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L’enseignement supérieur en Algérie : un défi constant

Atelier d'étudiantes de l'Université d'Oran. Bachounda/Wikimedia, CC BY-SA

L’Algérie d’aujourd’hui est face à un double enjeu, démographique et économique : intégrer la jeunesse de sa population dans la société ; et préparer les activités de l’après-pétrole, basées sur des ressources humaines plus qualifiées. L’enseignement supérieur est un pilier majeur de la réponse aux deux volets de cet enjeu.

Le nombre d’étudiants inscrits en premier cycle a littéralement explosé depuis le début du siècle : il a été multiplié par 3 en 15 ans (graphique 1) ; un taux de croissance 10 fois supérieur à celui d’un pays comme la France.

Graphique 1 : Évolution des inscrits dans l’enseignement supérieur de 2000 à 2017

Annuaire MESRS et estimations CREAD.

Un investissement massif, qui trouve ses limites

Pour héberger ces étudiants – et surtout étudiantes, car la part féminine est passée d’un tiers à plus de 60 % – le pays a construit de nombreuses universités et établissements : leur nombre a crû de 23 à 88 sur la période. Toutes les régions du pays sont couvertes, sans exception. Des bâtiments flambants neufs accueillent, gratuitement, des effectifs très importants d’étudiants largement subventionnés (bourses, repas, hébergement, transport).

L’Algérie a multiplié les constructions de bâtiments, comme ici sur le campus d’Alger. IRD

Toutefois, cet investissement massif de l’État rencontre ses limites aujourd’hui. Il a certes permis une réelle démocratisation de l’accès : plus d’un jeune sur 5 de 20 à 30 ans aujourd’hui, au lieu de 1 %, dans les années 1960. Mais l’épuisement de la rente pétrolière et gazière amène à infléchir ce modèle de développement. Et surtout, dès maintenant, se pose la question d’une amélioration qualitative après cette formidable extension quantitative

Manifestation des étudiants de l’université de Constantine, préoccupés par le manque de débouchés. IRD

En effet, s’il est possible de monter des murs rapidement pour répondre à la demande de salles de cours, les pourvoir d’enseignants qualifiés s’avère plus lent et plus difficile. Leur nombre n’a pas pu suivre celui des étudiants admis à l’université, de telle sorte que le ratio enseignants-étudiants s’est dégradé depuis la fin du siècle dernier. Il est ainsi passé de 1/15 au début de la décennie 1990 au double durant la suivante (graphique 2).

Graphique 2 : Nombre d’étudiants par enseignants les deux dernières décennies

Sources annuaire MESRS et estimations CREAD

Le défi de la qualité

Un effort soutenu de formation d’étudiants au niveau post-grade, pour constituer la relève enseignante, a eu un effet stabilisant voire dégressif lors des toutes dernières années. Mais la recrudescence récente des inscriptions annule cette progression qui aurait permis de rejoindre peu à peu des niveaux appropriés sur le plan pédagogique. Un objectif d’environ 1 enseignant pour 10 étudiants en moyenne serait souhaitable alors que les classes, en sciences humaines et sociales par exemple, approchent parfois celui de 90.

Le défi de la qualité est celui auquel est confronté le système d’enseignement supérieur aujourd’hui : pour assurer l’employabilité des jeunes débouchant sur le marché du travail mais aussi pour transformer le profil productif de l’économie. Si l’Algérie a une production académique honorable – comparativement à ces homologues de la région MENA (Moyen-Orient, Afrique du Nord) – en termes de publications scientifiques, l’innovation technologique laisse fortement à désirer, comme en atteste entre autres le faible nombre de brevets ou d’exportations de produits élaborés. Ils sont très inférieurs aux chiffres concernant ses voisins marocains et tunisiens.

Ce défi de la qualité n’est pas occulté par les responsables locaux et les efforts d’ajustements sont importants : la création d’une commission dédiée à l’assurance qualité, l’adoption du système LMD et un décret récent réformant l’organisation des études doctorales, sont quelques-unes des mesures concrètes, parfois controversées, mises en place pour développer des solutions.

Mais au-delà et en appui à ces tentatives, la coopération internationale a beaucoup à apporter à l’université et à la recherche en Algérie. Elle y est déjà active mais moins présente qu’au Maroc et en Tunisie, où les instituts français relevant du MAEDI, ainsi que le Centre International de recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l’IRD ont déjà pignon sur rue.

De même les accords interuniversitaires ont un large champ d’expansion qui s’ouvre devant eux. La rencontre des chefs de l’État des deux pays, ce mercredi, est une excellente occasion de renforcer cette coopération cruciale pour le développement durable ainsi que pour la relation exceptionnelle qui les unit.

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