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Vue latérale de Beaubourg et des toits de Paris
Le Centre Pompidou va devoir fermer ses portes pour des travaux de rénovation de 2025 à 2030. Shutterstock

Le Centre Pompidou, le musée superstar en équilibre précaire, avant fermeture pour travaux

Qu’on l’appelle Centre Pompidou ou Beaubourg, il va fermer ses portes de 2025 à 2030 pour des travaux de rénovation conséquents. Contesté, critiqué et même raillé à son ouverture, il s'est imposé comme un bâtiment iconique de la capitale parisienne. Musée superstar, il occupe une place particulière dans la carte internationale des musées. Décryptage du modèle économique fragile et atypique d’un lieu décidément pas comme les autres.


Créé par la loi du 3 janvier 1975 et inauguré en 1977, le Centre Pompidou s’apprête à célébrer ses cinquante ans d’existence. Ce jalon important sera toutefois marqué par une fermeture complète du musée de 2025 à 2030 pour des travaux de restructuration et de mise aux normes.

Parallèlement, le Centre Pompidou poursuivra son expansion avec l’ouverture d’un nouveau site à Massy (Essonne), destiné à regrouper ses réserves et à devenir un lieu d’exposition et de diffusion culturelle. En outre, le Centre continuera à renforcer sa présence internationale avec de nouveaux sites provisoires à l’étranger.

Le concept de « musée superstar » développé par Bruno S. Frey désigne des institutions culturelles emblématiques qui attirent des visiteurs en masse, génèrent des revenus significatifs grâce à la commercialisation de leurs espaces et collections. Ces musées jouent un rôle majeur dans l’économie locale. Le Centre Pompidou ressortit évidemment à cette catégorie.

Un modèle économique insoutenable

Cependant, contrairement à d’autres musées superstars comme le Louvre ou le musée d’Orsay, le Centre Pompidou ne possède pas d’œuvres mondialement célèbres facilement reconnaissables par le grand public. Pas de Joconde ni de Noces de Cana ou de collection impressionniste. Il en résulte que malgré une programmation dynamique et une architecture iconique, son modèle économique reste fragile.

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En 2022, les recettes budgétaires du Centre Pompidou se sont élevées à 131,7 millions d’euros, dont 90,5 millions provenaient de financements publics (69 % des recettes totales), un taux nettement plus élevé comparé au Louvre (44 %) et au musée d’Orsay (45 %). Les recettes propres du Centre, bien qu’en légère hausse par rapport à la période post-pandémique, représentaient seulement 31 % des recettes totales, contre 34 % en 2019. Les revenus de billetterie, essentiels pour l’autofinancement, ont chuté de 18 % par rapport à 2019, malgré une refonte de la grille tarifaire en 2022. En revanche, les recettes de mécénat ont progressé de 8 %, atteignant 6,1 millions d’euros, tandis que les revenus issus des expositions hors les murs et des implantations internationales ont augmenté de 43 %, compensant en partie les pertes des autres sources de revenus, selon les données publiées dans les rapports annuels du Centre.

Une stratégie de diversification qui peut sembler brouillonne

Malgré ces efforts, la Cour des comptes souligne que cette diversification des ressources manque encore de formalisation stratégique et de visibilité sur les coûts réels. Le Centre s’est souvent contenté d’une approche pragmatique en réponse aux sollicitations, sans stratégie claire ni comptabilité analytique, ce qui fragilise la pérennité de son modèle économique.

France 24.

Deux enjeux cruciaux pèsent sur les stratégies économiques du Centre Pompidou et notamment de billetterie : la concurrence des institutions privées d’art contemporain à Paris et l’impact écologique lié à une augmentation de sa fréquentation.

L’émergence de nouvelles fondations et collections d’art contemporain à Paris, telles que la Fondation Louis Vuitton ou la Collection Pinault, a profondément transformé le paysage culturel de la capitale. Si ces institutions concurrentes pourraient être perçues comme une menace pour le Centre Pompidou, elles contribuent en réalité à renforcer l’attractivité de Paris comme destination incontournable pour les passionnés d’art contemporain. Cette concentration d’institutions prestigieuses place Paris au cœur du réseau international de l’art contemporain, attirant un public averti et diversifié.

Concurrence et complémentarité : l’écosystème de l’art contemporain à Paris

En dépit de cette concurrence qui a émergé ces dernières années, le Centre Pompidou bénéficie de cette dynamique en restant l’un des hauts lieux de l’art moderne et contemporain. Cela est due à sa programmation innovante comme l’exposition Évidence ou encore la diffusion de Noire et à la richesse de ses collections.

Le rayonnement international de Paris dans le domaine de l’art contemporain est donc à double tranchant pour le Centre Pompidou. D’un côté, il doit rivaliser avec des institutions dotées de moyens financiers considérables et d’œuvres emblématiques. De l’autre, il profite de cette effervescence pour se maintenir parmi les destinations culturelles de premier plan, renforçant ainsi sa position dans un marché globalisé de l’art. Cependant, pour tirer pleinement parti de cet écosystème, le Centre devra continuer à innover et à s’adapter aux nouvelles réalités économiques et culturelles, tout en restant fidèle à sa mission de promotion de l’art contemporain.

Défis environnementaux

Le Centre Pompidou doit naviguer entre deux impératifs majeurs : stimuler son développement économique tout en réduisant son empreinte écologique, comme l’indique l’un de ses rares documents stratégiques interne intitulée « Répondre à l’urgence environnementale : Plan d’action 2023-2025 ». Une contradiction importante émerge dans ce contexte, puisque 82 % de l’impact carbone d’un musée provient de ses publics, notamment des visiteurs internationaux, dont les voyages en avion sont particulièrement polluants.

Or, le Centre Pompidou est critiqué par la Cour des comptes pour son manque relatif d’attractivité auprès des visiteurs étrangers comparé à d’autres musées parisiens. Pourtant, cette faiblesse apparente peut se révéler un atout dans une optique de durabilité environnementale. En attirant un public national, le Centre réduit les déplacements de longue distance, minimisant ainsi l’empreinte carbone liée aux voyages internationaux.


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Plus résilient donc, moins rentable ?

Cette orientation vers une audience nationale pourrait s’avérer une stratégie durable à long terme, à l’heure où les préoccupations écologiques sont de plus en plus pressantes. De plus, cela renforce l’ancrage local du musée, le rendant plus résilient face aux fluctuations du tourisme international et aux crises globales, telles que la pandémie de Covid-19. Néanmoins, cette stratégie a un coût économique, car les publics locaux bénéficient plus souvent de tarifs réduits ou de gratuités, limitant les revenus potentiels.

Par ailleurs, bien que la location d’œuvres et d’expositions, ainsi que l’expansion internationale, soient des sources importantes de revenus, elles viennent avec leur propre lot de défis écologiques. Le transport d’œuvres d’art à travers le monde et les infrastructures nécessaires pour soutenir ces activités augmentent l’empreinte carbone du musée. Cependant, rapprocher les expositions des publics internationaux peut réduire la nécessité de voyages long-courrier, ce qui pourrait compenser ces impacts. Les grands projets immobiliers, tels que la restructuration du bâtiment historique du Centre et la construction du nouveau site à Massy, sont également stratégiques pour sa modernisation, mais ils impliquent des coûts environnementaux significatifs.

Le Centre Pompidou incarne un modèle de musée superstar atypique. Malgré une dépendance accrue aux financements publics et des revenus en deçà de ceux générés par d’autres musées parisiens, le Centre reste un acteur culturel incontournable grâce à sa programmation avant-gardiste et son engagement international. Cependant, l’équilibre entre la croissance économique et la responsabilité environnementale demeure fragile. Pour assurer sa pérennité, le Centre Pompidou devra non seulement renforcer sa viabilité financière, mais aussi s’adapter aux exigences écologiques, tout en continuant à jouer un rôle de pionnier dans le paysage culturel global.

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