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Le Comité européen des régions en temps de Covid-19

default. © European Union/Nuno Rodrigues

Alors que de nombreux élus locaux (en France et dans les pays voisins) s’estiment lésés par les conséquences et la gestion de la crise sanitaire, il existe une institution européenne qui vise à rehausser le poids des contributions des édiles locaux et régionaux dans la fabrique des politiques publiques. Si le méconnu Comité des régions demeure une ressource mobilisable pour les élus au niveau européen, ses pouvoirs sont toutefois limités.

En place depuis 1994, le Comité des régions est un organe consultatif de l’Union européenne, fondé comme une solution possible pour « démocratiser » davantage l’Union européenne. Il s’agit de revenir, à l’occasion de son rôle dans la gestion de la Covid-19, sur l’histoire – à tort ou à raison – de ce parent pauvre des institutions européennes.

« L’opportunité » de la Covid-19 ?

Le Comité a promptement réagi à la propagation de la pandémie, qui a profondément affecté les pays de l’UE au cours de l’année 2020. Puisque les acteurs locaux étaient en « première ligne » de la crise, le Comité a tenu à rappeler le rôle clé de ces acteurs dans la gestion publique de la pandémie, justifiant une gestion plus directe des fonds européens par les collectivités locales.

L’initiative la plus marquante relève de la fabrique et de la publication, à partir d’octobre 2020, d’un « Baromètre des Régions et des Villes » annuel.

Baromètre des Villes et des Régions, édition 2020.

Un tel outil, qui fait penser aux baromètres de la Commission européenne, agit comme une autre ressource de légitimation du Comité. En effet, le Baromètre qui repose sur une enquête par sondage auprès de 26 000 citoyens européens, lui permet d’affirmer haut et fort que les citoyens européens ont davantage confiance dans leurs pouvoirs locaux que dans les autorités européennes et nationales. Cela justifierait selon le Comité une implication encore plus directe des autorités locales et régionales dans la fabrique des politiques communautaires (comme sur le Green Deal par exemple).

Une « institution » en quête de légitimation depuis sa création

Plus fondamentalement, le Comité vise à associer les élus locaux et régionaux à la fabrique des décisions communautaires.

Il est obligatoirement saisi par la Commission européenne, seule institution européenne disposant formellement de l’initiative législative, pour un ensemble de domaines précisés par les Traités européens (principalement : transport, politique de cohésion, environnement, formation professionnelle/éducation, santé et culture). Le Comité des régions rend des avis non-contraignants, même si le Parlement et le Conseil (les deux institutions qui légifèrent sur la base de la proposition de la Commission) sont tenus d’en prendre connaissance.

Comité européen des régions.

En quête de légitimation depuis sa création, le CDR (ou du moins ses artisans institutionnels, ses agents administratifs, les élus qui y siègent) a toujours mis en avant sa plus grande légitimité « démocratique » au sein des institutions européennes, et particulièrement par rapport au Parlement européen pourtant élu au suffrage direct depuis 1979.

Et pour cause, les 350 membres du Comité provenant des 27 pays de l’Union sont des élus locaux : maires, conseillers municipaux, présidents de départements, conseillers départementaux, élus régionaux. Ils sont donc investis par des électeurs, responsables devant leur assemblée locale, et c’est à ce titre qu’ils siègent au sein du Comité des régions.

Des élus triés sur le volet

Toutefois, tous les élus locaux européens ne sont pas conviés. Les procédures de sélection des élus ayant droit de siéger au Comité varient selon les pays. Ce sont souvent les associations de collectivités qui proposent un ensemble de candidats à chaque gouvernement d’État, par exemple l’Association des Régions de France, l’Association des Départements de France et l’Association des Maires de France.

Au sein du Comité, qui s’apparente à un « mini-Parlement », les membres siègent dans l’une des six commissions thématiques (de l’économie aux relations extérieures, en passant par la politique de cohésion), au sein desquelles ils produisent des avis sur des propositions législatives émises par la Commission européenne.

Ces avis sont ensuite adoptés au niveau de l’assemblée plénière du Comité (en présence des 350), avant d’être remis au Parlement et au Conseil de l’Union européenne, les deux institutions qui votent les propositions législatives européennes. Au-delà des commissions, les membres sont tenus de s’affilier à un groupe politique (il en existe six) et se réunissent également parfois par délégation nationale.

Imposer son opinion ?

Les premières années du Comité des régions furent marquées par une importante production d’avis, à destination des autres institutions. Si le Comité rend des avis sur demande de la Commission, il se saisit aussi lui-même, sans qu’aucune institution ne le lui demande, afin de faire connaître son opinion sur diverses thématiques politiques. Par la pratique de l’auto-saisine, le CDR souhaite se faire une place dans le concert des institutions européennes.

De plus, le Comité lance, à partir de 2003, les « Open Days » (aujourd’hui Semaine européenne des Villes et des Régions), une sorte de forum durant lequel les bureaux de représentation régionale et autres acteurs locaux sont conviés à échanger et « réseauter » lors de séminaires, ateliers et événements.

Hémicycle du Comité des régions, à Bruxelles.

Le lent processus d’accréditation du Comité ne tient pas qu’à son action propre. En effet, si les domaines d’intervention pour lesquels la Commission est tenue de consulter le CDR s’élargissent au fil des Traités – en 1997 (Amsterdam), en 2001 (Nice), en 2007 (Lisbonne) –, c’est notamment parce l’ensemble des États membres consentent à augmenter les prérogatives consultatives du CDR. Par ailleurs, il faut souligner le rôle de la Commission européenne qui, dès 1994, a toujours souhaité associer le Comité aux travaux législatifs relevant des compétences des collectivités, afin de bénéficier de son expertise dans la gestion des affaires locales.

Enfin, la mise en place d’un tel Comité répond au « déficit de légitimité démocratique » des institutions européennes, souvent pointé du doigt par ses détracteurs. Le discours officiel de l’UE met désormais en valeur le fait que les Maires, élus locaux et régionaux sont désormais directement au cœur de la machine européenne. Le Comité, que les citoyens européens ne connaissent pratiquement pas, aurait pourtant contribué à « démocratiser » en partie les affaires européennes.

Entre source d’expertise et pilote de la démocratie « participative »

Depuis 2014, le Comité cherche de plus en plus à devenir l’intermédiaire institutionnel incontournable des citoyens avec l’UE. Cela passe par la multiplication des recommandations et des initiatives prises en son nom afin de promouvoir des dialogues directs avec les citoyens.

En effet, à l’instar de ce que la Commission organisait depuis 2012, à savoir des rencontres entre Commissaires et groupes de citoyens dans certaines capitales européennes, le Comité va organiser ses propres « dialogues citoyens ».

Entre 2016 et 2019, ce ne sont pas moins de 180 rencontres qui ont été organisées entre des membres du Comité et leurs concitoyens. La finalité de ces rencontres est surtout communicationnelle. Il s’agit davantage pour les membres du Comité d’afficher leur proximité avec les administrés de l’UE et leurs ancrages locaux, que de prôner la mise en place d’une démocratie radicalement directe. Toutefois, il est intéressant de souligner que le Comité des régions souhaite s’imposer comme le principal visage institutionnel de la doctrine de légitimation lancée par la Commission européenne dans les années 2000. C’est-à-dire devant le Comité economique et social européen qui chapeaute les initiatives citoyennes européennes, ainsi que devant la Commission.

Par ailleurs, pendant le mandat de l’ancien président de la Commission Jean‑Claude Juncker (2014-2019), plusieurs éminents membres du Comité ont été invités à participer à une task-force (groupe de réflexion directement nommé par le Président Juncker) afin d’étudier la manière dont les institutions européennes pourraient « mieux légiférer » (plus efficacement), tout en associant plus directement les autorités régionales et locales aux politiques publiques européennes.

De gauche à droite : Franz Timmermans (premier vice-président de la Commission Juncker), Jean‑Claude Juncker (président de la Commission entre 2014 et 2019), Karl-Heinz Lambertz (président du Comité des régions), lors de la remise du rapport de la task-force en 2018.

Dans la continuité des travaux de ce groupe de réflexion institutionnelle, le Comité des régions lance en 2018, avec la Commission, une plateforme intitulée Regional Hubs. Les Régions européennes qui y participent évaluent directement la mise en œuvre de politiques publiques européennes au niveau local, afin d’influencer la législation future.

Le Comité des régions a aussi cherché à peser de tout son poids dans le cycle des négociations pour le futur budget européen (2021-2027), en demandant notamment un rehaussement de son propre budget et des enveloppes financières à destination des Régions et autres collectivités locales. Les prochains chantiers du Comité consisteront d’une part à associer ces dernières à la mise en place du « Green New Deal » européen, d’autre part à s’imposer dans l’organisation de la prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe.


L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Philippe Aldrin et de François Foret.

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