Les troubles se poursuivent en Iran après la mort en détention d’une jeune femme kurde de 22 ans, après avoir été arrêtée et apparemment battue par la police des mœurs iranienne.
Les forces iraniennes ont placé Mahsa Zhina Amini en détention le 16 septembre 2022, parce qu’elle ne portait pas son hijab selon les règles.
En date du 10 octobre, au moins 185 personnes ont été confirmées tuées et des centaines ont été arrêtées et blessées lors des manifestations qui ont éclaté après la mort d’Amini.
En tant qu’universitaire d’origine kurde et professeur d’études moyen-orientales à l’Université de Floride centrale, j’ai déjà écrit sur le genre dans les cultures moyen-orientales et les manifestations iraniennes.
À l’exception de condamnations sans nuances, la discrimination à l’égard des femmes en Iran est souvent passée sous silence alors que le monde n’en a que pour la limitation des capacités nucléaires du pays.
Certains universitaires et militants ont critiqué le droit international pour son manque d’initiative et d’action publique pour reconnaître la discrimination systématique des femmes en Iran comme un apartheid de genre et agir pour l’empêcher.
De nombreuses lois discriminatoires, y compris celles qui obligent les femmes à se couvrir la tête et le visage d’un hijab, ne respectent ni la tradition ni la religion et sont appliquées aux femmes de toutes les ethnies et de toutes les confessions.
Après tout, Amini n’était pas chiite, ni par son ethnie ni par sa religion.
L’apartheid des genres en Iran
La Révolution islamique de 1979 a instauré une république qui met en œuvre des politiques et des pratiques inhumaines de ségrégation et de discrimination raciales similaires à celles pratiquées en Afrique du Sud sous l’ancien régime brutal d’apartheid du gouvernement.
Les lois et les politiques en Iran établissent et maintiennent la domination des hommes et de l’État sur les femmes et leur droit de choisir leurs propres vêtements ou d’obtenir un divorce. Les inégalités systématiques entre les sexes sont prescrites légalement et appliquées par le régime afin de priver les femmes du « droit à la vie et à la liberté » et des « droits de la personne et libertés fondamentales », ce qui, selon l’article II de la Convention des Nations unies sur l’apartheid de 1973, est considéré comme « le crime d’apartheid ».
Par exemple, selon l’article 18 de la loi iranienne sur les passeports, une femme mariée a toujours besoin de l’autorisation écrite de son tuteur masculin pour voyager à l’étranger.
En Iran, les femmes ne peuvent occuper aucun poste au sein des systèmes judiciaire, religieux et militaire, ni être membres de l’Assemblée des experts, du Conseil de « de l’opportunité » ou du Conseil des gardiens, les trois conseils les plus élevés de la République islamique.
Selon la loi, les femmes ne peuvent être ni présidentes ni chefs suprêmes de l’Iran. Selon l’article 115, le président de la République islamique doit être élu parmi les « hommes religieux et politiques ».
En outre, l’État iranien a ajouté des éléments discriminatoires au Code pénal — l’un de ces éléments est le principe selon lequel la valeur d’une femme est égale à la moitié de celle d’un homme.
Ce principe s’applique aux questions de compensation pour un meurtre ou lors de la séparation d’un héritage familial. Il s’applique également au poids accordé aux témoignages dans un cadre judiciaire ou à l’obtention d’un divorce.
Ces lois, politiques et pratiques, continuent de faire des femmes des citoyennes inférieures, inégales sur le plan juridique et social.
La ségrégation dans la vie quotidienne
L’État a également imposé une ségrégation systématique dans les écoles, les hôpitaux, les universités, les transports, les sports et d’autres domaines importants de la vie quotidienne.
Pendant plusieurs décennies, l’apartheid entre les sexes en Iran a relégué les femmes à l’arrière des bus avec une barre métallique les séparant des hommes.
Sous la direction du gouvernement, les universités ont limité les options offertes aux femmes et leur ont interdites l’accès à de nombreux domaines d’études.
Depuis la révolution de 1979, l’Iran interdit généralement aux femmes d’assister à des matchs de football et d’autres sports dans les stades. En août, pour la première fois en plus de 40 ans, le régime iranien a autorisé des femmes à assister, dans le stade de la capitale, Téhéran, à un match opposant deux clubs masculins.
Les religieux jouent un rôle majeur dans la prise de décision. Ils ont affirmé que les femmes devaient être protégées de l’atmosphère masculine et de la vue d’hommes à moitié vêtus lors d’événements sportifs.
Dans le cadre de ces politiques discriminatoires, des termes persans tels que za’ifeh, qui signifie faible et incapable, ont trouvé leur place dans les dictionnaires comme synonymes de « femme » et « épouse ».
« Femmes, vie, liberté »
La tristement célèbre police des mœurs extrajudiciaire de l’Iran terrorise les femmes depuis des décennies.
À l’instar des articles de la Constitution de la République islamique d’Iran, les principes de la police des mœurs sont fondés sur une interprétation des textes chiites canoniques et sont mis en œuvre au moyen d’outils modernes de contrôle et de coercition.
En droit pénal international, les actes illicites commis dans le cadre d’un système d’oppression et de domination sont considérés comme des crimes contre l’humanité.
Comme le stipule la Convention sur l’apartheid des Nations unies, ces crimes comprennent le déni des droits fondamentaux qui empêche un ou plusieurs groupes raciaux de participer à la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays.
Connu surtout pour le régime brutal de l’Afrique du Sud, l’apartheid vient du mot afrikaans qui signifie « séparation ». C’est l’idéologie qui a été introduite en Afrique du Sud en 1948 et soutenue par le gouvernement du Parti national.
Comme le stipule la Convention contre l’apartheid des Nations unies, l’obligation de porter le hijab est au cœur de ce que j’appelle l’apartheid extrême entre les sexes en Iran, où un foulard mal placé peut entraîner jusqu’à 15 ans de prison, des coups de fouet, des amendes, des arrestations inhumaines et illégales, voire la mort.
Des mouvements contre le hijab obligatoire apparaissent chaque année en Iran, comme cette fois, à la suite du décès de Mahsa Zhina Amini.
En langue kurde, son nom vient de « jin », le mot pour femme, et partage une racine avec le mot pour vie, « jiyan ».
Ces mots kurdes sont au cœur du slogan qui a été le plus utilisé par les combattantes kurdes dans leur lutte contre l’État islamique en Irak et en Syrie, et aujourd’hui, par les femmes de tout l’Iran contre la République islamique.
Ajoutez « azadi » — le mot kurde qui signifie liberté — et vous avez le slogan « Jin, Jiyan, Azadi », qui signifie « Femmes, vie, liberté ». Il résonne parmi les manifestants dans les rues d’Iran et du monde entier pour démanteler l’apartheid des genres de l’État iranien.