Les entreprises qui présentent un degré élevé de diversité dans leurs effectifs ont 39 % de chances de réaliser des performances financières supérieures à celles de leurs concurrents, selon le dernier rapport « Why Diversity matters even more » du cabinet McKinsey. Cette idée selon laquelle la diversité dans les sociétés serait un gage de performance est martelée depuis une vingtaine d’années. En 2007, McKinsey publiait un premier rapport présentant la diversité de genre comme un levier de performance, d’abord financière. Ce type de document émanant des plus grands cabinets de conseils mais aussi d’organismes internationaux comme le FMI se sont multipliés au fil des années, étendant progressivement le périmètre de la diversité aux générations ou à l’origine ethnique. Tous ces rapports mettent systématiquement en avant pléthore de chiffres pour attester du lien entre la diversité et tantôt la croissance du chiffre d’affaires de l’entreprise, tantôt celle de sa marge opérationnelle ou enfin du cours de son action.
De nombreuses études académiques ont également exploré, depuis deux décennies, ce lien entre diversité et performance mais leurs résultats ne sont pas aussi enthousiastes. De façon constante, elles soulignent que la corrélation entre diversité au sein de l’équipe de direction et performance de l’organisation donne lieu à des résultats contrastés, voire souvent contradictoires. Plus précisément, ces recherches mettent en lumière que les effets de la diversité sur la performance de l’organisation dépendent d’un nombre élevé de variables, qu’il s’agisse des facteurs de diversité considérés ou du contexte ou encore du secteur d’activité dans lequel les entreprises opèrent.
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Contradiction profonde ou apparente ?
Cette apparente contradiction invite à creuser davantage la notion de performance en lien avec la diversité : la performance ne serait-elle que financière ? En réponse à cette question, il est établi, de façon beaucoup plus unanime cette fois, par la littérature scientifique que la diversité, quand elle existe au sein des équipes, offre une gamme plus large de connaissances, de savoirs et d’idées. Ces atouts se matérialisent par une meilleure capacité d’innovation de l’entreprise et donc par l’émergence de stratégies alternatives. Un tel cheminement permet de mieux cerner que la diversité puisse in fine se traduire par un gain de performance chiffré. Sans garantie toutefois car l’hétérogénéité de points de vue liée à la diversité des profils peut aussi favoriser les conflits au sein des équipes.
La performance liée à la présence de diversité se joue également dans l’attractivité des entreprises. Les initiatives en matière de diversité constituent un enjeu réputationnel fort pour attirer ou retenir des clients, des salariés et des candidats à un emploi. En affichant par exemple une composition identique à celle de la société civile dans laquelle elles évoluent, les entreprises cherchent à créer de la proximité avec leurs clients. Quitte parfois à les faire fuir ?
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Diversité et bien-être au travail
L’affichage de la diversité auprès du grand public est devenu un tel passage obligé pour les entreprises qu’elles sont souvent accusées d’hypocrisie, et de ne pas mettre en pratique les valeurs de diversité qu’elles vantent. H&M en 2018 avait ainsi déclenché une vague d’indignation mondiale, suite à la publication d’une photographie sur leur site web où l’on pouvait voir un petit garçon noir porter un sweat sur lequel il était inscrit : « Coolest Monkey in the Jungle » (singe le plus cool de la jungle).
Dans une veine similaire mais plus récente, les entreprises valorisent désormais la diversité comme un levier de bien-être et de motivation pour leurs salariés : la possibilité d’être soi-même sur son lieu de travail, sans devoir se conformer à une norme, permet de s’épanouir professionnellement et d’exprimer son plein potentiel. Ne plus avoir, par exemple, à dissimuler son homosexualité à ses collègues, lors des discussions à la machine à café, peut générer une énergie positive qui se répercute dans l’engagement au travail.
Peu d’appétence pour les formations au management inclusif
Quoique difficile à mesurer, le lien entre diversité et motivation des salariés est particulièrement exploré par les entreprises car en France, près de 3 salariés sur 5 se sentent appartenir à une ou plusieurs diversités (apparence physique, senior, handicap, issu de la diversité culturelle, sociale ou LGBTQ+). Sur cette base, les pratiques d’inclusion se développent. En remplaçant progressivement le management de la diversité, l’inclusion promeut une vision intégrative de toutes les formes d’altérité : un management inclusif permet non seulement aux entreprises d’accueillir en leur sein de nombreuses spécificités mais également de capitaliser sur ces singularités. Il s’agit d’abord de veiller à l’égalité de traitement entre les salariés dans le cadre du recrutement mais également dans la mise en œuvre des promotions et de la politique de rémunération par exemple. Les managers sont quant à eux formés pour installer les conditions nécessaires à la sécurité psychologique de leurs collaborateurs.
Diversité et inclusion sont des sujets tellement incontournables en entreprise qu’ils en deviendraient contre-productifs ? Les responsables diversité et interlocuteurs RH dans les entreprises soulignent, en effet, que les taux de participation aux programmes de formation au management inclusif sont assez faibles. Les salariés semblent estimer que soit ces formations sont inutiles ou inadaptées, soit qu’ils sont déjà suffisamment sensibilisés à ces sujets. Et des personnalités connues désormais contestent ouvertement les bienfaits de l’inclusion. Elon Musk, en janvier dernier, a tancé Boeing, après un nouvel incident sur un appareil cette fois d’Alaska Airlines, pour avoir instauré des critères de diversité et d’inclusion dans la rémunération de ses dirigeants au lieu de privilégier la sécurité de leurs avions.
(DEI est l’acronyme pour diversity Equity and Inclusion)
Le lien entre diversité et performance, pour les entreprises, est donc bien difficile à établir. Mais sur un marché du travail dont les perspectives démographiques laissent augurer dès 2040 une baisse de la population active, les entreprises ont intérêt à séduire toutes les catégories de main-d’œuvre. Et si, au-delà de l’impératif strictement économique, la promesse d’une entreprise plus juste et plus éthique correspondait à un choix sociétal alors que les inégalités sociales n’ont fait que s’aggraver depuis une vingtaine d’années ?