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La Bulgarie, cet autre pays du charbon

Manifestation de mineurs bulgares, à Sofia en mars 2013. Dimitar Dilkoff/AFP

Dans ce pays le plus pauvre et le plus pollué de l’Union européenne, des mineurs se sont mis en grève à 400 mètres sous terre, comme leurs camarades aveyronnais de Decazeville il y a plus d’un demi-siècle, pour sauver leur emploi ; d’autres tentent de survivre en exploitant des mines illégales.

S’il a récemment beaucoup été question de l’arrêt de la production de houille et de la transition énergétique allemande à l’horizon 2040, rares ont été les articles consacrés à la Bulgarie, autre producteur de charbon européen (mais bien loin derrière l’Allemagne et la Pologne).

En 2015, cet État des Balkans a extrait près de 36 000 tonnes de houille, ce qui constitue une augmentation approximative de 15 % par rapport à la production de l’année précédente. Ce secteur de la vie économique bulgare emploie actuellement près de 24 000 personnes.

La peur de « l’énergie verte »

En mars 2013, des milliers de mineurs venus de différents bassins se sont rassemblés à Sofia, devant le siège de la Commission nationale pour l’énergie et la régulation de l’eau, afin de protester contre l’augmentation du prix de l’électricité produite avec le charbon qu’ils extraient. Ils redoutent, en effet, la concurrence de « l’énergie verte » et du nucléaire de même que la fermeture prévisible des mines dans lesquelles ils travaillent.

Dix-huit mois plus tard, en septembre 2014, des « gueules noires » de Cherno More-Burgas se sont mises en grève à 300 mètres de profondeur et à quatre kilomètres de l’entrée du puits par lequel ils descendent et remontent quotidiennement à la surface. Cette fois, ils s’élèvent contre le non-paiement de leurs deux derniers mois de salaires et contre l’amorce d’une nouvelle politique énergétique derrière laquelle se profile la fin d’un certain nombre d’exploitations. Avec ce spectaculaire arrêt du travail, ils ont dramatisé leur conflit, comme l’avaient fait leurs camarades de Decazeville au cours de l’hiver 1961-1962.

Sur la grève des mineurs de Decazeville (Bernard Foltzenlogel, 2014).

Pionniers du mouvement social souterrain, restés plus de 64 jours au fond y compris pendant la nuit de Noël, au cours de laquelle un chanoine est venu dire la messe de la nativité au fond, et celle de la Saint-Sylvestre, les 825 Aveyronnais tentaient de s’opposer à la mort programmée de leur bassin et aux 2 000 licenciements qui, inévitablement, l’accompagneraient. En dépit du soutien national dont ils bénéficiaient, ni le gouvernement, ni l’entreprise Charbonnages de France ne semblaient vouloir céder. En désespoir de cause, vingt mineurs tirés au sort entamèrent une grève de la faim qui dura du 5 au 21 février. Le plan de récession fut, malgré tout, maintenu. Seules quelques concessions ont été accordées aux travailleurs en lutte pour sauver leurs emplois. La mort du charbon en France était, en filigrane, annoncée.

Bras de fer à Bobov Dol

Des mineurs du puits Babino, bassin de Bobov Dol dans le sud-est de la Bulgarie, viennent tout juste de s’inviter dans l’actualité. Le 11 octobre dernier, cent trente d’entre eux ont refusé de remonter à la surface au motif qu’ils n’avaient été payés depuis plusieurs mois et que le propriétaire de la mine, le sulfureux magna de l’énergie Hristo Kovachki, menaçait de fermer leur site qui, selon lui, n’est pas suffisamment rentable.

Grâce à la médiation de Maya Manolova, député socialiste descendue au fond pendant la durée des négociations, les grévistes semblent avoir obtenu l’assurance – temporaire sans doute – du maintien de la production et des 650 emplois, sur 735, qui devaient être supprimés, le paiement de leurs arriérés de salaires et les huit mois de bons d’alimentation qui ne leur ont pas été distribués.

Cette grève, qui s’est déroulée dans des conditions très difficiles, s’est terminée au bout d’une soixantaine d’heures.

À 400 mètres sous terre, la température avoisine fréquemment les 40 °C, l’aération dans les galeries est souvent insuffisante et ne permet pas d’y séjourner très longtemps, même sans faire d’efforts physiques. En 2013, à Cherno More-Burgas, l’équipe médicale envoyée au secours des ouvriers avait diagnostiqué des cas d’hypertension artérielle et même un malaise cardiaque.

Pollution et corruption

En Bulgarie, pourtant pays membre de l’Union européenne, tout est loin d’être transparent dans le domaine de l’exploitation du « diamant noir ». En mai dernier, la Commission pour la protection de la concurrence a autorisé des sociétés basées aux Seychelles, toutes sans doute plus ou moins directement liées à Hristo Kovachki, à prendre le contrôle de plusieurs mines, dont celle de Cherno More-Burgas, ainsi que des centrales au charbon assurant le chauffage de villes comme Pleven dans le Nord, Bourgas au bord de la mer Noire et Sliven dans le sud-est du pays.

En Bulgarie, comme en Chine, des mines de charbon illégales sont exploitées dans la région de Pernik, où les glissements de terrain sont monnaie courante et les accidents fréquents. Dans cette petite ville industrielle située à trente kilomètres de Sofia – capitale la plus polluée de l’EU – les habitants étouffent. L’air y est saturé de particules fines, ce qui n’empêche pas le gouvernement bulgare de demander à l’UE d’être plus conciliante dans ses exigences en matière d’émission de gaz. Si la transition énergétique de l’Allemagne est à envisager à l’horizon 2040, quid de la Bulgarie ?

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