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Signes d'érosion sur une falaise aux Îles-de-la-Madeleine. Partout au Canada, les communautés côtières font face à des risques accrus d'érosion et de submersion, conséquences des changements climatiques. Shutterstock

Les communautés côtières face au défi des changements climatiques

Le Canada est le pays avec la plus longue ligne de côte au monde, mesurant 243 042 km selon Statistique Canada. Bien que la majeure partie de cette côte se trouve dans des territoires peu peuplés, environ 20 % de la population du Canada, soit autour de 7 millions des presque 36 millions d’habitants du pays, habitent en zone côtière.

Avec les impacts des changements climatiques, incluant l’augmentation du niveau de la mer, des évènements hydrométéorologiques plus violents et des changements dans les conditions hivernales, les infrastructures côtières deviennent de plus en plus menacées par l’érosion et les risques de submersion marine. Les impacts varient selon les régions, en fonction de leur mode d’occupation du territoire côtier, des activités économiques dominantes et de la constitution du territoire.

En tant que professeur en sciences de l’environnement, je travaille principalement sur les questions d’adaptation aux changements climatiques, en particulier dans les zones côtières. Je préconise des approches de recherche participative avec des intervenants du domaine public, privé ou associatif, afin d’étudier les questions de vulnérabilité, d’adaptation et de gouvernance liées aux changements climatiques.

Une nouvelle réalité climatique

En Arctique, où le réchauffement est plus prononcé, on observe les taux d’érosion les plus importants, pouvant atteindre jusqu’à 40 mètres par an. En parallèle, dans le Golfe du Saint-Laurent, on observe une diminution du couvert de glace en raison du réchauffement des eaux et de l’atmosphère. Ce décroissement réduit la protection des côtes des impacts des tempêtes hivernales et entraîne une recrudescence des épisodes de gel-dégel, qui fragilisent les falaises côtières.


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Ces conséquences forcent les communautés côtières à s’adapter à une nouvelle réalité climatique qui affecte la population, les infrastructures et l’activité économique. Or, souvent, ces communautés n’ont pas les ressources, autant matérielles qu’humaines ou scientifiques, nécessaires à cette adaptation. Les partenariats avec des universités, des instituts de recherche ou des ONG peuvent alors s’avérer de grande valeur.

L’importance d’une approche participative

Dans l’est du Canada, des projets de recherche-action participative (RAP) impliquant des chercheurs, des acteurs de terrain et la population ont aidé des communautés locales à développer des plans et stratégies d’adaptation. De tels partenariats permettent de jumeler les connaissances scientifiques aux connaissances locales, permettant la co-construction de plans et stratégies.

Ces derniers sont ainsi adaptés aux réalités locales et aux priorités exprimées par les communautés, en s’appuyant sur des acteurs clés dans les communautés. Dans plusieurs cas, cette approche a permis de renoncer à la logique de la protection à tout prix à l’aide d’ouvrages « en dur » (digues, enrochements), visant à limiter les aléas climatiques, au profit de solutions plus souples.

Exemple d’enrochement sur la côte du Nouveau-Brunswick.

Par exemple, à Pointe-du-Chêne, communauté côtière d’un peu plus de 700 habitants au Nouveau-Brunswick, un plan de construction d’une digue de protection entourant la presqu’île a été, du moins temporairement, abandonné. L’élévation du pont reliant la péninsule à la terre ferme a été préconisée, permettant d’éviter l’isolement de la communauté en cas d’inondation majeure, comme c’était régulièrement le cas avant.

Pont de Pointe-du-Chêne.

Or, dans certains cas, les protections côtières peuvent tout de même être retenues comme la meilleure solution aux problèmes d’érosion et de submersion. Il importe alors qu’elles soient mieux encadrées et rendues à la fois plus efficaces et moins dommageables pour l’environnement naturel.

Par exemple, à Pointe Carron, à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, un projet collaboratif entre l’Université de Moncton et des acteurs locaux a résulté en une recommandation d’uniformisation des structures de protection. La mise en place d’un comité de suivi multiacteurs a ainsi permis d’assurer l’harmonisation de la protection côtière sur cette pointe exposée aux aléas côtiers.

Protection côtière à Pointe Carron, Bathurst, Nouveau-Brunswick.

Une question de gouvernance

Une adaptation efficace aux changements climatiques et aux risques hydrométéorologiques nécessite aussi de repenser la question de la gouvernance. Au Canada, la gestion des zones côtières relève essentiellement des autorités locales, qui sont responsables de la formulation de plans d’aménagement et de plans d’urgence. En effet, le soutien gouvernemental provincial et fédéral est généralement jugé trop faible. Des échelles intermédiaires de gouvernance, régionales, sont alors explorées.

Au Nouveau-Brunswick, afin de renforcer la gouvernance locale, 12 Commissions de services régionaux ont été mises en place en 2013 dans le cadre du Plan d’action pour un nouveau système de gouvernance locale. Ces commissions offrent, entre autres, un soutien à la gestion du territoire et aux services d’urgences. Ces services bénéficient surtout aux nombreuses communautés rurales, qui disposent de faibles moyens institutionnels et financiers pour planifier l’adaptation aux changements climatiques et aux risques naturels.

Au Québec, certains organismes semi-publics agissent à une échelle régionale, par exemple les comités ZIP (zone d’intervention prioritaire), les Organismes de Bassins Versants (OBV) et les Tables de concertation régionales. Ces organismes jouent un rôle important dans la planification du territoire et de l’adaptation.

Les initiatives de planification de l’adaptation peuvent aussi être initiée ou fédérée par des organismes à but non lucratif. Aux Îles-de-la-Madeleine, l’association FragÎle et le comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine, travaillent depuis des années sur la question de l’adaptation aux changements climatiques.

Dans la Baie-des-Chaleurs, le CIRADD, un centre de recherche en innovation sociale spécialisé en développement durable à Carleton-sur-Mer, coordonne le projet « Gouvernance participative et résilience aux changements climatiques ». Cette initiative vise à mettre en place une démarche de gouvernance participative pour favoriser la résilience des communautés face aux impacts des changements climatiques.

Finalement, il ne faut pas oublier le rôle des institutions de recherche, qui peuvent non seulement fournir leur expertise et connaissance, mais également accompagner les communautés dans la co-construction de plans ou stratégies d’adaptation.

Il s’agit notamment de la visée du Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières de l’Université du Québec à Rimouski, à travers le projet Résilience côtière. Ce type d’initiative favorise un dialogue entre l’acquisition de connaissances et la prise de décision.

Le legs du passé entraîne que l’augmentation du niveau de la mer, l’augmentation des températures et d’autres effets des changements climatiques se poursuivront pendant encore des décennies et même des siècles. Le défi de l’adaptation des zones côtière est donc considérable.

En raison des changements continus sur une longue échelle de temps, l’adaptation doit être vue comme un processus, et non une action ponctuelle. L’adaptation mobilise de nombreux intervenants des secteurs public, privé, associatif et académique. Il n’existe pas de solution unique à l’adaptation ; au contraire, des solutions localement conçues ont le plus de chance d’être efficaces et acceptables par les communautés. Il importe cependant de s’assurer de mettre à la disposition de ces dernières les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre.

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