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L’aventure de la biodiversité : 1573-1626, le café arrive en Europe

Un café à Londres, au XVII e siècle. Anonyme. Pim Reinders, Thera Wijsenbeek et al., Koffie in Nederland

Nous publions ici un extrait de l’ouvrage : « L’aventure de la biodiversité. De Ulysse à Darwin, 3 000 ans d’expéditions naturalistes » qui vient de paraître aux éditions Belin. Hervé Le Guyader évoque dans le texte ci-dessous trois voyageurs : Leonhard Rauwolff, Prospero Alpini et Pietro Della Valle. Les illustrations sont de Julien Norwood.


Plus de 40 millions de sacs de café, soit 2,4 millions de tonnes, sont consommés dans l’Union européenne, premier importateur mondial de café. C’est qu’entre l’Europe et le café, l’histoire est vieille de cinq siècles. Le breuvage fut pour la première fois décrit par le botaniste allemand Leonhard Rauwolff (1535-1596) à la faveur d’un voyage au Moyen-Orient qui dura de 1573 à 1575. Il faudra attendre encore cinq ans pour que le botaniste de Padoue Prospero Alpini (1553-1617) rapporte d’Égypte des grains de café et publie une description botanique du caféier. Enfin, c’est le grand voyageur italien Pietro Della Valle (1586-1652) qui, de retour d’un très long séjour au Moyen-Orient le 5 février 1626, fait connaître le café turc (et avec lui… les chats persans). L’essor de cette boisson en Europe ne va plus se démentir…

C’est à la faveur de ses études de médecine et de botanique que Leonhard Rauwolff a parcouru l’Europe. À l’université de Montpellier, alors célèbre, il est l’élève de Guillaume Rondelet (1507-1566), surtout connu pour ses travaux sur les animaux marins – il classe les poissons et dissèque l’oursin –, mais qui ne dédaigne pas la botanique. Rauwolff veut partir à la recherche d’herbes médicinales. Il met le cap sur l’actuel Irak. Il atteint Bagdad et Mossoul via Tripoli (Liban) et Alep (Syrie). Rauwolff est le premier botaniste des temps modernes à voyager en Syrie et Mésopotamie. À son retour, il publie, en 1576, un herbier et, en 1582, un journal de voyage sur les coutumes et les paysages des pays traversés, où il décrit cette boisson « presque aussi noire que l’encre, et bonne pour certaines maladies, en particulier celles de l’estomac ».

« Kaffa »

Rauwolff est le premier Européen à parler du café. Le mot vient de « Kaffa », nom de la plus ancienne région de l’Éthiopie productrice de café, « qah’ wa’ » en arabe, qui devient « kahve » en turc, puis « caffè » en italien. Prospero Alpini est quant à lui le premier à publier, en 1591, la description botanique du caféier (Coffea arabica, rubiacée), dans la foulée d’un voyage de trois ans en Égypte où il a pu également observer les palmiers dattiers (Phoenix dactylifera, arécacée).

Le caféier (Coffea arabica, rubiacée) est un arbuste à feuilles persistantes pouvant atteindre 10 m de hauteur. Il est originaire de l’Afrique de l’Est – Éthiopie, Soudan du Sud, Kenya. Autrefois, on le trouvait surtout dans la province éthiopienne de Kaffa… d’où le nom de café. Le caféier robusta (Coffea canephora) est également africain, puisque son aire de répartition initiale est une bande s’étendant de l’Ouganda à la Guinée. Julien Norwood, Author provided

Alpini rapporte en Italie des grains dont « les Arabes et les Égyptiens font une sorte de décoction, qu’ils boivent à la place du vin ». Des 1615, le café est consommé à Venise. Certains prêtres veulent l’interdire, avançant que cette « invention de Satan » est bue par les « infidèles musulmans » remplaçant le vin par une boisson noire comme l’enfer… Mais le pape Clément VIII (1535-1605) en est friand. Il la baptise et en fait un « vrai breuvage chrétien » !

Troisième et dernier acteur de l’entrée du café en Europe : l’Italien Pietro Della Valle. Au retour d’une mission en Tunisie pour le Vatican, il apprend l’arabe. En 1614, il part au Moyen-Orient où il suit un trajet analogue à celui de Rauwolff : Constantinople, Alep, Bagdad puis Persépolis. Il reconnaît la localisation de Babylone et révèle l’écriture cunéiforme, fondant ainsi l’assyriologie. En 1615, il écrit à un ami vénitien une lettre décrivant le café. Il épouse une jeune fille à Bagdad. Il ne revient à Naples que douze ans après son départ, le 5 février 1626. Il sera un héraut du café turc – et également… des chats persans – qu’il contribuera à populariser en particulier à Naples, Rome et Marseille.

L’aventure de la biodiversité. Belin

Dès 1645, des « cafés », c’est-à-dire des lieux dévolus à ce breuvage, s’ouvrent en Italie, mais aussi à Oxford et à Londres. Ce sont des endroits mal vus des autorités, car s’y rassemblent des étudiants, philosophes, etc., qui aiment discuter dans ces endroits apaisants où on ne boit pas d’alcool, mais où l’on agite des idées libérales. En France, le café arrive à Marseille en 1644. À Paris, en 1672, un Arménien du nom de Pascal ouvre le premier café de la capitale, à la foire Saint-Germain. Le Procope suit en 1686 (c’est aujourd’hui le plus ancien café de Paris). En 1723, 380 cafés sont répertoriés dans la capitale, près de 1 500 actuellement.

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