Menu Close

La « ville intelligente », d’abord une ville de services

Le service Cityscoot propose depuis juin 2016 des scooters en libre service. Cityscoot

Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique «Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre à Dakar, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone


La « ville intelligente » désigne l’utilisation stratégique du numérique dans la planification et la gestion urbaines en vue de favoriser le développement de métropoles durables. La promesse de cette ville est donc de devenir plus efficace, plus respectueuse de l’environnement et socialement plus inclusive grâce à l’utilisation des technologies numériques.

Cela passe par plusieurs axes : la dématérialisation et la fluidification des échanges ; la création et le partage de connaissances sur la ville ; la participation des acteurs ainsi que de nouvelles formes d’interactions et le développement des usages et services urbains.

Quelles technologies pour cette intelligence ?

Les méthodes numériques permettent d’observer, de modéliser, de simuler, d’échanger et de recommander. Elles fournissent des outils d’analyse – voire de prédiction – dynamiques des capteurs urbains et du développement de communautés virtuelles via une diversité de plateformes et de réseaux sociaux.

À Montpellier, on peut payer son stationnement avec son smartphone depuis 2015. Site Internet ville de Montpellier

L’essentiel du travail de l’information est déjà numérisé par l’utilisation d’ordinateurs portables, de tablettes et de smartphones. Le développement de l’Internet des objets et le déploiement de capteurs numériques permet ainsi de numériser et de connecter des tâches, des processus et des opérations. Et le cloud computing offre une puissance informatique quasiment illimitée et à faible coût.

Il s’agit donc de s’adapter à la connectivité permise par l’ubiquité numérique et de repenser le modèle économique de la ville.

L’avènement du micro-entrepreunariat

À l’instar de toutes les innovations qui se développent en prenant appui sur ces potentiels, on assiste au développement de micromodèles d’affaires tels que le libre service de vélos ou plus récemment de scooters. Ces nouveaux business models permettent aux utilisateurs d’avoir entièrement accès à un produit, mais de ne payer que pour l’usage qu’ils en font.

L’augmentation des capacités de produits « intelligents connectés » conduit à réinterroger les chaînes de valeur ; de nouvelles interactions et expériences d’usage, de nouveaux services deviennent possibles. Dans ce cadre, la vraie révolution du numérique consiste à mettre à jour la valeur d’usage. Ceci appelle tous les acteurs urbains à changer de vision.

La smart city est donc une ville qui se repense et se recycle en continu pour répondre aux besoins de ses habitants.

Sur fond de restrictions budgétaires

Tout ceci intervient dans un contexte de réduction des financements publics, appelant de nouveaux modes d’action, prenant appui notamment sur des partenariats publics/privés à l’image du programme Smile pour la transition énergétique en Bretagne.

Des acteurs locaux explorent de nouvelles pistes, multiplient les innovations, essaient de concilier performance écologique et maîtrise des coûts, inventent de nouvelles approches de participation (financement participatif, autoconstruction, boucles énergétiques…).

On voit ainsi émerger des projets de boucles énergétiques locales ; on peut citer celles des îles du Finistère (Sein, Molène, Ouessant, Batz et Saint-Nicolas des Glénans) ou encore le réseau d’électricité locale de la coopérative TransActive Grid de Brooklyn (New York), qui combine énergie renouvelable et économie du partage grâce à la technologie blockchain et ses échanges décentralisés et sécurisés entre particuliers.

Vidéo de présentation du système local TransActive Grid (2016).

Une ville durable peut donc se définir par la capacité contributive des acteurs à concrétiser la durabilité de leur territoire, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif. Il s’agit dès lors de développer le patrimoine immatériel territorial et d’engager l’ensemble des acteurs à venir renforcer ce patrimoine.

Qui crée quelle valeur dans la ville ?

Comment faire plus avec moins, accompagner les transformations de société et les modes de vie, s’inscrire dans une soutenabilité écologique ?

Le modèle économique global de la ville correspond à la façon dont ses acteurs créent, fournissent et récupèrent de la valeur sur le territoire. Le nouveau modèle économique de la ville fondé sur le long terme, la collaboration et la valeur d’usage doit se réinventer et s’inspirer de modèles d’affaires au niveau micro-économique et largement influencés par le numérique tels que l’économie circulaire ou collaborative.

Sur le long cours, contribuables, propriétaires et usagers de services paient pour la ville et doivent contribuer à dessiner les différentes orientations urbaines.

Les services au cœur de la ville

La smart city est servicielle et permet de faire face à de nouveaux modes de vie, à des temporalités plus complexes, et donc à de nouvelles attentes des habitants.

Les services répondent à une logique de production-distribution impliquant des transformations dans la planification urbaine. Il s’agit d’extraire le maximum de valeur et de bénéfices des équipements et aménagements de l’espace, de développer la logistique, les infrastructures numériques, mais aussi les ressources humaines, la gouvernance, le modèle économique de la ville et les modèles d’affaires.

Les expérimentations autour des smart cities bénéficiant actuellement de la plus grande visibilité se déroulent en Europe, aux États-Unis, en Asie et au Moyen-Orient. Ces projets promeuvent la vision d’une ville intelligente s’appuyant sur des investissements significatifs, requis par le déploiement de solutions de hautes technologies, demandeuses en capitaux.

Dans ce contexte, citons Medellín, en Colombie, connue pour son taux de criminalité le plus élevé au monde au début des années 1990 et nommée en 2012 « ville la plus innovante » par le Wall Street Journal pour ses technologies d’innovation qui ont su répondre, directement et à bas coût, aux problèmes de ses habitants.

La notion de services devient donc aussi structurante que la notion d’équipement. Gardons à l’esprit que les services représentent 65 % des budgets des ménages, 75 % des emplois, 80 % du PIB.

Medellín en Colombie s’est distinguée par sa politique d’innovations (AFP, 2013).

Repenser le bien-être citadin

Aujourd’hui, on observe que le bien-être des salariés peut doper la santé des organisations : une étude britannique a ainsi montré que les 25 % d’entreprises ayant les plus importants budgets consacrés à la santé de leurs salariés avaient vu une progression de 8 % de leurs employés en bonne forme et surtout une réduction de 16 % des pertes de productivité.

Dans la lignée de ces approches, de nouveaux labels fleurissent, tels que la norme « well », mais aussi une diversité de référentiels autour de la haute qualité de vie des quartiers et territoires.

Les concepts pleuvent sur la ville comme autant d’utopies et de démarches porteuses d’avenir urbains : de la ville durable à la ville servicielle en passant par la ville frugale, la ville résiliente ou encore la ville décarbonée, la ville fertile…

Des technologies soutiennent aujourd’hui ces perspectives, et les rythmes d’innovation et de déploiement sont rapides. La smart city représente ainsi la capacité à s’approprier ces technologies pour que des utopies deviennent réalité.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,100 academics and researchers from 4,941 institutions.

Register now