La cote de rendement au collégial (CRC), généralement appelée cote R, obsède les cégépiens et à juste titre : il est un élément central dans le processus de sélection des étudiants lors de leur admission à l'université.
Il est largement reconnu que cet indicateur peut avoir une incidence considérable sur l'insertion professionnelle et le choix de carrière d'une personne étudiante. Par contre, bien que la cote R constitue un levier important fréquemment utilisé au sein du réseau universitaire afin d'admettre les étudiants dans les programmes contingentés (médecine, droit, psychologie, etc.), différents enjeux et limites peuvent être relevés par rapport à la mise en application de ce système de mesure.
En tant que professeur-chercheur en éducation à l'Université du Québec à Rimouski, j'ai eu l'occasion de travailler ces dernières années avec une diversité d'acteurs du réseau collégial. Cette collaboration a constitué la bougie d'allumage d'une réflexion sur les modalités d'utilisation de la cote r au sein du réseau d'enseignement post-secondaire.
Le fonctionnement du système d’attribution de la cote R
L’attribution de la cote R se fait en comparant les résultats qu'un étudiant a obtenus à chacun de ses cours avec ceux des autres étudiants ayant cheminé au sein des mêmes groupes classes.
Pour ce faire, deux indicateurs sont considérés, soit : la cote Z et l’indicateur de force du groupe (IFG). Essentiellement, la cote Z est établie en référant à la distribution normale des données (communément appelée la courbe de Gauss) au sein d’un échantillon de résultats.
En jetant un œil à la figure ci-dessus, le point central de la courbe normale de distribution des données correspond à la moyenne des résultats d’un échantillon. La courbe de distribution des données s’appuie sur le postulat selon lequel, il est prévu que :
- Environ 68% des données seront comprises dans un intervalle de plus ou moins un écart-type par rapport à la moyenne;
- Approximativement 95% des données se situeront au sein d’un intervalle de plus ou moins deux écarts types par rapport à la moyenne;
- Plus de 99,5% des données devraient se situer dans un intervalle de plus ou moins trois écarts-types par rapport à la moyenne.
De plus, à la suite à une modification apportée en 2017, l’IFG correspond à un facteur de correction qui prend en considération les résultats aux examens ministériels.
Ainsi, le système de mesure de la cote r s’appuie sur une utilisation combinée de la cote z et de l’indicateur de force du groupe (IFG). À cet effet, un récent article publié dans la revue Pédagogie Collégiale permet de présenter de manière détaillée les modalités d’attribution de la cote R à un individu.
Les leviers découlant de l’utilisation de la cote R
Il importe de souligner que la cote R d’un individu peut être mise à contribution à différentes fins.
En effet, celle-ci peut constituer un outil de prédilection permettant aux conseillers d’orientation d’accompagner les cégépiens dans leur prise de décision par rapport à leur choix de formation.
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De plus, comme mentionné précédemment, la cote R est aussi fréquemment utilisée par le personnel du milieu universitaire pour analyser et accepter les demandes d’admission soumises afin d’intégrer différents programmes de premier cycle contingentés.
Finalement, du point de vue de la personne étudiante, cet indicateur peut servir de point de référence pour envisager le niveau d’implication et d’engagement académique nécessaire afin d’intégrer le ou les programmes de formation convoités. Ainsi, cette mesure peut servir de levier à l'élaboration d'un plan d'étude qui pourra être suivi par la personne étudiante afin d'atteindre ses objectifs personnels et professionnels.
Un glissement au regard de l'approche d'évaluation utilisée?
Différents enjeux peuvent également être relevés concernant la mise en application du système de mesure de la cote R. Les personnes enseignantes qui oeuvrent au sein du réseau collégial peuvent notamment éprouver une certaine confusion quant à l'approche d'évaluation sur laquelle s'appuyer.
À ce sujet, il importe de mentionner que le système de mesure de la cote R s'appuie essentiellement sur une comparaison normative réalisée entre les étudiants. Ce système est distinct de l'approche d'évaluation par compétences qui a été implantée au collégial en 1993.
L'approche d'évaluation par compétences vise essentiellement une appropriation de savoir-agir chez les personnes étudiantes qui les amènent à mobiliser une diversité de ressources et d'aptitudes au sein d’une situation donnée. Cette approche promeut l'utilisation de critères (évaluation critériée) permettant d'évaluer le niveau de maîtrise sous-jacent au développement de compétences préétablies.
Par exemple, au regard de la récente adaptation du Référentiel de compétences infirmières, une personne étudiant dans ce programme est appelée à être évaluée au regard du développement de ses compétences professionnelles, telles que : la compétence à agir avec humanisme dans l’accompagnement du patient ou la compétence consistant à traiter toute activité avec rigueur scientifique.
Par contre, comme mentionné dans le document Évaluer pour que ça compte vraiment publié par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) en 2018, la mise en œuvre du système de mesure de la cote R est susceptible d’engendrer un certain glissement. En effet, plutôt que de favoriser une approche d’évaluation par compétences, la cote R peut amener les enseignants et enseignantes à positionner leurs pratiques d’évaluation en recourant au modèle par objectifs.
Ce modèle se distingue de l'approche par compétences principalement par le fait qu'il implique un cumul de points par le biais de la réalisation de différents travaux et examens. De plus, ce modèle tend à faire en sorte que la note attribuée à un individu est considérée au regard des notes des autres personnes étudiantes.
Des candidatures correspondant au profil recherché éliminées d'emblée?
Un autre enjeu rapporté par le CSE concerne la place prépondérante qu’occupe la cote R dans les critères de sélection universitaire. Cette façon de faire peut entrainer l'élimination de certaines candidatures qui ont pourtant le profil recherché pour un programme donné.
À cet effet, la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) proposait en 2011 dans son avis « Pour une réforme de l’admission universitaire » des moyens complémentaires ou alternatifs permettant de procéder à la sélection des personnes étudiantes dans les programmes universitaires.
À titre d'exemple, les apports découlant de l'utilisation du test CASPer sont exposés par la FECQ. Essentiellement, la réalisation de ce test implique que la personne candidate se retrouve engagée au sein d’une diversité de mises en situation qui sollicitent ses capacités de jugement ainsi que l'adoption de comportements appropriés. D'ailleurs, une récente étude (publiée en 2019 dans la revue Academic Medecine) concernant l’accès des personnes étudiantes dans les facultés de médecine, permet de dégager que l’utilisation de ce test contribue à augmenter la diversité culturelle et de genre au sein de ce type de programme.
Des inégalités sociales susceptibles de se transformer en inégalités scolaires?
La FECQ relève un dernier enjeu en lien avec les changements dans les modes d’enseignement qui ont découlé de la pandémie de Covid-19 ainsi qu'en fonction de la disparité des conditions d'études dont bénéficie chaque personne étudiante.
Certaines activités de formation sont encore dispensées à distance ou en mode hybride. Considérant que toutes les personnes étudiantes ne bénéficient pas nécessairement ni d’un aménagement à domicile favorable aux apprentissages ni d'un accès exclusif à un ordinateur, la situation peut engendrer des inégalités.
Comme le mentionne le CSE (2018), les personnes étudiantes qui profitent de meilleures conditions familiales et socioéconomiques peuvent notamment s'en trouvé avantagées. Ainsi, l'hétérogénéité des conditions d'études peut être accentuée en contexte de formation à distance.
Ce constat devrait être pris en considération dans la mesure où le système d'éducation québécois fait la promotion d'un principe d'égalité des chances. Une prise de conscience par rapport à cette situation pourrait contribuer à éviter que des inégalités sociales ne se transforment en inégalités scolaires et éventuellement en inégalités professionnelles.
Au regard des différents enjeux relevés, une invitation a récemment été lancée par la FECQ afin de rassembler et d'impliquer différents acteurs du système d'éducation au sein d'une réflexion approfondie concernant les apports ainsi que les limites découlant de la mise en oeuvre du système de mesure de la cote r. On peut ainsi se demander si ce type d'initiative nous amènera à être prochainement témoins de changements dans les pratiques d'évaluation au sein des établissements du réseau collégial.