tag:theconversation.com,2011:/institutions/ifp-energies-nouvelles-2661/articlesIFP Énergies nouvelles 2024-02-04T15:37:06Ztag:theconversation.com,2011:article/2207352024-02-04T15:37:06Z2024-02-04T15:37:06ZLes minerais critiques, des ambitions pour l’Afrique<p>Avec l’accélération de la transition énergétique et numérique, les besoins mondiaux en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">minerais critiques</a> connaissent une croissance exponentielle ces dernières années, avec de 2017 à 2022 une hausse de 200 % de la demande de lithium, un bond de 70 % pour le cobalt et de 40 % pour le nickel. La demande de minéraux essentiels critiques devrait être <a href="https://www.iea.org/reports/critical-minerals-market-review-2023">multipliée par 3,5 d’ici à 2030</a>.</p>
<p>L’Afrique, qui dispose de larges ressources et gisements en la matière, espère en profiter pour soutenir une trajectoire d’industrialisation fondée sur une transformation locale accrue de ses minerais et renforcer son rôle dans les <a href="https://au.int/sites/default/files/documents/30995-doc-africaminingvisionfrench.pd">chaînes de valeur internationales</a>.</p>
<p>Ces ambitions doivent cependant être analysées au prisme des réalités géologiques, des politiques et de l’environnement de chaque pays et du contexte international. C’est en particulier la montée du « protectionnisme vert » au sein des grandes puissances économiques et la multiplication des offres de partenariats aux pays du continent <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-minerais-de-la-transition-energetique-et-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">qu’il faudra juger au fil du temps</a>.</p>
<h2>Position dominante de l’Afrique</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">« minerais critiques »</a> englobent une série de ressources essentielles à la construction des infrastructures de la <a href="https://theconversation.com/les-pressions-sur-leau-face-ignoree-de-la-transition-energetique-154969">transition énergétique et numérique</a> (panneaux solaires, éoliennes véhicules électriques, écrans tactiles, stockages de données, connexion des systèmes entre eux).</p>
<p><a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">Différentes listes</a> de ces minerais ont été établies par les pays consommateurs de minerais, chacune étant basée sur des hypothèses concernant la demande à venir, les utilisations futures et leur disponibilité. Elles reflètent ainsi le caractère stratégique du minerai pour le pays.</p>
<p>L’Afrique dispose d’une position dominante sur quatre minerais considérés comme critiques par plusieurs listes : le cobalt, le manganèse, le chrome et le platine. Elle est également très présente sur cinq autres – le bauxite, le graphite, le cuivre, le nickel et le zinc.</p>
<h2>Opportunité pour le continent ?</h2>
<p>Cette place centrale du continent africain incite les gouvernements à proposer aux investisseurs de transformer les minerais sur place, afin de créer davantage de valeur ajoutée et susciter des retombées économiques locales et régionales.</p>
<p>Ils entendent utiliser les avantages de la nouvelle dynamique en matière de liberté d’échange et d’intégrité régionale (mise en place de la Zone de libre échange continentale africaine Zlecaf) en développant des chaînes de valeur régionales compétitives. Cette politique nouvelle est au centre de l’agenda du <a href="https://au.int/en/amdc">Centre pour le développement des ressources minérales en Afrique</a> parrainé par l’Union Africaine.</p>
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<p>Avec le temps et l’appui de bonnes politiques incitatives, la plupart de ces projets pourraient devenir réels et pérennes. Pour certains pays moins dotés, des objectifs plus modestes pourront sans doute inclure d’abord le développement de réseaux de fournisseurs de produits et de services aux sociétés minières, des camionnettes et des fabricants de pièces de rechange jusqu’aux services de restauration, géomètres et services de ressources humaines, soutenus par des exigences de contenu local afin d’abaisser les barrières à l’entrée pour les entreprises locales.</p>
<p>Ces services n’ont pas le statut ou le potentiel économique du raffinage mais contribueront à renforcer les chaînes d’approvisionnement locales amont et à ajouter une valeur utile à l’exploitation des minerais en Afrique.</p>
<h2>Transformation des minerais</h2>
<p>Afin de tirer le meilleur parti de leurs ressources minières, les pays africains pourraient ainsi développer une industrie de transformation locale des minerais.</p>
<p>Sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur, l’extraction minière rapporte en effet peu par rapport aux étapes en aval de production de biens issus des minerais. Cela contribuerait en outre à une industrialisation du continent attendue de longue date.</p>
<p>L’exemple du cuivre illustre bien les défis à relever : en <a href="https://documents.banquemondiale.org/fr/publication/documents-reports/documentdetail/305141468189249424/zambia-economic-brief-making-mining-work-for-zambia">Zambie</a> et en RDC, la production minière a augmenté dans les années 2010 alors que la part des exportations de produits semi-finis a diminué.</p>
<h2>Production de batteries ?</h2>
<p>L’ambition de certains pays africains s’étend jusqu’à la <a href="https://www.state.gov/translations/french/les-etats-unis-publient-un-protocole-daccord-signe-avec-la-republique-democratique-du-congo-et-la-zambie-pour-renforcer-la-chaine-de-valeur-des-batteries-de-vehicules-electriques/">production de batteries</a> à destination des véhicules électriques, ce qui dépendra aussi de l’existence d’un marché pour les véhicules alimentés par des batteries à proximité.</p>
<p>Du fait du manque d’accessibilité financière et d’infrastructures de recharge à l’échelle du réseau, le marché africain de l’électrique à quatre roues risque de rester longtemps limité. La chaîne de valeur des batteries fabriquées à partir de nickel, lithium et manganèse pourrait s’arrêter à la production de matériaux précurseurs de batteries.</p>
<p>Avec un potentiel plus important sur le marché africain des véhicules électriques à 2 ou 3 roues – qui utilisent des batteries au lithium, au fer et au phosphate et sont aussi précieuses pour le stockage stationnaire de l’énergie – les industries fondées sur la chimie des batteries ont plus de chances d’être viables.</p>
<p>Cela requerra des investissements dans les usines de fabrication de cellules : ils seraient facilités par un soutien aux fabricants nationaux de véhicules électriques à 2 et 3 roues, par davantage de découvertes de lithium et par une coordination régionale sur le raffinage du lithium.</p>
<h2>Contrôler les exportations ?</h2>
<p>La stratégie adoptée par certains pays africains est d’essayer de forcer la main aux compagnies minières : contraindre les exportations de matières premières non transformées en imposant des <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/trade/raw-materials-critical-for-the-green-transition_c6bb598b-en;jsessionid=t10e5NtYkZgGGN68CYsRV6fi9TsVUl-Iwykelcg_.ip-10-240-5-29">restrictions</a>, dans le but que cela favorise les industries locales en aval.</p>
<p>On en compte presque 2500 restrictions aux exportations sur le continent en 2021 (contre 1000 en 2009) lorsque l’on croise les différents types de mesures (interdiction, quotas d’exportation, licences ou taxes sur les exportations) et les 70 minerais et métaux.</p>
<p>Ces restrictions à l’exportation en Afrique comme outils de stimulation de la transformation locale des minéraux <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/trade/export-controls-and-competitiveness-in-african-mining-and-minerals-processing-industries_1fddd828-en">ne semblent pourtant pas efficaces</a>. Il n’y a pas eu d’amélioration de l’avantage comparatif révélé des produits transformés et ces décisions ont même pu saper la performance globale des industries dans certains cas.</p>
<h2>Favoriser les zones économiques spéciales</h2>
<p>Un problème majeur de la transformation locale est celui du financement. Pour les États, le défi sera de réussir à attirer des investisseurs prêts à dépenser les fonds nécessaires pour construire et installer des usines.</p>
<p>Les recettes directes seraient toutefois maximisées si plusieurs pays s’associaient pour développer ensemble des complexes de transformation et des filières de référence. C’est dans ce contexte qu’émergent des projets de zones économiques spéciales (ZES) autour de la transformation des minerais.</p>
<p>Dans la dernière décennie, des dizaines de nouvelles ZES ont ainsi surgi pour répondre aux besoins de l’industrie minière : la « Platinum Valley » cherche à révolutionner la production africaine de piles à hydrogène.</p>
<p>La <a href="https://www.uneca.org/fr">Commission économique des Nations unies pour l’Afrique</a> (CEA) et la banque d’affaires <a href="https://www.afreximbank.com/fr/">Afreximbank</a> se sont récemment associées à travers un accord-cadre pour l’établissement d’une ZES pour la production de batteries et de véhicules électriques en RDC et en Zambie.</p>
<h2>Accroître la taille du marché local</h2>
<p>Un autre défi à l’émergence d’une industrie de transformation est l’absence d’un marché local suffisant pouvant justifier la création d’unités de transformation locale et permettre le développement des chaînes de valeurs régionales.</p>
<p>Aucun pays africain ne possédant à lui seul tous les minéraux nécessaires à la production de batteries, les États devront donc mettre en commun leurs approvisionnements en minéraux pour atteindre les échelles requises.</p>
<p>De nombreuses barrières au commerce sur le continent demeurent : plus le produit est haut dans la chaîne de valeurs des produits miniers, plus les tarifs entre les pays du continent sont élevés. Cela crée un obstacle majeur au développement de la chaîne de valeur. Les standards sont en moyenne de 2 à 4 sur chaque produit, or en moyenne, les coûts commerciaux liés à ces mesures non tarifaires <a href="https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/09f9bbdd-3bf0-5196-879b-b1a9f328b825">diminuent de 4,9 points de pourcentage le commerce des produits miniers</a> (contre 2,6 % en moyenne pour les biens). L’agenda de la Zlecaf, qui entend réduire ces barrières tarifaires et non-tarifaires, peut proposer un cadre intéressant pour ces transformations.</p>
<h2>Défis majeurs des infrastructures</h2>
<p>Outre l’émergence d’un marché local, aller au-delà d’un simple traitement des minerais et créer des chaînes de valeur intégrées à l’échelle de l’Afrique est très complexe au regard des défis énergétiques et des systèmes de transport actuels.</p>
<p>Cela implique des besoins énergétiques importants pour les usines de transformation, alors que l’accès à l’électricité demeure un problème pour de nombreux pays africains. Si l’extraction industrielle peut consommer assez peu d’énergie, la transformation en produits raffinés est le plus souvent très <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301679X17302359">énergivore</a>. Les grandes raffineries de minerais du monde sont souvent là où l’énergie est disponible et <a href="https://www.piie.com/publications/policy-briefs/building-downstream-capacity-critical-minerals-africa-challenges-and">peu coûteuse</a>.</p>
<p>L’autre obstacle est l’insuffisance des transports terrestres. Les réseaux de transport en Afrique demandent à être réhabilités ou développés pour supporter les trafics courants et absorber ces flux minéraliers massifs.</p>
<p>En résumé, le continent africain dispose de perspectives de création de valeur mais devra pour les concrétiser renforcer sa position sur le marché des matières premières minérales, exploiter ses avantages comparatifs et améliorer ses infrastructures, systèmes énergétiques et conditions générales d’investissements. Des <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_5303">alliances</a> sont donc à bâtir au niveau africain et international. Cependant l’analyse des potentiels de transformation ne doit pas se borner aux seuls minerais de la transition. Il est en effet crucial pour le continent de développer ses capacités de transformation sur les minerais qu’il produit d’ores et déjà en grandes quantités, platines et or et également pour les matériaux de construction : le fer et l’acier. D’autant que les besoins en minerais stratégiques sont tellement importants que cela pourrait conduire les industries de la transition énergétique à utiliser d’autres composants et à se passer de lithium pour les batteries par exemple.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association nationale de la recherche et de la technologie. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon, Philippe Bosse et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le continent espère profiter des besoins croissants en minerais critiques pour renforcer son rôle dans les chaînes de valeur internationales, au-delà de la seule extraction.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePhilippe Bosse, Ingénieur géologue au département Afrique de l’AFD, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206052024-01-31T15:55:37Z2024-01-31T15:55:37ZLes nouveaux enjeux de l’expansion minière en Afrique<p>La production minière a commencé à augmenter de <a href="https://reporterre.net/Une-ruee-miniere-mondiale">façon significative au cours des années 2000</a> dans le monde entier et en Afrique, principalement du fait de la poursuite de la libéralisation du secteur minier, notamment sur le continent africain, des cours élevés de l’or, et du développement, en de nombreux points de la planète, de nouvelles mines, essentiellement par des investisseurs anglo-saxons (Canada, Australie, etc.).</p>
<p>Cet essor s’est encore accéléré à partir de la seconde moitié des années 2010, du fait de la hausse des investissements internationaux (notamment en provenance de Chine, des Émirats, d’Inde, de Russie, des États-Unis, du Canada, du Japon ou encore du Maroc), bien sûr dans l’or mais aussi dans d’autres métaux (cuivre, cobalt, diamant, manganèse, bauxite, fer, titane, étain) puis, à partir de 2020, dans de nouveaux métaux (graphite, platine, terres rares, lithium…).</p>
<p><a href="https://afd.keepeek.com/publicMedia?t=pm0GgoI5rG&o=155257">L’Afrique joue une part importante dans ce boom minier mondial</a>, même si les investissements y restent encore modestes (moins de 14 % des IDE mondiaux dans le secteur entre 2018 et 2022 étaient à destination du continent).</p>
<h2>Quels sont les minerais concernés et dans quelles régions se trouvent-ils ?</h2>
<p>Le secteur minier du continent africain produit essentiellement quinze minerais. Les métaux précieux comptent pour 45 % des exportations de métaux du continent, loin devant les métaux ferreux (23 % des exportations), les métaux non ferreux (19 %) et les minerais industriels (12 %).</p>
<p>Les métaux dits de la transition énergétique – surlignés en rouge dans le graphique ci-dessous – sont ceux utilisés dans la fabrication de véhicules électrifiés (cobalt, cuivre, lithium, graphites), dans les piles à combustible (métaux du groupe platine) et dans les technologies de l’éolien et du solaire photovoltaïque (cuivre, lithium, cobalt, nickel). Ils représentent près de 29 % des exportations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UN Comtrade</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>– Métaux précieux : or et métaux du groupe du platine (MGP)</strong></p>
<p>Le dynamisme actuel du secteur minier africain est en grande partie porté par la production d’or. L’Afrique du Sud possède les premières réserves du continent et les troisièmes réserves mondiales.</p>
<p>Toutefois, l’Afrique de l’Ouest est en passe de devenir une place forte, notamment grâce au Ghana, au Burkina Faso et au Mali, qui possèdent des réserves non négligeables, encore peu exploitées. Les métaux du groupe du platine (MGP) nécessaires à la fabrication de piles à combustible sont produits principalement en Afrique du Sud, premier producteur de palladium et de platine au monde. Toutefois, la production minière d’or d’Afrique du Sud a beaucoup baissé en raison de la forte profondeur de plusieurs sites d’extraction importants anciens arrivés à leurs limites d’exploitabilité.</p>
<p><strong>– Métaux ferreux : cobalt, manganèse, coltan, chrome, nickel et fer</strong></p>
<p>L’Afrique est incontestablement le leader mondial du cobalt. Le continent possède plus de 50 % des réserves mondiales de ce métal non ferreux, dont 48 % se situent en République démocratique du Congo.</p>
<p>En 2022, le continent africain concentrait plus de 58 % des réserves de manganèse connues et est, dans son ensemble, le leader mondial de la production de manganèse. L’Afrique est aussi le plus gros producteur de coltan (72 % de la production mondiale) et de chrome.</p>
<p>Le continent est en revanche un modeste producteur de nickel et de fer avec respectivement 4 % et 3 % de la production mondiale, principalement en Afrique du Sud. Bien que de nombreux autres pays africains possèdent des réserves de taille substantielle, elles sont dans l’ensemble encore peu exploitées. C’est en particulier le cas de l’Afrique de l’Ouest, qui dispose de plusieurs gisements de taille mondiale.</p>
<p><strong>– Métaux non ferreux : bauxite, cuivre, zinc et lithium</strong></p>
<p>Le continent africain est un acteur majeur de la production de bauxite, essentiellement grâce à la richesse du sous-sol guinéen. Avec 23,8 % des réserves mondiales en 2022, le pays dispose des premières réserves mondiales.</p>
<p>D’importantes quantités de cuivre encore sous-exploitées sont aussi hébergées dans le sol africain. Les principales réserves exploitées du continent sont partagées entre la RDC et la Zambie dans la zone dite de la <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-09/010047833.pdf">« Copperbelt »</a>, les deux pays possédant respectivement les 7<sup>e</sup> et 11<sup>e</sup> réserves mondiales.</p>
<p>L’Afrique est cependant un petit producteur de zinc à l’échelle mondiale avec seulement 4 % de la production. L’Afrique du Sud en est depuis peu le premier producteur (30 % de la production du continent).</p>
<p>De nombreux projets d’extraction de lithium et terres rares sont en cours : au Burundi, en Tanzanie, en Angola, à Madagascar et en Afrique du Sud pour les terres rares ; en RDC, au Mali et au Zimbabwe pour le lithium. Le continent n’est toutefois pas un acteur leader sur ces minerais.</p>
<p><strong>– Minerais industriels : diamants, phosphate et graphite</strong></p>
<p>L’Afrique est particulièrement bien fournie en diamants, détenant en 2022 environ 43 % des réserves mondiales, réparties pour l’essentiel entre l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, la RDC et l’Angola.</p>
<p>Le continent dispose aussi d’immenses réserves de phosphate (environ 80 % des réserves mondiales), même si dans les faits, les réserves et la production africaines sont très largement dominées par le Maroc. Le pays, qui possède à lui seul environ 70 % des réserves mondiales, n’est pourtant que le second producteur mondial derrière la Chine.</p>
<p>Concernant le graphite, enfin, l’Afrique représente 20 % de la production mondiale et détient 20 % des réserves. Le Mozambique en est le 1<sup>er</sup> producteur africain devant Madagascar et la Tanzanie.</p>
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<span class="caption">Part de l’Afrique dans la production et les exportations mondiales. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">USG & UN Comtrade</span></span>
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<h2>Que représente le secteur minier pour ces économies ?</h2>
<p>Il est remarquable que la part des exportations des produits miniers dans le PIB n’a que faiblement ralenti lors de la chute des cours des produits miniers en 2015, puis a fortement augmenté depuis 2016. Plus encore, la part des exportations minières dans les exportations totales n’a pas ralenti : la moyenne sur le continent était de 25 % sur 2013-2021 contre 14 % sur 2005-2012.</p>
<p>Cette part des exportations minières dans les exportations totales est très significative dans de nombreux pays du continent avec des valeurs ressortant au-delà de 50 % pour la Zambie, la RDC, la Mauritanie, la Guinée, le Mali et le Burkina Faso. Le rebond a été particulièrement fort au Burkina Faso, au Ghana ou au Mali sur l’or, mais également en Sierra Leone et en Guinée. Une grande partie des exportations minières depuis dix ans sont constituées des produits or et diamant (représentant 12 % des exportations totales d’Afrique), des métaux (7,5 %) et des minerais (6 %).</p>
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<span class="caption">Évolution et part des exportations de ressources minières dans les exportations totales 2005-2012, 2013-2021. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WITS, Banque mondiale</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution et part des exportations de ressources minières dans les exportations totales 2005-2012, 2013-2021. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WITS, Banque mondiale</span></span>
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<p>Cependant la contribution au PIB reste faible que l’on prenne comme indicateur la part des exportations de produits miniers dans le PIB – produit intérieur brut (A), la part de la rente minière dans le PIB (B) ou la part des ressources minières dans la richesse totale (C), 10 % en moyenne alors que pour les pays pétrolier cette ressource pétrolière représentait généralement 30 % du PIB.</p>
<h2>Quelles dynamiques dans l’exploitation de ces richesses ?</h2>
<p>On observe une double dynamique dans l’attribution des budgets d’exploration des ressources minières en Afrique. Les pays miniers historiques, quoique drainant des montants d’exploration supérieurs, sont en perte de vitesse relative vis-à-vis de nouveaux pays émergents dans la production minière.</p>
<iframe title="Part de la rente minière dans le PIB national" aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-JwlYK" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JwlYK/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="776" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Une part très élevée de pays miniers historiques concentrent depuis longtemps l’essentiel de la production africaine de quelques métaux-clés. On pense en premier lieu à l’Afrique du Sud ainsi qu’à la RDC, au Ghana, au Burkina Faso et à la Zambie qui sont les premières destinations des budgets d’exploration en Afrique et comptent le plus grand nombre de mines ouvertes sur leurs territoires entre les années 2000 et 2021.</p>
<p>Le budget d’exploration à destination de ces pays semble cependant stagner voire décliner depuis 2012, malgré un léger regain en 2018, révélant une relative faiblesse de l’attractivité du secteur minier africain. Cet essoufflement relatif s’explique essentiellement par la chute des cours des métaux, mais il est significatif de constater que les dépenses d’exploration de ces pays ne parviennent pas à repartir alors même que le secteur minier mondial repart à la hausse. Les raisons principales nonobstant des ressources importantes de grande qualité sont l’insuffisance ou la précarité de certaines infrastructures (énergie, rail, port), les problèmes de sécurité et une perception négative des risques politiques et économiques (prix de l’énérgie).</p>
<iframe title="Évolution du budget d'exploration de cinq pays africains" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-wsM30" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wsM30/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>De façon générale, on observe un intérêt renouvelé des pays africains pour leur secteur minier. C’est le cas au <a href="https://www.jeuneafrique.com/1429158/economie-entreprises/avec-son-hub-minier-le-senegal-veut-se-rendre-incontournable/">Sénégal</a>, en <a href="https://www.afrique-sur7.ci/485322-secteur-minier-cote-divoire-economie">Côte d’Ivoire</a> et au <a href="https://www.jeuneafrique.com/1477461/economie-entreprises/avec-un-nouveau-code-minier-le-mali-se-reapproprie-son-or/">Mali</a>. Plusieurs pays traditionnellement peu miniers tentent de se positionner sur le marché grâce au développement de leur cartographie minière et à la mise en œuvre de politiques attractives pour les explorateurs et les investisseurs. Ainsi, le Cameroun, la République du Congo, l’Ouganda, le Tchad, le Togo, Djibouti ou encore la République centrafricaine développent plusieurs projets miniers alors même qu’ils ne comptent actuellement aucune mine industrielle majeure.</p>
<h2>L’émergence de nouveaux acteurs</h2>
<p>La libéralisation du secteur portée par les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/raq/2010-v40-n3-raq0118/1009370ar.pdf">réformes promues par la Banque mondiale dans les années 1980</a> voit l’installation durable des acteurs canadiens, australiens et, dans une moindre mesure, suisses et américains dans le secteur minier africain.</p>
<p>À ce jour, si l’on observe la part de chaque entreprise dans la production minière africaine totale, on constate que les compagnies occidentales sont très largement en tête et représentent 80 % des investissements miniers en Afrique. Les entreprises Anglo American (Royaume-Uni, ex sud-africaine), Glencore (Suisse) et First Quantum Minerals (Canada) sont ainsi les champions de la production minière africaine et représentent à elles quatre près du quart de la production en 2018. Ces acteurs occidentaux continuent d’être très dynamiques via le financement de projets d’exploration et des activités d’expansion des mines existantes.</p>
<iframe src="https://afd.keepeek.com/pm0GgoI5rG" style="border: 0;width:100%;height:100%" frameborder="0" allowfullscreen="" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2020-1-page-99.htm?ref=doi">boom minier de 2009-2013</a> voit également l’apparition des nouveaux acteurs dits « émergents ». Parmi ces pays, la Chine est celui qui connaît la progression la plus fulgurante en Afrique. Dans la lignée de <a href="https://www.cifor.org/knowledge/publication/4321/">sa politique du « Going Out »</a> et pour répondre à sa demande croissante en minerais, la Chine s’implante solidement dans le secteur minier africain à partir des années 2010. En 2018, les entreprises chinoises représentaient ainsi 41 % de la production de cobalt africaine et 28 % de celle de cuivre.</p>
<p>La Russie, autre géant du secteur minier, a également profité de l’ouverture du secteur minier <a href="https://lejournaldelafrique.com/lexploitation-russe-des-diamants-africains-une-affaire-couteuse-et-urgente/">pour s’implanter en Afrique</a>, principalement dans le diamant et le platine en Afrique australe et dans l’or en Afrique de l’Ouest. Elle a particulièrement renforcé son influence sur le continent après <a href="https://theconversation.com/la-russie-les-sanctions-et-la-securite-europeenne-70424">l’imposition des premières sanctions internationales</a> suite à l’annexion russe de la Crimée en 2014 et continue d’entretenir d’étroites relations avec des pays comme le Mali, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud ou la Centrafrique.</p>
<p>Moins étudiée que la Chine, l’influence indienne est pourtant bien réelle dans le secteur minier africain, principalement en Afrique australe. L’Inde cherche avant tout à sécuriser son approvisionnement en charbon dont elle est une grosse consommatrice (70 % de son mix énergétique). Elle se positionne également sur le fer africain pour nourrir son industrie de la sidérurgie mais également sur le zinc, le plomb, le cuivre et les pierres précieuses au travers du géant minier indien Vedanta.</p>
<p>Les pays du Golfe (Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Qatar) quant à eux, partenaires commerciaux historiques dans le commerce d’or avec l’Afrique, s’implantent peu à peu dans le secteur du diamant et des métaux industriels comme le cobalt et l’aluminium.</p>
<p>L’Afrique du Sud a toujours fait figure d’exception à l’échelle du continent. Longtemps référence de la production minière africaine, elle compte un grand nombre de compagnies actives en Afrique du Sud même, en Afrique australe et sur le reste du continent, et de taille comparable aux plus grands investisseurs sur le sol africain. L’Afrique du Sud a développé ses propres compagnies minières d’envergure mondiale, notamment AngloGold Ashanti, Anglo American Platinum, Impala Platinum et Gold Fields qui figurent parmi les cinquante plus grandes entreprises minières.</p>
<p>Le Maroc a également développé une stratégie panafricaine au travers d’acteurs publics comme le <a href="https://www.jeuneafrique.com/1476249/economie-entreprises/freine-au-soudan-managem-creuse-sa-dette-pour-soutenir-son-expansion-ouest-africaine/">groupe Managem</a> ou l’<a href="https://www.jeuneafrique.com/1435671/economie-entreprises/le-geant-marocain-ocp-engrange-100-millions-de-dollars-pour-verdir-ses-activites/">Office Chérifien des Phosphates</a> (OCP). L’OCP a un monopole sur l’extraction, la transformation et la vente de phosphates au Maroc et est la plus grande société de phosphate mondiale (31 % du marché). Le groupe a mis sur pied une stratégie d’expansion à travers 12 pays africains. Managem est quant à elle le leader du secteur minier métallique marocain et exploite 15 mines à travers huit pays africains, notamment en Guinée, au Gabon, en RDC et au Soudan.</p>
<iframe title="Part des compagnies dans la production minière africaine en 2018" aria-label="Diagramme circulaire" id="datawrapper-chart-6tunn" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6tunn/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="433" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Les pays africains ont donc engagé des politiques ambitieuses afin de bénéficier du <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-minerais-de-la-transition-energetique-et-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">boom minier sur les matériaux critiques</a> de la transition énergétique mais également sur d’autres minerais de valeur tel que l’or. Mais ces pays doivent maintenant développer de nouvelles politiques pour inciter à la transformation de ces minerais sur le continent et accroître les revenus fiscaux tout en ménageant les impacts environnementaux et sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220605/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association nationale de la recherche et de la technologie. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon, Philippe Bosse et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Alors que le secteur minier est en plein essor en Afrique, les pays du continent tentent de développer leurs programmes d’exploration pour prendre part à la dynamique.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePhilippe Bosse, Ingénieur géologue au département Afrique de l’AFD, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2051092023-09-05T17:01:34Z2023-09-05T17:01:34ZLe stockage massif d’électricité, brique indispensable de la flexibilité pour atteindre la neutralité carbone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540052/original/file-20230730-197998-muugx6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1020%2C569&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les stations de transfert d’énergie par pompage, comme ici le barrage de Grand'Maison, stockent l'énergie sous forme mécanique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.edf.fr/groupe-edf/agir-en-entreprise-responsable/fondation-et-mecenat-patrimoine-sport/site-emblematique-grandmaison-hydrelec/amenagement-de-grandmaison">EDF</a></span></figcaption></figure><p>Évoquée depuis de nombreuses années, la « transition énergétique » serait-elle en train de prendre forme ? Aujourd’hui, l’objectif pour de nombreux pays est de transformer leur système économique pour ne plus émettre de CO<sub>2</sub> à une échéance donnée : <a href="https://theconversation.com/climat-le-casse-tete-de-la-strategie-nationale-bas-carbone-208069">2050 en France</a> et en Europe, 2060 en Chine par exemple.</p>
<p>Les principaux moyens d’y parvenir (la production <a href="https://www.cre.fr/content/download/26993/file/Rapport%20GT2%20-%20%20Comite%20de%20prospective%20de%20la%20CRE.pdf">d’énergie renouvelable</a> et <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/demarche-decarbonation-industrie/agir/consommer-energies-decarbonees/passer-a-lelectrification">l’électrification</a> de nombreux usages) sont précisés et des plans de déploiement sont dévoilés. Malgré tout, le chemin est encore long. En France, les prototypes, démonstrateurs et filières industrielles tardent à s’initier, notamment vis-à-vis du stockage d’énergie, pourtant un pilier clé pour le développement des énergies renouvelables. Afin de créer un vrai écosystème industriel français capable de répondre à ces besoins, il est important de soutenir la R&D et le déploiement de solutions adaptées.</p>
<h2>En route vers une électricité renouvelable… mais variable</h2>
<p>Aujourd’hui, en Europe (EU27), plus de 70 % de l’énergie primaire consommée est encore <a href="https://2022.entsos-tyndp-scenarios.eu/">d’origine fossile</a>. Deux secteurs en sont particulièrement dépendants : les transports et la production de chaleur. L’électrification a pour but d’introduire le vecteur électricité dans des secteurs où celle-ci était peu présente. Pour le transport, cela passe par le remplacement des véhicules thermiques (fossiles) par de l’électrique. Pour la chaleur, cela passe principalement par un transfert des vecteurs fioul et gaz vers l’électricité, notamment avec <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-02/Rapport%20chauffage_RTE_Ademe.pdf">les pompes à chaleur</a>.</p>
<p>On a donc besoin d’électricité et surtout d’électricité produite par des moyens renouvelables.</p>
<p>Rien de nouveau a priori ? Les feuilles de route indiquent, tout de même, un besoin de développement d’éolien et de photovoltaïque considérable. En 2050, ces technologies devront ainsi fournir 4000 TWh d’électricité en Europe, contre moins de 1000 TWh aujourd’hui.</p>
<p>Pour les produire, il est donc nécessaire d’investir massivement dans de nouveaux projets. Aujourd’hui, les pionniers du renouvelable sont rejoints par de nouveaux acteurs, comme les grandes majors pétrolières qui prennent le virage de la transition énergétique. Ainsi, TotalEnergies et BP ambitionnent d’installer respectivement 100GW et 50GW d'énergies renouvelables d’ici 2030.</p>
<p>Dans cette massification de la production d’électricité renouvelable, outre les problématiques de <a href="https://theconversation.com/energie-comment-vont-evoluer-les-batteries-lithium-ion-tres-consommatrices-de-metaux-en-tension-183161">ressources minérales</a> et de consolidation du tissu industriel indispensables à ce développement, il est important de prendre en compte la variabilité de la production de ces technologies.</p>
<p>Des mix de production d’électricité <a href="https://assets.rte-france.com/prod/2022-06/Futurs%20%C3%A9nerg%C3%A9tiques%202050%20_%20rapport%20complet.zip">100 % renouvelables</a> sont possibles. Mais ceux-ci reposent majoritairement sur les productions photovoltaïque et éolienne, qui sont par nature des technologies qui dépendent des conditions de vent et d’ensoleillement. On dit que la production est variable, en opposition à la production des centrales à gaz, par exemple, qui est pilotable en fonction de la demande.</p>
<h2>La nécessité de réseaux flexibles et adaptables</h2>
<p>Or, dès lors qu’une part importante de la production est variable, la stabilisation du réseau électrique se complexifie. Il faut, en effet, garantir à chaque instant que la puissance électrique injectée sur le réseau est égale à la puissance consommée. Il est donc nécessaire d’augmenter les capacités de flexibilité du réseau, c’est-à-dire trouver des moyens permettant de faire coïncider l’électricité injectée sur le réseau et l’électricité consommée.</p>
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<img alt="Champ d'éolienne éclairé par le soleil couchant." src="https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540053/original/file-20230730-117555-naw856.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'aspect flexible et irrégulier des énergies renouvelables conduit à un besoin accru en stockage d'énergie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/lsJ9jHKIqHg">Karsten Würth / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Ce besoin de flexibilité peut être exprimé avec un critère temporel, induit par la nature du mix de production électrique. Par exemple, à l’échelle d’un jour, la production d’électricité photovoltaïque va fortement varier : en début d’après-midi, cette production pourra dépasser la demande, tandis qu’en soirée, elle ne sera pas suffisante. La flexibilité souhaitée dans ce cas correspond donc à augmenter la consommation durant le pic de production et diminuer la demande lors des moments de production faible.</p>
<p>Autre exemple à l’échelle saisonnière, la production d’électricité éolienne est <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/ddn-20210416-1">plus importante en hiver qu’en été</a>. De la même façon, en hiver cette production pourra dépasser la demande tandis qu’en été, elle pourrait ne pas être suffisante. La flexibilité souhaitée dans ce cas correspond donc à augmenter la consommation durant l’hiver et diminuer la demande en été.</p>
<p>Finalement, on peut définir plusieurs échelles temporelles : intra-quotidien, intra-hebdomadaire, inter-hebdomadaire et inter-saisonnier. Afin de répondre économiquement à l’ensemble de ces temporalités, un panel de solutions est proposé aujourd’hui.</p>
<p>Le moyen de flexibilité le plus économique consiste à adapter la consommation en fonction de la production. Ce principe existe déjà depuis plusieurs années, par exemple avec le pilotage de nombreux ballons d’eau chaude qui s’activent la nuit, ou certains process industriels qui s’effacent lors de pic de consommation.</p>
<p>Demain, cette flexibilité sera complétée par de nouveaux potentiels, issus par exemple de l’électrification du transport. Ainsi, un pilotage optimisé et/ou globalisé de la charge des véhicules électriques déclenchés lors des moments de surproduction électrique pourra permettre, lors des déficits de production, de diminuer la consommation sur le réseau en déchargeant ces véhicules. Dans ce cas, un foyer ou même un quartier pourrait être alimenté, au moins en partie, par de l’électricité ne provenant pas du réseau.</p>
<h2>Il est nécessaire de développer le stockage d’énergie</h2>
<p>Un autre moyen de flexibilité, plus onéreux mais n’impactant pas les usagers est <a href="https://theconversation.com/stocker-de-lelectricite-comment-ca-marche-78805">le stockage d’énergie</a>.</p>
<p>Par exemple, le stockage d’énergie pour la modulation intra-journalière est souvent assimilé aux batteries électrochimiques. Ceci s’explique car, tirée par la demande des véhicules électriques, les batteries sont disponibles en nombre et à un coût de grande série.</p>
<p>Toutefois, les besoins pour la mobilité diffèrent des besoins pour la flexibilité du réseau. Ainsi, une batterie dans un véhicule dimensionnée pour 300km et effectuant 1000 cycles de charge/décharge permettra au véhicule de réaliser 300 000km, ce qui est généralement suffisant pour un véhicule utilisé sur une vingtaine d’années. Pour la flexibilité du réseau électrique, il est question de système de stockage pouvant effectuer jusqu’à un cycle par jour : les 1000 cycles seraient réalisés en moins de 3 ans.</p>
<p>D’autres technologies de stockage massif d’électricité sont aussi pertinentes, comme les technologies stockant l’énergie sous forme mécanique (les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage ou <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/les-stations-de-transfert-d-energie-par-pompage">STEP</a>, sous forme de chaleur (les <a href="https://www.stolect.com/">batteries Carnot</a>) ou encore sous forme <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/innovation-et-industrie/nos-expertises/energies-renouvelables/stockage-denergie/nos-solutions">d’air comprimé</a> (Advanced Adiabatic Compressed Air Energy Storage – AACAES).</p>
<p>Ces technologies « mécaniques » ont un impact environnemental bien plus faible que celui des solutions électrochimiques, ainsi qu’une structure de coût qui les rend moins chères à utiliser pour des temps longs de décharge de l’énergie stockée (c’est-à-dire des durées supérieures à 4h). Par exemple, le AACAES est un système de stockage massif pertinent pour des durées de décharge de l’ordre de 10h et à faible impact écologique.</p>
<p>À l’heure actuelle, certains défis de la transition énergétique, comme l’électrification de la mobilité, semblent bien être pris en compte par les pouvoirs publics. D’autres en revanche, comme le stockage d’énergie, semblent oubliés. Or, pour disposer demain des bonnes technologies et du bon tissu industriel et être ainsi apte à faire face aux défis de la transition écologique, il faut aider dès aujourd’hui les instituts de recherche et les entreprises à développer et démontrer leurs technologies de stockage massif de l’énergie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Intermittente par nature, l'électricité issue des énergies renouvelables nécessite de nouveaux moyens de stockages, qu'il est urgent de développer.David Teixeira, Docteur en Mécanique et Energétique, Chef de projet stockage d'énergie, IFP Énergies nouvelles Yannick Peysson, Responsable de programme R&D, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090772023-07-09T15:29:09Z2023-07-09T15:29:09ZLa sobriété, impensé de la politique européenne sur les matériaux critiques<p>La question de la sécurisation des approvisionnements en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">matériaux critiques</a>, c’est-à-dire des matières premières essentielles à l’économie et aux technologies bas-carbone (véhicule électrique, panneaux solaires, éolien, etc.) a pris de l’ampleur ces dernières années. En juillet 2023, la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-chine-verrouille-l-acces-aux-metaux-critiques-20230703">Chine a ainsi décidé</a> d’instaurer des licences d’exportation pour le gallium et le germanium, indispensables à l’industrie des semi-conducteurs.</p>
<p>Cela a donné lieu à de nouvelles législations, comme le <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/sectors/raw-materials/areas-specific-interest/critical-raw-materials/critical-raw-materials-act_en"><em>Critical Raw Materials Act</em></a> (CRMA) proposé par la Commission européenne en mars 2023. Ce règlement identifie 34 matériaux considérés comme critiques pour l’UE – depuis la dernière liste réalisée en 2020, 6 ont été ajoutés (arsenic, <a href="https://theconversation.com/cuivre-quel-avenir-pour-ce-metal-essentiel-a-la-transition-energetique-119500">cuivre</a>, feldspath, hélium, manganèse et nickel) et 2 retirés (caoutchouc naturel et indium).</p>
<p>Une seconde liste de matériaux considérés comme stratégiques (SRM) a aussi été créée, comprenant les matériaux « importants pour les technologies qui contribuent à la double transition verte et numérique et aux objectifs en matière de défense et d’aérospatiale ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=128&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=128&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=128&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=161&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=161&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535784/original/file-20230705-4482-6f1os7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=161&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Liste des matériaux critiques et stratégiques. En gras, les matériaux ayant intégré la liste en 2023. Le cuivre et le nickel ne font pas partie des matériaux critiques mais sont considérés comme des matériaux stratégiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/57318397-fdd4-11ed-a05c-01aa75ed71a1">Commission européenne, 2023</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le CRMA s’appuie sur cette nouvelle liste pour fixer quatre <a href="https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/13597-European-Critical-Raw-Materials-Act_en">objectifs européens</a> à l’horizon 2030 en matière de production, de transformation, de recyclage et de diversification des fournisseurs. Des objectifs encore susceptibles d’évoluer à la lumière des négociations qui sont en <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/06/30/critical-raw-material-act-council-adopts-negotiating-position/">cours au sein du Parlement européen et du Conseil de l’UE</a>. Il est toutefois difficile d’estimer la faisabilité du chemin à parcourir pour les atteindre.</p>
<h2>Miner 10 % de la consommation</h2>
<p>Un premier problème concerne la lisibilité et la mesurabilité des objectifs de production. La proposition indique que la filière extractive européenne devra permettre de miner « au moins 10 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques de l’Union, dans la mesure où ses réserves le permettent ».</p>
<p>La formulation laisse entendre que l’objectif porte sur la consommation cumulée des différents SRM par les entreprises établies dans l’UE. Elle ne précise toutefois pas comment sera opéré ce calcul.</p>
<p>En effet, considérer un objectif moyen de production masque des écarts importants entre les matériaux : la Commission européenne estime ainsi dans son <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/57318397-fdd4-11ed-a05c-01aa75ed71a1">évaluation technique</a> que l’UE dépend à 48 % des importations pour le cuivre alors qu’elle est entièrement dépendante des importations de terres rares.</p>
<p>Une façon d’éviter cet écueil serait d’envisager que l’objectif est en fait d’atteindre une production européenne de 10 % pour chacun des SRM. Or un tel objectif risque de se heurter aux <a href="https://theconversation.com/relocaliser-lextraction-des-ressources-minerales-en-europe-les-defis-du-lithium-138581">limites des ressources</a> minières européennes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535855/original/file-20230705-29-p80i72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Caractéristiques de matériaux stratégiques (minerais) pour l’Union européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span></span>
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<h2>Un temps minier très long</h2>
<p>Si l’intention est louable, l’objectif d’extraction européenne semble ainsi difficile à évaluer… et donc à atteindre. Afficher un objectif explicite devrait permettre à l’UE de stimuler les <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:ST_8863_2023_INIT">investissements</a> dans le secteur (2 % des investissements mondiaux dans l’exploration minière sont actuellement destinés aux États de l’UE) et d’alléger et simplifier ses procédures d’autorisation, obstacles de taille au développement minier européen.</p>
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<p>Questionnons toutefois l’ampleur de l’effort que cela représente. L’horizon temporel considéré semble très limité compte tenu du <a href="https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/average-observed-lead-times-from-discovery-to-production-for-selected-minerals-2010-2019">« temps minier » nécessairement long</a> : il s’écoule en général entre 5 à 20 ans entre l’exploration initiale et la mise en production d’un projet minier. D’autant que l’UE pâtit d’une sous-exploration flagrante de ses ressources minières.</p>
<p>Enfin, un objectif à l’échelle de l’UE risque de faire peser des contraintes différenciées sur les États membres dont les <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/sectors/raw-materials/related-industries/minerals-and-non-energy-extractive-industries/metallic-minerals_en">réalités minières</a> et les problématiques d’acceptabilité sociale sont très différentes.</p>
<h2>Transformer 40 % des matériaux stratégiques consommés</h2>
<p>L’UE entend de plus renforcer sa filière de transformation des minerais en affichant un objectif de production européenne de 40 % des matériaux stratégiques consommés par l’UE d’ici à 2030.</p>
<p>L’ambiguïté méthodologique dans la définition de la consommation est la même que pour l’objectif d’extraction. S’y ajoute la difficulté à obtenir des données portant sur le taux de production actuel de minerais transformés au sein de l’UE.</p>
<p>Dans son évaluation technique, la Commission européenne calcule le taux d’indépendance aux importations de chaque minerai évalué. Sur cette base, on peut considérer que l’objectif viserait en fait à passer de 27,7 % de SRM transformés produits sur le sol européen actuellement à 40 % d’ici 2030.</p>
<p>Cette ambition est rendue possible par la séparation géographique des étapes de l’extraction et de la transformation, par le délai plus court d’installation des infrastructures de transformation et par la volonté de réduire l’empreinte carbone européenne et de faciliter la mise en œuvre du Plan industriel du Pacte vert dans lequel s’inscrit le CRMA.</p>
<h2>Coût, compétitivité, acceptabilité</h2>
<p>Cependant, l’implantation de nouvelles raffineries et fonderies au sein de l’UE se heurte à une problématique de compétitivité et de relocalisation d’industries polluantes sur le territoire européen.</p>
<p>Outre la nécessité d’importer une large part des matières premières et le coût du travail plus élevé que dans des pays concurrents, le coût des matériaux transformés sur le sol européen pâtira également des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
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<span class="caption">Caractéristiques de matériaux stratégiques (raffinés) pour l’Union européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span></span>
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<p>En plus des émissions de gaz à effet de serre, les activités d’extraction et de transformation ont d’importants impacts écologiques locaux, du fait de la pollution des écosystèmes et des conflits d’usage sur la consommation d’eau ou l’occupation des sols qu’elles créent. D’où l’opposition des populations locales malgré les normes exigeantes de l’UE.</p>
<h2>Une filière de recyclage loin d’être au point</h2>
<p>La Commission européenne a également pour objectif que 15 % de la consommation annuelle de matériaux stratégiques de l’UE proviennent de filières de recyclage européennes. Cela reviendrait à multiplier le <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/57318397-fdd4-11ed-a05c-01aa75ed71a1">niveau de recyclage actuel par 1,35 d’ici à 2030</a>.</p>
<p>Le recyclage des déchets miniers nécessite une collecte, un tri et un prétraitement complexe avant qu’ils puissent être transformés en matière première secondaire, autant d’étapes lourdes et coûteuses à mettre en place.</p>
<p>L’horizon temporel de disponibilité de ces déchets représente également un défi. Plusieurs matériaux sont ainsi largement et efficacement recyclés mais principalement intégrés dans des biens d’équipement à longue durée de vie : ils ne pourront être recyclés que sur le long terme.</p>
<p>En outre, l’évolution rapide des technologies des batteries agit comme un frein au développement de la filière de recyclage – les investisseurs étant réticents à se positionner sur des technologies encore incertaines.</p>
<p>À ces problématiques s’ajoutent encore celles des alliages ou des usages dispersifs des métaux, rendant plus complexe, voire impossible, leur recyclage, ou encore la question du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cyclage">« décyclage »</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535851/original/file-20230705-19-fzq3sn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux de recyclage (EOL-RIR) au sein de l’Union européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span></span>
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</figure>
<h2>Diversifier les sources, défi complexe</h2>
<p>D’ici à 2030, l’approvisionnement de l’UE en matériaux stratégiques ne devrait pas dépendre à plus de 65 % d’un unique pays tiers, et ce pour toute étape de la chaîne de valeur du matériau. Actuellement, plus de la moitié d’entre eux dépend à plus de 65 % d’un pays extérieur à l’UE.</p>
<p>Si l’on peut espérer que l’augmentation de la production minière européenne, le développement du recyclage et la diversification des sources réduisent ces dépendances, cela s’annonce extrêmement complexe pour des matériaux dont la production est très concentrée – comme le platine, produit à 74 % par l’Afrique du Sud.</p>
<p>Diversifier ses approvisionnements en terres rares, en borates ou en niobium en quelques années représente aussi un défi de taille compte tenu des importantes dépendances actuelles de l’UE à un seul pays, respectivement la Chine, la Turquie et le Brésil.</p>
<h2>Une diplomatie minérale européenne ?</h2>
<p>Dans sa volonté de développer une diplomatie minérale, l’UE risque ainsi de se heurter à de nombreux problèmes. Elle risque d’arriver après d’autres acteurs qui ont déjà largement investi les territoires miniers depuis le début des années 2000, <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let428.pdf">comme la Chine</a>. D’autre part, la diplomatie minérale va nécessiter un volume de financement important et des acteurs miniers européens souhaitant porter cette dynamique.</p>
<p>En outre, les bouleversements géopolitiques actuels avec leurs possibles jeux d’alliances (bloc occidental contre bloc chinois) et de <a href="https://theconversation.com/metaux-strategiques-et-si-les-pays-producteurs-se-regroupaient-en-cartel-du-type-opep-194749">possibles coalitions entre producteurs miniers</a> (cartel) risquent d’exacerber les tensions sur les marchés des métaux, voire de faire apparaître des conflits liés à la compétition d’accès.</p>
<p>La compétition entre puissances et les problématiques d’acceptabilité au niveau local pourraient devenir les nouveaux maîtres mots de la géopolitique de l’énergie et des métaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535791/original/file-20230705-21-s5ak77.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Principaux fournisseurs de l’UE en matériaux critiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne, 2023</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et la sobriété ?</h2>
<p>Dans ce contexte, il est étonnant qu’aucune attention n’ait été portée à la question de la sobriété dans la politique européenne sur les matériaux stratégiques – la modération dans l’usage des matériaux est en effet absente des textes du CRMA.</p>
<p>Réduire la consommation de matériaux dans l’UE constitue pourtant le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2022-4-page-43.htm">meilleur rempart</a> pour assurer l’autonomie stratégique du continent, et le contexte ukrainien le confirme.</p>
<p>Rappelons que le 3<sup>e</sup> volet du sixième rapport du <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-3/">GIEC</a> publié en avril 2022 a mis au cœur de la lutte contre le changement climatique les politiques de sobriété, définies comme un « ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui évitent une demande en énergie, en matières premières, en terres et en eau, tout en assurant le bien-être de tous dans le respect des limites planétaires ».</p>
<p>Pour le GIEC comme pour l’UE, la sobriété devrait constituer un pilier majeur des politiques de décarbonation.</p>
<h2>Des co-bénéfices</h2>
<p>Son véritable intérêt apparaît quand on réalise l’ampleur de ses co-bénéfices : des véhicules électriques plus légers limitent à la fois la consommation d’électricité, la pollution liée à l’usure des plaquettes de frein, les impacts environnementaux liés à la production du véhicule et la dépendance aux métaux critiques.</p>
<p>Une approche par la sobriété et non par notre capacité à extraire ou transformer les matériaux offrirait des perspectives renouvelées concernant le modèle productif européen : maîtriser la demande en matériaux facilitera l’atteinte des objectifs européens.</p>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2022-4-page-77.htm">démarche</a> suppose d’interroger nos modes de consommation et nos besoins en intégrant pleinement la question de la justice sociale et la variabilité des modes de vie dans la population.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-17-CE05-0024">GENERATE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) entre 2018 et 2020. Il est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Louis-Marie Malbec, Vincent d’Herbemont et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’Union européenne fixe des objectifs peu atteignables en matière de relocalisation de ces matériaux stratégiques, sans s’interroger sur la façon d’en réduire notre usage.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Louis-Marie Malbec, Économiste, IFP Énergies nouvelles Vincent d’Herbemont, Ingénieur économiste, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014202023-03-23T17:48:17Z2023-03-23T17:48:17ZQue sont les « puits de carbone » et comment peuvent-ils contribuer à la neutralité carbone en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516330/original/file-20230320-26-8rlygz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C3008%2C1985&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forêts font partie des puits de carbone naturels, qui peuvent être complémentés par des solutions technologiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/RhjVGxILcqE">Tobias Tullius, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’Union européenne, et dans la plupart des pays développés, un objectif de « neutralité carbone » a été fixé d’ici 2050. Il s’agit de compenser les émissions de CO<sub>2</sub> anthropiques vers l’atmosphère par des <em>absorptions</em> de CO<sub>2</sub>, en utilisant des systèmes qui <em>piègent</em> plus de CO<sub>2</sub> atmosphérique qu’ils n’en émettent – les plantes en sont un premier exemple. On les appelle « puits de carbone ».</p>
<p>En effet, tous les scénarios climatiques de référence s’alignent : une fois mises en place les multiples solutions de réduction des émissions de CO<sub>2</sub> d’origine fossile (sobriété énergétique, efficacité des systèmes énergétiques, substitution par les énergies renouvelables, etc.), il restera des émissions incompressibles dans le temps imparti, dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie notamment, qui devront être compensées par des puits de carbone.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des émissions et des puits de GES sur le territoire français entre 1990 et 2050 (en MtCO2eq). Inventaire CITEPA 2018 et scénario SNBC révisée (neutralité carbone).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/19092_strategie-carbone-FR_oct-20.pdf">Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Ministère de la Transition énergétique</a></span>
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<h2>Qu’est-ce qu’un puits de carbone ?</h2>
<p>Un « puits de carbone » piège donc plus de CO<sub>2</sub> atmosphérique qu’il n’en émet dans l’atmosphère, grâce à un réservoir qui séquestre durablement du carbone d’origine atmosphérique sous forme liquide, gazeuse, ou solide, tel que les sols superficiels (le premier mètre tout au plus), les plantes, certains écosystèmes aquatiques, des cavités souterraines ou des structures géologiques poreuses en sous-sols profonds (plusieurs dizaines voire centaines de mètres), ou encore des matériaux à longue durée de vie (proche et au-delà de la centaine d’années).</p>
<p>Aujourd’hui, les principaux puits de carbone à l’échelle de la planète sont des puits naturels comme les océans, et les sols supports de la biomasse (forêt, tourbière, prairie, etc.). Ceux-ci peuvent stocker le CO<sub>2</sub> mais aussi le méthane, l’autre gaz à effet de serre carboné très important. Face à l’urgence climatique, les niveaux de puits doivent être accrus.</p>
<p>La première question est celle de la préservation des puits « naturels » existants et de l’augmentation de leur efficacité. Ces actions s’accompagnent du développement de nouveaux puits dits « technologiques ».</p>
<p>À l’échelle du territoire français, où en sommes-nous en termes de capacités de puits pour piéger notre CO<sub>2</sub> excédentaire ? Quelles nouvelles solutions devrons-nous développer et mettre en place ?</p>
<p>C’est à ces questions que tentent de répondre le <a href="https://www.allianceenergie.fr/position-paper-les-puits-de-carbone-quels-roles-de-la-recherche-pour-accelerer-leur-developpement-en-france/">rapport et les fiches de synthèse</a> récemment publiés par un groupe de chercheurs membres de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE).</p>
<p>À l’échelle du territoire français, l’absorption nette de ces gaz à effet de serre <a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">a été chiffrée</a> à 14 millions de tonnes de <a href="https://www.hellocarbo.com/blog/calculer/tonne-equivalent-co2/">CO₂ équivalent</a> sur l’année 2020, contre 50 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent en 2005 (CO<sub>2</sub> et méthane principalement).</p>
<p>D’après la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">Stratégie nationale bas carbone</a>, la trajectoire des émissions nationales visant la neutralité carbone en 2050 exige de passer de 460 millions de tonnes de CO2eq émises par an en 2015, à 80 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent par an d’ici 2050. Une telle trajectoire devra ainsi s’accompagner d’un puits annuel d’au moins 80 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent pour atteindre la neutralité.</p>
<p>Un tel objectif nécessite ainsi le développement de ces puits d’un facteur 6. Il faudra avoir recours à des solutions de préservation et d’augmentation des puits naturels ainsi que des solutions technologiques.</p>
<h2>Mieux comprendre et mieux protéger les puits naturels de carbone</h2>
<p>Aujourd’hui, les forêts françaises et l’usage du bois d’œuvre constituent le principal puits national grâce à l’absorption du CO<sub>2</sub> atmosphérique par la végétation via la photosynthèse. Après une forte augmentation jusqu’en 2008, on observe une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021_Indicateurs%20de%20r%C3%A9sultats_SNBC-vF.pdf">tendance à la baisse via des épisodes de tempêtes, d’incendies, et la baisse du marché des produits issus du bois récolté</a>. C’est sur ce dernier levier que la Stratégie nationale bas carbone souhaite jouer en redynamisant fortement les produits bois via notamment le développement des matériaux à longue durée de vie.</p>
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<p>Les terres agricoles participent également aux puits de carbone français, en particulier via les prairies. Leurs surfaces ayant connu une baisse importante, en particulier entre 2005 et 2010, il convient aujourd’hui de les <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-1.pdf">préserver et de redéployer des pratiques agricoles « stockantes »</a> : développement de l’agroforesterie, des cultures intermédiaires, allongement des rotations des prairies temporaires, réimplantation des haies notamment.</p>
<p>Des pratiques stockantes spécifiques peuvent également être développées à travers <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-2.pdf">l’implantation de la biomasse en milieux urbains</a> : agriculture urbaine, jardins partagés, abords des infrastructures de transport, toits et façades végétalisés, ou encore végétalisation de friches industrielles et commerciales.</p>
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<img alt="Un marais au lever du jour" src="https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les zones humides et milieux aquatiques contribuent également à stocker le carbone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/_W5-L_OCFrU">Jon/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-3.pdf">milieux aquatiques représentent des puits de carbone</a> sur des échelles de temps supérieures à la centaine d’années, mais dont le potentiel est encore mal évalué.</p>
<p>Le stockage peut provenir (i) de la dissolution directe dans l’eau du CO<sub>2</sub> de l’air via les pompes biologiques et physiques, (ii) de la fixation du CO<sub>2</sub> dans la matière organique issue de la photosynthèse par la flore dans les estuaires, deltas, mangroves, herbiers notamment, que l’on appelle « carbone bleu », (iii) de l’altération des roches silicatées (basaltes, granits, etc.) par les eaux de pluie chargée en acide carbonique issu de la dissolution du CO<sub>2</sub> de l’air. Le carbone se retrouve alors stocké dans les roches sédimentaires des fonds marins. Pour ces milieux, la priorité revient à une meilleure connaissance par observation et modélisation des bilans d’émissions/absorption, qui sont encore difficiles à estimer.</p>
<p>L’avenir de ces puits naturels face à l’évolution de certaines activités humaines (urbanisation…) et aux effets du changement climatique reste cependant incertain, et peu étudié.</p>
<h2>Développer des technologies de captage et de stockage de CO₂ d’origine atmosphérique</h2>
<p>Ainsi, le recours à des systèmes technologiques de captage et de stockage est envisagé en parallèle. Le <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">captage en milieu concentré</a> (fumées ou effluents d’usines par exemple) est déjà déployé, mais le captage du CO<sub>2</sub> atmosphérique doit encore être amélioré, en particulier son efficacité (le CO<sub>2</sub> est bien plus dilué dans l’atmosphère que dans les fumées d’usine).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">La capture et le stockage du carbone, comment ça marche ?</a>
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<p>Parmi ces technologies, sont <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-4.pdf">aujourd’hui en cours d’expérimentation le captage direct dans l’air ou encore le captage de CO₂ biogénique au sein de bioraffineries</a>. La première solution, appelée « DACS » pour <em>Direct Air Capture and Storage</em>, commence à être démontrée, par exemple sur le site d’<a href="https://climeworks.com/roadmap/orca">Orca</a> en Islande, mais elle est encore difficilement reproductible sans être confrontée à des verrous en termes de bilan énergétique et donc de bilan d’émissions de GES.</p>
<p>Le CO<sub>2</sub> émis par des bioraffineries (chaudières biomasse, méthaniseurs, usines de production de bioéthanol, etc.) est issu de la transformation de la biomasse ayant elle-même absorbé du CO<sub>2</sub> atmosphérique durant sa croissance via la photosynthèse.</p>
<p>Au sein de la bioraffinerie, ce CO<sub>2</sub> peut être capté avec les <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">mêmes technologies que celles déployées à l’heure actuelle sur les cheminées d’usines ou centrales thermiques</a>. Une fois capté, ce CO<sub>2</sub> peut ensuite être recyclé ou séquestré dans un réservoir qui peut être <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">géologique</a> ou dans des sols plus superficiels (en tant qu’amendement pour les sols agricoles, dans d’anciennes mines ou carrières) ou encore <a href="https://www.allianceenergie.fr/position-paper-les-puits-de-carbone-quels-roles-de-la-recherche-pour-accelerer-leur-developpement-en-france/">dans des matériaux à longue durée de vie pour la construction du bâti ou d’infrastructures</a> (charpentes, isolants, revêtement de route, bétons, etc.).</p>
<p>Si les solutions de puits de carbone semblent potentiellement nombreuses, d’importantes actions sont encore à mener afin de <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/IMG/pdf/thema_-_la_sequestration_de_carbone_par_les_ecosysteme.pdf">développer une meilleure connaissance des flux naturels</a>, une plus grande maîtrise des <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/etude-4-pour-1000-resume-en-francais-pdf-1_0.pdf">pratiques stockantes liées à la gestion de la biomasse</a>, ainsi que d’<a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/69-avis-de-l-ademe-captage-et-stockage-geologique-de-co2-csc-en-france.html">améliorer l’efficacité, la durabilité</a> et les <a href="https://annales.org/re/2022/re_105_janvier_2022.pdf#page=18">coûts des technologies dédiées</a>.</p>
<p>Ces améliorations doivent encore être démontrées sur des systèmes complets à grande échelle. Il faudra en parallèle veiller à ce que ces technologies ne se substituent pas aux efforts de réduction d’émissions de GES, qui restent le premier levier pour l’atteinte de la neutralité carbone.</p>
<p>Enfin, de nombreuses actions d’accompagnements seront <a href="https://www.allianceenergie.fr/position-paper-les-puits-de-carbone-quels-roles-de-la-recherche-pour-accelerer-leur-developpement-en-france/">nécessaires</a>, des cadres réglementaires aux normes de comptabilisation des bilans d’émissions, en passant par le soutien à la recherche et au développement et par l’amélioration de l’acceptabilité des nouvelles technologies. Un chantier important qui implique dès aujourd’hui les acteurs de la recherche, de l’industrie, les collectivités et les pouvoirs publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daphné Lorne a reçu des financements de l'ADEME et de l'ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Boissonnet est membre de l'International Scientific Advisory Committee de European Biomass Conference and Exhibition (EUBCE) et de la Société Française de Génie des Procédés.
Guillaume Boissonnet a reçu des financements de projets de recherche par ADEME, ANR et European Union Horizon H2020</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Société Française de Génie des Procédés</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Monique Axelos a co-présidé le groupe de travail "Biomasse et neutralité Carbone" du Comité de prospective de la Commission de Régulation de l'Energie </span></em></p>Piéger plus de CO₂ qu’on en émet, voilà le principe du puits de carbone. Il en existe des naturels – comme les forêts – et d’autres artificiels, en cours de développement technologique.Daphné Lorne, Analyste prospectiviste biocarburants transport, IFP Énergies nouvelles Guillaume Boissonnet, Directeur de Recherche - Economie Circulaire du Carbone, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Jack Legrand, Professeur Emérite, Génie des Procédés, Université de NantesMonique Axelos, Chercheur en alimentation et bioéconomie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947492022-11-23T20:11:05Z2022-11-23T20:11:05ZMétaux stratégiques : et si les pays producteurs se regroupaient en cartel du type OPEP ?<p>Dans le contexte de transition énergétique et numérique mondial, la demande en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metaux-24903">métaux</a> est appelée à croître considérablement et rapidement dans les prochaines décennies. Tel est plus particulièrement le cas des métaux nécessaires aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/batteries-61300">batteries</a> des véhicules électriques (cobalt, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lithium-61289">lithium</a>, nickel) dont la demande pourrait, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), être multipliée respectivement <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">par 21, 42 et 19 à l’horizon 2040</a> dans un scénario climatique contraint – c’est-à-dire un scénario de développement durable (SDS).</p>
<p>Les matériaux stratégiques ou <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">critiques</a> constituent ainsi aujourd’hui un enjeu majeur des politiques de décarbonation mondiales qui impose de réfléchir à trois questions : (1) la disponibilité géologique des minerais, (2) la dépendance stratégique des pays consommateurs et (3) la cartellisation de certains marchés de métaux, à l’image de <a href="https://www.opec.org/opec_web/en/">l’Organisation des pays exportateurs de pétrole</a> (<a href="https://www.opec.org/opec_web/en/">OPEP</a>).</p>
<p>Ce dernier point revêt une acuité et une actualité toutes particulières depuis que l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/indonesie-23273">Indonésie</a>, premier producteur mondial de nickel, s’est interrogée fin octobre 2022 – par la voix de son ministre de l’Investissement Bahlil Lahadalia auprès du <a href="https://www.ft.com/content/0990f663-19ae-4744-828f-1bd659697468"><em>Financial Times</em></a> – sur la possibilité de créer un cartel des principaux pays producteurs de métaux des batteries.</p>
<h2>Des marchés particulièrement concentrés</h2>
<p>Cependant, maintenir dans le temps des organisations souhaitant influencer les prix sur les marchés se heurte à deux difficultés.</p>
<p>La première tient aux outils utilisés, comme les quotas de production ou d’exportations ou les taxes à l’exportation. Sans la mise en place d’une instance de contrôle, il est très difficile de s’assurer à court terme de la réalisation des objectifs assignés pour chacun des pays membres. Cela incite certains pays producteurs à profiter des réductions de production des autres partenaires sans s’y associer et à se positionner ainsi en passager clandestin.</p>
<p>La seconde difficulté tient à l’hétérogénéité des pays membres de l’organisation. L’incitation à entrer dans une organisation et à respecter les accords dépend de variables en rapport avec le marché (poids dans la production et dans les exportations, part dans les recettes d’exportations globales d’un pays), des réserves estimées, mais également d’autres facteurs économiques et sociaux (niveau de diversification et positionnement dans la chaîne de valeur, niveau du PIB, taille de la population). L’OPEP, aujourd’hui composée de 13 membres, apparaît comme la seule organisation à avoir survécu à la volatilité des prix du marché du pétrole depuis plus de 60 ans. Elle est même, dans certaines situations, considérée comme une force stabilisatrice du marché.</p>
<p>En ce qui concerne les métaux stratégiques, ces difficultés sont aggravées par le fait que les marchés sont beaucoup plus concentrés en matière de réserves ou de production que celui du pétrole (voir tableau ci-dessous).</p>
<p><strong>Niveau de concentration des marchés</strong></p>
<p><iframe id="AqNNT" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AqNNT/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un triangle du lithium déséquilibré</h2>
<p>Une cartellisation régionale sur le marché du lithium telle que celle actuellement envisagée par l’Argentine, la Bolivie et le Chili (près de 55 % des ressources potentielles en 2021), appelée <a href="https://www.ft.com/content/359d5287-d0ab-46ae-9c6b-09517ec9fb0c">triangle du lithium</a>, pourrait par exemple paraître attractive. Toutefois, elle semble peu probable aujourd’hui.</p>
<p>En effet, le Chili – deuxième producteur mondial – et l’Argentine – au quatrième rang – représentent plus de 30 % de la production mondiale et plus de 50 % des réserves, mais la Bolivie – premier pays détenteur de ressources localisées principalement dans le Salar d’Uyuni – produit très peu de lithium actuellement. Celle-ci ne figure même pas dans les producteurs mondiaux de l’Institut géologique américain (<a href="https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2022/mcs2022-lithium.pdf">USGS</a>, voir carte ci-dessous).</p>
<p><strong>Production et réserves mondiales de lithium en 2021 (en tonnes)</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495837/original/file-20221117-18-pcb4uc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">U.S. Geological Survey, Mineral Commodity Summaries, janvier 2022. Carte créée avec Mapchart.net @IFP Energies nouvelles</span></span>
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<p>Le rapport qu’entretient la Bolivie avec le lithium constitue en outre un sujet politique depuis près de trois décennies. Nationalisme des ressources et fermeture du pays depuis 2005, résistance des populations de la région de Potosi, volonté d’un meilleur partage des retombées des exploitations minières sur les populations locales et droits miniers peu définis ont bridé le développement des activités sur ce métal stratégique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C3%2C1115%2C657&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue aérienne d’une mine de lithium dans le Salar de Uyuni, en Bolivie" src="https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C3%2C1115%2C657&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495601/original/file-20221116-20-3qk7e0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue aérienne d’une mine de lithium dans le Salar de Uyuni, en Bolivie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/observacao-da-terra/43000042851">Coordenação-Geral De Observação Da Terra/INPE/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour le Chili et l’Argentine, la principale difficulté à se coaliser réside dans le rapport qu’entretiennent les différents gouvernements avec les investisseurs étrangers et aux compagnies minières internationales opérant sur leur territoire. S’il existe une société minière publique d’envergure au Chili (<a href="https://www.sqm.com/en/">SQM</a>) qui exploite le lithium (aux côtés d’une compagnie chinoise et d’une compagnie américaine), ce ne sont que des compagnies privées en Argentine.</p>
<p>Ainsi, sauf à envisager là encore une nationalisation des actifs miniers dont les conséquences sur les autres secteurs seraient potentiellement très dommageables, une cartellisation régionale reste peu envisageable. Il en est de même au niveau international avec, notamment, le premier producteur mondial australien (52 % de la production en 2021).</p>
<h2>Le poids des majors…</h2>
<p>En effet, le marché du lithium est, depuis plusieurs années, structuré par d’importantes <em>majors</em> intégrées verticalement qui se diversifient à la fois géographiquement et technologiquement (lithium de salar et lithium de roches). Ce facteur de stabilisation des chaînes de valeur internationales n’exclut toutefois pas un risque de développement d’un important pouvoir de marché de certaines entreprises.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">Pourquoi parle-t-on de « criticité » des matériaux ?</a>
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<p><a href="https://www.albemarle.com/">Albemarle</a> (compagnie américaine présente en Australie, au Chili, aux États-Unis), <a href="https://livent.com/">Livent</a> (présente en Argentine, Australie, États-Unis), les deux compagnies chinoises <a href="http://en.tianqilithium.com/">Tianqi Lithium</a> et <a href="http://www.ganfenglithium.com/about1_en.html">Jiangxi Ganfeng Lithium</a> (présentes sur l’ensemble des régions productrices) et la compagnie chilienne <a href="https://www.sqm.com/en/">SQM</a> (présente au Chili et en Australie) représentent plus de 80 % de la production mondiale en 2021, ce qui nécessite de dépasser la simple approche géographique de production nationale. En outre, ces compagnies ont de multiples participations croisées sur de nombreux territoires.</p>
<p>Au total, l’incertitude principale sur le marché du lithium ne porte pas tant sur la création d’un cartel de pays que sur le pouvoir de marché des <em>majors</em> qui pourraient brider l’entrée ou la montée en puissance de nouveaux acteurs sur le marché en influençant les processus de formation des prix.</p>
<h2>Des situations politiques extrêmement différentes</h2>
<p>En ce qui concerne le marché du nickel, comme s’agissant du marché du lithium, la question de l’exploitation des ressources minières nationales interroge le concept de cartellisation puisque, même en Indonésie, pays porteur de l’initiative, des entreprises chinoises ou brésiliennes réalisent une partie de la production.</p>
<p>Se pose en outre la question du type de gisements opérés. Au niveau mondial, les ressources sont composées à 60 % de dépôts de latérite (principalement en Asie du Sud-Est) et sont issues à 40 % de gisements de sulfures (Afrique du Sud, Canada, Russie). Or le nickel dit de classe 1 (teneur en nickel supérieure à 99,98 % contre moins de 99,98 % dans le cas du nickel de classe 2 utilisé principalement dans la fabrication d’acier inoxydable), pouvant servir à la production des sulfates de nickel employés dans la fabrication de batteries, est extrait des seconds et peu abondant en Asie.</p>
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<p>Il est possible de produire du nickel de classe 1 avec les dépôts de latérite présents en Indonésie, mais cela nécessite des investissements importants dans des technologies très intensives en énergie – investissements que l’Indonésie et les Philippines ont commencé à réaliser. Aujourd’hui, la majorité du nickel de classe 1 est issue des gisements opérés en Russie, en Australie et au Canada, des pays aux situations politiques et géopolitiques extrêmement différentes.</p>
<p>Si un cartel du nickel reste à ce jour peu probable, l’initiative de l’Indonésie n’est toutefois pas une surprise. Le pays a en effet entrepris en 2020 de mettre en place une politique interdisant l’exportation de minerais non transformés pour bénéficier de retombées économiques plus importantes en remontant la chaîne de valeur vers des produits à plus forte valeur ajoutée.</p>
<h2>Le rôle central de la Chine</h2>
<p>Au total, si la question d’une cartellisation des métaux des batteries reflète la volonté de certains pays d’affirmer leur rôle dans la transition énergétique mondiale, les caractéristiques spécifiques et les situations particulières de chacun des marchés de métaux nécessaires aux batteries empêchent de considérer le cartel comme l’option la plus probable.</p>
<p>Cela l’est d’autant plus eu égard au <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let428.pdf">rôle majeur joué par la Chine</a> dans le domaine. Comme près de 70 % des métaux des batteries sont aujourd’hui raffinés en Chine et que cette dernière produit plus de 65 % des batteries de véhicules électriques, un cartel questionnerait à coup sûr les alliances de l’empire du Milieu avec certains pays producteurs – ces derniers, faisant partie de l’initiative des routes de la soie, accueillant de nombreuses entreprises chinoises sur leur territoire et bénéficiant de financements ou prêts chinois.</p>
<p>Un autre obstacle à la formation d’un cartel des métaux des batteries mérite d’être signalé : le recyclage. Si ce secteur est encore peu développé, l’essor des p<a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-des-pays-exportateurs-de-petrole-opep-117798">link text</a> politiques de recyclage fait aujourd’hui partie des priorités affichées et pourrait alors contrecarrer les tentatives de création d’un cartel. En outre, un cartel sur le cobalt ou le nickel inciterait à l’utilisation des batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphate) pour le contourner.</p>
<p>Plus globalement, agiter le chiffon rouge de la cartellisation est une manière de montrer le rôle essentiel que les métaux sont appelés à jouer dans les relations internationales dans les années à venir. C’est aussi un moyen de mettre en avant que les métaux, à l’instar du gaz et du pétrole dans la géopolitique actuelle, pourraient devenir une arme économique et diplomatique dans la transition énergétique mondiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) entre 2018 et 2020. Il est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale de l'AFSE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pauline Bucciarelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La proposition formulée récemment par l’Indonésie pourrait notamment se heurter à l’hétérogénéité des politiques de production des pays producteurs et à la place des acteurs étrangers.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles Pauline Bucciarelli, Doctorante, laboratoire EconomiX, CNRS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresValérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935682022-11-11T17:13:37Z2022-11-11T17:13:37ZSortir du capitalisme, condition nécessaire mais non suffisante face à la crise écologique<p><em>Alors que les impératifs de sobriété et de décarbonation se font de plus en plus pressants, les pays restent dans leur immense majorité extrêmement dépendants des ressources fossiles, dont la combustion à l’échelle mondiale aggrave et accélère la crise climatique. Dans « L’Emballement du monde », <a href="https://ecosociete.org/livres/l-emballement-du-monde">qui vient de paraître aux éditions Écosociété</a>, l’ingénieur et économiste Victor Court propose d’explorer les liens historiques entre énergie et domination au sein des sociétés humaines. L’extrait que nous vous proposons ci-dessous se consacre plus particulièrement à l’examen critique du concept de « Capitalocène », proposé par le chercheur et militant suédois Andreas Malm, pour identifier les responsables du réchauffement climatique.</em></p>
<hr>
<p><a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-anthropocene-146440">Le concept d’Anthropocène</a> suggère que toutes les actions humaines peuvent être instantanément subsumées sous une activité globale dont l’empreinte affecte la biogéosphère. Il fabrique ainsi une humanité abstraite, aussi uniformément concernée que responsable.</p>
<p>Ce grand discours est problématique, car, s’il est certain que tous les humains vont subir les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (dans des proportions très différentes cependant), il est impossible au regard de l’histoire d’affirmer que tous les membres de l’humanité partagent le même degré de responsabilité dans ce désastre.</p>
<p>Un Nord-Américain ne peut pas être aussi responsable des bouleversements du système Terre qu’un Kenyan qui consomme en moyenne 30 fois moins de matières premières et d’énergie que lui.</p>
<p>C’est principalement en raison de cette défaillance conceptuelle qu’<a href="https://lafabrique.fr/lanthropocene-contre-lhistoire/">Andreas Malm</a> a proposé, l’un des premiers, la notion de « Capitalocène » comme solution de remplacement.</p>
<p>L’humanité évoluerait dans cette époque depuis environ 200 ans, au moment de la mise en place du capital fossile – un système défini par Malm, rappelons-le, comme « la production de valeur d’échange et la maximisation des profits au moyen de l’énergie fossile ».</p>
<p>Bien qu’elle soit très enrichissante sur le plan intellectuel, cette idée n’est pas non plus exempte de défauts.</p>
<h2>L’avènement du capitalisme fossile</h2>
<p>Tout d’abord, si le concept de Capitalocène sert à désigner une nouvelle époque géologique qui aurait commencé avec la révolution industrielle, alors il souffre d’un problème de dénomination, car le capitalisme ne désigne pas un mode d’organisation économique que l’on peut restreindre aux 200 dernières années. […]</p>
<p>Il a existé en Europe un capitalisme marchand que l’on peut qualifier de « <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-231.htm">concentré</a> » à partir du XII<sup>e</sup> siècle environ. De plus, les premiers indices d’acquisition de terres par quelques riches familles datent du milieu du III<sup>e</sup> millénaire avant l’ère commune à Sumer, tandis que la propriété privée lucrative – concept qui fonde probablement plus que tout autre la notion de capitalisme – est avérée depuis les Romains.</p>
<p>Comme le synthétise l’archéologue <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/une_histoire_des_civilisations-9782707188786">Dominique Garcia</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’accumulation du capital couplée à la recherche de profit s’est d’abord développée avec l’appareil d’État et les institutions des palais et des temples. » […]</p>
</blockquote>
<p>La question de l’origine antique ou médiévale du capitalisme est très complexe, et il n’est pas question ici de tenter d’y répondre convenablement. Malgré tout, il faut admettre que le capitalisme marchand du second Moyen Âge et du début de la période moderne a été suivi à partir du XIX<sup>e</sup> siècle par un capitalisme fossile, auquel on peut d’abord ajouter le qualificatif d’« industriel », mais qui serait peut-être mieux désigné aujourd’hui par le terme « financier » – même si l’industrie reste forcément le soubassement sur lequel la finance et les services s’appuient pour activer leurs processus d’accumulation du capital.</p>
<p>Il est même clair qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le capitalisme marchand a préparé le terrain pour que le capitalisme industriel s’exprime pleinement par la suite, notamment par le biais du système colonial des plantations esclavagistes.</p>
<p>En effet, nous disent <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-evenement-anthropocene-jean-baptiste-fressoz/9782757859599">Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Anthropocène n’est pas sorti tout armé du cerveau de James Watt, de la machine à vapeur et du charbon, mais d’un long processus de mise en relation économique du monde, d’exploitation des hommes et du globe, remontant au XVI<sup>e</sup> siècle et qui a rendu possible l’industrialisation. »</p>
</blockquote>
<p>La dénomination de Capitalocène n’est donc pas adaptée pour désigner les 200 dernières années du capitalisme fossile, comme Andreas Malm et d’autres souhaitent le faire. Si Capitalocène il y a, celui-ci remonte au XVI<sup>e</sup> siècle, voire au début du second Moyen Âge (XII<sup>e</sup> siècle), et peut-être même à l’Antiquité dans des formes plus diffuses.</p>
<h2>Des régimes non capitalistes extrêmement extractivistes</h2>
<p>Ensuite, le terme Capitalocène tend à évincer un fait majeur du XX<sup>e</sup> siècle, à savoir que des régimes non capitalistes – ou en tout cas n’autorisant pas la propriété privée – ont été extrêmement extractivistes et polluants. Tout comme les sociétés capitalistes, ces régimes d’inspiration socialiste prenant la forme de collectivismes bureaucratiques et totalitaires ont massivement eu recours aux énergies fossiles, tout en engendrant des désastres écologiques comparables à ceux du capitalisme occidental.</p>
<p>Partant de ce constat, le philosophe <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_age_productiviste-9782707198921">Serge Audier</a> écrit :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on décidait de parler de « capitalocène », peut-être faudrait-il alors se résoudre à parler également, en un certain sens, de « socialocène » et surtout de « communistocène », ce que curieusement personne ne se risque à faire. Aussi pénible que soit la reconnaissance du rôle majeur joué dans la crise écologique non seulement par les régimes communistes, mais aussi, beaucoup plus largement, par le socialisme et la gauche dans leur axe majoritaire, cette responsabilité historique doit être pleinement assumée. »</p>
</blockquote>
<p>Andreas Malm reconnaît cette objection et il propose d’ailleurs de désigner par « stalinisme fossile » ce type de système économique qui se définit par « la maximisation du pouvoir bureaucratique au moyen des combustibles fossiles ». Pour autant, Malm ne conclut pas que cette réalité invalide sa proposition d’utiliser le concept de Capitalocène pour désigner l’époque où l’humanité est devenue une force agissante d’ampleur tellurique.</p>
<p>Ses arguments consistent à dire que « chronologiquement, causalement, historiquement, le lien entre l’économie fossile et le capitalisme semble plus étroit » et que « surtout, le stalinisme est mort ».</p>
<p>Certes, le stalinisme n’est plus, et allons même jusqu’à admettre l’intensité moindre de son lien avec l’énergie fossile par rapport au capitalisme (hypothèse hautement contestable qu’il s’agirait de démontrer). Cela n’enlève strictement rien au problème : il a existé des économies fossiles ne reposant pas sur le capitalisme (de propriété privée) au XX<sup>e</sup> siècle, et il faut reconnaître que les doctrines socialistes et communistes ne se sont réellement souciées des contraintes écologiques qu’assez récemment.</p>
<p>Ceci renforce l’idée que le concept de Capitalocène est inadapté pour correctement qualifier la période pendant laquelle les activités humaines ont fait sortir la Terre de l’Holocène.</p>
<h2>Un jour, la fin de l’accumulation infinie ?</h2>
<p>En plus de son incapacité à capter la réalité du passé, le concept de Capitalocène pourrait être aussi inopérant dans le futur.</p>
<p>Même s’il est difficile de le définir, le capitalisme a bien eu un début et par extension il est fort probable qu’il aura une fin – même s’il nous paraît parfois <a href="https://newleftreview.org/issues/ii21/articles/fredric-jameson-future-city">plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme</a>.</p>
<p>En vérité, on peut être absolument certain que la fin du capitalisme arrivera un jour pour une raison très simple : dans un monde où les limites physiques sont par définition finies, l’accumulation infinie du capital est logiquement impossible […].</p>
<p>Cette fin du capitalisme ne correspondra sûrement pas à une chute brutale. Comme son origine, elle sera issue d’un long processus qui impliquera qu’au bout d’un moment, à force de mutations, le mot « capitalisme » recouvrira une réalité trop différente pour que les politologues et les économistes continuent d’utiliser cette notion.</p>
<p>Dans ce futur hypothétique, les humains vivront peut-être dans des sociétés non capitalistes, mais en soi cela n’implique pas automatiquement que les activités humaines ne perturberont plus l’environnement à une échelle planétaire. Dans un monde où la propriété (privée ou étatique) aurait disparu – ou en tout cas ne serait plus une source de domination et d’exploitation comme aujourd’hui –, il faudrait encore parvenir à empêcher la mise en place d’autres formes d’accaparement sauvage de l’énergie et des matières premières pour que les humains ne poursuivent pas leur entreprise de destruction massive de la biogéosphère.</p>
<h2>L’hypothèse d’un communisme réel</h2>
<p>Plutôt que de réfléchir à cette question par un voyage dans le futur, tentons de voyager dans le passé. Imaginons qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le monde ait emprunté une trajectoire différente.</p>
<p>Au lieu de prendre la voie du capitalisme moderne en allant exploiter les Amériques et l’Afrique, l’Europe aurait choisi celle d’un communisme réel – donc très loin des expériences soviétiques et chinoises de collectivisme d’État que nous avons connues au XX<sup>e</sup> siècle. On parle ici d’un communisme libertaire tel que celui imaginé par <a href="https://wildproject.org/livres/l-ecologie-sociale">Murray Bookchin</a> dans les années 1970-80, ou plus récemment par <a href="https://ladispute.fr/catalogue/en-travail-conversation-sur-le-communisme/">Bernard Friot et Frédéric Lordon</a>. On pourrait aussi évoquer l’écosocialisme d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/leur-ecologie-et-la-notre-andre-gorz/9782021451863">André Gorz</a> et d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">Ivan Illich</a>.</p>
<p>Maintenant, quels arguments peut-on avancer pour établir que, dans ce genre de configuration, les combustibles fossiles n’auraient pas été exploités ? Bien sûr, les penseurs que nous venons de citer ont justement formulé leurs propositions pour nous aider à sortir des combustibles fossiles – et plus largement à rester à l’intérieur des limites du système Terre.</p>
<p>Mais est-on certain que ces intellectuels auraient fait preuve du même égard pour le climat et la biodiversité s’ils avaient vécu au XVIII<sup>e</sup> ou au XIX<sup>e</sup> siècle ? Et en dehors de ces individus, en quoi les sociétés dans leur ensemble auraient-elles été mieux positionnées pour choisir délibérément de renoncer à l’abondance matérielle associée à la manne fossile ? Honnêtement, on ne voit pas bien comment élaborer un argumentaire convaincant.</p>
<p>Tout au plus peut-on imaginer que les ressources fossiles auraient été exploitées un peu moins frénétiquement, et sûrement aussi avec plus d’équité. Mais on peut penser que le résultat en matière de déstabilisation du système Terre aurait été <em>grosso modo</em> le même, le désastre environnemental que nous connaissons aujourd’hui serait seulement arrivé un peu plus tard.</p>
<p>Ainsi, si on peut être certain de la nature intrinsèquement destructrice du capitalisme – et qu’en cela les souhaits de développement durable, de croissance verte et d’économie circulaire s’inscrivant dans ce cadre ne pourront jamais être autre chose que de vaines incantations –, rien ne dit qu’une économie non capitaliste conduirait automatiquement à une société plus soutenable.</p>
<h2>Exploitation, accaparement, pillage</h2>
<p>Mettre le capitalisme à l’arrêt est donc une condition nécessaire, mais non suffisante pour instaurer un vivre humain qui demeurerait à l’intérieur des limites du système Terre. Si les géologues du présent entérinent finalement la sortie de l’Holocène et nomment Capitalocène l’époque géologique actuelle, ceux du futur se retrouveront dans une situation très embarrassante si le capitalisme vient à disparaître, mais qu’en même temps les humains maintiennent leur emprise destructrice sur la planète.</p>
<p>Enfin, comme le concept d’Anthropocène, celui de Capitalocène entraîne un problème d’identification des responsabilités.</p>
<p>Il pourrait tout d’abord laisser penser à certains que les capitalistes – c’est-à-dire les détenteurs des moyens de production – sont les seuls coupables. Nul doute que par le pouvoir et la richesse qu’ils détiennent, certains capitalistes, sinon la plupart, sont individuellement responsables d’un grand nombre d’actions néfastes pour l’humanité.</p>
<p>La réalité est tout de même plus complexe […], et chaque individu peut comprendre qu’il participe lui aussi à la perpétuation du capitalisme fossile, ne serait-ce que par ses choix de consommation – ou plutôt par son non-choix de changer radicalement son mode de vie –, sans oublier bien sûr la responsabilité énorme qui revient aux dirigeants politiques à cause de leur inaction. […]</p>
<p>C’est bien parce que tous ces acteurs sont interconnectés aux processus de production et de consommation – très souvent au travers de relations antagonistes – que nous avons tant de mal à renoncer aux énergies fossiles.</p>
<p>Mais quoi qu’il en soit, avec le concept de Capitalocène, ce que Malm et d’autres penseurs souhaitent désigner comme le vrai responsable des maux de l’humanité correspond plutôt au capital, c’est-à-dire le rapport social d’exploitation qui existe entre les capitalistes et les travailleurs ne détenant pas les moyens de production.</p>
<p>La source de la propension destructrice de certaines sociétés humaines – dans lesquelles se trouve la quasi-totalité de l’humanité aujourd’hui – se situerait donc non pas dans le fait qu’il existe des capitalistes en tant que tels, mais dans le fait que ces derniers – comme d’autres avant eux – sont en mesure d’exploiter leurs semblables, notamment en rétribuant leur force de travail à une valeur inférieure à celle produite réellement par ce travail, afin de créer une plus-value qu’ils peuvent accaparer.</p>
<p>En fin de compte, la logique du capital renvoie à un phénomène plus large que chacun peut observer dans l’histoire et surtout dans sa vie quotidienne : l’existence protéiforme et omniprésente de relations de domination entre les individus […]. Et l’existence d’une domination institutionnalisée qui traverse la totalité de la société n’est pas une exclusivité des 200 à 300 dernières années.</p>
<p>[…]</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« L’Emballement du monde » est paru aux éditions Écosociété le 10 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Finalement, malgré ses qualités indéniables, le concept de Capitalocène souffre d’insuffisances à la fois trop nombreuses et trop importantes pour être un substitut pertinent du concept d’Anthropocène. L’exploitation de la majorité par une minorité pour accaparer des surplus tout en pillant les ressources de la nature n’a pas attendu le capitalisme moderne pour exister.</p>
<p>Le capitalisme n’est donc pas en soi la cause ultime de la destruction de notre environnement global, même s’il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une efficacité redoutable dans ce domaine, en particulier depuis qu’il est basé sur l’énergie fossile. </p>
<p>[…]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.</span></em></p>Peut-on vraiment dire que le capitalisme industriel des 200 dernières années est le responsable du réchauffement climatique ?Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926732022-10-23T15:28:19Z2022-10-23T15:28:19ZLa capture et le stockage du carbone, comment ça marche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490839/original/file-20221020-11-ekw8cp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4025%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le site de l'aciérie d'Arcelor Mittal à Dunkerque, un nouveau démonstrateur de capture de carbone est lancé.</span> <span class="attribution"><span class="source">IFPEN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont deux piliers essentiels des efforts d’atténuation des changements climatiques. </p>
<p>Mais, au regard de l’ampleur de la réduction des émissions à réaliser, les experts de l’Agence Internationale de l’Énergie<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/energy/energy-technology-perspectives-2020-special-report-on-carbon-capture-utilisation-and-storage_208b66f4-en">(AIE)</a> et du <a href="https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_SummaryForPolicymakers.pdf">GIEC</a> considèrent que le recours aux technologies de captage, de stockage et de valorisation du CO<sub>2</sub> est indispensable pour atteindre l’objectif de neutralité carbone.</p>
<p>Le procédé DMX de captage du CO<sub>2</sub>, fruit d’une décennie de recherche dans les laboratoires d’IFP Énergies nouvelles, est ainsi aujourd’hui en cours de démonstration sur le site d’Arcelor Mittal à Dunkerque, géant de l’acier qui émet de plus de 11 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> chaque année.</p>
<p>Le CO<sub>2</sub> capté pourrait être transporté puis stocké en mer du Nord, par exemple sur le site du projet norvégien <em>Northern Lights</em>, qui a également signé en août dernier <a href="https://www.reuters.com/business/sustainable-business/norways-northern-lights-store-yaras-dutch-co2-emissions-2022-08-29/">son premier accord commercial</a> pour le transport et le stockage du CO<sub>2</sub>, cette fois capté sur une usine d’ammoniac et d’engrais des Pays-Bas.</p>
<p>L’objectif du captage, stockage ou valorisation du dioxyde de carbone (plus connus sous les acronymes CCS ou CCU pour <em>carbon capture and storage</em> ou <em>carbon capture and utilisation</em>) est de contribuer à décarboner l’industrie : il s’agit d’un ensemble de technologies permettant de capter et de stocker et/ou d’utiliser le CO<sub>2</sub> plutôt que de le laisser s’échapper dans l’atmosphère. En effet, l’industrie lourde est à l’origine de presque 20 % des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> aujourd’hui. En France, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe une <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/demarche-decarbonation-industrie/comprendre-enjeux-decarbonation">réduction des émissions industrielles de 80 %</a> d’ici 2050 par rapport à 2015.</p>
<p>Dans le scénario « développement durable » de l’AIE, ces technologies de captage <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/energy/energy-technology-perspectives-2020-special-report-on-carbon-capture-utilisation-and-storage_208b66f4-en">contribueraient à hauteur de 15 % à la réduction cumulée des émissions de CO₂ en 2070</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/neutralite-carbone-que-retenir-du-nouveau-rapport-de-laie-161256">Neutralité carbone : que retenir du nouveau rapport de l’AIE ?</a>
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<p>Comment ? En séparant le CO<sub>2</sub> des fumées industrielles, pour le stocker dans des formations géologiques souterraines à grande profondeur et l’isoler ainsi de l’atmosphère, ou pour l’utiliser comme une ressource dans la production de biocarburants ou d’engrais par exemple.</p>
<p>Une trentaine d’installations à grande échelle sont actuellement en opération à travers le monde pour décarboner la production d’électricité (centrale charbon, centrale gaz) et l’industrie (aciérie, cimenterie, chimie) et 35 à 40 millions de tonnes sont <a href="https://www.iea.org/reports/about-ccus">ainsi captées et stockées annuellement</a>, à comparer aux 34 milliards de tonnes de CO<sub>2</sub> qui ont été émises en 2020. On estime qu’il faudrait en <a href="https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050">capter et stocker 50, voire 100, fois plus d’ici 2035</a> pour répondre aux objectifs de neutralité carbone – ce qui appelle au déploiement du CCUS à grande échelle, en Europe et dans le monde. Compte tenu de la maturité actuelle des technologies, c’est envisageable à l’horizon 2030.</p>
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<h2>Première étape de la chaîne : le captage</h2>
<p>Les technologies de captage sont opérationnelles depuis des décennies, notamment pour certaines applications comme les centrales thermiques, mais elles sont encore coûteuses. De <a href="https://3d-ccus.com/fr/home/">nouveaux procédés moins énergivores et plus performants</a> sont ainsi éprouvés au sein des premiers démonstrateurs comme celui de Dunkerque. Aujourd’hui, il s’agit aussi d’intégrer ces procédés à une filière dédiée.</p>
<p>On distingue trois grandes familles de procédés. La première, le captage en « post-combustion », consiste à extraire le CO<sub>2</sub> des fumées industrielles de combustion de ressources fossiles (bois, gaz naturel, pétrole et charbon) à l’aide d’un solvant qui présente une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Affinit%C3%A9_chimique">affinité</a> pour les molécules de CO<sub>2</sub>. Positionnée en aval des processus industriels, cette technologie peut être mise en œuvre sur des installations préexistantes et appliquée au traitement des fumées d’industries diverses. Si le <a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/69-avis-de-l-ademe-captage-et-stockage-geologique-de-co2-csc-en-france.html">taux de captage dépasse les 90 % du CO₂ émis</a>, elle s’accompagne néanmoins d’une forte « pénalité énergétique » requise lors de la séparation du CO<sub>2</sub> du solvant, ce qui entraîne un coût de mise en œuvre élevé, soit entre 10 et 100 € par tonne de CO<sub>2</sub> évité (et donc non émis).</p>
<p>La seconde famille, dite de captage en « oxy-combustion », consiste à réaliser une combustion en présence d’oxygène (presque) pur, plutôt qu’à l’air. Le gaz de combustion ainsi produit est constitué presque exclusivement de vapeur d’eau et de CO<sub>2</sub>. Il est alors beaucoup plus simple d’extraire le CO<sub>2</sub> que lorsqu’il est dilué dans l’azote de l’air. Cette technologie présente ainsi une pénalité énergétique plus faible mais nécessite un rétrofit de la chambre de combustion. Elle est donc envisagée pour certaines applications, comme les cimenteries, et pour de nouvelles unités de conversion des combustibles biomasse et fossiles.</p>
<p>La troisième famille enfin, dite de captage en « précombustion », consiste à extraire le CO<sub>2</sub> en amont de la combustion en transformant le combustible initial en un « gaz de synthèse » : il s’agit de gazéifier le combustible pour obtenir un mélange de CO + H<sub>2</sub>0, puis d’opérer une transformation chimique pour obtenir un mélange CO<sub>2</sub> + H<sub>2</sub> et enfin d’extraire du CO<sub>2</sub> par solvant. La mise en œuvre de ce procédé nécessite d’être intégrée en amont, au moment de la construction de l’unité industrielle.</p>
<p>Ce procédé permet de capturer le CO<sub>2</sub> au niveau d’installations industrielles, mais aussi de <a href="https://climeworks.com/roadmap/orca">retirer du CO₂ présent l’atmosphère comme sur le site d’Orca en Islande</a> (qui devrait capter environ 4000 tonnes par an).</p>
<h2>Comment transporter du CO₂ et le stocker ?</h2>
<p>Plus en aval de la chaîne, le CO<sub>2</sub> se transporte au même titre que le gaz naturel, par gazoducs, train ou bateau, en fonction de la quantité de CO<sub>2</sub> à transporter et de la distance. Les infrastructures de transport et de stockage ne posent donc pas de problème technique particulier, mais il faut les <a href="http://www.co2geonet.com/resources/">sécuriser et assurer leur maintenance</a>, comme l’exige tout équipement industriel.</p>
<p>Ensuite, le CO<sub>2</sub> capté est stocké dans d’anciens gisements d’hydrocarbures ou des roches poreuses (aquifères salins profonds). Le CO<sub>2</sub> est injecté sous forme dense à une profondeur d’au moins 800 mètres. Il est alors piégé par des <a href="http://www.co2geonet.com/resources/">mécanismes chimiques et géologiques</a> : dissolution dans la saumure (eau salée) présente dans les roches, immobilisation dans les pores des roches, puis, à terme, minéralisation.</p>
<p>Les capacités de stockage souterrain en Europe sont <a href="https://www.globalccsinstitute.com/resources/global-status-report/download">grossièrement estimées</a> à 300 milliards de tonnes, soit l’équivalent de 100 ans d’émissions mondiales en 2019, mais il faut encore <a href="http://www.co2geonet.com/resources/">confirmer ces capacités et l’intégrité des sites</a> pour que les projets opérationnels de stockage du CO<sub>2</sub>, comme celui de <em>NorthernLights</em>, puissent voir le jour.</p>
<p>Les sites de stockage font l’objet d’une sélection rigoureuse afin de garantir la pérennité et la sécurité du stockage sur le long terme (migration du CO<sub>2</sub> hors du site de stockage). Les opérations de stockage s’accompagnent d’un <a href="http://repository.cgseurope.net/eng/cgseurope/knowledge-repository/key-reports/monitoring.aspx">protocole de surveillance</a> qui intègre, entre autres, un suivi géophysique du comportement du CO<sub>2</sub> dans le sous-sol, des mesures de gaz et des prélèvements en profondeur dans le sous-sol et en surface, une surveillance des événements microsismiques, etc.</p>
<h2>Quels modèles économiques pour le déploiement de ces technologies ?</h2>
<p>Le bénéfice du déploiement de ces filières est essentiellement lié à la réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, à laquelle les marchés du carbone par exemple (systèmes de quotas d’émission) donnent une valeur économique : le captage, le transport et le stockage ou la valorisation ne sont pas des technologies indépendantes les unes des autres, mais les maillons d’une même chaîne de valeur.</p>
<p>C’est pourquoi le déploiement de la filière doit être coordonné dans le temps et sur un territoire volontaire au moyen d’investissements dans des projets opérationnels mutualisés à l’échelle de la France et de l’Europe. Le déploiement de « hubs CO<sub>2</sub> » – des réseaux collectant le CO<sub>2</sub> émis par différentes industries et mutualisant les infrastructures de transport et de stockage – s’anticipe. C’est le cas par exemple des Hauts-de-France et Normandie qui travaillent au développement d’un hub pour le captage et le transport du CO<sub>2</sub> et du <a href="https://norlights.com/">projet <em>Northern Lights</em></a> qui œuvre pour sa part à un projet commercial de transport et de stockage du CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Élaborés dans le cadre de projets de recherche européens tels que <a href="https://www.strategyccus.eu/">Strategy CCUS</a> sur la base de facteurs techniques (volumes de CO<sub>2</sub> impliqués, zones géographiques concernées, usages possibles du CO<sub>2</sub> à proximité des lieux de capture, lieux de stockage possibles) et environnementaux (via les méthodologies d’analyse de cycle de vie), les scénarios prennent aussi en compte des facteurs économiques et sociaux, tels que la création d’emploi et les préoccupations des communautés locales, qu’il est impératif d’associer au plus tôt à la construction d’un projet.</p>
<p>L’enjeu est aujourd’hui de créer les conditions pour permettre le déploiement de la filière du CCUS à grande échelle dès 2030. Si les technologies sont là, des mécanismes de soutien financier et un cadre réglementaire sont nécessaires pour accélérer la mise en place de la filière. En l’état actuel des estimations, le <a href="https://tradingeconomics.com/commodity/carbon">prix du quota de carbone</a> émis est encore inférieur aux dépenses que les industriels devraient engager pour investir dans ces installations, soit entre 50 et 180 € par tonne de CO<sub>2</sub> évité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Delprat-Jannaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les scénarios du GIEC et de l’IEA incluent des capacités de capture, transport et stockage du CO₂, notamment pour les cimenteries et centrales à charbon.Florence Delprat-Jannaud, Responsable de programme Captage et stockage du CO2, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605072021-06-28T19:53:49Z2021-06-28T19:53:49ZL’énergie fossile, cette drogue dont nous n’arrivons pas à nous sevrer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403660/original/file-20210531-21-13nj2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le charbon reste la première source pour la production d’électricité dans le monde. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Notre opulence matérielle des 200 dernières années est directement imputable aux combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz. Mais, comme toutes les drogues, l’énergie fossile produit son lot d’effets secondaires, désormais trop visibles pour être ignorés.</p>
<p>Boosté par ce cocktail charbon-pétrole-gaz, le rêve moderne s’est peu à peu transformé en cauchemar. En cause, une perturbation sans précédent du <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf">système Terre</a> qui affecte déjà l’espèce humaine.</p>
<p>D’après la communauté scientifique, cette menace aura dans le futur des <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/ar5_wgII_spm_fr-2.pdf">conséquences encore plus désastreuses</a> ; conséquences qui semblent pour l’instant inévitables au vu des maigres résultats des négociations climatiques.</p>
<h2>Laisser les fossiles là où ils sont</h2>
<p>Les réserves de combustibles fossiles correspondent à des émissions potentiellement colossales de gaz à effet de serre : il y a au moins trois fois plus de CO<sub>2</sub> sous nos pieds que ce que nous pouvons nous permettre d’émettre pour avoir une chance raisonnable de contenir le réchauffement climatique sous les 2 °C. Au niveau mondial, un <a href="https://www.nature.com/articles/nature14016">tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % des réserves de charbon</a> doivent rester inutilisées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M9MayBUgSHI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Why we need to keep fossil fuels in the ground (The Guardian/Youtube, 2015).</span></figcaption>
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<p>Dans ce contexte, l’augmentation des productions d’hydrocarbures dits « non conventionnels » – pétrole et gaz de roches mères, sables bitumineux, offshore profond – et l’exploitation de nouvelles ressources, comme en Arctique, vont à contresens des efforts nécessaires pour limiter le dérèglement du climat si les émissions de CO<sub>2</sub> engendrées par ces productions ne sont pas immédiatement <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/climat-environnement-et-economie-circulaire/reduire-les-emissions-industrielles-co2-captage-et-stockage-du-co2">captées et séquestrées</a>.</p>
<p>Plus nous retardons le moment où nous amorcerons réellement la décarbonation de l’économie mondiale, <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2017/12/note_danalyse_les_indc_et_le_budget_carbone_the_shift_project_0.pdf">plus les efforts nécessaires deviendront draconiens</a>. Si la réduction des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> avait été engagée en 2018, l’humanité aurait pu se contenter d’une baisse annuelle de 5 % jusqu’en 2100 pour limiter le réchauffement à 2 °C. Amorcer ce travail colossal en 2020 demanderait de maintenir une réduction de 6 % par an jusqu’à la fin du siècle.</p>
<p>Patienter jusqu’en 2025 pour amorcer ce chantier, c’est s’obliger par la suite à réduire de 10 % par an les émissions mondiales de CO<sub>2</sub>. Or vouloir transformer durablement, tous les ans, 10 % de l’économie mondiale est une tâche proprement titanesque qui n’a aucun précédent dans l’histoire de l’humanité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dgJmgpy1WkI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Russie : Arctique, la nouvelle frontière (Arte/Youtube, 2019).</span></figcaption>
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<h2>L’inertie des infrastructures industrielles</h2>
<p>Si l’apparition incessante de nouveaux gadgets dans la vie quotidienne donne l’impression d’un changement rapide des systèmes techniques contemporains, ce sont les infrastructures industrielles aux durées de vie très longues – centrales et réseaux électriques, pipelines, raffineries, routes, voies ferrées, canaux, ports, équipements lourds (sidérurgie et chimie) ou collectifs (hôpitaux, stations d’épuration) – qui sont les véritables marqueurs du paradigme technique dans lequel une société se trouve.</p>
<p>Tous ces « parcs » installés impliquent une inertie gigantesque quand il s’agit de changer l’existant et de réaliser une transition vers un monde plus écologiquement soutenable.</p>
<p>Cet effort a d’ailleurs bel et bien été engagé en 2020, mais de façon totalement involontaire puisque c’est la crise sanitaire de la Covid-19 qui nous y a contraints ! En obligeant un sixième de la population mondiale à se confiner, l’économie a ralenti au point de réduire les émissions de CO<sub>2</sub> <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-020-0797-x">d’environ 6 % sur l’année</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-et-baisse-des-emissions-de-co-une-nouvelle-etude-fait-le-point-secteur-par-secteur-138971">Covid et baisse des émissions de CO₂ : une nouvelle étude fait le point secteur par secteur</a>
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<p>Pour limiter le dérèglement climatique à une valeur à peu près acceptable d’ici la fin du XXI<sup>e</sup> siècle, il faudrait donc qu’un nouvel effort de cette ampleur vienne <a href="https://www.europe1.fr/societe/ecologie-il-nous-faudrait-un-covid-tous-les-ans-pour-respecter-laccord-de-paris-3968991">s’ajouter tous les ans à ceux des années précédentes</a>.</p>
<h2>L’empilement des systèmes énergétiques</h2>
<p>Toutes les transitions énergétiques du passé ne l’ont été qu’en termes relatifs – c’est-à-dire en parts de la production ou de la consommation totale. Au XX<sup>e</sup> siècle, l’usage relatif du bois, des terres arables et du charbon a baissé par rapport à celui du pétrole, du gaz, de l’hydroélectricité et du nucléaire… mais les consommations de toutes ces sources d’énergie ont augmenté au niveau global.</p>
<p>Comme le montre le graphique ci-dessous, les deux derniers siècles – et plus largement la totalité de l’histoire humaine – n’ont été qu’une succession d’empilements de ressources : il n’y a jamais eu de remplacement total d’un système énergétique par un autre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403657/original/file-20210531-21-7pajqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la consommation mondiale d’énergie primaire, 1850–2019. À noter qu’on peut trouver des estimations différentes en fonction des conventions de calcul retenues pour convertir l’électricité provenant du nucléaire, des barrages hydrauliques, des éoliennes et des panneaux photovoltaïques en équivalents primaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.droz.org/product/9782600560078">Production de l’auteur à partir des données de Etemad & Luciani (1991) numérisées par The Shift Project (2019), Smil (2016), et British Petroleum (2020)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Seule la transition énergétique que l’humanité amorce aujourd’hui avec beaucoup de difficultés mérite pleinement ce nom, car elle doit impérativement engendrer une transformation radicale et non pas relative des sources d’énergie.</p>
<p>Le problème, c’est que, justement, les renouvelables ne font pour l’instant que s’additionner aux fossiles.</p>
<h2>84 % de l’énergie primaire commercialisée</h2>
<p>En 1960, à l’échelle mondiale, les combustibles fossiles fournissaient <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html">94,4 %</a> de l’énergie primaire commercialisée (c’est-à-dire extraite de l’environnement avant d’être transformée en formes consommables et échangeables sur des marchés). Leur part n’est passée qu’à 87,4 % trente ans plus tard ; elle est encore d’environ 84,3 % aujourd’hui.</p>
<p>En comptant les formes traditionnelles de biomasse – bois et résidus agricoles – qui sont consommées hors marchés, la part des fossiles dans le mix mondial prend même une tendance inverse : <a href="https://vaclavsmil.com/2016/12/14/energy-transitions-global-and-national-perspectives-second-expanded-and-updated-edition/">75 %</a> en 1960, 78 % en 1990, et 79 % en 2019.</p>
<p>Les machines qui ont suppléé le travail humain tournent donc en quasi-totalité grâce à l’énergie fossile.</p>
<p>Sur les <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html">15,7 %</a> d’énergie primaire commercialisée non carbonée du mix mondial, le nucléaire compte pour 4,3 %, l’hydroélectricité pour 6,4 % et les nouvelles technologies renouvelables (éolien, photovoltaïque, géothermie, agrocarburants et combustion des déchets) pour 5 %.</p>
<p>Répétons-le : un effort énorme doit encore être fourni pour accélérer la décarbonation de l’économie mondiale.</p>
<h2>Nous sommes toujours à l’ère des fossiles !</h2>
<p>Certes, les <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html">données</a> montrent que sur les deux dernières années l’augmentation de la consommation mondiale d’énergie primaire (hors biomasse traditionnelle) s’est autant faite par les énergies renouvelables modernes que par les combustibles fossiles. Mais depuis 1990, les énergies fossiles ont contribué 7 fois plus à l’accroissement de la demande que les nouvelles technologies renouvelables. De fait, d’après un <a href="https://www.ran.org/wp-content/uploads/2021/03/Banking-on-Climate-Chaos-2021.pdf">rapport</a> publié récemment par un consortium d’ONG environnementales, l’investissement dans le secteur fossile continue de croître au niveau mondial.</p>
<p>Nous sommes donc toujours à l’ère du charbon – qui demeure la première source d’électricité –, du pétrole et du gaz. Nul mystère donc à ce que les émissions de CO<sub>2</sub>, et plus largement de gaz à effet de serre, continuent d’augmenter chaque année – excepté en 2008 et 2020 pour cause de contraction économique. Malgré les annonces triomphantes de nouvelles installations renouvelables et la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/22/joe-biden-s-engage-a-reduire-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-des-etats-unis-de-moitie-d-ici-a-2030_6077684_3210.html">surenchère des objectifs de décarbonation</a>, force est de constater que pour l’instant le compte n’y est pas.</p>
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<figcaption><span class="caption">A Short History of Global Emissions from Fossil-Fuel Burning, 1750-2010 (Aurélien Saussay/Youtube, 2015).</span></figcaption>
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<h2>De l’énergie carbonée pour de l’énergie bas carbone</h2>
<p>Une des raisons de notre incapacité à stopper rapidement notre addiction aux énergies fossiles vient d’une caractéristique fondamentale de l’histoire : l’apparition de nouvelles formes d’approvisionnement énergétique a toujours engendré un surcroît d’utilisation des énergies qui existaient auparavant.</p>
<p>Ce recours plus intense aux formes d’énergies déjà connues a toujours été nécessaire pour déployer les nouvelles, et ainsi doper d’autant plus l’activité économique et l’accroissement de la population. Il y a 10 000 ans, la domestication des plantes et des animaux a intensifié le travail des muscles humains et la combustion du bois. Il y a 200 ans, le recours de plus en plus massif au charbon a quant à lui stimulé le travail des animaux de trait dans les champs et à la ville. De la même manière, sur le dernier siècle, le développement du pétrole et du gaz a augmenté la demande en charbon.</p>
<p>La situation présente ne déroge pas à cette règle puisque la construction et l’utilisation des panneaux photovoltaïques, des éoliennes et des voitures électriques ne pourraient pas se faire aujourd’hui sans le charbon, le pétrole et le gaz.</p>
<p>C’est en effet majoritairement l’emploi d’énergie fossile qui permet l’extraction de toutes les matières premières requises pour produire et utiliser les nouvelles énergies bas carbone.</p>
<h2>Des énergies pas si vertes</h2>
<p>Prenons un exemple inspiré du documentaire de Jean‑Louis Perez et Guillaume Pitron, <a href="https://boutique.arte.tv/detail/la-face-cachee-des-energies-vertes"><em>La Face cachée des énergies vertes</em></a>. Il nous conduit au Chili, plus grand détenteur de réserves de cuivre au monde et premier producteur de ce métal indispensable au secteur électrique.</p>
<p>Pour extraire chaque année les 5,6 millions de tonnes de cuivre qu’elles mettent à disposition sur le marché mondial, les mines chiliennes utilisent des milliers de tonnes de pétrole raffiné pour faire avancer leurs bulldozers, mais aussi de l’électricité qui est produite à 40 % à partir de charbon. Ce dernier est importé par bateau depuis la Colombie et la Nouvelle-Zélande, dans une chaîne d’approvisionnement qui repose elle aussi sur du pétrole et du gaz consommés par des camions, des trains et des bateaux. Une partie du cuivre chilien arrive en Norvège, figure de proue de la transition écologique – une voiture neuve sur deux y est électrique – mais aussi quinzième exportateur mondial de pétrole.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1323165446456123395"}"></div></p>
<p>On pourrait multiplier les exemples de ce type, en se focalisant notamment sur le lithium de Bolivie ou les métaux rares de Chine, indispensables aux nouvelles technologies bas carbone. On observerait à chaque fois que, pour l’instant, les énergies dites « vertes » stimulent le métabolisme fossile des sociétés humaines au lieu de le ralentir.</p>
<p>Un outil comme <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/breve/infographie-analyse-du-cycle-vie-acv">l’analyse du cycle de vie</a> devrait être plus systématiquement utilisée pour établir l’existence d’une transformation réelle et durable du système énergétique mondial.</p>
<h2>Face à l’addiction</h2>
<p>Pour l’instant, nous ne parvenons pas à trouver de réelles solutions pour nous débarrasser de notre addiction aux énergies fossiles.</p>
<p>En pratique, cela se voit facilement puisque les technologies bas carbone consistent essentiellement à changer la nature de la production d’électricité, sans réellement toucher aux autres secteurs recourant à l’énergie fossile. Le charbon, le pétrole et le gaz sont respectivement indispensables à la production d’acier, de plastique et d’engrais ; sans oublier le secteur des transports où le pétrole reste roi.</p>
<p>Des technologies sont à l’étude pour consommer les énergies fossiles là où elles présentent le plus d’intérêt tout en évitant de rejeter dans l’atmosphère leurs produits de combustion. Des <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/captage-co2-lancement-dinamx-projet-demonstration-pilote-industriel-du-procede-dmx">projets pilotes</a> permettent la capture du dioxyde de carbone sur des processus industriels tels que la sidérurgie, la pétrochimie ou la production d’hydrogène.</p>
<p>De même, des <a href="https://eralberta.ca/wp-content/uploads/2017/05/C110149-Carbon-Engineering-Final-Report-Public.pdf">prototypes</a> sur la capture du CO<sub>2</sub> directement depuis l’atmosphère pourrait faire partie de l’ensemble des solutions à mettre en œuvre pour lutter contre le changement climatique.</p>
<p>Cependant, l’essor de telles technologies à l’échelle industrielle nécessite des investissements colossaux, et donc une volonté politique forte.</p>
<h2>Dépasser l’indépassable croissance ?</h2>
<p>En raison de la dépendance de nos sociétés aux énergies fossiles et de la recherche permanente d’une croissance économique infinie dans un monde fini, la probabilité de maintenir le réchauffement climatique sous les 2 °C paraît extrêmement faible – elle serait précisément de l’ordre de 5 % d’après une <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate3352">étude</a>.</p>
<p>De plus, le problème de l’« <a href="https://theconversation.com/la-demande-energetique-mondiale-est-sous-estimee-et-cest-un-vrai-probleme-pour-le-climat-158042">effet rebond</a> », notamment dans la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab6788">sphère digitale</a>, et le fait que le déploiement des énergies alternatives doit se faire sans s’appuyer sur les combustibles fossiles, sont autant d’éléments qui sont pour l’instant mal intégrés dans les analyses de prospective.</p>
<p>En tenant compte de tous ces mécanismes, et encore une fois dans un monde où la croissance économique reste un objectif prioritaire, il semble quelque peu illusoire de penser que le climat de demain ne sera pas beaucoup plus chaud qu’aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160507/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & prospérité ».</span></em></p>Les combustibles fossiles fournissent toujours aujourd’hui plus de 80 % de l’énergie utilisée dans le monde.Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1587442021-04-13T12:00:01Z2021-04-13T12:00:01ZParole de créateurs face à l’urgence écologique : Tiphaine Calmettes et Emmanuel Hache<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394768/original/file-20210413-23-q6g6j8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C6%2C4587%2C3055&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tiphaine Calmettes, "Lecture gustative", 2017.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Tiphaine Calmettes</span></span></figcaption></figure><p>Nous vivons dans un monde de plus en plus gourmand en ressources naturelles ; pourtant, notre connaissance concrète de ces ressources demeure très partielle, tendant vers une forme de dématérialisation. À partir de ce constat, la plasticienne Tiphaine Calmettes et l’économiste-prospectiviste Emmanuel Hache (IFP Énergies nouvelles) nous proposent des pistes pour retrouver un rapport au monde plus conscient de l’interdépendance entre les humains et l’environnement.</p>
<p>Retrouvez ci-dessous l’intégralité du webinaire du 8 avril dernier, organisé par la <a href="https://www.fondationthalie.org/fr/">Fondation Thalie</a> dans le cadre des rencontres « Créateurs face à l’urgence écologique ». Un débat co-animé par Jenna Barberot (Fondation Thalie) et Jennifer Gallé (The Conversation).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YS9k815EpyU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/158744/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retrouvez le webinaire du 8 avril dernier, consacré notamment à la question de notre rapport aux ressources naturelles.Sonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1580422021-04-06T18:39:07Z2021-04-06T18:39:07ZLa demande énergétique mondiale est sous-estimée, et c’est un vrai problème pour le climat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/393569/original/file-20210406-23-1jhsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La crédibilité des scénarios climatiques mondiaux est sujette à caution, en particulier pour ceux qui font l’hypothèse d’un découplage absolu entre activité économique et consommation d’énergie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/shutterstock/photos/1692115633/display_1500/stock-photo-oil-barrels-against-the-backdrop-of-the-city-concept-falling-oil-consumption-in-asia-decrease-1692115633.jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Remplacer les combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz) par des <a href="https://www.planete-energies.com/fr/medias/decryptages/les-energies-renouvelables">énergies bas carbone</a> (les renouvelables et le nucléaire) est indispensable pour limiter le dérèglement du climat. Mais comme les énergies fossiles ne vont pas disparaître de sitôt, il est aussi impératif d’augmenter l’efficacité avec laquelle on les utilise, c’est-à-dire <a href="https://theconversation.com/efficacite-energetique-est-il-vraiment-possible-de-faire-mieux-avec-moins-113796">produire plus avec autant (voire moins) d’énergie</a>.</p>
<p>Dans le scénario <a href="https://www.iea.org/reports/world-energy-model/sustainable-development-scenario">« développement durable »</a> de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’<a href="https://theconversation.com/par-quoi-passe-lefficacite-energetique-65441">efficacité énergétique</a> est d’ailleurs considérée comme le premier levier pour réduire les émissions de CO<sub>2</sub>. Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et de toutes les machines qui nous entourent contribuerait à 37 % de l’effort nécessaire pour décarboner l’économie mondiale d’ici 2050.</p>
<p>Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (<a href="https://theconversation.com/le-giec-une-boussole-scientifique-pour-le-climat-93624">GIEC</a>) considère lui aussi que l’efficacité énergétique est un élément clé de la transition écologique. Il en va d’ailleurs ainsi pour tous les gouvernements engagés dans l’<a href="https://theconversation.com/accord-de-paris-cinq-ans-apres-ou-en-sommes-nous-151555">Accord de Paris</a>.</p>
<p>Mais il se pourrait que cette stratégie ne fonctionne pas, car elle omet un phénomène qui œuvre depuis longtemps pour contrer les bénéfices de l’efficacité énergétique : l’<a href="https://www.lafabriqueecologique.fr/transition-energetique-le-role-incontournable-de-leffet-rebond/">« effet rebond »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392570/original/file-20210330-23-85i60x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Origines des réductions d’émissions de CO₂ liées à l’énergie dans le scénario « développement durable » de l’AIE, vis-à-vis d’un scénario intégrant toutes les politiques publiques déclarées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Victor Court (adapté du rapport World Energy Outlook 2019)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’éléphant au milieu de la pièce</h2>
<p>Parfois appelé « paradoxe de Jevons », du nom du premier économiste à l’avoir étudié au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, l’effet rebond correspond à l’ensemble des mécanismes économiques et comportementaux qui annulent une partie, ou la totalité, des économies d’énergie résultant des gains d’efficacité.</p>
<p>Par exemple, si les ingénieurs parviennent à diminuer de moitié la consommation d’essence nécessaire pour parcourir un kilomètre en voiture, les automobilistes peuvent dépenser deux fois moins d’argent pour parcourir la même distance, mais ils peuvent aussi parcourir deux fois plus de kilomètres avec le même budget ! L’histoire nous montre que c’est la seconde option qui a été suivie, en augmentant au passage le poids, le confort, la vitesse maximale et la puissance des voitures.</p>
<p>Ainsi, en abaissant le coût d’un service donné – s’éclairer, se déplacer, se chauffer, se nourrir, se divertir –, l’efficacité énergétique engendre un surcroît d’utilisation de ce service : on s’éclaire plus, on se déplace plus, on se chauffe, on se nourrit et on se divertit davantage grâce aux gains d’efficacité énergétique.</p>
<p>Mais disposer d’un éclairage ou d’une voiture plus économe peut aussi pousser les consommateurs à utiliser une partie de leurs revenus pour acheter autre chose que de l’électricité ou de l’essence : par exemple, un billet d’avion ou bien un nouveau smartphone. Il en va d’ailleurs de même pour les entreprises, qui peuvent allouer à de nouvelles activités les revenus épargnés grâce à l’efficacité énergétique.</p>
<p>À terme, ces changements de comportement peuvent modifier les prix et les incitations à investir dans telle ou telle infrastructure (le système routier plutôt que le système ferroviaire par exemple), et ainsi modifier encore un peu plus la consommation d’énergie.</p>
<p>L’ampleur des effets rebonds est difficile à quantifier, mais une tendance se dégage dans les connaissances que nous avons de ce phénomène. Dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032121000769?via%3Dihub">étude récente</a>, nous avons montré avec mes collègues que les preuves d’effets rebonds très significatifs étaient de plus en plus nombreuses : plus de la moitié des économies d’énergie résultant d’une amélioration de l’efficacité énergétique semble ne jamais se concrétiser dans la réalité…</p>
<h2>Pas d’énergie, pas de PIB</h2>
<p>Dans le même temps, l’efficacité énergétique tend à améliorer la qualité de vie, stimuler la productivité et accroître la compétitivité : autant d’éléments qui <a href="https://www.mdpi.com/1996-1073/12/1/110">contribuent à la croissance de l’économie</a> et à l’augmentation de la demande d’énergie, et donc aux émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>C’est ce qui explique que le produit intérieur brut (PIB) et la consommation d’énergie ont toujours été étroitement liés. On sait en effet que la croissance de l’activité économique est systématiquement allée de pair <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s41247-018-0046-3">avec une augmentation de la consommation d’énergie</a>, tandis qu’un accès restreint à l’énergie a toujours <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421516302087">limité la croissance économique</a>.</p>
<p>Néanmoins, le PIB et la consommation d’énergie n’évoluent pas strictement à la même vitesse. Entre 1971 et 2018, le PIB mondial a augmenté en moyenne de <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD">3,1 % par an</a>, tandis que la consommation mondiale d’énergie finale (c’est-à-dire la quantité totale d’énergie consommée par les utilisateurs finaux) s’est accrue de <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/energy/data/iea-world-energy-statistics-and-balances/extended-world-energy-balances_data-00513-en">1,8 % chaque année</a>. C’est ce qu’on appelle un « découplage relatif » : les deux variables augmentent, mais le PIB augmente plus vite que la consommation d’énergie.</p>
<h2>Faire plus avec moins ?</h2>
<p>En raison de changements dans la structure des économies, à savoir plus de services, moins d’industries et des gains d’efficacité énergétique très élevés, les organisations telles que le GIEC et l’AIE prévoient une croissance faible ou nulle de la consommation mondiale d’énergie au cours des prochaines décennies, tout en maintenant une croissance économique relativement élevée.</p>
<p>Ces groupes d’experts font donc l’hypothèse d’un découplage relatif entre PIB et consommation d’énergie, mais à des niveaux bien supérieurs à ceux du passé. <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-020-00975-7">Plusieurs de leurs scénarios</a> postulent même qu’un « découplage absolu » est possible : ils prévoient que le PIB pourrait continuer d’augmenter tandis que la consommation d’énergie diminuerait ; et ce, malgré la nécessité d’investir à grande échelle dans les infrastructures à forte intensité énergétique et dans l’industrie lourde des pays en développement.</p>
<p>Le problème, c’est qu’il n’existe aucun précédent historique de découplage absolu au niveau mondial. <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab842a">Seuls quelques pays riches</a> ont pu connaître certaines années un découplage absolu entre leur PIB et leur consommation d’énergie, mais cela était dû à une raison bien précise : ils avaient au préalable délocalisé une grande partie de leur industrie.</p>
<p>La figure ci-dessous permet de comprendre l’ampleur de la déconnexion qui existe entre données historiques et scénarios futurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392584/original/file-20210330-17-y0v506.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tendances historiques et scénarios futurs pour la consommation d’énergie finale et le PIB au niveau mondial. On ne présente ici que deux des cinq « shared socio-economic pathways » (SSP, c’est-à-dire les « trajectoires socio-économiques partagées »), utilisés par les modélisateurs pour examiner comment les tendances démographiques, économiques et techniques pourraient évoluer au cours du prochain siècle. Le scénario SSP2 est le scénario moyen qui poursuit les tendances historiques, tandis que le scénario SSP1 fait l’hypothèse d’une trajectoire plus équitable et plus soutenable sur le plan écologique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Victor Court (adapté de Brockway et coll., 2021)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On a représenté sur ce graphique la trajectoire de l’économie mondiale en matière de consommation d’énergie finale (en ordonnées) et de production économique (en abscisses), soit avec les données de la période 1971-2018 (rond noir), soit dans le cadre de quelques scénarios du GIEC permettant de stabiliser le changement climatique à 1,5 °C ou 2 °C (respectivement en bleu et en orange).</p>
<p>La courbe en pointillé rouge montre que la relation empirique entre PIB et énergie a été quasiment linéaire sur les cinquante dernières années : le PIB mondial a crû à peine plus vite que la consommation d’énergie, c’est le découplage relatif que nous avons évoqué un peu plus haut.</p>
<p>On observe que les scénarios visant une stabilisation du dérèglement climatique à 2 °C (en orange) correspondent à un découplage relatif bien plus important que par le passé, tandis qu’une stabilisation de la dérive climatique à 1,5 °C implique de réaliser un découplage absolu entre PIB et consommation d’énergie.</p>
<h2>Plongée dans les modèles énergétiques et climatiques</h2>
<p>Une question clé est de savoir si les effets rebonds sont correctement pris en compte dans les modèles énergétiques et climatiques mondiaux.</p>
<p>Dans notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032121000769?via%3Dihub">étude</a>, nous avons examiné quatre des <a href="https://theshiftproject.org/article/comprendre-modelisation-energie-climat-economie-scenarios/">« modèles d’évaluation intégrés »</a> utilisés par le <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/ipcc_wg3_ar5_annex-ii.pdf">GIEC</a>, ainsi que les modèles développés par <a href="https://www.bp.com/content/dam/bp/business-sites/en/glob">BP</a>, <a href="https://www.shell.com/energy-and-innovation/the-energy-future/scenarios/shell-scenarios-energy-models/world-energy-model.html">Shell</a>, l’<a href="https://iea.blob.core.windows.net/assets/55b96d4d-e9f0-46a1-9965-590ef37c1ff6/WEM_Documentation_WEO2020.pdf">AIE</a> et l’US Energy Information Administration (<a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2021.110781">EIA</a>).</p>
<p>Nous avons constaté que la plupart de ces modèles étaient incapables de saisir un grand nombre des mécanismes contribuant à l’effet rebond. Deux de ces modèles comprenaient une modélisation plus détaillée de l’économie, mais en omettant tout de même des mécanismes importants tels que ceux faisant évoluer la taille relative des différents secteurs de l’économie.</p>
<p>Par ailleurs, plutôt que d’estimer l’impact de l’efficacité énergétique sur la consommation réelle, certains modèles fonctionnent en sens inverse : ils définissent d’abord la consommation d’énergie désirée, et ils déduisent ensuite les gains d’efficacité nécessaires pour atteindre cet objectif. Une telle approche empêche, par définition, la prise en compte des effets rebonds.</p>
<p>Cette analyse suggère que les modèles surévaluent les économies d’énergie effectivement réalisables. En d’autres termes, la demande énergétique mondiale semble significativement sous-estimée dans les scénarios qui orientent la prise de décision politique.</p>
<h2>Implications pour l’action climatique</h2>
<p>Installer de nouvelles ampoules LED, doter les voitures de moteurs derniers cris et perfectionner les processus industriels ne suffira pas pour diminuer la consommation d’énergie fossile et réduire les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Affirmer cela ne veut pas dire que l’efficacité énergétique est une mauvaise chose en soi : en plus d’économies d’énergie bien réelles, elle peut apporter différents avantages économiques.</p>
<p>Toutefois, il semble que les scénarios et les modèles climatiques manquent d’un certain réalisme face à la complexité de l’effet rebond. Puisqu’environ 50 % des économies d’énergie semblent compensées par ce phénomène, il est urgent que la communauté des modélisateurs le prenne plus au sérieux et parvienne à mieux l’intégrer dans leurs équations.</p>
<p>Sans cela, la crédibilité des scénarios climatiques mondiaux est sujette à caution, en particulier pour ceux qui font l’hypothèse d’un découplage absolu entre activité économique et consommation d’énergie.</p>
<p>Par ailleurs, il est clair qu’il sera difficile d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris si les décideurs politiques ne tiennent pas compte de l’effet rebond dans leurs réponses à l’urgence climatique.</p>
<p>Si les économies d’énergie fondées sur les gains d’efficacité sont moins importantes que prévu, il faudra compter sur d’autres moyens pour lutter contre le changement climatique : les énergies renouvelables et nucléaires, la <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/climat-environnement-et-economie-circulaire/reduire-les-emissions-industrielles-co2-captage-et-stockage-du-co2">capture et le stockage du carbone</a>, ou encore la <a href="https://www.i4ce.org/wp-core/wp-content/uploads/2020/05/TarificationCarbone2020-VF.pdf">tarification du carbone</a>.</p>
<p>Ces solutions possèdent néanmoins un certain nombre de limites (physiques et financières) qui laissent penser qu’un plan sérieux de transition bas carbone devrait inclure des solutions pour capter les économies financières liées à l’efficacité énergétique et les rediriger vers des investissements à faible impact écologique.</p>
<p>Surtout, il serait temps que la question de la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-020-16941-y">sobriété</a> des besoins, c’est-à-dire la <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-environ-102017-025941">décroissance de la production matérielle</a>, soit enfin prise au sérieux par les dirigeants politiques, n’en déplaise aux apologistes du « progrès » technique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158042/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la Chaire Énergie & Prospérité.</span></em></p>En ne prenant pas assez en compte les mécanismes de l’effet rebond, les modèles climatiques et énergétiques surévaluent les économies d’énergie vraiment réalisables.Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1549692021-02-16T19:26:05Z2021-02-16T19:26:05ZLes pressions sur l’eau, face ignorée de la transition énergétique<p>La question des matériaux utilisés pour produire les technologies bas-carbone (batteries, éoliennes, panneaux solaires, véhicules électrifiés, etc.) est fondamentale, et largement commentée. Celle de la consommation en eau nécessaire à l’extraction des minerais et la fabrication de ces technologies est beaucoup moins abordée, alors qu’elle est pourtant essentielle.</p>
<p>On parle en effet des pressions sur l’eau dans le cadre des usages agricoles, de l’élevage et plus <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10021-011-9517-8">particulièrement de la production de viande</a>, mais peu quand il s’agit du déploiement des technologies bas carbone. Dans un monde de plus en plus contraint par la ressource hydrique, cet enjeu va pourtant devenir incontournable, et l’est d’ailleurs déjà dans certaines régions.</p>
<p>Aux effets connus du réchauffement climatique <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-019-0456-2">sur le cycle de l’eau</a> s’ajoutent les <a href="https://www.fao.org/aquastat/en/overview/methodology/water-use">pressions anthropiques croissantes</a> exercées sur les ressources en eau : entre 1900 et 2010, les prélèvements au niveau mondial ont été multipliés par plus de 7 alors que la population n’a été multipliée sur la même période « que » par 4,4. Certaines zones se retrouvent ainsi en état de fort stress hydrique, augurant des conflits d’usages croissants entre l’agriculture, l’industrie et la population, voire des tensions au niveau international.</p>
<h2>L’eau et les métaux de la transition</h2>
<p>Les technologies de la transition énergétique sont complexes et consomment certains matériaux en grande quantité. <a href="https://theconversation.com/les-materiaux-de-la-transition-energetique-le-lithium-105429">Le lithium</a>, le <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cobalt-transition-energetique-quels-risques-dapprovisionnements">cobalt</a> ou encore le nickel sont ainsi devenus les métaux vedettes des batteries lithium-ion utilisées dans les véhicules électriques. <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cuivre-transition-energetique-metal-essentiel-structurel-et-geopolitique">Le cuivre</a>, déjà omniprésent dans notre quotidien, pourrait voir sa demande exploser en relation avec les nouvelles mobilités mais également avec le solaire photovoltaïque (PV).</p>
<p>De manière globale, la dynamique de transition énergétique mondiale ne pourra se réaliser qu’à travers <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/transition-energetique-bas-carbone-quelles-evolutions-geopolitique-lenergie">l’intensification des extractions minières à travers le monde</a> et donc engendrer une augmentation de la consommation d’eau.</p>
<p>À l’échelle d’un pays, le secteur minier se trouve souvent <a href="http://pdf.wri.org/working_papers/mine_the_gap.pdf">bien loin derrière l’agriculture</a> ou même d’autres secteurs industriels (au <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301420718301193">Pérou</a>, par exemple, il pèse pour environ 1 % de la consommation en eau du pays contre presque 89 % pour l’agriculture). Il n’en demeure pas moins un important consommateur, notamment lors des phases d’extraction et de traitement des minerais et génère de nombreuses externalités sur l’eau (déversements de substances, drainages acides, etc.).</p>
<p>En outre, pour bon nombre de métaux étudiés, la production minière ou les activités de transformation sont effectuées dans des pays où la pression sur la ressource en eau est déjà forte et pour lesquels la situation hydrique n’est pas, dans l’état actuel des choses, amenée à s’améliorer dans les décennies à venir.</p>
<p>Très gourmande en eau, l’industrie des terres rares illustre bien cette problématique. <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/les-terres-rares-transition-energetique-quelles-menaces-les-vitamines-lere-moderne">Nos résultats</a> révèlent en effet une pression accrue sur les ressources en eau dans au moins deux pays déjà soumis à des épisodes de fort stress hydrique : la Chine et l’Australie. Dans un scénario climatique contraint, la consommation en eau de l’industrie australienne des terres rares en 2050 représenterait plus de deux tiers (69,2 %) du prélèvement en eau de l’ensemble des secteurs industriels en 2015 ou encore 11,2 % de l’eau prélevée au total en 2015 dans le pays.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383244/original/file-20210209-15-11dxs6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Classement des pays dans la production minière mondiale de certains métaux pour l’année 2020 et niveau de stress hydrique attendu en 2040.</span>
<span class="attribution"><span class="source">World Resource Institute, 2015 ; USGS, 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or les terres rares ne sont pas les seuls éléments concernés par la politique minière volontariste de l’Australie : celle-ci figure dans le top 5 des producteurs mondiaux pour le lithium, le nickel, le cuivre le cobalt ou encore l’aluminium. On ne peut alors qu’imaginer <a href="https://ofb.gouv.fr/documentation/eau-et-milieux-aquatiques-les-chiffres-cles-edition-2020">l’empreinte eau du secteur minier</a> dans un pays où les épisodes de sécheresse s’intensifient.</p>
<p>Bien que moins alarmant, le constat est similaire pour la Chine : la plus grande réserve de terre rares au monde – Bayan Obo en Mongolie intérieure – est située dans une zone de stress hydrique qualifié de « extrêmement élevé ».</p>
<h2>Des conflits sur l’eau de plus en plus fréquents</h2>
<p>Dans de nombreux autres pays miniers, les conflits autour de la ressource en eau représentent déjà une menace.</p>
<p>Au Chili par exemple, les activités d’extraction (cuivre et lithium) se concentrent dans le nord du pays, zone parmi les plus arides au monde. Ces dernières années, on constate un renforcement de la mobilisation des populations indigènes et des groupes environnementaux, appuyés récemment par le régulateur environnemental chilien, qui dénoncent l’épuisement de l’aquifère situé dans la zone du désert d’Atacama et les dommages causés aux écosystèmes. Les batailles juridiques se multiplient et ralentissent des projets miniers, comme celui de « Rajo Inca », un projet à 1,2 milliard de dollars mené par Codelco.</p>
<p>Malgré ses ressources en eau, le Pérou <a href="https://www.2030wrg.org/peru/background/">est soumis à un fort stress hydrique</a> en raison de leur inégale répartition, des pollutions diverses et de la fonte des glaciers de la région andine. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301420718301193">La rareté de l’eau et les investissements miniers</a> élevés seraient les deux facteurs qui augmentent la prédisposition aux conflits dans la région. L’empreinte environnementale du secteur minier apparaît ainsi « la goutte de trop » : la <a href="http://cooperaccion.org.pe/wp-content/uploads/2016/10/GOBERNANZAAGUA.pdf">pollution de 16 des 21 fleuves les plus contaminées</a> serait due aux activités minières ou industrielles présentes ou passées selon l’Autorité nationale de l’eau (ANA).</p>
<h2>La désalinisation, fausse bonne idée ?</h2>
<p>La multiplication des conflits et la raréfaction de cette ressource mettent en péril les activités minières et demandent aux entreprises du secteur d’anticiper, de s’adapter et d’innover.</p>
<p>En réponse au défi de l’eau, ces dernières cherchent notamment à réduire leur consommation en améliorant l’efficacité de leurs procédés d’exploitation ou de transformation. Le développement d’un procédé innovant d’extraction directe du lithium adapté aux eaux des salars d’Argentine par <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/innovation-et-industrie/nos-expertises/climat-et-environnement/metaux-critiques-et-terres-rares/nos-solutions">IFP Energies Nouvelles et Eramet</a> illustre par exemple ce type de défis. L’entreprise chilienne SQM, spécialisée dans le lithium souhaite ainsi grâce à ses innovations réduire sa consommation en eau de 30 % d’ici 2030.</p>
<p><a href="https://www.cochilco.cl/Listado%20Temtico/2020%2010%2030%20Consumo%20de%20agua%20en%20la%20mineria%20del%20cobre%20al%202019_version%20final.pdf">Dans l’industrie du cuivre</a>, l’amélioration des processus de recyclage de l’eau a permis de faire passer la part d’eau recyclée dans la consommation totale du secteur de 72,7 à 76,4 % entre 2018 et 2019.</p>
<p>Une autre option connaît un franc succès dans la région ces dernières années : le recours à la désalinisation. Cochilco (la Commission chilienne du cuivre) estime ainsi que l’utilisation d’eau de mer <a href="https://www.cochilco.cl/Listado%20Temtico/2020%2010%2030%20Consumo%20de%20agua%20en%20la%20mineria%20del%20cobre%20al%202019_version%20final.pdf">devrait plus que tripler</a> à l’horizon 2029.</p>
<p>La <a href="https://www.mckinsey.com/industries/metals-and-mining/our-insights/desalination-is-not-the-only-answer-to-chiles-water-problems">viabilité d’une telle stratégie</a> interroge toutefois dans la mesure où les installations de pompage, de traitement de l’eau de mer et d’acheminement de l’eau sur des milliers de kilomètres à travers les Andes supposent des investissements ainsi qu’une consommation en matériaux et en énergie conséquente. En bref, un procédé énergivore et à forte intensité matière.</p>
<p>L’exploitation des aquifères grâce aux procédés de forage est une autre des possibilités exploitées pour faire face au manque d’eau. Début 2020, au plus fort de la sécheresse australienne, Glencore optait ainsi pour cette dernière solution <a href="https://www.wsj.com/articles/australia-is-dry-as-a-bone-and-miners-need-water-to-stay-afloat-11579170604">afin d’alimenter en eau</a> sa mine CSA de cuivre située en <a href="https://www.wsj.com/articles/australia-is-dry-as-a-bone-and-miners-need-water-to-stay-afloat-11579170604">Nouvelle-Galles du Sud</a>. Là aussi, ces forages effectués pour exploiter des eaux souterraines déjà menacées interrogent.</p>
<h2>L’empreinte eau, un indicateur mal connu</h2>
<p>Dans ce contexte, l’enjeu de la consommation en eau devrait faire l’objet d’une sensibilisation plus importante auprès des citoyens pour aller dans le sens d’une plus grande sobriété. Il est notamment incarné par la notion d’empreinte eau, qui pour une population donnée correspond à la quantité d’eau utilisée sur le territoire pour répondre à l’ensemble de ses besoins. Elle incorpore ainsi, en plus de l’eau du robinet consommée, celle nécessaire à la production des biens et des services produits sur le territoire national mais également importés.</p>
<p>L’empreinte eau des citoyens des pays de l’OCDE est, en moyenne, plus élevée que celle des pays hors-OCDE. Celle d’un Français est par exemple supérieure à 200m3/habitant/an alors qu’elle est de 167m3/habitant/an au niveau mondial.</p>
<p>Plus encore, il s’avère que l’empreinte eau française est environ trois fois supérieure au volume d’eau consommé à l’échelle domestique. À l’instar de l’empreinte carbone, une large portion du bilan en eau d’un français vient du fait que la consommation d’eau pour produire les biens et services importés en France est supérieure à celle des biens et services exportés de France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384017/original/file-20210212-15-mxboyi.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison international des volumes d’eau consommée par personne et de l’empreinte eau, moyenne 1995–2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après les données de base de données EXIOBASE3.7 ; MTES, 2020</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette non-prise en compte de l’empreinte eau accentue le décalage entre la perception de l’usager sur sa consommation et la réalité des impacts de son mode de vie sur la ressource en eau. Cette perception est d’autant plus aggravée qu’il existe une forte tolérance vis-à-vis des <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/eau/isr-rse/en-france-20-du-reseau-d-eau-fuit-et-c-est-un-probleme-ecologique-148759.html">fuites d’eau potable des canalisations</a> (environ 20 % de l’eau serait perdue) par les citoyens et les opérateurs, évitant à ces derniers d’investir massivement dans la maintenance des infrastructures.</p>
<p>Comme pour la sobriété énergétique ou en matériaux, une modification des comportements d’achats est nécessaire et elle passera par une meilleure information du consommateur avec, par exemple, un étiquetage obligatoire du contenu en eau des produits.</p>
<h2>Recycler les minerais</h2>
<p>L’empreinte environnementale relative à l’eau des minerais recyclés est bien inférieure à celle des minerais directement extraits du sous-sol. La consommation en eau peut être divisée par 5 dans le cas des terres rares, par 10 dans le cas du cuivre ou même par 20 dans le cas du cobalt. Lorsque l’on sait que <a href="https://globalewaste.org/">seulement 42,5 % du total des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE)</a> ont été recyclés au sein de l’Union européenne à 28 en 2019, la promotion de la collecte et du recyclage apparaît être un levier intéressant à mobiliser.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=229&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=229&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=229&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383247/original/file-20210209-19-l65zu3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=288&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quantité d’eau utilisée pour l’extraction de minerai ou la réutilisation de déchets de l’industrie minière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sverdrup and Koca, 2016</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La mise en place par les pouvoirs publics de politiques publiques allant dans le sens d’une économie circulaire pourrait par ailleurs être porteuse de bénéfices allant au-delà de la réduction de la pression sur les ressources.</p>
<p>Selon l’Institut de l’économie circulaire, elle permettrait la <a href="https://institut-economie-circulaire.fr/wp-content/uploads/2018/01/2015_iec_etude_emploi.pdf">création ou le renforcement de filières créatrices d’emplois</a>, argument d’autant plus pertinent dans le contexte de la crise économique générée par la pandémie de la Covid-19. Elle permettrait également de renforcer la souveraineté de l’État français et plus largement des pays de l’Union européenne dans leur approvisionnement en métaux critiques.</p>
<p>Enfin, appuyer la recherche et l’innovation autour des procédés industriels de pointe est également un levier pour améliorer la gestion de l’eau dans le secteur tout en consolidant le rayonnement des entreprises françaises à l’international.</p>
<h2>L’or bleu : bien commun ou bien privé ?</h2>
<p>L’industrie minière, mais également les populations vont aussi devoir faire face à l’augmentation de l’incertitude autour des conditions d’accès à l’or bleu. On voit en effet deux phénomènes antagonistes se développer.</p>
<p>D’une part, on observe un mouvement de marchandisation de la ressource en eau dont la dernière manifestation hautement symbolique est <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/les-contrats-futurs-sur-leau-sechangent-pour-la-premiere-fois-a-la-bourse-de-chicago-1388069">l’introduction d’un contrat à terme sur l’eau</a> sur le Chicago Mercantile Exchange fin 2020.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1202085416909836294"}"></div></p>
<p>D’autre part, certaines populations ou collectivités revendiquent l’eau en tant que <a href="https://news.un.org/fr/story/2010/07/190352-lassemblee-generale-declare-que-lacces-leau-potable-est-un-droit-fondamental">droit humain fondamental</a> et entendent s’opposer à l’accaparement de celle-ci par le secteur privé.</p>
<p>Parmi les pays évoqués ici, le Chili est un exemple évocateur. Plébiscité par le peuple chilien, le <a href="https://dialogochino.net/en/climate-energy/38578-chile-opens-the-door-for-an-ecological-constitution/">projet de nouvelle constitution</a> pourrait redonner à l’eau, privatisée depuis 1981, le statut de bien commun, ce qui engendrera des incertitudes pour le secteur minier.</p>
<p>Ce mouvement de réappropriation de l’eau en tant que bien public est également observable dans certains pays occidentaux. C’est par exemple ce qu’il s’est passé à Paris avec la remunicipalisation du service public de l’eau en 2009 et, depuis 2010, la régie Eau de Paris en assure toute la distribution.</p>
<p>Bien qu’elle soit un modeste usager d’eau à côté du secteur agricole, l’industrie minière devra, comme tous les autres secteurs, composer dans un monde où le spectre de la <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/water-action-decade/">crise de l’eau redoutée par les Nations-Unies</a> risque de devenir bien réel et où chaque goutte d’eau consommée comptera.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154969/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet Generate (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) entre 2018 et 2020. Il est chercheur associé au laboratoire Economix de l’Université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charlène Barnet et Gondia Sokhna Seck ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les technologies bas-carbone nécessaires à la transition énergétique ne sont pas seulement gourmandes en métaux, mais également en eau.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceCharlène Barnet, Économiste, IFP Énergies nouvelles Gondia Sokhna Seck, Spécialiste en modélisation et analyse des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1517752020-12-17T19:35:11Z2020-12-17T19:35:11ZSobriété : à quand un Yuka pour comparer les matériaux dans nos produits ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375655/original/file-20201217-17-1ghcxtt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une consommation durable passe notamment par une information claire sur les contenus en matériaux de nos achats. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-man-stands-behind-his-laptop-1051249994">shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans un article récent, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-etiquettes-energie-ont-elles-encore-change-150785">Corinne Faure et Joachim Schleich</a> s’interrogeaient sur les changements opérés sur les étiquettes énergétiques des produits électroménagers, ces adhésifs censés guider les consommateurs dans leurs achats pour accélérer le déploiement des produits les moins énergivores. En parallèle des politiques d’intégration des énergies renouvelables, la recherche d’efficacité énergétique est au centre des préoccupations actuelles des politiques européennes dans le cadre de la dynamique de transition énergétique.</p>
<p>En 2007, l’Union européenne avait fixé un objectif d’efficacité énergétique de <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/69/efficacite-energetique">20 % en 2020</a>, objectif revu à la hausse en 2018 dans la politique « Une énergie propre pour tous les Européens » avec une cible de 32,5 % en 2030. Si de nombreuses politiques européennes ou nationales se focalisent sur la question énergétique, la question des matériaux de la transition et plus globalement de nos consommations de matériaux dans la vie quotidienne est souvent reléguée au second plan.</p>
<p>Pourtant, le seul secteur de l’extraction et de la production des métaux contribuerait à environ 16 % de la consommation énergétique mondiale. En outre, selon un rapport publié en 2019 par l’<a href="https://www.oecd.org/environment/waste/highlights-global-material-resources-outlook-to-2060.pdf">OCDE</a>, la consommation mondiale de matériaux (métaux, énergies fossiles, biomasse, matériaux non métalliques), évaluée à 33 kg par jour et par personne, devrait être portée à environ 45 kg à l’horizon 2060. Et l’ensemble des zones économiques mondiales devrait être touché.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374411/original/file-20201211-23-1xu599u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Croissance du PIB et croissance de la consommation de matériaux entre 2011 et 2060.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OCDE</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les travaux réalisés sur les matériaux de la transition énergétique à <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/les-metaux-transition-energetique">IFP énergies nouvelles</a> ont notamment permis de mettre en exergue l’importance de certains métaux pour les technologies bas-carbone et ont mis en évidence des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">criticités</a> différenciées selon les matériaux.</p>
<p>Ainsi, en l’absence de technologies de rupture, le <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cuivre-transition-energetique-metal-essentiel-structurel-et-geopolitique">cuivre</a> et le <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cobalt-transition-energetique-quels-risques-dapprovisionnements">cobalt</a> pourraient être fortement critiques à l’horizon 2050 dans des scénarios climatiques ambitieux, au contraire de métaux plus traités dans l’actualité quotidienne comme le lithium et les terres rares.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=116&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=116&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=116&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=145&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=145&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374544/original/file-20201211-16-1aarneq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=145&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ratio maximum de la demande cumulée de matériaux à l’horizon 2050 rapporté aux ressources prouvées en 2010. Les chiffres se lisent de la manière suivante : pour le cobalt, dans un scénario 4 °C, la demande cumulée mondiale représentera 64 % des ressources prouvées mondiales en 2010, contre 83,2 % dans un scénario 2 °C.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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</figure>
<p>Au-delà de la question de la criticité se pose la question de la place des matériaux et des matières premières en général dans l’économie et dans la perception des citoyens, lors de leurs actes d’achats quotidiens.</p>
<h2>Les matières premières, une préoccupation cyclique</h2>
<p>Objet central de l’économie à travers l’allocation des ressources, les matières premières ont été le centre de préoccupations au XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècle des premiers classiques (Malthus, Ricardo) et de certains marginalistes, notamment Jevons avec son ouvrage <em>The Coal Question</em> qui mit en évidence la notion d’effet rebond. Elles sont réapparues à la fin des années 1960 avec la question de l’épuisement des ressources naturelles dans les préoccupations du Club de Rome.</p>
<p>Dans le contexte des Trente Glorieuses (1945-1975) qui avait vu une hausse rapide du niveau de vie dans les pays développés et une utilisation massive des ressources dans le processus de reconstruction et d’urbanisation, les travaux du Club de Rome étaient apparus comme divergentes du paradigme économique d’abondance des matières premières, négociables à faible coût au niveau mondial.</p>
<p>Commandé en 1970 et publié en 1972, le rapport Meadows, <a href="https://clubofrome.org/publication/the-limits-to-growth/"><em>Les limites à la croissance</em></a>, avait exposé, pour la première fois, un risque de pénurie de matières premières sur la base de scénarios à long terme. Le rapport trouvera une résonance particulière avec les évènements observés sur les marchés de matières premières agricoles et énergétiques durant la décennie 1970, et suscitera des interrogations plus larges en matière de politiques publiques avec la mise en avant du concept global de sécurité d’approvisionnement.</p>
<h2>Le XXIᵉ siècle, libéré de la question ?</h2>
<p>Toutefois, les marchés de matières premières vont avoir tendance à disparaître des préoccupations majeures des industriels et des économistes durant la décennie 1980, avec la baisse des prix généralisée. Un nouveau changement de paradigme s’installe durant les années 1990, symbolisé par la montée en puissance du secteur des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC). La dématérialisation progressive des économies et leur tertiarisation devaient, croyait-on à l’époque, marquer la fin de la dépendance aux matières premières.</p>
<p>Enfin libérée, l’économie mondiale allait, via Internet et la « nouvelle économie », s’épanouir en s’émancipant du contenu matières de ses approvisionnements, et ce d’autant plus que les prix des matières premières avaient touché, en cette fin de siècle, les niveaux les plus bas jamais enregistrés. La crise asiatique avait ainsi provoqué l’effondrement des prix du pétrole à moins de 10 dollars le baril, alors que dans le même temps, certaines sociétés des NTIC voyaient leur valorisation multipliée par 100 en quelques semaines sur la seule perspective de gains futurs. Cet « oubli » de la question des matières premières aura notamment pour conséquence un désintérêt des investisseurs pour le secteur minier et un mouvement profond de rationalisation des principales activités industrielles, particulièrement dans le secteur des métaux non-ferreux.</p>
<h2>Les matériaux critiques, enjeu de la transition</h2>
<p>L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce en décembre 2001 et son modèle d’industrialisation durant la décennie 2000 sont l’occasion d’un retour de la préoccupation à l’égard des matières premières dans l’économie planétaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1055000305820143616"}"></div></p>
<p>La dynamique de transition énergétique actuelle place également les matières premières au centre du jeu économique et géopolitique mondial. Avec le déploiement des technologies bas-carbone (éolien, solaire et stockage) et en raison de leur contenu en matériaux plus important que les technologies traditionnelles (centrales et véhicules thermiques), la transition énergétique contribuerait à une hausse marquée de la demande en matériaux et pourrait bouleverser la géopolitique des marchés de matières premières. Dans ce contexte, les politiques publiques de mobilité soutenable et d’investissements dans les filières du recyclage apparaissent essentielles.</p>
<p>Les politiques de recyclage constituent par exemple un levier fondamental pour la réduction de la criticité sur les métaux. Elles permettent un double dividende stratégique en diminuant les importations de matériaux (et donc le déficit de la balance commerciale) et les impacts environnementaux. Les matériaux issus du recyclage enregistrent en effet une baisse relative de la consommation en énergie, en eau et une décrue des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour la production de métaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374413/original/file-20201211-13-1nbnkx4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quantité d’eau et d’énergie utilisée pour l’extraction de minerai ou la réutilisation de déchets de l’industrie minière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sverdrup and Koca, 2016</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Pour un Yuka des matériaux</h2>
<p>L’action publique doit ainsi favoriser l’ensemble des leviers permettant de diminuer les pressions sur les ressources en informant les consommateurs sur l’importance de leurs décisions. <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/01/le-sulfureux-parcours-du-telephone-portable-des-mines-aux-filieres-clandestines-de-dechets_5006655_3244.html">Un article publié dans <em>Le Monde</em> en 2016</a> pointait du doigt que « sur les 25 millions de téléphones portables mis sur le marché en France chaque année, seuls 15 % étaient collectés pour être réparés, réemployés ou recyclés ».</p>
<p>À l’heure actuelle, l’encouragement à la sobriété matériaux devrait être central dans l’accompagnement du citoyen dans le contexte de transition bas carbone. La notion bas carbone n’est pourtant pas associée dans la perception des acteurs économiques et des décideurs à la minimisation de la consommation de matériaux. Or cet enjeu est essentiel pour aller vers une société globalement sobre. D’un comparateur de contenu à celui d’un affichage obligatoire pour les produits de consommation courante, diverses initiatives peuvent être mises en place. Ces actions nécessiteraient l’établissement d’une méthodologie claire à l’image de celle développée par Yuka dans l’alimentation.</p>
<p>Ces initiatives auraient en outre un effet bénéfique sur la compréhension des politiques européennes sur le sujet. En septembre 2020, la Commission européenne a publié <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1542">sa liste des matériaux critiques</a> pour l’Union européenne. Mise à jour tous les 3 ans depuis 2011, elle donne les matériaux considérés comme critiques pour l’Union et les politiques à instaurer. Mais qui en dehors des industriels et des milieux économiques sait que 30 matériaux font désormais l’objet d’études au niveau européen, contre 14 en 2011 ? Ce type d’initiatives rapprocherait l’Union européenne et le citoyen en informant ce dernier de façon claire.</p>
<p>Plus généralement, les politiques de transition écologique ne pourront faire abstraction d’une véritable réflexion sur la sobriété, non seulement énergétique mais également en matériaux. Le bannissement du jetable, une législation sur le délit d’obsolescence programmée sont autant de politiques indispensables pour s’acheminer vers une planète plus sobre en ressources. La dynamique collective et citoyenne devrait pouvoir s’appréhender avec une information claire sur les contenus en matériaux de nos achats, nous transformant ainsi en <em>consom’acteur</em> responsable.</p>
<p>En parallèle de narratifs prospectifs sur un monde sobre en ressources à l’horizon 2050, la sobriété de nos sociétés exige une politique d’apprentissage des différents acteurs, entreprises et consommateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) entre 2018 et 2020. Il est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charlène Barnet et Gondia Sokhna Seck ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>On parle beaucoup de sobriété énergétique, mais la sobriété des matériaux est aussi essentielle pour diminuer la pression sur les ressources.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceCharlène Barnet, Economiste, IFP Énergies nouvelles Gondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1335342020-03-12T18:07:53Z2020-03-12T18:07:53ZPétrole, coronavirus, OPEP et Russie : la valse à quatre temps<p>Le lundi 9 mars 2020 devrait rester dans les annales des évènements survenus sur le marché pétrolier puisqu’il a précipité les cours du pétrole à <a href="https://www.20minutes.fr/economie/568473-20081219-economie-le-petrole-est-passe-sous-les-33-dollars">environ 33 dollars</a> le baril (un niveau inobservé depuis début 2016), soit une baisse de près de 25 % par rapport au vendredi 6 mars. Si le marché pétrolier avait déjà observé une lente diminution de ses cours depuis fin 2019 (à environ 55 dollars le baril en moyenne en février 2020, contre 65 dollars en décembre 2019), cet effondrement des prix constitue la deuxième plus forte baisse enregistrée depuis la création du marché dans les années 1980.</p>
<p>Une baisse des prix de l’or noir est généralement considérée comme une bonne nouvelle pour l’économie mondiale. En effet, elle est généralement synonyme de gains en pouvoir d’achat pour les particuliers et pour les industries consommatrices de pétrole. Toutefois dans le contexte actuel, l’optimisme ne semble pas être de rigueur puisque la baisse des prix observée est due à une conjonction de facteurs affectant le marché pétrolier.</p>
<h2>Choc d’offre</h2>
<p>À un choc de demande issu de la propagation du coronavirus et des mesures de confinement imposées notamment par la Chine s’est superposé un choc d’offre issu des conséquences de la décision de l’Arabie saoudite et de la Russie de cesser leur coopération sur le marché, précipitant ainsi l’effondrement des cours et ce, d’autant plus que l’offre était déjà excédentaire sur le marché pétrolier au premier semestre 2020.</p>
<p>Dans ce contexte, c’est le spectre d’une récession mondiale liée à l’atonie virale des économies en raison des mesures de confinement (suite au Covid-19) accentuée par une nouvelle guerre des prix qui plane sur le marché pétrolier mondial.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320153/original/file-20200312-111242-kirr8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des prix du baril de Brent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Reuters</span></span>
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</figure>
<p>L’effondrement récent des cours du pétrole trouve son origine dans <a href="https://lenergeek.com/2020/03/09/opep-cours-petrole-effondrent-russie-arabie-saoudite/">l’échec des négociations</a> entre l’Arabie saoudite et la Russie sur la poursuite de la politique de collaboration initiée depuis 2017 sur le marché.</p>
<p>La réunion de l’OPEP+ (quatorze pays de l’OPEP et neuf extérieurs à l’organisation) qui s’est tenue le vendredi 6 mars devait ainsi discuter d’une baisse collective supplémentaire de la production pour environ 1,5 million de barils sur l’année 2020, cette dernière s’ajoutant aux 2,1 millions de barils déjà opérés sur le marché.</p>
<p>L’Arabie saoudite jugeait en effet nécessaire de soutenir les prix du pétrole, qui avaient chuté de 30 % depuis le début de l’année en raison de l’épidémie mondiale de Covid-19 qui secoue actuellement l’économie mondiale et affecte directement la demande de brut.</p>
<p>Dans le cadre de ces négociations, la Russie a accepté de prolonger l’accord initial de réduction de production jusqu’à fin 2020, mais a refusé toute baisse supplémentaire de la production. Elle considérait que les prix actuels du pétrole étaient satisfaisants, ayant basé ses prévisions budgétaires sur un baril de Brent à 42 dollars. Elle souhaitait ainsi maintenir sa production afin de conserver ses parts de marché face aux producteurs de schiste américains.</p>
<p>Pourtant le nouvel accord de réduction de la production prévoyait une réduction d’environ 1 million de barils pour les pays de l’OPEP, le reste, environ 500 000 devant être partagé entre les autres pays producteurs. Le ministre russe de l’Énergie, Alexander Novak, a ainsi porté un coup dur à l’organisation qui, depuis 2016 avec la création de l’OPEP+, contrôlait près 50 % de la production mondiale de pétrole et a permis au prix du brut d’augmenter en moyenne de plus de 14 % sur les trois dernières années.</p>
<p>Même si la majeure partie des accords de réduction a été prise en charge par l’Arabie saoudite, et que le groupe a bénéficié de la baisse de la production en Iran, en Libye et au Venezuela, la Russie avait jusqu’à présent relativement bien suivi les recommandations de la coalition (taux de conformité en février de 81 %). En refusant d’accepter la nouvelle proposition de l’OPEP, la Russie semble donc vouloir mettre fin à l’OPEP+.</p>
<h2>Guerre des prix</h2>
<p>En conséquence, l’accord actuellement en vigueur sur la réduction de la production de 2,1 millions de barils par jour (mb/j) expirera fin mars et les pays producteurs pourront alors en théorie augmenter leur production. On pourrait donc de nouveau rentrer dans une période de concurrence agressive (comme en 2014), où chaque producteur tente de maintenir sa part de marché en maximisant sa production et en baissant ses prix.</p>
<p>L’Arabie saoudite a réagi immédiatement et déclenché une guerre des prix en réduisant le week-end dernier le prix de vente officiel pour le mois d’avril de l’Arabian light de 4 à 6 dollars le baril pour l’Asie et 7 pour les États-Unis (la plus forte baisse de prix en vingt ans) ainsi qu’en annonçant une augmentation de leur production de 25 % à 12,3 mb/j pour le mois prochain.</p>
<p>La situation observée actuellement sur le marché n’est pas sans rappeler l’épisode de 2014-2105, une période durant laquelle le prix du pétrole était passé d’environ 110 dollars le baril à moins de 35 dollars, ou de manière plus lointaine lors du contre-choc pétrolier de 1986.</p>
<p>L’ensemble des décisions prises par Moscou et Riyad semblent avoir une finalité commune : briser le triumvirat Arabie saoudite – États-Unis – Russie en réduisant la production de pétrole non conventionnel sur le sol américain. En effet, redevenus premier producteur mondial, ces derniers ont bouleversé la géopolitique pétrolière avec l’augmentation continue de leur production entre 2012 et 2019 (d’environ 6 à 13 mb/j). Or, un contexte de prix bas à moyen terme pourrait obérer la capacité des États-Unis à maintenir leur production, les coûts de production dans le pétrole non conventionnel étant sensiblement supérieurs à ceux observés dans le pétrole conventionnel.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320091/original/file-20200312-111300-8pw7rn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Production de pétrole non conventionnel aux États-Unis, investissements et flux de trésorerie disponibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IEA</span></span>
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<p>Bien que certains acteurs puissent générer des profits en se focalisant sur les champs les plus productifs, <a href="https://ogst.ifpenergiesnouvelles.fr/articles/ogst/full_html/2019/01/ogst190315/ogst190315.html">90 % des producteurs indépendants américains n’ont toujours pas généré de cash-flow positifs</a> sur une année entière et près de 185 sous-traitants pétroliers se sont déclarés en faillite depuis 2015.</p>
<p>Le cabinet Rystad prévoit ainsi une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/les-compagnies-petrolieres-vont-massivement-tailler-dans-leurs-depenses-1184374">baisse des investissements</a> en exploration et production de 100 milliards de dollars, dont près de 65 milliards directement dans le pétrole non conventionnel aux États-Unis. Dans le contexte d’année électorale, cette nouvelle donne, si elle se poursuit, pourrait porter un coup dur à l’industrie pétrolière aux États-Unis et bouleverser l’échiquier de la politique intérieure américaine.</p>
<p>Le gouvernement a d’ailleurs immédiatement réagi et envisage un <em>package</em> pour <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200311.OBS25920/trump-envisage-de-soutenir-les-producteurs-de-petrole-de-schiste-et-ca-deplait-aux-democrates.html">aider l’industrie pétrolière américaine</a>, un mouvement qui s’accompagne d’une baisse des taux d’intérêts directeurs aux États-Unis.</p>
<p>La fin probable de l’OPEP+ arrive à un moment où le marché est fortement déstabilisé par l’épidémie de coronavirus et par ses conséquences sur l’activité mondiale. En effet, la décélération de l’activité chinoise en raison des mesures drastiques de confinement avait déjà porté un coup d’arrêt à la croissance de la demande mondiale de pétrole début 2020 dans un contexte où l’offre était déjà excédentaire sur le marché. En 2019, la Chine représentait près de 80 % de la croissance enregistrée sur le marché. Premier importateur mondial de pétrole avec environ 10 mb/j, la <a href="https://www.spglobal.com/platts/en/market-insights/latest-news/oil/011420-china-data-2019-crude-imports-grow-95-to-102-mil-bd-despite-dec-dip">Chine est un acteur majeur sur le marché</a>.</p>
<h2>Un baril à 20 dollars ?</h2>
<p>Dans son dernier <a href="https://www.iea.org/reports/oil-market-report-march-2020">rapport</a> publié le 9 mars, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a proposé trois scénarios de prévision de demande de pétrole pour l’année 2020. Dans son scénario central, l’AIE considère que la demande mondiale de pétrole devrait se contracter d’environ 90 000 barils/jour. L’agence considère ainsi que la propagation du coronavirus serait maîtrisée au cours du premier trimestre en Chine et que, malgré l’extension à d’autres zones (Europe, États-Unis, Iran, Corée, Japon, etc.), les conséquences sur la consommation de pétrole deviendraient plus limitées.</p>
<p>Le scénario pessimiste prévoit, de son côté, une baisse de la demande pétrolière de 730 000 barils par jour en 2020 et prend en compte une propagation du coronavirus en Europe, en Asie et dans d’autres zones économiques mondiales et un lent rétablissement des économies dans les trimestres à venir.</p>
<p>Quant au scénario optimiste, il anticipe une croissance limitée de la demande à 480 000 barils/jour en raison d’une faible extension de la contagion du virus en Europe, en Asie et aux États-Unis. Dans ce scénario, l’AIE considère limitées les restrictions dans le secteur transport.</p>
<p>Les analystes et les banques ont, pour la plupart, revu à la baisse leur prévision de demande mondiale de pétrole. Ainsi, la banque Goldman Sachs qui anticipait une croissance de la demande mondiale de pétrole de 1,1 million de barils fin 2019, a <a href="https://www.spglobal.com/platts/en/market-insights/latest-news/oil/030420-global-oil-demand-set-to-decline-in-2020-as-covid-19-spreads-analysts">révisé à la baisse</a> ses estimations à 550 000 barils en février et se positionne désormais pour une baisse de 150 000 barils.</p>
<p>La banque estime également que la guerre des prix déclenchée par l’Arabie saoudite pourrait faire glisser les cours du pétrole autour de <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-03-08/goldman-warns-oil-could-dip-into-the-20s-as-price-war-begins">20 dollars le baril</a> ! La plupart des analystes anticipe donc une baisse de la demande mondiale de pétrole en 2020, une première depuis 2009 et la récession provoquée par la crise économique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1236780033705947137"}"></div></p>
<h2>Des États dépendants du pétrole</h2>
<p>Pour les pays producteurs, la guerre des prix déclenchée par l’Arabie saoudite pourrait être source de profondes instabilités. Ces pays se trouvent en effet confrontés à de nombreuses incertitudes dans la dynamique de transition énergétique actuelle.</p>
<p>Les interrogations sur la demande future et sur le niveau des prix, qui évolueront en fonction de la rapidité de la transition, rendent fragile la position des États exportateurs d’hydrocarbures.</p>
<p>Ce contexte de transition rend nécessaire une redéfinition de leur modèle économique. La politique menée à l’heure actuelle par l’Arabie saoudite n’est ainsi pas compatible avec sa volonté de diversification économique à travers son <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/le-prince-d-arabie-met-son-plan-vision-2030-sur-orbite-775690.html">plan « Vision 2030</a> » établi en 2016. En effet, ce sont les surplus de recettes pétrolières qui doivent permettre le financement de l’économie d’après pétrole.</p>
<p>Les hydrocarbures représentent ainsi plus des trois quarts des exportations pour 9 des 15 premiers pays exportateurs et ainsi un moyen essentiel à leur intégration sur la scène économique internationale. Si les situations sont diversifiées, il existe une réelle dépendance financière des États aux revenus issus du secteur des hydrocarbures : de <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/vers-geopolitique-lenergie-plus-complexe">25 % du budget pour la Russie, ce chiffre se monte à près de 78 % du budget pour l’Arabie saoudite et 80 % pour le Koweït et le Qatar</a>.</p>
<p>Or, aujourd’hui, le prix du pétrole nécessaire pour équilibrer le budget des États producteurs de pétrole dépassent pour l’ensemble des pays producteurs les 50 dollars. <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/vers-geopolitique-lenergie-plus-complexe">Il s’établissait ainsi à 84 dollars pour l’Arabie saoudite, autour de 50 dollars en Irak, au Koweït et au Qatar et à plus de 100 dollars au Nigeria et au Venezuela</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320097/original/file-20200312-111289-5t5s6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Indicateurs de dépendance des 15 premiers pays exportateurs de pétrole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque mondiale</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce contexte, c’est l’ensemble des plans de diversification qui pourrait être remis en cause, retardant d’autant plus la transformation nécessaire de ces économies. Des cours du pétrole faibles sur le long terme pourraient provoquer la multiplication des troubles sociaux, notamment dans les pays composés d’une population jeune.</p>
<h2>Un frein à la transition énergétique</h2>
<p>Les conséquences sont également monétaires : le rouble s’est ainsi <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/l-euro-progresse-avec-le-krach-petrolier-le-rouble-s-effondre-20200309">déprécié de manière importante</a> dans le sillage de la baisse des prix du pétrole et la monnaie russe a ainsi atteint son plus faible niveau face à l’euro et au dollar depuis 2016.</p>
<p>La baisse des prix du pétrole n’est pas non plus une bonne nouvelle pour la dynamique de transition énergétique mondiale. En effet, les cours du pétrole sont les prix leaders sur les marchés de l’énergie et impactent généralement les prix des autres commodités énergétiques. Dès lors, le marché n’envoie pas les signaux nécessaires pour les investissements dans les énergies renouvelables (ni pour les énergies fossiles d’ailleurs) et, sans supports majeurs des États, ils risquent d’enregistrer une décélération dans les trimestres à venir.</p>
<p>Le travail mené dans le cadre du projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-17-CE05-0024">GENERATE</a> a notamment mis en exergue la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2110701719300332">forte forte dépendance de l’innovation bas-carbone aux prix du pétrole</a>, un lien qui confère une place importante aux pays producteurs d’hydrocarbures dans le contexte de transition énergétique actuel. Seul point positif, les bas prix du pétrole pourraient permettre à de nombreux États de réduire leurs subventions aux énergies fossiles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/320119/original/file-20200312-111300-17thfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la part des brevets dans les énergies renouvelables dans le total des brevets délivrés par les cinq principaux offices de propriété intellectuelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patstat.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les évènements actuels sur le marché pétrolier sont donc porteurs de nombreuses instabilités futures. Véritable cygne noir de l’année 2020, le coronavirus impacte directement l’économie mondiale et les marchés pétroliers. Il met en exergue les rivalités géopolitiques entre les acteurs et pourrait avoir des répercussions majeures dans la politique intérieure de nombreux États.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133534/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme Sabathier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La chute actuelle des cours de l’or noir s’explique par une conjonction de facteurs sur un marché à l’équilibre déjà précaire.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceJérôme Sabathier, Chef du département Economie et évaluation environnementale, direction Economie et Veille, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1195002019-07-11T21:35:15Z2019-07-11T21:35:15ZCuivre : quel avenir pour ce métal essentiel à la transition énergétique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282044/original/file-20190701-105215-1eqh2pf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C163%2C5333%2C3459&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mine de cuivre à ciel ouvert de Rio Tinto, en Andalousie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2MjAxMjgwMCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfNjg0NjU0NjY3IiwiayI6InBob3RvLzY4NDY1NDY2Ny9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiN0R5cFNLZkh3clczNDAvYzhZb3FGcFpHYjBRIl0%2Fshutterstock_684654667.jpg&pi=33421636&m=684654667&src=5tFmipwbhv_I532pXGUdNQ-1-23">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Présentes dans de nombreuses technologies de décarbonation, les matières premières minérales sont essentielles à la transition énergétique. À la fois de manière directe, pour les intégrer dans les technologies, et indirecte, pour les inclure dans un composant lié mais indépendant de la technologie, à l’image des batteries pour les véhicules électriques.</p>
<p>L’ensemble des innovations de décarbonation <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/207371500386458722/The-Growing-Role-of-Minerals-and-Metals-for-a-Low-Carbon-Future">est ainsi dépendant</a> de la <a href="https://www.oecd.org/environment/waste/highlights-global-material-resources-outlook-to-2060.pdf">disponibilité de minerais</a> devenus <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/vers-geopolitique-lenergie-plus-complexe">« stratégiques »</a>.</p>
<p>Si l’on s’appuie généralement sur les exemples du lithium, du cobalt et des terres rares pour illustrer les aspects systémiques de la transition énergétique, il ne faut pas oublier que cette dynamique pourrait, avant tout, engendrer des conséquences majeures sur les grands marchés de métaux non ferreux (aluminium, cuivre, nickel, etc.) ; mais également sur le secteur de l’acier, des granulats ou de l’eau.</p>
<p>Aujourd’hui, le cuivre est utilisé à près de 35 % pour des usages électriques (distribution, transmission et systèmes électriques des bâtiments) et cette part pourrait enregistrer une accélération avec le déploiement des énergies renouvelables.</p>
<p>Dans le contexte de la transition énergétique, cette matière première structurelle semble être un cas d’étude intéressant concernant les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">questions de « criticité »</a> de certaines ressources.</p>
<p>Étant donné que les secteurs de l’électricité et des transports sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, il est crucial de savoir si la disponibilité du cuivre peut constituer un frein au déploiement des technologies bas-carbone.</p>
<h2>Panorama du marché du cuivre</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/282007/original/file-20190701-105172-ejnx6t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Utilisation finale du cuivre en 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IWCC/ICA</span></span>
</figcaption>
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<span class="caption">Production et réserves de cuivre en pourcentage du total.</span>
<span class="attribution"><span class="source">USGS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<span class="caption">Production et réserves de cuivre en pourcentage du total.</span>
<span class="attribution"><span class="source">USGS</span></span>
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</figure>
<p>Le cuivre est utilisé dans de nombreux secteurs, tels que l’industrie de la construction (plomberie, toiture, construction navale et bardage), le secteur de l’énergie (centrales électriques et infrastructures électriques), celui de l’industrie, des transports ou des produits finis : dans de nombreux pays, c’est le principal composant des pièces de monnaie, accessoires pour le logement, chauffe-eau, etc.</p>
<p>Le secteur des biens de consommation (appareils électroménagers, instruments de climatisation et de réfrigération, électronique industrielle et commerciale, et informatique) représente 29 % de la consommation de cuivre, suivi par celui de la construction (25 %), de l’industrie (19 %), de la transmission électrique (15 %) et enfin des transports (12 %).</p>
<p>De fait, le cuivre est largement utilisé dans des applications à longue durée de vie, allant jusqu’à plusieurs décennies. On estime ainsi que les deux tiers du cuivre produit depuis 1900 <a href="http://www.nautilusminerals.com/irm/content/pdf/eartheconomics-reports/earth-economics-may-2015.pdf">étaient encore utilisés en 2010</a>.</p>
<p>Par conséquent, la période pendant laquelle le cuivre peut rester immobilisé dans des produits encore en service constitue un obstacle majeur à sa réutilisation. Ce métal n’est pas uniformément réparti dans la croûte terrestre, comme le montre la répartition géographique des réserves et de la production. Près de la moitié des réserves mondiales sont situées en Amérique centrale et en Amérique du Sud, principalement au Chili et au Pérou.</p>
<h2>Cuivre et transition énergétique mondiale</h2>
<p>Dans de nombreuses régions du monde, la décarbonation des mix énergétiques et électriques est devenue une priorité pour répondre aux objectifs climatiques internationaux et aux problématiques de pollutions locales. Cette dynamique pourrait contribuer à alimenter la demande en cuivre dans les secteurs du transport et de l’électricité au sens large (réseaux et centrales) dans les années à venir.</p>
<p>En outre, la substitution des technologies traditionnelles par des solutions décarbonées aura des conséquences sur la demande en cuivre puisque le contenu en cuivre de ces dernières est plus important que ce soit dans le secteur électrique ou le transport. Ainsi, les principaux moyens de production électrique renouvelables (solaire et éolien) ont des contenus supérieurs en cuivre en puissance installée aux moyens de production carbonés (charbon et gaz).</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Contenu en cuivre des principaux moyens de production électrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ecoinvent. CCGT : Combine Cycle Gas turbine ; PWR : Pressurized Water Reactor ; PV : Photovoltaic</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La même tendance est observée pour les véhicules de transport routier. Par rapport aux véhicules conventionnels, les électriques contiennent trois à neuf fois plus de cuivre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Contenu en cuivre des principales technologies de transport.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GREET2</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Scénarios d’évolution de la demande en cuivre</h2>
<p>Dans le cadre du projet <a href="https://anr.fr/fileadmin/documents/2018/CP-Generate-IFPEN-IRIS-ANR-avril-2018.pdf">Generate</a>, nous avons examiné deux scénarios climatiques afin d’évaluer l’impact de la transition énergétique sur le marché du cuivre :</p>
<ul>
<li><p>le scénario 4 °C qui est cohérent avec la limitation de l’augmentation de la température moyenne mondiale prévue de 2100 à 4 °C ;</p></li>
<li><p>le scénario 2 °C qui est un scénario plus ambitieux, traduisant les objectifs climatiques de limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100.</p></li>
</ul>
<p>Dans les deux scénarios, la capacité de production de cuivre devra augmenter considérablement. Ils tendent à montrer qu’une décarbonation des secteurs électriques et du transport pourrait engendrer une diminution marquée de la marge de sécurité d’approvisionnement en cuivre – c’est-à-dire du rapport entre la consommation cumulée de cuivre entre 2005 et 2055 et les ressources actuelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1112509024568786944"}"></div></p>
<p>La marge de sécurité se situe ainsi à 17,3 % pour le scénario de référence, et à moins de 4 % pour le scénario 2 °C. Pour saisir l’ampleur de ces transformations, les réserves mondiales de cuivre de 2017 devront être multipliées respectivement par 2,2 et par 2,55 entre 2010 et 2055 dans un scénario de 4 °C et 2 °C.</p>
<p>Un effort supplémentaire important sur le développement des réserves de cuivre sera donc nécessaire. Compte tenu de l’évolution historique des réserves de cuivre, l’augmentation semble réalisable. En 1996, l’USGS (<a href="https://www.usgs.gov/">United States Geological Survey</a>) estimait les réserves mondiales de cuivre à 310 Mt. En 2015, l’Institut a révisé ses estimations à 700 Mt. Cette évolution correspond à une multiplication par 2,25 des réserves sur seulement 20 ans, suggérant que les besoins mondiaux en cuivre pourraient probablement être satisfaits d’ici à 2055.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281607/original/file-20190627-76701-1i3r8lx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Demande cumulée de cuivre entre 2010 et 2055 selon deux scénarios climatiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Dans ce contexte, l’Amérique latine pourrait obtenir une rente supplémentaire pour l’extraction de ces ressources (dans un scénario de 2 °C) et les pays de la région qui détiennent la grande majorité des ressources en cuivre (Chili et Pérou) constitueraient un puissant duopole sur le marché du cuivre.</p>
<p>Cet ensemble pourrait toutefois être confronté à une frange concurrentielle de petits producteurs de cuivre. Selon nos résultats, l’Afrique, l’Asie centrale et le Caucase, le Canada, le Mexique, la Russie, les États-Unis et les autres pays en développement d’Asie sont les régions qui disposent de ressources en cuivre suffisantes pour satisfaire leur demande intérieure et exporter vers d’autres régions dans les deux scénarios.</p>
<h2>La question de l’eau au Chili</h2>
<p>Selon notre exercice de modélisation, on peut s’attendre à ce que le Chili renforce son rôle dans la production de cuivre en alimentant la demande mondiale. En ce sens, les ressources en cuivre du pays sont cruciales pour gérer la transition énergétique mondiale. Il serait donc tentant de conclure que le Chili bénéficiera de l’accompagnement de la demande croissante de cuivre.</p>
<p>Pourtant, le secteur de la production du cuivre au Chili pourrait souffrir des limites naturelles de son propre écosystème. L’évolution du secteur chilien du cuivre est ainsi directement liée aux ressources en eau. L’autorité chilienne chargée de la gestion de l’eau a récemment annoncé une réduction progressive des permis d’extraction d’eau et l’interdiction d’accorder de nouveaux permis d’exploitation minière dans les zones soumises à un certain stress hydrique.</p>
<p>À titre d’exemple, la mine Escondida, la plus grande mine de cuivre au monde, est autorisée à pomper 1 400 litres par seconde d’eau du sol par seconde. Entre 2020 et 2030, ce taux d’extraction devra tomber à 640 litres par seconde. Dans un contexte de baisse des teneurs en minerai, cette réduction est d’autant plus problématique que l’eau est une ressource importante dans les opérations de concentration du minerai. Et son utilisation est proportionnelle à la teneur en métaux des minerais extraits.</p>
<p>Le changement climatique est également un facteur qui réduit la <a href="https://research.monash.edu/en/publications/the-exposure-of-global-base-metal-resources-to-water-criticality-">disponibilité des ressources en eau</a>. La solution technique choisie pour répondre aux besoins du secteur minier chilien est l’utilisation de l’eau de mer. <a href="https://www.cochilco.cl/Research/Proyeccion-de-consumo-de-agua-en-la-mineria-del-cobre-2017-2028-V4_Edici%C3%B3nFinal.pdf">Cochilco, la Commission chilienne du cuivre</a>, prévoit une augmentation de 290 % de l’utilisation de l’eau de mer entre 2016 et 2028 pour alimenter les mines chiliennes.</p>
<p>Les consommations d’eau douce et d’eau de mer de l’industrie minière devraient presque atteindre le même niveau en 2028. Cette conversion à l’eau de mer de l’industrie minière chilienne posera plusieurs défis.</p>
<p>Les sites miniers chiliens sont en effet généralement situés dans des zones extrêmement arides et à haute altitude. L’utilisation de l’eau de mer implique potentiellement son dessalement, son transport par canalisations nécessitant des systèmes de pompage et son intégration dans les processus miniers.</p>
<p>L’utilisation directe de l’eau de mer nécessiterait alors des installations adaptées, en raison des interactions entre les éléments chimiques présents dans le minerai et l’eau de mer. Enfin, le coût d’utilisation de l’eau de mer dans les mines est plus élevé au Chili, du fait de l’altitude des mines et du coût plus élevé de l’énergie, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/08827508.2017.1389729">par rapport aux autres pays miniers</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1054904984075202561"}"></div></p>
<h2>Des prix et une concurrence accrus</h2>
<p>L’évolution de l’industrie minière chilienne est donc au cœur des enjeux de la transition énergétique. Saura-t-elle répondre à la demande mondiale de cuivre à un coût économique et environnemental concurrentiel ? Les dépenses en eau et en énergie pour produire les minerais nécessaires aux technologies bas carbone doivent ainsi être au cœur de nos préoccupations.</p>
<p>Nos résultats soulignent que le taux d’augmentation de la consommation mondiale de cuivre prévisible dans un scénario 2 °C devrait exercer une pression sur la capacité de production de cuivre existante. Dans ce contexte, on peut craindre une augmentation rapide des prix du cuivre et une concurrence entre les différents secteurs pour la consommation de cuivre.</p>
<p>Un tel phénomène affecterait sans doute le processus de transition énergétique et traduit donc l’importance des politiques visant à atténuer les tendances futures de la demande, notamment le recyclage et les politiques publiques sur le transport.</p>
<p>Si notre scénario montre le poids des ressources en cuivre détenues par le Chili et le Pérou, il n’élimine pas l’incertitude quant à la capacité et la volonté de ces pays de continuer à accroître leurs capacités de production de cuivre, notamment en raison des externalités environnementales (eau et pollution locale) causées par l’exploitation du minerai produit.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.iris-france.org/chercheurs/samuel-carcanague/page/3/">Samuel Carcanague</a>, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119500/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Cet article a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet Generate (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Bonnet a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du projet Generate. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gondia Sokhna Seck et Marine Simoën ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La part du cuivre utilisé à des fins électriques pourrait s’accélérer avec le déploiement des énergies renouvelables, au risque de créer une nouvelle dépendance.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceClément Bonnet, Économiste, IFP Énergies nouvelles Gondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Marine Simoën, Ingénieure de recherche en économie, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1109312019-03-31T19:11:02Z2019-03-31T19:11:02ZLes renouvelables vont-elles créer une nouvelle dépendance au béton ?<p>Éoliennes, batteries électriques ou panneaux photovoltaïques : la plupart des nouvelles technologies liées à l’énergie bas carbone nécessitent une quantité importante de ressources minérales, en particulier certaines « terres rares » ou encore des métaux dits technologiques (cadmium, cobalt, indium ou lithium, par exemple). Une demande trop importante à satisfaire pourrait limiter la diffusion à grande échelle des technologies « vertes ».</p>
<p>Mais d’autres matériaux de base, comme le cuivre, pourraient devenir tout aussi stratégiques dans le contexte de la transition énergétique. C’est également le cas du béton. Matériau structurel le plus utilisé aujourd’hui dans le monde, sa « criticité » est régulièrement évoquée.</p>
<p>En France, par exemple, certaines études montrent qu’il faudrait 30 millions de tonnes de béton pour implanter 20 000 nouvelles éoliennes (pour ajouter une puissance de <a href="https://fee.asso.fr/eolien-terrestre/">80GW</a>, au regard des 14GW déjà implantés). Ce chiffre n’a pas manqué de faire réagir des <a href="https://www.contrepoints.org/2018/08/06/321834-30-millions-de-tonnes-de-beton-pour-implanter-20-000-eoliennes">associations anti-éoliennes</a>.</p>
<p>En portant ces besoins en béton à l’échelle mondiale, les interrogations, voire des craintes, émergent. Mais qu’en est-il réellement ? Va-t-on manquer de béton dans les prochaines décennies ?</p>
<h2>10 milliards de tonnes produites chaque année</h2>
<p>Le béton est un mélange, dont les proportions varient, d’un liant hydraulique (traditionnellement le ciment), de granulats (dont le gravier ou le sable), d’eau, d’adjuvants et parfois de fibres. L’eau provoque une réaction chimique de prise avec le ciment qui, en durcissant à l’air, lie tous les composants en un ensemble homogène et résistant.</p>
<p>Durable et bon marché, le béton est aujourd’hui le matériau de construction le plus utilisé au monde. S’il est difficile d’en connaître le niveau de production, les estimations s’établissent autour de 10 milliards de tonnes chaque année (soit l’équivalent de plus d’une tonne par Terrien par an !).</p>
<p>Mais le béton reste un matériau « hostile » à la transition énergétique : sa production nécessite beaucoup d’énergie et contribue aux émissions de gaz à effet de serre (GES) dont l’accumulation dans l’atmosphère perturbe le climat. Ces émissions représentent ainsi 8 à 9 % des émissions d’origine humaine globales de GES. Et la fabrication du béton mobilise <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-017-0009-5">plus de 2,5 %</a> de la demande d’énergie primaire mondiale.</p>
<p>Plus précisément, c’est la production du clinker – composant essentiel du ciment résultant de la cuisson à très haute température d’un mélange composé principalement de calcaire et d’argile – qui s’avère majoritairement responsable de ces émissions, en raison de la combustion de combustibles fossiles, mais également de la chimie de la réaction qui libère du CO<sub>2</sub>.</p>
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<span class="caption">Schéma simplifié de production du béton.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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<h2>Vers un béton plus « propre » ?</h2>
<p><a href="https://www.iea.org/tcep/industry/cement/">Selon les estimations</a> de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), chaque tonne de ciment émet 540 kg de CO<sub>2</sub>. Ce nombre varie en fonction de la composition du ciment et de la région du monde où il est produit. Étant donné sa faible valeur commerciale et son poids important à transporter, le marché reste très régionalisé, avec peu d’échanges au <a href="https://resourcetrade.earth/data?year=2016&category=143&units=weight">niveau international</a>. Par conséquent, il est rare que soient délocalisées les externalités négatives (pollution locale et émissions de GES) qui lui sont associées.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses solutions existent pour réduire les émissions liées à la production du ciment. L’AIE prévoit ainsi une diminution de 24 % des émissions directes liées à l’<a href="https://www.iea.org/newsroom/news/2018/april/cement-technology-roadmap-plots-path-to-cutting-co2-emissions-24-by-2050.html">industrie cimentière</a> grâce à la diminution de la part de clinker, à l’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés, à l’utilisation de combustibles alternatifs ou encore à l’usage de technologies de capture et de stockage du CO<sub>2</sub> (<em>carbon capture and storage</em>).</p>
<p>Si certaines entreprises sont déjà bien engagées dans des objectifs de réduction de leur empreinte carbone, la mise en œuvre de ces mesures reste très incertaine à l’échelle mondiale. D’autant qu’avec la croissance de la population, l’AIE estime que la production de ciment pourrait <a href="https://www.iea.org/newsroom/news/2018/april/cement-technology-roadmap-plots-path-to-cutting-co2-emissions-24-by-2050.html">augmenter de 23 %</a> d’ici 2050.</p>
<p>En parallèle de ces considérations climatiques émergent d’autres problématiques, comme la demande en eau dans certaines régions en <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-017-0009-5">stress hydrique</a> et la demande croissante en sable ; son prélèvement à proximité des côtes engendre l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=O5tNEyxTgbY">érosion du littoral</a> et le retrait des plages, menaçant le tourisme, l’agriculture et les écosystèmes marins.</p>
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<h2>Des technologies plus ou moins gourmandes</h2>
<p>On le voit, la production du béton concentre les objectifs en matière de réduction des émissions de GES. Mais qu’en est-il du béton nécessaire à la transition énergétique, et plus précisément dans le secteur électrique ? Nous avons tenté de <a href="https://www.researchgate.net/publication/330425337_The_impact_of_Future_Generation_on_Cement_Demand_An_Assessment_based_on_Climate_Scenarios">quantifier cette demande</a> future.</p>
<p>À l’avenir, les besoins seront intimement liés aux technologies déployées, mais ils varient considérablement de l’une à l’autre : les barrages hydrauliques et les éoliennes sont très consommateurs de béton, les panneaux photovoltaïques beaucoup moins.</p>
<p>Les demandes en béton – donc en eau, en ciment et en granulat – seront, on le comprend, intrinsèquement liées aux futurs mix électriques développés par les États.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266414/original/file-20190328-139377-skvsok.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Contenu béton des différentes technologies de production électrique.</span>
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<p>Pour estimer ce volume nécessaire à l’implantation du nouveau mix électrique mondial à l’horizon 2050, les scénarios prospectifs du secteur énergétique (comme ceux fournis par l’AIE) permettent de déterminer les volumes de matériaux nécessaires à leur réalisation. Le rapport <a href="https://www.iea.org/etp/">Energy Technology Perspective de 2017</a> décrit par exemple trois mix électriques mondiaux et régionaux pour les décennies à venir, en fonction de l’élévation globale des températures d’ici 2100 : +2,7 °C (scénario RTS) ; +2 °C (scénario 2DS) ; +1,75 °C (scénario B2DS).</p>
<p>Il faut également prendre en compte la durée de vie plus courte des installations renouvelables – 25 ans en moyenne pour l’éolien et le solaire contre 35 ans en moyenne pour les centrales thermiques traditionnelles, et leur démantèlement. On peut alors déduire la somme des capacités à installer d’ici à 2050 pour répondre au besoin des scénarios de l’AIE.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256670/original/file-20190131-109820-1ajs3p0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nouvelle puissance installée cumulée (GW) par scénario entre 2014 et 2050 : répartition par technologie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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<h2>Une part relativement faible dans la demande globale de béton</h2>
<p>En associant à chaque technologie un contenu matière (kg/MW) – et en multipliant celui-ci par les capacités nouvelles à installer sur la période 2014-2050 –, il devient alors possible d’estimer les quantités de matériaux nécessaires à la transition énergétique dans le secteur électrique.</p>
<p>La production de ciment étant le principal responsable de l’impact du béton sur le climat, il constitue la base des calculs suivants. Dans les hypothèses retenues, le ciment représente 15 % en moyenne de la <a href="http://www.ecocem.fr/beton/">masse du béton</a>.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/330425337_The_impact_of_Future_Generation_on_Cement_Demand_An_Assessment_based_on_Climate_Scenarios">Selon notre étude</a> –, les scénarios pour 2050 exigent une demande croissante de ciment. Au niveau global, la part du ciment consacrée à l’installation des nouvelles capacités entre 2014 et 2050 ne représente toutefois que 0,8 % de la demande cumulée de ciment d’ici à 2050 – soit environ un tiers de la production mondiale actuelle, la majorité du ciment étant utilisé dans le secteur de la construction.</p>
<p>Les émissions de CO<sub>2</sub> liées à la production de ciment pour le secteur électrique sont également négligeables au regard de la baisse des émissions attendues grâce au nouveau parc électrique mondial composé d’énergies renouvelables. Le ciment ne devrait donc pas limiter le déploiement des nouvelles capacités nécessaires aux trois scénarios proposés par l’AIE.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=202&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=254&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=254&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256669/original/file-20190131-110834-1k1mi4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=254&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Demande cumulée de ciment d’ici 2050 et émissions de CO₂ associées.</span>
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</figure>
<h2>Une demande en ciment inégalement répartie</h2>
<p>La Chine, premier producteur mondial, représente environ un quart de la demande globale de ciment, soit l’équivalent de tous les pays de l’OCDE confondus. Elle est suivie de l’Inde, deuxième pays possédant la croissance de la demande d’électricité la plus forte d’ici 2050.</p>
<p>Mais, pour traduire la dépendance d’un mix électrique à une ressource, il faut recourir à un autre indicateur : la demande par capacité installée (Mt ciment/GW installé), dite ici « intensité-ciment ». On peut également traduire cette information pour les émissions de CO<sub>2</sub> liées à la production du ciment (Mt CO<sub>2</sub>/GW installé).</p>
<p>La moyenne mondiale quasi constante est ici aussi biaisée par le poids de la Chine et il existe parfois de grandes disparités entre régions. Par exemple, l’intensité ciment du Brésil est trois fois plus importante que celle du Mexique. Au sein d’une même région, on observe également une différence de demande significative selon les scénarios. Le mix électrique russe consommerait 30 % de plus de ciment dans un scénario à 1,75 °C qu’à 2,7 °C.</p>
<p>Le ciment nécessaire à la transition énergétique est également à mettre en relation avec la production annuelle régionale : en Russie ou au Brésil, il pourrait en représenter plus de 85 %, contre 12 % en Chine. Dans les pays en développement marqués par une forte urbanisation, l’impact de la production de ciment liée à la transition dans le secteur de l’électricité demeure donc significatif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256668/original/file-20190131-112314-sh40jr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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<h2>Pas d’obstacle au développement des ENR</h2>
<p>Nos travaux démontrent donc plutôt une absence de criticité sur la ressource béton – et plus particulièrement ciment – à l’horizon 2050 dans le cadre de la transition du secteur électrique. En revanche, le contexte d’urbanisation croissante et de réduction des émissions de CO<sub>2</sub> implique des enjeux bien plus forts pour l’industrie du béton au niveau global, et invite à la réflexion sur la coordination des politiques urbaines et énergétiques.</p>
<p>Si les seules productions et consommations de béton nécessaires au développement des énergies renouvelables peuvent difficilement apparaître comme des aspects limitants dans le futur, d’autres aspects, comme la dégradation des paysages ou la consommation d’eau, pourraient être soulevés dans le déploiement des énergies renouvelables.</p>
<hr>
<p><em>Samuel Carcanague, chercheur à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS) et Aymen Jabberi, étudiant à l’École centrale de Lyon, ont participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Cet article a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Bonnet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gondia Sokhna Seck et Marine Simoën ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les infrastructures de la transition énergétique nécessitent une quantité conséquente de béton, très émetteur de CO₂.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceClément Bonnet, Économiste, IFP Énergies nouvelles Gondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Marine Simoën, Ingénieure de recherche en économie, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1086482018-12-19T23:41:07Z2018-12-19T23:41:07ZÉnergies renouvelables en Afrique subsaharienne, les conditions de la réussite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250475/original/file-20181213-178573-mq3c90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C736%2C447&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le potentiel d’énergie renouvelable du continent n’est utilisé qu'à 0.3 %.</span> <span class="attribution"><span class="source">AFP</span></span></figcaption></figure><p>À partir de la fin des années 1990, les États africains ont pris conscience de la nécessité de planifier à long terme leur développement économique, social et énergétique. 35 pays ont alors mis en place un plan émergence national à l’horizon 2025 ou 2030. Les pays signataires y ont énuméré les objectifs principaux de la transformation de leurs pays et les moyens d’y parvenir. </p>
<p>Mais ces plans manquent de précision et de réalisme : ils ne constituent pas encore une planification à moyen terme des économies et des besoins en infrastructures énergétiques. </p>
<p>Le budget alloué au secteur de l'énergie n’est d'ailleurs évoqué que par quatre pays – République centrafricaine, Guinée-Bissau, Sénégal et Zimbabwe. Seuls sept plans chiffrent leurs objectifs de nouvelles capacités de production énergétique et de couverture réseau, la plupart ne donnant que peu d’axes d’actions pour le déploiement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250488/original/file-20181213-178555-wlv3br.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Qualité de la Planification énergétique en Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gouvernements nationaux</span></span>
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</figure>
<h2>La Chine à la conquête de l'Afrique</h2>
<p>Aujourd’hui, les investissements recensés en Afrique subsaharienne dans le déploiement énergétique sont de trois types. Les plus importants sont les IPP (Independent Power Projects), qui regroupent les investisseurs privés, se concentrent essentiellement sur la production thermique, bien que la part de solaire et d’éolien augmente. </p>
<p>Viennent juste derrière les investisseurs chinois, spécialisés dans les barrages hydrauliques, et enfin les financements des institutions d’aide au développement : ceux-ci privilégient les pays moins attractifs pour les investisseurs traditionnels.</p>
<p>La Chine constitue donc un partenaire privilégié pour le développement africain : en 2016, elle était à l’origine de 40 % des investissements directs à l’étranger en direction de l’Afrique subsaharienne, <a href="https://afrique.latribune.fr/entreprises/les-nouveaux-champions-du-sud/2017-08-25/la-chine-premier-investisseur-en-afrique-747985.html">permettant la création de 38 000 emplois</a>. </p>
<p>Les investissements chinois se font majoritairement dans l’immobilier et les transports et entrent en partie dans une logique de sécurisation énergétique, puisque 13% des importations de pétrole vers la Chine proviennent de l'Afrique subsaharienne.</p>
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<h2>Gagner en attractivité</h2>
<p>Les investissements directs étrangers, qui avaient augmenté jusqu'à la crise de 2008-2009 apparaissent en net repli depuis lors et <a href="https://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/wir2018_overview_fr.pdf">ont diminué de 21 % en 2017 par rapport à 2016, à 42 milliards de dollars</a>. Ils sont nettement insuffisants pour répondre à la demande croissante de la population et à la dynamique des acteurs économiques privés nationaux. </p>
<p>Certains pays, comme l’Ouganda, gagnent en attractivité grâce à la mise en place d’un cadre légal spécifique et des efforts pour favoriser le climat des affaires – lutte contre la corruption, formalisation des services, planification énergétique, etc.</p>
<p>Les investissements directs étrangers étant un enjeu majeur pour assurer l’électrification de l’ASS, <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/795581467993175836/Independent-power-projects-in-Sub-Saharan-Africa-lessons-from-five-key-countries">la Banque mondiale</a> a tenté d’en identifier les facteurs déterminants. Elle a aussi classé les pays de la région en fonction de la facilité d’y conclure des affaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=580&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=580&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=580&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250490/original/file-20181213-178573-1ygnrnp.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Climat des affaires en Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Doing Business</span></span>
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<p>L’existence d’une agence indépendante de surveillance de l’énergie semble indispensable bien qu’insuffisante. 29 pays d'Afrique subsaharienne en sont aujourd'hui dotés, avec des performances inégales. Sont aussi identifiés des prérequis au niveau du pays hôte et du projet, comme un niveau de corruption faible, une bonne planification, un cadre légal cohérent et une réforme des marchés de l'électricité. Ces éléments sont essentiels pour créer un cercle vertueux pour <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/boosting-access-to-electricity-in-africa-through-innovation-better-regulation">les acteurs privés notamment en matière d'innovation</a>.</p>
<p>La faiblesse des monnaies locales, couplée à un endettement extérieur et un manque de liquidités croissants des États africains, constitue toutefois l’une des limites majeures. La majorité des monnaies africaines possède un taux de change faible et demeure très volatile et dépendante des cours des matières premières. </p>
<p>Une dévaluation soudaine peut mettre en péril la viabilité économique de projets ENR entamés ou la capacité de remboursement de prêts contractés. Or, la baisse des recettes d’exportations liée à la chute des prix des matières premières des dernières années a engendré une hausse de l’endettement de plusieurs États de l’Afrique subsaharienne – Tchad, Érythrée, Mozambique, Congo, Soudan du Sud et Zimbabwe.</p>
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<span class="caption">Conditions optimales d'investissements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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<h2>Impliquer la population</h2>
<p>La formation de la population africaine est par ailleurs indispensable. Elle passe par une éducation de base pour tous et par la mise en oeuvre d'une formation professionnalisante dédiée aux énergies renouvelables. Aujourd'hui, dans de nombreux pays, <a href="http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/307971507661229511/pdf/120334-REVISED-FRENCH-100p-WB-AfricasPulse-Fall2017-vol16-FRN-web-october30th.pdf">moins de 50 % des enfants atteint le niveau collège et moins de 10 % l'enseignement supérieur</a>. Beaucoup de jeunes diplômés sont au chômage par manque de connexion entre l’université et le monde professionnel – en 2016, par exemple, <a href="https://theconversation.com/les-origines-du-probleme-de-surqualification-en-cote-divoire-99004">le taux d'insertion des diplômés en Côte d'Ivoire était inférieur à 15 %</a>.</p>
<p>Des organismes de formation émergent, souvent soutenus par des institutions internationales d’aide au développement économique ou énergétique. C’est le cas d’<a href="http://www.ecreee.org/page/ecowas-renewable-energy-entrepreneurship-support-facility">Ecowas Renewable Energy Entrepreneurship Support Facility</a>, fondée en 2015 par les gouvernements d’Afrique de l’Ouest en partenariat avec l’<a href="https://www.irena.org/">Irena</a>. L’organisme a pour vocation de former et de soutenir les entrepreneurs locaux qui souhaitent se lancer dans les ENR. </p>
<p>L’influence chinoise sur le territoire africain passe également par l’éducation, puisque le pays consacre <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/opinion/2018/09/06/youth-key-to-strengthening-africas-future">une part importante de ses investissements au développement des compétences en Afrique subsaharienne</a>. </p>
<p>Encouragée par une meilleure maîtrise des technologies ENR et par le désir de participer au développement économique, la population pourrait s’impliquer dans l’électrification du continent, notamment au travers de financements participatifs aux investissements.</p>
<p>Le Grand barrage de la renaissance en Éthiopie, qui devrait être mis en service en 2018, constitue un premier exemple. Sa construction a été rendue possible par la participation de la population éthiopienne. À la suite du refus des bailleurs internationaux de prendre part au projet, et à la désolidarisation des pays voisins, le gouvernement s’est tourné vers la population éthiopienne en émettant des bons. Achetés par les Éthiopiens et la diaspora, ils ont permis de mener à terme ce projet chiffré à 6 milliards de dollars. Un moyen de pallier les difficultés à attirer des capitaux étrangers.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C2561%2C1390&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250280/original/file-20181212-110228-1nsykf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=410&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Afrique détient 10 % du potentiel mondial en énergie hydraulique (Barrage inga, en République Démocratique du Congo).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/radiookapi/4028379271/in/photolist-78YuP2">Radio Okapi/Flickr</a></span>
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<h2>Coopérer avec les pays voisins</h2>
<p>Résoudre les inégalités dans le déploiement du réseau électrique permettrait une coopération régionale en matière de gestion des flux énergétiques et économiques. L'établissement de zones de collaboration, comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, traduit un désir d'intégration régionale, bien que les résultats soient inégaux. La <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20180321-ua-44-pays-signent-accord-une-zone-libre-echange-continental">création en 2018</a> par 44 pays d’Afrique d’une zone de libre-échange continentale, renforce et élargit cette collaboration.</p>
<p>Des lignes électriques transfrontalières commencent d’ailleurs à voir le jour. C'est le cas de Zizabona, qui relie le Zimbabwe, la Zambie, le Botswana et la Namibie. Le Sénégal envisage même une <a href="https://www.sec.gouv.sn/dossiers/plan-s%C3%A9n%C3%A9gal-emergent-pse">expansion de son réseau</a> jusqu’au sud de l’Europe. Les zones à haut potentiel énergétique étant parfois situées aux frontières, une collaboration structurée permettrait d’éviter de nombreux conflits.</p>
<p>Au contraire, un partage de l’investissement, de la production et de la rente, pourrait s’avérer avantageux pour développer le réseau électrique régional. L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal <a href="http://www.omvs.org/">emprunte déjà</a> cette voie : les quatre États membres – Sénégal, Guinée, Mauritanie et Mali – partagent ainsi les investissements et les revenus des barrages construits sur le fleuve Sénégal grâce à la création en 2015 d’un marché commun de l’énergie.</p>
<p>Le projet Grand Inga, en République démocratique du Congo, ambitionne de devenir le plus grand barrage du monde : il bénéficierait de la quasi-totalité de la capacité du fleuve Congo. Sa puissance de 39 GW pourrait être redistribuée jusqu’en Zambie ou au Zimbabwe, créant une coopération régionale nouvelle. Le coût conséquent du projet, l’instabilité politique du pays, et les soupçons de corruption freinent toutefois son développement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250469/original/file-20181213-178552-eoswny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cette ligne de transport d’environ 842 km et de six postes de transformation permettra d'échanger de l'énergie électrique à travers le Niger, le Nigéria, le Bénin et le Burkina Faso.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/aiediap/photos/bc.Abo67pXShCNBvS8NY8nv-DCy3mF2NQ-NsxxXOixx9c0cVy3Eug1ZGfPUIn28SGpOIY82lVo2qy7CCuLRXuAlngrKqVvxPxtaRTO8v0OwIVuqYKmOdZ89t0C5CxtXeOnadPQoFKBOdT8FTB3iByVrsLFp/2039198769697001/?type=1&opaqueCursor=Abo_KNtWNX4gQ3FSnnnyxk7nlHTHjt5V3Ir4WwRXX_rI8rdlbzWBj0AeOvspBA8ouDTmeKwFSxmB5Jn4A9tSTihjg8JRPITigXFt393w-t8w-_rUOOMcTT1ZG0gW-VcfSMHbAM4xQSsADuNIym26Uk7Zsh2nGCnxELtnQihVOWkClrWTucP5RulvSgx0DAVIzl3jiACGAk1sWjkD61V-2I3dijD5nOmfXmIsWZzyE3i0ExULQNxQq4XFSfAIuqyySI6zjmyZkWRwwBbQ_K5ucHjwR1LF0NYY1eLUf4_YX8hF7vGruV4s-OO8Ix9BB0ncGAC34VYSSaZYD6t0-baB01DULxml_PgJhX_NMxTPCtnf8XSVvaRL0YAYmt4m-3H7U0vqwoDUWLWLXIre_1QU7kZPYS5vEGplkUiNEeqk___U5_gT1X7U_wOJx9BQThGBNEFhicbDFW1FKJ7ttg4jdB5nfBpfilEEauFGhl1WHN8Odg&theater">AIED-IAP/ Club Energy/Facebook</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Combler le retard industriel par les infrastructures</h2>
<p>Avec la population indienne, l<a href="http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/307971507661229511/pdf/120334-REVISED-FRENCH-100p-WB-AfricasPulse-Fall2017-vol16-FRN-web-october30th.pdf">a population africaine est la plus jeune du monde</a>. Les économies subsahariennes doivent profiter de ce dynamisme démographique, et des motivations entrepreneuriales d'une jeunesse ambitieuse de s’investir dans des solutions économiques et technologiques durables. </p>
<p>Entre autres, la consolidation d’infrastructures de production électrique et de transports permettrait de combler le retard industriel du continent. Cette logique inclusive doit prédominer en matière d’investissements dans le secteur de l’énergie, aujourd’hui trop dépendants de financements extérieurs.</p>
<p>Les ENR peuvent devenir un réel moteur de développement économique. Des solutions existent déjà sur le continent et la question du décollage économique de l’Afrique ne relève pas d’une problématique technologique. Il s'agit surtout de catalyser différents éléments : le dynamisme entrepreneurial, des systèmes de financement innovants, des réformes nationales dans les différents pays d'Afrique subsaharienne et, au niveau international, accélérer le transfert de technologies et l'innovation bas-carbone.</p>
<p><em>Rebecca Martin, étudiante à l’École Centrale de Lyon, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gondia Sokhna Seck ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré les possibilités qu’offrent les énergies renouvelables en Afrique, beaucoup de pays manquent d’une vraie stratégie en matière de déploiement.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceGondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1075452018-12-18T21:25:31Z2018-12-18T21:25:31ZLes énergies renouvelables, vecteur du décollage économique et social de l’Afrique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247067/original/file-20181123-149335-hz35yi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C155%2C5184%2C3290&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le potentiel d’énergie renouvelable du continent africain n’est utilisé qu’à 0,3 %. </span> <span class="attribution"><span class="source">Guinée Solidarité Provence</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte où, selon la Banque mondiale, la demande électrique africaine devrait atteindre en 2030 le double de la production actuelle, répondre à l’initiative <a href="https://www.afdb.org/fr/topics-and-sectors/initiatives-partnerships/sustainable-energy-for-all-se4all/">Énergie durable pour tous</a> (SE4ALL) nécessitera de nombreux investissements. Pour le seul accès à l’électricité, la Banque mondiale avait chiffré les besoins, en 2014, à environ 34 milliards de dollars par an au niveau mondial et à 20 milliards de dollars par an, soit <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/16537">près de 60 % du total, pour la seule Afrique subsaharienne</a>. Hors investissements chinois réalisés depuis 2010, la valeur totale de l’investissement dans le secteur électrique en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2012, n’a jamais dépassé <a href="https://www.afd.fr/sites/afd/files/imported-files/21-papiers-recherche.pdf">600 millions de dollars par an</a>.</p>
<p>Le potentiel d’énergie renouvelable du continent est sous-exploité actuellement, <a href="https://afrique.latribune.fr/entreprises/la-tribune-afrique-de-l-energie-by-enedis/2018-07-27/les-chiffres-des-energies-renouvelables-sur-le-continent-africain-785949.html">notamment la géothermie et l’hydraulique</a> : les progrès technologiques rendent pourtant les solutions renouvelables de plus en plus intéressantes financièrement, compte tenu du manque d’infrastructures et de réseaux en place.</p>
<h2>L’off-grid solaire : un potentiel naturel et économique inédit</h2>
<p>D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), <a href="https://www.iea.org/access2017/">60 % de la nouvelle électrification d’ici à 2030</a> se réalisera via l’off-grid (mini-réseau électrique), bénéficiant de coûts de plus en plus faibles.</p>
<p>L’Afrique subsaharienne souffre, d’une part, d’un manque de couverture réseau et de la vétusté de celui-ci : en résultent des coûts d’entretien et d’élargissement élevés, en particulier dans les régions les plus reculées. La production électrique africaine demeure d’autre part <a href="https://www.enerdata.fr/">très carbonée (70 %)</a>, les EnR ne comptant que pour 27 % (dont 24 % d’hydraulique) et le nucléaire pour 3 %, avec une centrale installée en Afrique du Sud, qui est dépendante des importations de pétrole raffiné étranger.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250020/original/file-20181211-76959-1rsvdv2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mix électrique (production) en Afrique subsaharienne en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enerdata</span></span>
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<p>Le continent africain <a href="https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Generic-Documents/Brochure_New_Deal_2_red.pdf">possède néanmoins un potentiel sans égal</a> pour les EnR, notamment le solaire (10 TW) et l’hydraulique (350 GW, soit 10 % du potentiel mondial) qui, allié à des technologies off-grid, peut réduire rapidement et à faible coût le problème de l’accès à l’électricité en zone rurale.</p>
<p>Ces technologies sont constituées d’un petit système de production électrique – souvent solaire photovoltaïque, parfois hydraulique – couplé à un système de distribution de courte portée et des batteries de stockage. Les plus petits, les Solar Home Systems (SHS) alimentent entre un et cinq foyers, tandis que les plus gros peuvent alimenter jusqu’à un village d’un millier de foyers – <a href="https://www.pwc.fr/fr/assets/files/pdf/2017/07/solutions_off-grid.pdf">capacité de 5 kW à 1 MW selon le système</a>.</p>
<p>Leur mise en place nécessite un environnement naturel propice, une capacité d’investissement initiale et de paiement de la consommation. <a href="http://www.africa-solar-energy.com/lenergie-solaire-afrique/">L’ensoleillement important du territoire</a> couplé à une densité de population assez faible (43,8 habitants/km<sup>2</sup> en moyenne, contre 144 en Chine et 403 en Inde) facilite le déploiement de panneaux solaires.</p>
<p>De plus en plus d’entrepreneurs locaux s’associent à des entreprises étrangères – EDF au Sénégal et en Côte d’Ivoire par exemple – pour transférer les technologies, installer les dispositifs et former la population locale.</p>
<p>L’investissement de départ nécessaire à la construction d’un système a beaucoup diminué ces dernières années pour le photovoltaïque. Ainsi, d’après l’<a href="https://www.irena.org/publications/2016/Sep/Solar-PV-in-Africa-Costs-and-Markets">IRENA</a>, le solaire est l’énergie dont la production serait la moins chère dans la majorité des États africains.</p>
<p>L’éclairage d’un ménage coûterait entre 4 $ et 15 $ par mois avec un générateur diesel, contre 2 $ par mois avec du solaire PV, selon l’<a href="https://www.irena.org/publications/2013/Feb/LAfrique-et-les-nergies-renouvelables--la-voie-vers-la-croissance-durable">IRENA</a>. Toutefois, cette estimation ne prend pas en compte le surcoût engendré par l’acquisition d’un moyen de stockage – la batterie – pour le ménage, même si sa valeur devrait diminuer dans les années qui viennent.</p>
<p>L’investissement initial reste ainsi plus important pour un système solaire, mais la répartition des coûts sur la durée de vie le rend plus intéressant sur le long terme.</p>
<p>Le marché de la téléphonie mobile a explosé au cours des cinq dernières années, avec 420 millions d’abonnés en Afrique subsaharienne <a href="https://www.gsmaintelligence.com/research/?file=0c798a6a56bdb31d4bc3b4ff4a35098d&download">(soit un taux de pénétration de 43 % en 2016)</a> et selon Deloitte, <a href="https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/presse/2018/des-foyers-africains-connectes-a-Internet-via-les-technologies-mobiles.html">660 millions d’Africains seront équipés d’un smartphone en 2020</a>, soit un quasi-doublement. Cette dynamique devrait permettre de résoudre en partie le problème du financement. Le principe du « pay as you go consiste » pour le consommateur à réaliser un premier paiement à l’installation du dispositif, dans la mesure de ses moyens, puis d’acheter l’électricité dont il a besoin au fur et à mesure de l’utilisation du dispositif.</p>
<p>Un autre modèle, promu par le leader mondial du off-grid solaire, l’entreprise kényane <a href="http://www.m-kopa.com/">M-Kopa</a>, consiste à installer ces systèmes chez les particuliers puis de leur proposer un paiement régulier, adapté à leurs moyens, jusqu’à ce qu’ils deviennent propriétaires du système. Si l’acheteur manque une échéance, le fournisseur peut couper l’alimentation du foyer à distance. M-Kopa a distribué des milliers de systèmes dans toute l’Afrique de l’Est et se prévaut d’électrifier environ 500 nouveaux foyers chaque jour.</p>
<h2>Un potentiel renouvelable considérable</h2>
<p>Outre l’ensoleillement, le territoire possède un immense potentiel pour plusieurs types d’EnR. L’hydraulique, par exemple, s’avère prometteur, grâce notamment aux fleuves Nil, Zambèze ou Congo. Ses capacités ne sont pourtant utilisées <a href="https://www.irena.org/publications/2015/Oct/Africa-2030-Roadmap-for-a-Renewable-Energy-Future">qu’à 8 %</a>, malgré sa part déjà importante dans le mix électrique. Vient ensuite la biomasse, grâce à la forêt primaire d’Afrique centrale et à la bagasse, résidu fibreux issu des plantations de canne à sucre au sud. Puis la géothermie dans la vallée du Rift et l’éolien sur les côtes et les îles.</p>
<p>Depuis les années 1990, investisseurs internationaux et gouvernements profitent de ce potentiel et développent des centrales utilisant ces ressources renouvelables. La Chine a déjà installé 5 GW de production hydraulique sur le territoire africain, ses ingénieurs devenant des experts mondiaux dans le domaine. Les Independent power projects, initiés par les acteurs privés et les projets cofinancés par les gouvernements et organismes d’aide au développement se multiplient.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=780&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=780&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250024/original/file-20181211-76965-14se24v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=780&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Potentiel renouvelable en Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Irene d’après l’Atlas mondial 2013.</span></span>
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<p>Le Kenya a ainsi inauguré en 2014 de nouvelles unités de production de géothermie, Olkarya IV d’une capacité de 140 MW. Avec une capacité totale installée de près de <a href="https://www.usaid.gov/sites/default/files/documents/1860/Kenya_Power_Sector_report.pdf">593 MW en 2015</a>, le champ d’Olkaria est ainsi la plus grande usine de géothermie d’Afrique. Le Sénégal par exemple compte depuis début 2018 quatre centrales solaires pour une capacité totale de 102 MW.</p>
<p>La Banque africaine de développement <a href="https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/Perspectives_economiques_en_Afrique_2017.pdf">encourage</a> par ailleurs le déploiement des infrastructures hydrauliques, le secteur ayant de fortes externalités positives en matière de développement économique et de création d’emplois.</p>
<p>Les infrastructures hydrauliques se distinguent des autres investissements dans les énergies renouvelables par la possibilité de réaliser des interconnexions transfrontalières et ainsi de créer des externalités positives fortes en matière de développement et de coopération régionale.</p>
<p>Outre les impacts environnementaux et sociaux créés par ces grands projets, ces derniers permettent d’améliorer la sécurité énergétique d’un ensemble régional. La République démocratique du Congo avec le barrage Inga (<a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/817971468245430631/text/774200REPLACEM0140Box382121B00OUO90.txt">dont le potentiel est estimé à environ 100 GW selon la Banque Mondiale</a>) ou les pays dans la vallée du Rift au potentiel géothermique important (<a href="https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Events/2018/Jan/Geothermal-financing/S1-p1-IRENA-IGA-Presentation-31-01-2018.pdf?la=en&hash=52618994FFFF6833CFF3B51C6199982BC042741C">plus de 20 GW selon l’IRENA</a>) souhaitent, par exemple, distribuer leur électricité au-delà de leurs frontières.</p>
<p>La Banque mondiale a estimé que la création d’un marché d’échanges d’énergie entre les pays d’Afrique de l’Ouest permettrait d’économiser <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2018/04/20/regional-power-trade-west-africa-offers-promise-affordable-reliable-electricity">5 à 8 milliards</a> de dollars par an, et garantirait l’accès à une énergie plus abordable, plus fiable et plus propre pour tous. La région a d’ailleurs créé un marché régulé de l’électricité en juin 2018, une initiative qui pourrait s’étendre à l’ensemble du sous-continent. Un tel développement nécessite toutefois des investissements importants, un cadre légal propice et une main-d’œuvre compétente sur le terrain.</p>
<hr>
<p><em>Rebecca Martin, étudiante à l’École Centrale de Lyon, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gondia Sokhna Seck ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les énergies renouvelables jouissent d’un potentiel immense en Afrique, encore largement sous-exploité.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceGondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1074782018-12-17T21:03:55Z2018-12-17T21:03:55ZAfrique subsaharienne : des matières premières, des hommes… mais pas d’électricité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247071/original/file-20181123-149323-1hi5zba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C12%2C687%2C444&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la banlieue de Soweto, en Afrique du Sud, des habitants regardent un match de la Coupe du Monde en se branchant illégalement à l'électricité.</span> <span class="attribution"><span class="source">Yasuyishi Chiba/AFP</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique subsaharienne (ASS, qui se compose de 49 pays) possède le double avantage d’être extrêmement riche en ressources naturelles et en capital humain. Une bonne gestion de ces deux éléments pourrait garantir le développement économique du sous-continent dans les années à venir, alors qu’il ne représente aujourd’hui que <a href="https://data.worldbank.org/">3 % du produit intérieur brut</a> (PIB) mondial et 2 % de la valeur des échanges mondiaux. En 2017, l’ASS affichait une population de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/region/afrique-subsaharienne">1,061 milliard d’habitants</a>.</p>
<h2>Un territoire riche en matières premières</h2>
<p>L’ASS possède 3 % des réserves mondiales de gaz, 4 % des réserves de pétrole et 23 % des réserves d’uranium, ainsi que d’importantes réserves minières dont 25 % de la bauxite (notamment en Guinée), 56 % du cobalt (République démocratique du Congo) ou 28 % du diamant. Certains pays, comme le Nigeria ou l’Angola, en concentrent la part la <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html">plus importante</a> : ces <a href="https://minerals.usgs.gov/">deux pays</a> possèdent respectivement 58 % et 18 % des réserves de pétrole du sous-continent. Globalement, les ressources naturelles demeurent toutefois assez dispersées sur le territoire.</p>
<p>On trouve ainsi <a href="https://www.eia.gov/beta/international/data/browser/">85 % des réserves</a> de pétrole de l’ASS dans le golfe de Guinée – soit 55 milliards de barils – et de l’uranium dans le Sud, dont 29 % au Niger et 65 % dans la <a href="http://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/uranium-resources/supply-of-uranium.aspx">région sud</a> du continent – Botswana, Namibie et Afrique du Sud en particulier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"859624756898914304"}"></div></p>
<p>Comme beaucoup de pays riches en ressources au niveau mondial, les producteurs africains souffrent néanmoins d’une faible diversification de leurs économies. Ils connaissent une forme de désindustrialisation depuis les années 1970, en raison notamment de leur dépendance marquée aux cycles des marchés de matières premières, dont les prix sont extrêmement volatils.</p>
<p>La faiblesse des infrastructures, les spécialisations historiques dans des productions à faible valeur ajoutée – extraction énergétique ou minière sans transformation – et les problèmes de gouvernance dans la gestion des ressources naturelles ont souvent compromis la dynamique de développement.</p>
<p>De nombreux paradoxes existent ainsi : au Nigeria, qui détient le premier PIB d’Afrique subsaharienne, <a href="https://www.brookings.edu/blog/future-development/2018/06/19/the-start-of-a-new-poverty-narrative/">45 % de la population</a> – soit 87 millions de personnes – vit actuellement sous le seuil international de pauvreté. La consommation d’<a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/energie-renouvelable-energie-primaire-6933/">énergie primaire</a> de la région, à savoir 0,7 tonne d’équivalent pétrole (tep)/habitant), reste ainsi <a href="https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2017">largement inférieure</a> à la moyenne mondiale, qui s’élève à 1,9 tep/habitant en 2014.</p>
<p>Le mix énergétique primaire en ASS s’appuie à 61 % sur l’utilisation de la biomasse – énergie produite à partir de matière organique – et à 34 % sur celle des énergies fossiles, dont près de <a href="https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/WEO2014_AfricaEnergyOutlook.pdf">17 % de charbon</a>. Les émissions de CO<sub>2</sub> sont parmi les plus faibles des régions habitées du globe ; elles ne représentent aujourd’hui que <a href="https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/KeyWorld2017.pdf">4 % du total mondial</a>, pour environ 17 % de la population globale.</p>
<p>Les projections démographiques à l’horizon 2050 et la dynamique de développement anticipée laissent toutefois craindre une augmentation marquée des émissions dans les années à venir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247055/original/file-20181123-149308-1mh2ipl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Consommation d’énergie primaire en gigajoules par habitant en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Hache/Banque mondiale</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Mix énergétique primaire en Afrique subsaharienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Hache/Enerdata</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une force démographique en devenir</h2>
<p>Avec 1,26 milliard d’habitants, la population africaine représente aujourd’hui 17 % du total mondial et devrait plus que doubler d’ici à 2050 pour atteindre environ <a href="http://www.un.org/fr/sections/issues-depth/population/index.html">40 % de la population globale</a> en 2100, selon l’ONU. L’Afrique subsaharienne représente 84 % de la population du continent, avec un <a href="https://donnees.banquemondiale.org/">taux de croissance</a> économique de 2,8 %, supérieur de 0,1 % à la moyenne de l’Afrique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247058/original/file-20181123-149314-x9lzsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la répartition de la population mondiale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Hache/Ades ONU</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si la main-d’œuvre est jeune et abondante, <a href="https://population.un.org/wpp/Publications/Files/WPP2017_DataBooklet.pdf">95 % de la population africaine</a> ayant moins de 60 ans et 43 % moins de 15 ans, les taux de chômage avoisinent les valeurs observées en Occident – malgré de fortes disparités entre les pays. En 2017, l’Afrique connaissait un <a href="http://data.un.org/en/reg/g2.html">taux de chômage de 8 %</a>, la Chine de 4 % et l’Union européenne de 8,2 %. Le dynamisme démographique place chaque année 12 millions de travailleurs supplémentaires sur le marché du travail.</p>
<p>Toutefois, la <a href="http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/06/04/boosting-agriculture-services-and-value-chains-is-key-to-africas-competitiveness">faible productivité</a> observée dans les secteurs agricole et industriel rend les travailleurs africains moins compétitifs que leurs homologues des pays émergents asiatiques. D’autant plus que l’accès à l’éducation de base n’est pas garanti partout et qu’une partie des élites fuit le continent pour de <a href="https://ressources.campusfrance.org/publi_institu/etude_prospect/mobilite_continent/fr/note_16_hs_fr.pdf">meilleures opportunités</a> d’emploi en Europe ou aux États-Unis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247342/original/file-20181126-140525-14ueigo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les pays africains souffrent d’une importante « fuite des cerveaux ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unesco/Campus France</span></span>
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<h2>Un retard considérable pour l’électrification</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247065/original/file-20181123-149317-axp4bg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">57,2 % de la population n’a pas accès à l’électricité en Afrique subsaharienne en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lectricit%C3%A9_en_Afrique">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>407 millions de personnes, soit 40 % de la population de l’<a href="http://blogs.worldbank.org/opendata/fr/l-extreme-pauvrete-continue-de-progresser-en-afrique-subsaharienne">Afrique subsaharienne</a> vit sous le seuil international de pauvreté, avec un accès limité à l’eau, à l’électricité, aux soins de santé de base et à une éducation rudimentaire. L’ASS concentrait, en 2015, plus de la <a href="http://blogs.worldbank.org/opendata/fr/l-extreme-pauvrete-continue-de-progresser-en-afrique-subsaharienne">moitié des pauvres</a> de la planète, contre un quart en 2002.</p>
<p>De manière générale, le déficit en infrastructures est considérable en Afrique subsaharienne. Entre <a href="https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/2018AEO/Perspectives_Economiques_en_Afrique_2018_-_fr_Chapitre3.pdf">130 et 170 milliards</a> de dollars seraient nécessaires chaque année au développement des infrastructures, selon la Banque africaine de développement.</p>
<p>L’électricité fait partie des secteurs prioritaires : en 2016, <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/eg.elc.accs.zs">57,2 % de la population</a> – soit 591 millions de personnes – n’a pas accès à l’électricité en ASS. La majorité des Africains connectés au réseau souffre de coupures régulières, empêchant toute activité économique d’ampleur. La consommation est <a href="https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/KeyWorld2017.pdf">très faible</a>, 20 fois moins que celle de la France et 15 fois moins que celle de l’Union européenne).</p>
<p>On observe par ailleurs des disparités géographiques remarquables : des territoires comme les Seychelles présentent un <a href="https://data.worldbank.org/indicator/EG.ELC.ACCS.ZS?locations=BI">taux d’électrification</a> proche de 100 % tandis que le Tchad ou le Burundi sont en dessous de 9 %. La disparité entre les zones rurales et les zones urbaines reste aussi très importante, avec une <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/publication/boosting-access-to-electricity-in-africa-through-innovation-better-regulation">électrification moyenne</a> de 22 % pour la première, contre 71 % pour la seconde en 2016.</p>
<p>Au niveau du continent, cette électrification augmente lentement, grâce aux politiques et actions mises en place. En 2018 et pour la première fois, l’électrification du territoire a augmenté plus rapidement que la croissance démographique.</p>
<p>Les disparités régionales demeurent fortes et certains États, <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/mali">comme le Mali</a>, perdent même en capacité électrique, la guerre ou le terrorisme causant des destructions d’infrastructures.</p>
<h2>Des conséquences tangibles sur la population</h2>
<p>Cette situation n’est pas sans impact pour la population et l’économie. En zone non électrifiée, les jeunes ne peuvent pas étudier à la nuit tombée, les agriculteurs ne peuvent pas suivre l’évolution des prix de leurs produits sur les marchés locaux, et les femmes, qui passent en moyenne <a href="https://www.iea.org/newsroom/energysnapshots/average-number-of-hours-spent-collecting-fuel-per-day-per-household.html">1 à 5h par jour</a> à récolter du bois, peuvent difficilement accéder à un emploi et s’émanciper.</p>
<p>D’un point de vue économique, les pertes liées à la transmission et la distribution – 23 % en moyenne, jusqu’à 48 % au Rwanda – et la faible production – 1,8 % de la production mondiale d’électricité pour 17 % de la population – entraînent des coupures fréquentes. Entre 2010 et 2017, il a été constaté en moyenne 8,9 coupures par mois en ASS qui peuvent durer en moyenne <a href="http://www.enterprisesurveys.org/Data/ExploreTopics/infrastructure#sub-saharan-africa">5,8 heures</a>.</p>
<p>Les entreprises doivent utiliser des générateurs diesel de secours pour pallier les faiblesses du réseau, ce qui pèse sur les finances et n’améliore pas le climat des affaires : le Liberia et le Tchad produisent plus de 50 % de leur électricité grâce à des générateurs diesels individuels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C86%2C1888%2C1149&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247070/original/file-20181123-149341-11njhx8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains pays d’Afrique subsaharienne produisent plus de 50 % de leur électricité avec des générateurs diesel individuels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guinée Solidarité Provence</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Entre 60 et 90 milliards de dollars par an seraient nécessaires pour atteindre 100 % d’électrification en zone urbaine et 95 % en zone rurale d’ici 2025, <a href="https://www.afdb.org/en/the-high-5/light-up-and-power-afric">selon la Banque africaine de développement</a>.</p>
<p>Il est donc urgent d’établir un plan structuré, réaliste, déployable rapidement et aux répercussions durables pour l’ensemble de la société, afin de développer le secteur électrique en ASS. La clé du développement africain dans les années à venir implique, peut-être, un déploiement massif et structuré des énergies renouvelables.</p>
<hr>
<p><em>Rebecca Martin, étudiante à l’École Centrale de Lyon, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gondia Sokhna Seck ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le développement économique de l’Afrique subsaharienne, riche en ressources et en hommes, se heurte aux lacunes du continent en matière d’électrification.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceGondia Sokhna Seck, Spécialiste en modélisation et analyse des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054292018-10-23T22:00:15Z2018-10-23T22:00:15ZLes matériaux de la transition énergétique : le lithium<p>Que ce soit pour le secteur des véhicules électrifiés (consommateur de cobalt, lanthane, lithium, etc.), des catalyseurs ou des piles à combustible (consommateur de platine, palladium, rhodium, etc.), dans le secteur éolien (consommateur de néodyme, dysprosium, terbium, etc.), aéronautique civil (consommateur de titane) ou encore le solaire photovoltaïque (consommateur de cadmium, indium, gallium, etc.), l’ensemble des innovations développées pour <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-comment-sortir-de-lage-des-fossiles-87534">réaliser la transition énergétique</a> dépend de la disponibilité de certains minerais et de métaux raffinés.</p>
<p>Or la plupart de ces matières premières ont des marchés de petite taille, contrairement à ceux des métaux non ferreux (cuivre, aluminium ou nickel par exemple). Ils affichent en effet des productions en tonnes, centaines de tonnes et, plus rarement, milliers de tonnes. Ils sont d’autre part faiblement organisés, peu transparents, l’essentiel des transactions se réalisant de gré à gré sans bénéficier du support de structures de marchés financiers (comme le <em>London Metal Exchange</em>, par exemple).</p>
<p>Dans les années à venir, la diffusion à grande échelle des technologies y faisant appel pourrait créer, voire exacerber, des tensions sur les marchés de ces métaux. Avec une structure industrielle de marché oligopolistique et une concentration des réserves sur un nombre restreint de pays, le lithium offre, dans le contexte d’électrification du parc automobile mondial, un terrain d’étude propice. C’est ce que montre l’<a href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">analyse que nous avons publiée en 2018</a> à ce propos, et dont cet article reprend certaines données.</p>
<h2>Panorama du marché du lithium</h2>
<p>Historiquement, le lithium est utilisé dans les industries du verre et de la céramique, les graisses lubrifiantes ou encore pour la production d’aluminium. Ses propriétés physiques sont recherchées : c’est l’élément solide le plus léger du tableau périodique et il a une bonne tenue à la température.</p>
<p>En plus d’être très léger, le lithium possède une très faible électronégativité, en faisant un matériel de choix pour les batteries qui permettent le stockage réversible d’énergie. Avec le développement des technologies Li-ion, il a ainsi trouvé un fort débouché dans ce secteur, que soit pour l’électronique portatif (téléphones ou ordinateurs portables notamment) ou plus récemment pour le véhicule électrique (VE).</p>
<p>Le secteur des batteries représente aujourd’hui 46 % environ des volumes de lithium consommés, dont un tiers est dédié aux seuls usages liés aux véhicules électriques, <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/globalevoutlook2018.pdf">selon l’Agence internationale de l’énergie</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">E. Hache/IFPEN (avec données USGS 2018)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>On observe un taux de croissance positif ces dernières années pour tous les secteurs (exception faite du celui des graisses lubrifiantes). Dans le secteur des batteries, la hausse de la consommation de lithium est la plus forte, avec 20 % par an environ. Les plus grands importateurs et consommateurs de ce métal sont les pays les plus actifs dans le secteur de l’électronique (Chine, Corée du Sud, États-Unis en tête).</p>
<h2>Le « triangle du lithium »</h2>
<p>Si l’utilisation du lithium se concentre en Asie et aux États-Unis, la géographie minière est bien différente. En 2017, la production est estimée à 45 kt d’équivalent lithium (d’après les <a href="https://minerals.usgs.gov/minerals/pubs/commodity/lithium/mcs-2018-lithi.pdf">chiffres fournis par l’USGS</a> et consolidés par les auteurs).</p>
<p>L’essentiel (environ 90 %) de la production de lithium brut provient de deux régions : l’Australie et le triangle du lithium en Amérique du Sud (Argentine, Bolivie, Chili, sachant que la Bolivie en fait partie sans produire de lithium). La région andine détient ainsi plus de 50 % des ressources mondiales estimées à 52,3 Mt (chiffre fourni et consolidé par les auteurs via des données agrégées de l’USGS, le BRGM et des sites de producteurs).</p>
<p>Toutefois, la géographie de la production primaire de lithium (saumure, roches) peut être différente de celle des bases chimiques (LiOH, Li2CO3, etc.) ou des produits utilisant les dérivés chimiques de ce métal.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344917301118?via%3Dihub">Une étude menée en 2017</a> sur les flux internationaux de lithium illustre cette dynamique pour l’Australie et la Chine. Si le premier est le plus gros fournisseur de lithium primaire (sous forme de spodumène concentré), les procédés de raffinage sont effectués en Chine pour produire les bases chimiques. À l’inverse, le Chili exporte la très grande majorité du lithium produit sur son territoire sous forme transformée de carbonate de lithium.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des ressources en pointillés et de la production primaire mondiale en trait plein avec les principales entreprises présentes que les sites de production actuels et les projets en cours.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IFPEN</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un marché segmenté</h2>
<p>La production de lithium est historiquement contrôlée par un petit nombre d’acteurs américains (Albemarle et FMC) et chilien (SQM). Ces grands industriels sont des groupes du secteur de la chimie, de l’agroalimentaire (avec les engrais azotés), de la pharmacie ou du secteur minier. Pour ces trois acteurs, la part des revenus associés au lithium est en forte progression ces dernières années. En 2017, la part dans leurs chiffres d’affaires atteint 12 % pour FMC, 30 % pour SQM et 43 % pour Albermarle, selon les rapports annuels de ces entreprises. Plus récemment, deux compagnies chinoises majeures, Tianqi et Ganfeng (historiquement des transformateurs de lithium) ont aussi investi sur l’ensemble de la chaîne de valeur, et notamment dans l’extraction.</p>
<p>Si les trois grands acteurs historiques – FMC, SQM et Albemarle – détiennent encore aujourd’hui un peu plus de 50 % des parts du marché, les entreprises chinoises étaient, en 2016, à l’origine de près de 40 % de l’approvisionnement en lithium, dont une grande partie est consacrée à leur consommation domestique.</p>
<p>À l’échelle internationale, le marché du lithium est encore segmenté géographiquement entre un marché atlantique (Europe et États-Unis se fournissant majoritairement en Amérique du Sud) et un marché asiatique (la Chine ayant une production domestique et se fournissant majoritairement en Australie).</p>
<h2>L’électrification du parc auto mondial</h2>
<p>Dans le cadre de <a href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">notre étude</a>, nous avons développé trois scénarios d’électrification du secteur transport à l’échelle mondiale à l’horizon 2050.</p>
<p>Le scénario de référence (appelé « BAU » pour <em>business as usual</em>) poursuit la tendance actuelle sans qu’aucune nouvelle mesure ne soit adoptée dans le futur, tandis que les scénarios « Facteur 2 » et « Facteur 4 » enregistrent respectivement une division par deux et par quatre des émissions de CO<sub>2</sub> directes dans le secteur du transport, par rapport au niveau de 2005. La flotte mondiale de VE à batteries (2 et 3-roues non inclus) devrait ainsi représenter entre 200 et 650 millions en 2050. La demande cumulée de lithium est ainsi estimée entre 6 et 13 millions de tonnes, selon le scénario considéré sur la période 2005-2050.</p>
<p>Cette demande est globalement tirée par les régions d’Asie (Chine et Inde) et par l’Europe, avec des parts respectives estimées à environ 30 %, 26 % et 10 % de la consommation totale. Cette forte consommation de la Chine et de l’Inde provient du déploiement des deux et trois roues électriques en plus des véhicules particuliers. Le continent africain n’est pas en reste, avec un poids non négligeable (environ 8 %) dans la consommation mondiale cumulée de lithium du fait du développement de cette filière électrique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparaison de la consommation cumulée de lithium à l’horizon 2050 avec les réserves mondiales actuelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">IFPEN</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ces scénarios tendent à montrer qu’une forte pénétration du véhicule électrique au niveau mondial (jusqu’à 75 % en 2050, tous véhicules confondus) pourrait engendrer une diminution marquée de la marge de sécurité d’approvisionnement en lithium (rapport entre la consommation cumulée de lithium entre 2005 et 2050 et les réserves actuelles évaluées à 16 Mt). La marge de sécurité se situe ainsi à 65 % pour le scénario de référence, et à moins de 15 % pour le scénario le plus contraignant (« Facteur 4 »).</p>
<p>En parallèle, le développement des batteries Li-ion (pour l’électronique portatif et pour la première phase de pénétration des VE) entretient une dynamique d’exploration et d’exploitation minière au niveau mondial. Cela a déjà eu pour conséquence une multiplication par 3 des ressources estimées entre 2000 et 2017, et une multiplication par 4 des réserves entre 2000 et 2017.</p>
<h2>De multiples formes de vulnérabilités</h2>
<p>Les dynamiques d’équilibre à long terme sur les marchés de matières premières nous apprennent toutefois que l’absence de criticité géologique ne permet pas d’occulter <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">différentes formes de vulnérabilité</a>, qu’elles soient économiques, industrielles, géopolitiques ou environnementales. Parmi elles, la concurrence entre les acteurs apparaît toute relative, malgré l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Dès lors, la structure industrielle de la filière tend à montrer une criticité économique possible, en raison du faible nombre d’acteurs et de leur positionnement oligopolistique.</p>
<p>En outre, la volatilité des prix pourrait fragiliser les nouveaux entrants sur le marché et conduire à des nouveaux mouvements de consolidations (fusions et acquisitions) entre les acteurs. Toutefois cette volatilité des prix pourrait au final peu impacter l’aval de la filière associée à la production de batteries. En effet, la part du prix du lithium dans le coût global de fabrication d’une batterie automobile reste faible. En 2017, <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2017-lithium-battery-future/">Bloomberg a ainsi calculé</a> qu’un triplement du prix du lithium aurait pour conséquence une augmentation de seulement 2 % du prix des batteries, alors que ce chiffre monte à près de 13 % pour le cobalt.</p>
<p>La dynamique des prix observée à partir de 2004 avait suscité de nombreuses interrogations de la part des analystes sur une possible cartellisation du marché du lithium, à savoir la création d’une forme <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2011/06/30/l-argentine-veut-creer-une-opep-du-lithium_1542985_3234.html">« d’OPEP du lithium »</a>). Si la proximité géographique des acteurs du triangle du lithium est avérée, la proximité stratégique l’est beaucoup moins.</p>
<p>Cependant, les stratégies nationales, dans le triangle du lithium, resteront soumises à de très fortes incertitudes, entre ouverture économique et mise en place de politiques commerciales agressives. Dans les années à venir, il sera nécessaire d’observer les évolutions stratégiques de chacun de ces pays, et plus particulièrement de la Bolivie, étant donné leur part dans les réserves mondiales de lithium et leur capacité à jouer sur l’offre de production.</p>
<p>Enfin, la politique de la Chine et de ses entreprises sur la filière lithium, mais également sur le secteur des batteries, reste un élément clé de compréhension de ce marché dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105429/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Cet article a reçu des financements de l'ADEME dans le cadre du projet E4T.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Bonnet, Gondia Sokhna Seck et Marine Simoën ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Apprécié pour sa légèreté et sa bonne tenue à la température, ce métal est très demandé dans le secteur des batteries pour les véhicules électriques.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceClément Bonnet, Économiste, IFP Énergies nouvelles Gondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Marine Simoën, Ingénieure de recherche en économie, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.