Menu Close

Le vaccin, un médicament pas tout à fait comme les autres

CDC/ Judy Schmidt

Le vaccin contre la grippe saisonnière est arrivé le 7 octobre dans les pharmacies. À cette occasion, l’Assurance-maladie s’est félicitée de l’augmentation du taux de vaccination pour cette maladie au cours de la saison passée. Pourtant, la France reste le pays occidentalisé où la défiance vis-à-vis des vaccins en général est la plus élevée. Une solide enquête internationale récente a montré que 4 Français sur 10 estiment que les vaccins ne sont pas sûrs. Cela nous pose question, à nous médecins impliqués dans la pharmacovigilance, c’est-à-dire dans la surveillance des effets secondaires des médicaments.

Globalement, pour les vaccins, la balance entre les bénéfices et les risques penche très nettement du côté des bénéfices. Pour autant, nous ne prenons pas ce fait pour acquis. Nous continuons à évaluer le risque en temps réel, dans la population, en nous assurant que les bénéfices attendus restent très supérieurs au risque encouru. Il est en ainsi du vaccin contre la grippe saisonnière. La coordination de la pharmacovigilance pour l’île-de-France, dont j’assure la responsabilité, mettra en place en 2017 une application qui permettra de déclarer extrêmement rapidement et de la façon la plus simple possible, les effets indésirables liés à ce vaccin. Ce dispositif permettra une plus grande réactivité en cas de problème.

Il ne s’agit pas de blâmer mais de comprendre

La méfiance vis-à-vis des vaccins, qui n’épargne pas les professionnels de santé, doit nous inciter à revoir à la fois le discours et les pratiques vis-à-vis des citoyens. C’est le sens du colloque que j’ai co-organisé le 4 octobre à l’université Sorbonne Paris Cité sur le thème : éclairer la question du risque vaccinal.

Pour commencer, il faut rompre avec les propos moralisateurs : « C’est bien de se faire vacciner », et son corollaire, « ce n’est pas bien de ne pas se faire vacciner ». C’est aussi vain que de vanter auprès des femmes les bénéfices de l’allaitement maternel en disant : mettre son enfant au sein, c’est bien ; donner le biberon, c’est mal. De telles déclarations ont entraîné de la culpabilisation, des échecs et de la rancœur chez les mères. Aujourd’hui, les pratiques pour encourager l’allaitement sont différentes. De même pour la vaccination, il ne s’agit pas de blâmer ceux qui s’en méfient mais de comprendre pourquoi une telle défiance.

La médecine a longtemps péché par orgueil et par optimisme. Ainsi, les vertus attribuées au vaccin lui ont conféré un pouvoir quasi magique. C’est une image réductrice, qui a été entretenue par les médecins et les pouvoirs publics : « Ne cherchez pas à comprendre, ça marche ! » À la compréhension, nécessaire pour l’adhésion au traitement, on a substitué la croyance. Une piqûre et aussitôt, plus de tétanos ou de polio… Or le vaccin reste un médicament. Avec ses bénéfices attendus, et de possibles effets indésirables. Les citoyens découvrent qu’il comporte des risques et s’en effraient.

En me vaccinant, je protège les miens

Le vaccin, pourtant, n’est pas tout à fait un médicament comme les autres. En effet, les médecins n’ont sans doute pas suffisamment expliqué la différence entre le bénéfice strictement individuel et le bénéfice collectif, qui est une particularité du vaccin. En me vaccinant, je me protège – et je prends un risque – mais je protège aussi les miens : mes proches, mes collègues, la communauté dans laquelle je vis.

Le vaccin comporte un certain nombre de spécificités qui le différencie des médicaments classiques, issus de la chimie. C’est un médicament biologique, c’est à dire fabriqué à partir du vivant. Si vous modifiez la souche bactérienne, l’excipient ou l’adjuvant (la substance ajoutée au principe actif pour le rendre plus immédiatement efficace), vous pouvez modifier aussi bien son efficacité que ses risques. Un lot de vaccins fabriqué en janvier peut ne pas présenter la même sécurité qu’un autre lot fabriqué en avril. Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques fabriquent-ils parfois des vaccins qui ne sont pas efficaces et ne sont donc pas commercialisés. C’est l’une des raisons des ruptures de stock parfois constatées. De même les modalités de surveillance font appel principalement à des techniques épidémiologiques.

Sortir des croyances

Au cours des dernières années, de nouveaux vaccins sont apparus. Contre l’hépatite B, contre le papillomavirus (facteur de risque du cancer du col de l’utérus), contre la varicelle, contre le zona… On peut se protéger de davantage de maladies que par le passé et c’est un progrès. Mais le débat sur les bénéfices et les risques est devenu plus complexe. On ne peut plus rester dans la croyance. Dire qu’on est pour ou contre les vaccins, ça n’a pas de sens. Ce n’est pas une religion, avec d’un côté les « apôtres » de la vaccination et de l’autre, les anti-vaccination. On doit sortir d’une logique binaire : j’y crois et je me vaccine contre tout ; ou bien je n’y crois pas, on cherche sciemment à m’empoisonner, je ne me vaccine contre rien. Il faut raisonner au cas par cas.

Pour autant, il n’est pas utile, pour un individu, de se prémunir contre l’ensemble de ces maladies. Vous ne souscrivez pas d’assurances contre tous les problèmes de la vie courante, même si on vous les propose désormais à tout bout de champ : des assurances annulation quand vous achetez un billet de train, des prolongements de garantie contre les pannes pour votre ordinateur, des assurances pour les accidents de ski avec votre forfait de remonte-pente… Vous choisissez de vous couvrir en fonction des dangers que vous percevez.

Bien souvent, d’ailleurs, le risque perçu diffère du risque réel. On a spontanément plus peur de prendre l’avion pour traverser l’Atlantique que de prendre sa voiture, par exemple, alors que le voyage en avion est le plus sûr des deux. C’est un problème, avec les vaccins, car beaucoup nous protègent contre des maladies dont nous minimisons le danger car nous n’en avons jamais fait l’expérience. Qui, en France, a déjà croisé une personne atteinte de diphtérie ?

Moins de paternalisme médical

Quand vous décidez de ne pas assurer votre téléphone contre la casse, en fait vous prenez des paris. Vous espérez ne pas le faire tomber, mais vous acceptez l’idée que cela puisse arriver malgré tout. C’est la même chose pour les vaccins. Par exemple, si je pars en congrès en Inde, je vais vérifier que mes vaccins contre l’hépatite A, l’hépatite B et la typhoïde sont à jour. Par contre je ne me vaccinerai pas contre la rage, bien qu’elle soit endémique dans ce pays, car je prévois de rester en ville où le risque est moindre.

Les citoyens ont changé, et c’est tant mieux. Ils veulent être informés sur les avantages et les inconvénients des vaccins. Nous sortons peu à peu d’un certain paternalisme médical, du discours : « Faites-moi confiance, je veille sur votre santé ». Pour autant, les médecins ne doivent pas transférer la responsabilité de la décision sur les patients. Il peut être angoissant de se retrouver à trancher pour soi-même dans des situations aussi complexes. Il y a un équilibre à trouver et c’est possible, si la confiance existe entre le médecin et le patient.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 180,900 academics and researchers from 4,919 institutions.

Register now