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L’école à venir ne se fera pas sans les parents d’élèves

À Toulouse, rentrée des classes du 22 juin 2020 devant une école élémentaire. Lionel Bonaventure / AFP

Les trois mois de confinement et leur suite immédiate ont sans doute été éprouvants pour beaucoup, en particulier pour les parents d’élèves et les professeurs. Mais cette expérience a aussi été riche d’enseignements qui ne manqueront pas de peser sur cette année scolaire 2020-2021. Rien ne pourra plus être tout à fait comme avant, surtout si les préoccupations quant au Covid-19 persistent et continuent à chahuter les espaces-temps concrets de la vie scolaire.

Les parents d’élèves ont été notamment plus que jamais confrontés concrètement à ce qui était offert et prescrit à leurs enfants par leurs enseignants. Ils se sont certes rendu compte, plus que jamais, à quel point enseigner était un véritable métier, difficile. Mais ils ont souvent aussi été confrontés concrètement à des prescriptions ou à une organisation des travaux scolaires qu’ils ont pu juger plus ou moins pertinentes.

Ils ne vont pas l’oublier et vont sans doute faire valoir leurs observations, voire leurs exigences en connaissance de cause. Ce qui va aller à l’encontre de ce qui est considéré traditionnellement comme légitime par la plupart des enseignants, à savoir leur apanage de la culture scolaire et de ses orientations éducatives pédagogiques. Si les parents sont des acteurs de la communauté éducative, ils ont longtemps eu un rôle annexe au sein de l’espace scolaire, pour des raisons historiques.

Troisième République

Pour des raisons qui tiennent aux circonstances dans lesquelles elle a été instituée, l’école républicaine et laïque s’est construite en laissant à la marge les parents d’élèves. Si les républicains ont pris le contrôle de l’école publique, c’était avant tout pour que cette école soit le principal vecteur de la pérennité du nouveau régime républicain, alors même qu’à peine une moitié des citoyens lui était devenue favorable.

Comme l’a souligné avec force Jules Ferry au congrès pédagogique des instituteurs du 25 avril 1881 :

« Je ne dirai pas qu’il ne doit y avoir à votre enseignement aucune tendance politique […]. Vous avez été affranchis comme citoyens par la Révolution française, vous allez être émancipés comme instituteurs par la République de 1880 : comment n’aimeriez-vous pas et ne feriez-vous pas aimer dans votre enseignement et la Révolution et la République ? »

Il est hors de question que ce soit « négociable » avec telle ou telle fraction de parents d’élèves, lesquels sont finalement tenus à l’écart de l’établissement et du fonctionnement de l’école publique. Et cela va durer, et être incorporé dans les modes d’organisation et les corps ad hoc de l’école publique républicaine et laïque.

Avec l’arrêté du 5 juillet 1890 et la conquête de la IIIe République par les républicains est institué « dans chaque lycée ou collège, un conseil de discipline composé du proviseur ou du principal ; du censeur, de cinq professeurs, d’un surveillant général et de deux maîtres répétiteurs ». Mais il faudra attendre le décret du 8 novembre 1968 pour que la présence de deux représentants élus des parents d’élèves y soit indiquée.

En 1968, les parents d’élèves entrent dans les conseils d’administration des établissements secondaires. À partir de 1975, ils sont représentés dans les conseils d’école (malgré une opposition initiale très vive du Syndicat national des instituteurs). En 1985, les parents et élèves délégués représentent un tiers des membres du conseil d’administration dans les établissements secondaires.

Années 2000

La loi d’orientation « Jospin » de 1989 consacre les parents comme partenaires à part entière du système éducatif, membres de la communauté éducative, associés aux projets d’établissement. Le rapport de la commission dite « Thélot » remis en octobre 2004 en vue de préparer la loi d’orientation dite « Fillon » de 2005 y consacre un chapitre entier : « Construire une éducation concertée avec les parents ».

« La Commission s’étonne que les textes réglementaires soient si partiellement appliqués dans certains établissements et certaines écoles […]. La Commission rappelle que, en cette matière, comme dans les autres, la loi s’applique partout et totalement. La relation entre les parents des élèves, pris individuellement, et les professionnels de l’éducation que sont les enseignants et les membres de l’équipe éducative est le cœur de l’« éducation concertée. »

La Commission indique quelques axes majeurs dont la mise en place effective devrait être développée, en n’hésitant pas à mettre en valeur et à détailler certains dispositifs concrets qui peuvent déjà exister à l’étranger ou en France) :

  • inscrire les modalités de relation individuelle entre chaque parent et l’école dans le contrat d’établissement ;

  • organiser systématiquement des temps forts de l’éducation concertée (conseils d’orientation, conseils de classe, plages horaires de rendez-vous) à des moments compatibles avec les activités professionnelles des parents ;

  • faciliter l’action des représentants élus de parents d’élèves, avec mise à disposition des informations et locaux nécessaires.

En vain. Et la déception des trois grandes fédérations de parents d’élèves (FCPE, PEEP, UNAPEL) est si grande qu’elles publient dans Le Monde du 24 novembre 2004 une tribune commune, ce qui est un fait sans précédent, où elles déclarent :

« Choisir une école sans parents, c’est choisir l’école du passé, c’est faire régresser la France en matière d’éducation, de culture et de cohésion sociale. Associer les parents à la vie de l’école, c’est leur reconnaître leur rôle de premiers éducateurs et de membres à part entière de la communauté éducative ; c’est choisir l’école de l’avenir. »

Questions à venir

La dernière loi d’orientation dite « loi Peillon » du 8 juillet 2013 évoque bien – dans ses annexes – la « co-éducation ». Et, dans la section 1, celle des « principes de l’éducation », il est formellement indiqué que « pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit l’origine sociale ».

La place des parents d’élèves a beaucoup évolué dans les textes sur l’école, mais qu’en est-il sur le terrain ? (Ici, rentrée à La Rochelle, en 2017). Xavier Leoty/AFP

À l’évidence, les politiques scolaires proclamées et décidées concernant la place des parents d’élèves dans l’école publique ont beaucoup évolué depuis la Troisième République triomphante. Mais, à l’évidence aussi, il s’en faut de beaucoup pour que ce soit une réalité effective dans tous les établissements scolaires, à tous les degrés et sur la plupart des sujets.

Les ébranlements concrets des espaces-temps scolaires auxquels nous venons d’assister ces trois derniers mois (et qui sont susceptibles de durer bien au-delà) sont de nature (avec la révélation accrue des forces et des faiblesses de chacun des protagonistes) de « rebattre les cartes » et d’ouvrir une période de changements effectifs dans les rôles, les pouvoirs et les responsabilités des uns et des autres.

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