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Tout comme l’hypertension, le glaucome est une maladie sournoise, qui se développe sans causer de signes cliniques au patient. Ses conséquences sont terribles: il peut mener à la cécité. Shutterstock

Le glaucome, tueur de vision silencieux

Tout comme l’hypertension artérielle, le glaucome est une maladie sournoise, qui se développe sans causer de signes cliniques au patient. Et ses conséquences sont terribles: il peut mener à la cécité.

La semaine mondiale du glaucome, qui se tient du 10 au 16 mars, nous rappelle donc l’importance de parler de cette maladie oculaire qui affecte 6% de la population Caucasienne âgée de plus de 70 ans, avec une augmentation significative à chaque décade. Les Afro-Américains âgés sont d’avantage touchés, avec une prévalence de 17%, alors que les personnes d’origine asiatique semble protégée, la maladie n’affectant que 3% de leur population.

Est-ce à dire qu’avant cet âge vénérable on ne doit pas être inquiet ? Certainement pas, d’autant que le glaucome a atteint un proche dans la famille (père, mère, fratrie ou grand-parents).

Parlez-en à Brian, qui n’a rien vu venir…

Quelques signaux d'alarmes…

Brian (un prénom fictif, mais une histoire bien réelle) est un homme Noir de 45 ans, en bonne santé, sans médication, qui travaille comme cariste en entrepôt. Il avait bien noté que, depuis quelques années, il cognait son chariot à l’occasion, mais il pensait que ces petits incidents étaient d’avantage reliés à un éclairage déficient ou un manque d’attention qu’à une maladie. Il n’avait donc pas pris de mesure particulière jusqu’à ce que son superviseur lui demande de passer un examen visuel afin de réduire les dommages.

Brian se dit que ce n’était pas superflu, d’autant qu’il commençait à moins bien lire ses bons de commande ou la paperasse essentielle à son travail. Il n’avait jamais consulté auparavant et ne portait évidemment pas de correction optique. Adopté, il ne pouvait pas être sensible à la présence de maladies systémiques ou oculaires dans sa famille.

Ainsi donc, en janvier, il se présente, confiant, à une clinique privée où j'exerce à l'occasion, en sus de celle de l'Université de Montréal. Sa vision est tout de même adéquate, pense-t-il. Surprise: je ne fais pas que lui faire lire des lettres à un tableau, mais exécuter plusieurs tests: grande coupole qui montre des lumières qu’il faut identifier par un bouton poussoir à chaque fois qu’elles apparaissent; prise de photo de l'intérieur de l’œil et observation à travers un microscope.

Puis le diagnostic optométrique est tombé : Brian était suspect de glaucome… un terme qu’il n’avait jamais entendu de sa vie et qui semblait bien effrayant, juste à le prononcer.

Une maladie qui est habituellement considérée comme héréditaire, bien que plusieurs autres formes acquises puissent exister (suite à un trauma, une chirurgie, en effet secondaire à une prise de médication, etc). Sans traitement adéquat, elle est considérée comme une maladie cécitante.

Une image de la rétine de l'oeil gauche d'une femme de 76 ans atteinte de glaucome. Shutterstock

Rétrécissement du champ de vision

Si les symptômes demeurent occultes jusqu’à un stade très avancé de la maladie, il en va autrement des signes cliniques visibles, lors de l’examen de la santé oculaire par un professionnel compétent. Les signes cliniques peuvent apparaître à tout âge mais sont d’avantage présents au-delà de 50 ans.

De par sa nature, le glaucome est considéré comme une neuropathie optique progressive, caractérisée par une dégénérescence des cellules ganglionnaires et visibles par des changements physiologiques du nerf optique (atrophie). En fait, les fibres nerveuses sont altérées puis disparaissent. Ce manque crée donc une excavation plus grande du nerf optique et une perte de soutien des vaisseaux sanguins qui l’irriguent.

Outre l’âge et l’origine ethnique, la hausse de la pression intra-oculaire est considéré comme un facteur de risque important. Cette hausse peut survenir suite à une sur-production de l’humeur aqueuse, dans l’œil, ou en conséquence d’une restriction du flot normal de cette dernière (évacuation restreinte). L’examen optométrique ou ophtalmologique visera donc à déterminer quels mécanismes sont en cause, afin de déterminer le plan de traitement le plus approprié.

Un homme se fait expliquer par son ophtalmologiste ce qu'est le glaucome. Les signes cliniques peuvent apparaître à tout âge mais sont d’avantage présents au-delà de 50 ans. Shutterstock

Les tests cliniques cibleront également le champ visuel, soit la manifestation la plus évidente des pertes fonctionnelles consécutives à la présence de glaucome. En effet, plus il progresse, plus le nombre de fibres nerveuses atteintes augmente, et plus le champ visuel du patient se rétrécit. Les déficits qui apparaissent sont caractéristiques et calquent la distribution physique des fibres nerveuses dans l’œil, par faisceau. On parle alors de scotome arciforme.

De façon de plus en plus courante, les tests d’imagerie se complètent par une analyse des couches des fibres nerveuses et du nerf optique à l’aide de tomographie par cohérence optique (OCT). En comparant le scan du patient à une base de donnée appariée pour l’âge et l'ethnie, il peut être possible d’identifier de façon précoce des atteintes glaucomateuses avant qu’elles ne se manifestent par une perte de champ visuel. Certaines stratégies de test par OCT permettent aussi d’imager les structures de l’œil qui pourraient avoir un impact négatif sur la circulation de l’humeur aqueuse.

Finalement, l’examen de l’œil au biomicroscope (lampe à fente) avec l’aide de lentilles ou de loupes (gonioscope) spécialisées permettra de bien évaluer toutes les structures oculaires pertinentes et de juger de leur normalité.

Dans le cas de Brian, ses nerfs optiques avaient des apparences douteuses, d’autant qu’on a pu mettre en lien certains déficits de champs visuels avec les lésions observées au fond d’œil. La pression intra-oculaire est élevée, à 28 mm Hg de chaque œil, alors que la normale se situe habituellement sous 20 mm Hg. Heureusement, toutes les autres structures oculaires ont été jugées normales.

Quel traitement ?

Quoi faire ?, se demande Brian. Tout d’abord, il faudra répéter un certain nombre de tests pour en valider les résultats. Le champ visuel, entre autre, peut être variable en fonction de l’expérience du patient et du nombre de tests effectués. Un défaut, pour être confirmé, doit être répété de façon systématique à quelques reprises.

Une fois que le diagnostic sera bien confirmé, par l'ophtalmologiste ou l'optométriste (selon les juridictions), il est important de comprendre que le but du traitement n’est pas de guérir la condition de glaucome, mais bien d’en ralentir la progression, afin de limiter les conséquences négatives sur l’acuité visuelle et le champ de vision.

Brian comprend donc bien qu’une fois qu’on est glaucomateux, on le reste toute sa vie, sans possibilité de retour à la normale. Il comprend également que son observance du traitement sera très importante afin de conserver sa vision, et ce, tout au long de sa vie.

Habituellement, le traitement commence par l’instillation de médicaments topiques qui visent soit à réduire la production d’humeur aqueuse, soit en favoriser l’évacuation de l’intérieur de l’œil, ou les deux. Certains autres médicaments peuvent également viser la protection du nerf optique contre les dommages causés par le glaucome.

Empêcher la dégradation

Il faut dire que le traitement n’améliore pas la vision, ne restaure pas le champ de vision perdu mais empêche simplement que la condition ne se dégrade. Une fois commencé, le traitement par médicament ne doit jamais être arrêté sans l’avis du professionnel. Tout effet secondaire (rougeurs, œil sec, picotement intense, etc.) doit aussi être rapporté au professionnel afin qu’ils soient traités ou que les produits prescrits soient modifiés.

Finalement, à tout moment, des interventions chirurgicales ou par laser peuvent être proposées par le médecin opthalmologiste afin de mieux contrôler la condition du patient.

Brian quitte donc le cabinet, surpris de sa condition, mais se sentant rassuré quant à la suite des choses. Il vient de comprendre que ce qu’il prenait pour des incidents banals étaient en fait des signes importants des pertes de son champ de vision. La lunette de lecture prescrite n'y changera rien. Il devra apprendre à s'adapter à cette nouvelle réalité et espérer que son champ restant lui permettra de garder ses capacités de conduire le chariot et son automobile.

Il se promet bien de parler de cette maladie à tout son entourage, à ses enfants en particulier, afin qu’ils consultent et puissent être dépistés à temps. Toute la population âgée de plus de 50 ans devrait subir un test de dépistage par l’optométriste ou l’ophtalmologiste, de même que tous ceux, de tout âge, dont l'un des parents ou des proches sont atteints de glaucome.

La semaine mondiale du glaucome nous rappelle l’importance de consulter un professionnel de la vue avant que ce tueur de vision silencieux ne fasse d’autres victimes.

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