tag:theconversation.com,2011:/institutions/universite-de-guyane-2948/articlesUniversité de Guyane2021-11-09T22:38:19Ztag:theconversation.com,2011:article/1683322021-11-09T22:38:19Z2021-11-09T22:38:19ZGuyane : dialoguer en remontant le Maroni<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 15 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Cette année 2021, la Guyane française n’a pas été épargnée par les intempéries et les inondations. Il faut imaginer cet immense territoire, riche en forêts et en fleuves, situé en Amérique latine et qui représente un cinquième de la France.</p>
<p>Ce littoral long de plus de 500 km accueille plus de 70 % de la population guyanaise. À l’est le fleuve de l’Oyapock marque la frontière avec le Brésil, et à l’ouest, où nous effectuons notre enquête, le fleuve du Maroni sépare le Surinam de la Guyane française.</p>
<p>Ce fleuve est l’unique accès emprunté par la grande majorité de la population locale pour se rendre à l’intérieur des terres. Sur ces rives se sont établis plus d’une centaine de « kampou » ; il s’agit de regroupement de trois à une dizaine de maisons. Ces bourgades sont le lieu de résidence <a href="https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/couv/aplat/9782343131184.pdf">d’une partie de la population du Bushinegue</a> qui vivent en étroite relation avec le nature.</p>
<p>En tant que jeune chercheur en sciences du langage, je me suis intéressé aux représentations et aux perceptions de communautés autochtones en Guyane liées aux phénomènes climatiques. C’est ainsi qu’avec une équipe de recherche, j’ai arpenté durant les deux mois de juillet et août 2021 plus de 1 000 kms. Nous avons emprunté les routes, les pistes, les airs et le Maroni à la rencontre de ceux qui bâtissent et aménagent ce territoire.</p>
<h2>Analyser le discours</h2>
<p>Par le truchement des récits de vie, plus particulièrement de la <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-de_la_recherche_biographique_en_education_fondements_methodes_pratiques_christine_delory_momberger-9782360850587-44940.html">biographisation</a>, le narrateur énonce des expériences de sa vie que le chercheur en sciences du langage examine pour l’entremise de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-identites_sociales_et_discursives_du_sujet_parlant_patrick_charaudeau-9782296112858-30475.html">l’analyse du discours</a>.</p>
<p>Cette démarche sur le terrain de la recherche exploratoire requiert toute à la fois des qualités scientifiques et humaines. Il s’agit de s’armer de patience, de bienveillance, mais surtout de perspicacité. En effet, c’est un défi permanent pour le jeune chercheur que d’aller vers de nouveau territoire de recherche, à la rencontre des autres.</p>
<p>Dans cette approche nous avons fait face à deux types d’interlocuteurs. Nous avons rencontré des acteurs généreux et soucieux de la recherche, ils partagent volontiers leurs connaissances et leurs expériences de vie et d’autres plus méfiants ou prudents emploient des stratégies argumentatives pour éviter l’échange.</p>
<p>Fort heureusement, notre travail de recherche doit mettre en exergue <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Dire_et_le_dit_(Le)-2058-1-1-0-1.html">l’argumentation dans le discours</a> et les <a href="https://www.fabula.org/actualites/r-amossy-l-argumentation-dans-le-discours_39649.php">stratégies argumentatives</a> mises en œuvre par les locuteurs.</p>
<h2>Égarer l’interlocuteur</h2>
<p>Nous avons perçu des stratégies argumentatives dites de <a href="https://journals.openedition.org/aad/568">« fallacie »</a>. Ces stratégies sont destinées à induire en erreur, à égare un interlocuteur. Ainsi, lors d’une prise de contact téléphonique pour établir les modalités de rendez-vous, nous avons pu entendre dire par notre locuteur :</p>
<blockquote>
<p>« Oui, oui, vous pouvez venir. Mais tous les hôtels sont pris, vous savez. Il n’y a plus de place dans le village. »</p>
</blockquote>
<p>Ce type de formulation oriente l’interlocuteur que nous sommes vers un raisonnement de doute et de confusion. Le locuteur souhaite décourage l’interlocuteur pour nous empêcher de venir à sa rencontre sur son territoire de vie. Finalement nous avons maintenu notre objectif d’interviewer notre locuteur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424789/original/file-20211005-18-17o4mxo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le fleuve du Maroni dans la région de Grand-Santi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D. Béneteau de la Prairie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous avons navigué pendant un jour et demi en pirogue, avec le doute de trouver tous les hôtels fermés, mais nous étions prêts à dormis dans un hamac de fortune. Finalement, à notre grande surprise les hôtels n’affichaient pas tous complet et nous avons fini par trouver une chambre confortable. Toutefois nous avons pu constater qu’il y avait en effet une cérémonie culturelle et cultuelle dans le village en question et plus de personnes que d’ordinaire.</p>
<h2>Des joutes oratoires</h2>
<p>D’autres situations de la rencontre ont été semblables à des joutes oratoires. Il a été nécessaire de rester prévenant, face aux discours vindicatifs de certains locuteurs.</p>
<blockquote>
<p>« Alors, vous allez prendre notre parole et forger des armes contre nous, et mettre en place de nouvelles lois, pour nous empêcher de vivre, comme nous vivions avant… nous les communautés autochtones. »</p>
</blockquote>
<p>Face à ce type d’argument, nous avons dû être compréhensifs et admettre qu’aux yeux des locuteurs, nous représentions une autorité de l’état, qu’on le veuille ou non, sous l’enseigne de la recherche. Toutefois selon le chercheur Dominique Maingueneau ce discours individuel n’est que la résurgence <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2015-4-page-159.htm">d’un discours communautaire</a>. Ces propos nous permettent d’appréhender les représentations des locuteurs et plus largement de la communauté en question.</p>
<p>Enfin, c’est aussi autour d’une table conviviale que les langues se délient, véritable délice, pour l’entendement et la compréhension de l’objet de notre enquête. Car, il ne s’agit pas seulement de récoltes des données, de collectés de mots, mais bien plus, de rencontres authentiques vers un autre, vers un <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/soi-meme-comme-un-autre-paul-ric-ur/9782020114585">soi-même comme un autre</a>. Les layons de la recherche façonnent la posture du jeune chercheur entre l’expérience scientifique et la rencontre humaine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Film, le Maraké de Brandon, 2017, réalisé par Dave Béneteau de Laprairie.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/168332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dave Bénéteau de Laprairie est président de l'association layons de la recherche, l'association des doctorants de Guyane. </span></em></p>Quelles sont les représentations et les perceptions de communautés autochtones en Guyane liées aux phénomènes climatiques ? Premiers retours d’une recherche au long cours.Dave Béneteau de Laprairie, Doctorant en sciences du langage, Université de GuyaneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1286812020-01-12T22:53:20Z2020-01-12T22:53:20ZEt si le carnaval de Guyane était un peu plus inclusif ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309242/original/file-20200109-80126-o1ijvm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C6%2C1016%2C757&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carnaval à Kourou, Danseuse en fleur, 27 février 2013.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/arriabelli/2225449207/">Arria Belli/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le carnaval de Guyane, qui a débuté cette semaine, est souvent qualifié par les Guyanais avec fierté, « de carnaval le plus long du monde ». Ce n’est en réalité pas le cas puisqu’il suit fidèlement le calendrier grégorien, les festivités débutant le dimanche après l’Épiphanie et se terminant le mercredi des cendres. La durée du carnaval varie donc de 6 à 9 semaines selon les années. En comparaison celui de Limoux dans le département de l’Aude en France, <a href="http://www.limoux.fr/votre-ville/histoire-et-patrimoine/carnaval/joomlannuaire/fiche/503-programme-de-carnaval-2019/54-carnaval">dure trois mois</a>.</p>
<p>Si le carnaval de Guyane possède une originalité, ce n’est donc pas par sa durée, mais plutôt par son caractère libre et spontané. Pourtant, l’analyse des discours populaires démontre que ces aspects sont rarement pris en considération.</p>
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<figcaption><span class="caption">Carnaval de Guyane 2019, Outre Mer la 1ʳᵉ.</span></figcaption>
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<h2>Une attraction touristique</h2>
<p>L’idée dominante est de faire de ce carnaval une célébrité mondiale en copiant d’autres carnavals comme Nice, Rio ou Trinidad où les costumes sont présentés comme étant harmonieux et somptueux. Pour ce faire on tente de mettre en avant des particularités qui n’en sont pas.</p>
<p>C’est le cas pour le bal du samedi soir lors duquel seules les femmes se déguisent et sont autorisées à inviter les hommes à danser. Depuis 2014, l’Observatoire régional du carnaval guyanais milite pour l’inscription du « Touloulou » (nom donné à toutes les personnes déguisées durant le carnaval et ici il s’agit des femmes déguisées) <a href="https://www.guyane-amazonie.fr/inscription-du-touloulou-unesco">au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco</a>. L’idée est de faire reconnaître ce personnage féminin comme étant une particularité guyanaise alors que ce Touloulou qui se rend au bal s’inscrit dans la droite ligne du rite d’inversion carnavalesque (le monde est joué à l’envers). Ce personnage est d’ailleurs très bien décrit par de nombreux auteurs ayant étudié la <a href="https://journals.openedition.org/clio/108">Sainte-Agathe dans les Pyrénées espagnoles</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309238/original/file-20200109-80107-y6vnag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Touloulous, 2007.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Touloulous.jpg">Didwin973/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La contradiction relevée réside donc dans le fait que des spécificités sont recherchées (souvent là où il n’y en a pas) et que certains regrettent <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/carnaval-guyane-produit-touristique-construire-448223.html;https://www.youtube.com/watch?v=Nns6_IecAN4">« l’absence de touristes »</a>, mais aussi la présence de costumes jugés dégradants (hommes travestis en femmes notamment), le manque de ponctualité des groupes, la violence des jeunes… Certains s’offusquent même de la critique des hommes politiques alors que le <a href="http://www.ict.univ-paris-diderot.fr/carnaval-politique-colloque-international">lien entre carnaval et politique fait partie intégrante des festivités</a>.</p>
<h2>Absence de barrières</h2>
<p>Pourtant, là où réside la particularité du carnaval guyanais, c’est justement par l’absence de barrières – au sens propre comme au sens figuré – entre les Touloulous et les « spectateurs » (qui n’en sont pas en réalité).</p>
<p>Ce détail fait de lui un carnaval dans lequel tout le monde est acteur : pas d’applaudissements, pas d’inactifs, tout le monde participe aux festivités ! Cette rencontre « spectateurs »/masques se retrouve particulièrement à l’occasion du jeu d’intrigue avec les « Touloulous » qui ont pour mission principale de tourmenter, de salir ou de faire participer l’assemblée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308648/original/file-20200106-123381-3g41od.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Gorille et la jeune femme (2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
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<p>Le gorille tourmentent les femmes et les enfants. Les hommes travestis en femmes chantent des refrains obscènes et courtisent les autres hommes</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308649/original/file-20200106-123399-1brsvzo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hommes travestis (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=300732247306733">« jé farin »</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=A0VHQbiPPx4">« les neg marron »</a>
salissent le public en projetant de la farine, pour le premier, et en menaçant de salir avec un mélange de charbon et d’huile pour les seconds.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308650/original/file-20200106-123381-esxq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Neg Marron (2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
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<p>Mais cette rencontre tend à disparaître avec l’arrivée des groupes organisés en association déclarée, répétant des chorégraphies et demandant des cotisations.</p>
<h2>Le débordement partie intégrante de la fête</h2>
<p>Progressivement la fête se transforme en spectacle débarrassé de tout « débordement ». À l’heure où la principale ville, Cayenne, veut suivre l’exemple des carnavals internationaux, il faut souligner que ce sont exactement ces aspects spontanés qui animent le carnaval des communes éloignées de Cayenne. Nombreux sont ceux qui ont relayé sur les réseaux sociaux et les médias ces scènes d’aspersions et d’inversion carnavalesques. </p>
<p>De même, le caractère violent du carnaval est souvent décrié et les médias, comme le public, rejettent la responsabilité sur « les jeunes ». La Mairie de Cayenne <a href="https://www.franceguyane.fr/actualite/culture-et-patrimoine/carnaval-de-guyane-2018/les-mineurs-non-accompagnes-de-16-ans-ou-moins-ne-sont-pas-les-bienvenus-au-carnaval-386850.php">a interdit l’accès au carnaval aux mineurs de moins de 16 ans non accompagnés</a>, des internautes proposent que les bals soient interdits aux moins de 25 ans.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jé farine, fierté de la tradition sauvegardée à Saint-Laurent.</span></figcaption>
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<p>Là encore, nous constatons un nouveau paradoxe, celui d’une société qui se vante de sa jeunesse (44 % des habitants ont moins de 20 ans ; âge moyen de la population : 27 ans), mais qui ne semble pas savoir quoi en faire. La solution proposée à des jeunes, déjà exclus de la société par le chômage (40 % des 15-24 ans), est donc de les exclure de la fête. Les jeunes sont souvent qualifiés d’indisciplinés et d’ignorants des codes de la fêtes, mais en remontant dans le temps, nous observons que la fête a toujours été liée à la <a href="http://www.loophaiti.com/content/un-ministre-juge-inacceptable-la-violence-lors-du-carnaval-de-rio">violence</a>, aux débordements et ce, dans de <a href="https://www.lindependant.fr/2016/01/22/limoux-pepe-tailhan-dit-stop-a-la-bibine-carnavalesque">nombreux carnavals</a>.</p>
<p>Le carnaval est ainsi une véritable « cocotte-minute » humaine, un rassemblement subversif, qui, chaque année s’en prend symboliquement et parfois dans la violence, aux représentants des « maux » qui minent la société : le pouvoir politique, les étrangers, la pauvreté, l’infidélité, la crise économique, la maladie…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=677&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=677&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=677&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308651/original/file-20200106-123389-k7erhg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=850&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carnaval et maladie (2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
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<h2>Violences et frustrations</h2>
<p>Il serait pourtant possible d’abaisser le niveau de violence en intégrant les groupes les plus véhéments, en accompagnant leur formation au carnaval de manière à réduire les frustrations qui sont un terreau favorable à la délinquance.</p>
<p>En 2016, le ministère de l’Intérieur a recensé en Guyane près de 3 fois plus de violences volontaires, 4 fois plus de vols violents sans arme et <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/27/les-chiffres-cles-pour-comprendre-la-situation-en-guyane_5101585_4355770.html">13,5 fois plus de vols avec arme</a> que dans le reste de la métropole.</p>
<p>Par ailleurs, 63 % de la population n’est pas née en Guyane. Une large majorité de cette population est pauvre – les <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/27/les-chiffres-cles-pour-comprendre-la-situation-en-guyane_5101585_4355770.html.">bénéficiaires des minima sociaux sont trois fois plus importants en Guyane</a> - et bon nombre de ces jeunes découvrent la société guyanaise et tente d’en comprendre les codes « sur le tas », mais les natifs eux-mêmes ne sont pas forcément mieux insérés dans le tissu économique et culturel du pays. Par exemple, les enseignants, natifs ou pas, rencontrent beaucoup de difficultés à expliquer l’histoire de ce carnaval, des Touloulous qui déambulent dans les rues ou dans les bals, leur symbolique, leurs codes, leur rôle, leur évolution. Se produit alors une double exclusion : économique lorsque ces jeunes sont issus de familles défavorisées et culturelle lorsqu’ils ne maitrisent pas les codes du rituel.</p>
<h2>Développer sa créativité</h2>
<p>L’exclusion renvoie un message inconscient dans lequel il est sous-entendu que pour participer à la fête (donc faire partie de la société) il faut posséder les moyens financiers adéquats. Le carnaval reflète le quotidien de ces jeunes auxquels la société laisse entendre qu’ils n’ont pas les moyens culturels et économiques suffisants pour apporter leur contribution. Or, le carnaval est le meilleur moyen de développer sa créativité, de produire à partir de morceaux épars.</p>
<p>L’originalité du carnaval guyanais est sa gratuité. Les Touloulous ont accès gratuitement à la musique produite par les célèbres orchestres des bals grâce aux vidés : ces derniers désignent les bals organisés dans la rue avec un orchestre juché sur un camion.</p>
<p>L’accès aux rues est également gratuit, mais s’est créé au fil du temps un filtre apparu avec la création d’associations, l’organisation de bals privés, la remise de prix lors des parades et la quête de sponsors. C’est un cercle économique qui fait perdre de vue l’extrême pouvoir d’inclusion sociale du carnaval.</p>
<p>Le défi aujourd’hui est d’utiliser cette force pour en faire un outil de l’Éducation nationale afin d’apprendre à ces jeunes à développer leurs talents. L’art, la culture et les artistes peuvent accompagner la réussite scolaire, l’insertion sociale, l’épanouissement de chacun et prendre en charge la <a href="http://www.oecd.org/edu/ceri/FR_overview_FINAL_print.pdf">citoyenneté</a>. Pensons ainsi à ces musiciens, autodidactes pour la plupart – et qui font danser toute la Guyane durant plusieurs semaines.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308652/original/file-20200106-123368-fx7pgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Blue Stars feroces (2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Hidair Krivsky</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/128681/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Hidair-Krivsky est également déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité de Guyane.</span></em></p>Le carnaval de Guyane en lissant ses spécificités sociales et politiques met de côté tout un pan de la population.Isabelle Hidair-Krivsky, Anthropologue, maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Université de GuyaneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/843312017-10-11T19:04:47Z2017-10-11T19:04:47ZDe la difficulté d’être chercheur natif en territoire ultra-marin : vue de Guyane<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Être chercheur et natif dans une société dont l’histoire est liée à la colonisation européenne et à la Traite négrière place le chercheur au cœur d’interactions sociales complexes.</p>
<p>En effet, dans ces sociétés, le type physique étant prépondérant dans la <a href="http://www.lameca.org/dossiers/prejuge_couleur/processus_de_racisation.htm">discrimination</a>, le chercheur devient à la fois observateur et partie prenante puisqu’il est lui-même porteur du <a href="http://haitireconstruction.ning.com/profiles/blogs/le-discours-sur-le-corps-dans-l-id-ologie-de-couleur">préjugé de couleur</a>.</p>
<p>En Guyane, département français d’Amérique du Sud, où 63 % de la population n’est pas née dans le pays, le fait d’être « natif » a une connotation toute particulière lors des interactions. « Endogènes » et « Exogènes » s’affrontent sur le terrain symboliquement (comme le rappelle le site <a href="http://www.fierdetreguyanais.com/"><em>La fierté d'être Guyanais</em></a>) mais aussi statistiquement car la réalité fait que les natifs sont minoritaires dans le pays dans lequel ils sont nés.</p>
<p><a href="http://www.reseau-terra.eu/article742.html">Chaque vague migratoire</a>, organisée par l’État (Européens, esclaves africains, Chinois, Libanais, Indiens, Hmong) ou spontanée (Brésiliens, Surinamais, Haïtiens, Sainte-Luciens) a contribué à façonner cette société. Ainsi, la division ethnique des activités professionnelles, telle que décrite par les anthropologues Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart en <a href="https://apad.revues.org/610">1995</a> pour les États-Unis, est également palpable en Guyane. Or, cette diversité est marginalisée dans les <a href="https://ries.revues.org/3486">programmes scolaires français</a>.</p>
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<h2>Ecole coloniale</h2>
<p>À l’école, de nombreuses générations de Guyanais – aux origines pourtant multiples – ont appris sans sourciller que leurs ancêtres étaient Gaulois et, lorsque les leçons concernaient la Guyane, les idéologies transmises étaient évolutionnistes. À ce propos, relisons un passage de ma leçon d’histoire écrite en 1979 :</p>
<blockquote>
<p>« En 1492, Christophe Colomb traversa l’Atlantique et découvrit l’Amérique […]. À l’époque précolombienne, la Guyane est peuplée d’Indiens caraïbes au nombre relativement faible, […] aux mœurs rudes et pauvres. […] Pour cultiver les terres, assécher les marécages, les colons employaient des esclaves noirs venus d’Afrique. En 1848, Victor Schœlcher abolit l’esclavage. Cette décision eut de graves conséquences puisque les Noirs quittèrent les plantations et vinrent s’installer à Cayenne où ils se laissèrent aller à une vie paisible. »</p>
</blockquote>
<p>La situation ne s’est pas améliorée depuis. On peut relever dans les <a href="https://univ-ag.academia.edu/IsabelleHidair">manuels scolaires</a> quatre stéréotypes récurrents sur les départements, régions et collectivités d’outre-mer (DROM-COM) :</p>
<ul>
<li><p>« Les DROM-COM sont un héritage du passé colonial de la France » : notons que le vocabulaire employé ôte l’aspect dramatique de la colonisation et de la Traite.</p></li>
<li><p>« Le taux de natalité élevé des DROM-COM pose un problème » : Or, les études économiques démontrent que le vieillissement démographique en Europe risque d’accroître les <a href="http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/rapport-vivre-ensemble-plus-longtemps-0.html">difficultés de recrutement dans certains secteurs d'activité</a>.</p></li>
<li><p>« Les habitants des DROM-COM émigrent vers la Métropole à cause du chômage » : Renforce l’<a href="http://www.seuil.com/ouvrage/face-au-racisme-pierre-andre-taguieff-dir-/9782020209793">idée reçue de migrants</a> qui « prennent l’emploi des Français » (et qui « font beaucoup d’enfants »), mais ne rend pas compte de la réalité d’une « Métropole » qui fait <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281122">appel à cette main-d'œuvre</a>.</p></li>
<li><p>« Les habitants des DROM-COM vivent des aides financières de la France » : Il est fait mention de l’assistance massive et des transferts sociaux sans jamais présenter les bénéfices, ni les emplois offerts <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/reunion-destination-preferee-francais-qui-demenagent-metropole-495761.html">aux Métropolitains</a>.</p></li>
</ul>
<p>Les conséquences ? </p>
<p>Dans l’imaginaire collectif, la Guyane est dépréciée et les jeunes pensent qu’il est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1291181">préférable de partir</a> en France hexagonale (perçue comme la panacée).</p>
<p>Que se passe-t-il une fois arrivés en France ?</p>
<p>Le sociologue <a href="http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/8_1237_5.pdf">Michel Giraud</a> souligne que le mouvement de prolétarisation a mené les Antillais français et Guyanais dans une situation proche de celle des groupes issus des immigrations d’origine étrangère les plus dépréciés (notamment Maghreb et Afrique noire auxquels ils sont assimilés).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187245/original/file-20170923-17267-suy3pc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Débat sur l'identité 9 novembre 2016.</span>
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</figure>
<h2>Discriminations socio-raciales</h2>
<p>La situation n’est pas meilleure en Guyane où, 169 ans après l’abolition de l’esclavage, l’ordre socio-racial n’a pas été modifié. Les phénotypes entrent en compte dans la classification socio-économique des individus au sein d’une société où la <a href="http://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1992_num_125_1_3364_t1_0191_0000_2">blancheur de la peau est une valeur sociale</a>.</p>
<p>Deux idéologies rythment les interactions : l’assimilation et les racines. Par assimilation nous entendons l’intériorisation des valeurs de la culture française chrétienne véhiculées par les programmes scolaires (<a href="https://gerflint.fr/Base/France10/fougerouse.pdf">qui ne sont pas neutres</a>). Par racines, nous faisons référence aux courants <a href="http://education.francetv.fr/matiere/litterature/premiere/article/aime-cesaire-et-le-concept-de-la-negritude">afro-centristes</a> ou encore à <a href="https://books.google.fr/books?isbn=2845866003">celui de l'Abya Yala</a> qui inspirent les Guyanais. Ces idéologies ne sont pas spécifiques à un groupe socioculturel et ne sont pas non plus étanches : Un « endogène » peut adopter l’idéologie de l’assimilation ; de même qu’un « exogène » peut valoriser l’idéologie des racines. Soulignons aussi la capacité des individus à se jouer des catégorisations raciales en fonction de leur apparence (en <a href="https://clio.revues.org/7447">particulier les métis</a>).</p>
<h2>Combattre les idées reçues</h2>
<p>Ces idéologies engendrent une discrimination latente, mais croissante, qui crée des frustrations : <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane-noubonkesa-internautes-expriment-leur-ras-bol-web-457313.html">dénonciation des injustices</a>, <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/une-enseignante-de-saint-laurent-relevee-de-ses-fonctions-pour-des-propos-discriminants-sur-Facebook-398643.html">tensions dans les établissements scolaires</a>, <a href="http://www.slate.fr/story/142427/guyane-contestation-france-securite-sante">sentiment d'insécurité généralisé</a>. Elles rythment les interactions socio-culturelles, et ce, y compris dans le monde universitaire qui ne s’est pas affranchi des valeurs issues de l’histoire <a href="http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amsudant/guyanefr2.htm">socio-raciale</a> car les préjugés (positifs ou négatifs) sont encore <a href="https://www.yumpu.com/fr/document/view/17344351/ethnolinguistique-w-ebtice">bien vivaces</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, enquêter et enseigner est difficile puisque les idées reçues sont ancrées <a href="https://cavainc.blogspot.com/2011/03/geographie-generale-guyane-francaise.html">dans l'imaginaire collectif</a>. Elles peuvent créer de l’exclusion ou bien favoriser l’ascension sociale.</p>
<p>Voici quelques exemples issus de témoignages et d’observations : lorsqu’il s’agit de participer à la rédaction d’un dictionnaire des langues de Guyane, des linguistes endogènes ont constaté que leurs compétences ne sont pas sollicitées par le Rectorat et les laboratoires de recherche nationaux.</p>
<p>De même, des chercheurs en langues et cultures régionales endogènes ne sont pas invités à présenter leurs travaux à l’occasion du forum des langues et cultures de Guyane organisé par la <a href="https://www.ctguyane.fr/ctg-debat-charte-europenne/">collectivité territoriale</a> et la direction des affaires culturelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187244/original/file-20170923-17248-1gtjhn1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Journée d'études des Masters 26 avril 2016.</span>
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<p>Lors des recrutements des enseignants-chercheurs ou des comités de suivi de thèse, il est courant d’entendre parmi les membres du jury – à propos du chercheur natif – la mise en doute de son « objectivité ».</p>
<p>Dans la communauté scientifique en Guyane, l’idée reçue qui considère que « la neutralité » n’est pas une qualité dominante des chercheurs endogènes, est très répandue. Ils sont d’ailleurs très souvent accusés, comme le fait D., ingénieur de recherche exogène, d’être « immatures » et « d’instrumentaliser les résultats de leurs travaux à des fins politiques ».</p>
<h2>Légitimités</h2>
<p>Sur ce point, l’anthropologue brésilien Otavio Velho – spécialiste des questions liées aux constructions identitaires – <a href="https://cres.revues.org/680?lang=en">met en évidence</a> que la distance géographique parcourue n’est pas une garantie d’objectivité. Otavio Velho s’inscrit dans la tradition anthropologique brésilienne qui préfère « cultiver son jardin », autrement dit étudier sa propre société. Que dire de l’<a href="http://www.oxfordscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780195304169.001.0001/acprof-9780195304169">Afro-américaine Jacobs-Huey</a> qui étudie les questions identitaires liées aux autochtones et aux afro-américains et du <a href="http://hal.univ-brest.fr/search/index/q/*/authFullName_s/Ronan+Le+Coadic">sociologue breton Ronan Le Coadic</a> spécialiste de la sociologie de la Bretagne contemporaine ?</p>
<p>En Guyane, l’allochtonie, souvent associée à la couleur blanche du chercheur, serait synonyme <a href="https://variations.revues.org/246">d'autorité</a>, de neutralité, voire d’invisibilité.</p>
<p>Mais pourquoi posséderait-il ce don ?</p>
<p>À ce propos, les travaux <a href="https://experts.umich.edu/en/publications/i-never-think-about-my-race-psychological-features-of-white-racia">des psychologues Andrea Dottolo et Abigail Stewart</a> montrent que le point commun des identités blanches est exactement de ne pas se penser comme telles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187242/original/file-20170923-17262-1vii40c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Laboratoire MINEA (EA 7485) Séminaire 9 décembre 2016.</span>
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<h2>Invisible « blanchité » ?</h2>
<p>Contrairement aux autres groupes socio-culturels présents en Guyane, les « Blancs » ont le luxe de ne pas se percevoir et se représenter en termes raciaux.</p>
<p>La chercheuse <a href="https://cedref.revues.org/428">Horia Kebabza</a> définit la « blanchité » par l’avantage de n’être pas « catégorisé ». Ainsi, toute la population guyanaise serait catégorisable hormis les « Blancs » qui ne se considèrent pas comme « ethnie », « migrants », « groupe socioculturel » et se placent d’office « en dehors » des interactions socio-raciales.</p>
<p>Leur identité est celle <a href="http://www.courrierinternational.com/article/expatriation-les-blancs-sont-des-expats-les-autres-sont-des-immigres">d'expatriés</a> issus d’une société tolérante. L’idée que le <a href="http://www.etatdexception.net/la-race-une-obsession-pas-seulement-americaine/">racisme concernerait la France</a> est perçue comme une provocation, voire une hérésie, pourtant de <a href="http://www.tikreol.re/accuser-de-racisme-pour-masquer-les-privileges-metropolitains/">nombreuses études</a> démontrent que c’est un <a href="http://www.diasporas.fr/europeennes-racisme-narcissisme-comment-les-americains-voient-le-vote-fn-francais/">sujet d'actualité</a>.</p>
<h2>Compétitions</h2>
<p>La position du chercheur natif est doublement inconfortable.</p>
<p>D’une part, face aux « exogènes », il est sans cesse contraint de justifier l’authenticité de ses diplômes et le sérieux de sa méthodologie de recherche. Notons aussi le fait qu’un exogène qui souhaite travailler sur un même pied d’égalité avec un endogène « peut être considéré comme une trahison », confie C., chercheur exogène, mars 2017.</p>
<p>D’autre part, au sein du groupe endogène, la rareté des experts favorise l’individualisme. En effet, tout nouvel arrivant est perçu comme une menace du monopole des prédécesseurs qui veulent rester les « seuls et uniques experts-natifs » dans leur discipline.</p>
<p>Sur ce point, le spécialiste du management <a href="http://mba-rh.dauphine.fr/fileadmin/mediatheque/site/mba_rh/pdf/Travaux_anciens/MEMOIRE_MBA_RH13_performance_des_equipes_role_de_la_fonction_RH_102016.pdf">Roger Mucchielli</a> montre qu’au sein des groupes dans lesquels l’excès de compétition est développé, pour des questions de statut, les problèmes interpersonnels sont accentués au détriment de l’unité d’action. Tout apport positif d’un membre provoque un effet déprimant car cela renvoie aux autres l’image de leur échec dans ce contexte compétitif.</p>
<p>Ainsi, les chercheurs en sciences humaines, natifs ou non, n’échappent pas aux rapports subjectifs entretenus lors d’interactions complexes dans un contexte concurrentiel exacerbé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Hidair-Krivsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Être chercheur dans une société où les catégories et discriminations raciales subsistent, demeure un défi pour le chercheur, natif ou non.Isabelle Hidair-Krivsky, Anthropologue, maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Université de GuyaneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/760002017-05-17T20:24:18Z2017-05-17T20:24:18ZPourquoi devons-nous enseigner « la Guyane »<p>Comment comprendre la richesse multiculturelle qu’offre la Guyane, ce département d’outre-mer français situé en Amérique du Sud ? Le multilinguisme est l’une des clefs possibles permettant d’observer les spécificités de la société guyanaise. Ces dernières se retrouvent au cœur des manifestations qui ont animé pendant près d’un mois <a href="http://www.lepoint.fr/monde/guyane-petite-lecon-de-geographie-28-03-2017-2115407_24.php">ce territoire de 84 000 km²</a> où vivent près de 265.000 habitants.</p>
<p>Les manifestants et intellectuels guyanais <a href="http://lekotidien.fr/wp-content/uploads/2017/01/20170124-construirelasocieteguyanaise.pdf">soulignent ainsi</a> l’importance de mieux former et éduquer les citoyens – en France et y compris en Guyane- aux multiples langues et cultures présentes dans ce département.</p>
<h2>Trente langues sur un même territoire</h2>
<p>En effet l’<a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/mobilites-ethnicites-diversite-culturelle-la-guyane-entre-surinam-et-bresil">histoire de la Guyane</a>, ponctuée de vagues d’<a href="http://www.ibisrouge.fr/fr/livres/histoire-de-l-assimilation">immigration successives</a> (colonisation, esclavage, transportation…) depuis 1604, a fait d’elle un territoire multiethnique et multilingue.</p>
<p>Cette réalité, qui illustre le quotidien des Guyanais vient pourtant se confronter à l’affirmation que « la langue de la République est le français », selon la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527453&cidTexte=LEGITEXT000006071194">constitution française</a>.</p>
<p>Certes, de par son statut politico-administratif, toutes les lois de la République française sont applicables dans leur intégralité moyennant des adaptations lorsque nécessaires.</p>
<p>Mais du point de vue sociolinguistique, nous sommes en présence d’une situation de <a href="http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/ed-06-08/010042078.pdf">multilinguisme inédit en France</a> où une trentaine de langues sont utilisées sur ce territoire.</p>
<p><a href="http://www.vers-les-iles.fr/livres/archCreol/Chaudenson2.html">On retrouve notamment</a> des langues amérindiennes telles que le lokono, teko, kali’na, palikur, wayana, wayampi, d’autres à base lexicale anglaise, (aluku, ndyuka, pamaka, sranantongo) voire portugaise (saamaka) et d’autres enfin à base lexicales française : créoles guyanais, guadeloupéen, haïtien, martiniquais, saint-lucien.</p>
<p>Dans une première phase s’est développé un « pidgin » du point de vue phonétique et phonologique (lexical et syntaxique) pour dire les « choses » les plus simples et les plus fondamentales de la vie. Puis ce pidgin s’est enrichi pour devenir un créole.</p>
<p>Dans son volet linguistique, il s’agit d’un contact de langues amérindiennes, européennes, et africaines dans le cadre de la société de plantation.</p>
<p>Dans cette tour de Babel, certaines langues ont une fonction véhiculaire, c’est-à-dire qu’elles participent à la communication extra communautaire. Le nengee tongo dans l’ouest et le créole sur le littoral jouent ce rôle et sont utilisées selon la situation à des fins commerciales, politiques, administratives et dans certaines campagnes de santé. Leur place sur ce marché linguistique est limitée, toutefois elles sont utilisées pour cibler certains messages.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167481/original/file-20170502-17241-kivigs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2013 durant une grève, les manifestants s’expriment également en créole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sophie Alby</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><a href="http://www.editions.ird.fr/produit/129/9782709916790/Langues%20de%20guyane">D’autres langues européennes</a> dans leur version sud-américaine ou caribéenne existent également : anglais du Guyana, espagnol, français, néerlandais, portugais. Viennent enfin les langues asiatiques : le chinois (cantonais, hakka) et le hmong (langue venant sud de la Chine et parlée par une <a href="http://www.slate.fr/france/86585/les-hmong-harkis-dindochine">frange de la population issue de ce pays</a> et vivant principalement au village de Cacao situé en Guyane).</p>
<h2>De premiers pas soulignent l’importance de la langue et de la culture maternelles</h2>
<p>L’école, appliquant les textes est avant tout monolingue, utilisant le français, même si des avancés sont notées ici et là.</p>
<p>À titre d’exemple, en 1999 les langues amérindiennes, nenge, les créoles à base lexicale française et le hmong font partie du <a href="http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/Rapport-Cerquiglini-1999.htm">patrimoine linguistique de la France</a>.</p>
<p>Un CAPES de créole créé 2001, des classes bilingues (8 écoles et 11 classes pour le créole), le dispositif <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/2014/01/29/les-intervenants-en-langue-maternelle-reunis-en-seminaire-au-rectorat-107107.html">Intervenant en langue maternelle (ILM)</a> aux côtés des enseignants titulaires dans le premier degré, illustrent bien qu’il y a un début de prise de conscience dans le domaine des langues maternelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167478/original/file-20170502-17263-1eylhc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affichages bilingues dans des classes de l’académie de Guyane.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ac-guyane.fr/">Sophie Alby</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les cours de linguistique créole, les modules liés au patrimoine culturel immatériel guyanais dispensés à l’université, la didactique des langues à l’ESPE de Guyane témoignent aussi, depuis les années 80, de cette évolution.</p>
<p>La sociolinguiste <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00665392">Sophie Alby fait cependant remarquer</a> qu’un bilan didactique et de la mise en œuvre de ces dispositifs s’impose afin que toutes les actions convergent en direction des besoins rééls des publics concernés.</p>
<h2>Une meilleure politique linguistique nécessaire</h2>
<p>Ainsi, ces avancés aussi louables soient-elles, sont néanmoins nettement insuffisantes tant au niveau d’une plus grande reconnaissance des langues maternelles qu’au niveau des moyens pour la recherche et la formation afin qu’il y ait une réelle politique linguistique en Guyane. Ainsi, le nombre d’ILM ne correspond pas aux besoins. De nombreux apprenants se déscolarisent aussi peu à peu.</p>
<p><a href="https://www.ac-guyanfr/IMG/pdf/synthese_-_etat_de_l_ecole.pdf">Selon l’Insee</a>, En 2011, plus de 9 000 jeunes ayant entre 18 et 24 ans se retrouvent hors du système scolaire sans diplôme plus élevé que le brevet des collèges. La part des sortants précoces du système scolaire a significativement baissé ces dernières années, tombant à 38 % en 2011 contre 53 % il y a vingt ans.</p>
<p>Cette situation peut s’expliquer en partie par le fait que les programmes en usage dans les écoles ne sont pas adaptés à cette situation de multilinguisme et de plurilinguisme. L’accès au sens est difficile à cause de la barrière de la langue, cela est observable et observé dans toutes les disciplines. Il arrive que certains professeurs de lycée professionnel aient recours à une autre langue que le français pour expliquer une consigne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167479/original/file-20170502-17271-1yk1k1b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affichage dans une classe de primaire invitant à mieux connaître l’histoire et les cultures guyanaises.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ac-guyane.fr/">Sophie Alby</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Enseigner en Guyane, c’est aussi enseigner la Guyane. C’est comprendre cette région à travers l’histoire de son peuplement, à travers sa diversité et ses spécificités linguistiques et culturelles. C’est saisir dans leur environnement géographique et culturel, dans leurs coutumes, leurs traditions, leurs langues les différentes populations qui la composent.</p>
<p>L’ensemble du personnel enseignant devrait être sensibilisé et être formé à cette problématique. Cette démarche n’aurait pas pour but d’en faire des spécialistes mais un moyen pour ne pas se réfugier dernière le tout français en s’appuyant sur les textes officiels. Ainsi, la reconnaissance de l’existence de la langue de l’autre serait un premier pas. En suite, les autorités devraient opter pour une politique linguistique qui s’inspirerait d’expériences qui sont menées dans d’autres pays d’Amérique du sud. Il est bon de rappeler que cette démarche a aussi un coût. Des moyens financiers seraient nécessaires.</p>
<p>Ce problème se pose avec acuité car c’est l’ensemble de la société aussi que tous les acteurs institutionnels, qui doivent y apporter une réponse… Réponse qui doit prendre appui sur une réelle volonté politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La Guyane est un territoire multiethnique aux caractéristiques inédites en France, qui devrait miser sur l’enseignement de ses particularismes et de sa diversité.Monique Blérald, Professeur en cultures et langues régionales, Université de GuyaneLouis Honorien, Chargé de cours , Université de GuyaneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/714372017-02-10T07:42:24Z2017-02-10T07:42:24ZThe rise of violence in French Guiana has roots in the colonial past<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/156038/original/image-20170208-17355-1mx7xuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Violent history of French Guiana could be one of the factors that explains today's high criminality in the region. Prison of Saint-Laurent-du-Maroni , 2009.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/22/Bagne_Cayenne_03.jpg">davric/wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>French Guiana’s January carnival is normally a fun and festive occasion. But this year, a young man was severely beaten by ten other teenagers during the procession, marring the celebrations. The violence <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/dossier-carnaval-cayenne-glisse-violence-436467.html">prompted Cayenne’s mayor</a> to forbid anyone who was not in costume to participate in the carnival.</p>
<p>Despite lying 7,000km away from Paris on the East coast of South America, <a href="https://www.theguardian.com/world/2013/mar/05/letter-from-french-guiana-france">French Guiana</a> is classified as a part of France. It is known as an overseas “department” and sends representatives to the French parliament.</p>
<p>Violence at the carnival is only the tip of the iceberg. French Guiana has been declared France’s “<a href="http://www.franceguyane.fr/actualite/faitsdivers/tgi-une-realite-effrayante-330995.php">deadliest department</a>”, where violence <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane-est-departement-plus-violent-france-430211.html">has been on the rise</a> since the late 2000s, <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/insecurite-cayenne-ville-de-tous-les-records_1301045.html">especially in the capital city Cayenne</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A group of Neg'marrons participate in the French Guiana’s annual carnival.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jb75/5637454397/in/photostream/">Jo Be/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<p><a href="https://www.unodc.org/documents/gsh/pdfs/2014_GLOBAL_HOMICIDE_BOOK_web.pdf">According to the United Nations</a>, in 2009, the annual murder rate of French Guiana was 13.3 per 100,000 inhabitants, compared to 1.1 in mainland France, and 2.7 and 7.9 in Martinique and Guadeloupe, two other overseas French departments. </p>
<p>These violent episodes have psychological and historical causes, relating to the history of French Guiana and <a href="http://ordcs.mmsh.univ-aix.fr/publications/Documents/ORDCS_N6.pdf">its ongoing identity issues</a>.</p>
<h2>Guiana: a genesis of violence?</h2>
<p>Violence is familiar to all cultures but it has its own genesis in French Guiana. The history of this region is punctuated by significantly violent episodes. </p>
<p>A popular outlet par excellence, the annual carnival highlights are the troupes of <a href="http://www.mucem.org/en/programmation/blodwenn-mauffret-blacks-painted-black-masks-otherness-reflected-cayenne-carnival/"><em>Neg'marrons</em></a> who pose as rebel slaves intimidating the spectators. There are also people dressed as convicts and Senegalese riflemen. All appeal to <a href="http://www.karthala.com/hommes-et-societes-anthropologie/2306-penser-le-carnaval-variations-discours-et-representations-9782811104078.html">a transgressive collective memory</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A prized paradise destination for tourists, Guiana is also the most violent French department.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Guyane_fr_savane-roche_virginie.jpg">Delorme/Wikimedia</a></span>
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<p>Belonging to the French since 1643, French Guiana was born from a <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/store/10.1111/j.1467-9663.2005.00450.x/asset/j.1467-9663.2005.00450.x.pdf?v=1&t=iywvr26c&s=86f0b3fa423f3151c11f2a13b9dcad75e2451ec8">singular colonial context</a>. Unlike in the West Indies, <a href="http://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007%2F978-1-4419-0465-2_197">the Amerindians</a> of French Guiana survived their encounter with Europeans. </p>
<p><a href="http://onlinelibrary.wiley.com/store/10.1111/j.2164-0947.1960.tb00723.x/asset/j.2164-0947.1960.tb00723.x.pdf;jsessionid=7CE0EBB23E32D58D88F26FE5FC2FA71E.f02t01?v=1&t=iyoi4u9p&s=8a0800268f6eca3b23091ddd096451916238ce4a">They passed on</a> the memory of colonisation through the <a href="http://www.ibisrouge.fr/fr/livres/na-na-kali-na-une-histoire-des-kali-na-en-guyane">myth of the <em>Pailanti'po</em></a>. In this legend, a monster devouring the Amerindians acts as a personification of the deadly diseases that appeared along with the European colonisers.</p>
<p>French Guiana’s history is also one of slavery and racism. For two centuries, mistreatment from slave masters was answered by the <a href="http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780199730414/obo-9780199730414-0229.xml">resistance</a> of rebel slaves, or Maroons, violence was both physical and spiritual. </p>
<p>As a response to slavery, characters such as <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/histoire-religieuse-de-la-guyane-francaise-aux-xixe-et-xxe-siecles">the sorcerer poisoner</a> assumed a major role among the three Indigenous peoples of French Guiana. The position of the sorcerer poisoner, a <a href="https://muse.jhu.edu/article/230694">diviner and witch doctor</a>, which finds its origins in African societies, is known as the <em>Piaye</em> among native <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/wayana-eitoponpe-une-histoire-orale-des-indiens-wayana">Amerindians</a>, the <em>Obeah Man</em> among the <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/le-monde-des-marrons-du-maroni-en-guyane-1772-1860">Bushinengués</a> of the Maroni, and the <em>Gado</em> among the <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/catholicisme-esclavage-et-acculturation-dans-la-caraibe-francophone-et-en-guyane-au-xixe-siecle">Creoles</a>. </p>
<p>The end of slavery in 1848 did not end the relationship between masters and slaves – it was instead prolonged through <a href="http://www.theses.fr/2015EHES0141">the forced commitment of contract workers</a>. </p>
<p>This meant that violence remained a regular feature in collective memory. It can be seen in the figure of the notorious Gabonese contract worker turned criminal D'Chimbo. D'Chimbo spread terror on the island of Cayenne through his brutal machete attacks from 1860 to 1862, but <a href="http://www.ibisrouge.fr/fr/livres/d-chimbo-du-criminel-au-heros">has been remembered</a> as a hero for fighting the colonial system.</p>
<p>At that time, the plantation economy had already been replaced by <a href="https://com.revues.org/3173">slash and burn agriculture</a>. The <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1468-0289.12089_22/abstract">gold rush</a> led to massive acquisition of rifles, <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/la-guyane-francaise-au-temps-de-l-or-de-l-esclavage-de-la-francisation">turning Guyanese forests</a> into lawless zones. </p>
<p>Off the coast, the penitentiary nicknamed <a href="https://www.theguardian.com/world/2006/dec/04/france.prisonsandprobation">Devil’s Island opened in 1852</a> and transformed Guiana over the following century into a convict colony, as portrayed in the 1973 film, <a href="http://www.imdb.com/title/tt0070511/">Papillon</a>. Its most famous resident was Alfred Dreyfus, the victim of the notorious <a href="http://www.history.com/news/ask-history/what-was-the-dreyfus-affair">Dreyfus affair</a>. </p>
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<figcaption><span class="caption">‘In the land of the Old Whites’, a 1963 documentary on the inhumane conditions of convicts sent to French Guiana.</span></figcaption>
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<h2>Paradoxes of the present</h2>
<p>French Guiana’s history has been based on conflict between slaves and masters, whites and blacks, the weak and the powerful. To what extent does this explain the current violence? </p>
<p>Periodic eruptions of violence underline the ambiguity of the relationship with the mainland. Cayenne experienced <a href="http://mediatheques.collectivitedemartinique.mq/Default/doc/ALOES/0201737">riots in 1928</a> because of electoral fraud, the 1946 revolt <a href="https://echogeo.revues.org/6333?lang=en">of the Senegalese riflemen</a> who had settled in French Guiana to assist the local forces, and finally the nationalist push <a href="http://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2006_num_93_352_4234">in the late 1960s</a> whose proponents claimed more independence from France and rejected its politics.</p>
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<figcaption><span class="caption">Guiana nationalist film on the political context of the early 1970s.</span></figcaption>
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<p>Adding to the weight of this tumultuous past are the paradoxes of a South American territory being integrated in the European Union. Since <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/archives-d-outre-mer-1946-la-departementalisation-de-la-guadeloupe-la-guyane-la-martinique-et-la-reunion-340078.html">the departmentalisation of 1946</a>, which made French Guiana an overseas territory of France, migration has deeply reshaped Guianese society. <a href="https://esa.un.org/miggmgprofiles/indicators/files/FrenchGuiana.pdf">Two out of three adults are not born in Guiana</a>: they are from the French continent or other overseas territories, or perhaps Brazilian, Surinamese, Haitian or Chinese.</p>
<p>The population of roughly 250,000 is expected to <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1292564">double again by 2040</a>. At the forefront of the concerns of the Guianese authorities is the future of <a href="http://www.franceguyane.fr/actualite/faitsdivers/l-enseignement-va-droit-dans-le-mur-331875.php">the 10,000 children</a> aged between six and 16 who are today left out of the educational system. This poses a challenging problem for the President of the Central Office for Cooperation at School of Guiana who <a href="https://www.ctguyane.fr/colloque-violence/">has said</a>, “education must be a true lightning rod against this violence”.</p>
<p><a href="http://lekotidien.fr/2017/01/24/6-universitaires-proposent-de-construire-la-societe-French%20Guianaise/">Community division</a> threatens the society. Creoles and mainlanders monopolise political and economic power in contrast with the more recently arrived groups. Now a minority, some members of Creole society sometimes aggressively reassert their <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/la-societe-French%20Guianaise-a-l-epreuve-des-migrations-1965-2015">identity</a>. </p>
<p>The latest arrivals are those of <a href="https://cal.revues.org/574">the Haitians</a> <a href="http://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_1993_num_11_2_1604">in 1975</a> who became even <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/quel-peut-etre-nombre-reel-migrants-haitiens-guyane-408391.html">more numerous</a> after the <a href="http://news.bbc.co.uk/2/hi/8455629.stm">2010 earthquake</a> and <a href="http://www.bbc.com/news/world-latin-america-37596222">Hurricane Matthew of 2016</a>. </p>
<p>French Guiana, by its geography, is close to countries where some criminal systems thrive, and in which the violence is trivialised (racket, <a href="http://webdoc.rfi.fr/pour-suites/enquete-suriname-plateforme-cocaine-desi-bouterse">drug trafficking</a>).</p>
<p>The challenges posed by this South American settings add to the already tormented Guianese society. Strong economic growth has failed to reduce <a href="http://www.guyane.gouv.fr/content/download/1588/9570/file/Note-Strat%C3%A9gique-CPER-2014-2020-GUYANE_V2-1.pdf">ever-growing poverty</a>, with <a href="http://observatoire-outre-mer.interieur.gouv.fr/site/Statistiques/Conjoncture-regionale/Guyane">unemployment affecting one out of every two young people</a>. </p>
<p>Plush villas and private swimming pools neighbour Haitian slums. The frustration borne from the inequalities associated with the traditional free flow of arms constitute the breeding ground for the daily violence. Added to the illegal gold mining and cocaine trafficking are the ever-present robberies, despite an extensive <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2565363">mobilisation of public authorities</a>.</p>
<p>This all-South American violence threatens the extraordinary dynamism of French Guiana’s inhabitants and its rich diversity. As film director Kim Shapiron, who just released a fictional series on French Guiana, <a href="http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/series/articles/guyane-la-serie-qui-remet-canal-sur-orbite/49668">put it</a>: “Guiana is France but it’s South America first. Everything is fine and then everything collapses.”</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The authors do not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and have disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Violence is on the rise in French Guiana. To understand this phenomenon, scholars delve into the often tragic history of the region.Martine Batt, Professeur de psychologie, Université de LorraineCédric Andriot, Chargé d'enseignement, Université de GuyaneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/715052017-02-07T20:40:26Z2017-02-07T20:40:26ZViolences en hausse en Guyane : comment le passé donne quelques clefs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154373/original/image-20170126-23851-1icsnzt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'histoire violente de la Guyane contribuerait à la hausse de la criminalité aujourd'hui. Bagne de Saint-Laurent-du-Maroni (Camp de la transportation), 2009.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/22/Bagne_Cayenne_03.jpg">davric/wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>« La Guyane est le département le plus meurtrier de France en valeur relative, c’est-à-dire au regard de sa population d’environ 250 000 habitants » <a href="http://www.franceguyane.fr/actualite/faitsdivers/tgi-une-realite-effrayante-330995.php">annonçait</a> le procureur de la République de Cayenne lors de son audience solennelle de rentrée le 20 janvier dernier.</p>
<p>Constat est fait que le taux de violence <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane-est-departement-plus-violent-france-430211.html">est en constante croissance</a> en Guyane, qu’il s’agisse des homicides, des vols avec violence, ou encore du trafic de drogue.</p>
<p><a href="https://www.unodc.org/documents/gsh/pdfs/2014_GLOBAL_HOMICIDE_BOOK_web.pdf">Selon l’UNODC</a>, en 2009, alors qu’en Martinique et en Guadeloupe on recense respectivement 2,7 et 7,9 homicides volontaires annuels pour 100 000 habitants, ce chiffre passe à 13,3 pour la Guyane, contre 1,1 en France métropolitaine. Cette dangerosité rapportée régulièrement par le quotidien local <em>France-Guyane</em> convoque la recherche de ses causes et de ses conséquences, qu’elles soient psychiques ou historiques.</p>
<p>En effet, ces perturbations psychiques violentes doivent être examinées dans la durée, au regard de l’histoire de la Guyane et de <a href="http://ordcs.mmsh.univ-aix.fr/publications/Documents/ORDCS_N6.pdf">ses difficultés identitaires</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154370/original/image-20170126-23845-1k76ht3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Troupe de ‘neg’marrons’ durant un carnaval en Guyane, un exutoire de la mémoire collective .</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jb75/5637454397/in/photostream/">Jo Be/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Il s’agit bien de faits psychiques puisque les comportements violents émanent d’individus singuliers et qu’ils impliquent (outre des dommages physiques), des troubles émotionnels chez les victimes, parfois même de profonds dégâts psychiques (qui seront ensuite propices à l’émergence de comportements violents).</p>
<p>Attaque pour servir des intérêts matériels, déni de la libre disposition de son corps par autrui, ou réaction de défense face à un danger (menace patente ou pressentie), le passage à l’acte criminel ne va pas automatiquement de pair avec la maladie mentale dont il peut parfois être l’expression paroxystique (lors d’états confusionnels ou délirants que l’on retrouve classiquement dans certaines psychoses et/ou sous l’effet de substances psychoactives).</p>
<p>La potentialité violente est fortement corrélée à la psychopathie (marquée notamment par un accès à l’empathie limité, l’égocentrisme, l’agir impulsif plutôt que la mise en mots), ou à un profil de personnalité qui tire jouissance de l’effroi de l’autre (comme dans certaines formes de perversion). Qu’elle soit isolée ou répétitive dans l’histoire d’un individu, cette violence agit selon des modes opératoires variés ; la transgression agressive, brutale et parfois meurtrière résultant toujours d’un contact <a href="https://www.cairn.info/folle-du-logis--9782130393696-p-307.htm">entre un individu et son environnement</a></p>
<h2>Guyane : une genèse de la violence ?</h2>
<p>L’augmentation de la violence observée en Guyane renvoie forcément à l’interaction d’une pluralité de facteurs. Le passage à l’acte violent est familier de toutes les cultures mais a-t-il sa propre genèse en Guyane ? L’histoire de la Guyane est traversée par des séquences significativement violentes, dont chacune a sa propre cohérence. Assiste-t-on à la réactualisation de cette histoire ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154374/original/image-20170126-23872-1sg3adu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Terre paradisiaque pour les touristes, la Guyane est aussi le département français le plus violent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Guyane_fr_savane-roche_virginie.jpg">Delorme/Wikimédia</a></span>
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<p>Terre française depuis 1643, la Guyane est née d’un <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/histoire-generale-de-la-guyane-francaise-2e-edition">contexte colonial singulier</a> car, contrairement aux Antilles, les Amérindiens ont survécu à la rencontre des Européens, transmettant la mémoire de leur acculturation, comme on le voit à travers le <a href="http://www.ibisrouge.fr/fr/livres/na-na-kali-na-une-histoire-des-kali-na-en-guyane">mythe du Pailanti’po</a> ; dans cette légende, un monstre dévorant les Amérindiens agit comme une personnification des maladies apparues en même temps que les Européens responsables de la décimation amérindienne.</p>
<p>Partie intégrante des Amériques noires, la Guyane n’échappe pas à l’esclavage ni au préjugé de couleur. Durant deux siècles, <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/les-resistances-a-l-esclavage-en-guyane-xviie-xixe-siecles">à la maltraitance des maîtres répond la résistance des marrons</a>. Pour ces esclaves révoltés, la violence est à la fois physique et spirituelle : sous diverses dénominations, le <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/histoire-religieuse-de-la-guyane-francaise-aux-xixe-et-xxe-siecles">sorcier empoisonneur</a> devient une figure fondamentale des trois peuples traditionnels de la société guyanaise (le Piaye chez les <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/wayana-eitoponpe-une-histoire-orale-des-indiens-wayana">Amérindiens</a> natifs, l’Obiaman chez les <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/le-monde-des-marrons-du-maroni-en-guyane-1772-1860">Bushinengués</a> du Maroni, le Gado chez les <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/catholicisme-esclavage-et-acculturation-dans-la-caraibe-francophone-et-en-guyane-au-xixe-siecle">Créoles</a> du littoral).</p>
<p>La fin de l’esclavage en 1848 ne met pas fin à l’antagonisme dominants-dominés qui se prolonge à travers l’<a href="http://www.theses.fr/2015EHES0141">engagement contraint de travailleurs sous contrat</a>. L’équipée sauvage du Gabonais D’Chimbo, semant la terreur à coups de machette dans l’île de Cayenne de 1860 à 1862, <a href="http://www.ibisrouge.fr/fr/livres/d-chimbo-du-criminel-au-heros">devient dans la mémoire collective</a> le récit héroïque d’une résistance au système colonial. Au moment où tombe la tête de D’Chimbo, l’économie de plantation est déjà remplacée par la <a href="https://com.revues.org/3173">culture de l’abattis</a>, les <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/les-gens-de-l-or">ruées aurifères</a> et l’administration pénitentiaire. Les affranchis de 1848 ouvrent des fronts pionniers où l’indispensable fusil sert tant à chasser qu’à marquer symboliquement les funérailles traditionnelles. Les <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/la-guyane-francaise-au-temps-de-l-or-de-l-esclavage-de-la-francisation">débuts de l’orpaillage</a>, en 1855, font des forêts guyanaises des zones de non-droit. Sur le littoral, le bagne, ouvert en 1852, fait pour un siècle de la Guyane une colonie pénitentiaire, terre de relégation et d’expiation.</p>
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<figcaption><span class="caption">‘Au pays des Vieux blancs’ documentaire de 1963 sur les conditions inhumaines et la double peine des bagnards envoyés en Guyane.</span></figcaption>
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<h2>Paradoxes du présent</h2>
<p>Dans quelle mesure ce passé fondé sur le binaire entre opprimés et esclavagistes, blancs et noirs, faibles et puissants, peut-il expliquer la violence actuelle ? Des éruptions de violence périodiques soulignent l’ambiguïté du rapport à la Métropole : Cayenne traverse les <a href="http://mediatheques.collectivitedemartinique.mq/Default/doc/ALOES/0201737">émeutes de 1928</a>, dans un contexte de fraude électorale, puis la révolte <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=2274&motExact=0&motcle=senegal&mode=AND">des tirailleurs sénégalais en 1946</a> et enfin la poussée nationaliste des années 1960-1970.</p>
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<figcaption><span class="caption">Film nationaliste guyanais sur le contexte politique conflictuel du début des années 1970.</span></figcaption>
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<p>Exutoire populaire par excellence, le Carnaval met en scène des troupes de <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/2015/02/09/carnaval-en-guadeloupe-en-martinique-et-en-guyane-le-ba-ba-228271.html#n%C3%A8g%E2%80%99marrons">Neg’marrons</a> (figurant des esclaves révoltés intimidant les spectateurs), de bagnards et de tirailleurs sénégalais comme autant de <a href="http://www.karthala.com/hommes-et-societes-anthropologie/2306-penser-le-carnaval-variations-discours-et-representations-9782811104078.html">résurgences d’une mémoire collective transgressive</a>.</p>
<p>A ce poids du passé s’ajoutent les paradoxes d’un territoire sud-américain intégré à l’Union Européenne. Depuis la <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/archives-d-outre-mer-1946-la-departementalisation-de-la-guadeloupe-la-guyane-la-martinique-et-la-reunion-340078.html">départementalisation de 1946</a>, de fortes migrations ont profondément remodelé la société guyanaise : deux adultes sur trois ne sont pas nés en Guyane (Métropolitains et Domiens, Brésiliens, Surinamiens, Haïtiens, Chinois, Hmongs…), et sa population devrait encore <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1292564">doubler d’ici 2040</a>. En tête des préoccupations des responsables administratifs et associatifs guyanais, la scolarisation des 10 000 enfants entre 6 et 16 ans aujourd’hui en <a href="http://www.franceguyane.fr/actualite/faitsdivers/l-enseignement-va-droit-dans-le-mur-331875.php">dehors de tout système éducatif</a>, un problème qui interpelle le Président de l’Office Centrale de la Coopération à l’Ecole de Guyane (OCCE) qui rappelle que <a href="https://www.ctguyane.fr/colloque-violence/">« L’éducation doit être un véritable paratonnerre contre cette violence »</a>.</p>
<p>Devenue minoritaire, la société créole, écartelée entre <a href="http://www.ibisrouge.fr/fr/livres/histoire-de-l-assimilation">culture française et racines africaines</a>, n’échappe pas à la tentation du <a href="https://www.ibisrouge.fr/fr/livres/la-societe-guyanaise-a-l-epreuve-des-migrations-1965-2015">repli identitaire</a>. Le danger du <a href="http://lekotidien.fr/2017/01/24/6-universitaires-proposent-de-construire-la-societe-guyanaise/">fractionnement communautaire</a> menace : Créoles et Métropolitains, monopolisant le pouvoir politique et économique, contrastent avec les groupes nouvellement arrivés, les plus récents <a href="https://cal.revues.org/574">étant les Haïtiens</a> qui, <a href="http://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_1993_num_11_2_1604">arrivés en 1975</a>, voient leurs <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/quel-peut-etre-nombre-reel-migrants-haitiens-guyane-408391.html">flux s’accélérer</a> depuis le <a href="http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Haiti-bilan-du-seisme-_NG_-2010-03-30-549215">séisme de 2010</a> et l’<a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/06/ouragan-matthew-1-5-million-de-personnes-evacuees-en-floride_5009339_3244.html">ouragan de 2016</a>. Or cette plus forte intégration de la Guyane dans son espace géographique la met en relation avec les systèmes criminels de pays voisins, dans lesquels la violence est banalisée (racket, <a href="http://webdoc.rfi.fr/pour-suites/enquete-suriname-plateforme-cocaine-desi-bouterse">narcotrafic</a>).</p>
<p>A l’histoire tourmentée d’une société guyanaise conçue dans la violence, s’ajoute ainsi le défi de ce contexte sud-américain. La forte croissance économique ne parvient pas à résorber une <a href="http://www.guyane.gouv.fr/content/download/1588/9570/file/Note-Strat%C3%A9gique-CPER-2014-2020-GUYANE_V2-1.pdf">pauvreté qui se creuse</a>, le <a href="http://observatoire-outre-mer.interieur.gouv.fr/site/Statistiques/Conjoncture-regionale/Guyane">chômage touchant désormais un jeune sur deux</a>. La villa avec piscine côtoie le bidonville, signe visible du risque de décrochage économique et social.</p>
<p>La frustration née des inégalités associée à la traditionnelle libre circulation des armes fait le lit d’une violence quotidienne. A l’orpaillage illégal et au trafic de cocaïne s’ajoutent désormais les braquages, la Guyane détenant le <a href="http://la1ere.francetvinfo.fr/outre-mer-bilan-delinquance-2016-fait-impasse-homicides-434873.html">record français</a> des vols à main armée (3,04 pour 1000 habitants en 2016 contre 0,14 en France hexagonale), et ce malgré l’importante <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2565363">mobilisation des pouvoirs publics</a>.</p>
<p>C’est ainsi que ce morceau de France en Amérique est confronté à une violence toute sud-américaine, qui contraste avec l’extraordinaire dynamisme des habitants de ce territoire en construction, riche de sa diversité et porteur de formidables promesses d’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71505/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire de la Guyane est traversée par des séquences significativement violentes, dont chacune a sa propre cohérence. Assiste-t-on à la réactualisation de cette histoire ?Martine Batt, Professeur de psychologie, Université de LorraineCédric Andriot, Chargé d'enseignement, Université de GuyaneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.