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Le Royaume-Uni promis à de nouvelles élections ?

Qui, d’un gouvernement conservateur ou travailliste, arrivera à survivre jusqu’aux prochaines élections ? Parlement du Royaume-Uni/Flickr, CC BY-NC

Le Parti conservateur a perdu sa majorité parlementaire lors des élections législatives anticipées du 8 juin 2017, appelées par la dirigeante du parti et première ministre Theresa May, laissant le Royaume-Uni avec un Parlement sans majorité, et un gouvernement sans feuille de route politique claire. Peu après la cloture du scrutin, alors qu’un sondage réalisé à la sortie des urnes indiquait que les conservateurs ne disposeraient pas d’une majorité absolue, le cours de la livre sterling a immédiatement baissé sur les marchés internationaux. Quelles peuvent être les conséquences de ce scrutin pour le Royaume-Uni ?

Avant d’en analyser les résultats et au-delà des inquiétudes sur le risque d’instabilité qui résulte de ce vote, il faut d’emblée souligner que l’absence de majorité parlementaire souligne nettement les divisions de l’électorat britannique.

En effet, le référendum du 23 juin 2016, qui a mené au Brexit, a coupé le pays en deux ; et les répercussions politiques et sociales ultérieures ont démontré à quel point la situation du pays était complexe. Que cette complexité se soit reflétée lors des législatives anticipées ne devrait pas être considéré comme problématique. Ces législatives traduisent simplement la situation réelle de la scène politique britannique.

Vers un gouvernement conservateur minoritaire

Comment analyser les résultats des élections ? Qu’impliquent-ils pour l’avenir du pays ?

Comme prévu, avec 319 sièges à la Chambre des communes (la chambre basse du parlement), les conservateurs restent majoritaires dans le pays. Cependant, il leur manque 7 sièges pour obtenir une majorité parlementaire (326 sièges requis, sur un total de 650).

Le vote pour le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP, pro-Brexit) s’étant effondré – le parti ne dispose même plus d’un siège au parlement –, la seule option qui puisse permettre aux conservateurs d’obtenir une majorité est de s’allier avec le Parti unioniste démocrate (PUD) d’Irlande du Nord. Ce dernier, fort de 10 sièges, devrait permettre aux conservateurs de disposer d’une très faible majorité parlementaire.

Cependant, pour élaborer un programme et gouverner pendant cinq années, le Parti conservateur devra être particulièrement discipliné. Quelques voix dissidentes seraient en effet suffisantes pour que le gouvernement perde sa majorité – ce genre de situation étant généralement la norme du jeu politique parlementaire.

Un gouvernement minoritaire soutenu par le PUD générerait une situation particulièrement inconfortable pour le Royaume-Uni alors que celui-ci, dans la perspective du Brexit, est confronté aux négociations les plus difficiles auxquelles il ait dû faire face depuis plusieurs générations.

L’imprudence de Theresa May

Le Parti conservateur risque, en outre, de se déchirer sur son leadership ainsi que sur la nomination du Premier ministre. Qui pourrait donc remplacer Theresa May ? Car il faut appeler un chat un chat : Theresa May, qui a appelé à la tenue de ces élections législatives anticipées, rappelons-le, a commis là l’une des plus importantes erreurs de jugement dans l’histoire politique britannique contemporaine.

La Première ministre britannique Theresa May, appelant à des législatives anticipées.

Cependant, celle qui s’est montrée particulièrement inflexible lors de sa campagne pourrait bien être tentée de demeurer à son poste. Son maintien compliquerait sans nul doute les affaires du Parti conservateur ainsi que celles du futur gouvernement. Comment un pays aussi divisé pourrait-il continuer d’être dirigé par une personnalité aussi affaiblie ?

Quant au Parti travailliste de Jeremy Corbyn, alors qu’une défaite inéluctable lui était promise, il a finalement gagné 10 points – passant de 30,45 % des voix en 2015 à 40 % 2017 – et plus de 30 sièges (avec un total de 261). Si ce score le place loin derrière les conservateurs (319 sièges) et qu’il aura bien du mal à forger une majorité, il représente une victoire importante. En effet, si Theresa May a appelé à des élections législatives anticipées, c’est parce que les sondages annonçaient un effondrement historique du Parti travailliste.

C’est finalement l’inverse qui est arrivé : en faisant perdre sa majorité au Parti conservateur, le Parti travailliste a réussi à revenir dans le jeu politique. Si l’accord entre les conservateurs et le PUD venait à échouer, le Parti travailliste pourrait même essayer de former une coalition de gauche. Toutefois, celle-ci ne pourrait former qu’un gouvernement minoritaire, qui rencontrerait encore plus de difficultés que celui des conservateurs.

Jeremy Corbyn, leader du Parti travailliste, le grand gagnant des élections. PA/Dominic Lipinski

Qui d’un gouvernement conservateur ou travailliste arrivera à survivre jusqu’aux prochaines élections ? Étant donné que les majorités à venir risquent d’être particulièrement précaires, on peut en effet penser que de nouvelles législatives auront lieu prochainement – peut-être même dans les 12 prochains mois.

Plus largement, ces élections du 8 juin 2017 pourraient bien manifester un vrai tournant au sein de l’opinion britannique, qui souhaite visiblement des changements par rapport aux politiques adoptées par les deux principaux partis du pays depuis la crise financière de 2008. Lors des six semaines de campagne, Jeremy Corbyn et le Parti travailliste ont bien saisi cette nouvelle donne. C’est, d’ailleurs, ce qui leur a permis de gagner des voix en très peu de temps. En maintenant ce cap pendant les 12 prochains mois, qui sait ce dont ils seront capables ?

This article was originally published in English

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