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Des chaussures d'enfants sur les marches d'un pensionnat
Chaussures d'enfants sur les marches menant au site de l'ancien pensionnat indien, le Mohawk Institute, à Brantford, en Ontario, en novembre 2021. La Presse canadienne/Nick Iwanyshyn

Le négationnisme des pensionnats est une attaque contre la mémoire des survivants

En 2021, il y a trois ans à peine, le mot d’ordre #CancelCanadaDay était en vogue sur les médias sociaux à la suite d’annonces concernant des milliers de tombes anonymes sur les anciens sites des pensionnats autochtones à travers le Canada.

Aujourd’hui, les recherches se multiplient sur l’histoire de l’institutionnalisation et de la mort des enfants dans ces pensionnats. Cependant, il existe également un mouvement inquiétant et nuisible visant à nier la vérité sur l’histoire des pensionnats. Il est important de contrer ces récits dangereux et erronés par des vérités fondées sur l’expérience des survivants.

Depuis 2015, le Centre national pour la vérité et la réconciliation mène des activités de collecte de connaissances d’une importance cruciale, notamment en accédant à des archives ecclésiastiques et gouvernementales qui n’avaient pas été divulguées auparavant.

Aujourd’hui, d’autres mécanismes nationaux sont en place pour faire avancer ce travail, comme le Comité consultatif national sur les enfants disparus et les sépultures non marquées dans les pensionnats autochtones et le Bureau de l’Interlocuteur spécial indépendant (ISI) pour les enfants disparus et les tombes et lieux de sépulture non marqués associés aux pensionnats autochtones.

Il existe également de nouvelles façons de partager la recherche et de s’informer sur le travail effectué par d’autres. Il s’agit notamment des événements communautaires du CNA, des événements nationaux de l’ISI, du rassemblement annuel sur le patrimoine et l’histoire autochtones et de divers événements régionaux dans l’ensemble du pays.

Les survivants racontent leurs expériences

Les survivants ont été à l’avant-garde de ces initiatives. Depuis des décennies – bien avant que l’intérêt ou la reconnaissance nationale ne se manifeste – ils partagent leurs histoires orales, essayant d’éduquer le public canadien sur ce qui s’est passé dans les pensionnats.

Nous avons entendu des témoignages de première main sur les traumatismes, la violence, les souffrances et la mort survenus dans des établissements gérés par des églises chrétiennes et financés par le gouvernement canadien. Les survivants ont également raconté des histoires incroyables de force, d’adversité et de résilience face à ce génocide.


L’expertise universitaire, l’exigence journalistique.

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Je siège au comité consultatif national. Il comprend des spécialistes des études autochtones, des archivistes, des archéologues, des médecins légistes, d’anciens enquêteurs de police, des professionnels de la santé, des survivants, des Aînés et des gardiens du savoir. Nous sommes à la disposition des communautés et des Premières Nations qui souhaitent entreprendre ce travail difficile pour leur apporter notre expertise et nos conseils. Une partie de notre approche consiste à s’assurer que la voix des survivants est toujours centrale.

De petites lumières et des drapeaux se dressent au-dessus du sol dans un champ vert. Des personnes se rassemblent près d’un tipi blanc à l’arrière-plan
Une veillée a lieu à l’endroit où un géoradar a enregistré des traces de ce que l’on pense être 751 tombes non marquées près des terrains de l’ancien pensionnat autochtone de Marieval, sur le territoire de la Première nation de Cowessess (Saskatchewan), en juin 2021. La Presse canadienne/Mark Taylor

Un déni persistant

Malgré tous les efforts déployés, des voix fortes et persistantes tentent de revenir à une époque où les survivants étaient réduits au silence et où l’histoire du Canada était racontée sous l’angle du racisme anti-indigène et de la suprématie de la race blanche.

Les personnes qui pratiquent le négationnisme disent que les pensionnats « n’étaient pas si mauvais » ou que l’ampleur des décès d’élèves dans ces établissements a été « exagérée ». Les négationnistes peuvent affirmer que les survivants mentent au sujet des diverses formes d’abus commis sur des enfants par des missionnaires chrétiens et que les peuples autochtones devraient être reconnaissants d’avoir reçu une éducation. Ils évoquent le sort des colons canadiens pour miner ce génocide.

Les universitaires Sean Carleton et Daniel Heath Justice ont écrit sur le fait que le négationnisme consiste à nier ce qui s’est passé dans les pensionnats, mais aussi à rejeter et à déformer des faits fondamentaux. Ils identifient huit façons d’identifier le négationnisme des pensionnats.

La tromperie est au cœur du négationnisme. Les personnes qui s’engagent dans le négationnisme des pensionnats cherchent à remettre en question des faits historiques irréfutables. Ils ignorent ou atténuent les actions des églises et des gouvernements dans l’histoire du Canada.


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Pire encore, le négationnisme cherche à faire taire les survivants et à discréditer leurs expériences. Les survivants sont des membres essentiels de notre communauté. Ils sont des Aînés, des gardiens du savoir, des leaders et des diduus et didiis (grands-mères et grands-pères) précieux.

La Société d’histoire du Canada et le Centre national pour la vérité et la réconciliation ont coécrit le document À l’écoute des survivants pour mieux comprendre l’importance de la voix et de l’expérience des survivants.

Le fait d’ignorer ou de miner les expériences et les connaissances des survivants est un exemple de la façon dont le négationnisme persiste à l’époque contemporaine. Il s’appuie sur des croyances racistes selon lesquelles les peuples autochtones sont inférieurs, ineptes, incapables et arriérés par rapport aux colons blancs ou aux sociétés européennes. Cette idéologie a été le principal moteur du colonialisme au Canada et a servi à justifier la création du système des pensionnats et d’autres politiques néfastes.

Il n’est guère surprenant que cette pratique perdure. Les disciplines universitaires, telles que l’histoire, l’anthropologie et d’autres, ont longtemps ignoré les voix et les expériences des peuples autochtones. Les archives qui abritent les documents sur lesquels s’appuient les historiens excluent le point de vue des personnes qui ont vécu ce génocide, car les documents ont été en grande partie créés par des missionnaires colons, des enseignants et des administrateurs.

quatre femmes se tiennent debout dans une rangée et tiennent des rochers peints en orange
Les participants tiennent des pierres peintes lors de l’ouverture d’un nouveau jardin de la réconciliation en l’honneur des survivants des pensionnats autochtones à Edmonton en septembre 2023. La Presse canadienne/Jason Franson

Enseigner les pensionnats

Bien qu’il existe aujourd’hui un large corpus d’informations publiques sur les pensionnats, de nombreuses personnes continuent d’en avoir une connaissance limitée. Les négationnistes disposent ainsi d’un terrain fertile pour répandre des mensonges.

En tant que professeure d’université, je rencontre ces personnes en classe. Ils sont de tous âges, de tous sexes et viennent d’horizons divers. Certains sont eux-mêmes autochtones. En effet, on croit à tort que les survivants intergénérationnels savent exactement ce que leurs parents et membres de leur famille ont vécu. Cependant, en raison des traumatismes liés aux pensionnats, ces histoires ne sont parfois pas partagées, même au sein de leurs propres communautés.


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Certaines personnes n’ont rien appris sur les pensionnats avant la Commission de vérité et de réconciliation du Canada ou n’en ont eu qu’un aperçu superficiel à l’école secondaire. Il y a aussi les nouveaux arrivants au Canada, qui peuvent avoir une histoire du colonialisme dans leur pays d’origine, mais qui ne connaissent pas l’histoire du Canada.

Les personnes qui ont une connaissance limitée de l’histoire des pensionnats ne sont pas des négationnistes, mais elles risquent d’accepter la propagande négationniste sans s’en rendre compte.

Combattre le négationnisme

Le négationnisme se manifeste notamment en demandant aux peuples autochtones de fournir des preuves du génocide perpétré dans les pensionnats. Pour les négationnistes, les expériences des survivants, étayées par des preuves, ne suffisent pas.

Ils veulent que nous exhumions les corps. Ce point de discussion suggère à tort que nous n’avons pas encore suffisamment de preuves de l’intention génocidaire et des résultats des pensionnats. Cette rhétorique risque de pousser les communautés à avancer à un rythme inconfortable ou d’inciter les gouvernements à interrompre leur soutien en l’absence de résultats immédiats et concrets.


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Mais même si nous exhumions les corps de nos ancêtres, cela suffirait-il ? Les négationnistes trouveraient probablement un autre moyen de remettre en question les vérités et les preuves autochtones.

Au CNA, une chose ressort clairement de nos conversations avec la communauté : chaque aspect de la recherche liée aux pensionnats est complexe, multiforme et onéreux. Ce travail exige un niveau élevé de soins tenant compte des traumatismes et de l’impact sur les survivants et leurs familles.

Les familles et les communautés continuent de chercher des réponses au sujet des enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux. La meilleure façon de lutter contre le négationnisme est de soutenir les peuples autochtones dans ce parcours difficile et continu, afin que la vérité sur les pensionnats soit dite de la manière la plus complète et la plus exacte possible, et que nos communautés et nos familles puissent trouver la guérison au cours de ce processus.

This article was originally published in English

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