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Le renouveau de la « raison d’être » des entreprises pharmaceutiques

Innover en santé ne consiste plus seulement à lutter contre la maladie. RGtimeline / Shutterstock

Il serait somme toute logique de considérer que la raison d’être d’une entreprise pharmaceutique va de soi : exister pour contribuer à une meilleure santé en découvrant, développant et mettant à disposition des médicaments.

Est-ce cependant suffisant pour une entreprise pharmaceutique innovante du XXIe siècle ?

Les premiers laboratoires pharmaceutiques sont nés dans la seconde moitié du XIXe siècle avec le développement de la chimie extractive et de synthèse. Leur raison d’être était liée au besoin d’organiser collectivement cette activité innovante et d’apprendre à la valoriser.

Au fil des années, les progrès de la médecine et de la recherche ont conduit les entreprises du médicament à acquérir un savoir-faire unique en matière d’expérimentation, d’innovation et d’adaptation, faisant de cette industrie un exemple de durabilité industrielle. La contribution sociétale des entreprises du médicament à l’amélioration de la santé est d’ailleurs reconnue.

Un employé du laboratoire Sanofi-Synthélabo d’Ambares contrôle la qualité de comprimés. Patrick Bernard/AFP

Une société plus exigeante

Aujourd’hui, un nouveau monde plus connecté de la santé émerge, l’innovation est plus ouverte, plus collaborative, plus complexe. Les attentes de la société sont de plus en plus exigeantes. Innover en santé ne consiste plus seulement à lutter contre la maladie en apportant des thérapies efficaces et bien tolérées, bien qu’essentiel.

Il s’agit également d’intervenir en ciblant l’ensemble des déterminants de la santé : la pauvreté, les inégalités, les discriminations, la malnutrition, l’accès à l’eau potable, l’accès à un travail décent, les violences, les catastrophes naturelles, le dérèglement climatique, la pollution de l’air, des eaux, des sols.

Autant d’enjeux qui demandent aujourd’hui un engagement collectif et coordonné de tous les acteurs publics et privés. Face à ces défis, quel rôle pour l’entreprise pharmaceutique du XXIe siècle ?

Innovation et identité : un lien intime

Selon le syndicat des entreprises du médicament, dans les années à venir, « l’objet de l’innovation évoluera probablement des produits vers le domaine plus large de la dispensation des soins ou solutions de santé ». La notion de « médicament service » émerge.

La démarche d’innovation s’étend à l’environnement écologique et social du patient : sa vie à la maison, sur son lieu de travail, auprès des personnes qui l’entourent et qui l’accompagnent dans sa maladie. C’est la nature même de la contribution des entreprises pharmaceutiques qui évolue. Elle demandera la prise en compte de plus en plus concrète des défis sociaux, environnementaux et économiques au cœur des offres et services.

Les partenariats que les entreprises du médicament déploient déjà traduisent cette évolution de la contribution des entreprises. Des solutions et des services sont en effet coconstruits avec les professionnels de santé, des acteurs institutionnels et des start-up pour rendre plus efficients les parcours de soins, optimiser le maillage territorial, le lien ville-hôpital ou encore favoriser la bascule ambulatoire.

Le « médicament service » résulte de la fusion de la thérapie et du médicament biologique ou chimique avec ce qui permet de l’injecter ou de l’administrer. « Leem », syndicat de l’industrie pharmaceutique

Par exemple, le partenariat que le laboratoire Pfizer a tissé avec l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) afin que des start-up françaises puissent élaborer des solutions digitales et contribuer à une amélioration globale de la prise en charge des patients. Ou encore, Janssen France qui s’est associé à la start-up Nouveal pour mettre à disposition de services hospitaliers une solution de télésurveillance à destination des patients atteints d’hémopathie maligne.

Les régimes contemporains de l’innovation supposent des réinterrogations fréquentes de l’identité des produits et des services, mais aussi de l’entreprise elle-même en tant que collectif producteur d’innovation. Avec la loi Pacte, il est donné la possibilité aux entreprises de réexaminer la nature de leurs contributions à l’intérêt collectif et du rôle qu’elles souhaitent avoir dans le monde de demain. Définir la raison d’être de son entreprise, c’est donner du sens aux activités d’aujourd’hui et écrire le projet stratégique d’innovation, de transformation et de conception des activités du futur.

La reconquête de confiance

Le huitième Observatoire sociétal du médicament montre que les Français sont en attente d’un rôle plus large des entreprises du médicament.

La raison d’être de l’entreprise pharmaceutique du XXIe siècle ne sera plus celle du XIXe. Reste aux dirigeants le choix d’engager une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes pour la définir puis l’inscrire dans les statuts pour que leurs organisations puissent s’affirmer comme des acteurs essentiels du système de santé de demain.

Cette démarche permettra d’ouvrir un nouveau dialogue avec la société. Cet enjeu est particulièrement important pour les entreprises pharmaceutiques faisant l’objet de critiques récurrentes. Définir une raison d’être ancrée sur de nouveaux engagements permettrait à ces entreprises de poser les bases d’un nouveau contrat social avec la société, étape essentielle pour reconquérir sa confiance.

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