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La façade du ministère de la Culture. Paul Haahr/Flickr, CC BY-SA

La politique culturelle, bilan et projets

Qu’il paraît loin, le temps où l’on débattait de la culture durant une campagne présidentielle ! Et plus loin encore, le temps où la culture figurait au cœur du projet politique d’un candidat à la présidentielle ! Assez largement absente des campagnes de 2002 à 2012, la culture l’est tout fait de la campagne 2017, polluée par les affaires, hantée par un spectre bleu marine, passionnante et futile comme une série policière à rebondissements… Pourtant, des propositions existent, des programmes parlent de culture, et peut-être l’enjeu pour la Cité n’a-t-il jamais été aussi élevé. Avant d’examiner ces projets, il importe d’abord de faire le bilan de ce qui a été accompli – ou pas – sous la présidence de François Hollande.

Un bilan…

Les analystes sont généralement sévères quant au bilan de la présidence Hollande en matière culturelle : trahison, reniement, indifférence, incompétence, les mots sont forts. Peut-être excessifs. Car enfin, des promesses tenues il y en a eu, et non des moindres : la nomination des patrons de l’audiovisuel public par le CSA (engagement n° 51 de la campagne de 2012, mis en œuvre par une loi en 2013), le renforcement des moyens de l’éducation artistique à l’école (engagement n°44, concrétisé par le doublement du budget et l’objectif atteint de 50 % des élèves bénéficiant d’une pratique artistique et culturelle en 2017, contre 20 % en 2012, selon les chiffres du ministère), ou encore le retour à un taux de TVA à 5,5 % pour le livre et la billetterie, des mesures pour aider les librairies indépendantes ou soutenir le développement des nouvelles technologies et de l’économie numérique.

Mais, à côté de ces promesses tenues ou en cours de réalisation, combien d’autres oubliées en route ! La rémunération des auteurs en fonction de l’accès à leurs œuvres (le fameux « acte II de l’exception culturelle » qui n’a jamais vu le jour), le remplacement ou la suppression de HADOPI, la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le rétablissement de la redevance dans les résidences secondaires, l’annulation de la fusion entre RFI et France 24, la remise à plat des aides à la presse, un statut juridique et une meilleure représentation des rédactions au sein des conseils d’administration des entreprises de presse, la lutte contre l’emprise des groupes industriels sur l’audiovisuel… Non que tous ces engagements non tenus aient été de mêmes portée, intérêt ou faisabilité, mais leur accumulation laisse un désagréable sentiment de négligence.

Ce que n’a pas vraiment démenti la personnalité des trois ministres qui se sont succédé rue de Valois, dont aucune n’a vraiment marqué la fonction de son empreinte. Manque de temps, sans doute, manque de soutien et d’intérêt du Président de la République et des premiers ministres, indéniablement – on est loin, décidément, des Mitterrand, Pompidou, et même Giscard ! Mais aussi, insuffisante maîtrise des dossiers, que des médias et des commentateurs ont caricaturée à plaisir, parfois avec d’évidents relents sexistes, mais qui n’en reste pas moins fâcheuse quand on est à la barre d’une embarcation aussi difficile à piloter que ce ministère des créateurs mais aussi des publics, des institutions parisiennes et des structures de province, de la culture et de la communication.

La manne financière qui est arrivée à la fin du quinquennat aurait pu faire passer tout cela mais elle est apparue comme un rattrapage maladroit et électoraliste après deux années (2013 et 2014) de recul, une première sous un gouvernement de gauche. Au total, malgré quelques réussites, on ne peut pas s’empêcher de penser à un rendez-vous manqué entre la présidence Hollande et la culture.

La passation de pouvoir entre Audrey Azoulay et Fleur Pellerin, en 2016. ActuaLitté, CC BY

… et des projets

Le ou la prochain(e) président(e) de la République sera-t-il ou elle au rendez-vous de la culture ? Rien n’est moins sûr. Il est assez frappant (et inquiétant) de constater que les deux candidats qui font actuellement la course en tête dans les sondages, à savoir Marine Le Pen et Emmanuel Macron, sont ceux qui sont les moins diserts sur les questions culturelles ; à l’inverse, François Fillon, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, les trois autres candidats qui dépassent actuellement la barre des 10 % d’intentions de vote, ont présenté chacun un programme dense et cohérent sinon toujours convaincant en la matière. Il est évidemment impossible de présenter et d’analyser en détail tous ces programmes dans ce court article, je me concentrerai donc sur les points saillants pour souligner convergences et divergences.

Les principaux candidats s’accordent pour affirmer la place éminente de la culture dans tout projet politique – affirmation rituelle et rhétorique mais qui rappelle que l’engagement de l’État dans le domaine culturel, l’existence d’une politique culturelle publique et nationale font partie, depuis plusieurs décennies maintenant, des acquis de la vie politique française.

Cela ne préjuge en rien de la ou des structure(s) administrative(s) en charge de cette politique et l’on peut d’emblée remarquer qu’aucun des candidats ne se prononce sur la pérennité d’un ministère de la Culture et de la Communication, soit que cette pérennité soit une évidence implicite, soit qu’on se réserve la possibilité de la remettre en cause en cas de victoire.

Si la culture est unanimement (et peut-être hypocritement) célébrée, il apparaît cependant assez vite que ce n’est pas tout à fait la même selon les candidats, et que la politique qui la concerne a des objectifs différents : défendre une identité supposément menacée, du côté de Marine Le Pen et, en sous-texte, de François Fillon ; ou réduire les inégalités devant la culture, du côté de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon.

On retrouve, sans surprise excessive, le clivage gauche/droite, Emmanuel Macron se trouvant, sur ces thèmes, plus proche des seconds que des premiers. De la même façon, et ce n’est pas tout à fait un hasard, les deux candidats de droite mettent l’accent sur le patrimoine et l’histoire de France (de façon beaucoup plus précise et chiffrée par François Fillon, qui propose un plan « Patrimoine pour tous » de deux milliards d’euros sur cinq ans), quand les autres mettent davantage en avant la création vivante. Le point commun à tous les candidats : aucun grand établissement, aucun « chantier présidentiel » en vue – l’époque en est passée – mais, à la place, le soutien à des structures de création décentralisées et mutualisées, « fabriques de la culture » selon Benoît Hamon, « maisons des artistes » selon Jean-Luc Mélenchon, « pépinières d’artistes » chez Marine Le Pen comme chez François Fillon.

Lieux de la création vivante, structures de production et de diffusion, ils auront aussi pour mission de combattre les « déserts culturels », expression que l’on retrouve dans plusieurs programmes. Autre proposition courante : élargir les horaires d’ouverture des établissements culturels, en particulier des bibliothèques et médiathèques, même si les moyens d’y parvenir diffèrent. C’est, avec une collaboration plus étroite entre les établissements culturels et le milieu scolaire, la principale mesure de démocratisation culturelle que l’on retrouve à gauche comme à droite.

Propositions plus originales : un « pass culturel » (version Macron) ou un « passeport culturel » (version Hamon). Chez le candidat d’En Marche, il s’agit d’un chèque (de 500 euros) qui serait donné à tout jeune de 18 ans pour qu’il effectue des « dépenses culturelles », pour le candidat du Parti socialiste c’est une sorte de carte d’accès délivrée à tout jeune entre 12 et 18 ans afin qu’il puisse fréquenter des lieux culturels, du théâtre au concert, du musée à l’opéra. Ce n’est pas tout à fait la même chose mais l’idée est bien de donner au jeune lui-même la possibilité de choisir ses consommations culturelles plutôt que de soutenir une offre indifférenciée.

Tout cela à coût constant pour Emmanuel Macron (« pas un euro de moins pour la culture », promet-il, mais donc pas un euro de plus) ou au prix d’une forte augmentation des moyens dégagés pour la culture puisque Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, proposent de consacrer 1 % du PIB à la culture, soit quelque chose comme 20 milliards d’euros, un nouveau doublement du budget, comme entre 1981 et 1982, là où François Fillon et Marine Le Pen parlent plutôt de faire davantage appel aux ressources du privé. D’autres différences pourraient être pointées sur la question des intermittents, de HADOPI, de la concentration des médias… Dans le domaine culturel au moins, le clivage gauche/droite a encore de beaux jours devant lui.

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