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Journée pour la justice internationale : le poids de l’utopie, le choc des réalités

Vue sur le siège de la Cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas). OSeveno/Flickr, CC BY-SA

D’utopie au XIXe siècle, la justice internationale célébrée en ce 17 juillet (en 1998, le statut de la Cour Pénale internationale était adopté ce jour-là à Rome) est devenue une réalité à la fin du XXe siècle, d’abord avec les conflits de l’ex-Yougoslavie et le génocide au Rwanda ; puis en 2002, avec la mise en œuvre de la Cour pénale internationale (CPI). Mais ce passage de l’utopie à la réalité a été un choc, dont on commence seulement à prendre la mesure.

Soif de justice

La soif de justice des sociétés est inextinguible. De la Syrie à la République démocratique du Congo (RDC), en passant par des dizaines de conflits autour de la planète, les crimes de guerre forment une terrible et quasi-infinie litanie, à laquelle répond en écho le besoin de dignité et de reconnaissance de populations martyrisées.

Mais les tribunaux pénaux peuvent-ils répondre à ces demandes ? Comment peuvent-ils concilier la logique des rapports de force et l’équité que suppose la justice internationale, alors que ni les États-Unis, ni la Chine, ni la Russie n’ont ratifié les statuts de la Cour pénale internationale ? Comment la justice internationale peut-elle agir alors qu’elle dépend si étroitement des États pour bâtir les actes d’accusation et appréhender les inculpés ?

Comment ne pas reconnaître, aussi, que certains tribunaux pénaux ont été instrumentalisés à des fins politiques, sans réussir pour autant à les atteindre ? Pensons au Tribunal spécial pour le Liban, dont l’existence végétative se poursuit car nul État au Conseil de sécurité de l’ONU n’ose prendre la responsabilité de reconnaître son échec absolu.

L’alibi Trump

De toute évidence, la justice internationale n’est pas une île détachée des brutales réalités du monde. Ces dernières années, la montée en force des régimes autoritaires en Russie, en Turquie et ailleurs témoigne d’un environnement où les droits de l’Homme sont perçus comme un empêchement à la bonne marche des affaires.

La justice internationale subit aussi le contrecoup de l’ère de la post-vérité dans laquelle nous vivons, des inégalités qui se creusent à l’intérieur des sociétés du Nord comme du Sud et des frustrations et des colères qu’elles engendrent. La politique unilatéraliste du président Trump, marquée notamment par des coupes drastiques aux Nations unies et à l’aide à l’Afrique (exceptés les programmes anti-terroristes), compensées par sa foi naïve dans la force militaire, donnent un alibi supplémentaire à des gouvernements dictatoriaux pour affaiblir les droits de l’homme, dont la justice internationale est l’un des piliers.

Rappelons ce qu’observait déjà Pascal au XVIIe siècle :

« La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. »

Impératif de justice, recherche de la paix

Nous faut-il pour autant désespérer ? Étrangement, non. Les obstacles sont innombrables, mais ces vingt-cinq dernières années nous ont permis de prendre conscience de certains faits.

D’abord, la justice internationale est une réalité. Une réalité certes souvent niée, malmenée, voire même dans des cas extrêmes manipulée. Mais cette exigence de justice des sociétés demeure, même si, par exemple, en Centrafrique, la nouvelle Cour pénale spéciale devra faire la preuve de son efficacité alors que le pays reste largement aux mains des groupes armés.

Cérémonie de signature de la paix entre le gouvernement de Colombie et la guérilla des FARC. Gouvernement du Chili/Flickr, CC BY

En Colombie comme en Ouganda, de manière radicalement différente, le même défi existe comme dans bien d’autres lieux de conflit : comment articuler le mieux possible l’impératif de justice et celui de la recherche de la paix ? Les débats sur les contours des amnisties admissibles restent plus que jamais largement ouverts.

La justice internationale n’est pas une bureaucratie judiciaire installée dans une capitale assoupie d’Europe occidentale (La Haye, aux Pays-Bas). Elle reste une ligne d’horizon. Le temps de l’utopie est fini. Commence enfin celui des défis !

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