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Le confinement, source d'apaisement pour les enfants en famille d'accueil

On compte aujourd’hui en France 38.300 assistants familiaux
On compte aujourd’hui en France 38.300 assistants familiaux qui accueillent à leur domicile des enfants confiés par l’aide sociale à l’enfance. Pexels/Sharon Mccutcheon

La crise sanitaire de la Covid-19 et la période de confinement pendant 2 mois en France a eu des répercussions considérables sur la protection des enfants, à la fois en termes de violence familiale mais aussi de prise en charge institutionnelle. Il a été constaté une augmentation de 30 % des violences familiales et des maltraitances sur les enfants, et dans le même temps un arrêt du fonctionnement des institutions judiciaires et de toute nouvelle prise en charge.

Au-delà de ce constat, cette période a eu aussi des conséquences sur les enfants déjà pris en charge en familles d’accueil, avec un arrêt des visites parentales, un arrêt des suivis médicaux et psychologiques pour un confinement total dans la famille qui les accueille, 24h/24 et 7 jours sur 7.

Comment les enfants confiés et l’assistant familial ont-ils vécu cette expérience du confinement ? Quelles conséquences le confinement a-t-il eu sur les relations entre l’enfant confié, sa famille d’accueil et ses parents ?

Aide sociale de l’enfance et assistants familiaux

On compte aujourd’hui en France 38 300 assistants familiaux qui accueillent à leur domicile des enfants confiés par l’aide sociale à l’enfance, pendant un temps limité voire jusqu’à la majorité du jeune. Ces assistants familiaux sont des professionnels de l’enfance, ils sont salariés, et accueillent au sein de leur famille et à leur domicile les enfants, en les élevant comme leur propre enfant.

Les résultats présentés se basent sur une recherche réalisée par le LAMES – Laboratoire Méditerranée de Sociologie de l’Université d’Aix-Marseille, qui paraîtra en janvier prochain, avec la participation de trois organisations syndicales représentants des assistants familiaux ANAMAAF, FNAF, S.A.F Solidaires.

Un questionnaire sur les conséquences du confinement a été diffusé par Internet pendant cette période avec une participation de 1 550 assistants familiaux. Puis 15 entretiens auprès d’assistants familiaux ont été réalisés afin de compléter les données. La recherche aborde de manière approfondie les conditions de vie des assistants familiaux avec les enfants confiés, les conséquences de la situation sur les enfants et le maintien ou non des relations parentales.

Des tensions tout à fait gérables

Globalement les assistants familiaux ont exprimé des difficultés avec les enfants confiés pendant le confinement. En effet pour 41 % il y a eu « parfois des difficultés », pour 17 % ce fût « difficile » et 8 % « très difficile », 35 % estime que « cela se passe bien ».

Les assistants familiaux soulignent les aspects positifs du confinement pour les enfants
Les assistants familiaux soulignent les aspects positifs du confinement pour les enfants. Pexels/August De Richelieu

Ils ont notamment dû faire face à l’anxiété des jeunes (33 %) et à l’agressivité (21 %), une minorité (6, 5 %) a exprimé des difficultés face au manque parental exprimé par les enfants, ainsi que le suivi scolaire (6, 3 %). Malgré ces difficultés, les assistants familiaux soulignent les aspects positifs du confinement pour les enfants. Ce temps de confinement leur a permis de faire une pause, de rester au sein de la famille d’accueil sans être sollicités par les professionnels de l’enfance ou leurs parents ce qui visiblement leur a permis de se poser un temps.

Peu de fugues pendant le confinement

Le confinement a eu pour effet d’arrêter toutes activités, de vivre une pause pour les jeunes, en témoigne le faible pourcentage de fugues 3 % pendant cette période (dont 1. 5 % moins d’un jour). On constate que 75 % des familles d’accueil qui ont eu à gérer ces fugues avaient en charge trois enfants et plus.

Durant le confinement, on a pu observer une baisse des fugues
Durant le confinement, on a pu observer une baisse des fugues. Pexels/Cottonbro

Une famille qui accueille peu d’enfants est davantage disponible et à l’écoute qu’une famille avec 3 enfants, elle apporte un environnement plus favorable dans une période de crise sanitaire où les jeunes ont encore davantage besoin d’attention. Nous avons aussi constaté que les jeunes ayant fugué sont ceux qui ont en grande partie pu davantage rencontrer leur parent que les autres enfants pendant cette même période.

Faire une pause, un bienfait pour les enfants

« Se poser un peu », le mot d’ordre pour les enfants placés en famille d’accueil
« Se poser un peu », le mot d’ordre pour les enfants placés en famille d’accueil. Pexels/Katerina Holmes

L’ensemble des assistants familiaux considère que cette période particulière a permis aux enfants de « faire une pause ». Un temps sans aucune sollicitation, sans école, sans rencontre parentale, sans une multitude de rendez-vous sociaux et médicaux avec le psychologue/psychiatre, l’orthophoniste, le référent de l’enfant, ou dans les centres spécialisés…

« Elle va à l’IME (institut médico-éducatif) elle part le matin, tous les matins à 6h, elle rentre le soir à 18h, elle va aussi chez l’orthophoniste, chez les parents, chez l’orthoptiste, en plus chez la psychomotricienne… Là n’y avait plus rien. Je pense que ça lui a fait du bien de se poser un peu. »

Des effets positifs pour les enfants

Ce temps de pause a eu des effets positifs sur les enfants, notamment par l’arrêt des visites parentales et une amélioration des troubles chez certains enfants.

Seulement 10 % des enfants ont pu rencontrer leurs parents pendant la période de confinement, et dans 57 % des situations moins d’une fois par mois. Les familles d’accueil concernées par ces visites ont déclaré rencontrer plus de difficultés que les familles d’accueil ayant été totalement confinées pendant la même période.

« J’ai eu des problèmes de comportement avec la grande mais ce sont des problèmes que j’ai au quotidien et qui sont liés à sa déficience. […] Par contre, on a eu un gros bénéfice au niveau des comportements du fait qu’il n’y ait aucun contact physique avec les parents. L’orthophonie plus rien aucun rendez-vous, aucune visite, plus rien. Ça a vachement posé les enfants. »

L’arrêt des visites parentales, moins d’anxiété chez les enfants

Le confinement a engendré un arrêt de tous les accompagnements et suivis médico-psychologiques, mais aussi les rencontres parentales. Les enfants se sont trouvés confinés dans leur famille d’accueil pendant 2 mois sans avoir la possibilité de rencontrer leurs parents, leur famille d’origine et sans être sollicités par toute une équipe socio-éducative. En effet il était alors impossible de poursuivre les visites médiatisées dans les maisons de la solidarité, ni d’accompagner les enfants au domicile des parents.

Face à cette situation que constatons-nous ? Les assistants familiaux ont remarqué que les enfants étaient moins anxieux, moins stressés notamment pour ceux qui ont des parents violents physiquement et/ou verbalement. Ils observent que l’absence de contact avec leurs parents a été bénéfique pour les enfants, notamment par une amélioration des troubles du comportement et des conduites de l’enfant.

« Ils ont pu avoir leurs parents par téléphone. Le fait de ne pas les voir a été bénéfique. »

Une amélioration de certains troubles chez les enfants

Les assistants familiaux estiment que globalement le confinement a même été bénéfique aux enfants confiés. En effet le fait de rester confinés dans leur famille d’accueil a donné la possibilité aux jeunes de se poser et de se sentir en sécurité. Ce moment de pause a même conduit à une amélioration de certains troubles chez les enfants, notamment une amélioration du sommeil et du comportement.

Le confinement, source d’apaisement pour ces enfants et pour les assistants familiaux
Le confinement, source d’apaisement pour ces enfants et pour les assistants familiaux. Pexels/Gabby K

« Au niveau des jumelles qu’on accueille c’était que du bonheur. Le fait de plus voir papa maman, plus aucun trouble du sommeil. Si on en avait eu 4 comme ça aurait été. Dans le sens contraire, ça a donné des troubles à une (la plus grande de 13 ans), mais les jumelles ça les a apaisées. Elles ont dormi dans leur lit alors que normalement elles viennent dans notre chambre nous réveiller. Au bout de 2-3 semaines, le fait de plus avoir de relation avec leur mère et bien ça a été des petites filles lambda. J’en ai une qui fait beaucoup de crises de nerf et là on n’a pas eu du tout de crises pendant ces deux mois de confinement. Un bien-être… D’ailleurs, on a décidé avec l’équipe, à la suite du premier confinement, de diminuer les visites de la mère pour les jumelles. »

Ces résultats font écho à ceux présentés dans la recherche sur les pouponnières pendant le confinement qui montre un effet positif du confinement à la fois sur les organisations et pratiques professionnelles en permettant davantage de disponibilité et de sensibilité des professionnels, mais aussi sur les enfants.

« Les résultats montrent bien comment les enfants s’apaisent, quand tous les petits moments du quotidien s’organisent dans des routines avec peu de changements et peu de turn-over de personnels. »

Le confinement a donc permis aux enfants et aux jeunes de connaître un temps de pause qui leur a été bénéfique.

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