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Le Sénégal face au défi du Covid-19

Des scientifiques travaillent sur le coronavirus dans un laboratoire sécurisé à l'Institut Pasteur de Dakar, le 3 février 2020. Seyllou/AFP

L'épidémie de coronavirus concerne désormais les cinq continents. La priorité, dans chaque pays affecté, est dans un premier temps de détecter les malades, ce qui se fait à travers une technique appelée PCR (Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérisation en chaîne).

Le Sénégal est déjà touché. Mais le pays a-t-il les capacités à réagir de façon appropriée pour endiguer la propagation de la maladie ?

Comment les cas sont-ils détectés ?

Jusqu’ici, cinq cas de Covid-19 ont été confirmés au Sénégal. Le plus récent est celui d’un émigré sénégalais de retour d’Italie. On vient d'apprendre qu'il a contaminé quatre membres de sa famille. Tous les autres cas sont des Européens qui ont « importé » la maladie dans le pays. Au Sénégal, tous les cas de coronavirus positifs ont été détectés suite à des consultations effectuées par les patients eux-mêmes auprès des structures de santé. C’est ce qu’on appelle une détection passive et non active. Normalement, les personnes infectées devraient être détectées par le système de surveillance mis en place par les autorités sanitaires sénégalaises.

Dans le premier cas, c’est une structure de SOS Médecins qui a donné l’alerte au sujet d’un patient de nationalité française reçu en consultation et présentant une fièvre de 39 degrés, un mal de gorge et des maux de tête. Une équipe de surveillance du ministère de la Santé s’est immédiatement rendue sur les lieux pour effectuer un prélèvement.

24 heures après l’annonce officielle du premier cas par le ministre de la Santé et de l’action sociale, une autre personne a été testée positive au Covid-19. Il s’agit d’un Français âgé de 80 ans résidant à Sarcelles, dans la banlieue parisienne. Le patient a consulté le 2 février 2020 à l’hôpital Roi Baudoin, où il a été pris en charge, puis transféré au service des maladies infectieuses du Centre hospitalier national et universitaire de Fann, une des seules structures de santé du Sénégal à pouvoir placer en quarantaine les patients suspects. Les deux autres cas de coronavirus positifs sont l’épouse du Français de 80 ans et une ressortissante britannique travaillant pour les Nations unies.

Le Centre hospitalier universitaire national de Fann à Dakar, le 2 mars 2020. Seyllou/AFP

Un système de surveillance à renforcer

Au Sénégal, les premiers patients ainsi testés positifs sont des personnes venues de l’extérieur, surtout par voie aérienne. Ce qui ne manque pas de susciter des interrogations sur les dispositifs de contrôle et de prévention déployés aux points d’entrée sur le territoire sénégalais. À l’aéroport international Blaise-Diagne, la sécurité a été renforcée avec la mise en place de caméras thermiques qui permettent d’identifier les passagers dont la température corporelle est anormalement élevée.

Le premier signe de ces maladies transmissibles étant la fièvre, il s’agit d’utiliser cette technologie pour détecter les personnes avec une température de 38 degrés ou plus. Nous pensons que ce dispositif doit être mis en place dans tous les aéroports, tous les ports et toutes les gares routières frontalières, et renforcé par un système simple et rapide d’interrogatoire si des passagers sans fièvre présentent des symptômes du Covid-19, à savoir une toux légère, une congestion nasale, un écoulement nasal, des maux de gorge ou une diarrhée. C’est donc tout un dispositif qui doit être mis en place pour anticiper les épidémies en détectant plus tôt les cas dans le cadre de la surveillance sanitaire.

L’Afrique compte à ce jour peu de cas de Covid-19. Détection défaillante ? Facteur climatique ? Simple coup de chance ? Ce qui est sûr, c’est que le très faible nombre de cas de coronavirus détectés dans les pays d’Afrique, dont les systèmes de santé sont fragiles, n’en finit pas de préoccuper voire inquiéter les experts. Certains pays et certaines régions ne disposent probablement pas des ressources nécessaires pour mettre en œuvre les modalités de diagnostic.

Rappelons que la contagiosité est quantifiée par une estimation du nombre moyen de personnes qui contractent le virus à partir d’un individu infecté (ce que les spécialistes appellent le taux de reproduction de base ou « R0 »). Ce taux tournerait autour de 1,3 % pour la grippe et de 2,2 % pour le SARS-CoV-2, qui se diffuserait donc plus facilement à partir d’un seul cas.

Au Sénégal, le patient zéro est un français installé à Dakar, qui revenait de vacances dans le Massif central. Heureusement pour le Sénégal, le patient zéro a l’habitude de se faire consulter à l’antenne de SOS Médecins et a eu le bon réflexe de rester chez lui (il s’est placé lui-même en confinement, sans même savoir s’il était positif ou négatif). Mais imaginons ce qui se serait passé si le patient zéro avait été un Sénégalais qui après être sorti de l’aéroport, aurait d’abord retrouvé sa petite famille à Dakar et dans un second temps sa grande famille à l’intérieur du pays. Il aurait très probablement pensé à une fatigue passagère due aux rigueurs du voyage et non au coronavirus. Parce que les symptômes sont généralement bénins et apparaissent de manière progressive.

Le système de santé est-il outillé pour faire face à de nombreux cas ?

La stratégie de lutte contre le Covid-19 mise en place dans un pays quand il y a quatre cas n’est pas la même que quand le nombre de cas est de 40 ou de 400. À l’hôpital Fann (Dakar), l’équipe soignante est prête à combattre l’épidémie avec 12 chambres individuelles – cette capacité d’accueil peut être portée à 36 lits grâce à une installation amovible. Si le pays est frappé par beaucoup plus de cas, il va falloir que des moyens soient trouvés pour que d’autres structures puissent aussi accueillir les malades. Plus le nombre de patients sera élevé, plus le système de santé devra faire d’efforts pour se montrer à la hauteur de la tâche.

Microscopie du coronavirus Covid-19 en coloration négative réalisée par le laboratoire IHU Méditerranée Infection. Author provided

Il s’agit de mobiliser des services différents et plus nombreux tout en développant le traitement en ambulatoire, c’est-à-dire en dehors de l’hôpital, pour éviter que les gens se pressent à l’hôpital et se contaminent entre eux. Les systèmes de soins devront faire face à de nouveaux défis. En effet, pour traiter des personnes, il faut d’abord les diagnostiquer précocement et les isoler.

Les spécialistes en pneumologie – y compris ceux qui officient dans le privé – doivent être mobilisés pour s’occuper des patients diagnostiqués. Les services de santé périphériques – les postes de santé, les cases de santé, les centres de santé – doivent également être mis à contribution. Il faut aussi beaucoup associer les communautés, les scientifiques, mais aussi la presse.

Pour les communautés, il faut travailler avec les infirmiers chefs de postes de santé, les agents de santé communautaires, les « badianou gokh » (marraines de quartier en wolof) qui doivent servir de relais pour toute communication ou information sur la maladie en termes de prévention et de prise en charge.

Quant aux scientifiques, ils doivent aider les décideurs sanitaires à mieux comprendre la maladie et mener des recherches opérationnelles sur les mesures préventives ou les traitements.

Le Centre des Opérations d’Urgence Sanitaire (COUS), qui est une structure de coordination des urgences sanitaires, est censé posséder toutes les compétences et les capacités nécessaires pour renforcer les systèmes de santé en coordonnant le déploiement d’équipes médicales de qualité en cas d’urgence. Mais en 2014, l’épidémie d’Ebola avait pris les systèmes de santé et les services sanitaires par surprise.

Depuis lors, tout un dispositif a été mis en place pour anticiper les épidémies. D’abord pour les détecter plus tôt dans le cadre de la surveillance sanitaire ; ensuite pour y répondre plus tôt et de manière plus coordonnée. Comme dit plus haut, il convient à présent de nettement renforcer ce dispositif.

Comment minimiser les risques de la propagation ?

Des mesures transitoires pendant la phase épidémique sont nécessaires. Elles ne sont pas très compliquées. Il faut surtout se laver régulièrement les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon ; rester à plus d’un mètre de distance des personnes malades ; se couvrir la bouche et le nez avec le pli du coude ou avec un mouchoir en cas de toux ou d’éternuement et jeter le mouchoir immédiatement après dans une poubelle fermée ; éviter les rassemblements de populations parce qu’ils augmentent les risques de contamination comme nous l’avons démontré au Sénégal pendant les grands rassemblements comme le grand Magal de Touba ; éviter de se toucher les yeux, le nez et la bouche, et de consommer des produits d’origine animale crus ou mal cuits.

De ce point de vue, l’épidémie de Covid-19 offre peut-être une occasion de revisiter ses pratiques d’hygiène et de voir ce qui peut être amélioré : aérer, nettoyer, se laver les mains, etc.

La maladie est relativement bénigne dans 85 % des cas ; elle est plus grave dans 15 % des cas, dont 5 % peuvent nécessiter des interventions relevant d’un service de réanimation. C’est pourquoi la population doit se préparer en s’informant auprès de sources scientifiquement validées et avoir le réflexe d’appeler les numéros donnés (Numéro vert : 800 00 50 50, numéro SAMU : 1515) par les autorités sanitaires en cas de suspicion de Covid-19. C’est essentiel.

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