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Le travail en milieu confiné, une réalité contemporaine

Dans une mine de charbon à Datong, dans la province de Shanxi, en Chine, novembre 2015. AFP

Aujourd’hui encore à travers le monde, un certain nombre de métiers s’exercent quotidiennement dans un espace qualifié de « confiné », c’est-à-dire « creux et totalement ou partiellement fermé », tels les égouts, les tunnels, les silos, les citernes, les puits ou encore les mines.

Dans ces lieux contraints, les conditions de travail sont particulièrement difficiles et, le plus souvent, dangereuses.

Qu’ils soient souterrains ou situés en hauteur, comme les silos, l’atmosphère y est dite « confinée » et le milieu, dans son ensemble, considéré comme mal aéré.

Des espaces particulièrement dangereux

Si l’air y est rare et de médiocre qualité, l’espace dans lequel se déploient les travailleurs est lui-même très réduit et la sortie – disons plutôt la fuite –, en cas de problème, aléatoire. Les accidents y sont plus fréquents qu’ailleurs, comme en témoigne la mort d’un jeune cordiste dans un silo du département de la Marne en 2017, et le sauvetage délicat et périlleux à mettre en œuvre.

Les tentatives désespérées menées pour sauver des mineurs ensevelis au fond d’un puits, sont légion. Il suffit de se souvenir des 69 jours vécus dans les galeries effondrées de la mine de cuivre et d’or de San José par 33 mineurs chiliens, entre août et octobre 2010. Malgré l’aide internationale, arrivée de partout, il fallut deux mois et demi pour réussir à remonter à la surface ces hommes qui travaillaient dans ce milieu « confiné », « partiellement ou totalement fermé ».

L’exercice de ces métiers est à l’origine d’un certain nombre de risques qu’ils partagent tous. L’air y est raréfié, le danger d’asphyxie beaucoup plus important qu’ailleurs et l’intoxication au gaz répandue. Dans certains de ces espaces, les incendies se développent plus rapidement et peuvent donner lieu à de graves explosions. Dans les mines, les éboulements et autres glissements de terrain sont pléthores ; dans les silos, les travailleurs peuvent, par exemple, être victimes d’un ensevelissement sous des tonnes de grains.

Enfin notons, que dans les puits et dans les mines, les ouvriers sont parfois victimes d’inondations imprévues et dévastatrices, comme celle que décrit Hector Malot dans Sans famille (1878). Les eaux de la Divonne envahissant la mine cévenole de La Truyère dans laquelle travaille Rémi – le jeune héros de ce roman populaire – constituent l’un des moments forts d’un récit réaliste :

« […]l’eau, après avoir envahi toutes les galeries depuis le plancher jusqu’au toit, nous murait dans notre prison plus solidement, plus hermétiquement qu’un mur de pierre. Ce silence lourd, impénétrable, ce silence de mort était plus effrayant, plus stupéfiant que ne l’avait été l’effroyable vacarme que nous avions entendu au moment de l’irruption des eaux ; nous étions au tombeau, enterrés vifs, et trente au quarante mètres de terre pesaient sur nos cœurs. »

Pour tous, dans toutes ces circonstances, le plus souvent dramatiques, la question qui se pose est celle de la fuite. Comment s’échapper de ce milieu de travail confiné, lorsque les rares voies pour sortir sont inatteignables, voire bouchées ?

Descente aux enfers

Le travail qui se déroule dans une mine, quelle qu’elle soit, est confiné dès le départ. Que la descente s’effectue au moyen d’une succession d’échelles glissantes, dans des tonnes ou des « cuffats », voire plus tard, au milieu du XIXe siècle en Europe, dans des « cages » en bois, puis en fer, et enfin à l’aide d’ascenseurs, l’espace obscur et confiné qui permet d’accéder au travail du fond est particulièrement effrayant. Les mineurs ne parlent-ils pas d’une « descente aux enfers » ? Les mineurs polonais ne se signent-ils pas, religieusement, avant d’entrer dans le puits ?

Le lieu même du labeur de l’abatteur – pourtant le roi des ouvriers du fond, chargé de l’abattage du charbon – n’a-t-il pas pendant très longtemps été le plus confiné de tous ? N’avons-nous pas tous en mémoire des images de ces hommes torse-nu, à demi-allongés, un pic à la main en train d’arracher à la paroi rocheuse, des « gaillettes » – morceaux de charbon –, dans une « taille » de moins d’un mètre de haut ?

Que penser du double sentiment d’enfermement que pouvaient ressentir des mineurs chinois et coréens travaillant dans les mines sous-marines du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale ? Ces « gueules noires » qui ont extrait la houille à plusieurs centaines de mètres sous la mer – entre 300 et 900 –, en Angleterre (mine fermée en 1986), au Pays de Galles (en 1996), au sud du Chili (en 1997) et en Chine, ont œuvré dans un milieu dans lequel l’aération était difficile, le poids « mental » et physique de la mer au-dessus d’eux pesant et les conditions de travail particulièrement pénibles, l’essentiel de celui-ci se déroulant, en effet, dans la position allongée en raison de l’étroitesse des lieux.

Travailler au péril de sa vie

Si l’essentiel de l’exploitation humaine de minerais sous les océans est aujourd’hui à l’arrêt et que de moins en moins de mines fonctionnent en Europe, il n’en est pas de même en Afrique et en Chine, notamment, des régions du monde où le travail confiné, dans des galeries de tous les dangers, est encore et toujours à l’ordre du jour.

En République Démocratique du Congo, ce sont des enfants qui travaillent dans les petites mines illicites de cobalt, matière utilisée dans l’industrie automobile. Ils creusent eux-mêmes à la main, de manière totalement artisanale, de minuscules galeries qui ne présentent aucune garantie de sécurité, dans lesquelles ils s’introduisent au péril de leur vie. Petits, chétifs, ces enfants de la mine sont les seuls à pouvoir entrer dans ces espaces « confinés » à l’extrême. Au XIXe siècle, les patrons du textile anglais avaient eux aussi recours à des bambins pour s’introduire à l’intérieur des machines en marche – ce qui permettait un gain de temps – afin d’en démêler les fils ou pour les nettoyer.

En Chine, une certaine réglementation en matière de prévention des risques a été, au fil des années, mise en place dans les mines gérées par l’État. Mais dans les mines privées, les conditions de travail sont toujours désastreuses, tant du point de vue du développement de maladies professionnelles, comme la pneumoconiose causée par l’inhalation des poussières dégagées par l’abattage du charbon, que par la façon dont les galeries et les puits ont été creusés et sont entretenus, comme le montrent les travaux d’Irène Huang sur la santé des mineurs chinois.

Souvenons-nous, après avoir vécu quelques semaines d’un confinement plus ou moins confortable, qu’il existe encore des lieux où des enfants et des adultes travaillent encore quotidiennement dans un espace confiné, dangereux et anxiogène.

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