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Le corail sous haute surveillance en Nouvelle-Calédonie

Vue aérienne d’un récif frangeant côtier (Pointe de Nouville). Les colonies blanchies sont très visibles de part et d’autre de la pointe sur l’ensemble des récifs peu profonds illustrant l’étendue du blanchissement. Francesca Benzoni/IRD/UMR ENTROPIE, Author provided

Depuis quelques semaines, les récifs coralliens de l’archipel de la Nouvelle-Calédonie connaissent un épisode de blanchissement intense. D’après nos observations in situ et un survol aérien, ce phénomène touche actuellement les récifs situés le long des côtes de la Grande-Terre, les platiers récifaux des îlots du lagon et les récifs intermédiaires. Les récifs de l’atoll d’Ouvea sont également concernés.

Avec ses 23 400 km2 de lagons et ses 8 000 km2 de constructions, cet écosystème remarquable représente l’un des plus variés et des plus vastes ensembles récifaux au monde. Sa barrière ceinturant la Grande-Terre se déploie sur 1 600 km, une étendue comparable à celle de la Grande Barrière d’Australie. Inscrits depuis 2008 au Patrimoine mondial de l’humanité, les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie se distinguent par leur excellent état de conservation, la diversité des habitats, leur faune et leur flore variées.

Le blanchissement actuel s’étend depuis le sommet des platiers jusqu’à une profondeur de 10 mètres pour certains sites et les espèces touchées varient d’un site à l’autre. Les récifs internes et externes de la barrière récifale sont pour l’instant épargnés et seules quelques espèces de coraux ont blanchi ; le phénomène est donc préoccupant par son caractère massif pour les communautés coralliennes peuplant les littoraux.

Le blanchissement est un phénomène qui correspond à un rejet plus ou moins important des algues symbiotiques par les coraux hôtes et/ou à une diminution de la concentration en pigments photosynthétiques contenus dans les algues. Le phénomène de blanchissement des coraux est généralement induit par de brusques changements environnementaux qui dépassent les capacités d’acclimatation des coraux, tels que des radiations UV importantes, des salinités réduites ou des infections bactériennes. Dans l’épisode en cours, l’élévation des températures de surface, de seulement 1 à 2 °C pendant plusieurs semaines consécutives, semble être responsable de la plupart des phénomènes de blanchissement observés à grande échelle. Si un corail blanchi n’est pas un corail mort, sans les algues symbiotiques, ses apports énergétiques se voient fortement réduits. Dans le cas où ces conditions de stress perdurent, les coraux meurent.

Vue sous-marine côtière de la pointe de Nouville. Platier à Acropora branchu entièrement blanchi. Francesca Benzoni/IRD/UMR ENTROPIE, Author provided

Un suivi sans précédent

Un phénomène important avait déjà été signalé en Nouvelle-Calédonie durant l’été austral 1995-1996, mais il est difficile de pouvoir établir des comparaisons sans données précises sur le phénomène de 1995. D’autres événements moins intenses de blanchissement passés inaperçus ont très bien pu se produire par le passé. Quoi qu’il en soit, l’épisode actuel est déjà considéré comme un phénomène massif et global, car il touche différentes régions du globe.

L’effort mis en œuvre actuellement par les chercheurs de l’unité mixte de recherche ENTROPIE de l’IRD Nouméa pour documenter l’événement et le suivre au plus près est tout à fait inédit ; plusieurs sites ont été sélectionnés sur divers récifs répartis entre le littoral et la barrière récifale, pour évaluer quantitativement le phénomène, lister les espèces concernées et mesurer le degré de l’impact ; ces estimations sont complétées par des mesures de l’état physiologique des coraux et des études sur les algues symbiotiques contenues dans leurs tissus. Un suivi toutes les deux semaines sera conduit sur l’ensemble des sites retenus, et ce pendant plusieurs mois. Puis de manière plus espacée, nous suivrons l’évolution des peuplements une fois le phénomène passé. Il faut également mentionner la mise en place d’une cellule de veille permettant de récupérer des informations via un réseau de suivi participatif, notamment avec l’association Palak Dalik.

Si l’on ne peut agir sur les paramètres environnementaux et le dérèglement climatique, la mobilisation des chercheurs est cependant essentielle pour documenter le phénomène sous divers aspects et étudier in fine la résistance, voire la résilience, des espèces concernées. Nous envisageons également de conjuguer ces résultats avec ceux que nous détenons déjà sur les communautés coralliennes de la région et tenter de proposer des cartes de sensibilité des coraux qui peuvent être utiles aux gestionnaires dans le design des zones à conserver par exemple.

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