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Le Covid bouleverse nos habitudes de consommation ? Cela pourrait bien n’être qu’une parenthèse…

Par « effet de halo », nous en venons à penser qu’un chocolat présenté comme meilleur pour la santé est aussi plus respectueux de l’environnement – sans que rien ne nous soit communiqué à ce sujet.

Très récemment, des applications alimentaires se sont mises à intégrer un éco-score dans leurs évaluations des produits alimentaires. La plus célèbre d’entre elles, Yuka, précédemment surtout portée sur la santé et la qualité nutritionnelle des aliments, se tourne désormais aussi vers les aspects environnementaux de la production alimentaire en considérant que l’alimentation est au cœur du changement climatique.

Au-delà d’une simple sensibilisation des consommateurs au sujet de l’écologie, le rajout de cet indicateur vise avant tout à répondre à la demande des individus. Ceux-ci se montrent en effet déjà très préoccupés par l’impact environnemental de leur consommation.

Sans doute, la pandémie actuelle a-t-elle accentué cette prise de conscience et mis en évidence des liens entre environnement et santé humaine. Des études montrent que la crise sanitaire a modifié la sensibilité des consommateurs, la protection de l’environnement devenant une de leurs principales exigences. 73 % de Français indiquent d’ailleurs que le contexte de crise leur donne (davantage) envie de consommer responsable.

Nos travaux invitent cependant à la nuance. Selon nos résultats, la pandémie actuelle ne semble pas un élément de rupture de tendances de consommation, mais plutôt une parenthèse dans une prise de conscience du lien entre environnement et santé.

Bon pour le corps, bon pour la planète ?

Nos recherches interrogent en particulier ce que l’on nomme l’« effet de halo » du consommateur. Il s’agit d’une disposition à maintenir une certaine cohérence cognitive et à minimiser les dissonances. L’évaluation des différents attributs d’un produit ou d’un service se trouve, par cet effet, calquée sur celle de l’attribut dominant. Par exemple, lorsque des barres de chocolat sont présentées avec une étiquette « commerce équitable », certains consommateurs en déduisent que le produit est moins calorique.

Phénomène moins documenté, l’effet de halo semble aussi jouer dans la direction opposée. Si on communique une information négative sur l’aspect sanitaire d’un produit, le consommateur va penser que ce produit est également nocif pour l’environnement.

Une enquête qualitative nous a tout d’abord permis de calibrer différentes hypothèses, testées ensuite par questionnaires via Internet. Outre mesurer la prégnance de l’effet, nous souhaitions notamment vérifier que celui-ci est plus prononcé lorsque des attributs considérés importants, à l’instar de la santé en temps de pandémie, sont en jeu.

Il s’agissait aussi de comprendre si la nature de la source d’information sur les caractéristiques du produit (officielle ou blog informel) influençait le halo. C’est pourquoi un deuxième questionnaire était soumis après lecture d’un article sur le produit retenu, article présenté comme venant de sources différentes selon les individus. Enfin, nous faisions l’hypothèse d’effets moindres sur des individus plus experts.

Issu d’un élevage ? Nourri avec des antibiotiques ? Exposition au mercure ? Effet sur la santé ? Le saumon fait partie de ces biens pour lequel le consommateur reste très dépendant de l’information qui lui est communiquée. Patrick T. Fallon/AFP

Le produit retenu pour tester ces divers éléments a été le saumon. Difficile en effet de choisir un poisson de qualité sans être un minimum connaisseur.

Notre collecte de données effectuée en 2017 et impliquant 3766 répondants issus de cinq pays d’Europe occidentale (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Espagne), bien avant la pandémie donc, faisait ressortir que l’environnement et la santé allaient ainsi de pair. Auprès des enquêtés, une communication négative sur l’aspect sanitaire d’un produit alimentaire générait une perception négative sur les répercussions environnementales de sa production, l’inverse étant aussi valable.

Les résultats obtenus suggèrent également que l’effet de halo santé-environnement s’avère plus fort pour les consommateurs les plus connaisseurs. Il est également plus prononcé que d’autres dans la mesure où la santé est un attribut considéré important. Nous en déduisons donc un effet encore plus prononcé en période Covid durant laquelle la santé devenait la préoccupation numéro 1 de beaucoup d’individus.

Concernés par les sources officielles

Cette étude permet ainsi de conclure que la pandémie actuelle n’est pas un élément de rupture, mais plutôt une parenthèse dans cette prise de conscience du lien environnement-santé. D’autant que le trend des années précédentes allait dans cette même direction.

Déjà en 2020, au tout début de la crise sanitaire, « limiter l’impact sur l’environnement et consommer des produits plus sains » figuraient parmi les résolutions les plus répandues des Français. Même avant les années 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait que « l’environnement est la clé d’une meilleure santé ». Dans l’esprit des Français, santé et environnement restent depuis longtemps inséparables.

Le risque semble ainsi que le changement dans les habitudes de consommation ralentisse au fur et à mesure que la pandémie est maîtrisée, la prudence sanitaire n’exerçant plus de force attractive pour une prudence environnementale par effet de halo. Il paraît dès lors important de rappeler aux consommateurs que leurs choix alimentaires ont toujours un double impact : environnement et santé.

Ce dernier élément semble particulièrement concerner les pouvoirs publics. Nos enquêtés se sont montrés en effet beaucoup plus sensibles à la lecture d’articles issus de sources officielles (l’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation ou ANSES en France) par rapport aux autres sources.

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