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Le Nutri-score mesure la qualité nutritionnelle des aliments, et c’est déjà beaucoup

Vitrine de supermarché. Café/PIxabay

Les critiques sur le Nutri-score, logo d’information nutritionnelle conçu par notre équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN), sont fréquentes et cela depuis longtemps… Depuis ce jour de janvier 2014 où il a été mentionné dans un rapport, sous la forme d’une proposition destinée à informer le consommateur sur la qualité nutritionnelle des aliments, il s’est attiré les foudres de certains opérateurs économiques qui ne voyaient pas d’un bon œil de fournir aux consommateurs une information simple, intuitive et compréhensible dans ce domaine. « Simpliste » ; « une approche médicalisée de l’alimentation » ; « stigmatisant » ; « véritable frein aux exportations »… Le Nutri-score en a vu de toutes les couleurs !

Un logo soutenu par la France et l’Europe

Cependant, après une longue et rude bataille, et grâce aux nombreux travaux scientifiques démontrant son efficacité et surtout sa supériorité par rapport aux autres formats graphiques soutenus par divers groupes de pression, le Nutri-score a finalement obtenu l’aval de la Commission européenne. Il est aujourd’hui le logo (facultatif compte tenu de la réglementation européenne) soutenu par les autorités françaises grâce à un arrêté interministériel signé en octobre 2017. Après les réticences initiales, un certain nombre d’industriels et de distributeurs ont finalement fait le choix d’afficher le Nutri-score. À ce jour, 65 acteurs privés se sont engagés auprès de l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France) à afficher le Nutri-score sur l’ensemble de leur gamme de produits, ce qui n’est pas négligeable.

Encart Nutri-score. Santé publique France, CC BY

Certes, de nombreuses sociétés n’ont pas encore franchi le pas, certaines parmi les grandes multinationales (Coca-Cola, Pepsi, Mondelez, Nestlé et Unilever) continuent à s’opposer avec force au Nutri-score en proposant leur propre logo pourtant démontré comme moins efficace. Combat d’arrière-garde de ces multinationales qui continuent à nier l’évidence scientifique…

Le Nutri-score, incomplet ?

Mais d’autres critiques, d’une nature bien différente, apparaissent, le plus souvent sur les réseaux sociaux. Elles portent sur le fait que le Nutri-score ne prend pas en compte des dimensions de l’aliment, tel que le niveau de transformation, son mode de production ou des ingrédients qui le composent. Sur le fond, ces questions sont tout à fait pertinentes. Cependant, de notre point de vue, elles résultent d’un manque de connaissance sur la finalité du Nutri-score. En effet, par définition, le Nutri-score ne couvre que la qualité nutritionnelle globale de l’aliment, en prenant tout de même en compte un grand nombre d’indicateurs (sa teneur pour 100g en calories et nutriments reconnus comme ayant un impact sur la santé : sucre, sel, graisses saturées, fibres, vitamines et minéraux…).

En revanche, il n’inclut pas d’autres dimensions de l’aliment susceptibles d’impacter la santé : présence d’additifs (colorants, conservateurs, émulsifiants, exhausteurs de goût, édulcorants…), de composés néo-formés (acrylamide, nitrosamines…), de pesticides (insecticides, raticides, fongicides, et herbicides), antibiotiques, ou encore substances migrant des emballages.

Ce choix est pleinement assumé, et est lié à l’impossibilité, étant donné les connaissances scientifiques actuelles, de développer un indicateur synthétique qui couvrirait l’ensemble de ces dimensions. Le Nutri-score est un système d’information nutritionnelle, mais en aucun cas il n’a la prétention d’être un système d’information global sur la dimension « santé » des aliments. Un indicateur unique fiable qui prédirait le risque pour la santé serait à l’évidence, le rêve de toute équipe de recherche en nutrition de santé publique. Mais ce n’est pas par hasard et sûrement pas par incompétence, si aucune équipe de recherche ou aucune structure de santé publique n’aient pu concevoir un tel indicateur synthétique.

Ceci peut s’expliquer ainsi :

  • D’abord, les connaissances et le degré de certitude concernant les liens avec la santé diffèrent selon la dimension considérée pour les aliments. De très nombreux travaux épidémiologiques, cliniques et expérimentaux permettent de considérer qu’il existe pour certains éléments nutritionnels (nutriments/aliments) un niveau de preuve documenté et solide sur leur conséquence sur le risque de maladies chroniques. C’est d’ailleurs sur ces bases que sont produites les recommandations de santé publique (par exemple sur le sucre, le sel, les graisses saturées, les fibres, les fruits et légumes…). Pour les autres dimensions notamment celles se référant aux nombreux additifs, composés néo-formés ou contaminants (pesticides, antibiotiques, perturbateurs endocriniens), il existe certes des hypothèses sur la santé, mais avec des niveaux de preuves très différents (notamment en termes d’études chez l’homme).

Lorsque ces hypothèses sont validées par suffisamment de travaux scientifiques, elles peuvent, dans certains cas précis, déboucher sur des recommandations spécifiques émanant de comités d’experts (par exemple les propositions d’interdiction du dioxyde de titane, du bisphénol A ou du glyphosate). Mais malheureusement, l’insuffisance de travaux pour de nombreux composés conduit le plus souvent à des recommandations générales dont certaines sont liées au principe de précaution : promotion des produits bruts, des aliments issus d’une agriculture limitant les intrants, des aliments pauvres en nitrates, de certains modes de cuisson…

  • Autre raison découlant de la précédente : il est actuellement impossible de pondérer la contribution relative de chacune des dimensions d’un aliment sur le risque pour la santé, pour aboutir à une note synthétique qui serait prédictive d’un niveau de risque global. Les questions méthodologiques sont nombreuses : quels risques attribuables à chaque dimension, composants incriminés, effet cocktail… Si l’on prend les trois dimensions santé que sont la qualité nutritionnelle, les additifs et les contaminants quel ratio utiliser dans un calcul d’index global : 33/33/33 ou 60/30/10 ou 50/25/25 ou encore 40/40/20 ? Comment justifier tel ou tel pourcentage, sur quelle base ? De fait, calculer un index unique pour caractériser la qualité sanitaire globale d’un aliment, qui pourrait in fine aboutir à un jugement dans l’absolu (excellent, bon, médiocre…) ne repose pas sur des bases scientifiques suffisamment solides et présente donc un caractère assez arbitraire. Dans ce domaine, qui trop embrasse mal étreint !

Des risques sur la santé à évaluer

Certains diront qu’il est nécessaire d’agir dès maintenant. Et il existe des pistes importantes sur lesquelles il faut avancer rapidement. Certaines études épidémiologiques, notamment celle que nous avons publiée récemment dans le BMJ sur une large cohorte, suggèrent effectivement une association entre la consommation d’aliments ultra-transformés (riches en gras, sucre et sel, mais aussi en additifs, en composés néo-formés…) et le risque de cancer. Mais il manque encore à vérifier cette relation sur d’autres populations, d’autres pathologies, et surtout des travaux pour pouvoir conclure sur les composés spécifiques potentiellement en cause dans cette relation (ils sont sûrement multiples).

La classification internationale Nova, que nous avons utilisée dans cette étude pour caractériser le degré de transformation des aliments n’a pas pour finalité de déboucher sur un index synthétique directement utilisable par les consommateurs. Cette classification très utile pour la recherche catégorise les aliments en quatre classes selon leur degré et leur type de transformation : bruts ou peu transformés, ingrédients culinaires, produits transformés et enfin ultra-transformés. Or la déclinaison directe de cette classification en termes d’information pour les consommateurs soulève beaucoup de problèmes pratiques. Par exemple, certains ingrédients de cuisine comme le sucre ou le beurre ne sont pas classés comme ultra-transformés (du fait de leur faible nombre de processus de transformation, pas ou peu d’additifs), mais ils sont tout de même d’intérêt limité sur le plan nutritionnel et d’ailleurs mal classés selon le Nutri-score.

Tous les aliments ultra-transformés ne sont pas équivalents

En outre, à l’intérieur même des aliments considérés comme ultra-transformés selon la NOVA, il peut exister des différences importantes, non seulement en termes de nombre, type et doses d’additifs, mais également en terme de qualité nutritionnelle globale. Par exemple, un aliment composé industriel considéré comme ultra-transformé, comme un petit salé aux lentilles industriel, présente dans tous les cas des additifs. Mais sur onze marques différentes, six se retrouvent avec un Nutri-score A ; trois un Nutri-score B et deux Nutri-score C. Et même lorsque l’on regarde le nombre d’additifs de ces produits, ils peuvent varier de 1 à 11… Ceci est vrai pour de multiples aliments ultra-transformés. Le Nutri-score permet donc à l’intérieur de la catégorie large des produits ultra-transformés de différencier leur qualité nutritionnelle.

L’allée des chips. Pixhere, CC BY

Si nous ne pouvons pas couvrir toutes les dimensions de l’aliment par un index unique, couvrons déjà au moins celle de la qualité nutritionnelle qui permet d’orienter le choix des consommateurs vers des aliments plus favorables à la santé.

Pour le Nutri-score nous disposons de démonstrations scientifiques concernant l’impact sur les choix alimentaires, sur la qualité nutritionnelle des aliments et, grâce à des modèles, sur le risque de maladies et sur la mortalité évitable. C’est déjà extrêmement important en termes de santé publique ! Affirmons-le clairement : le Nutri-score ne couvre que la qualité nutritionnelle des aliments et n’a jamais eu la prétention de couvrir les autres dimensions. C’est déjà un progrès si l’on s’en tient aux effets attendus sur la santé.

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