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une rangée de tasses à expresso en verre devant une rangée de béchers
L'industrie du café de spécialité privilégie le travail manuel et l'authenticité à la recherche du profit. (Austin Park/Unsplash)

La révolution artisanale a contribué à développer le marché du café de spécialité

La révolution artisanale est partout : bière artisanale, café de spécialité, savon fait main, glace artisanale… Si certains croient que cette tendance est d’un snobisme ridicule, d’autres s’émerveillent de l’esthétique des expériences artisanales.

La révolution artisanale est généralement vue comme une réaction à l’industrialisation à outrance ou comme une façon de garder des traditions et des cultures vivantes dans un monde homogène dominé par les affaires. Les entreprises artisanales et les professionnels du milieu participent à l’essor de professions créatives, au lieu de privilégier la course au profit. Ils sont animés par l’expression créative, l’affirmation esthétique et la qualité.

L’artisanat donne aux professionnels la possibilité de créer des produits uniques qui correspondent à leur vision profonde. Les fabricants peuvent ainsi se démarquer en exprimant leur identité dans leur travail.

L’artisanat témoigne du désir toujours plus marqué des producteurs et des professionnels de privilégier l’affirmation esthétique, d’exprimer leur créativité et de créer des produits de qualité. Le marché du café propose une gamme de ressources culturelles et d’expressions telles que « fait main », « connaisseur », « artisanal » et « snob du café ».

Créer un marché

Les valeurs et les convictions qui sous-tendent le travail artisanal de même que l’affirmation esthétique, la créativité et la qualité se sont infiltrées dans de nombreux marchés, notamment ceux de la coiffure pour hommes, de la bière, de la boucherie, du chocolat, des cocktails, des tatouages, de la cuisine, du jean, de la mode, de la moto et du café.

Entre 1991 et 1998, le nombre de cafés proposant des cafés de spécialité est passé de 1 650 à environ 10 000 aux États-Unis. En 2015, il y avait quelque 31 490 cafés offrant des cafés de spécialité. Le café de spécialité représente aujourd’hui plus de la moitié de la valeur du marché de détail américain, établie à 48 milliards de dollars.

Cette augmentation de la demande et de la popularité de biens de consommation conçus selon une approche artisanale a fait basculer une grande partie du marché vers les valeurs et les convictions liées à l’artisanat.

Valeurs et convictions

Les entreprises fondent leurs activités sur des valeurs et des convictions clés. Les entreprises artisanales mènent leurs activités dans un souci d’affirmation esthétique, d’expression créative et de qualité. À l’inverse, les sociétés commerciales telles que McDonald’s et Tim Hortons privilégient la maximisation des profits.

Chaque type d’entreprise (commerciale ou artisanale) innove donc à sa façon. Dans le domaine du café, les entreprises artisanales ont adopté des méthodes de culture, de traitement, de torréfaction et d’infusion du café faisant ressortir les saveurs distinctives du grain selon ses origines, son terroir (la manière dont le contexte de sa culture influe sur son goût) et sa variété.

un homme vêtu d’une chemise bleue observe la préparation d’un café à la louche
Les produits utilisés pour faire le café sont conçus pour rehausser l’expérience du consommateur et du barista. (Oak & Bond Coffee/Unsplash)

Des produits novateurs, tels que le tamis à café Kruve, la machine à espresso Decent DE1+ ou le moulin à café Weber EG-1, présentent tous la même caractéristique essentielle : offrir aux baristas et aux consommateurs un meilleur contrôle des variables de la préparation du café afin qu’ils puissent en parfaire l’expérience esthétique.

Les entreprises commerciales introduisent des produits présentant un potentiel de profit. Le fameux latte à la citrouille épicée de Starbucks, le Vertuo de Nespresso et la gamme de boissons à base d’espresso récemment lancée par Tim Hortons ne tiennent pas compte de l’expérience du café ou de la mise en valeur des saveurs distinctives d’un grain. Ils offrent plutôt aux consommateurs des produits et des services sympathiques, abordables ou pratiques qui contribuent à augmenter leurs marges bénéficiaires.

Créer un langage

Quelles que soient les valeurs et les convictions des entreprises commerciales et artisanales, ce sont les interactions entre elles qui poussent les marchés comme celui du café à prendre une direction plus artisanale. Les sociétés commerciales s’inspirent ainsi des aspirations créatives et esthétiques des entreprises artisanales.

Elles empruntent le vocabulaire que ces dernières ont apporté au marché du café, comme les boissons au café « artisanales » de Dunkin’ Donuts ou les capsules de café Nespresso « inspirées » des baristas de Brooklyn et de Melbourne.

Elles automatisent les procédés complexes et rituels de préparation du café des baristas artisanaux, augmentant ainsi la rentabilité tout en faisant découvrir aux consommateurs ordinaires certains aspects de la préparation artisanale du café.

Les entreprises artisanales s’engagent sur le plan esthétique dans l’innovation commerciale. Elles transforment le latte à la citrouille épicée en utilisant un sirop artisanal et une sélection d’épices qui se marient parfaitement aux caractéristiques gustatives d’un grain de café précis. Certaines entreprises artisanales ont également profité de l’aspect pratique des machines à capsule et ont développé leurs propres versions pour offrir aux consommateurs la possibilité de déguster un café haut de gamme à la maison.

Avec le temps, ces interactions font évoluer le marché tout entier, en y introduisant des valeurs artisanales qui transforment l’expérience de tous les consommateurs.

Engagement, expression et authenticité

Les complexités associées aux produits artisanaux ont également permis aux gens de se former et de se distinguer par leurs goûts. Les ressources et l’expertise culturelles sont essentielles dans notre façon de nous exprimer et de définir qui nous sommes.

La révolution artisanale a soutenu la professionnalisation de nombreux domaines. Des professions comme celles de barbier, de boucher, de barista et de créateur de cocktails ont désormais un cachet culturel élevé. Elle a également favorisé l’émergence de nouvelles identités, des connaisseurs de café aux méchants barbus en passant par les accros du cocktail.

Certains estiment que l’artisanat offre des produits plus authentiques, sans doute parce qu’il crée une sorte de relation directe entre le producteur et le consommateur, s’éloignant de la production normalisée du marché de masse qui domine en grande partie notre économie. Mais alors que l’expression créative des artisans peut se trouver dans leurs produits et leur présentation, les entreprises commerciales sont devenues habiles pour imiter l’art des professionnels de l’artisanat, ce qui rend difficile la distinction entre les deux.

L’authenticité est un concept ambigu ; ce que certains considèrent comme authentique peut être perçu comme élitiste par d’autres. Le succès de l’artisanat réside peut-être dans sa capacité à exploiter nos idéaux nostalgiques du travail et notre désir toujours plus vif de connaître les origines des produits, leur histoire et les personnes qui les fabriquent.

This article was originally published in English

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