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Le quidditch, l’autre Coupe du monde de l’été 2018

L'équipe américaine, vainqueur de la Coupe du monde 2018, en action. Audrey Tuaillon Demésy

En plein mondial de football, s’est tenue à Florence, comme en écho, la Coupe du monde de quidditch. Du 27 juin au 2 juillet, l’Italie a accueilli cette compétition internationale d’un genre nouveau.

Le quidditch se présente comme un sport collectif mixte de contact, issu de la fiction Harry Potter et la référence au monde merveilleux fournit son esthétique à l’activité (les anneaux, le Vif d’or, les différents ballons, etc.). Ce cadre a permis la création d’une nouvelle pratique sportive, dont la Coupe du monde est devenue l’emblème.

La Coupe du monde : une vitrine pour le quidditch

Sur le terrain, deux équipes de sept joueurs s’affrontent dans un subtil mélange de handball, de dodge-ball mais aussi de rugby. L’objectif est de marquer des points en faisant passer le souafle (nom donné au ballon principal) dans les anneaux, tout en évitant les cognards (d’autres balles) adverses. La capture du Vif d’or (un joueur-arbitre neutre doté d’une balle de tennis) est appelée « catch ». Elle rapporte 30 points à l’équipe qui parvient à s’en saisir et met fin au match.

Le Coupe du monde a lieu tous les deux ans. Elle est organisée par la Fédération internationale IQA et elle donne l’occasion de communiquer sur ce sport émergent (créé aux USA il y a une douzaine d’années). En 2016, elle s’était déroulée à Francfort et avait vu la victoire des Australiens, devant l’équipe des USA. La France avait alors terminé 5e. Cette seconde édition en Europe (qui correspond à la quatrième Coupe mondiale officielle) se veut une vitrine du quidditch à l’international.

Le dernier championnat s’est déroulé samedi 30 juin et dimanche 1er juillet. Il fut précédé d’un match d’exhibition (en centre-ville) le 27 juin, ainsi que d’une cérémonie d’ouverture et de temps d’ateliers la veille. L’objectif est de faire se rencontrer les meilleurs joueurs au niveau mondial, par le biais des équipes nationales.

De grandes disparités apparaissent pourtant puisque dans certains pays, tels que les USA, le quidditch est un sport universitaire et les joueurs présents à Florence étaient accompagnés de leurs deux coachs. À l’inverse, d’autres équipes, moins expérimentées, venaient avant tout pour échanger et vivre une compétition à un niveau international.

Il y a deux ans, 21 équipes avaient participé à la compétition en Allemagne. Cette année, 29 nations étaient représentées : Canada, Brésil, France, USA, Belgique, Corée du Sud, Vietnam, Hong-Kong, Malaisie, Mexique, Royaume-Uni, Suisse, Nouvelle-Zélande, Australie, Norvège, Slovénie, Slovaquie, Islande, Finlande, Turquie, Allemagne, Italie, Espagne, Catalogne, Pologne, Irlande, Autriche, Hollande et République tchèque.

Les spectateurs ont pu bénéficier de places dans les gradins du stade de Florence, ce qui conférait une dimension formelle aux matchs, même si les supporters sont quelques fois venus occuper la pelouse du terrain. Dans son groupe, chaque équipe a rencontré trois autres nations. Les quarts de finale ont donné lieu à des matchs parfois serrés et les équipes ont parfois été départagées grâce au Vif d’or.

La finale a vu s’affronter les États-Unis et la Belgique. L’équipe américaine se positionne sur la première marche du podium grâce au catch du Vif d’or et reprend ainsi la place perdue il y a deux ans. Pour sa part, la France termine 6e du classement après avoir perdu son match contre la Belgique. Notons une belle remontée en 3e position de l’équipe turque, qui avait terminé 6e en 2016.

Un sport différent ?

Appréhender le quidditch d’un point de vue sociologique nécessite une bonne compréhension du sport en lui-même (les rôles, les règles, etc.), mais aussi une connaissance des joueurs et de la communauté qu’ils forment. Pour cette raison, une approche ethnographique permet d’occuper une place sur le terrain. Les analyses menées ici sont le résultats d’une approche qualitative de cette pratique émergente.

Plusieurs observations (directes ou participantes selon les cas) ont été menées (Coupes nationales, internationales, tournois amicaux, etc.), complétées par des entretiens. La Coupe du monde 2018 a été l’occasion de réaliser une observation directe, en immersion avec les supporters nationaux.

Le quidditch se présente comme un sport alternatif non conventionnel. Il se positionne, en effet, en dehors des pratiques physiques mainstream, notamment à travers certaines valeurs véhiculées, traduites dans les règles.

Ainsi en est-il de la règle du genre (gender rule) qui implique que les équipes soient nécessairement mixtes. Les quiddkids (nom que les joueurs se donnent entre eux) mettent en avant la dimension inclusive du quidditch, seul sport collectif mixte à reconnaître la non-binarité du genre et à construire une catégorie « a-genre ». Malgré tout, si le quidditch apparaît comme une réponse à une pratique dominante, il n’en reste pas moins en changement permanent.

Un sport jeune et des règles en constante évolution

La Coupe du monde est un moyen de saisir ces transformations qui transparaissent sous forme quantitative – de plus en plus d’équipes sont engagées dans cette compétition – et qualitative – la communication est de de plus en plus importante autour de l’événement, la diffusion des matchs se réalise en streaming sur Internet, etc..

Cette manifestation permet de comprendre le fonctionnement du quidditch à l’international : au niveau de l’organisation – chaque pays hôte gère ses propres bénévoles – et des règles, qui sont modifiées par la Fédération internationale pour les éditions suivantes en fonction de ce qui a pu poser problème. Le quidditch est ainsi un sport qui connaît un processus d’institutionnalisation relativement rapide et dont les règles sont retravaillées et éditées presque chaque année, afin de faciliter, entre autres, la mise en spectacle de l’activité.

Cette Coupe du monde révèle une autre particularité du quidditch : un attachement de certains participants au temps de l’enfance et à un certain « âge d’or ».

Les compétitions sont des moments festifs, rituels, qui ordonnent des façons d’être et de faire sur le terrain de sport. Au-delà de l’instant présent, les références au temps de l’enfance transparaissent dans les signes et les discours des quiddkids. Outre le fait que le quidditch soit un sport composé majoritairement de jeunes (en moyenne, 23 ans), les joueurs évoquent souvent avec humour un « syndrome de Peter Pan » et une volonté de rester de « grands enfants ».

Un sport directement inspiré par la saga Harry Potter. Audrey Tuaillon Demésy

Ce temps de l’enfance évoqué permet aux joueurs de revendiquer l’inscription de l’imaginaire dans le temps adulte. En outre, les quiddkids font partie de la génération qui a grandi avec les sorties successives des romans et des films Harry Potter, dont les valeurs sont transposées au quotidien.

À ce propos, une étude menée par Anthony Gierzynski montre que les fans d’Harry Potter aux États-Unis expriment des tendances politiques proches de celles véhiculées par les personnages de fiction : tolérance accrue à l’altérité, rejet de la violence physique, etc.

Faire du quidditch est ainsi un moyen de prolonger dans le temps présent des adultes un esprit fun qui caractérise cette pratique physique. En témoigne un jeu mis en place lors la Coupe du monde : les cartes « Firenze 2018 ».

Par ailleurs, ce temps de l’enfance est aussi à comprendre en référence à une certaine forme d’incertitude face au temps à venir. La mise en vie d’un univers fictionnel est un prolongement des littératures de genre (fantasy, SF) – que les quiddkids affectionnent – qui permettent l’immersion dans un autre monde. Le quidditch moldu est ainsi une façon de s’évader corporellement, par la re-création d’une pratique physique issue de l’imaginaire.

La Belgique, vrai vainqueur ?

La Coupe du monde 2018 se présente comme la face émergée de l’iceberg, en mettant en exergue la compétition internationale. Oscillant entre sport institué et activité physique revendiquant une opposition au sport mainstream, le quidditch repose sur une communauté de joueurs qui s’inscrivent entre recherche de fun et désir de performance sportive.

Pour autant, malgré la victoire des USA en finale, c’est l’équipe perdante que le public acclame. Même si l’équipe états-unienne se distingue par ses compétences techniques et physiques, les joueurs présents à Florence plébiscitent davantage la dimension affinitaire, l’équipe des États-Unis semblant peu assimilée au quidditch européen. Les véritables vainqueurs de cette Coupe du monde, pour la communauté du quidditch, ne seraient-ils pas, finalement, les Belges ?

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