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Un panneau d'affichage situé dans une rue passante affiche le visage de Nancy Pelosi et lui souhaite la bienvenue à Taïwan.
Des passants devant un panneau d’affichage annonçant la venue de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, à Taipei, à Taïwan, le 3 août 2022. (AP Photo/Chiang Ying-ying)

La visite de Nancy Pelosi à Taïwan provoque un accès de colère chez le gouvernement chinois

La visite à Taïwan de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, n’a duré que 24 heures.

Mais elle a mis en évidence la brutale réaction de la Chine, notamment la poursuite des exercices militaires autour de Taïwan quelques jours après son départ, et montre à quel point le détroit de Taïwan représente une ligne de fracture géopolitique entre la Chine et le reste du monde.

À son point le plus étroit, le détroit de Taïwan est un canal d’eau de 130 kilomètres de large qui sépare la République populaire de Chine de l’île de Taïwan.

Mais le fossé entre Taïwan et la Chine est plus que géographique. Depuis plus d’un demi-siècle, le détroit demeure l’un des derniers vestiges de la guerre froide. Il est le symbole de la division entre l’autoritarisme de la Chine et la démocratie florissante de Taïwan.

Néanmoins, Taïwan est aussi une sorte de paria international. En effet, peu de pays entretiennent officiellement des liens diplomatiques avec cet État, souvent par crainte des répercussions de la part du gouvernement chinois. Pendant trop longtemps, la politique dite « d’une seule Chine », qui stipule que le monde ne compte qu’une seule Chine, et que Taïwan en fait partie, a été le fondement de toutes les relations avec ce pays.

Cependant, alors que la Chine impose à tous les pays d’adhérer à cette politique, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et aussi le Canada ne font que « reconnaître » cette politique.

Au grand dam de la Chine, de nombreux pays maintiennent des liens économiques, culturels et même militaires avec Taïwan. Aux yeux de Pékin, la visite de Mme Pelosi revient à « jouer avec le feu ».

Visite de routine et réaction excessive de la Chine

La réaction instantanée de la Chine à la visite de Mme Pelosi a été de procéder à des exercices militaires et de lancer des missiles balistiques au-dessus de Taïwan. Les visites de législateurs étrangers y sont pourtant courantes.

Le président du Sénat tchèque a conduit une délégation à Taïwan en août 2020 ; la Chine a réagi en déclarant que les dirigeants tchèques « paieraient un lourd tribut ». Le vice-président du Parlement européen a également visité Taïwan en juillet 2022, et a souligné le « rôle de l’île en tant que partenaire international, stratégique, responsable et digne de confiance ».

Pourtant, Mme Pelosi est la seule personne à avoir été personnellement sanctionnée par la Chine, suscitant des spéculations selon lesquelles la réaction de la Chine serait misogyne.

La présidente démocratiquement élue de Taïwan, Tsai Ing-Wen, elle-même une femme, a figuré sur la liste 2020 des personnes les plus influentes du monde du magazine Time pour avoir tenu tête aux agressions constantes et manifestes de la Chine.

Réponse de la communauté internationale à la crise

En guise de représailles à la visite de Mme Pelosi, la Chine a également suspendu les pourparlers sur le climat et les liens militaires avec les États-Unis, aggravant encore les tensions et laissant penser que le pays ne prend pas très au sérieux les mesures en faveur du climat.

Le ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne a appelé la Chine à ne pas « utiliser cette visite comme prétexte à une activité militaire agressive dans le détroit de Taïwan ». Le Japon a déclaré que ces exercices militaires auront « un sérieux impact sur la paix et la stabilité de notre région et de la communauté internationale, » tandis que les ministres des Affaires étrangères du G7 ont condamné les « actions menaçantes… en particulier les exercices de tir réels et la coercition économique, qui risquent d’entraîner une escalade inutile ».

Avec les exercices militaires en cours, la Chine semble vouloir démontrer sa capacité à instaurer un blocus de Taïwan.

Or, le détroit de Taïwan est l’une des voies maritimes internationales les plus fréquentées au monde. En outre, certaines des lignes aériennes commerciales les plus achalandées du monde traversent l’espace aérien entourant le pays.

Rien de surprenant à cela, Taïwan étant une grande nation commerçante qui produit plus de 50 % des semi-conducteurs de la planète, lesquels fournissent la puissance de calcul des appareils électroniques modernes et soutiennent l’économie mondiale. Un blocus ou une invasion chinoise de Taïwan engendrerait d’énormes bouleversements pour le reste du monde.

Une traînée de condensation provenant d’un avion militaire dans un ciel bleu avec une demi-lune visible
Un avion militaire vole au-dessus du détroit de Taïwan, au point le plus rapproché de la Chine continentale par rapport à l’île, dans la province chinoise du Fujian (sud-est), le 5 août 2022, trois jours après la visite de Mme Pelosi. (AP Photo/Ng Han Guan)

Zone cruciale des eaux internationales

Plus tôt en juin, la Chine a déclaré qu’elle détenait « la souveraineté, les droits souverains et l’autorité sur le détroit de Taïwan », une revendication qui a été réfutée par les États-Unis comme une violation du droit international.

La Chine revendique également la souveraineté sur des îles contestées dans la mer de Chine méridionale, une prétention que la Cour permanente d’arbitrage a jugée sans fondement juridique.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer stipule clairement que la haute mer ne fait pas l’objet de revendications de souveraineté et que tous les États jouissent des libertés de navigation et de survol. Le Canada et d’autres pays envoient régulièrement des navires de guerre dans le détroit de Taïwan dans le but de contrer la tentative de la Chine de prendre le contrôle de cette étendue d’eau internationale.

Les essais délibérés de missiles balistiques et les exercices de la Chine, en violation du droit international, n’ont pas seulement des répercussions sur la mer territoriale de Taïwan, mais empiètent également sur la zone économique exclusive du Japon.

La réaction excessive de la Chine à ce qu’elle prétend être une question purement intérieure transforme donc ironiquement le conflit sur Taïwan en une crise internationale.

Un grand navire se déplaçant sur une mer bleue
Les navires traversent le détroit de Taïwan. (AP Photo/Ng Han Guan)

Une pensée pour le peuple de Taïwan

Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères a écrit : « Le peuple de Taïwan sait malheureusement trop bien ce que c’est que de vivre à l’ombre des menaces et de l’intimidation ».

Avant que Taïwan ne devienne une démocratie, une dictature militaire oppressive y régnait. Pourquoi 23,5 millions de personnes composées d’ethnies taïwanaises, chinoises et de 15 tribus autochtones des îles du Pacifique qui vivent dans ce que Mme Pelosi a appelé « l’une des sociétés les plus libres du monde » voudraient-elles se voir, comme la Chine l’affirme depuis des décennies, « libérées » ?

Des manifestants allument des bougies lors d’une veillée nocturne
Des centaines de participants assistent à une veillée aux chandelles sur la place de la Démocratie à Taipei, à Taïwan, en juin 2020, pour marquer l’anniversaire de la répression militaire chinoise du mouvement prodémocratie sur la place Tiananmen à Pékin. (AP Photo/Chiang Ying-ying)

Malgré les obligations contraignantes de la Déclaration commune sino-britannique, l’érosion des libertés civiles et de l’indépendance judiciaire à Hongkong montre que Pékin ne respecte pas ses engagements internationaux.

En outre, la Chine a incarcéré plus d’un million de Ouïghours et d’autres minorités ethniques dans des « camps de rééducation » et les a soumis à ce qui constitue des crimes contre l’humanité.

L’ambassadeur chinois en France a récemment déclaré ouvertement que les habitants de Taïwan aussi seront « rééduqués ». Il est difficile d’imaginer pourquoi quelqu’un souhaiterait vivre sous un régime où il n’y a aucune liberté politique ou médiatique et où les citoyens et les ressortissants étrangers sont assujettis à des détentions arbitraires.

L’autodétermination est le droit inaliénable de tous les peuples à vivre à l’abri de la peur et de l’oppression. Alors que la Chine et les États-Unis s’affrontent dans la région indopacifique, il est essentiel que le monde soutienne le peuple de Taïwan. La communauté internationale doit dénoncer les actes d’agression qui sapent la paix et la sécurité régionales et mondiales.

This article was originally published in English

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