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JOP de Paris de 2024 : prendre le sport au sérieux

Un plongeur lors des « Journées olympiques » de Paris, les 23 et 24 juin. Alain Jocard/AFP

Avec l’organisation, les 23 et 24 juin, des « journées olympiques », l’opportunité et l’utilité de la tenue, à Paris, des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024, ont suscité récemment quelques débats.

Or, sur les JOP et le sport en général, il est important d’éviter à la fois l’angélisme et la critique stérile. S’abriter derrière des valeurs sportives vertueuses mais souvent incantatoires est tout aussi délétère que relayer un discours sur une corruption généralisée et un capitalisme sauvage inhérents au sport.

En réalité, ce dernier est traversé par les mêmes problématiques de développement durable, d’emploi, de mixité sociale ou encore de lutte contre les discriminations que d’autres secteurs. C’est pourquoi il faut prendre le sport au sérieux. A condition d’être bien utilisé, il peut impulser de nouveaux modèles économiques, renforcer la cohésion sociale et territoriale, donner de l’espoir à la jeunesse. Mais pour être crédible dans ce rôle, le sport doit lui-même être exemplaire dans le management de ses organisations et le respect de chacun(e), et adopter une vision de long terme.

Un défi qui mérite d’être relevé

Paris et la France ont-ils besoin des JOP pour accroître leur rayonnement international ? La réponse est oui. Si cet événement, qui est bien pensé sur le papier, atteint ses objectifs, il montrera comment le sport est un levier de développement durable, d’émancipation et de progrès. C’est un défi qui mérite d’être relevé.

Le dossier de Paris 2024 est solide car il a été construit de manière globale, au-delà des seules considérations de compétition sportive. Le coût des JOP de Paris est estimé, hors organisation des compétitions – qui correspondent à un coût fixe d’environ trois milliards d’euros –, à trois autres milliards. Cette somme, qui renvoie à des investissements, couvrira la construction d’un petit nombre de nouvelles infrastructures sportives – centre nautique à Aubervilliers, salle Arena II à Bercy – et non sportives – village olympique dans le 93. En effet, 95 % des sites sont existants ou seront temporaires. Le sport est un accélérateur de changement puisque la préparation de ces JOP permettra aussi de développer l’accessibilité aux transports en commun pour les personnes en situation de handicap. La partie « héritage » est la grande force du dossier de candidature de Paris.

Il faut à tout prix éviter le dépassement des coûts non justifiés et, quoi qu’il en soit, il n’est pas question de construire des « éléphants blancs » comme à Rio, Athènes ou Pékin. Chaque euro dépensé doit se justifier, c’est une question de responsabilité sociétale. Les organisateurs auront des comptes à rendre aux pouvoirs publics, qui financent pour moitié les nouvelles infrastructures, mais aussi à la société civile (associations, citoyens, usagers, chercheurs) qui, depuis trois ans, a été largement associée aux réflexions sur l’opportunité, puis les conditions d’organisation des Jeux à Paris. Le projet a aussi été pensé en interministérialité, avec un rôle fort du ministère chargé de l’Éducation nationale, en particulier. L’exemplarité, encore.

Rendre des comptes aux citoyens et évaluer les retombées des Jeux

Pour les JOP de 2012, Londres a investi 10 milliards au lieu de 5 prévus initialement, mais ce projet a contribué à l’élaboration de la norme ISO 20121, devenue depuis une référence environnementale dans l’organisation d’événements majeurs. Le recours massif aux transports en commun s’est également renforcé grâce aux Jeux et la durabilité des installations sportives et non sportives est avérée. Tout n’est pas parfait puisque la rénovation de certains quartiers londoniens ne s’est pas faite au bénéfice des plus démunis.

Une question qui se pose donc également, c’est l’estimation des retombées matérielles et immatérielles des JOP. Sur le plan économique, dans le cas de Londres, plusieurs calculs ont été effectués sur les retombées commerciales – tourisme, investissements étrangers, etc. – estimés, selon les études, entre 10 et 12 milliards d’euros. Paris peut et doit faire mieux. La mise en place d’indicateurs sur les emplois créés, mais aussi sur les retombées immatérielles des Jeux, par définition plus difficiles à estimer, sont indispensables. Nous avons sept ans devant nous.

Car la candidature de Paris n’a de sens que si elle répond à un vrai besoin, de court et de long terme, pour la société française, et notamment pour sa jeunesse. Il est vital de ne pas reproduire les erreurs de l’Euro masculin de football de 2016 qui n’a pas tenu ses promesses en termes d’emploi et de formations dans le sport pour les jeunes de Seine-Saint-Denis.

Des Jeux alignés sur l’Accord de Paris

Dans la perspective de 2024, les perspectives de développement sont plus solides. Prenons quelques exemples. En partenariat avec Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006, les entreprises et les associations de l’économie sociale et solidaire ont été associées au dossier de candidature, pour répondre à un objectif d’insertion sociale et professionnelle des personnes éloignées de l’emploi. Il est également prévu de créer 50 nouveaux centres sportifs et un campus solidaire pour accueillir 25 000 jeunes Franciliens et leur proposer un accompagnement alliant sport, éducation, insertion professionnelle et entrepreneuriat.

En termes de développement durable, l’objectif affiché est une réduction de 55 % de l’empreinte carbone par rapport à Londres et Rio, et de faire de Paris les premiers Jeux alignés sur l’Accord de Paris sur le climat.

Des volontaires sur le pont Alexandre-III à Paris, le 24 juin. Geoffroy Van Der Hasselt/AFP

Par ailleurs, les JOP de 2024 doivent absolument être l’occasion d’aller plus loin dans la reconnaissance du bénévolat, la France étant très en retard dans ce domaine. Les compétences informelles acquises dans le bénévolat sportif – le deuxième en Europe en nombre d’individus impliqués – méritent d’être davantage transférables dans les parcours scolaires, universitaires et professionnels. C’est un puissant vecteur d’innovation culturelle et économique, notamment pour les personnes sans diplôme ou n’ayant pas travaillé depuis longtemps. Organiser les Jeux requiert des qualités et des savoir-faire précieux dans le monde du travail : manager une équipe, gérer un budget, communiquer sur les réseaux sociaux, etc. Il faut les valoriser dans la société apprenante qui est en train d’émerger.

Il importe aujourd’hui d’entendre ceux qui critiquent les Jeux. La réputation du CIO, les précédents désastreux de Sotchi ou de Pékin en matière de pollution et de non-respect des droits de l’Homme, ainsi que les ravages du dopage ont considérablement nui à l’image du sport international. L’organisation des JOP à Paris est une occasion unique de tourner la page et de redonner au sport la place qu’il mérite dans la société, l’économie, la vie quotidienne, l’attractivité des territoires, au service de l’intérêt général. Sans langue de bois.


Marie-Cécile Naves s’apprête à publier, avec Julian Jappert, l’ouvrage « Le pouvoir du sport » (FYP, sortie le 12 juillet 2017).

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