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« L’envers des mots » : Sharenting

Un père et une mère prennent en photo leur enfant et publient ces photos sur les réseaux sociaux
53% des parents partageraient en ligne des photos de leurs enfants. Shutterstock

Sur les réseaux sociaux, il est devenu courant pour certains parents de diffuser des photos de leurs enfants et l’on voit dans les fils d’actualité ces publications se mêler à des images de petits chats et autres contenus « à like ».

Selon un sondage réalisé en 2021 par l’institut de sondage Gece, 39 % des bébés auraient une empreinte numérique avant même leur naissance. Un autre sondage réalisé par Potloc pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN) et publié en février 2023 a montré que 53 % des parents partagent en ligne des photos de leurs enfants et que 1,1 % des parents français sont influenceurs.


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Cette pratique a donné lieu à l’émergence du terme « sharenting », contraction de « sharing » (partagé) et « parenting » (parentalité), apparu pour la première fois en 2012 sous la plume d’un journaliste du Wall Street Journal, Steven Leckart. Le « sharenting » est défini par Putri comme « le phénomène de partage et de divulgation d’informations intimes sur les enfants sous forme de photos, de vidéos et de statuts par les parents via les médias sociaux ».

Les motivations à ces partages peuvent être variées par exemple la recherche de reconnaissance, de soutien et de valorisation de son rôle de parents, un renforcement de l’estime de soi et une certaine fierté à travers les « likes » et les commentaires positifs des publications. Certains parents peuvent aussi avoir recours au « sharenting » pour documenter le développement de leur enfant et maintenir un lien avec les proches. D’autres l’utilisent comme une source de revenus en devenant influenceurs ou en faisant de leur enfant des influenceurs.


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Cette pratique n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes éthiques, parmi lesquels la question du consentement des enfants et leur exposition à des risques en ligne. Les enfants – une fois qu’ils ont dépassé le stade de la petite enfance et ont l’âge de comprendre le fonctionnement d’Internet – se montrent relativement critiques, méfiants vis-à-vis du partage de contenu les concernant sur les réseaux sociaux. Ils peuvent ressentir de l’embarras quand ils prennent connaissance de certains posts, ce qui peut créer des conflits familiaux.

De leur côté, les parents font face à un paradoxe. D’un côté ils mettent en place des stratégies de médiations numériques pour « maximiser les opportunités et minimiser les risques en ligne » pour leur enfant ; d’un autre côté, ce sont les données et images qu’eux-mêmes partagent qui peuvent l’exposer à des risques en ligne, comme le risque pédopornographique.

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Pour « garantir le respect du droit à l’image des enfants », une proposition de loi a été déposée en France par le député Bruno Studer, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 6 mars 2023. Le règlement européen de protection des données, qui prévoit un droit à l’oubli numérique (droit à l’effacement) pour les personnes en faisant la demande (article 17), prévoit également que les moins de 18 ans bénéficient d’un droit à l’oubli spécifique et puissent demander à faire disparaître des plates-formes des contenus les concernant de façon plus rapide (article 40).

Le partage de photos et d’informations sur les enfants sur les réseaux sociaux soulève des préoccupations éthiques et de sécurité en ligne, nécessitant une réflexion continue pour encadrer cette pratique de manière appropriée.


Cet article s’intègre dans la série « L’envers des mots », consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?

De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.

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