjmy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C19%2C1115%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Serena Williams, l’une des sportives américaines les plus présentes sur les réseaux sociaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bosstweed/9666265544">Boss Tweed/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les médias sociaux (terme qui désigne les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> comme Facebook ou Instagram, mais aussi les sites de partage de contenus, les blogs ou les forums) ont ouvert de nouvelles voies aux athlètes féminines, qui peuvent désormais non seulement montrer leurs prouesses athlétiques, mais aussi façonner leur <a href="https://theconversation.com/pourquoi-creer-son-image-de-marque-personnelle-110164">« marque personnelle »</a> (<em>personal branding</em>).</p>
<p>Par exemple, la superstar du tennis Serena Williams, retraitée des courts depuis octobre 2022, n’est pas seulement connue pour ses talents de joueuse mais aussi pour sa forte présence sur les médias sociaux. L’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem utilise des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> telles qu’Instagram et Twitter pour partager son parcours de mère, ses projets de mode et son plaidoyer en faveur de <a href="https://www.marca.com/en/tennis/us-open/2022/09/02/63117a05e2704e4e188b4579.html">l’égalité des sexes dans le sport</a>. La joueuse a ainsi été une figure de proue dans la lutte pour les droits des femmes dans le tennis, et sa présence sur les médias sociaux lui a permis d’étendre son influence au-delà du court.</p>
<p>Un autre exemple est celui de Megan Rapinoe, membre de l’équipe nationale féminine de football des États-Unis, qui a été reconnue non seulement pour ses talents de footballeuse, mais aussi pour son activisme social et politique. La joueuse utilise notamment les médias sociaux pour s’exprimer sur des questions telles que l’égalité des sexes, les droits des personnes <a href="https://olympics.com/en/news/megan-rapinoe-lgbtq-community-inspiration">LGBTQI+</a> et la justice raciale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1654567971337977856"}"></div></p>
<p>Le troisième cas est celui de Simone Biles, une sensation de la gymnastique, qui s’est emparée des médias sociaux pour inspirer ses adeptes et se rapprocher d’eux. La gymnaste américaine partage ses routines, ses séances d’entraînement et ses moments personnels. Elle s’exprime également sur des questions telles que la <a href="https://www.turnbridge.com/news-events/latest-articles/simone-biles-mental-health/">santé mentale</a>, l’autonomisation des jeunes filles et la positivité du corps.</p>
<h2>Le sport féminin sous-représenté dans les médias traditionnels</h2>
<p>Mais qu’est-ce qui pousse les consommateurs à suivre ces athlètes féminines sur les plates-formes ? Nous avons publié une <a href="https://cgscholar.com/bookstore/works/instagram-users-motives-of-social-media-engagement-with-female-athletes?category_id=cgrn&path=cgrn%2F282%2F287">étude</a> sur ces motivations, qui révèle également comment ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> s’emparent de ces outils pour s’émanciper du traitement historiquement réservé au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sport-feminin-113654">sport féminin</a>.</p>
<p>L’idée est que, tout au long de l’histoire, les athlètes féminines ont souvent été <a href="https://www.thenation.com/article/archive/slide-show-6-ways-media-represents-female-athletes/">jugées davantage pour leur apparence</a> que pour leurs compétences athlétiques dans les médias grand public. Cette focalisation erronée a créé une <a href="https://www.sportanddev.org/latest/news/15-rules-sports-media-representation-female-athletes">pression supplémentaire</a> pour les athlètes féminines, souvent au détriment de leurs véritables capacités et de leur potentiel. Cette situation a longtemps entretenu un <a href="https://rm.coe.int/bis-factsheet-gender-equality-sport-media-en/1680714b8f">manque persistant d’égalité</a> entre les hommes et les femmes dans le sport.</p>
<p>En fait, les sports féminins ont été globalement <a href="https://insider.fitt.co/changing-the-game-a-new-era-in-womens-sports/">mis à l’écart</a>, confrontés à des problèmes de sous-représentation ou de sous-financement par rapport aux sports masculins. Mais les médias sociaux contribuent désormais à changer la donne. Les athlètes féminines disposent en effet des outils nécessaires pour développer leurs propres récits, définir leur identité et amplifier leur voix.</p>
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<p>En créant du contenu et en interagissant avec les fans, ces athlètes ne sont donc plus seulement reconnues pour leurs prouesses sur le terrain : elles encouragent <a href="https://www.heraldsun.com.au/sport/womens-sport/insight/social-media-posts-pay-up-to-50k-each-for-australian-athletes-who-tops-the-rich-list/news-story/711551b4917ebd64473fb0a15b279079">l’esprit d’entreprise</a>, le sens de la communauté et l’autonomisation de leurs <em>followers</em>.</p>
<p>Par exemple, Olivia Dunne, gymnaste de l’université d’État de Louisiane, influenceuse et mannequin pour le magazine Sports Illustrated, a lancé le Livvy Fund en juillet 2023 pour aider les athlètes féminines de son université à obtenir des contrats de <a href="https://deadline.com/2023/07/lsu-gymnast-and-influencer-olivia-dunne-sets-fund-to-promote-lsu-women-college-athletes-1235432481/">nom, d’image et de licence (NIL)</a>. Dunne, considérée comme l’une des athlètes féminines les mieux payées en raison de ses gains considérables sur les médias sociaux, cherche ainsi à partager ses connaissances du secteur et ses relations avec d’autres étudiantes-athlètes et à élever le sport féminin dans le processus.</p>
<p><div data-react-class="TiktokEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.tiktok.com/@livvy/video/7278801190639537454 ?lang=fr"}"></div></p>
<p>Alors que les médias traditionnels n’ont pas réussi à capturer la véritable essence des athlètes féminines, les médias sociaux ont semble-t-il été en mesure d’ouvrir la voie à cet égard. Les consommateurs se sont ainsi détournés de la tendance des médias traditionnels à se focaliser sur l’apparence des athlètes féminines plutôt que sur leurs exploits sportifs.</p>
<h2>Au-delà des performances sportives</h2>
<p>En effet, les médias sociaux ont pu développer de nouveaux types de liens entre les consommateurs et leurs idoles.</p>
<p>D’abord, <strong>l’inspiration et l’autonomisation</strong> (<em>empowerment</em>) : de nombreuses personnes, en particulier les jeunes filles, considèrent les athlètes féminines comme des figures d’inspiration. Elles admirent le dévouement, le travail acharné et la persévérance dont ces athlètes font preuve dans leur carrière sportive. Les athlètes féminines utilisent les médias sociaux pour partager leurs histoires personnelles, leurs luttes et leurs réussites, ce qui constitue une source de motivation et d’encouragement pour ceux qui les suivent.</p>
<p>De même, de nombreuses athlètes féminines représentent des groupes sous-représentés dans le monde du sport, tels que les femmes, les personnes de couleur et la communauté LGBTQI+. Les fans sont attirés par ces athlètes parce qu’elles incarnent l’esprit d’autonomisation et de dépassement des barrières. Les fans peuvent s’identifier à leur parcours et éprouver un sentiment de fierté à soutenir des athlètes qui remettent en cause le statu quo.</p>
<p>Les <em>followers</em> apprécient également <strong>l’authenticité et les liens créés par le biais du divertissement</strong> : les médias sociaux offrent en effet une ligne de communication directe entre les athlètes et leurs fans. Les athlètes féminines utilisent ces plates-formes pour donner à leurs fans un aperçu des coulisses de leur vie, de leurs routines d’entraînement et des défis quotidiens auxquels elles sont confrontées. Cette authenticité aide les fans à se connecter à un niveau plus personnel, ce qui rend les athlètes accessibles.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, le divertissement peut également provenir de l’esprit de communauté créé par les athlètes sur les médias sociaux. Les fans se divertissent en se connectant avec des personnes partageant les mêmes idées et en partageant leur enthousiasme pour les athlètes et les sports qu’ils aiment.</p>
<p>Enfin, <strong>le militantisme par le biais de la popularité</strong> constitue un dernier levier d’engagement des utilisateurs de médias sociaux : les athlètes féminines tirent souvent parti de leur notoriété pour défendre des causes sociales et politiques importantes. Cela permet non seulement de sensibiliser les gens, mais aussi de les encourager à les suivre pour qu’ils relayent à leur tour les messages.</p>
<p>Ce faisant, les athlètes féminines, autrefois peu appréciées, transforment aujourd’hui le paysage sportif, inspirent une nouvelle génération, défendent une culture d’égalité et de respect. Leurs activités en ligne ont un impact positif sur le développement de jeunes talents dans une variété de sports.</p>
<p>De cette manière, ces sportives brisent les barrières, créent une image accessible et alignent leur marque sur des causes sociales et politiques importantes, attirant ainsi des supporters qui partagent leurs valeurs et leurs croyances. En ce sens, ils établissent une marque personnelle polyvalente et durable qui va au-delà de leurs performances sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis quelques années, les athlètes de haut niveau s’emparent des plates-formes comme Instagram ou TikTok pour changer la perception du public sur l’image traditionnellement véhiculée.Helmi Issa, Professeur assistant, Burgundy School of Business Roy Dakroub, UX Research Manager - Sports Research Lead at EPAM Systems, Adjunct Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160272023-10-22T15:07:33Z2023-10-22T15:07:33ZMode, beauté, « effet rouge à lèvres » : ces comportements de consommation qui ont changé depuis le Covid<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554768/original/file-20231019-29-y0la2x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5599%2C3741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En période de crise, les ventes de produits cosmétiques ont tendance à augmenter, un phénomène désigné comme un «&nbsp;effet rouge à lèvres&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/poudres-pulverisees-et-rouges-a-levres-de-couleurs-assorties-1377034/">Dan Cristian Pădureț / Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie mondiale liée au <a href="https://theconversation.com/topics/coronavirus-81702">coronavirus</a> a, comme pour bien d’autres secteurs, eu un impact considérable sur <a href="https://www.businessoffashion.com/reports/news-analysis/the-state-of-fashion-2022-industry-report-bof-mckinsey/">l’ensemble du monde de la mode</a>, modifiant le comportement des consommateurs, perturbant les chaînes d’approvisionnement et affectant les principales entreprises du secteur.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/topics/crises-55191">période de difficultés économiques</a>, il a plusieurs fois par le passé suivi une dynamique assez atypique que les chercheurs ont nommée <a href="https://www.forbes.com/sites/pamdanziger/2022/06/01/with-inflation-rising-the-lipstick-effect-kicks-in-and-lipstick-sales-rise/">« effet rouge à lèvres »</a>. Une augmentation des ventes de <a href="https://theconversation.com/topics/cosmetiques-20977">cosmétiques</a> et de maquillage chez les femmes a en effet été observée lors de <a href="https://www.theguardian.com/business/2008/dec/22/recession-cosmetics-lipstick">crises</a> telles que la Grande Récession de 2007-2009 et même la Grande Dépression des années 1930.</p>
<p>Daniel MacDonald et Yasemin Dildar, chercheurs à l’Université de Californie, ont proposé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214804319304884?via%3Dihub">trois hypothèses</a> explicatives. La première est psychologique : les femmes achèteraient plus de maquillage simplement parce qu’elles veulent se faire plaisir au milieu des difficultés. Une autre est de nature anthropologique : les femmes achètent plus de maquillage pour mieux attirer des partenaires. La dernière fait appel à des considérations touchant au marché de l’emploi : acheter plus de maquillage serait une stratégie pour augmenter ses chances d’être (meilleures) employées.</p>
<p>Qu’en a-t-il été en période de pandémie ? Selon un <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/McKinsey/Industries/Consumer%20Packaged%20Goods/Our%20Insights/How%20COVID%2019%20is%20changing%20the%20world%20of%20beauty/How-Covid-19-is-changing-the-world-of-beauty-vF.pdf">rapport</a> du cabinet de conseil, McKinsey, on a pu relever, en France la semaine du 16 mars 2020, celle du premier confinement, une augmentation de <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/McKinsey/Industries/Consumer%20Packaged%20Goods/Our%20Insights/How%20COVID%2019%20is%20changing%20the%20world%20of%20beauty/How-Covid-19-is-changing-the-world-of-beauty-vF.pdf">jusque 800 %</a> des ventes de savons de luxe par comparaison avec la même semaine en 2019. Il semble néanmoins difficile ici de distinguer ce qui relèverait des conséquences d’une promotion soudaine des gestes barrières d’un effet rouge à lèvres.</p>
<p>Au cours du mois d’avril toutefois, Zalando, leader électronique du secteur en Europe, a fait état d’un boom dans les catégories de produits de beauté pour le bien-être et les soins personnels ; les ventes de produits de soins pour la peau, les ongles et les cheveux ont augmenté de 300 % d’une année sur l’autre. Les ventes de produit de maquillage, effet du télétravail sans doute, s’orientaient, elles à la baisse. Les mêmes tendances ont été observées chez Amazon.</p>
<p>Nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14707853231201856">travaux</a> se sont ainsi donnés pour objectif de creuser cet effet rouge à lèvres d’un genre nouveau.</p>
<h2>Changements des comportements du consommateur</h2>
<p>Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969698920309814?via%3Dihub">recherches</a> ont mis en évidence un changement du comportement des consommateurs pendant la crise Covid. Ont été par exemple soulignés, des achats impulsifs ou hédoniques, un rejet des achats en magasin, une modification des dépenses discrétionnaires ou un intérêt croissant pour la façon dont les marques traitent leurs employés. À notre connaissance néanmoins, une seule <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0887302X211014973">étude</a> a exploré l’évolution des habitudes de consommation dans le secteur de la beauté, et plus précisément des vêtements, au moment de la pandémie de Covid.</p>
<p>Ses auteurs ont étudié 68 511 tweets collectés entre janvier 2020 et septembre 2020, révélant divers éléments. Les internautes parlent de problèmes de sécurité (expédition depuis la Chine, virus sur les vêtements, vêtements de protection, désinfection des vêtements), de perturbations de la consommation (préoccupations concernant les services de revente et de location, inquiétudes concernant l’achat de vêtements spéciaux, inquiétudes concernant les achats en magasin, inquiétudes concernant l’expédition), demandes refoulées (arrêt ou report des achats, désir de soldes). Ils évoquent aussi une transition de la consommation (prise de poids et « rétrécissement des vêtements »), des changements d’habitude (style vestimentaire, désencombrement et don, sensibilisation à l’éthique) et de consommation (adaptation à un nouveau style vestimentaire, digitalisation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683902003653509120"}"></div></p>
<p>Notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14707853231201856">projet de recherche</a> visait ainsi à explorer un potentiel effet rouge à lèvres Covid, à partir de trois études explorant l’impact à long terme de la pandémie sur les pratiques d’achats vestimentaires et de beauté.</p>
<h2>Un effet autocentré</h2>
<p>Dix-sept participants (neuf femmes et huit hommes), tous étudiants ont été recrutés pour notre première étude. Nous avons choisi exclusivement des étudiants sans responsabilité professionnelle ni présence familiale afin d’observer des pratiques de la mode pendant le confinement isolées de toute pression parentale ou managériale.</p>
<p>Les résultats suggèrent un impact potentiel des deux confinements sur les pratiques de mode et de beauté chez les femmes mais pas chez les hommes : les participantes ont passé beaucoup de temps à explorer leur relation avec les vêtements et les produits de beauté afin de mieux aligner leurs pratiques sur elles-mêmes, tandis que les étudiants de sexe masculin n’ont pas modifié leurs pratiques en matière de mode.</p>
<p>Pour approfondir cette intuition, nous avons recruté 111 étudiantes, lesquelles ont été invitées à compléter des questionnaires décrivant leur pratique vestimentaire, d’estime de soi et de bien-être avant la pandémie Covid et depuis le début de pandémie. Ils montré qu’elles choisissaient des couleurs plus vives et une gamme de couleurs plus large ainsi que des textures et des vêtements favorisant la mobilité. Une troisième étude sur le maquillage a souligné que les participantes en utilisaient une quantité moindre et moins fréquemment depuis le début de la pandémie.</p>
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<p>Notre recherche a mis en évidence, pour la première fois, un type spécifique de l’effet « rouge à lèvres », à savoir « l’effet rouge à lèvres autocentré » spécifique à la crise sanitaire Covid. Nos résultats ont confirmé que les participantes utilisaient moins de produits de maquillage mais aussi ont montré qu’elles portaient des vêtements différents pour mieux refléter leur identité authentique, leur « moi », une des réponses des consommateurs face à cette crise sanitaire. C’est un facteur d’explication de l’augmentation des ventes de produits de beauté pendant et post-Covid focalisées sur les produits cosmétiques, naturels, et/ou à faire soi-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On observe généralement en période de crise une hausse qui peut sembler paradoxale des dépenses en produit de beauté. Le phénomène a toutefois pris un tour nouveau pendant le Covid.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087102023-06-29T19:11:58Z2023-06-29T19:11:58ZStratégie territoriale des entreprises : pourquoi la transition écologique en fait une nécessité<p>Depuis quelques années, le territoire opère un retour en force dans la stratégie des entreprises <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/emmanuel-macron-vante-sa-politique-de-reindustrialisation_AD-202305130182.html">et les politiques économiques publiques</a>. Le fondateur de Tesla, Elon Musk, a ainsi annoncé il y a quelques jours qu’il était « très probable » que le constructeur fasse « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/il-est-tres-probable-que-tesla-fera-quelque-chose-de-tres-important-en-france-indique-elon-musk-20230619">quelque chose de très important</a> en France ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657944795522772995"}"></div></p>
<p>Après avoir été longtemps négligée, la question du choix de l’implantation géographique apparaît en effet de plus en plus présente dans la stratégie des entreprises. Elle est donc suivie de près par les pouvoirs publics, notamment autour du « Made in France ». Non sans résultats, comme en témoigne l’édition 2023, mi-mai, du sommet Choose France où un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/15/au-sommet-choose-france-une-moisson-record-d-investissements-etrangers_6173369_3234.html">record du volume d’investissements étrangers promis à notre pays a été atteint</a>.</p>
<p>Le rapport de l’entreprise au territoire est en effet en train de changer. La polémique autour des peluches Phryges, mascottes des JO de Paris 2024, <a href="https://www.liberation.fr/sports/jeux-olympiques/jo-de-paris-2024-les-peluches-phryges-fabriquees-en-chine-un-probleme-pour-christophe-bechu-20221115_PQSUP5FLFRBQRAMNSKCIC3AV6M/">fabriquées en Chine pour 90 % d’entre elles</a> en est un exemple révélateur. Peut-on encore accepter des délocalisations à outrance, alors que la crise Covid a brutalement rappelé la dépendance de notre pays – et de nombreux autres – en matière de production industrielle ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1592517818091962368"}"></div></p>
<p>Qu’il s’agisse de <a href="https://www.rtl.fr/actu/sante/paracetamol-ou-en-est-la-relocalisation-de-la-production-en-france-7900219610">médicaments</a> ou de <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/la-penurie-de-composants-electroniques-se-resorbe-sauf-dans-l-automobile.N2134717">composants électroniques dans l’automobile</a>, la globalisation a conduit à des aberrations dans les circuits d’approvisionnement, donnant l’impression que le seul argument du coût pouvait justifier des distances toujours plus longues.</p>
<p>L’échouage de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ever-given-102132"><em>Ever Given</em></a>, ce porte-conteneurs géant qui a bloqué en mars 2021 le canal de Suez, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/canal-de-suez-le-sauvetage-extreme-du-cargo-echoue-1301474">l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde</a>, a mis en lumière les limites – chaque jour plus évidentes – d’un système dans lequel « produire loin » voudrait dire « produire mieux » dans le seul sens économique du terme – comprenons donc « produire moins cher ». En effet, dans la conception traditionnelle de la stratégie, héritée des principes du modèle néo-classique de la science économique, le lieu d’implantation constitue au mieux une variable d’ajustement mais est, le plus souvent, complètement ignoré.</p>
<h2>Un élément de plus en plus distinctif</h2>
<p>En s’appuyant sur nos travaux de recherche, menés depuis une quinzaine d’années et déjà partiellement présentés dans The Conversation France, nous avons tenté de montrer que la dimension territoriale peut constituer un facteur de différenciation stratégique. Et ce, pas uniquement dans les clusters ou les grandes métropoles, mais aussi dans des zones en apparence moins attractives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ici-plutot-quailleurs-une-decision-strategique-pour-lentreprise-et-les-territoires-91272">Ici plutôt qu’ailleurs : une décision stratégique pour l’entreprise et les territoires</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/2020-la-revanche-des-territoires-ruraux-131451">2020, la revanche des territoires ruraux ?</a>
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<p>Très concrètement, les entreprises qui développent de façon proactive une stratégie territoriale sont de plus en plus nombreuses, ou, en tout cas, de plus en plus visibles. La <a href="https://theconversation.com/comment-les-acteurs-du-commerce-se-reancrent-sur-le-territoire-199542">dimension marketing et commerciale</a> prime souvent, faisant la part belle aux produits de « terroir ». Si on connaît bien les atouts potentiels des labels de type Appellation d’origine contrôlée (AOC) ou Indication géographique protégée (IGP), l’ancrage du produit sur une aire culturelle ou géographique s’avère être de plus en plus un élément distinctif.</p>
<h2>Une intégration des territoires indispensable</h2>
<p>Cependant, une véritable stratégie ancrée sur un territoire, ce n’est pas seulement un emballage ou une publicité : il s’agit de raisonner de façon cohérente sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Ainsi Mousline, la célèbre marque <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-nouvelles-ambitions-de-la-puree-mousline-sous-pavillon-francais-1873933">repassée en 2022 sous pavillon français</a>, achète 85 % des pommes de terre nécessaires à ses purées <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/groupe-caisse-des-depots/mousline-un-ancrage-local-fort-et-une-empreinte-carbone-deja-reduite-1906451">dans un rayon de 25 km</a> autour de son unique site de production situé dans la Somme, affirmant ainsi son attachement local.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1585581968581971972"}"></div></p>
<p>D’autres entreprises vont plus loin et s’inscrivent dans une logique symbiotique avec le territoire. C’est le cas de l’Institut de Tramayes, implanté dans une petite commune de Saône-et-Loire déjà réputée pour son engagement contre le dérèglement climatique ou la santé en milieu rural, qui propose des <a href="https://www.institutdetramayes.fr/qui-sommes-nous/">parcours de formation pensés à partir de projets pédagogiques</a> au service de l’écosystème local.</p>
<p>De même, les 2 Marmottes, qui produit des infusions et des thés en Haute-Savoie : l’entreprise travaille avec les petits producteurs locaux, mais va beaucoup plus loin avec une <a href="https://www.les2marmottes.com/fr/content/24-charte-des-achats-responsables">charte des achats responsables</a> qui s’engage sur les volets social, environnemental et éthique. Le projet d’entreprise repose ici sur une vision stratégique qui dépasse le critère économique pour intégrer pleinement une responsabilité sociale et environnementale à impact potentiellement positif pour le territoire.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces exemples montrent que la transition socio-écologique ne se fera qu’avec une pleine intégration des territoires dans les projets stratégiques des entreprises. Cette intégration nécessite une prise de conscience réelle des entreprises de leur propre responsabilité sociétale, mais aussi de leur intérêt à intégrer au plus vite la dimension territoriale à leurs stratégies, à leur <a href="https://theconversation.com/la-raison-detre-de-lentreprise-rebat-les-cartes-du-jeu-concurrentiel-129923">« raison d’être »</a> et à <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/entreprises-limportance-de-creer-du-lien-pour-sassurer-de-lattractivite-des-territoires-b08fdc08-c4a4-11ed-93d7-4c4cd65beb9c">leurs actions effectives</a>, dans une logique de cohérence et de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-4-page-141.htm">pleine collaboration</a> avec les acteurs publics et privés concernés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La transition écologique impose un retour des questions de l’impact des activités économiques sur les territoires d’implantations. Une rupture impérative dans les stratégies d’entreprises.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR en management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072332023-06-07T19:38:30Z2023-06-07T19:38:30ZLa mode unisexe, un révélateur des divergences sociétales sur le genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530561/original/file-20230607-23-wyv9v0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C0%2C1013%2C718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">44&nbsp;% des représentants de la Génération Z déclarent acheter exclusivement des vêtements conçus pour leur propre sexe, contre 54&nbsp;% chez les représentants de la génération Y.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/woman-and-man-posing-for-photoshoot-man-and-woman-wearing-white-t-shirts-at-daytime-wallpaper-ztwro/crop">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jouer avec les limites du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/genre-22050">genre</a> n’est pas un exercice nouveau dans <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/mode-l-habit-fait-il-encore-le-genre-4134367">l’industrie et l’histoire de la mode</a>. Toutefois, les frontières ont été repoussées plus loin depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle. En effet, cette mode multigenre habituellement présente dans le milieu artistique (par exemple dans la musique pop chez <a href="https://www.liberation.fr/musique/2013/03/22/bowie-sur-demesure_890605/">David Bowie</a>, <a href="https://www.lesinrocks.com/musique/prince-androgyne-de-genie-70715-28-04-2016/">Prince</a> ou <a href="https://www.vogue.fr/vogue-hommes/article/harry-styles-couverture-vogue-us">Harry Styles</a> pour ne citer qu’eux) est de plus en plus présente dans les magasins, les défilés et les placards des (plus jeunes) consommateurs.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mode-23119">mode</a> « unisexe », considérée ici comme une mode « dégenrée », incluant des vêtements pouvant être par des hommes tout comme des femmes, ou une mode « cross genré » où les femmes portent des vêtements initialement destinés aux hommes et vice versa, se généralise. Cette tendance croissante chez les jeunes générations, notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-y-37647">générations Y</a> (entre 24 et 40 ans) et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-z-46146">génération Z</a> (entre 8 et 23 ans) <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Product-gender-perceptions-and-antecedents-of-Fugate-Phillips/cdefc80b571ffcbf39c2d29fa30cc8fab65bf84e">pourrait même définir l’avenir de l’industrie et même de la société elle-même</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CHilTlShMqu","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Les consommateurs de la génération Z sont généralement associés aux nouvelles idées et attitudes sur le sexe et le genre. Un <a href="https://www.wundermanthompson.com/insight/gen-z-goes-beyond-gender-binaries-in-new-innovation-group-data">rapport</a> indique que 33 % de la génération Z et 23 % de la génération Y pensent que le sexe n’est pas une caractéristique déterminante d’un individu. Dans le même rapport, 56 % des personnes interrogées déclarent connaître quelqu’un qui utilise des pronoms non genrés. Concernant les comportements d’achat, 44 % d’entre eux ont déclaré acheter exclusivement des vêtements conçus pour leur propre sexe, contre 54 % chez les représentants de la génération Y.</p>
<h2>Une dichotomie entre designers et consommateurs</h2>
<p>Dans ce contexte, de nombreuses marques de mode ont entamé un processus de « dégenrisation » de leurs stratégies de conception, de merchandising et de communication – notamment en ce qui concerne les <a href="https://www.stylight.fr/Magazine/Fashion/Mode-Unisexe-7-Marques-A-Connaitre-Pour-Des-Vetements-Sans-Genre/">vêtements</a>, les <a href="https://www.luxurydaily.com/louis-vuitton-launches-new-unisex-cologne-perfume/">parfums</a> et <a href="https://www.cosmopolitan.fr/bijoux-unisexe-collection,2073516.asp">bijoux</a>. Cependant, le commerce vestimentaire reste principalement bigenré (collections homme et femme). En témoignent les magasins de mode traditionnellement séparés par catégorie de genre. Qui plus est, malgré cette nouvelle tendance de fluidité des genres dans la mode, il existe peu de recherche académique concernant cette mode de consommation.</p>
<p>Mes collègues et moi avons récemment publié deux articles scientifiques sur ce sujet. Pour notre premier <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17569370.2020.1816317?journalCode=rffp20">article</a>, publié en 2020, nous avions recruté 263 participants auxquels nous avons demandé d’observer une série de photos. Sur chaque cliché étaient représentés un homme et une femme portant la même tenue vestimentaire, autrement dit des photos de mode unisexe.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces 263 participants ont été divisés en deux groupes : le premier groupe a observé ces photos sans avoir aucune précision de l’expérimentateur ; au second, il a été précisé que ces photos représentaient des vêtements unisexes. Nos résultats ont montré que ni le label « unisexe » ni la masculinité/féminité du vêtement n’avaient d’importance dans l’intention d’achat des consommateurs, seuls l’esthétique et le style vestimentaire importaient.</p>
<p>Pour cet <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17569370.2020.1816317?journalCode=rffp20">article</a>, nous avons également demandé à un groupe de designers d’imaginer, en utilisant la technique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/design-thinking-43749"><em>design thinking</em></a>, un vêtement unisexe. Nos résultats ont montré que les designers se focalisaient sur le contexte social, la masculinité/féminité du vêtement et l’orientation sexuelle du consommateur plutôt que sur le style et l’esthétique. Ce premier article montre donc la dichotomie de l’approche du vêtement unisexe par les consommateurs et les designers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1664008624681697281"}"></div></p>
<p>Dans notre deuxième <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-03-2022-0047/full/html">article</a> sur ce sujet publié en 2022, nous avons essayé de comprendre les facteurs impliqués dans l’achat de produits de mode du sexe opposé. Après une série d’entretiens individuels avec treize femmes cisgenres (qui se reconnaissent le même genre que celui déclaré à l’état civil à la naissance) des générations Y et Z, nous avons exploré et cartographié la motivation et l’expérience d’achat des consommatrices pour la mode au rayon homme.</p>
<p>Les résultats ont permis de définir un modèle de comportement d’achat : avant l’achat, une motivation de non-conformité. Ici, nos participantes nous ont partagé vouloir aller au-delà (et pas forcément à l’encontre) de ces normes trop féminisées et stéréotypées de la femme. Ensuite, nos participantes ont insisté sur le temps investi lors de l’achat. Elles ont toutes – décrit un mode d’achat plus rapide et moins complexe au rayon homme. Enfin, après l’achat, les consommatrices ont insisté sur la satisfaction d’avoir trouvé un style vestimentaire qui correspondait à leur identité propre, et non à une identité que la société et/ou l’industrie leur imposaient.</p>
<h2>Au-delà de la mode</h2>
<p>Au bilan, ces travaux de recherche révèlent donc l’existence de deux fossés : d’abord, entre les designers qui se focalisent sur un contexte social et les consommateurs qui se concentrent sur l’esthétique ; puis entre les plus jeunes générations qui jouent avec la fluidité des genres et les moins jeunes générations qui ont eu l’habitude d’évoluer dans une société et une industrie de la mode bigenrée.</p>
<p>L’actualité récente indique que ce dernier fossé, particulièrement profond, dépasse largement le champ de la mode. En avril dernier, le chanteur Bilal Hassani, porte-drapeau revendiqué de la communauté LGBT, <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/menace-le-chanteur-bilal-hassani-annule-son-concert-prevu-ce-mercredi-a-metz_5753576.html">recevait des menaces de mort</a> et était contraint d’annuler un concert à Metz sous la pression des mouvances catholiques. À l’inverse, quelques mois plus tôt, une professeure de philosophie britannique <a href="https://www.standard.co.uk/news/uk/university-of-sussex-obe-higher-education-twitter-university-and-college-union-b963107.html">démissionnait de ses fonctions</a> après la révolte de ses étudiants qui l’accusait de transphobie pour avoir organisé un débat sur le genre sexuel.</p>
<p>Seuls l’écoute, le respect et la discussion semblent aujourd’hui permettre de réconcilier les deux camps. Car, comme l’écrivait la militante américaine <a href="https://www.goodreads.com/quotes/9776070-in-diversity-there-is-beauty-and-there-is-strength">Maya Angelou</a>, c’est dans la diversité que résident la beauté et la force.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des travaux de recherche révèlent l’existence d’un double fossé entre designers et consommateurs mais aussi entre les générations.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057892023-05-29T10:56:32Z2023-05-29T10:56:32ZL’IA ravive l’enjeu de l’identité professionnelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526559/original/file-20230516-7070-r63w69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=127%2C19%2C1070%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus d’un Français sur deux pense que l’IA modifie profondément les usages de consommation.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/illustration-of-woman-s-face-and-computer-codes-artificial-intelligence-wallpaper-zzahr">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Début 2023, l’ouverture au grand public de l’outil conversationnel ChatGPT développé par la société Open IA a relancé les craintes de voir la technologie remplacer de nombreux métiers. <a href="https://www.telerama.fr/ecrans/chatgpt-l-intelligence-artificielle-qui-va-remplacer-les-journalistes-de-telerama-7013327.php">Journalistes</a>, développeurs et même <a href="https://theconversation.com/une-ia-remplacera-t-elle-bientot-votre-psychiatre-188193">psychiatres</a> : plusieurs corps professionnels s’inquiètent du constat de l’évolution de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle (IA)</a> et de voir comment celle-ci parvient progressivement à les remplacer sur certaines tâches professionnelles.</p>
<p>Cependant, plusieurs études montrent que rares seront les professions complètement substituées par l’IA. En revanche, toutes soulignent son impact considérable sur le <a href="https://www.ifop.com/publication/notoriete-et-image-de-lintelligence-artificielle-aupres-des-francais-et-des-salaries-vague-3/">travail</a>. L’<a href="https://www.mazars.fr/Accueil/Insights/Publications-et-evenements/Etudes/Etude-Les-Francais-et-l-IA">étude</a> menée en mai 2022 par le cabinet Mazars indique par exemple que 54 % pensent que l’IA a un apport majeur dans des usages de consommation.</p>
<p>Reste à savoir quelle forme prendra la collaboration humain-machine dans ces situations, ou plus précisément : quelle place cette transformation laissera-t-elle à l’humain ?</p>
<p>Comme nous le montrons dans une recherche récente qui nous présenterons en juin prochain, lors de la 32<sup>e</sup> Conférence annuelle de l’Association internationale de management stratégique (AIMS), ces enjeux interrogent directement la notion d’<a href="https://www.cairn.info/la-reeducation-contre-l-ecole-tout-contre--9782749205106-page-17.htm">identité professionnelle</a>, c’est-à-dire la manière dont les salariés perçoivent et définissent leur rôle dans leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette identité professionnelle se définit par une combinaison de compétences et de connaissances spécifiques qui caractérisent une profession et permet ainsi de la distinguer des autres. Cette notion reflète tout d’abord la capacité des salariés à faire sens de leur activité. Dans un deuxième temps, elle permet de développer un sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle particulière. La possibilité de définir son identité professionnelle constitue ainsi un facteur de motivation au travail, et contribue plus largement à la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/redonner-du-sens-au-travail-thomas-coutrot/9782021503234">perception de son utilité au sein de la société</a>.</p>
<h2>Remise en cause de l’expertise humaine</h2>
<p>Loin d’être uniquement perçue comme une menace, l’apparition de l’IA dans l’activité professionnelle peut également permettre aux salariés de développer de nouvelles compétences en les déchargeant de tâches répétitives et laborieuses. Par exemple, Malakoff Humanis propose d’utiliser l’IA pour détecter les cas de fraudes à l’assurance. Les salariés peuvent ensuite venir vérifier les suggestions faites par l’IA et y contrevenir si nécessaire. Dans ce cas, l’IA peut favoriser l’identité professionnelle des salariés en les déchargeant des tâches de vérification manuelle de chaque cas lorsqu’il existe un soupçon de fraude, et ainsi leur permettre de se concentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée dans la relation client.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1003561998649524224"}"></div></p>
<p>Dans d’autres situations en revanche, l’IA permet de réaliser des tâches qui constituent le cœur de métier de certains professionnels. C’est ainsi le cas des comptables dont une part croissante des tâches manuelles est réalisée par l’IA. Par exemple, le remboursement de notes de frais peut aujourd’hui être opéré par des technologies basées sur la reconnaissance optique de caractère sur les documents papier. Dans le secteur médical, l’IA se montre plus performante que des équipes médicales pour la détection de cancer, ou le diagnostic de <a href="https://sante.lefigaro.fr/article/l-intelligence-artificielle-excelle-dans-le-diagnostic-du-melanome/">mélanome</a>.</p>
<p>Dans ces cas, l’IA vient directement questionner la valeur ajoutée du professionnel, son expertise, et ainsi la façon dont il établit son identité professionnelle. Que devient, dès lors, l’identité professionnelle lorsque le potentiel de remplacement par l’IA devient de plus en plus une réalité dans un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metiers-23736">métier</a> ? Les freins de la digitalisation des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprises</a> ne pourront être levés que si l’on s’attaque à la question de la reconstruction de l’identité professionnelle liée à l’arrivée de l’IA au travail.</p>
<h2>Le jugement humain toujours essentiel</h2>
<p>La première étape de la reconstruction de l’identité professionnelle menacée par l’IA consiste à repenser la nature de la collaboration humain-machine. Si l’IA était tout d’abord destinée à la gestion de données massives, elle est aujourd’hui de plus en plus utilisée pour des tâches complexes, jusqu’ici réservées aux humains. Au-delà d’un outil, elle peut alors devenir un conseiller voire un collaborateur utile sur lequel s’appuyer pour développer de nouvelles compétences.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-lintelligence-artificielle-ne-peut-etre-consideree-comme-un-simple-outil-186014">Voici pourquoi l'intelligence artificielle ne peut être considérée comme un simple outil</a>
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<p>Il est donc nécessaire d’identifier ces nouvelles compétences à valoriser pour reconstruire son identité professionnelle et ainsi faire évoluer le sens de son travail. Pour cela, il faut se concentrer sur les expertises « tacites », c’est-à-dire difficilement descriptibles et donc substituables par l’IA. De nombreux chercheurs insistent en effet sur la singularité de certaines capacités humaines, et notamment le rôle important du jugement humain dans des contextes où l’empathie et les particularités de chaque personne impliquent des nuances, parfois irrationnelles, que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/algorithmes-24412">algorithmes</a> ne peuvent comprendre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lintelligence-artificielle-est-elle-vraiment-creative-205352">L’intelligence artificielle est-elle vraiment créative ?</a>
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<p>En ce sens, l’utilisation de l’IA dans les processus de recrutement a été largement décriée. Tout d’abord en raison des biais algorithmiques qui consistent à reproduire les inégalités et discriminations de la société. De plus, les algorithmes occultent un ensemble d’éléments liés à l’environnement et aux conditions particulières de chaque situation humaine : un retard de transport, des difficultés techniques qui placent le candidat dans une situation de stress, une originalité qui ne rentre pas dans les critères préconçus par l’algorithme… et tant d’autres éléments qui influencent la « prestation » du candidat sans pouvoir être intégrés par la machine programmée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lintelligence-artificielle-pour-mieux-recruter-vraiment-197734">L’intelligence artificielle pour mieux recruter… vraiment ?</a>
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<p>Pour pallier ces manquements, le jugement humain apparaît nécessaire pour toute prise de décision conduisant à des conséquences tangibles telles que l’accord d’un prêt pour une personne vulnérable, un traitement médical personnalisé, ou encore le parcours de formation d’un étudiant au profil atypique.</p>
<p>Dans cette perspective, repenser la relation humain-machine consiste alors à concevoir la place du jugement humain dans la prise de décision automatisée. Il faut ainsi renforcer la capacité des salariés à pouvoir intervenir sur les prises de décision opérées par l’IA, soit en faisant en sorte que l’IA propose des actions à réaliser parmi lesquelles le salarié peut choisir, soit en laissant la possibilité à celui-ci de contrevenir à une décision prise par l’IA dans des cas particuliers.</p>
<p>C’est donc sur ces expertises tacites qu’il faut miser pour pouvoir reconstruire une identité professionnelle valorisante, et complémentaire aux capacités de l’IA. En s’appuyant sur l’IA comme un réel outil d’aide à la décision, la profession évoluera vers un renforcement de l’expertise tacite et par conséquent une « augmentation » du rôle du professionnel. Les professions qui font face à l’émergence de l’IA doivent anticiper son impact sur l’identité professionnelle très en amont afin de réfléchir sur la construction d’une complémentarité humain-machine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205789/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’irruption de ChatGPT remet notamment en question les compétences et les caractéristiques inhérentes à certains métiers aujourd’hui appelés à se renouveler pour perdurer.Clara Letierce, Professeur assistant, responsable de la spécialisation bachelor « management digital , Burgundy School of Business Yann Truong, Professor, Strategy, Entrepreneurship and International Business, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2045682023-05-09T10:33:33Z2023-05-09T10:33:33ZTravail, management, fraude… Les multiples risques de l’intelligence artificielle pour les entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522988/original/file-20230426-987-s8qq58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C107%2C725%2C490&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Chine a récemment décidé d’encadrer l’utilisation de ChatGPT tandis que l’Italie souhaite interdire l’outil.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Artificial_Intelligence_%26_AI_%26_Machine_Learning_-_30212411048.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">L’intelligence artificielle (IA)</a> semble être à la fois source d’opportunités et de menaces pour le futur. Du côté des opportunités, l’homme a toujours cherché à automatiser les tâches physiquement pénibles et/ou répétitives. L’individu est ainsi plus productif et est capable d’utiliser sa propre capacité intellectuelle <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.29.3.3">pour d’autres activités plus stimulantes</a>. L’IA permettra d’aller plus loin dans ce processus. Du côté des menaces, on retrouve globalement la peur de l’inconnu et toutes les insécurités qu’il génère.</p>
<p>L’intelligence artificielle (IA) fait référence à des machines conçues pour effectuer des tâches similaires à l’intelligence humaine, interpréter les données externes, apprendre de ces données externes et utiliser cet apprentissage à s’adapter aux tâches pour obtenir des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0883902622000398">résultats spécifiques et personnalisés</a>.</p>
<p>Récemment, le focus médiatique autour de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chatgpt-133745">ChatGPT</a>, attise les hardiesses et les peurs, si bien que des pays comme la <a href="https://www.boursedirect.fr/fr/actualites/categorie/economie/en-pleine-euphorie-chatgpt-la-chine-veut-encadrer-l-intelligence-artificielle-afp-f4e3b1bd045942c365a43da853354bd34c090976">Chine</a> ou <a href="https://etudestech.com/decryptage/chatgpt-interdit-italie/">l’Italie</a> ont récemment décidé de limiter voire d’en interdire l’usage. Des voix s’élèvent également en France où ChatGPT a été interdit dans un <a href="https://www.sciencespo.fr/fr/actualites/sciences-po-fixe-des-regles-claires-sur-lutilisation-de-chat-gpt-par-les-etudiants">certain nombre d’établissements universitaires</a> et où des <a href="https://www.leparisien.fr/high-tech/intelligence-artificielle-la-france-pourrait-elle-interdire-chatgpt-01-04-2023-POX4EU6CZ5CZZAEXOOVZJKJISA.php">élus réclament son interdiction au parlement</a>.</p>
<p>Cet outil donne une idée de la puissance potentielle de l’IA. En effet, avant ChatGPT, l’automatisation était essentiellement liée à la robotisation des tâches manuelles. ChatGPT pourrait en revanche remplacer l’intelligence humaine. Une étape importante semble donc franchie.</p>
<h2>Risques multiples</h2>
<p>Dans ce contexte, nous avons mené une <a href="https://www.openscience.fr/Les-risques-lies-a-l-innovation-le-cas-de-l-intelligence-artificielle">recherche</a> pour identifier les différents risques liés à l’essor de l’IA. Ils sont de plusieurs types : les risques managériaux, risques opérationnels, risques au sein du marché de travail, risques d’autres clivages sociaux et les risques de concurrence mondiale.</p>
<p>Les <strong>risques managériaux</strong> principaux sont liés à la responsabilité humaine dans la décision et de la dépendance humaine aux outils d’analyse de données. Le manager prend des décisions en se basant sur les informations générées par les outils d’IA. <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3263878">Qui est responsable</a> si les résultats donnés par l’outil numérique sont faux et que le manager en conséquence a pris une mauvaise décision ayant des implications lourdes ? Un exemple peut être les études de marchés développés par ChatGPT avec des recommandations plausibles mais basées sur de mauvaises informations et sur lesquelles s’appuieraient des décisions managériales.</p>
<p>Les <strong>risques opérationnels</strong> sont eux essentiellement liés à la sécurité et à la fraude. D’un côté, l’IA pourrait aider à améliorer la sécurité des transactions financières, mais il peut aussi <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13669877.2021.1958047">augmenter le pouvoir de nuisance des fraudeurs</a>. En effet, cette numérisation extrême constitue un terrain propice aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cyber-attaques-36559">cyberattaques</a>. Un outil d’IA peut par exemple imiter la voix d’un tiers de confiance et obtenir ainsi des informations confidentielles. ChatGPT pourrait même étudier et permettre de briser les pare-feux des entreprises.</p>
<p>Les <strong>risques au sein du marché de travail</strong> sont liés au possible remplacement de certains métiers par l’IA. Jusqu’à récemment, les craintes étaient liées <a href="https://psycnet.apa.org/record/2014-07087-000">aux métiers des cols bleus</a> mais désormais ces craintes se portent <a href="http://theconversation.com/artificial-intelligence-has-a-gender-bias-problem-just-ask-siri-123937.">sur les cols blancs</a>. Par exemple, les textes écrits dans n’importe quel domaine, des problèmes complexes de mathématiques, des programmes informatiques peuvent à présent être effectués par ChatGPT, bien qu’une intervention humaine soit souvent requise pour finaliser les résultats. Ces compétences pourraient donc remplacer beaucoup de métiers à terme. Pour qu’elle fonctionne mieux, l’IA doit pouvoir discerner les données produites par des experts fiables de celles produites par d’autres.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Au-delà de ces problématiques qui concernent directement les entreprises, d’autres risques apparaissent, tels que ceux qui concernent les <strong>clivages sociaux.</strong> Ceux-ci peuvent concerner les <a href="https://theconversation.com/artificial-intelligence-has-a-gender-bias-problem-just-ask-siri-123937">discriminations de genres</a> ou l’accentuation des inégalités en termes de richesses. D’une part, les entreprises du numérique sont accusées de préjugés sexistes dans leurs algorithmes de recherche. En effet, si un outil génératif ne répond pas à un besoin par un souci d’être politiquement correcte, il est possible de s’alimenter sur des outils concurrents qui autoriseraient ces biais. D’autre part, les personnes ayant les moyens financiers pourraient se former aux nouveaux outils de l’IA et les moins favorisés seraient déclassés par ces changements.</p>
<p>Les <strong>risques de concurrence internationale</strong> font référence au poids des entreprises mondialisées du numérique ayant une base d’utilisateurs très importante, comme les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gafam-45037">Gafam</a> américains ou les chinoises Alibaba ou ByteDance. Ces entreprises de marché capitalistique donneraient implicitement au gouvernement de leur pays d’origine un <a href="https://hbr.org/1990/03/the-competitive-advantage-of-nations">pouvoir de domination géopolitique</a>. Pour l’instant, la majorité des outils disponibles sur le marché sont par des entreprises américaines, ce qui renforce l’hégémonie des États-Unis. La Chine ne s’y trompe pas : la société Baidu a développé Ernie Bot, mais il n’est pas encore efficace car il doit prendre en compte la censure des informations par le gouvernent chinois. Et Alibaba prévoit aussi d’avoir l’outil concurrençant ChaptGPT.</p>
<h2>Le rôle décisif des pouvoirs publics</h2>
<p>Les risques liés à l’IA sont multiples. Sont-ils pour autant source d’inéluctables problèmes ? La réponse à cette question dépend de l’utilisation qui sera faite de l’IA. La réponse serait affirmative si l’IA est utilisée à des fins de surveillance, de fraude sur les données, voire de destruction volontaire d’emplois par des entrepreneurs ou si elle perpétue des biais sociaux. La réponse sera négative, si le développement et l’utilisation de ces outils est encadré par la loi, et lorsque ces outils permettront l’amélioration des conditions de travail ou la fourniture de services aux citoyens là où il n’y a en avait pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comme le montrent les réactions récentes à l’essor de ChatGPT, le développement de l’IA soulève de nouvelles problématiques qui s’imposent directement aux organisations.Vipin Mogha, Enseignant-Chercheur en Finance et Entrepreneuriat, ESCE International Business SchoolArvind Ashta, Professor Finance and Control, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027782023-04-05T19:17:41Z2023-04-05T19:17:41ZLa relocalisation, un chemin semé d’embûches<p>La France a connu 30 années de délocalisation de ses structures de production industrielle, et a perdu <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20140709trib000839219/a-publier-jeudi-a-10h00-ou-sont-passes-les-deux-millions-d-emplois-detruits-depuis-1980-dans-l-industrie-.html">plus de 2 millions d’emplois</a>. La perte de souveraineté qui s’en est suivie s’est révélée avec force lors de la crise sanitaire puis du conflit en Ukraine. La question du soutien à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-21143">industrie</a>, et plus particulièrement à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reindustrialisation-86098">réindustrialisation</a> et à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/relocalisation-economique-84432">relocalisation</a>, est ainsi devenue une thématique majeure corrélée à celle de la souveraineté de la France. En témoigne le plan « France Relance », présenté en septembre 2020 par le gouvernement, dont 35 milliards d’euros sont consacrés à l’industrie. Objectif :</p>
<blockquote>
<p>« Relocaliser les maillons manquants des chaînes de production stratégiques et prendre un temps d’avance pour favoriser la localisation des activités d’avenir en France ».</p>
</blockquote>
<p>Le ministre délégué à l’Industrie a également mis en place une politique de soutien et d’encouragement aux relocalisations notamment via les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) auxquelles il est demandé, dans le cadre de leur mission, de déployer en 2023 des accélérateurs de relocalisations.</p>
<p>Depuis l’annonce du plan France Relance, 155 relocalisations ont été dénombrées en France par le cabinet d’étude Trendeo, contre 98 sur l’ensemble de la période 2014-2018.</p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.canal-u.tv/chaines/canal-aunege/embed/55449?t=0" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Néanmoins, au-delà de ces premiers chiffres de la volonté affichée, la question de la faisabilité de la relocalisation se pose et de nombreuses difficultés peuvent freiner le mouvement.</p>
<h2>Une reconfiguration forcée des modèles</h2>
<p>Les projets de relocalisation soulèvent, très généralement, des problématiques de trois ordres. D’abord, d’ordre technologique. En effet, la relocalisation ne peut être envisagée que par des changements de méthode de production afin de faire baisser de façon drastique les coûts de main-d’œuvre, d’être plus compétitif tout en offrant des produits de meilleure qualité.</p>
<p>Ainsi l’opticien Atol, qui a commencé à relocaliser ses activités dès 2009 et que nous avons étudié dans le cadre de nos recherches, a misé sur l’innovation en automatisant les procédés de fabrication, en réorganisant le temps de travail (en passant aux 3x8) tout en modifiant son offre. L’entreprise roannaise Tissages de Charlieu, spécialisée dans le textile, a fait de même, comme en témoigne son patron dans une interview récente au journal Le Progrès :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons décidé d’investir dans un système automatisé 100 % pour la confection de sacs de caisse et de packaging textile avec une technologie unique au monde pour arrêter les importations en provenance d’Asie ».</p>
</blockquote>
<p>La deuxième difficulté est d’ordre économique : le projet doit en effet être rentable. Ici, le fabricant de brosses à dents écologiques Biospetyl a par exemple pour cela supprimé ses intermédiaires et a misé sur l’argument qualitatif pour se démarquer des géants du secteur et affirmer son positionnement « made in France » auprès des donneurs d’ordre (distributeurs et consommateurs).</p>
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<p>Pour Aledia, entreprise grenobloise spécialisée dans le secteur microélectronique, l’enjeu est à la fois de devoir reconstruire une infrastructure capable d’accueillir les projets rapatriés pour atteindre l’objectif de 2025, mais aussi de former à des corps de métiers spécifiques. Son directeur industriel le soulignait dans une interview accordée en 2022 à Europe 1 :</p>
<blockquote>
<p>« On a besoin de chimistes, d’électroniciens, d’opticiens mais ce sont des métiers qui manquent beaucoup aujourd’hui… On ne peut pas réindustrialiser sans former ».</p>
</blockquote>
<p>Les problématiques concernent enfin le volet environnemental : La transition qui s’est amorcée au niveau mondial se traduit pour les entreprises françaises et européennes par des normes accrues qu’il s’agisse de la traçabilité, du bilan carbone ou de recyclabilité et de réparabilité. Ces nouvelles normes constituent désormais des contraintes nouvelles pour les distributeurs et les marques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496362862628982789"}"></div></p>
<p>Soutenu par le plan relance, le sous-traitant pharmaceutique Seqens a annoncé le lancement d’un projet de construction d’une nouvelle unité de production du paracétamol à Roussillon (Isère) : l’entreprise affirme avoir réussi à développer des nouveaux procédés de synthèse lui permettant de garantir la construction d’une installation à la fois efficace et compétitive sur le long terme tout en maîtrisant l’empreinte environnementale (réduction d’un facteur de 5 à 10 en comparaison aux unités existantes).</p>
<h2>Priorité aux produits « vulnérables » ?</h2>
<p>Ces trois problématiques font des relocalisations des projets complexes que des acteurs économiques privés, même regroupés par un intérêt commun avéré, peuvent être en difficulté de mener à bien. La R&D nécessaire, les études supplémentaires, la diversité des expertises à mobiliser complexifient le process de relocalisation mais ne le rendent pas impossible.</p>
<p>Dès lors, les projets de relocalisations pourraient idéalement s’étendre en priorité sur des produits « vulnérables », c’est-à-dire les plus concernés par les difficultés d’approvisionnement et la dépendance à d’autres zones économiques (santé, alimentation, etc.). </p>
<hr>
<p><em>Daniel Suissa, responsable pédagogique du master management industriel de l'ESDES, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les entreprises qui choisissent de rapatrier leurs activités se heurtent à des difficultés technologiques, économiques ou encore environnementales.Catherine Mercier-Suissa, MCF-HDR en sciences économiques, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Manal El Bekkari, ATER en Stratégie, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024542023-03-28T19:32:00Z2023-03-28T19:32:00ZDéchets dans les rues de Paris : pour l’avenir, prise de conscience choc ou développement de mauvaises habitudes ?<p>De <a href="https://www.bfmtv.com/marseille/replay-emissions/le-12-17/marseille-la-collecte-des-dechets-perturbee-depuis-lundi-matin_VN-202303200382.html">Marseille</a> au Sud, à <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1305225/article/2023-03-20/blocage-de-la-collecte-arques-dix-tonnes-de-dechets-ne-seront-pas-ramassees-ce">Arques</a> dans le Nord, de <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/poubelles-a-nantes-cest-buffet-a-volonte-pour-les-rats-a8a44c1c-c33d-11ed-9554-cf54dc89cc00">Nantes</a> à l’Ouest, à <a href="https://www.estrepublicain.fr/societe/2023/03/10/la-collecte-des-dechets-reprend-du-service-ce-lundi">Montbéliard</a> à l’Est, de nombreux déchets se sont accumulés, et par endroit s’accumulent encore, sur les trottoirs. À Paris, la barre des <a href="https://www.bfmtv.com/paris/greve-des-eboueurs-a-paris-la-barre-des-10-000-tonnes-de-dechets-non-ramasses-atteinte_AD-202303170506.html">10 000 tonnes d’ordures</a> jonchant les rues a été franchie vendredi 17 mars. </p>
<p>Ce chiffre, avec les réquisitions de personnel, est redescendu dimanche 26 <a href="https://www.lefigaro.fr/social/greve-des-eboueurs-a-paris-baisse-sensible-du-volume-de-dechets-non-ramasses-20230326">sous les 8 000 tonnes</a> mais la baisse pourrait n'être que temporaire avec un mouvement de grève des éboueurs qui pourrait s'étendre aux prestataires privés. Certains habitants, dans le 16<sup>e</sup> arrondissement notamment, ont aussi décidé de se <a href="https://www.huffingtonpost.fr/france/article/greve-des-eboueurs-a-paris-ces-habitants-se-cotisent-pour-le-ramassage-des-ordures_215540.html">cotiser</a> pour assurer un ramassage par des prestataires privés. Les déchets servent aussi parfois de <a href="https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/manifestations-a-paris-un-feu-de-poubelles-se-propage-a-un-immeuble_58297505.html">combustibles</a> à des manifestants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517855/original/file-20230328-24-k12nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les pompiers ont dû intervenir à plusieurs reprises pour des déchets en feu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Timothée David</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour certains, ce nouveau paysage urbain pourrait aussi faire <a href="https://www.leparisien.fr/environnement/greve-des-eboueurs-dommage-dattendre-un-probleme-pour-prendre-conscience-du-volume-de-nos-dechets-18-03-2023-WDWOFZ6GJZCPDPDDTA72KPU4SA.php?ts=1679326713375">réaliser</a> les volumes importants de déchets que nous produisons, dont nous n’avons pas forcément conscience. En effet, en temps normal, nos poubelles sont vidées régulièrement, ce qui nous empêche de visualiser correctement la quantité produite. À observer, sur les avenues, de nombreux contenants de repas de livraison, d’emballage ou de bouteilles plastiques, Melisandre Seyzériat, coordinatrice générale de l’association <em>Zero Waste Paris</em>, a invité, sur BFM Paris, à assimiler que « ce sont des ordures très facilement <a href="https://www.bfmtv.com/paris/replay-emissions/capitale-2020/greve-des-eboueurs-les-franciliens-ont-ils-trop-de-dechets_VN-202303160783.html">évitables</a> », par exemple, en remplaçant des bouteilles par des gourdes.</p>
<p>Un autre phénomène pourrait cependant jouer en sens contraire. Plutôt que d’être choqués par la quantité d’ordures produites par chacune et chacun, certains individus pourraient s’habituer à leur présence et cela pourrait enclencher un cercle vicieux que la recherche a nommé « broken windows theory ».</p>
<h2>Quelle nouvelle norme ?</h2>
<p>C’est dans une <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/1982/03/broken-windows/304465/">tribune</a> de 1982 que le criminologue George L. Kelling et le politologue James Q. Wilson introduisaient aux États-Unis, pour la première fois, ce concept. Il désigne une situation dans laquelle la présence de détériorations dans l’espace public favoriserait les comportements non civiques. Une simple « fenêtre cassée », pour reprendre le nom donné à ce phénomène, ouvrirait la voie à des transgressions plus graves. Plus le sol sera jonché de papiers par exemple, plus les individus auront tendance à <a href="https://psycnet.apa.org/record/1990-30919-001">jeter par terre</a> un prospectus que l’on vient de leur donner.</p>
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<p>Ce « broken window theory » a été un des concepts les plus influents pour les politiques des villes. Son interprétation s’est traduite par l’adoption de plusieurs mesures de tolérance zéro, surtout aux États-Unis, avec des <a href="https://www.joelvanderweele.eu/wp-content/uploads/2021/11/BrokenWindows.pdf">effets mitigés</a>. Il constitue pourtant un triple signal : les fenêtres brisées suggèrent à la fois des agissements antisociaux d’une partie des habitants, une indifférence de la part des autres et une absence d’application de la loi.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637184962053931009"}"></div></p>
<p>Des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/s15327965pli1604_03?journalCode=hpli20">travaux</a> ont étudié ce type de normes, qualifiées de « descriptives » : les individus font ce qu’ils observent que les autres font. Ceci vaut pour tout, des comportements violents aux comportements écoresponsables, par exemple. Lorsque les habitants suivent la norme descriptive, c’est souvent qu’ils ne sont pas sûrs de ce que dit la norme injonctive, ils ne sont pas sûrs de ce qu’il est bien vu de faire. Est-il donc à craindre que cette nouvelle norme, visible, de déchets dans les rues, érode certains acquis citoyens, en produisant des effets indésirables à long terme ? Des dépôts de sacs poubelles dans les rues ou un relâchement du tri peuvent-ils perdurer, même une fois le conflit réglé ?</p>
<p>Un point d’attention que mettent en avant nos <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/kykl.12002">travaux</a> est celui des inégalités, si jamais elles se faisaient ressentir en la matière. Visibles et non résolues, elles sont propices à créer de la violence entre les différentes franges de la société.</p>
<h2>Visualiser l’ampleur de ce que nous jetons</h2>
<p>Il paraît souhaitable, pour l’avenir, que ces semaines au milieu des ordures enclenchent un cycle vertueux. Un projet de recherche, intitulé <a href="https://beaware.inria.fr/">Be-Aware</a> et exposé dans un <a href="https://theconversation.com/546-kilos-de-dechets-dans-votre-salon-et-si-la-realite-augmentee-venait-au-secours-de-lenvironnement-196514">précédent article</a> publié sur The Conversation, cherche, lui, à induire cette prise de conscience via l’usage d’instruments de réalité augmentée. Grâce à ces outils, les individus pourraient visualiser, dans leurs salons, les quelques <a href="https://www.cniid.org/Les-dechets-en-France-quelques-chiffres,151">546 kilos de déchets</a> produits en moyenne chaque année par un habitant français (masse que mesurait l'institut Eurostat en 2019).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/546-kilos-de-dechets-dans-votre-salon-et-si-la-realite-augmentee-venait-au-secours-de-lenvironnement-196514">546 kilos de déchets dans votre salon : et si la réalité augmentée venait au secours de l’environnement ?</a>
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</p>
<hr>
<p>Tout comme les ordures qui s’accumulent dans les rues, ces outils nous donneraient à voir une réalité qui nous échappe, lorsque nos poubelles sont vidées régulièrement par les services de ramassage. On peine, de fait, à voir l’ampleur de ce que nous jetons, et les chiffres ne sont pas toujours d’une grande aide. Nos expériences en laboratoire, en cours, tendent à montrer que visualiser le tout dans un <a href="https://hal.science/hal-03907474/">environnement familier</a> pourrait parfois être plus efficace qu’un graphique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517154/original/file-20230323-1130-smm40f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un utilisateur consulte, in-situ, la quantité de déchets produits par son restaurant d’entreprise en une semaine.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il y a là une perspective éducative qui nous semble intéressante, et qui permet de réduire une difficulté posée par ce que l’on appelle la <a href="https://psycnet.apa.org/buy/2010-06891-005">« distance psychologique »</a> : même conscients des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1539-6924.2011.01695.x">enjeux environnementaux</a>, les individus n’agissent pas en proportion suffisante, car les conséquences de leurs actions paraissent incertaines, éloignées dans le temps ou dans l’espace. Les rendre visibles « ici » et « maintenant » pourrait encourager l’adoption de comportement vertueux et l’émergence de pressions citoyennes pour la mise en place de politiques pro-environnementales.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517156/original/file-20230323-16-h1qtjg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des équations affichées au RER Gare du Nord au moment de la Cop 21.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les images des poubelles resteront-elles imprimées durablement dans l’esprit des Parisiens, plus par exemple que les <a href="https://www.rerb-leblog.fr/un-voyage-sur-le-theme-du-climat/">équations</a> qu’ils pouvaient voir affichées sur les quais du RER Gare-du-Nord pendant la Cop21 ? Ces équations permettaient de calculer l’ampleur du réchauffement climatique, mais étaient-elles vraiment utilisables ? Dans le cadre du projet Be Aware, nous avons conduit des expérimentations pour mesurer l’impact de la précision de l’information et sa crédibilité. Peut-être, tel Saint-Thomas, n’y sommes-nous pas autant sensibles qu’à des images fortes, comme celles des rues de la capitale actuellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angela Sutan a reçu des financements de l'ANR à travers le projet Be-Aware ANR-22-CE33-0003.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ivan Ajdukovic a reçu des financements de l'ANR à travers le projet Be-Aware ANR-22-CE33-0003.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martin Hachet a reçu des financements de l'ANR à travers le projet Be-Aware ANR-22-CE33-0003.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sylvain Max ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les déchets qui s’accumulent dans la capitale avec la grève des éboueurs permettent de se rendre compte des quantités que l’on jette. Ils peuvent aussi ouvrir la porte à plus d’incivilités à l’avenir.Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Ivan Ajdukovic, Associate professor, Burgundy School of Business Martin Hachet, Directeur de recherche, InriaSylvain Max, Social Psychologist, Associate Professor, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965142022-12-20T15:58:33Z2022-12-20T15:58:33Z546 kilos de déchets dans votre salon : et si la réalité augmentée venait au secours de l’environnement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500690/original/file-20221213-10619-o5h4ft.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1186%2C575&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un utilisateur d'un produit conçu par un collectif de chercheurs consulte, in-situ, la quantité de déchets produits par son restaurant d'entreprise en une semaine. Les déchets sont représentés par des sacs poubelles virtuels dont le volume est équivalent à celui des déchets réels. </span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Notre rapport à l’environnement se trouve souvent biaisé par la désirabilité sociale : aujourd’hui, il est par exemple difficile de se déclarer publiquement contre la préservation de l’environnement. Si la grande majorité des personnes interrogées se disent donc en faveur de la protection de la planète, cela ne se traduit pas toujours par l’adoption de modes de vie plus vertueux, de soutien plus actif aux politiques, aux organisations ou aux industries respectueuses de l’environnement.</p>
<p>En d’autres termes, nous continuons à observer un écart : le comportement réel ne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S095937801630543X">correspond pas aux attitudes déclarées</a>.</p>
<p>Une explication de l’inertie propre à ces comportements réside dans la nature abstraite des conséquences de nos actions sur la planète : elles sont éloignées géographiquement, dans le temps, incertaines, et ne touchent pas toujours des populations que l’on côtoie. On parle ici de <a href="https://psycnet.apa.org/buy/2010-06891-005">« distance psychologique »</a> : les individus se sentent moins affectés par des événements perçus comme « plus lointains » sur le plan spatial, temporel, social ou hypothétique. Le phénomène <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1539-6924.2011.01695.x">joue à plein</a> sur les questions environnementales.</p>
<p>Outre des mesures incitatives ou contraignantes, il semble donc important d’aider les individus à mieux comprendre l’impact environnemental de leurs décisions en rendant leurs conséquences, souvent éloignés dans l’espace ou le temps, visibles et saillantes dans l’« ici » et le « maintenant ». Cela permettrait de les aider à adopter des comportements plus vertueux, et les inciter à faire pression pour la mise en place de politiques pro-environnementales. Des travaux ont montré qu’un bon moyen de promouvoir tout cela est de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0013916511421196">proposer un ancrage dans un environnement familier</a> et réel. Et si les outils de réalité augmentée, en réduisant la distance psychologique, nous y aidaient ?</p>
<p>Telle est l’idée au cœur du projet <a href="https://beaware.inria.fr/">Be-Aware</a>. Il a été imaginé par les équipes du centre de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) de l’Université de Bordeaux, du laboratoire d’économie expérimentale de la Burgundy School of Business de Dijon (LESSAC), et du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement à Paris.</p>
<h2>Chacun sa poubelle géante</h2>
<p>Considérons des objets bien connus de tous : les ordures ménagères. À la ville comme à la campagne, nos déchets ne s’accumulent pas dans ou devant notre domicile. Nos services de propreté fonctionnent correctement, avec des ramassages hebdomadaires qui laissent l’opportunité à chacun de se débarrasser facilement de ses déchets.</p>
<p>Cette situation, pour confortable soit-elle, ne nous permet pas de visualiser l’ampleur des déchets que nous produisons. En France, d’après les chiffres d’Eurostat de 2019, un individu produit en moyenne <a href="https://www.cniid.org/Les-dechets-en-France-quelques-chiffres,151">546 kilos de déchets ménagers par an</a>. Mais comment se le représenter ?</p>
<p>C’est justement parce qu’il est complexe de se faire une représentation de ce chiffre qu’il est difficile d’inciter les individus à réduire cette quantité. Certaines actions œuvrent déjà dans cette direction. À Lyon par exemple, dans le cadre du projet Global Getaway, une œuvre éphémère de l’artiste Friendly Liu, représentant une <a href="https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/c-est-quoi-cette-poubelle-geante-posee-en-plein-lyon_54847406.html">poubelle géante</a> a été exposée aux passants, afin d’essayer d’aider les individus à réfléchir sur leur production de déchets.</p>
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<p>À nos yeux, il est possible de faire encore mieux en montrant à chacun <em>sa</em> poubelle géante. Dans notre projet, nous utilisons des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/7539328">outils de « visualisation située »</a> (<em>embedded data representations</em>) : des données statistiques sont visualisées à proximité des espaces physiques, des objets ou des personnes auxquels elles se réfèrent. Ainsi, nous pouvons, par exemple, afficher dans un environnement familier les quantités de déchets qu’un individu produit par semaine, par an, ou sur l’ensemble de sa vie.</p>
<p>Rendus possibles par la réalité augmentée, ils permettent aux spectateurs d’interpréter les chiffres cumulés dans leur contexte. Il s’agit de les pousser à <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01572490/document">prendre des mesures dans le monde physique</a> en réponse aux informations obtenues.</p>
<h2>Éduquer et pousser à agir</h2>
<p>Nos premiers tests en laboratoire ont montré qu’avec ces visualisations, la réponse émotionnelle s’avère plus importante que lorsque les données sont communiquées de façon plus traditionnelle avec des chiffres, graphiques ou images affichés sur un écran d’ordinateur. Les participants ont en outre trouvé les visualisations des déchets crédibles, réalistes, informatives et fiables, et il semble qu’ils les prennent en compte dans leur décision.</p>
<p>Le développement de ces outils à une échelle plus large ne paraît pas insensé : ils sont simples, facilement adaptables à la consommation de chacun, et compréhensibles par tous. Les contraintes techniques et d’équipement sont, de plus, minimales : dans certains cas, de simples smartphones peuvent être utilisés pour créer l’illusion de réalité augmentée.</p>
<p>Dans d’autres cas, des dispositifs plus immersifs encore, comme des casques de réalité augmentée, peuvent permettre d’exposer des centaines de participants à des expériences utilisateur marquantes et impactantes. Nos outils sont faciles à utiliser en salle de cours, et, dans ce sens, la réalité augmentée nous permettra de mieux expliquer aux étudiants et aux lycéens les problématiques associées au mécanisme de partage d’un « bien commun ».</p>
<p>L’action pro-environnementale est directement liée à un changement profond de nos modes de vie. Ce changement ne peut avoir lieu que s’il est compris, accepté, accompagné, et encouragé. Les nouvelles approches éducatives dans ce domaine, comme celles que nous proposons avec la réalité augmentée, semblent constituer une opportunité intéressante à saisir pour la construction d’un futur durable, équitable et désirable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196514/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angela Sutan a reçu des financements de l'ANR, Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ivan Ajdukovic a reçu des financements de l'ANR, Agence Nationale pour la Recherche </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martin Hachet a reçu des financements de l'ANR, Agence Nationale pour la Recherche </span></em></p>Permettre de voir concrètement les conséquences d’actions diffuses est un bon moyen d’éveiller les consciences, meilleur en tout cas que des chiffres ou des graphiques.Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Ivan Ajdukovic, Associate professor, Burgundy School of Business Martin Hachet, Directeur de recherche, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1965132022-12-15T18:17:03Z2022-12-15T18:17:03ZComment impliquer chacune et chacun dans la préservation de l’environnement ?<p>À l’occasion de la Journée du Climat, le 8 décembre, la Fondation pour la nature et l’Homme (FNH) a rappelé que l’État n’avait plus que jusqu’au 31 décembre 2022 pour « sortir la France de l’illégalité climatique », suite à sa <a href="https://www.fnh.org/un-an-apres-sa-condamnation-pour-inaction-climatique-letat-nen-fait-toujours-pas-assez/">condamnation</a>, en 2021, pour inaction climatique dans le cadre de l’« Affaire du siècle ».</p>
<p>Précédemment interpellé à ce sujet sur divers réseaux, le chef de l’État, Emmanuel Macron, avait, en novembre, publié une vidéo rappelant les actions menées depuis sa première élection, et pilotées à Matignon par la <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/planification-ecologique-une-cellule-de-pilotage-au-coeur-de-matignon-1408943">cellule de planification écologique</a> mise en place les jours suivants sa réélection au printemps.</p>
<p>Ces actions sont désormais regroupées en 22 chantiers touchant à la vie quotidienne et articulées autour de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/it/node/9179">six thématiques</a> : mieux se déplacer, mieux se loger, mieux se nourrir, mieux produire, mieux consommer et mieux préserver nos écosystèmes.</p>
<iframe src="https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2FFondationNH%2Fposts%2Fpfbid02wfHvejaw1fhBZ4r42WeK2Fz2pZkAMSXZWBKMeLqguxN52Nc6KwThRTKEnmHkPXPl&show_text=true&width=500" width="100%" height="738" style="border:none;overflow:hidden" scrolling="no" frameborder="0" allowfullscreen="true" allow="autoplay; clipboard-write; encrypted-media; picture-in-picture; web-share"></iframe>
<p>La focale semble y être portée au niveau de l’individu. L’action individuelle est, de fait, l’échelle de mesure lorsqu’on s’intéresse aux changements dans les comportements. Ceci est important à rappeler face aux critiques, nombreuses, qui rappellent la responsabilité des gouvernements et des industries dans le changement climatique : derrière les institutions et les entreprises, les réglementations, les incitations et les contraintes, il y a des individus qui prennent des décisions et dont les actions vont devoir, à un moment donné, s’agréger.</p>
<p>Dans le cadre de la Grande Expérience participative de la Nuit des chercheurs, nous avons conduit, dans 11 villes françaises, avec près de 3 000 Français, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800922002282?via%3Dihub">expérience</a> pour tenter de mesurer l’importance des décalages dans les prises de décision entre les actions et leurs conséquences. Elle ne s’avère pas sans enseignement pour les politiques publiques.</p>
<h2>Les animaux se moquent du colibri</h2>
<p>Une légende amérindienne souvent reprise par les militants du climat raconte qu’un jour, les animaux de la forêt ont dû faire face à un terrible incendie. Pendant que tous, affligés par ce triste spectacle, regardaient leur lieu de vie partir en flammes, le colibri, lui, multipliait les allers-retours, transportant dans son petit bec quelques gouttes d’eau. Et à tous ceux le taxant de naïveté et lui expliquant que quelques gouttes n’éteindront pas le feu, il rétorquait :</p>
<blockquote>
<p>« Moi au moins, je fais ma part ».</p>
</blockquote>
<p>Cette légende nous dit que, entre autres, la façon dont se produit l’agrégation des actions individuelles, et la réussite ou non d’un effort collectif, vont dépendre de la capacité des individus à coordonner leurs actions et de la compréhension qu’a chacun de son rôle.</p>
<p>Plus il est difficile pour l’individu de l’intégrer, et plus son périmètre d’action lui paraîtra abscons, plus improbable sera la prise de décisions responsables. C’est parce qu’un animal pense qu’une éventuelle action de sa part ne changera rien qu’il reste passif et qu’il se moque du colibri.</p>
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<p>En matière d’écologie, l’écart entre les échelles paraît parfois immense. Le dérèglement du climat, la surpêche des océans ou la déforestation sont des problématiques planétaires, ce qui fait que les individus se trouvent parfois incapables de visualiser les conséquences de leurs actions : elles semblent trop éloignées. Les échelles de temps aussi jouent à plein : la plupart des conséquences environnementales d’une action ne sont pas immédiates et les individus ne voient pas l’horizon temporel complet ni leur position dans la ligne de temps des décideurs successifs.</p>
<p>Alors que les enquêtes confirment un désir généralisé de la population de prendre soin des ressources, des données empiriques de plus en plus alarmantes montrent une surexploitation, parfois jusqu’à un point de non-retour. Mesurer les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S095937801630543X">décalages</a> entre les déclarations et les comportements réels semble ainsi être un volet nécessaire des politiques publiques.</p>
<h2>Bien communiquer</h2>
<p>Nous avons ainsi construit un cadre fictif, celui d’une population qui extrait les ressources d’un lac et d’une mer (ainsi que d’un bois et d’une forêt), jusqu’à un potentiel épuisement. Différents éléments étaient amenés à varier. Ce que nous avons observé est que plus l’échelle de partage est grande, plus il y a d’extraction. Les actions semblent ainsi plus pertinentes lorsqu’elles sont mises en place au niveau local plutôt qu’au niveau national.</p>
<p>Il apparaît également que les individus se montrent plus gourmands lorsqu’ils savent que la ressource se renouvelle rapidement. Par ailleurs, les participants s’autorisent une consommation supérieure lorsqu’ils ne reçoivent pas de recommandation précise sur la quantité optimale à extraire.</p>
<p>L’importance d’une communication claire et empirique sur les capacités des ressources à renouveler leur stock est ainsi clairement soulignée. Son absence pourrait laisser penser qu’une abondance de certaines ressources pourrait exister.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Z6T_58TsZ1M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Je réponds à vos (premières) questions sur l’écologie (Emmanuel Macron, novembre 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette communication, reposant sur des données scientifiques précises quant à la disponibilité d’une ressource, ne semble avoir un effet significatif que si le taux de régénération de la ressource est relativement faible. Cela remet potentiellement en question l’efficacité des campagnes visant à limiter la consommation de ressources telles que l’eau, actuellement encore disponible en grande quantité, quand bien même sa disponibilité reste incertaine dans le futur.</p>
<p>Nos résultats montrent également que les femmes s’avèrent plus économes que les hommes, confirmant un effet de genre, documenté dans la plupart des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1043463119858788">recherches</a> concernant les comportements. Elles semblent davantage motrices et plus exemplaires, plus coopératives et œuvrant davantage dans le sens de la préservation des ressources communes, que leurs homologues masculins. La jeunesse paraît également en moyenne plus responsable dans la préservation des ressources.</p>
<h2>La vulgarisation reste essentielle</h2>
<p>Notre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/experiences-scientifiques-79190">expérience</a> souligne enfin que, dans un contexte de ressources rares, mobiliser ce que l’on appelle le « capital comportemental » des individus et développer l’éducation à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/environnement-21017">environnement</a> peuvent être des outils efficaces. Cela influe notamment sur la résistance des individus au changement.</p>
<p>Les discours de type vulgarisation de la science semblent essentiels. Cela permet d’enraciner la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272494409000565">définition</a> de ce qu’est « préservation de l’environnement » par rapport à « l’utilisation de l’environnement » :</p>
<blockquote>
<p>« La <strong>préservation de l’environnement</strong> exprime la croyance générale que la priorité doit être donnée à la protection de la nature et de la diversité des espèces animales dans leur état naturel, et à leur préservation de l’utilisation et de l’altération par l’homme. »</p>
<p>« <strong>L’utilisation de l’environnement</strong> exprime la croyance générale qu’il est normal, approprié et nécessaire que la nature, et tous les phénomènes et espèces naturels soient utilisés et altérés pour atteindre les objectifs humains. »</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit aussi d’enseigner les <a href="https://www.researchgate.net/publication/277475105_When_pro-environmental_norm_flirts_with_efficiency_but_what_ecology_And_what_efficiency_Quand_norme_pro-ecologique_rime_avec_efficacite_mais_quelle_ecologie_Et_quelle_efficacite">conséquences</a> perçues lointaines : en surexploitant l’environnement, l’individu non seulement diminue les possibilités pour les autres individus d’obtenir une part raisonnable des ressources, mais a également un impact sur la capacité de l’environnement à se régénérer sur le long terme, empiétant ainsi sur la capacité des générations futures à puiser dans les ressources.</p>
<p>Il faut faire connaître ce phénomène que le biologiste Garrett Hardin nommait déjà dans les années 1960 la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/the-tragedy-of-the-commons/">« tragédie des biens communs »</a>, conséquence d’un comportement humain guidé par la maximisation des gains individuels et non par le désir d’atteindre une solution socialement optimale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angela Sutan a reçu des financements pour l'organisation de la Grande Expérience Participative du réseau de la Nuit des Chercheurs. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Youenn Lohéac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une expérience met notamment en évidence l’importance de l’échelle locale pour intégrer à nos décisions leurs conséquences qui paraissent parfois lointaines.Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Youenn Lohéac, Enseignant-chercheur en Economie Expérimentale et Comportementale, Rennes School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942722022-11-09T23:43:56Z2022-11-09T23:43:56ZExclusion du député RN : ce qu’en dit la recherche en économie comportementale sur les sanctions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494411/original/file-20221109-23-job7mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=142%2C6%2C720%2C444&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le député du Rassemblement national (RN), Grégoire de Fournas, a été exclu 15&nbsp;jours pour propos racistes le vendredi 4&nbsp;novembre.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Panorama_de_l%27hémicyle_de_l%27assemblée_nationale.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans son spectacle de 2018, <a href="https://www.netflix.com/title/80189653">Humanity</a>, l’humoriste britannique Ricky Gervais évoque l’indignation que certaines personnes peuvent ressentir lorsqu’elles confondent « la substance de la blague avec la cible réelle ». Ce passage comique semble anticiper une explication des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/a-l-assemblee-nationale-seance-suspendue-et-vif-emoi-apres-une-interpellation-raciste-dans-l-hemicycle-8288892">événements</a> qui ont conduit, le 4 novembre, à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/04/le-bureau-de-l-assemble-nationale-demande-d-exclure-le-depute-rn-gregoire-de-fournas-pendant-quinze-seances-apres-ses-propos-a-teneur-raciste_6148541_823448.html">l’exclusion pour 15 jours du député</a> du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/rassemblement-national-rn-62992">Rassemblement national (RN)</a>, Grégoire de Fournas, pour propos racistes.</p>
<p>Cette exclusion constitue une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sanctions-34311">sanction</a> dite « altruiste », qui vise à calmer un état émotionnel négatif, d’un « passager clandestin » refusant les règles de respect dans le bien commun démocratique. Or, il est important d’expliquer qu’elle intervient dans un contexte d’ambiguïté qui risque d’avoir un effet contre-productif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cest-pour-ton-bien-une-sanction-peut-elle-reellement-etre-altruiste-163314">« C’est pour ton bien » : une sanction peut-elle réellement être altruiste ?</a>
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<p>En effet, trois questions sont en prendre en compte : d’une part, est-il éthique d’exclure un passager clandestin sur la base d’un échange ambigu, puisqu’on ne sait pas exactement si la phrase « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! » s’adressait au député qui s’exprimait à la tribune ou aux migrants ?</p>
<p>D’autre part, cette exclusion a-t-elle été attribuée au vrai comportement qui devait être sanctionné ? Enfin, cette ambiguïté, si validée comme méthode appropriée d’exclusion, ne pourrait-elle dans le futur être utilisée à exclure non pas des passagers clandestins, mais des contributeurs au bien commun (ce que la recherche désigne comme une <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.1153808">« punition anti-sociale »</a>, en opposition à la sanction altruiste) ?</p>
<h2>De l’adversaire à l’ennemi</h2>
<p>L’intervention du député RN fait partie d’une stratégie rodée et connue en politique, <a href="https://www.lemonde.fr/italie/article/2013/07/15/les-nouvelles-insultes-racistes-contre-cecile-kyenge-ne-troublent-pas-l-ete-romain_5994106_1666691.html">appliquée aussi par d’autres hommes politiques</a>, qui consiste en une volonté de transformer un adversaire en ennemi.</p>
<p>Un ennemi n’a pas d’identité précise, s’incarne
et se confond dans une catégorie. C’est pourquoi n’importe qui peut devenir un ennemi car il suffit de le déshumaniser pour le combattre, parfois jusqu’au point de l’anéantir. Un adversaire, quant à lui, est quelqu’un de reconnaissable, dont on connaît l’identité et aussi la personnalité. Un adversaire est respectable, le sens de la relation avec l’adversaire n’est pas l’anéantissement, mais simplement l’emporter dans la compétition.</p>
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<p>Si nous découpons la phrase qui est communiquée aux parlementaires présents et, avec eux, à la communauté qui peut assister au débat démocratique en différé, nous constatons que deux possibilités d’interprétation s’offrent simultanément à la personne qui entend les propos : à la fois, que le député de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelle-union-populaire-ecologique-et-sociale-nupes-120569">Nupes</a>) qui s’exprime à l’Assemblée nationale retourne en Afrique, puisqu’il est noir, ou que les migrants y retournent.</p>
<p>La phrase est, à l’oral, indiscernable dans son propos, et les deux possibilités peuvent simultanément être saisies par l’auditeur, générant précisément une ambiguïté interprétative à propos de l’identité du sujet auquel se réfère réellement la phrase : parle-t-il de lui ? Ou parle-t-il d’eux ?</p>
<p>On peut se demander si le but était alors de communiquer sa position politique de manière ouverte (sans possibilité de malentendu), ou plutôt de’envoyer un signal de sa position politique, tout en agissant non pas concrètement, c’est-à-dire en ayant à l’esprit une finalité concrète qui aboutit dans le monde réel (le retour en Afrique), mais abstraitement, en créant in fine une communication qui se court-circuite en elle-même.</p>
<p>Comme les Verdurin décrits par Marcel Proust dans <em>À la recherche du temps perdu</em>, on envoie un signe quand « on n’agit pas, mais on fait signe ». Il ne s’agit pas donc de rentrer dans une relation spontanée et directe qui aboutit dans le monde réel, mais de faire semblant : « Rien de drôle n’est dit chez Mme Verdurin, et Mme Verdurin ne rit pas ; mais Cottard fait signe qu’il dit quelque chose de drôle, Mme Verdurin fait signe qu’elle rit ».</p>
<p>Contrairement aux Verdurin, cependant, qui se contentaient d’affirmer l’exclusivité et la supériorité de leur clan mondain, ce signe envoyé par le député RN initie une construction de connaissance commune de la haine envers un ennemi, en permettant à l’ambiguïté de tenir lieu d’explication claire entre adversaires.</p>
<p>Cette ambiguïté prend corps seulement si elle est notifiée par l’autre personne, qui est piégée en rentrant dans le jeu d’attribution de l’identité (parle-t-elle de lui ? ou parle-t-il d’eux ?) et en continuant l’échange sur la base d’une interprétation ambiguë, exactement comme ont été piégés les députés de la Nupes.</p>
<h2>Initier un débat immédiat</h2>
<p>Là où devait y avoir débat et dialogue démocratique, et donc explications immédiates, il y a eu un monologue, suivi de silence, dont l’importance était de ne pas éclaircir son propos. Le propos a été ambigu, mais pas le signe. Le signe était clairement un comportement de passager clandestin : face au bien commun qui est celui de la démocratie, le député RN a eu un comportement de passager clandestin qui a nui au bien commun.</p>
<p>Le député RN aurait donc dû être exclu pour rupture de comportement démocratique, basé sur un langage commun, et donc pour un acte de passager clandestin, au-delà du contenu raciste de son message. En l’excluant uniquement pour propos « ambigument » racistes, l’événement pourrait servir de jurisprudence. En effet, si on montre que la plupart des individus prennent des sanctions altruistes, et punissent ceux qui ne contribuent pas assez au bien commun, il existe aussi des situations de punition anti-sociale dans lesquelles les contributeurs sont sanctionnés par des individus qui ne supportent pas de voir les autres faire le bien.</p>
<p>De plus, les individus se cachent derrière les probabilités, comme nous l’avions montré dans un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00572384/">article</a> de recherche. Or, dès que probabilité il y a, ils vont la saisir pour masquer leur comportement non-contributeur. Et donc des individus eux-mêmes passagers clandestins peuvent créer des situations délibérément ambiguës et punir les contributeurs sur le simple précédent de l’ambiguïté, qui peut servir de justification, et détruire à jamais le bien commun.</p>
<p>Les propos du député RN constituent donc un piège et malheureusement les députés de la Nupes sont tombés dedans. Mais comment éviter qu’un tel piège de transformation de l’adversaire en ennemi ne se mette en place ? Comment faire en sorte que le signe ne soit pas notifié ? Il aurait fallu initier un débat immédiat et rendre la balle au député RN pour demander explication et pour le rendre responsable de ses paroles tout de suite (et pas en différé, comme ceci a été fait). En interrompant l’échange, les députés Nupes ont pris responsabilité à la place du député RN qui a créé l’ambiguïté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La décision, malgré l’ambiguïté autour du destinataire de la phrase « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! », pourrait ouvrir la voie à des sanctions contre ceux qui contribuent pourtant au bien commun.Eleonora Montagner, Associate professor of philosophy, Burgundy School of Business Angela Sutan, Professeur en économie comportementale, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1898882022-11-08T19:01:37Z2022-11-08T19:01:37ZŒnotourisme durable, quels défis pour la France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494151/original/file-20221108-20-1r65f8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C1011%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vin et paysages</span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>En recevant plus de 90 millions de touristes étrangers en 2019, la France conservait sa place de première destination touristique mondiale. Selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6204889">Insee</a>, cette même année, la somme des dépenses touristiques en France atteignait les 170 milliards d’euros, soit presque 7 % du PIB français.</p>
<p>Parmi les 43 sites classés <a href="https://whc.unesco.org/fr/syndication">patrimoine mondial de l’Unesco</a> sur le territoire français, quatre sont directement liés à la viticulture : la <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/932">juridiction de Saint-Émilion</a> (depuis 1999), le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/933">Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes</a> (depuis 2000), les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1465">coteaux, maisons et caves de champagne</a> (depuis 2015) et les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1425">climats du vignoble de Bourgogne</a> (depuis 2015).</p>
<p>Selon <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">Atout France</a>, l’agence de développement touristique de la France, un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d’un séjour. Les derniers chiffres disponibles font état de 10 millions d’œnotouristes en 2016, pour une dépense globale de 5,2 milliards d’euros sur le territoire français. Ces chiffres n’ayant pas été actualisés depuis six ans, il est difficile de mesurer l’essor ou la contraction du phénomène œnotouristique en France.</p>
<p>La création du <a href="https://www.atout-france.fr/content/oenotourisme">pôle œnotourisme Atout France</a> en 2020 n’a pour le moment pas remédié au manque de données nationales sur la consommation touristique dans les destinations ou sur les achats de vin à la propriété. Nombre d’investissements sont faits sur la base de chiffres pour le mieux anciens voire inexistants. La comparaison avec les pays voisins est rendue tout aussi difficile par l’absence de chiffres actualisés à l’échelle globale, comme le souligne l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a> dans un récent <a href="https://webunwto.s3.eu-west-1.amazonaws.com/s3fs-public/2022-09/Wine%20Tourism%20Measurment_Presentation.pdf">rapport</a>.</p>
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<img alt="Dégustation de vin" src="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492659/original/file-20221031-8101-mptnkh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dégustation de vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
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<p>S’il est difficile de distinguer et de dénombrer précisément les œnotouristes, il est plus simple d’obtenir des informations sur l’offre. L’offre œnotouristique n’est pas un phénomène récent. Les premières initiatives collectives remontent à la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle : la première route des vins (<a href="https://www.dijonbeaunemag.fr/route-grand-crus-histoire-dune-naissance-miraculeuse/">route des Grands Crus</a>) entre Dijon et Santenay a vu le jour en 1937. Mais il s’agit le plus souvent d’initiatives isolées, en général limitées à l’ouverture du chai au public pour une visite-dégustation.</p>
<h2>L’œnotourisme peut-il être durable ?</h2>
<p>La 6<sup>e</sup> conférence de l’<a href="https://www.unwto.org/fr">organisation mondiale du tourisme</a> sur l’œnotourisme a eu lieu en septembre dernier à Alba (Italie) autour de la question suivante : comment l’œnotourisme peut-il devenir durable ?</p>
<p>Afin de mieux comprendre les enjeux de l’œnotourisme durable pour la France, une définition des termes est nécessaire. L’œnotourisme durable combine tourisme durable et œnotourisme. Selon l’<a href="https://www.unwto.org/">organisation mondiale du tourisme</a>, le tourisme durable est un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, actuels et futurs, répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels de l’environnement et des communautés d’accueil.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité" src="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492589/original/file-20221031-25-uenwy5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tourisme durable, les trois piliers de la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Atout France</span></span>
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<h2>Du bilan carbone à la construction d’un plan d’action</h2>
<p>La région viticole de <a href="https://sonomawinegrape.org/scw/sustainability/">Sonoma</a> en Californie constitue un modèle à l’international. Elle est devenue en l’espace de seulement 5 ans la région viticole la plus labellisée durable au monde : entre 2014 et 2019, 99 % des 500 domaines de la région ont reçu une certification durable. Cette particularité stimule les ventes de vin (8 milliards de dollars par an) et constitue un facteur différenciant d’attractivité territoriale : pas moins de 1,2 milliard de dollars sont dépensés chaque année dans le comté de Sonoma par les œnotouristes.</p>
<p>En 2022 le <a href="https://www.vins-bourgogne.fr/">Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne</a> (BIVB) a développé, conjointement avec <a href="https://www.adelphe.fr/">Adelphe</a> entreprise spécialisée dans le recyclage des emballages des entreprises françaises « Objectif Climat » : une méthodologie complète de réduction et de neutralisation carbone à l’échelle d’une filière et d’un territoire viticole. L’objectif ? Dans un premier temps, mesurer puis établir une trajectoire de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à un seuil incompressible, et enfin compenser les émissions incompressibles.</p>
<p>La transformation de la trajectoire en plan d’action est co-construite avec les acteurs de la filière au fil de huit ateliers : le premier, portant sur l’œnotourisme durable a eu lieu récemment. Les suivants abordent des thèmes complémentaires : emballage, fret, réduction au chai, réduction à la vigne, compensation à la vigne, compensation par les forêts et enfin mobilité et déplacements.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-bilans-carbone-sont-incertains-et-comment-les-ameliorer-188930">bilan carbone</a> est un outil qui prend en compte un seul paramètre : les émissions carbone. Lorsqu’on parle de durabilité, de multiples autres indicateurs sont pris en compte pour aborder les trois piliers de la durabilité : social, économique et environnemental.</p>
<p>Le bilan carbone est un indicateur imparfait, qui ne prend pas en compte des aspects comme l’impact sur la biodiversité ou la qualité de l’air mais qui a l’avantage d’être mesurable.</p>
<p>Dans un contexte de tension sur les approvisionnements, et compte tenu du poids très important de l’emballage dans le bilan carbone de la filière, le lavage et le réemploi des bouteilles ouvertes et consommées lors des dégustations ou des séjours des œnotouristes au domaine commencent à apparaître comme une nécessité.</p>
<h2>L’épineuse question de la mobilité</h2>
<p>D’après les calculs du BIVB, le bilan carbone des 3 600 domaines, 270 maisons de négoce et 16 caves coopératives de Bourgogne atteint les 380 000 tonnes équivalent CO<sub>2</sub>. Beaucoup plus à l’hectare que le vignoble bordelais (13 tonnes équivalent CO<sub>2</sub> par hectare contre 4 à Bordeaux), si l’on se réfère à un article paru récemment dans la <a href="https://www.larvf.com/quand-le-vin-passe-au-regime-sans-carbone,4804605.asp">Revue du Vin de France</a>.</p>
<p>La décision stratégique de prendre en compte ou non les déplacements des œnotouristes peut comptablement avoir un impact déterminant sur le bilan carbone d’une région viticole. À titre d’exemple : selon le BIVB les déplacements représentent 26 % du bilan carbone du vignoble bourguignon, et 79 % de ces émissions générées par les déplacements le sont par des œnotouristes. Ne pas comptabiliser les déplacements des œnotouristes réduirait sur le papier le bilan carbone de la région viticole de 20 %.</p>
<p>Dans cette logique de prise de conscience de l’impact des mobilités touristiques et des liens que le monde vigneron doit tisser avec son territoire, l’Interprofession des Vignerons du Sud-Ouest a entamé en 2022 un dialogue scientifique et œnotouristique avec l’Agence française des biens de Compostelle. Ils s’associent pour étudier puis valoriser les liens existants entre l’implantation des vignobles du sud-ouest, leur richesse ampélographique (relative à l’étude des cépages), leur diffusion et la préservation des paysages de vignes sur le parcours des pèlerins. Il s’agit de faire des pèlerins des ambassadeurs de la qualité paysagère et des vins du Sud-Ouest.</p>
<h2>Le rôle clef des pouvoirs publics</h2>
<p>En 2022, près de 9 Français sur 10 ont choisi la France pour destination. L’<a href="https://www.inegalites.fr/depart-vacances">Observatoire des Inégalités</a> constate que seuls 54 % des Français partent en vacances au moins une fois par an, et ce taux chute à 37 % pour les Français les plus modestes. Le développement de l’œnotourisme permet de répartir l’activité touristique tout au long de l’année et pas seulement pendant les mois de juillet et août. Le temps du vigneron n’est pas le temps du touriste. C’est à la fin de l’été que les travaux des vignes et les vendanges nécessitent le plus de main-d’œuvre. Il est donc nécessaire pour les domaines de disposer d’une équipe dédiée à l’œnotourisme.</p>
<p>Le manque de communication entre privé et public est souvent mentionné comme un frein au développement d’activités œnotouristiques expérientielles par les domaines. En encourageant les formations spécifiques mettant en avant une approche de la durabilité, les pouvoirs publics contribueraient à créer des emplois tertiaires et à fixer des populations dans des zones rurales, parfois même des zones rurales à revitaliser (ZRR). Pour les domaines, dans un contexte de manque de main-d’œuvre, la communication (faire-savoir) sur les trois piliers de la durabilité constitue un atout de séduction et de fidélisation autant pour les équipes que pour les clients en quête de sens.</p>
<p>Les vignerons comme les appellations irriguent culturellement leur territoire. En faisant rentrer dans les chais expositions, concerts ou théâtre, en rénovant le bâti vernaculaire ancien ou encore en faisant appel à des architectes pour créer un bâti contemporain, ils participent de l’offre culturelle et patrimoniale du territoire. Ils sont donc partie prenante dans l’attractivité touristique, économique et culturelle de leur village, de leur intercommunalité ou de leur département.</p>
<p>Tous les plans de développement touristique régionaux récents en France s’axent autour de la durabilité. Les pouvoirs publics mesurent la nécessité de fédérer tous les professionnels qui participent à l’accueil des visiteurs, d’aménager les sites visités sur un plus grand périmètre, de s’intéresser aux modalités selon lesquelles les touristes arrivent, circulent et repartent pour l’ensemble des moyens de transport, de mobiliser les habitants, d’informer les visiteurs, de mesurer les progrès et les échecs et d’assurer une information transparente.</p>
<p>Reste à savoir si les efforts des pouvoirs publics seront suffisant pour répondre aux besoins des professionnels de la filière et fédérer les initiatives individuelles. L’amélioration de la lisibilité et de l’approche durable de l’offre œnotouristique sera déterminante pour impulser le développement de l’attractivité touristique des territoires viticoles.</p>
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<p><em>Cet article a été rédigé grâce à l’aide précieuse de Jeremiás Balogh (Associate Professor – Corvinus University of Budapest), de Jeanne Fabre (Chef de projet œnotourisme chez Famille Fabre), Nicolas Ravel (Responsable Services Techniques Vignoble de la Cave de Tain), Anne Reutin (Consultante freelance pour la décarbonation du secteur vitivinicole), Charlotte Waeber (Chargée de mission tourisme durable Région Bourgogne Franche Comté), Bérangère Amestoy (Consultante en œnotourisme) et Lucie Guillotin (Responsable Développement Durable – Bureau interprofessionnel des Vins de Bourgogne).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>France GERBAL-MEDALLE est membre du Parti radical de gauche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Rigaux et Magalie Dubois ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un tiers des touristes cite le vin et la gastronomie comme motivations de choix d'un séjour sur le territoire français. Mais à quelles conditions cet oenotourisme peut-il être responsable ?Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business Charles Rigaux, Professeur assistant en sociologie à l'Université de Bourgogne, Chercheur associé à la chaire UNESCO Cultures et Traditions du vin, Université de Bourgogne – UBFCFrance Gerbal-Medalle, Chercheur associée au LISST-Dynamiques Rurales, Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916952022-10-06T18:32:08Z2022-10-06T18:32:08ZLa coopétition dans les vins d’Auvergne : pour le meilleur et pour le pire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487505/original/file-20220930-22-5p5ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C12%2C1180%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vignes de l'AOC Côtes d'Auvergne à Boudes dans le Puy-de-Dôme.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vignes_côtes-d%27auvergne_Boudes_2016-07-16_n2.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coopetition-62125">coopétition</a>, qui désigne une situation de coopération entre concurrents, est un <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">phénomène ancien</a> qui n’a bénéficié que récemment d’un intérêt de la part des entreprises et des chercheurs en gestion. Sans doute parce que l’association de ces deux notions, concurrence et coopération, paraissait trop antinomique pour trouver sa place dans le corpus théorique des sciences économiques et de gestion, à l’exception de quelques apports de la théorie des jeux.</p>
<p>Depuis une vingtaine d’années, les recherches s’amplifient cependant, portées par l’évidence de l’intérêt stratégique de cette modalité de développement interorganisationnel. Elle peut paraître contre-intuitive, mais se nourrit de nombreux exemples de succès : s’allier avec un concurrent peut permettre de faire grossir un « gâteau » à se partager ensuite (la coopération permettant d’être plus efficace à plusieurs que seul), et s’avère préférable à la lutte à mort concurrentielle qui permet au mieux, souvent, une modeste part supplémentaire d’un gâteau bien amaigri.</p>
<p>L’idée part donc d’une hypothèse forte : la coopération entre concurrents permettrait, à certaines conditions, de créer davantage de valeur en favorisant l’innovation, le partage de savoirs, de compétences, de techniques ou de matériel, en permettant des économies d’échelle par des investissements ou des achats communs, etc.</p>
<h2>Le cas des vins d’Auvergne</h2>
<p>C’est le cas, par exemple, de Salomon, Millet et Babolat qui, bien que concurrents directs sur un certain nombre de produits, s’associent au sein de l’Advanced Shoe Factory 4.0 pour <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/sport-chamatex-fait-le-pari-du-made-in-france-avec-salomon-millet-et-babolat-1252326">relocaliser en France la production de chaussures de sport</a> (voir à ce sujet l’étude de <a href="https://www.chairecooinnov.com/cas">cas proposée par la Chaire Coo’Innov</a>).</p>
<p>Autre exemple dans le monde audiovisuel, Canal+, qui connaît une sévère perte d’abonnés ces dernières années, s’est finalement allié à ses anciens rivaux, Netflix, Disney et OCS, pour proposer aux spectateurs les offres de ses concurrents, en plus des programmes originaux. Cette <a href="https://theconversation.com/fr/topics/strategie-21680">stratégie</a>, combinée à d’autres actions, semble à ce jour porter ses fruits.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0019850122001183">recherche</a> porte quant à elle plus spécifiquement sur les vins d’Auvergne, <a href="https://www.inao.gouv.fr/produit/14878">regroupés depuis 2010 au sein de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) « Côtes d’Auvergne »</a>. Elle met clairement en évidence les bénéfices issus de la coopétition pour ce vignoble, longtemps peu prestigieux et peu renommé, qui connaît un net sursaut et une amélioration significative de sa qualité depuis quelques années. Dans un petit vignoble comme celui de l’AOC Côtes d’Auvergne, véritable <a href="http://www.vin-vigne.com/images/vin_vigne/carte_vin_france.jpg">« nain » parmi les 16 appellations génériques des vins de France</a> au côté des prestigieux vins de Bourgogne, de Bordeaux ou de Champagne, le partage des ressources est essentiel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/strategie-volcanique-pour-le-cotes-dauvergne-un-petit-vin-devenu-grand-133937">Stratégie volcanique pour le côtes d’Auvergne, un « petit » vin devenu grand</a>
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<p>Les vignerons et viticulteurs ont mis en commun certains matériels (par exemple pour les vendanges), des ressources financières, mais s’apportent aussi une entraide très significative, alors qu’ils sont pourtant, en même temps, concurrents. La stratégie de coopétition mise en place a rapidement permis aux acteurs de la filière de créer de la valeur, d’abord sur la qualité du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a> avec des <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/cinq-raisons-pour-lesquelles-les-vins-d-auvergne-ont-la-cote_14062593/">résultats plutôt probants</a>, induisant un cercle vertueux et des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-vin-de-dominique-hutin/le-souffle-nouveau-de-l-auvergne-authentique-eldorado-du-vin-7453425">conséquences remarquables sur la notoriété</a>.</p>
<h2>Les nouveaux arrivants plus que bienvenus</h2>
<p>Créer de la valeur est une première étape évidemment essentielle, mais pas la seule. Le deuxième étage de la « fusée coopétition » est celui de l’appropriation de la valeur, c’est-à-dire le fait, pour les acteurs engagés dans une telle stratégie, de retirer les fruits, collectivement ou individuellement, des gains ainsi créés. De façon individuelle, la notoriété accrue par la production semble <a href="https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/pierre-desprat-il-est-plus-facile-de-valoriser-nos-cotes-d-auvergne-a-new-york-qu-a-clermont-ferrand_12824584/">aider certains à mieux exporter</a>, tandis que d’autres acteurs ont pu accroître leur volume de production et/ou leurs prix de vente. Mais il y a plus surprenant, et intéressant : nos interlocuteurs nous le disent nettement, les nouveaux arrivants sur le terroir sont non seulement les bienvenus, mais même souhaités, encouragés par les vignerons et viticulteurs déjà installés. Au point, par exemple, de leur réserver des terres : une caractéristique surprenante et peu intuitive de ces relations de coopétition, entre concurrents qui coopèrent.</p>
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<p>Pourtant, le tableau n’est pas complètement idyllique, et fait ressortir une face cachée de la coopétition qui peut aussi engendrer des formes de « destruction de valeur ». Ce qui prouve si besoin était que la coopération entre concurrents ne va pas de soi : elle conduit parfois, de façon non intentionnelle, à des résultats qui vont à l’encontre des effets initialement recherchés.</p>
<p>Prenant ici la forme d’une AOC, par définition dotée d’un cahier des charges précis et contraignant – gage de qualité, justement – elle semble avoir de possibles effets pervers. Par exemple, les <a href="https://vin-champagne.ouest-france.fr/quest-ce-que-le-rendement/">rendements d’une vigne en AOC sont bien inférieurs</a> à ceux d’une « simple » indication géographique protégée, et a fortiori, d’une parcelle commercialisée en « vins de France ».</p>
<h2>« L’union fait la force »</h2>
<p>Pour l’AOC Côtes d’Auvergne, le rendement maximum autorisé est de 55 hectolitres par hectare, quand il s’élève à 70 en Indication géographique protégée (IGP). De quoi inciter certains à privilégier cette IGP et à sortir de la logique d’AOC et donc de la stratégie collective adoptée d’une montée en qualité et en notoriété. Si l’AOC implique souvent une augmentation du prix de vente des vins, supposée surpasser la baisse des rendements, il n’est pas certain que la marge de manœuvre soit significative pour les vins d’Auvergne de ce côté-là, tout de même concurrencés par d’encombrants (et réputés) voisins.</p>
<p>Ainsi, notre recherche conforte, pour le secteur des vins d’Auvergne, tout l’intérêt de mécanismes de coopétition, notamment pour des petites structures, relativement homogènes, sur des territoires peu renommés. Comme le dit le dicton, « l’union fait la force ». Si, donc, les raisons pour lesquelles la coopétition constitue aujourd’hui une stratégie très utilisée par les entreprises semblent clairement ressortir, et sont adaptées aux petites entreprises, notre étude montre aussi certaines limites de l’exercice, qui justifient probablement une approche sur-mesure selon les situations rencontrées.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191695/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les viticulteurs auvergnats expérimentent la coopération entre concurrents avec succès, mais pas sans pointer quelques limites de l'exercice.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1893192022-09-15T18:11:20Z2022-09-15T18:11:20ZMarchés du vin, de la bière et du cidre : des frontières de plus en plus floues<p>Depuis quelques années, l’offre de boissons dites « fun » a fortement augmenté de telle sorte qu’il devient difficile de faire la différence entre trois types de boissons fermentées, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biere-80058">bière</a> et le cidre. En effet, il est possible de boire des vins de cerises, un co-ferment de bière et de jus de myrtille qui ont le goût d’un Lambrusco ou encore des cidres rosés croustillants aux saveurs de poires qui ont le goût d’un Prosecco. L’hybridation croissante du vin, de la bière et du cidre rend chaque boisson de plus en plus floue et redéfinit les lignes de concurrence entre les produits et les marchés.</p>
<p>Le vin, la bière et le cidre, comparés aux spiritueux, bénéficient d’un potentiel renouvelé et croissant auprès des jeunes consommateurs du monde entier. Toutefois, une analyse comparative des trois marchés montre que la consommation est fortement concentrée dans quelques pays. En effet, près de la moitié du marché est couverte par les quatre principaux pays consommateurs de vin (États-Unis, Italie, France et Allemagne) et de bière (États-Unis, Chine, Brésil et Allemagne). Le marché du cidre, moins volumineux, est concentré dans seulement trois pays (Royaume-Uni, Afrique du Sud, États-Unis).</p>
<p>La production de raisin, la latitude (autrement dit, le climat), la géologie et l’histoire expliquent traditionnellement la consommation relative de vin. Cependant, l’intégration économique mondiale a <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1477-9552.12128">affaibli l’association entre production et consommation</a>.</p>
<p>Pour expliquer la consommation de boissons dans le monde, de nombreuses études universitaires identifient les variables culturelles comme essentielles. L’environnement culturel, la dynamique démographique, l’éducation, les institutions et les réglementations gouvernementales par le biais du commerce influencent évidemment le comportement des consommateurs, l’impact sur le comportement d’achat, la prise de décision et les réponses aux aspects tarifaires.</p>
<h2>Caractéristiques intrinsèques et extrinsèques</h2>
<p>Ces trois marchés sont généralement étudiés séparément, bien qu’il semble exister des synergies et des complémentarités entre ces trois boissons. En effet, la fonction de demande pour ces boissons fermentées est dérivée de la maximisation de la fonction d’utilité du consommateur. Elle est dépendante du revenu, des prix et du comportement de consommation subjectif des consommateurs. La plupart des études constatent ainsi que les élasticités-revenu du vin sont considérablement plus élevées que celles de la bière ou du cidre.</p>
<p>Par conséquent, dans les pays où la bière est la boisson traditionnelle, les ménages peuvent déplacer leur consommation <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">d’alcool</a> vers les vins lorsqu’ils deviennent plus riches. L’impact de la culture dans l’explication du comportement des consommateurs permet donc de <a href="https://www.researchgate.net/publication/344888719_Wine_Consumption_and_Culture_A_Cross-Country_Analysis">mieux comprendre les complémentarités</a> entre les trois boissons fermentées.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En ce qui concerne le prix, le cadre hédonique a été largement utilisé dans les études universitaires pour saisir les variables qui ont un impact direct sur le prix, tels que les facteurs géographiques et viticoles, les facteurs temporels, l’information publique et les facteurs de productivité.</p>
<p>Les caractéristiques intrinsèques sont celles qui sont regroupées dans le bien et constituent l’essence du produit. Les caractéristiques extrinsèques sont celles qui influencent l’appréciation du bien par le consommateur mais qui n’appartiennent pas au produit lui-même. La classification des déterminants des prix proposée dans le tableau suivant est un cadre applicable aux trois catégories de boissons. Il contient cinq clusters, chacun d’eux étant trié selon l’état de la nature, c’est-à-dire fixe ou variable.</p>
<p><iframe id="OUznG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/OUznG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il existe un grand nombre <a href="https://www.researchgate.net/publication/338535129_Hedonic_Price_Functions_and_Wine_Price_Determinants_A_Review_of_Empirical_Research">d’articles universitaires</a> présentant des modèles hédoniques des déterminants du prix du vin par rapport au peu d’études sur la bière ou le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13504851.2020.1852162">cidre</a> qui portent principalement sur des critères géographiques ou des facteurs agricoles. Les facteurs d’horizon temporel ne semblent pas pertinents pour ces deux dernières boissons fermentées.</p>
<h2>Nombreuses opportunités</h2>
<p>Le vin, la bière et le cidre sont des biens d’expérience, c’est-à-dire que leur qualité est incertaine et n’est connue qu’après consommation. Les consommateurs recherchent ainsi des informations sur la qualité, et le prix devient le résultat de signaux de qualité. Par conséquent, le marché des avis d’experts sur le vin est important et les consommateurs comptent sur cette information pour prendre leurs décisions d’achat. Le rôle des experts, bien que critiqué, a été reconnu pour réduire l’information asymétrique en fournissant des notations publiques et des évaluations de qualité.</p>
<p>C’est clairement une voie à suivre pour la bière et le cidre. Une analyse comparative des déterminants du prix du vin, de la bière et du cidre doit être développée pour analyser l’impact des facteurs géographiques, de l’information du public et des conditions d’approvisionnement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-vin-nature-est-il-le-futur-de-lindustrie-vitivinicole-187191">Le vin nature est-il le futur de l’industrie vitivinicole ?</a>
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<p>Un certain nombre d’études récentes appliquent l’approche du consentement à payer aux boissons au sens donné par les économistes – le prix de réservation – c’est-à-dire la limite du prix d’un produit ou d’un service qu’un consommateur est capable ou disposé à payer. En appliquant cette approche, il peut être possible de comprendre si la culture, les attitudes, les us et coutumes ont un impact sur l’approche du consentement à payer une bouteille de vin, de bière, de cidre ou de toute nouvelle boisson « fun ».</p>
<p>Enfin, une interrogation liée au comportement des consommateurs et à l’approche du consentement à payer émerge des propriétés intrinsèques des produits. Une grande partie de l’innovation dans le secteur des boissons fermentées s’est concentrée sur la saveur, la couleur et les perceptions sensorielles. La recherche académique s’est pour l’instant essentiellement intéressée aux préférences de saveur de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/331385690_How_consumer_involvement_influences_consumption_elicited_emotions">bière</a> et du <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jib.489">cidre</a>. Il reste donc de nombreuses opportunités de recherche sur les innovations dans le secteur des boissons fermentées.</p>
<p>L’accent mis sur l’aspect naturel de la boisson par rapport à d’autres produits concurrents pourrait être une question intéressante. Ainsi, des produits vins, bières ou cidres aux arômes nouveaux (vanille, cerise, fruits rouges, fruits de la passion, fruits exotiques) pourraient très bien être des produits à succès.</p>
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<p><em>Cet article a été présenté lors de la première conférence de l’European Association of Wine Economists (EuAWE) en mai 2022 à Vila Real (Portugal), à la 7<sup>e</sup> conférence de la BeerOnomics en juin 2022 à Dublin (Irlande) et à la 5<sup>e</sup> conférence de l’Academy of Wine Business Research (AWBR) à Dijon (France) en juillet 2022.</em></p>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Le Fur est directeur des tendances de marché de la Chaire Vins et Spiritueux de l'INSEEC Bordeaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Outreville, Lara Agnoli et Martin Cloutier ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les acteurs du marché développent leur offre avec de nouvelles boissons difficiles à catégoriser qui bénéficient d’un potentiel commercial chez les jeunes consommateurs.Jean-François Outreville, Professeur émérite, Burgundy School of Business Éric Le Fur, Professeur, INSEEC Grande ÉcoleLara Agnoli, Associate professor, Burgundy School of Business Martin Cloutier, Professeur titulaire, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1895972022-09-01T17:47:33Z2022-09-01T17:47:33ZLuxe : l’achat de contrefaçon n’est pas qu’une question de prix<p>En imitant les lettres apposées sur les bouchons d’amphores, un vigneron gaulois essaie de vendre son vin en le présentant comme un des meilleurs vins italiens. Nous sommes au II<sup>e</sup> siècle av. J.-C., et le <a href="https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1991_num_43_3_2308">premier cas de contrefaçon</a> vient de faire son apparition.</p>
<p>La contrefaçon, pire ennemi du marché de l’industrie du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a>, est partout et à tous les niveaux.</p>
<p>En 2020, la valeur des marchandises saisies aux frontières de l’Union européenne s’est élevée à <a href="https://www.paragon-id.com/fr/inspiration/la-contrefacon-dans-le-secteur-du-luxe-defis-et-solutions">778 millions d’euros</a>. <a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-de-la-mode-103977">L’industrie de la mode</a> est particulièrement touchée. Le marché de la mode contrefaite est évalué à <a href="https://www.voguebusiness.com/fashion/how-independent-brands-are-resisting-counterfeits">464 milliards de dollars</a> en 2019 et les pertes de ventes de mode liées aux produits contrefaits ont atteint <a href="https://www.statista.com/statistics/1117921/sales-losses-due-to-fake-good-by-industry-worldwide/">26,3 milliards d’euros</a> dans le monde en 2020.</p>
<p>Les effets économiques négatifs de la contrefaçon, comme les pertes d’emploi et les pertes de revenus, sont aujourd’hui <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/jbrese/v69y2016i10p4249-4258.html">bien connus</a>. Un rapport de l’UE en 2015 montrait que <a href="https://euipo.europa.eu/ohimportal/en/web/observatory/ip-infringements_clothing-accessories-footwear">365 000 emplois directs</a> avaient été perdus à cause de la contrefaçon. Et les impacts négatifs ne sont pas qu’économiques, ils sont aussi humains : <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Julio-laporta-la-contrefacon-n-est-pas-un-crime-sans-victime-,1422261.html">travail forcé, cybercriminalité, financement du terrorisme</a>, <a href="https://lescoulissesdelacontrefacon.weebly.com/conseacutequences-et-risques.html">problèmes de santé</a> et <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/mcb/096/2011/00000020/00000005/art00005">perte de confiance et d’estime de soi</a> chez les consommateurs.</p>
<h2>Expériences contrastées</h2>
<p>Acheter ou vendre un article contrefait est illégal. En France, un <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/La-contrefacon">acheteur de contrefaçon</a> se verra confisquer l’article et devra payer une amende d’une valeur entre une et deux fois le prix de l’article contrefait. La sanction des <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/La-contrefacon">vendeurs ou détenteurs d’articles contrefaits</a> peut aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. Malgré ce cadre légal, le marché de la contrefaçon reste dynamique, notamment en raison de la <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/joreco/v62y2021ics0969698921001624.html">digitalisation de la consommation</a> et de l’engouement des consommateurs pour le <a href="https://hapticmedia.com/blog/fr/le-march%C3%A9-du-luxe-en-chiffre/">marché du luxe</a>.</p>
<p>Outre un renforcement des solutions légales et douanières, de nouvelles <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/05/26022-comment-mieux-combattre-la-contrefacon/">solutions technologiques</a> se sont pourtant développées : blockchain, Internet des objets, traceurs chimiques, hologramme. Des start-up, telles que <a href="https://www.veworld.com/home">vechain</a> et <a href="https://www.arianee.org/">arianee</a> se sont emparées de ces solutions pour aider les marques de luxe à lutter contre la contrefaçon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-marqueurs-luminescents-pour-lutter-contre-la-contrefacon-et-mieux-recycler-les-materiaux-176713">Des marqueurs luminescents pour lutter contre la contrefaçon et mieux recycler les matériaux</a>
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<p>Dans contexte, notre équipe de recherche a récemment finalisé un article académique (à paraître) ayant pour but de mieux comprendre les raisons et l’impact psychologique de l’achat de la contrefaçon de mode de luxe. 10 participants, 2 hommes et 8 femmes, tous européens et âgés entre 20 et 34 ans, ont pris part au projet. Chaque participant a réalisé un entretien individuel pour mieux comprendre ses habitudes d’achat de contrefaçon et sa perception de la contrefaçon de mode de luxe.</p>
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<p>L’étude a identifié des expériences contrastées : alors que certains participants ont acheté impulsivement et ont ensuite regretté leur décision, d’autres ont soigneusement examiné leur achat et ont finalement été satisfaits de leur achat.</p>
<p>La première catégorie regroupe des acheteurs plutôt « impulsifs » ont expliqué avoir acheté leur article contrefait sur « un coup de tête », ayant été attiré par la ressemblance immédiate de l’article contrefait avec une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marques-39209">marque</a> de luxe, ou parce que leur achat avait été en ligne et donc très rapide et peu réfléchi. Ces acheteurs ont exprimé un vif regret très peu de temps après l’achat. Ce regret est couplé, et même peut être expliqué, par une prise de conscience éthique et écologique, comme l’illustre le témoignage suivant :</p>
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<p>« En achetant de la contrefaçon, je nourris la pauvreté. J’ai l’impression de soutenir le travail illégal en achetant de la contrefaçon. […] Je me sentais coupable en raison de l’impact de la contrefaçon, de la chaîne d’approvisionnement non sécurisée, du travail des enfants, etc. »</p>
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<p>Ces participants ont ressenti une telle culpabilité et une telle honte qu’ils ont déclaré ne plus vouloir acheter de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/contrefacon-42995">contrefaçon</a>. Ils expliquent même partager ce sentiment avec d’autres consommateurs pour les convaincre de ne plus acheter de contrefaçon.</p>
<h2>Un pied de nez à l’industrie</h2>
<p>Contrairement à ces acheteurs « impulsifs », les autres participants ont une approche différente de leurs achats de contrefaçon. Ces participants examinent soigneusement et de manière non impulsive les articles de contrefaçon. Ils ont développé une expertise et une connaissance pour trouver de la contrefaçon de qualité et d’une grande ressemblance avec les articles de luxe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pme-industrielles-six-principes-pour-gerer-le-risque-de-contrefacon-133254">PME industrielles : six principes pour gérer le risque de contrefaçon</a>
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<p>Alors que les participants « impulsifs » achètent des articles contrefaits à faible prix (entre 5 et 20 euros), ces participants « experts » sont prêts à payer un article contrefait plus cher (entre 20 et 400 euros) tant que la qualité de l’article est garantie. Ces acheteurs « experts » estiment notamment que leurs achats constituent un pied de nez à l’industrie de luxe, comme l’illustre le témoignage d’un participant :</p>
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<p>« Les marques de luxe nous manipulent. La qualité n’est pas si bonne que ça. Je ne le trouve pas éthiquement correct. Je sais ce que coûte vraiment le produit, et les marques de luxe augmentent tellement le prix, c’est trop et ça n’en vaut pas la peine. »</p>
</blockquote>
<p>Notre étude montre donc que la perception des consommateurs concernant l’aspect <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ethique-20383">éthique</a> du monde du luxe est le pivot dans la finalisation d’un achat de contrefaçon. Alors que certains consommateurs culpabilisent d’avoir acheté de la contrefaçon qu’ils considèrent non éthiques, d’autres consommateurs considèrent l’industrie de luxe et ses politiques de prix comme non-éthique, ce qui les amène à consommer de la contrefaçon. Notre travail de recherche souligne ainsi l’importance de l’éducation sur les caractéristiques éthiques et légales de l’industrie de la contrefaçon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, certains acheteurs de faux produits justifient leur acte comme une réponse aux pratiques des acteurs du luxe qu’ils considèrent non éthiques.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Patrice Piccardi, Director Msc Luxury Management & Innovation, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1871912022-08-25T16:56:04Z2022-08-25T16:56:04ZLe vin nature est-il le futur de l’industrie vitivinicole ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475394/original/file-20220721-10129-gzxs2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C1220%2C839&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche d’authenticité et d’une alimentation plus saine favorise aujourd’hui l’engouement pour les vins nature.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/vin-bouteille-de-vin-boisson-3678884/">Gábor Adonyi/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la différence des vins biologiques (certifiés par un des organismes indépendants accrédités) ou biodynamiques (certifiés par <a href="https://demeter.net/">Demeter</a> ou <a href="http://www.biodyvin.com/fr/accueil.html">Biodyvin</a>), les vins dits « nature » n’ont pas de définition unanimement acceptée par les acteurs de la filière vitivinicole française. Une telle définition n’existe pas non plus d’ailleurs à l’international. Alors de quoi parle-t-on ?</p>
<p>En France, le père spirituel du vin nature s’appelle Jules Chauvet. Né en 1907, ce chercheur à l’institut de chimie biologique de Lyon, dégustateur, et vigneron dans le <a href="https://www.rue89lyon.fr/2014/08/24/vin-naturel-va-t-il-sauver-le-beaujolais/">Beaujolais</a> affirmait : « Le vin, moins on le touche, mieux ça vaut ». Père spirituel, parce que si le vin nature est difficile à définir c’est qu’il s’agit avant tout d’une philosophie : s’approcher au plus près de la définition idéale du vin, qui ne serait que du jus de raisin fermenté, et rien d’autre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1222828311098941440"}"></div></p>
<p>Le vin nature n’a pas d’existence légale. En France, l’emploi des dénominations composées « vin nature » ou « vin naturel » pour des vins n’est pas autorisé. En l’absence de définition réglementaire, l’usage des termes « nature » ou « naturel » peut être autorisé pour qualifier un mode d’élaboration spécifique ou une qualité particulière, c’est-à-dire une « méthode ». Un label « vin méthode nature » répondant à une <a href="https://vinmethodenature.org/le-label/">charte</a>, validée par <a href="https://www.inao.gouv.fr/">l’Institut National de l’Origine et de la qualité</a> (INAO) et <a href="https://www.terredevins.com/actualites/la-denomination-vin-methode-nature-est-nee">reconnue par la Direction générale de la consommation</a>, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) depuis mars 2020. Créée à l’initiative du <a href="https://vinmethodenature.org/qui-sommes-nous/">Syndicat de défense des vins naturels</a>, qui comptait 109 vignerons en 2020 et 156 en 2021, elle garantit notamment aux consommateurs : des vendanges manuelles, des raisins 100 % biologiques, des levures indigènes, aucun intrant oenologique, pas de sulfites ajoutés ni avant ni durant les fermentations.</p>
<p>Si les tentatives d’organisation semblent encore peiner à fédérer massivement les vignerons, c’est que le vin nature est apparu comme un espace de liberté fonctionnant en auto-certification autour du concept clef de transparence (je dis ce que je fais et je fais ce que je dis). Certains refusent la standardisation d’une définition pour les vins nature car ils craignent la possible récupération par les industriels de cette dénomination. Nombreux sont les vignerons nature qui se sont affranchis du système des <a href="https://www.20minutes.fr/magazine/sent-bien-fruit-mag/3022711-20210416-mention-aoc-bouteille-vin-ca-change-quoi">AOP/AOC</a> (appellations d’origine protégée/contrôlée) considéré comme trop rigide afin de pouvoir expérimenter avec davantage de liberté. D’autres sont devenus des références au sein de leur appellation : Ganevat ou Overnoy dans le Jura, De Moor ou Derain en Bourgogne, Breton dans la Loire. La notoriété de certains vignerons nature a permis de remettre en lumière des régions viticoles comme le Beaujolais, le Jura, la Savoie ou encore l’Auvergne.</p>
<h2>Tendance ou mouvement de fond ?</h2>
<p>Les vignerons nature doivent utiliser des raisins biologiques. Selon les <a href="https://www.agencebio.org/observatoire-de-la-production-bio-nationale/">organismes certificateurs</a>, les vignobles certifiés totalisent 90 298 hectares en 2021 (sur les 750 000 hectares que compte le vignoble français), en hausse de plus de 13 % par rapport à 2020. Presque 70 000 hectares sont actuellement en conversion, ce qui signifie que 20 % de la superficie du vignoble français pourrait être certifiée biologique en 2024.</p>
<p><iframe id="NQQxD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NQQxD/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux vins certifiés biologiques, il est impossible de trouver des données fiables concernant le volume de production, de consommation, d’exportation ou même le nombre de domaines produisant des vins nature. Si l’on s’en tient aux informations disponibles sur les pages des fédérations, il y aurait un peu moins de 200 vignerons nature en France. Or certains <a href="https://www.vinsnature.fr/domaines">sites de vente en ligne</a> en recensent plus de 400. La majorité de ces vignerons travaillent sur de petits domaines, avec des productions limitées.</p>
<p>Plus de 80 % des volumes de vin vendus en France le sont toujours en supermarché, où l’on trouve peu de vins sans sulfites, encore moins de vins nature. Ceci s’explique en partie par la taille souvent limitée des domaines produisant du vins nature (il leur serait difficile de fournir une centrale d’achat nationale si toutefois ils en avaient l’envie, la plupart des vignerons nature ne souhaitant pas vendre en supermarché).</p>
<p>De par leur visibilité, les vins nature semblent pourtant omniprésents sur le marché. Certains producteurs, s’ils ne se fédèrent pas, se rassemblent dans des <a href="http://www.dive-bouteille.fr/la-playlist-de-la-dive/">salons nationaux</a> et <a href="https://www.rawwine.com/fairs">internationaux</a> de plus en plus prisés. Ils sont l’extrême pointe médiatique du marché du vin qui rompt avec la normalisation des appellations en France. L’esthétique nouvelle que l’on peut facilement distinguer sur la plupart des étiquettes de vin nature, brise les codes connus du vin. Les vins nature répondent à une recherche d’authenticité, de procédés plus transparents et d’une alimentation plus saine, plus respectueuse de l’environnement de la part des consommateurs.</p>
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<p>Pour les cavistes et les restaurateurs, le caractère limité des volumes de production oblige souvent à travailler sur allocation, et à payer des coûts de transport élevés pour de petits volumes, ce qui peut à terme faire émerger des problèmes de trésorerie. Le coût des vins nature représente également un frein à son expansion : les faibles volumes et les importants coûts de production impliquent des prix de vente élevés, et rares sont les références disponibles à moins de 10 euros la bouteille. D’autres questions se posent : la conservation des vins natures, moins ou pas sulfités serait plus problématique, les vins nature étant susceptibles d’être plus sensibles au transport ou aux variations de température.</p>
<p>S’il n’existe pas de définition légale du vin nature, le consommateur ne peut pas évaluer facilement la qualité des méthodes de production qui ont été utilisées. Le vin est régi par un cadre juridique qui prend en compte plusieurs aspects de sa composition, notamment sa teneur en alcool, en dioxyde de soufre et en acidité volatile. Un bon vin conventionnel se définit en général par l’absence de défauts. Or des défauts tels que la <a href="https://www.rue89lyon.fr/2015/02/18/pourquoi-le-vin-naturel-sent-il-le-cul-de-vache/">réduction</a>, l’oxydation, l’acidité volatile, les <a href="https://www.larvf.com/,brettanomyces-definition-dictionnaire-du-vin-vocabulaire-lexique,13178,4245381.asp">bretts</a>, ou le goût de souris peuvent être appréciés dans certains vins nature. Les critiques de vin traditionnels s’intéressent encore peu à cette catégorie. Si les défauts n’en sont plus nécessairement, comment déterminer si un vin nature est mauvais ?</p>
<h2>Esthétique nouvelle</h2>
<p>Des catégories à part entière, comme les pet’nat’ (pétillants naturels) ou les vins oranges (vin blanc de macération – un vin blanc fait comme un vin rouge) sont apparus sur les cartes des vins et chez les cavistes à l’initiative des vignerons nature. Les vins nature ont le droit de cité dans les plus grands restaurants du monde. Ces petites structures s’appuient en général sur des agents, qui distribuent les vins directement aux cavistes et aux restaurateurs, en circuit court, et leur permettent de capter de la marge.</p>
<p>L’élimination des intrants réintègre l’aspect exploratoire du vin : pas besoin de connaissance préalable lorsque chaque bouteille peut être abordée comme une surprise, le vin étant “vivant”. Le vin nature devient ainsi une porte d’entrée potentielle pour des consommateurs souvent effrayés par la complexité de la catégorie : les néoconsommateurs et les femmes. Cette absence de standardisation du goût renforce le besoin de conseil. C’est peut-être une des raisons qui justifient l’engouement des cavistes et des sommeliers : acheter un vin conventionnel en supermarché en se laissant guider par une marque bien connue et très constante dans son profil organoleptique ne nécessite pas autant de conseils que des vins « vivants ». Leur expansion dans le domaine de la gastronomie s’appuie sur un réseau de prescripteurs : cavistes, bistrotiers, cuisiniers, mais également sommeliers. Ces derniers, souvent jeunes, profitent de cette opportunité pour se distinguer de leurs collègues plus expérimentés, mais paradoxalement souvent moins connaisseurs de cette nouvelle catégorie de vin.</p>
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<h2>Effort de transparence</h2>
<p>Qu’il s’agisse d’une tendance ou d’un mouvement de fond, le vin nature fait pour le moins bouger les lignes, et fait des émules. Gérard Bertrand, important négociant languedocien réutilise le langage et la simplification des codes en produisant un vin orange biologique sans indication d’origine (Vin de France) et promeut une <a href="https://www.gerard-bertrand.com/collections/naturae">gamme de vins</a> sans souffre ajouté et sans additif.</p>
<p>La <a href="https://www.sitevi.com/SITEVI/Actualites-du-SITEVI/2023-les-nouvelles-regles-pour-l-etiquetage-des-vins">nouvelle réglementation européenne</a> relative à l’étiquetage des vins applicable dès décembre 2023 (déclaration nutritionnelle et liste des ingrédients) permettra d’atténuer l’asymétrie d’information jusque-là prégnante dans l’industrie. L’effort de transparence des vins nature sera ainsi mis en lumière pour tous les consommateurs, qui pourront comparer les ingrédients oenologiques de leurs vins conventionnels avec leur absence dans leurs pendants nature.</p>
<p>Le vin nature apparaît comme l’un des futurs de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-viticole-108443">l’industrie vitivinicole</a>, car il répond à une demande des consommateurs (santé, transparence, circuits courts, respect de l’environnement) qui passe notamment par la réduction des intrants et en particulier des sulfites. Le rôle des pouvoirs publics sera déterminant dans les années à venir pour permettre d’étudier avec précision (et chiffres à l’appui) l’ampleur du phénomène. Il conviendra également de suivre l’engouement des importateurs pour les vignerons nature superstars. Il est évident que l’impact de ce mouvement sur l’industrie ne se fera pas via l’effet volumique ni via le nombre de consommateurs, mais parce qu’il constitue la pointe médiatique et incarne la direction que doit prendre l’industrie dans son ensemble pour relever les défis de demain.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La tendance aux vins sans intrants constitue un levier de développement prometteur pour l’industrie dans une période de baisse globale de la consommation.Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business François Pariseau, Auxiliaire de recherche, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1784882022-08-03T17:41:25Z2022-08-03T17:41:25ZL’oenologie, une discipline en constante évolution<p>Cet article aurait aussi bien pu s’intituler : « Comment Louis Pasteur a inventé l’oenologie ». Mais si dès 1856 Louis Pasteur a révélé que des micro-organismes sont à l’origine de la fermentation alcoolique, il n’a en réalité pas inventé l’oenologie. Avant le début du XIX<sup>e</sup> siècle, la production du vin était encore empirique et basée sur l’observation et ce n’est qu’avec l’essor des sciences que naîtra l’ambition de « gouverner le vin ».</p>
<p>Le terme « oenologie » est utilisé pour la première fois en 1636, mais il ne prend un caractère scientifique qu’en 1807. Dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1510039h.image"><em>L’art de faire le vin</em></a>, Chaptal décrit l’oenologie comme la « science qui s’occupe de la fabrication et la conservation du vin ». L’oenologie quitte le champ de l’agronomie pour celui de la chimie.</p>
<h2>Le vin médecin</h2>
<p>Le vin est l’objet d’étude de nombreux hommes de sciences, comme le montre très bien l’historienne <a href="https://www.cairn.info/les-metiers-de-la-vigne-et-du-vin--9782706144042.htm">Sénia Fedoul</a>. L’oenologie se construit comme science en devenir grâce à des pharmaciens (qui procèdent à l’analyse des vins et au dosage des produits oenologiques), des chimistes et des médecins. Jusqu’au début du XX<sup>e</sup> siècle, le corps médical dans sa grande majorité attribue au vin des <a href="http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1754">vertus sanitaires</a>. Chez certains spécialistes, selon sa quantité, son origine ou sa typologie, un vin guérira tel ou tel symptôme. Le <em>Projet de codex oenothérapique</em> du Dr Eylaud publié en 1935 illustre très clairement le mouvement. Au XIX<sup>e</sup> siècle quoi qu’il en soit, à cause du développement incontrôlé des bactéries, la consommation d’eau reste souvent plus dangereuse que celle du vin. Ce qui explique que Pasteur déclarait encore en 1866 : « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons ».</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les travaux de <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/pasteur-et-ses-decouvertes-9782092609156_9782092609156_1.html">Pasteur</a>, commandés par Napoléon III, étaient liés à des enjeux économiques nationaux. En trouvant une solution à la conservation des vins, l’Empire serait à même de satisfaire les exigences du négoce en termes de qualité. Assurer la stabilité des vins durant leur voyage constituerait un avantage décisif sur les concurrents à l’export dans le cadre des accords de libre-échange signés dans les années 1860.</p>
<h2>Le vin peut fermenter deux fois sans se transformer en vinaigre</h2>
<p>Revenons à la fermentation et à l’importante découverte de Pasteur : en plaçant les vignes sous des serres, il observe que la fermentation alcoolique ne démarre pas. Il en déduit l’importance des levures naturellement présentes sur la peau des baies dans le processus de fermentation alcoolique. La fermentation alcoolique est la transformation des sucres en alcool, elle démarre dès que la pulpe du raisin est en contact avec la partie externe de la peau des grains.</p>
<p>Pasteur découvre également dès le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle l’existence de ferments lactiques auxquels il attribue la responsabilité de maladies dans le vin. Pour lui, les levures font le vin et les bactéries l’endommagent.</p>
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<p>Cette idée que les micro-organismes qui transforment l’acide malique naturellement présent dans le vin en acide lactique sont préjudiciables au vin va donc perdurer. Elle perpétuera une perception négative du phénomène jusqu’au milieu de XX<sup>e</sup> siècle en dépit de nombreux travaux constatant la fermentation malolactique.</p>
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<p>Selon l’œnologue Michèle Guilloux-Benatier, un changement de perspective s’opère pour la première fois avec Louis Ferré en 1928. Le directeur de la Station œnologique de Beaune estime que la fermentation malolactique « conduit le plus souvent à une amélioration de la qualité des vins rouges ». Mais les idées de Pasteur ont la vie dure et il faudra attendre les travaux des Bordelais <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2019/12/1995-192-dec-p19-ribereau-gayon.pdf">Ribéreau-Gayon</a> et Peynaud en 1937 et 1944 pour que s’opère un changement de paradigme. L’existence générale et normale d’une diminution de l’acidité des vins par les bactéries est ainsi mise en évidence et prend un caractère définitivement positif. Pour eux « Sans fermentation malolactique, il n’y aurait pas de grand vin rouge de Bordeaux ». Cette désacidification biologique du vin sous l’action de bactéries est aujourd’hui utilisée très largement pour conférer aux vins souplesse, rondeur et stabilité microbiologique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466275/original/file-20220531-24-crsk0i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chai.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span>
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<h2>Du décryptage de l’activité fermentaire des levures à l’oenologie contemporaine</h2>
<p>Avant la Seconde Guerre mondiale, un premier mouvement s’opère en lien avec la densification des réglementations. L’oenologie analytique pratiquée par les chimistes – les laboratoires de la répression des fraudes en particulier – pour détecter le malversations et les produits non marchands conduit les scientifiques à contrôler davantage la qualité des productions avant leur mise en marché. Le quasi-monopole des négociants dans les activités de production, d’élevage et de vente des vins est dans l’entre deux guerres remis en question par l’émergence de nouveaux opérateurs : les vignerons et les coopératives commencent eux aussi à produire et commercialiser leurs vins.</p>
<p>Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la relation directe entre les vignerons et les consommateurs est encore limitée et l’asymétrie d’information prévaut sur le marché du vin. La volonté des pouvoirs publics de développer les vins d’Apellation d’Origine Controlée (AOC) et les Vins Délimités de Qualité Supérieure (VDQS) combinée à l’essor des nouveaux opérateurs provoque un rapprochement entre le monde de la production et les oenologues. Puisqu’il s’agit de respecter les contraintes normatives caractérisant la qualité des vins (acidité, volatile, degré alcoolique…) les scientifiques multiplient les formations et entrent même progressivement dans le chais.</p>
<p>Au milieu du vingtième siècle, l’industrialisation croissante entraîne des changements scientifiques et techniques, ainsi qu’une augmentation de la compétitivité et de l’internationalisation de l’industrie alimentaire. Ce phénomène conduit au développement ou à la création d’organisations capables de prescrire et d’uniformiser les normes de plus en plus nombreuses imposées aux production alimentaires.</p>
<p>La fondation de l’organisation internationale de normalisation (ISO) en 1947 et le renforcement des actions de l’Office International du Vin (OIV) sont emblématiques de ce processus de standardisation. Il favorise le développement des sciences sensorielles basée sur des techniques d’évaluation standardisées. Les premiers praticiens de l’analyse descriptive (brasseurs, parfumeurs et mais aussi les oenologues américains) commencent à développer l’analyse descriptive en utilisant une méthodologie quantitative. Lors de la création du diplôme national d’oenologue (DNO) en 1955, professeurs et élèves pratiquent encore essentiellement une oenologie analytique de laboratoire très centrée sur les défauts des vins. Mais les transformation sociales, économiques et techniques entraînent une évolution rapide de la science oenologique et de ses applications.</p>
<h2>De l’oenologie de laboratoire à l’oenologie conseil</h2>
<p>Les années 1970 constituent un tournant pour l’agriculture française, avec le renforcement des réglementations normatives et le passage d’une économie de l’offre à une économie de la demande. Les premières associations de consommateurs, apparues dans les années 1950, à l’instar de l’<a href="https://www.quechoisir.org/combat-ufc-que-choisir-premiere-association-de-consommateurs-de-france-t3075/">Union Fédérale des Consommateurs</a> prennent de l’ampleur. Leur émergence, couplée à la montée en puissance du service de répression des fraudes et la multiplication des supermarchés poussent les producteurs à normaliser la qualité de leurs produits. Pour répondre à la demande du marché les producteurs doivent se spécialiser davantage et naît le besoin d’une oenologie de conseil.</p>
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<p>Depuis Pasteur, l’oenologie de laboratoire permet grâce aux analyses effectuées d’adapter les actions des viticulteurs et des négociants dans les chais. Dans les années 1970, l’oenologue <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782710306825-oenologue-dans-le-si%C3%A8cle-emile-peynaud-michel-guillard/">Emile Peynaud</a> sera l’un des premiers à se déplacer directement chez ses clients pour suivre la vinification. Mais il ne se contente pas de quitter son laboratoire, devenant un oenologue de terrain, il accompagne également les domaines pour lesquels il travaille, devenant du même coup un des premiers <em>flying winemakers</em> (oenologue conseil) de sa génération. Il souligne notamment l’importance de la <a href="https://www.larvf.com/,vins-maturite-phenolique-du-raisin-vendanges-tanins-meteo-refractometre,13200,4245501.asp">maturité phénolique</a> et du contrôle de la température lors de la fermentation sur la qualité des vins. Les noms de Château Margaux, Château Leoville Las Cases, Château Lagrange ou Château Pontet-Canet vous sont familiers ? Ils ont tous été ses clients.</p>
<h2>L’avenir de l’oenologie</h2>
<p>Depuis ses débuts, l’oenologie est une discipline dont le périmètre n’a cessé d’évoluer. Le passage d’une oenologie empirique puis analytique de laboratoire à une oenologie de conseil et d’intervention reflète les évolutions de la filière. On observe une structuration de la filière autour de l’oenologie. Il est aujourd’hui pratiquement indispensable de justifier d’un diplôme viticole pour reprendre une exploitation (des cours d’oenologie y sont nécessairement dispensés). La quasi-totalité des domaines viticoles font aujourd’hui appel <a href="https://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1362&lang=en#ftn5">à des oenologues</a> pour la production de leurs cuvées. Certains oenologues conseils agissent eux-mêmes comme un signal de qualité pour les marques qui les emploient. Ces dernières n’hésitent pas à mettre en avant des noms d’oenologues français comme Michel Rolland (qui conseille pas moins de 240 domaines dans 14 pays différents) ou <a href="https://www.derenoncourtconsultants.com/fr/">Stéphane Derenoncourt</a> (qui conseille 147 domaines dans 17 pays).</p>
<p>L’avenir de l’oenologie réside peut-être partiellement dans le développement de l’oenologue comme marque et élément clef du système de représentation de valeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le passage d’une oenologie empirique puis analytique – de laboratoire – à une oenologie de conseil et d’intervention reflète les évolutions de la filière.Magalie Dubois, Doctorante en Economie du vin, Burgundy School of Business Claude Chapuis, Professeur en viticulture et culture à la School of Wine & Spirits Business, Burgundy School of Business Olivier Jacquet, Historien de la vigne et du vin, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.