tag:theconversation.com,2011:/institutions/ecole-nationale-des-chartes-2452/articlesÉcole Nationale des Chartes2023-03-28T19:30:35Ztag:theconversation.com,2011:article/2003252023-03-28T19:30:35Z2023-03-28T19:30:35ZRadios internationales : des outils de mobilisation du grand public en pleine transformation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516726/original/file-20230321-2602-d4qgd8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1754%2C800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La journaliste centrafricaine Merveille Noella Mada-Yayoro en reportage dans le camp de déplacés de Birao pour Guira FM, la radio de la mission de paix de l’ONU en République centrafricaine.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://news.un.org/fr/story/2023/02/1132247">Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA)</a></span></figcaption></figure><p>Partout dans le monde, les autorités politiques ont longtemps détenu le monopole aussi bien des radios locales et nationales que des <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/les-radios-internationales-9782729834241/">radios internationales</a>, ce qui leur permettait de faire passer les messages souhaités à leurs propres populations, mais aussi à celles des pays étrangers vers lesquels leurs radios diffusaient.</p>
<p>Nos recherches récentes montrent que <a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/2493">ce modèle ancien est désormais largement dépassé</a>.</p>
<p>La désétatisation de la radio et son internationalisation grâce à sa <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/alann-hery-la-radio-ou-la-singularite-detre-un-media-agile/">numérisation/webification</a> ont modifié les <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2509">rapports de force communicationnels</a>.</p>
<p>On distingue aujourd'hui trois types de radios de mobilisation. Les <em>radios étatiques de mobilisation</em> (REM) ont d’abord cédé du terrain face aux <em>radios civiles de mobilisation)</em> (RCM, lesquelles sont devenues, grâce à Internet, accessibles dans le monde entier, se muant donc en <em>radios civiles de mobilisation internationales</em> (RCMI). Ces trois types de radios cohabitent de nos jours dans un paysage médiatique qui n'a plus grand-chose à voir avec celui d'il y a une vingtaine d'années.</p>
<h2>Les monopoles nationaux des radios étatiques de mobilisation (REM) durant les guerres internationales</h2>
<p>La radio fut un enjeu politique dès l’origine : citons les <a href="https://www.editions-bartillat.fr/fiche-livre.php?Clef=369">causeries de Franklin D. Roosevelt</a>, les radios « blanches » et « noires » <a href="https://www.cairn.info/revue-historique-2014-3-page-629.htm">durant la « drôle de guerre »</a> – qui amorce la <a href="https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1986_num_10_1_1561_t1_0132_0000_1">« guerre des ondes »</a> –, les instructions aux résistants diffusées par <a href="https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/revue/radio-londres-une-arme-de-guerre">« Radio Londres »</a>…</p>
<p>Durant la guerre froide (et jusqu’à aujourd’hui pour certaines radios), les Alliés s’installèrent sur les ondes pour continuer leur travail hétéronomique (c’est-à-dire visant à imprégner les auditeurs de lois/normes politiques, sociales et culturelles). Par exemple, le gouvernement américain multiplia les stations : <a href="https://www.insidevoa.com/a/3794247.html">Voice of America</a>, <a href="https://riasberlin.org/en/history/">RIAS</a> (Radio in the American Sector, principalement tournée vers l’Allemagne de l’Est), <a href="https://pressroom.rferl.org/history">Radio Free Europe/Radio Liberté</a> et <a href="https://www.rfa.org/about/releases/rfa-celebrates-its-25th-anniversary">Radio Free Asia</a>, <a href="https://www.20min.ch/fr/story/radio-free-europe-interdite-par-les-talibans-743643332179">Azadi</a> (destinée à l’Afghanistan) ou encore <a href="https://www.courrierinternational.com/notule-source/radio-farda">Farda</a> (diffusant en farsi vers l’Iran)…</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516670/original/file-20230321-14-1m61s9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nouvelle communication de Radio Farda, réalisée par l’agence Brand Real en 2011. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://brandreal.io/blog/folio/radio-farda-rebrand-and-a-new-website-launch/">brandreal.io/blog</a></span>
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<p>Selon la chercheuse <a href="https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_48_1_4421">Anne-Chantal Lepeuple</a>, toutes ces radios visaient à favoriser la diffusion des idées libérales au sein des peuples des pays ciblés, en mettant en place une « politique d’érosion graduelle » des régimes en place.</p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.rferl.org/">RFE/RL</a> diffuse en 27 langues et dans 23 pays « où la liberté de la presse est menacée et où la désinformation est omniprésente ». Elle joue son rôle de <a href="https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1992_num_10_53_1970#xd_co_f=YTYwY2YyN2QtZGU2MC00MjJlLWJhOGQtZGRlMTc2ZjEyODli%7E">« radio de substitution »</a>, selon l’expression de Jacques Sémelin désignant les radios qui se substituent aux radios locales et se distinguent des <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1997_num_62_1_4626_t1_0208_0000_3">« radios de représentation »</a> – celles qui promeuvent les États qui les financent, à l’instar de la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/la-bbc-le-modele-anglais-au-rayonnement-international">BBC</a>, de <a href="https://www.arabmediasociety.com/wp-content/uploads/2017/12/20080928224559_AMS6_Carola_Richter.pdf">Deutsche Welle</a> ou de <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/rfi-une-radio-mondiale-tournee-vers-lafrique-et-le-monde-arabe">RFI</a>.</p>
<h2>L’apparition des radios civiles de mobilisation après la fin des monopoles audiovisuels</h2>
<p>La démonopolisation des REM européennes (au <a href="http://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1992_num_10_52_1945">Royaume-Uni</a>, en <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2569">Italie</a>, en <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-les-radios-libres-une-bataille-oubliee-163512">France</a>, en <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/philippe-caufriez-les-radios-locales-en-belgique-evolution-historique-et-perspectives-davenir/">Belgique</a>, etc.) les oblige désormais à coexister avec les radios civiles de mobilisation (RCM), même si l’action de ces dernières est souvent <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/thierry-lefebvre-locales-par-defaut/">limitée à un rayon local</a>.</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/2257">Appuyées sur différentes stratégies</a>, les RCM peuvent procéder à deux types de « radiophonie de proximité » :</p>
<ul>
<li><p>Les RCM « hétéronomes » (<a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/2408">associatives</a>, <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2630">syndicales</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/12/la-redecouverte-miraculeuse-des-bandes-son-de-la-radio-pirate-de-francois-mitterrand_5488425_3232.html">politiques</a>), se voulant parfois (<a href="https://journals.openedition.org/communication/5933">contre-informationnelles</a>), peuvent se faire <a href="http://journals.openedition.org/communication/2294">polémiques</a>, révolutionnaires (on pense aux cas de radios <a href="https://www.iccmv.org/the-message-from-dublin-1916/">irlandaises</a>, <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/revolution-russe-l-aurore-annonce-un-jour-nouveau-au-monde-entier-5367468">bolchéviques</a>, <a href="http://tenwatts.blogspot.fr/2011/04/radio-rebelde.html">cubaines</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin1-2007-2-page-113.htm">portugaises</a>) et même génocidaires (comme dans le cas bien connu de <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/2395">Radio Mille Collines au Rwanda</a>).<br><br>Certaines menacent les pouvoirs en place, avec des conséquences directes pour leurs journalistes. Tout récemment, une <a href="https://theconversation.com/quatre-ans-apres-la-revolution-du-sourire-ou-en-est-la-jeunesse-algerienne-200391">journaliste franco-algérienne a dû fuir en Tunisie pour échapper à la prison</a>, quelques semaines après la saisie de sa radio et l’arrestation de son fondateur. Un journaliste camerounais, qui dénonçait à l’antenne la corruption, <a href="https://www.nova.fr/news/au-cameroun-martinez-zongo-un-journaliste-denoncant-la-corruption-dans-le-pays-vient-detre-retrouve-mort-et-mutile-213828-30-01-2023">a été retrouvé mort en janvier 2023</a>, deux ans après le <a href="https://rsf.org/fr/cameroun-le-journaliste-samuel-wazizi-est-bien-mort-pendant-sa-d %C3 %A9tention">décès en détention d’un de ses confrères</a>.</p></li>
<li><p>D’autres RCM font de la radiophonie « autonome » : elles ne visent pas à convaincre les auditeurs d'adhérer à certaines valeurs ou idées mais à diffuser des informations intéressant des catégories spécifiques de la population. Il s’agit de stations <a href="https://fr2.slideshare.net/SebastienPoulain/rapport-national-sur-les-medias-communautaires-en-france-pour-le-conseil-de-leurope">communautaires</a> (aussi bien <a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/1429">diasporiques</a> que <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/10250">religieuses</a> ou <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/pascal-ricaud-radios-locales-identites-territoires-nouveaux-acteurs-et-enjeux/">linguistiques</a>), mais aussi de stations locales (diffusant à l'échelle du <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2019/01/28/morgane-govoreanu-les-acteurs-de-la-radio-associative-paloise-r-p-o-97fm/">quartier</a>, de la <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/11/08/9-novembre-2021-les-40-ans-des-radios-libres-et-de-radio-amiens/">ville</a> ou de la <a href="https://www.persee.fr/doc/comin_1189-3788_1994_num_15_2_1692">région</a>) et, également, de stations éducatives (qu'elles soient <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2013-1-page-109.htm">scolaires</a>, <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2019/01/28/felix-paties-les-acteurs-des-radio-campus-le-cas-de-radio-campus-paris-1998-2018/">étudiantes</a>), <a href="http://arkenciel.blog/">culturelles</a>, <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2019/01/28/celine-urbaniak-faire-vivre-une-radio-locale-associative-une-%C5%93uvre-collective-lexemple-de-radio-zinzine-dans-les-annees-1980-et-1990/">coopératrices</a> ou <a href="https://fr.slideshare.net/SebastienPoulain/radio-ici-et-maintenant-pionnire-en-exprimentations">interactives</a>).<br><br>Deux exemples de leur action, parmi tant d'autres : au Burkina Faso, ces RCM ont aidé à <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2752">informer leurs auditeurs sur le Covid-19</a>. En Afghanistan, une <a href="https://www.lefigaro.fr/international/afghanistan-radio-begum-fragile-bouclier-contre-la-ferule-des-talibans-20230122">radio</a> est utilisée dans sept provinces pour continuer à enseigner (en dari le matin, et en pachto l’après-midi) aux jeunes filles, alors qu’elles sont interdites d’école par les talibans.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1493528015292321794"}"></div></p>
<h2>La « webification» et l’apparition des radios civiles de mobilisation internationales</h2>
<p>La webification a multiplié le nombre de radios internationales, car chaque radio en devient automatiquement une dès lors qu’elle est <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/bernard-idelson-radios-locales-sur-le-web-nouveaux-acteurs-nouveaux-territoires-lexemple-de-radio-freedom-la-reunion/">diffusée sur le web</a>.</p>
<p>Les REM peuvent désormais atteindre tous les territoires connectés. Mais elles sont concurrencées par les RCM, <a href="https://gerflint.fr/Base/MondeMed5/smati.pdf">qui se déterritorialisent elles aussi</a>. D’où le qualificatif de RCMI. Grâce à sa souplesse économique et technique, le web permet de créer aussi bien des <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/sebastien-poulain-les-postradiomorphoses-des-radios-locales/">webradios locales</a> que des <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2701">podcasts internationaux</a>. Ainsi, des journalistes burundais peuvent <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2893">continuer leur travail depuis le Rwanda</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberte-de-la-presse-grande-victime-de-la-crise-au-burundi-141072">La liberté de la presse, grande victime de la crise au Burundi</a>
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<p>Il existe par ailleurs un genre de RCMI pour lequel la diffusion sur le web ne joue qu’un rôle secondaire : ce sont les radios onusiennes. Ainsi, la République démocratique du Congo a vu apparaître Okapi, une <a href="https://journals.openedition.org/radiomorphoses/2972">« radio de paix »</a> qui œuvre à la démocratisation/pacification du pays après un conflit armé qui a <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/pierre-nsana-bitentu-rdc-les-radios-locales-et-nationales-a-lepreuve-de-la-couverture-dun-conflit-arme-interne/">fortement impacté les médias</a>.</p>
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<p>Les RCMI sont donc devenues internationales à maints égards : par leur diffusion, leurs financements, leurs personnels et intervenants (à l’image des <a href="http://journals.openedition.org/radiomorphoses/2804">diasporas qui interagissent à l’antenne des radios haïtiennes</a>).</p>
<h2>L’avenir des RCM et RCMI : se substituer aux radios étatiques ?</h2>
<p>Dans la bataille hétéronomique pour la documentation et l’interprétation du monde (accentuée par le <a href="https://fr.slideshare.net/SebastienPoulain/le-podcast-comme-outil-faustien-de-gafamisation-de-la-radio">web et les GAFAM</a>), les REM bénéficient de moyens économiques et politiques bien supérieurs à ceux des RCM et RCMI, qui leur permettent de financer leurs rédactions multilingues, leurs reporters multilocalisés et leurs puissants émetteurs.</p>
<p>Ainsi, les médias français RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya (MCD), héritiers de la <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/16448">radiophonie coloniale</a>, disposent en 2022 d’un budget <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/france-medias-monde-redoute-detre-marginalise-au-sein-de-la-future-holding-de-laudiovisuel-public-1155705">d’un peu moins de 260 millions d’euros</a>. En comparaison, les RCM/RCMI françaises – quelque 700 radios associatives – sont financées (40 % de leur budget) par un <a href="https://lesradioslibres.wordpress.com/2021/08/30/raphael-dapzol-le-financement-public-des-radios-associatives-par-le-fser/">fonds de soutien à l’expression radiophonique</a> doté de <a href="https://www.cbnews.fr/medias/image-budget-2023-du-ministere-culture-hausse-7-71619">34,8 millions d’euros</a>.</p>
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<p>Mais la faiblesse des REM se trouve dans la légitimité discutable de leurs interventions, que Frantz Fanon qualifiait de <a href="http://www.csprp.univ-paris-diderot.fr/IMG/pdf/mrenault-thesefanon.pdf">« technique de l’occupant »</a>. Les REM se concurrencent – par exemple avec des <a href="https://journals.openedition.org/norois/9420">Chinois de plus en plus actifs</a> – pour tenter d’influencer des pays où les publics manquent de diversité informationnelle et de moyens. Mais les autorités locales et leurs soutiens pourraient se lasser de faire l’objet de ce travail hétéronomique, lequel est <a href="https://lalibreville.com/emmanuel-macron-assume-d-utiliser-rfi-et-france-24-pour-faire-passer-les-messages-de-la-france-en-afrique/">assumé par les politiques</a> mais <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2010-2-page-119.htm">nié par les rédactions</a>.</p>
<p>Cela explique en partie <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/le-mali-veut-suspendre-la-diffusion-de-rfi-et-france-24%20--%2017-03-2022-2468652_3826.php">l’interdiction de la diffusion, en mars 2022, de RFI</a> par la junte au pouvoir au Mali. Celle au pouvoir au Burkina Faso <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20221203-burkina-faso-la-diffusion-de-rfi-suspendue-jusqu- %C3 %A0-nouvel-ordre-fmm-d %C3 %A9plore-cette-d %C3 %A9cision">a pris la même décision</a> en décembre 2022, avant d’<a href="https://www.20minutes.fr/monde/4029764-20230327-burkina-faso-junte-ordonne-suspension-diffusion-france-24">interdire France24 en mars 2023</a>.</p>
<p>Ce que d’aucuns n’hésiteraient pas à présenter comme une « décolonisation médiatique » pourrait être décidé un jour par des États plus démocratiques que les Mali et Burkina Faso actuels. Il faudrait alors que ces États soutiennent davantage leurs RCM locales pour qu’elles aient les moyens de se substituer aux REM étrangères et locales, ou du moins de coexister avec elles. C’est ainsi que les <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/25229">habitants de Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) avaient transformé la REM belge en « phonographe collectif »</a> dans les années 1950…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les radios d’État internationales (RFI, BBC, Voice of America, etc.) ne détiennent plus le monopole sur les radios dites « de mobilisation ». Tour d’horizon d’un paysage médiatique riche et varié.Sebastien Poulain, Docteur en science de l'information et la communication, laboratoire Mica, Université Bordeaux Montaigne, enseignant dans plusieurs universités, spécialiste de médias, ESS, contre culture, Université Bordeaux MontaigneThierry Lefebvre, Secrétaire de la section « Sciences, histoire des sciences et techniques et archéologie industrielle » du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS), École Nationale des ChartesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1083082019-03-14T00:38:23Z2019-03-14T00:38:23ZDu ring au kiosque : un champion de boxe vu par la presse des années 1930<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263693/original/file-20190313-123534-yvtcup.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C9%2C2069%2C1609&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marcel Thil. carte dédicacée.</span> </figcaption></figure><p>Dans l’entre-deux-guerres, la consommation de spectacles sportifs prend une ampleur inédite. Des stades sont créés ou rénovés pour accueillir les foules se pressant à des compétitions qui bénéficient d’une couverture médiatique de plus en plus importante dans la presse spécialisée comme généraliste et finissent même par être commentées en direct à la radio. Certains sportifs qui enchaînent les succès dans des disciplines populaires deviennent ainsi des vedettes, surtout et précocement les cyclistes et les boxeurs.</p>
<p>Ainsi le combat opposant le Français Georges Carpentier à l’Étatsunien Jack Dempsey, le 2 juillet 1921 à Jersey City, est-il connu comme le premier événement sportif hors-norme d’après-guerre, un duel de symboles, voire de héros, représentant leurs nations, suivi avec fébrilité sur les deux rives de l’Atlantique, qui tourne à l’avantage du second.</p>
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<p>Je vais m’intéresser ici au traitement médiatique d’un autre boxeur français qui a marqué l’Entre-deux-guerres, bien que l’on s’en souvienne moins aujourd’hui, Marcel Thil. Il a notamment conservé pendant cinq ans le titre de champion du monde des poids moyens, de 1932 à 1937. Pour cela, j’utiliserai des photographies et articles de <em>Match-l’Intran</em>, l’un des deux grands magazines illustrés omnisports de l’époque, supplément hebdomadaire du quotidien du soir <em>L’Intransigeant</em>.</p>
<h2>La révélation</h2>
<p>Le 23 octobre 1928, un article de Robert Bré présente celui qui est alors l’étoile montante de la boxe française. Titré par le nom du boxeur qualifié d’une épithète homérique, « Marcel Thil aux poings de fer », l’article débute par une description physique : « Jeune gars blond aux paisibles yeux bleus, aux cheveux follets et rares, au sourire tranquille, à la carrure puissante », puis insiste sur le comportement mesuré de Thil à la suite de son récent titre de champion de France : « La gloire qui venait l’aguicher le trouva calme, averti de la vanité de ses sourires. », et estime qu’« [il] est sans doute notre meilleur « produit » depuis la guerre, ne se prend pas pour un champion. »</p>
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<span class="caption">La révélation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Match-l’Intran</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En dessous de cet article, la photographie de Marcel Thil en surimpression (une tradition à la septième page de <em>Match</em> pendant les premières années du magazine) montre le boxeur de manière classique en position de garde, on devine le poing ganté devant son torse de trois quarts, diaphanes. Les traits du visage, au centre de la page, sont plus détaillés, le boxeur en pose ne regarde pas l’objectif, il a des yeux décidés, concentrés aussi, illustrant le portrait dressé par Bré dans l’article d’un boxeur appliqué et travailleur.</p>
<h2>Photographier et caricaturer un vainqueur (et un perdant)</h2>
<p>Quatre ans plus tard, le 1<sup>er</sup> mars 1932, quelques mois avant de devenir champion du monde, retrouvons un Thil victorieux sur cette page en partie consacrée à sa victoire contre l’afro-américain Tarante en 1932.</p>
<p>La photographie en haut à gauche de la page, un peu découpée par la mention de la rubrique et le titre de l’article, est la seule concernant ce match. Elle est prise sous un angle intéressant et original en contre-plongée, l’appareil est au ras du sol du ring, le photographe capture les boxeurs comme deux colosses, montre l’engagement des corps dans le combat depuis le positionnement des jambes jusqu’aux torses au contact.</p>
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<span class="caption">Thil, le géant calme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Match-l’Intran</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le moment choisi illustre le résultat final, Thil, à droite, a pris le dessus sur son adversaire avec son dernier crochet, son corps est droit, tandis que celui de Tarante est courbé, comme maté ; et la maquette audacieuse de cette page surligne ce rapport de force. La photographie est découpée d’un côté en une courbe suivant celle du dos de l’Étatsunien et de l’autre en une ligne droite verticale suivant le corps dressé et dominateur du Français – on peut remarquer d’ailleurs que le choix de renverser cette photographie en diagonale fait de Thil, penché sur Tarante, le seul élément vertical.</p>
<p>À droite, deux caricatures de Pellos, le dessinateur attitré de <em>Match</em> durant toute la décennie, illustrent le combat. Celle qui se trouve dans le prolongement de la photographie principale est particulièrement intéressante, car elle en est le miroir, avec le dos de Tarante encore plus courbé, dominé par un Marcel Thil penché sur son adversaire qu’il écrase somme toute placidement, en géant tranquille – pour l’effet comique, la tête est devenue un punching-ball à ressort, ses traits férocement caricaturés de manière classique selon les stéréotypes de races alors très répandus, avec des lèvres proéminentes.</p>
<h2>Blanc et noir</h2>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Profils superposés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Match-l’Intran</span></span>
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<p>Pour enchaîner sur ce thème, voici la une d’un numéro paru à la fin de la même année, le 1<sup>er</sup> novembre 1932. Le montage photographique place côte à côte le profil de Marcel Thil, au premier plan, et celui de Len Johnson, son prochain adversaire, au second plan. La légende associée est intéressante : « Profils de boxeurs : le mulâtre Len Johnson, aux lèvres épaisses ; notre champion Marcel Thil, au masque énergique et romain. » Au-delà de la différence de qualificatif entre les deux adversaires, l’un associé à ses exploits, l’autre à ses origines, il est intéressant d’analyser ce qui est décrit.</p>
<p>Chez le premier, selon le stéréotype de race déjà vu dans le cas précédent, les « lèvres épaisses » sont la caractéristique physique retenue – un principe d’essentialisation caractéristique du racisme. Chez le second, c’est tout son « masque », son visage entier qui est mis en avant, et qualifié d’« énergique et romain », contrastant volontairement avec la description de Johnson ; là encore, la hiérarchisation physique dénote une vision racisée qui en dit long sur les représentations de l’époque.</p>
<h2>Le champion et son challenger</h2>
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<span class="caption">Thil Le challenger.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Match-l’Intran</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Champion du monde et champion d’Europe, Marcel Thil est un homme à battre dans les années 1930. </p>
<p>Sur cette couverture du numéro de Match daté du 27 février 1934, légendée « le champion et son challenger, Marcel Thil et Ignacio Ara », les deux boxeurs ont pris la pose, leurs corps se découpent sur fond blanc, ce qui met en valeur les éléments sombres des photographies. Thil regarde l’objectif, ses poings nus serrés devant ses reins, taches blanches devant son torse sombre, il est un peu penché en avant, sa jambe gauche en avant.</p>
<p>Le Français est au premier plan, Ara est placé derrière dans le montage, un de ses coudes est caché par Thil. Un effet de perspective met en valeur le Français, tandis que tout le corps d’Ara est visible, comme diminué, plus petit, par rapport à Thil qui prend plus de place et que la feuille coupe aux genoux. Le corps d’Ara est en quelque sorte un négatif de son adversaire : sa peau est beaucoup plus blanche, notamment ses pectoraux, mais ses vêtements sont d’un noir brillant : le short, les chaussures et surtout des gants de boxe, placés en position offensive, le poing gauche décoché : ce choix des photographies souligne qu’Ara est en position de challenger, qu’il revient à l’Espagnol d’ébranler le champion actuel.</p>
<h2>Pater familias</h2>
<p>Dans les journaux sportifs, déjà à l’époque, les grandes vedettes sont souvent l’objet de reportages s’intéressant à leur vie privée. Dans l’exemple ici présenté, Jean de Lascoumettes vient rencontrer Thil en janvier 1931 chez lui. Le journaliste raconte que le boxeur, pour renforcer son poing gauche défaillant ces derniers temps, a travaillé dans un chantier de bois de chauffage et effectue toutes sortes de travaux et de bricolages chez lui, comme la construction d’un garage, « sous le regard admiratif de sa charmante femme ». Le journaliste conclut son article : « Une vie calme, sérieuse, sévère et gaie pourtant, en famille. »</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263707/original/file-20190313-123528-1lxv40q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Thil, Le mari et le bricoleur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Match-l’Intran</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans un autre numéro de l’hebdomadaire (18 décembre 1934), des journalistes interrogent Mme Georgette Thil sur son mari et la manière dont elle le soutient – son épouse est un atout particulier pour sa carrière car c’est aussi une sportive, versée dans la pratique de l’athlétisme et du football entre autres. Marcel Thil lui-même est interrogé avec d’autres vedettes dans l’article « Que souhaitez-vous à vos enfants ? » (en l’occurrence sa fille Dany), publié quelques pages avant dans le même <em>Match</em>. C’est classique, dans cette période de faible actualité sportive à l’approche de Noël, de publier de nombreux articles s’intéressant aux familles et aux loisirs des sportifs appréciés par le lectorat.</p>
<p>Ce cas est classique, la vedette sportive qui triomphe est présentée comme un exemple dans les journaux, à coups de portraits dithyrambiques. Le lecteur est invité à admirer Thil au travers de ses exploits sportifs, et à certains moments le journaliste dévoile aussi les coulisses de la vie morale et bien ordonnée de celui-ci : sa femme a un rôle de premier soutien et est indispensable dans ce succès, sa jeune famille est bien organisée et est le socle solide de ses performances sportives. Ce discours moral montre la voie à suivre pour les jeunes Français, chaque sportif triomphant dans sa discipline est un phare dont il faut suivre la flamme, on souligne que pratique sportive et vie bien ordonnée sont liées.</p>
<p>Selon des discours prééminents dans l’Entre-deux-guerres, la « race française » est en déclin, moral comme physique, elle est en voie de dévirilisation, et il faut la revivifier notamment dans l’optique des guerres à venir. Les résultats sportifs globalement en berne sont comme un baromètre de cette dégénérescence, et les champions sportifs présentés comme des exemples à suivre ; on essaie de comprendre ce qui, dans leur préparation, leur entraînement, leur mentalité, les élève au-dessus de leurs concurrents.</p>
<p>Si ces inquiétudes et leur conséquence, à savoir une politique étatique des sports de plus en plus importante au cours de la période – ont peu à peu quitté le débat public après la Seconde Guerre mondiale, le vedettariat des sportifs n’a pas faibli, et atteint des dimensions exceptionnelles aujourd’hui, motivées notamment par des raisons économiques. J’évoquais en introduction le « combat du siècle » entre Carpentier et Dempsey élevés en symboles de leurs nations, la puissance européenne en reconstruction et la puissance américaine émergente ; le dernier match de boxe en date médiatisé sous ce nom, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dwl5Z8UKGVo">qui opposait Floyd Mayweather et Conor McGregor</a> le 26 août 2017 à Las Vegas a généré 600 millions de dollars, devenant le deuxième événement sportif d’une journée le plus rémunérateur de l’histoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108308/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Marie Bartoli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Marcel Thil fut l’étoile montante de la boxe française dans les années 1930. Analyse de son image et de la représentation de ce sport dans la presse illustrée de l’époque.Pierre-Marie Bartoli, Elève archiviste-paléographe à l'Ecole nationale des chartes, École Nationale des Chartes, École Nationale des ChartesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1055292018-10-30T23:34:05Z2018-10-30T23:34:05ZDe Charcot à la revue de charme : quand l’hystérie se fait fantasme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241856/original/file-20181023-169825-1t9pcpy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C744%2C563&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Iconographie photographique de la Salpêtrière, tome II, 1876-1880, planche XXIX et Mes Modèles, n° 1, 1er avril 1905.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Clôturant un siècle de révolutions tous azimuts, l’orée du XX<sup>e</sup> siècle est plus que jamais une époque parcourue de tensions. Instabilités politiques, innovations technologiques, avancées scientifiques et premières tentatives de libération de la condition féminine rendent la période trouble et, au milieu de ce bouillonnement, une presse emblématique de son temps voit le jour.</p>
<p>Sans précédents ni avatars, les albums du nu naissent au tout début du siècle : ils pulluleront durant les douze années qui précèdent la Grande Guerre pour s’éteindre au commencement de cette dernière. Parus entre 1902 et 1914, les albums du nu sont en réalité les premières revues de modèles de nu photographique, prétendument à destination des artistes. Ces fascicules, vendus à bas prix, se présentent à leurs lecteurs comme des catalogues de poses, chaque exemplaire s’ouvrant sur quelques pages de texte théorique censées avaliser l’adresse « à destination des artistes » placardée fièrement sur chaque couverture.</p>
<h2>Document artistique ou revue de charme ?</h2>
<p>Clamant haut et fort leur strict académisme, leur ambition artistique est d’ailleurs appuyée par leur présence dans les archives de nombreuses institutions et artistes de l’époque : de l’École des Beaux-Arts aux archives de Picasso en passant par celles de Matisse, les revues du nu sont partout. À y regarder de plus près pourtant, le contenu scientifique – douteux à plus d’un titre –, comme les images – parfois très suggestives –, laissent supposer que le lecteur attendu ne serait pas tant l’artiste reconnu que l’amateur d’art, entendu évidemment au sens d’amateur de « belles choses ». Les revues du nu seraient dès lors des revues créées par les hommes, et pour les hommes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241876/original/file-20181023-169804-1cwj0hd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« Jeunes filles targui », tirées de <em>L’Humanité féminine. Femmes d’Afrique. Sud-Algérien et Tunisie</em>, IIIᵉ série, 5 janvier 1907 et Henri Matisse, <em>Deux négresses</em>, 1908, Paris, Musée national d’art moderne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>De fait, les photographies et leurs légendes sont à l’origine d’un discours qui évoque la domination du « sexe fort » sur le « sexe faible », un ascendant qui se redouble encore d’une domination de l’homme sur l’Autre, ce dernier pouvant être entendu de trois manières différentes, voire concomitantes au sein des albums du nu. L’Autre est femme, l’Autre est exotique, l’Autre est aliéné. Textes comme images des revues sont pétris de clichés : genre, race et pathologie sont autant de pôles autour desquels la revue du nu peut exprimer et refléter les mentalités de son temps. Et si les deux premiers n’ont jamais échappé à l’iconographie érotique ou artistique, le troisième était plus inattendu. Pleines de surprises, les revues du nu ne se contenteront pas de puiser aux clichés exotiques, et une influence aussi incongrue que déconcertante vient contaminer les fascicules.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=921&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=921&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241863/original/file-20181023-169813-1wf7ceq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=921&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Mes Modèles</em>, n° 50, 20 septembre 1906.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>De l’étrangeté des poses</h2>
<p>Page après page, les photographies « académiques » côtoient des clichés dans lesquels les poses laissent perplexes. Les attitudes des modèles sont parfois bien éloignées des conventions artistiques en la matière et les postures, forcées à plus d’un titre, dérangent les clichés. Ce sont les corps en tension de modèles déformés qu’on découvre au fil des numéros : comme pris de spasmes, les jeunes femmes se tendent et se tordent devant les yeux ébahis du lecteur. De temps à autre, se conjuguent à ces corps distordus des expressions faciales hagardes, voire carrément extatiques. Ces clichés, comme celui qui paraît en 1909 dans <em>L’Étude académique</em>, ne laissent plus l’ombre d’un doute : la folie habite certains des modèles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241868/original/file-20181023-169828-fpqtqu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>L’Étude académique</em>, n° 131, 1ᵉʳ juillet 1909.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Revues de charme ou revues artistiques, la surprise est la même : au premier coup d’œil, la figure de l’aliénée fait tache. Pourtant, à la lumière de leur époque, les images torturées de nos revues s’éclairent. C’est en creusant l’iconographie contemporaine, en particulier médicale, qu’on découvre que ces attitudes tourmentées ne sont pas orphelines. Elles puisent leur vocabulaire aux sources d’une imagerie scientifique et savante qui fait alors l’objet d’une large vulgarisation.</p>
<h2>Quand la folie se fait muse</h2>
<p>Dans le Paris fin de siècle, l’<a href="http://www.editionsmacula.com/livre/72.html">hystérie connaît son âge d’or</a>. En effet, si la Salpêtrière ne comptait au milieu du siècle qu’un pour cent de femmes diagnostiquées hystériques à leur entrée, elles étaient autour de 1880 près d’un quart. Les médecins aliénistes, le docteur Charcot en tête, produisirent dans les années 1870 et 1880 d’innombrables sommes et traités, des centaines d’articles, destinés à populariser la maladie. Dans cette entreprise de diffusion, la plus importante fut probablement l’œuvre de l’<a href="https://archive.org/details/iconographiepho00regngoog/page/n8"><em>Iconographie photographique de la Salpêtrière</em></a> de Charcot, anthologie imagée de l’hystérie illustrée par la photographie (1876-1880).</p>
<p>À la lumière des clichés voulus par Charcot, le doute n’est plus possible : c’est bien l’imagerie de l’hystérie qui parcourt les revues du nu. Et si les recherches de Rae Beth Gordon avaient déjà révélé que l’<a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3223">imagerie médicale avait pu pénétrer le spectacle populaire</a> autour de 1900, lui insufflant une esthétique nouvelle, le fait qu’elle abreuve également les revues du nu est une découverte. Documents artistiques ou documents de charme, qu’importe : de la part de publications se présentant comme des catalogues de modèles anatomiques pour artistes et amateurs d’art, l’analogie ne laisse pas de surprendre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241864/original/file-20181023-169813-1swnzbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Iconographie photographique de la Salpêtrière</em>, tome II, 1876-1880, planche XXVI et <em>L’Étude académique</em>, n° 28, 15 mars 1905.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>De l’hystérisation à la sexualisation : du pareil au même</h2>
<p>En allant un peu plus avant dans la compréhension de ce qui se joue au niveau de la science aliéniste de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, tout s’éclaire. La période, époque de grandes avancées en matière scientifique, fut également celle qui associa fatalement pathologie, psychologie et sexualité : folie, hystérie et sexe devinrent les trois versants d’un même discours dans la bouche des médecins aliénistes. Le délire fut cuisiné à toutes les sauces, et ce fut la femme qui en fit les frais. Comment en aurait-il pu être autrement ? L’étymologie même du terme « hystérie » renvoie au mot grec désignant l’utérus. C’est donc naturellement autour de la femme hystérique, guidée uniquement par son sexe, que gravitera toute la science médicale de cette fin de siècle. De fait, si les aliénistes des années 1880 et 1890 associaient à l’hystérie les notions de criminalité et d’alcoolisme, ils y attachaient encore et surtout les pathologies sexuelles, au premier rang desquelles la syphilis. Et quelle cible plus facile que celle qui s’expose chaque jour à la maladie ? Les théories psychiatriques ne pouvaient évidemment que souligner <a href="http://www.editions-hermann.fr/5187-l-imaginaire-de-la-prostitution.html">« qu’hystérie et prostitution représentent une sorte d’excès du beau sexe »</a>.</p>
<p>La maladie se voyant alors associée communément à l’abus de rapports sexuels, les prostituées furent toujours soupçonnées d’hystérie. Or l’assimilation de la fille publique à l’hystérique trouvait un écho dans leur marginalisation même : à la prostituée, la prison du bordel ; à l’hystérique, celle de l’hôpital. La clôture était, là encore, un trait fédérateur. L’hystérie put alors devenir le verso de la sur-sexualisation féminine qui avait pour recto la prostitution.</p>
<p>En définitive, ce qui se joue autour du sexe féminin à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle est fondamental pour comprendre la réutilisation de l’imagerie médicale par nos revues. L’hystérisation du corps de la femme la transforme <a href="http://www.editionsdelamartiniere.fr/ouvrage/cache-sexe/9782732465388">« tout entière en sexe »</a>.</p>
<p>Cette sexualisation, papable dans les clichés de la Salpêtrière, est évidente dans les revues du nu. La nudité des corps ajoute à leur sensualité, à leur lasciveté, à leur sexualité extrême. Tout à la fois nus et tendus, les modèles s’offrent aux yeux des lecteurs qui ne peuvent que se délecter de ces corps soumis à tous leurs fantasmes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=185&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=185&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=185&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241871/original/file-20181023-169828-t71zyo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=233&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Iconographie photographique de la Salpêtrière</em>, tome II, 1876-1880, planche XXV ; <em>Mes Modèles</em>, n° 40, 10 juin 1906 et Mes Modèles, n° 58, 15 janvier 1907.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>La revue du nu, miroir des ambivalences de son temps</h2>
<p>En plus de puiser son inspiration aux mines stéréotypiques et stéréotypées que constituent la race et le genre, la revue du nu trouve dans la pathologie fin-de-siècle les moyens de renouveler son vocabulaire visuel. Sexe, exotisme et hystérie y travaillent de concert, lui permettant d’entrer parfaitement en résonance avec les schèmes de domination de son époque. Créée par et pour les hommes, la revue du nu livre un discours qui est celui que le lecteur souhaite et a l’habitude d’entendre. Ce dernier, masculin par essence, trouve en l’album du nu les engrais de sa domination.</p>
<p>Ce faisant, la revue du nu finit de confirmer l’ambivalence de ses usages. Si son ambition artistique est honorée par les utilisations avérées dont elle fait l’objet, les images qu’elle véhicule – visuelles comme mentales – font également d’elle une curiosité, un document de charme, un <em>curiosa</em> en somme. Entre ambiguïtés et clichés, elle navigue entre les pôles instables de l’académisme et de la légèreté. Profondément équivoque, l’album du nu est à l’image des questions qu’il soulève : infiniment complexe. Tout en révélant les tensions inhérentes à son époque, les débats qu’il soulève, hier comme aujourd’hui, traduisent et éclairent une question de toute éternité : quand parle-t-on d’art, quand parle-t-on d’obscénité ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105529/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Lecaplain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les revues du nu 1900, images étranges et visions curieuses se conjuguent pour conter les clichés et ambivalences qui entouraient alors la condition féminine.Manon Lecaplain, Elève archiviste-paléographe à l'Ecole nationale des chartes, École Nationale des ChartesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/537592016-01-27T21:01:30Z2016-01-27T21:01:30ZAprès 16 ans d’épopée intellectuelle, quel futur pour l’encyclopédie libre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/109472/original/image-20160128-1030-18zd5r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C144%2C4608%2C2938&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/63158617@N07/6061021358/in/photolist-aeAjuf-57hYVH-bQJCr6-8mKt1-4PKfjA-iQzkDW-pNUDF-oZuXPA-APXRMn-Ab1rtF-AdjFit-iQxkr3-zXkvG-8yWFK8-beGUaT-dQMLiP-oBdtN-5uW4c1-8VWAXT-8VWASi-8VWALe-8VZEwy-qcxnqv-91hLJ8-8vQeud-6AvK1j-5j6X2e-p8D3g8-4D92Z5-o4xhrL-o3ivcw-nJuD8V-dn6K1e-nSRAPy-nGqCfv-aDaSHD-c4BWQL-9eeheK-8vQ1VJ-58m9ZP-4JYJJf-6JxYjK-hA6m3Y-aDeJqS-aDeJsN-aDeJrU-aDeJnQ-aDeJmU-aDeJmj-aDaSEk">Pernilla Rydmark/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Wikipédia a 16 ans. Ou plutôt, la première Wikipédia – celle en anglais – a été créée il y a 16 ans, bientôt suivie par plus de 280 autres, formant une constellation de sites reliés les uns aux autres écrits dans des langues diverses. La Wikipédia francophone a, elle, été fondée le 23 mars 2001. Forte d’une très active communauté française mais aussi suisse, belge, canadienne ou africaine, elle a rédigé 1 720 000 articles à un rythme stable depuis plusieurs années, soit plus de 10 000 nouveaux articles par mois. Le site, à la fois célèbre par lui-même et extrêmement bien <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Optimisation_pour_les_moteurs_de_recherche">référencé par Google</a>, est ainsi devenu le recours systématique de la plupart des Français à la recherche d’une information – de la plus triviale à la plus rare et spécialisée.</p>
<h2>Toutes les connaissances</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=856&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109375/original/image-20160127-26788-1y7v4zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Saraswati, déesse indienne de la connaissance et du savoir, peinture de Raja Ravi Varma.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarasvati_(d%C3%A9esse)#/media/File:Saraswati.jpg">Wikipédia</a></span>
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<p>Une des originalités du projet est de n’exclure par avance aucun champ de connaissance. À la différence des grandes encyclopédies papier, où la place est limitée, Wikipédia peut se permettre de traiter tous les sujets : y compris les moins légitimes culturellement ; y compris les sujets scientifiques, contribuant ainsi à faire évoluer la notion de « culture générale », encore hélas essentiellement littéraire en France. C’est la définition même d’une <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Encyclop%C3%A9die">encyclopédie</a> (rappelons que celles traditionnelles comptent environ 30 000 articles, écrits par des spécialistes mais souvent sans citer de sources, avec, dernièrement, des mises à jour effectuées par des salariés de l’éditeur) que la présence de Wikipédia a fait évoluer.</p>
<p>Les grands principes de fonctionnement de l’encyclopédie collaborative, eux, n’ont pas évolué. Les textes sont rédigés par toute personne qui le désire, sans qu’aucune restriction ne soit amenée aux bonnes volontés. Avec deux grandes conséquences : la première est que, comme dans toute encyclopédie, les contributeurs n’apportent pas de connaissances originales mais seulement une synthèse, un état de l’art, en citant des sources choisies avec soin. La seconde est que ces <a href="http://blog.wikimedia.fr/qui-sont-les-wikipediens-2961">wikipédiens</a> ne sont pas donc jugés sur qui ils sont mais sur ce qu’ils font. Toute action est par conséquent scrutée par tous les autres – tout étant transparent sur le site, avec la possibilité de tracer toute intervention et de revenir à la version précédente d’un simple clic.</p>
<p>Wikipédia est aussi une fascinante expérience humaine d’une communauté qui ne se donne pas de limite, qui s’est auto-organisée pour faire travailler ensemble – avec forcément les tiraillements et les couacs que cela implique – des milliers de personnes qui ne se connaissent pas. Les règles évoluent au fur et à mesure des besoins, sur vote de la communauté, afin d’être le plus efficace possible.</p>
<p>Wikipédia est ainsi devenu le symbole de nouvelles manières de faire ; partant, elle oblige différents corps de métier à faire évoluer leurs pratiques, voire à se réinventer. Les encyclopédies papier – déjà bien mal en point dans les années 1990 – ont rendu les armes. Musées et bibliothèques, voyant leurs confrères américains ouvrir leurs fonds, partager leur numérisation, encourager la prise de photos, sont amenés à se repositionner vis-à-vis de leur public. L’antique droit d’auteur est lui-même en tension quand des activités jugées légitimes par une très grande partie de la population se trouvent être illégales… car non prévues par les lois de l’avant-Internet, avec des ajustements souvent compliqués qui font grincer les dents des groupes d’intérêts qui ont à y perdre (voir à ce sujet les récents débats autour de la <a href="http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/01/19/qu-est-ce-que-la-liberte-de-panorama-disposition-controversee-de-la-loi-numerique_4850027_4408996.html">« liberté de panorama »</a> en France).</p>
<h2>Succès populaire et critiques acerbes</h2>
<p>Le succès populaire n’était donc pas évident. À sa création, Wikipédia était un des multiples sites créés dans un monde de l’Internet encore nouveau et en pleine croissance : Google n’avait que trois ans, Facebook n’existait pas. Seuls 17 % des Français avaient accès à Internet. Ce n’est que quelques années plus tard – entre 2005 et 2007 – que Wikipédia a commencé à prendre de l’importance dans nos vies et à être le recours premier de toute recherche de culture générale.</p>
<p>Il n’a pas été facile pour Wikipédia de trouver sa place. Son mode de fonctionnement étonnait, voire n’était pas toujours bien compris. C’est à cette période que les critiques se font les plus dures. En 2007, un journaliste comme Pierre Assouline consacre à l’encyclopédie une série de <a href="http://larepubliquedeslivres.com/">billets de blog</a> très critiques, avant de faire paraître un mémoire d’étudiants en journalisme, qu’il préface d’une plume acerbe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109400/original/image-20160127-26796-1cxaabc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=624&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2005, la revue Nature comparait Wikipédia à l’encyclopédie Britannica. Verdict : même niveau de fiabilité.</span>
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<p>Ce type de critique est devenu plus compliqué à tenir quelques années plus tard : la société a largement évolué dans la seconde moitié des années 2000 vers une meilleure compréhension de Wikipédia. D’un côté, le projet a continué à approfondir les articles mis à disposition et à proposer de meilleures ressources ; de l’autre, le fonctionnement a été petit à petit mieux compris de ses détracteurs et, surtout, les avis ont bien été obligés de rejoindre l’expérience quotidienne du plus grand nombre : Wikipédia était utile et proposait les connaissances nécessaires à tous.</p>
<p>À partir de 2010, les plus grandes institutions culturelles françaises ont commencé à collaborer avec <a href="http://www.wikimedia.fr/">Wikimédia France</a>, la structure nationale chargée de promouvoir Wikipédia et ses projets frères. La <a href="http://www.bnf.fr/fr/acc/x.accueil.html">Bibliothèque nationale de France</a>, puis des musées, petits et grands (du château de Versailles et du centre Pompidou aux musées de la Haute-Saône), des archives (de celles de Toulouse aux Archives nationales), le ministère de la Culture pour plusieurs projets (notamment autour de la francophonie et des langues de France), l’Éducation nationale (qui a agréé Wikimédia France comme association éducative complémentaire de l’enseignement public), etc.</p>
<p>Nous avons donc pu sortir lors de ces dernières années de la sempiternelle question « Wikipédia est-il fiable ? » pour approfondir des problématiques plus intéressantes. D’abord questionner la notion d’erreur, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Puis faire passer l’importance de la formation des esprits critiques, de l’apprentissage de la lecture critique d’un article, de la vérification des sources – de la faculté à juger un écrit (que ce soit Wikipédia ou pas) et à moduler sa confiance selon les résultats… Et l’usage que l’on va faire de l’information obtenue. L’éducation voit ainsi Wikipédia comme une porte d’entrée pratique pour former à l’usage des médias.</p>
<h2>Quel avenir ?</h2>
<p>Au cours de ces 16 années, Wikipédia n’était pas seul. Se sont développés, selon des méthodes de travail semblables, Wikimedia Commons et ses 30 millions d’images librement réutilisables ; Wikisource, bibliothèque numérique riche de millions de documents, et un wiktionnaire. Sans oublier <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Wikidata">Wikidata</a>, qui est sans doute le projet le plus prometteur. Dans un monde de l’Internet qui a besoin d’informations directement utilisables par les programmes, algorithmes et moteurs de recherche, Wikidata propose des informations structurées, comme le meilleur des catalogues de bibliothèques… mais à une tout autre échelle. Ce site se trouve donc, sans forcément qu’on s’en rende compte, au centre de la gestion d’information globale de la toile, et donne une autre dimension à Wikipédia.</p>
<p>Mais les qualités des projets Wikimédia sont également leurs défauts… ou en tout cas leurs faiblesses dans un monde numérique qui évolue rapidement et où des multinationales hyperpuissantes mènent le jeu. C’est presque un miracle qu’un projet bénévole et amateur comme Wikipédia tienne tout ce temps la dragée haute à des entreprises employant des dizaines de milliers d’ingénieurs pour un chiffre d’affaires dépassant le milliard de dollars. Mieux : que Wikipédia, fidèle à son éthique, continue à mettre librement à disposition ses données à disposition de tous, y compris ceux qui pourraient être ses concurrents directs.</p>
<p>Wikidata devient ainsi central dans la gestion de l’information bibliographique pour les bibliothèques… mais aussi pour les entreprises, et au premier rang d’entre elles, Google. Avec le risque notamment que les moteurs de recherche utilisent directement ces données sans renvoyer vers Wikipédia, faisant diminuer l’audience du site participatif et, in fine, la bonne volonté de ses utilisateurs.</p>
<p>Ceci pose la question de l’avenir de Wikipédia : fêtera-t-on un jour ses trente ans ? Peut-être… mais rien n’est moins sûr, dans un monde de l’Internet qui évolue à très grande vitesse. À dire vrai, son futur dépendra directement de la volonté des contributeurs et de celle de la société tout entière de disposer d’un outil tel que celui-ci. Personne ne sait s’il existera encore des personnes désireuses de donner de l’argent pour payer les serveurs et les projets, de donner de leur temps pour s’assurer des relectures et de la chasse au vandalisme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109381/original/image-20160127-26796-13s4653.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le projet collaboratif Open Street Map.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.openstreetmap.org/#map=9/48.7009/2.8537">Open Street Map</a></span>
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<p>Alors, projet qui restera comme une belle utopie des premières années de l’Internet ou création durable qui sera encore consultée en 2030 ? L’avenir le dira. En tout état de cause, son existence et son succès incontestable au cours de ces quinze dernières années auront montré la voie à d’autres (<a href="http://openstreetmap.fr/">Open Street Map</a>, etc.) et pose la question du statut de ce type de projet. Intellectuels et économistes ont proposé la notion de « biens communs », objets qui bénéficient à tous sans appartenir à personne. La reconnaissance légale et la protection de ces biens communs et en particulier ceux « de la connaissance » a malheureusement été repoussée par le gouvernement actuel malgré plusieurs amendements au <a href="https://www.republique-numerique.fr/">projet de loi Lemaire sur le numérique</a> qui faisaient une telle proposition.</p>
<p>Mais quel que soit le futur, Wikipédia aura été l’une des épopées intellectuelles majeures de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle – et l’occasion unique pour les chercheurs de diffuser leurs recherches directement, en lien avec la société dans toute sa diversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53759/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi Mathis a été pendant 5 ans membre du conseil d’administration de Wikimédia France (qu’il a présidé pendant plus de trois ans), et est encore aujourd’hui membre de son conseil scientifique.
</span></em></p>Des millions d’articles publiés dans des dizaines de langues en seulement 16 ans d’existence, Wikipédia a bouleversé notre rapport à la connaissance. Quel sera son futur ?Rémi Mathis, Chargé de cours en histoire et techniques de l’estampe, École Nationale des ChartesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.