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Le bon scénario pour booster les ventes de voitures électriques

La Renault Zoé a été la voiture électrique la plus vendue en Europe en 2015, avec plus de 18 000 véhicules écoulés. Gabriel Bouys/AFP

2015 aura été un bon cru pour les ventes de véhicules électriques en France, avec une hausse de 64 % par rapport à l’année précédente ; en Europe, elles représentent aujourd’hui 1,3 % des ventes de voitures.

Les taux de croissance des ventes dans ce marché, qui reste de niche, sont cependant nettement dépendants des outils de politiques publiques utilisés pour favoriser leur diffusion. Les résultats sont extrêmement hétérogènes selon que l’on utilise des politiques dites de soutien à l’achat (prime à la casse, subventions) ou de taxations (taxation des carburants, taxe carbone) pour aider à la substitution.

Dans les différents scénarios européens de transition énergétique, l’électrification du secteur des transports est une solution encouragée, car elle permet à la fois de réduire la dépendance de l’Union européenne aux énergies fossiles et de diminuer les émissions de CO2 du secteur.

www.avere-france.org

Une étude a été récemment conduite pour évaluer les effets des différentes politiques publiques sur le niveau des ventes de véhicules électriques en Europe à l’horizon 2030, leur impact en termes budgétaires pour la collectivité et le nécessaire arbitrage qui doit en résulter.

Les résultats de ces travaux présentent, pour six types de politiques publiques différenciées, les effets sur les taux de croissance de ventes des véhicules électriques et le coût budgétaire associé.

Le système actuel en France

Il existe aujourd’hui dans l’Hexagone un système d’incitation à l’achat de véhicules électriques basé sur le principe du bonus écologique. Introduit lors du Grenelle de l’environnement de 2007, il récompense les futurs acquéreurs d’une aide de 6 300 euros, généralement déduite du montant d’achat du véhicule électrique.

Depuis avril 2015, et plus récemment en janvier 2016, ce système a été complété par une prime à la conversion qui permet de porter le bonus à 10 000 euros (un « super bonus » : 6 300 euros de bonus écologique et 3 700 euros supplémentaires) en cas de mise à la casse d’un véhicule diesel de plus de dix ans (1er janvier 2006) suite à l’achat d’un véhicule électrique.

Six scénarios sur le banc d’essai

• Scénario 1 : intensification du progrès technique sur les véhicules thermiques classiques
• Résultat : un léger recul des taux de croissance des ventes de véhicules électriques en moyenne

Ce scénario est le plus efficace à moyen terme pour la réduction des émissions de CO2 liées à la mobilité privée de passagers, car les technologies thermiques constituent la majorité des ventes à l'horizon 2030. Cependant, il ne permet pas de stimuler les ventes de véhicules électriques. En effet, l’intensification du progrès technique désavantage les nouvelles technologies en renforçant l’efficacité des technologies conventionnelles. Ce scénario est en outre onéreux d’un point de vue budgétaire eu égard au périmètre retenu : toutes choses égales par ailleurs, la réduction des consommations unitaires des véhicules érode les revenus fiscaux de l’État, ce qui devrait l’inciter à revoir le niveau de fiscalité.

• Scénario 2 : politique publique de prime à la casse
• Résultat : une hausse de plus de 15 % des ventes de véhicules électriques en moyenne

Ce scénario permet de stimuler assez fortement les ventes. Le coup de pouce financier engendré par ce type de politique incite les consommateurs à opérer des choix de substitution de véhicules thermiques âgés par des véhicules électriques. Il avantage ainsi les nouvelles technologies. Le coût budgétaire est élevé, et ce d’autant plus que cette substitution technologique peut conduire à une réduction du stock de véhicules thermiques, de la consommation globale de carburant et des taxes qui y sont associées.

• Scénario 3 : politique de subvention directe à l’achat de véhicules électriques
• Résultat : une hausse de plus de 25 % des ventes de véhicules électriques en moyenne

Cette politique a l’effet le plus important, en moyenne, en termes de stimulation des ventes de véhicules électriques. Le bonus accordé par les pouvoirs publics pour l’achat spécifique d’un véhicule électrique permet de réduire fortement le coût d’acquisition du véhicule et d’orienter le consommateur vers cette technologie. Cette incitation a un coût budgétaire très élevé – le plus élevé en moyenne de nos scénarios (le montant de la subvention est plus élevé que celui d’une prime à la casse). En outre, cette politique n’est probablement pas exempte d’effet d’aubaine pour certains consommateurs qui auraient décidé d’acheter un véhicule électrique avec des incitations plus faibles.

• Scénario 4 : politique de taxation des carburants/politique de taxe carbone
• Résultat : une hausse des ventes de véhicules électriques comprises entre 3 % et 6 % en moyenne

Ces deux politiques ont la caractéristique commune d’augmenter les recettes budgétaires de l’État et, ainsi, de ne pas avoir d’incidence sur des arbitrages plus globaux de politiques économiques. La taxation des carburants induit un rattrapage de la fiscalité du gazole sur celle de l’essence ; on suppose par ailleurs que ces deux fiscalités peuvent s’additionner. En ciblant une proportion importante de la flotte – tous les véhicules consommant des énergies fossiles – elles ont des assiettes fiscales larges. Si le niveau des ventes reste plus fortement stimulé dans le cas d’une taxe carbone qu’avec une politique de rattrapage fiscal, en moyenne, ces deux politiques ne permettent pas d’engendrer un processus de substitution massif par le véhicule électrique.

• Scénarios 5 & 6 : combinaison de politiques de subventions directes et de taxe carbone
• Résultat : une hausse de plus de 25 % des ventes de véhicules électriques en moyenne

La combinaison des deux types de mesures permet d’obtenir d’excellents résultats, notamment, un niveau très élevé des ventes de véhicules électriques (en moyenne quasiment du même ordre qu’une politique de subvention directe seule), ceci avec une quasi-neutralité budgétaire. Le bonus accordé par les pouvoirs publics pour l’achat spécifique d’un véhicule électrique réduit le coût d’acquisition du véhicule et oriente le choix du consommateur vers cette technologie. La taxe carbone, assise sur une base fiscale large, assure la neutralité budgétaire et finance la politique de subvention directe.

Si la combinaison de ces politiques apparaît efficace d’un point de vue budgétaire et en termes d’orientation technologique, elle n’est pas sans poser des problèmes d’iniquités sociales. On peut y voir en effet une subvention de la minorité des futurs acquéreurs de véhicules électriques par les nombreux possesseurs de véhicules thermiques, qui seront taxés de manière uniforme quel que soit leur niveau de revenu.

Comme dans les scénarios de taxation, la non-prise en compte de l’hétérogénéité des revenus ou de facteurs socio-économiques (l’existence de trajet contraint dans certaines zones urbaines, par exemple) induit des biais économiques et sociaux majeurs qui peuvent nuire à une acceptation des politiques. Pour corriger les biais introduits par ce type de politique, la puissance publique pourrait mettre en place des systèmes de redistribution.

Assurer l’équité

Ces scénarios mettent en exergue l’importance de l’évaluation des impacts socio-économiques ou macroéconomiques des politiques de déploiement des technologies du transport.

Dans une optique de stratégie de développement du véhicule électrique en Europe, ils ouvrent la voie à de multiples axes d’études. Il est ainsi nécessaire d’intégrer des dimensions sociologiques permettant de prendre en compte les systèmes de représentation des technologies par les consommateurs, leurs hétérogénéités (caractéristiques socio-économiques : revenu, formation) et leurs capacités d’adoption des technologies (rationalité et apprentissage).

Les réflexions liées au déploiement des filières technologiques à travers des politiques publiques nécessitent la réalisation d’études d’impacts multicritères intégrant notamment la dimension de l’équité sociale. En effet, les scénarios étudiés mettent en exergue des problématiques liées au financement et à la redistribution. Il est important d’affiner l’analyse, notamment pour mettre en évidence la probable existence d’effets d’aubaine et d’iniquité (les subventions sont absorbées en majorité par les ménages les plus riches, qui auraient investi de toute façon, comme on peut l’observer dans le secteur résidentiel pour les mesures de soutien à la rénovation thermique).

Ces écueils pourraient être en partie évités par l’instauration de subventions dégressives en fonction du niveau de revenu, comme c’est le cas en Californie pour les véhicules électriques.

L’analyse des différentes politiques met enfin en exergue des questions liées au système de taxation du secteur énergétique et aux politiques de subventions. Le dilemme des pouvoirs publics réside dans la difficulté de trouver un compromis entre l’efficacité et l’équité des politiques, et les nombreuses possibilités de schémas incitatifs et redistributifs.

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