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Les associations de patients, alliées indispensables durant la crise sanitaire

Christelle Tavolieri, infirmière (à gauche) s'entretient avec un résident d'un centre d'hébergement spécialisé, géré par l'association d'aide sociale Aleos, pour les patients atteints du Covid-19 qui sont sans-abri ou en provenance d'un logement d'urgence ou de transition, le 17 avril 2020, à Mulhouse. Sebastien Bozon/AFP

Le 23 avril, l’association France BPCO, qui se charge des patients atteints de maladie respiratoire chronique a porté plainte contre X. Elle dénonce les défaillances d’informations et de mesures transmises par les autorités sanitaires aux malades pour faire face à l’épidémie du Covid-19 qui les menace particulièrement.

Cette situation révèle le manque de concertation avec les associations d’usagers de la santé qui a été celle de cette période de crise. Elles n’ont pas été conviées dans les organes décisionnels et ne l’ont été qu’exceptionnellement au niveau hospitalier.

Dans le contexte de crise que nous connaissons, où les décisions fluctuent de jour en jour et s’imposent à tous, où sont les acteurs de la démocratie en santé ? Où sont passés les représentants d’usagers ?

« Rien sur nous, sans nous »

Si « union nationale » il doit y avoir, il est nécessaire que ce soit entre les associations d’usagers de la santé et les autorités sanitaires. Plus que jamais, les décisions doivent être partagées, car les associations ont le réflexe de penser aux besoins spécifiques des personnes qu’elles représentent. Et pour contrer l’argument qui renverrait aux contraintes liées à la situation d’urgence sanitaire, rappelons que c’est justement en contexte épidémique que les malades ont réclamé et obtenu le droit à la participation. C’est en effet en 1983 que les malades du VIH ont édicté la Charte de Denver, dont on peut résumer ainsi le principe de base, dans lequel se reconnaissent toutes les associations de malades : « rien sur nous, sans nous ».

Or le conseil scientifique de la présidence de la république, présidé par le Professeur Delfraissy, n’accueille qu’une seule représentante d’association, ATD quart Monde, intégrée au conseil tardivement. Le fait également qu’elle ait été choisie parmi les associations œuvrant dans le champ de la précarité, versus une association concernée par le champ sanitaire, indique où l’apport des usagers est cantonné.

(De gauche à droite) Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Veran, l’immunologiste et président du Conseil scientifique, Jean‑François Delfraissy, le Premier ministre, Édouard Philippe et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, le 13 mars 2020, pour une rencontre vidéo avec les préfets des régions sur l’épidémie de Covid-19. Ludovic Marin/AFP

Pourtant, un nouveau projet de comité de liaison avec la société civile a vu le jour. Ce projet, soutenu par France Assoc Santé et le Professeur Delfraissy lui-même, en cohérence avec ses prises de position précédentes lors des États généraux de la bioéthique de 2018, énonce :

« En situation de crise sanitaire, nous avons plus que jamais besoin d’une approche démocratique de la santé. »

Même tardif, le projet datant du 14 avril, l’initiative était en cohérence avec le contexte français en termes de démocratie de la santé. D’après les informations recueillies auprès de France Assoc Santé, ce projet semble pourtant mort-né.

Les initiatives pour enrayer la crise sanitaire

Après une courte période de sidération et en l’absence de sollicitations officielles, les associations de malades ont déployé tant bien que mal de l’aide pour accompagner leurs patients. Au tout début de l’épidémie, elles ont tenté de répondre aux craintes légitimes de leurs adhérents qui cherchaient à savoir si leur pathologie faisait d’eux des personnes particulièrement à risque.

Elles ont également relayé les informations sanitaires gouvernementales, comme les gestes barrière, les conditions de l’appel au 15 ou encore les modalités d’accès aux téléconsultations. Elles ont aussi très vite multiplié les plates-formes d’écoute et d’accompagnement pour rompre l’isolement des personnes confinées, comme France Parkinson, ou pour aider les personnes à faire face aux urgences, comme l’a fait l’association Française des hémophiles.

L’UNAPEI soutient également les parents confinés avec leur enfant autiste et leur offre des espaces de répit en faisant intervenir à domicile des professionnels et en déployant également un nouveau site, Unis et solidaires, dédié à la lutte contre le Covid-19. France Alzheimer indique aussi les conduites à tenir afin de sécuriser les malades perturbés par cette situation particulière.

Pour donner de l’information adaptée, certaines, comme les associations sur le cancer, se sont unies. D’autres associations ont donné des conseils spécifiques en fonction de la pathologie du patient. Ainsi, l’association François Aupetit informe sur les traitements immunosuppresseurs et sur le Covid-19, les associations surrénales apportent des conseils adaptés à la situation en lien avec la prise d’hydrocortisone ou encore l’AFM Téléthon fait part des contre-indications particulières au regard de la prise de l’hydrochloroquine.

Nombreuses sont celles qui ont attiré l’attention sur des situations à risque. France Assoc Santé, par exemple, a fait part de la dégradation de l’accompagnement des personnes en fin de vie et de la douleur chronique.

Mais les associations ne font pas que dénoncer un risque, elles proposent également des propositions concrètes pour y remédier. L’association Renaloo, qui représente les malades rénaux, a demandé et obtenu qu’en l’absence de possibilité de télétravail, les malades et leurs proches puissent cesser leur activité afin de limiter le risque de contaminations intra-familiales.

L’organisation du dialogue et d’actions conjointes

La priorité pour « Le Mouvement associatif », qui rassemble plus de 600 000 associations, c’est d’organiser un dialogue entre les autorités sanitaires, la société civile et les associations, et ainsi faire émerger des décisions et actions conjointes.

Contrairement à ce qui se pratique dans les instances décisionnelles, sur le terrain, la collaboration entre professionnels de santé et les associations et leurs représentants, semble avoir commencé à s’organiser. Ainsi, une plate-forme d’écoute et d’orientation, la ligne C (01 41 83 43 06), a été créée à l’initiative conjointe de professionnels et d’usagers.

De son côté, France Assoc Santé, avec le soutien de l’ARS Île de France et de l’Espace Éthique régional, réalise une enquête au niveau de l’Île de France afin de repérer les besoins et difficultés, les solutions et ressources de tous les personnes et patients.

Dans la perspective d’une éventuelle « deuxième vague », France Assos Santé s’est aussi rapprochée d’autres acteurs afin de comprendre « l’expérience patient » et repérer l’impact de l’épidémie sur les parcours de soins des malades chroniques.

Des collaborations vitales durant et après l’épidémie

Ce dont témoignent ces différentes actions, c’est que les associations de malades font partie intégrante du parcours de soin des personnes. Leur mobilisation et leur contribution durant la crise sanitaire actuelle ont été essentielles pour accompagner les personnes vivant avec des maladies chroniques.

Sans elles, les autorités n’auraient pas été alertées sur les besoins de personnes présentant des pathologies spécifiques. Elles ont aussi beaucoup à nous apprendre, car de nombreux malades chroniques font l’expérience du confinement au quotidien indépendamment d’un contexte épidémique.

Elles ont également recueilli au quotidien l’expérience des parcours de soins des patients atteints ou non du Covid-19. Il est essentiel de se tourner vers elles pour questionner l’impact du confinement sur les sous-groupes qu’elles représentent mais aussi pour penser l’organisation des soins des malades chroniques, dans un contexte épidémique comme celui que nous connaissons et dont nous ne connaissons pas la durée. Rappelons que la collaboration entre les professionnels de santé, les associations de patients et les autorités sanitaires est essentielle pour garantir la bonne santé et la survie de ces malades chroniques.

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