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Le populisme, un terme trompeur

Le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, accueille un groupe de migrants venus du Niger, le 14 novembre 2018, à Rome. Alberto Pizzoli/AFP

Le terme populisme est polysémique. Certains considèrent le populisme comme un style (proximité langagière avec le « peuple », habillement simple « populaire », etc.) ; d’autres réduisent le populisme à un discours démagogique.

On peut aussi considérer que l’aspect le plus important pour définir un populiste, en plus des deux précédents, est son attachement à se considérer comme le représentant du « vrai peuple », c’est-à-dire comme le représentant légitime de la majorité silencieuse. Mais quelle est-elle ?

S’agit-il du peuple tout entier moins ceux d’en haut (les « élites »), c’est-à-dire de la majorité de la population nationale ? Parle-t-on de la partie prolétarisée de celle-ci ? Dans ce dernier cas, le « peuple » se réduit-il à la classe ouvrière à laquelle s’adjoindraient les chômeurs et les précarisés ? Y ajoute-t-on les employés ? Les artisans et les commerçants ? Les paysans ? Et où met-on les classes moyennes salariée ? Bref, le terme populisme est trompeur.

Les raisons de la montée en puissance

Il renvoie, dans les différents pays où il est utilisé, à des contenus différents : aux Pays-Bas, par exemple, à un parti de droite qui se radicalise (le Parti pour la Liberté) ; tandis qu’en France, il est utilisé pour qualifier un parti d’extrême droite qui essaie de muter (en l’occurrence le Rassemblement national). Au Venezuela, il sert à définir un régime autoritaire.

En France, il y a deux grandes formations populistes : le Rassemblement national (Jean‑Marie Le Pen excellait dans cet exercice) et La France Insoumise. D’ailleurs, cette dernière formation met en avant des théoriciens du populisme, en l’occurrence d’un populisme de gauche : Chantal Mouffe et Ernesto Laclau.

Le populisme est divers, d’où la difficulté d’en cerner les contours : son expression dépend du lieu où il est né, elle est liée à l’histoire du pays dans lequel il se développe. En outre, ce terme est abondamment utilisé comme disqualifiant –, ce qui ne facilite pas sa compréhension.

Les différents partis populistes apparaissent et se développent à partir du milieu des années 1980, à la suite de la stagnation économique née des chocs pétroliers du début des années 1970. Mais ils deviennent des partis de premier plan à compter du début des années 2000. Ce sont donc d’autres raisons qui sont à l’origine de l’essor de ces partis.

Parmi celles-ci, qui peuvent d’ailleurs se cumuler, figurent la montée de l’euroscepticisme et la question de la souveraineté, le poids de la mondialisation, la volonté de protectionnisme économique, le rejet des élites et des partis politiques et, évidemment, celui de l’immigration, en particulier celle provenant des pays arabo-musulmans.

Défendre le « vrai peuple »

Pour un partisan de cette façon de faire de la politique, être populiste est éminemment positif. Il s’agit de défendre le peuple, d’en être son porte-parole. La connotation négative est le fait de ceux qui le rejettent. Elle est utilisée comme une façon de disqualifier. En ce sens, elle devient synonyme de démagogie.

En outre, on peut être d’extrême droite sans être populiste. Pensons aux régimes technocratiques. L’un des meilleurs exemples reste l’« État nouveau » de Salazar au Portugal. Ceci dit, le style « populiste » est très fréquent à l’extrême droite, surtout dans les régimes totalitaires : Italie fasciste, Allemagne nazie. Mais il faut tenir compte du fait que ce populisme n’est pas spontané, il est au contraire très travaillé. Le populisme relève du discours extrémiste, dans le sens où il pousse à tout changer, à tout bousculer… Il porte en lui des germes radicaux.

Cette radicalité se manifeste dans l’idée de défendre le « vrai peuple ». En définissant un « vrai peuple », le leader populiste établit une double exclusion : d’un côté, cela revient à rendre les autres partis illégitimes, ceux-ci étant forcément corrompus (le « tous pourris » chez tous les populistes, de gauche comme de droite) ; de l’autre, à exclure les citoyens qui ne soutiennent pas la politique de ce leader (ils deviennent alors des ennemis) : car s’il y a un « vrai peuple », forcément homogène, il y a aussi, en miroir, un « faux peuple ».

Le cœur du populisme, son essence, n’est pas la critique des élites – les leaders populistes sont d’ailleurs rarement issus du « peuple », bien au contraire –, mais le rejet du pluralisme de l’offre politique. Sauf que, sans pluralisme politique, il n’y a pas de démocratie.

Malaise dans le système représentatif

S’il existe un populisme droite et un populisme de gauche, distincts, ceux-ci se rejoignent dans l’idée d’être le représentant du « vrai » peuple. Le rapport aux élections de ces formations est d’ailleurs symptomatique : les populismes rejettent le système représentatif au profit du référendum et préfèrent s’adresser directement au peuple.

En ce sens, il s’agit d’un symptôme d’un malaise dans le système représentatif. Comme il est censé connaître les besoins de ce peuple, le leader populiste est à même d’identifier la volonté populaire, il n’a guère besoin d’institutions intermédiaires. Le rejet des pratiques électorales se voit dans le décalage, selon lui, entre le résultat électoral et celui des populistes : la majorité silencieuse, n’ayant pu s’exprimer (pour quelle raison ? Cela reste un mystère), les procédures électorales sont remises en cause.

Toutefois, il ne faut pas repousser d’un geste de la main le populisme ou mépriser ceux qui sont attirés par ce vote. Il faut maintenir un dialogue avec ces partis, mais en respectant plusieurs règles :

  • ne pas les disqualifier d’office, par exemple en les traitant de démagogues, de racistes ou de menteurs ;

  • il faut faire de vraies contre-propositions ;

  • il faut condamner fermement les propos les plus antidémocratiques ou moralement les plus inacceptables ;

  • Surtout, il faut prendre conscience que le populisme relève d’une crise de la représentation pour deux grandes raisons : premièrement, l’électorat des grands partis s’érode, ceux-ci ne renouvelant ni leur personnel, ni leurs idées ; deuxièmement, cet électorat devient très volatile.

Face au populisme, l’un des enjeux est donc de renouer la confiance entre les partis de gouvernement et l’électorat, et surtout de proposer des idées nouvelles, mobilisatrices, qui peuvent – et doivent – être concrétisées.

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