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David Gulpilil, Mark Weaver, Dougie McCale et Cameron Wallaby dans « Satellite Boy » de Catriona McKenzie. Matt Nettheim

Le cinéma aborigène prend ses quartiers à Paris

Dans un petit cinéma du Quartier Latin, des projections quelque peu atypiques attendent les cinéphiles. Jusqu’au dimanche 5 juin, ce ne sont ni les blockbusters hollywoodiens, ni les comédies dramatiques françaises qui s’afficheront : le programme du cinéma La Clef sera entièrement consacré aux meilleures productions des cinéastes aborigènes d’Australie.

L’affiche du premier Festival du cinéma aborigène australien de Paris. Festival du cinéma aborigène australien

Le premier Festival du cinéma aborigène australien présentera des films dignes d’être distingués à Cannes, mais encore inconnus du public parisien, pourtant réputé pour sa cinéphilie. C’est d’ailleurs le premier festival du genre en Europe.

À l’occasion du lancement de l’événement, The Conversation a demandé à deux expertes des cultures indigènes, l’une française et l’autre australienne, de poser leurs questions à la directrice du festival, Greta Moreton Elangué.


Sandra Phillips, maître de conférences à l’Université de technologie de Queensland

Qu’est-ce qui vous a motivée à organiser ce festival ?

J’avais entendu parler de la popularité grandissante du FIFO (le Festival international du film documentaire océanien) qui a lieu à Tahiti et de imagineNative à Toronto, qui présentent chaque année des films aborigènes australiens.

J’ai trouvé fou qu’il n’y ait pas de festival dédié à ce cinéma en Europe, étant donné le succès qu’il recueille sur le circuit international.

Marlene Cummins dans une salle de sport du quartier Redfern à Sydney, dans « Black Panther Woman ». Blackfella Films/Alina Gozin

Pensez-vous que les cinéphiles français changeront de point de vue sur l’art des communautés natives d’Australie ? Comprendront-ils les histoires et personnages que montrent ces longs-métrages ?

Les Français reconnaissent le talent cinématographique des Aborigènes depuis plus de 25 ans. Le cinéma indigène australien est présent au Festival de Cannes depuis 1989, année où le film de Tracey Moffat, Night Cries : A Rural Tragedy, a été sélectionné parmi les courts-métrages en compétition. Il a été suivi par son premier long-métrage, Bedevil (Un Certain Regard en 1993), par Samson and Delilah de Warwick Thornton (Caméra d’Or en 2009), puis Toomelah d’Ivan Sen (Un Certain Regard en 2011), et enfin The Sapphires de Wayne Blair (Cannes 2012).

« Bedevil » de Tracey Moffat. Festival du cinéma aborigène australien

Raconter une histoire par des pratiques artistiques telles que la peinture, la chanson, la danse ou le cinéma est monnaie courante dans la culture indigène. Elle permet à la communauté de s’affirmer, et c’est justement cette singularité culturelle qui rend la nouvelle vague du cinéma indigène australien si originale.

Nous avons aussi organisé une exposition d’art indigène en parallèle du festival, afin que les visiteurs puissent découvrir le travail d’artistes qui vivent là où les films ont été tournés.

Il y a une grande variété de représentations des communautés natives d’Australie dans votre sélection, ainsi que des styles cinématographiques très divers. Comment avez-vous choisi les films ?

Les films sélectionnés ont été réalisés par des cinéastes nés dans les années 1960 et 1970, soit après le référendum de 1967 qui portait sur le fait d’inclure les communautés aborigènes dans le recensement.

following the referendum to include Aboriginal people in the Australian census.

Ils témoignent des difficultés que rencontre toujours cette communauté. Cette génération de cinéastes est la première à reconnaître le pouvoir de métamorphose du cinéma et à passer derrière la caméra pour proposer une vision toute neuve de l’Australie.

Notre festival se fait l’écho de cette vision innovante, et inclut différents formats : des longs-métrages aux documentaires, en passant par les courts-métrages. Nous sommes aussi très heureux de pouvoir dévoiler Cleverman, une nouvelle série télévisée indigène novatrice.


Géraldine Le Roux, maître de conférences à l’Université de Bretagne occidentale

En France, le mot « aborigène » évoque souvent une culture ancienne, la jungle australienne et les traditionnelles « peintures en pointillés » du Désert central. En quoi votre sélection de films rompt-elle avec ces stéréotypes ?

Notre festival couvre de nombreux genres : comédies musicales, thrillers, films de superhéros, science-fiction, comédies… Il y aussi une sélection spéciale de documentaires qui ont remporté un prix au FIFO. C’est un programme entièrement postcolonial !

Adam Briggs est Maliyan dans « Cleverman ». Red Arrow International

Depuis les années 1970, l’art aborigène sous toutes ses formes – peinture, sculpture, cinéma et tissage de paniers – a déménagé des studios australiens aux galeries européennes et américaines. Souvent, les artistes accompagnent leurs travaux, un moyen pour les communautés de contrôler la représentation de leur culture à l’étranger et les implications politiques qui en découlent. Pensez-vous que les réalisateurs et acteurs viendront présenter leurs films aux prochaines éditions du festival ?

Cinéma La Clef dans le Vᵉ arrondissement de Paris. LPLT, CC BY-NC-SA

Notre première édition peut avoir lieu grâce au support de trois partenaires essentiels : l’ambassade d’Australie à Paris, la Ville de Paris et Tourism Australia.

La présence des cinéastes et des acteurs au festival est vitale pour renforcer la relation entre le public et les films. Notre principal objectif pour la seconde édition, c’est de pouvoir faire venir une délégation de réalisateurs au festival, afin qu’ils puissent partager leur expérience avec les cinéphiles parisiens.

Traduit de l'anglais par Diane Frances.

This article was originally published in English

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