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Sur une population les différences entre les sexes existent mais il est impossible de fixer une barrière stricte entre deux individus. Doodoosonic/Unsplash, CC BY-SA

Les différences hommes, femmes : entre biologie, environnement et société

Les différences entre sexes dans l’espèce humaine ont des origines socioculturelles, environnementales et biologiques. Si ces disparités peuvent être marquées statistiquement sur de grandes populations, il n’existe pas de frontière absolue et la démarcation entre les deux sexes demeurera floue, compte tenu des multiples variations rencontrées (les réponses binaires n’existent que très rarement dans la nature).

Différenciations biologiques et environnementales

Il existe en effet, chez l’homme comme chez l’animal, de nombreuses différences entre les sexes. Elles concernent les structures sexuelles et certains aspects des comportements liés à la reproduction mais aussi de nombreux traits morphologiques (taille, pilosité faciale), physiologiques (sensibilité olfactive, fonctionnement de l’oreille interne) et comportementaux (certaines aptitudes cognitives) ainsi que la structure et le fonctionnement du cerveau ou les performances sportives.

Certaines de ces différences sont liées à l’éducation différentielle des garçons et des filles ; d’autres représentent des différences biologiques fondamentales résultant soit de la présence d’hormones différentes (testostérone et œstradiol/progestérone), de leur ratio et de leurs gradients, soit de la présence de gènes différents dans les chromosomes sexuels (X et Y) et de l’expression différentielle du génome humain. Dans la majorité voire dans tous les cas, les différences sexuelles résultent de l’action combinée de mécanismes sociologiques, éducationnels et biologiques.

Rappelons que le constat des différences n’implique pas de notion de supériorité mais suggère l’indispensable complémentarité entre les groupes au sein de chaque population.

Différences sexuelles : des amplitudes variables

Un outil statistique, décrit sous le terme de « taille d’effet », permet de mesurer l’amplitude de différences entre deux groupes : la taille d’un effet est le rapport entre la différence des moyennes de la variable (pour chacun des groupes comparés) au numérateur et, au dénominateur, la variabilité à l’intérieur des groupes (mesurée par la déviation standard, DS) voir Figure 1.

Figure 1 : Exemples de distributions liées à une grande taille d’effet (A) ou à une taille d’effet plus petite suite à la diminution de la différence entre groupes (B) ou à l’augmentation de la variance intra-groupe DS (C). Dans le premier cas, le sexe d’un sujet peut être déduit de la mesure de la variable dépendante ; ce n’est plus possible en B ni en C, en raison du recouvrement beaucoup plus important des distributions. Author provided

Une différence entre sexes peut avoir un effet très marqué soit parce que les moyennes sont très différentes soit parce que la variance dans chaque groupe est faible (Figure 1A). Inversement si la variance augmente (Figure 1B) ou si la différence entre les moyennes est faible (Figure 1C) alors la taille d’effet diminue (son impact est donc plus faible). Pour les grandes tailles d’effet, il n’y a quasiment pas de recouvrement entre les deux populations, les différences sont évidentes. Pour les petites tailles d’effet au contraire, ce recouvrement peut être large et la différence beaucoup plus subtile à établir. Les différences de phénotype, lorsqu’elles sont liées au sexe, sont ainsi plus aisément identifiables dans le premier cas que dans le second.

À titre d’exemple, les hommes sont en général plus grands que les femmes et la taille d’effet de cette différence est de l’ordre de 2 (la différence entre les moyennes masculine et féminine est deux fois plus grande que la variabilité au sein de chaque sexe. Cependant, même lorsque la taille d’un effet est faible elle n’est pas pour cela négligeable. Ainsi la différence moyenne d’agressivité entre hommes et femmes a une faible taille d’effet d’environ 0,3-0,5. Cela ne crée donc pas une différence majeure pour l’ensemble de la population mais le léger décalage des deux distributions fait que pour les valeurs d’agressivité les plus hautes on retrouve une majorité d’hommes et peu de femmes.

La différenciation sexuelle : des gènes au phénotype

Les différences sexuelles ont soit une origine biologique (résultant de différences génétiques ou hormonales entre les sexes) soit une origine sociale (acquises au cours de la vie post-natale en réponse à l’éducation ou aux environnements différents auxquels sont exposés garçons et filles). Ces deux causes ne sont pas mutuellement exclusives. Certains traits morphologiques ou réponses comportementales sexuellement différenciés résultent ainsi d’actions précoces de stéroïdes sexuels (testostérone, œstrogènes…) qui, au cours du développement, associent à des organes initialement non différenciés (cerveau compris) un phénotype plus marqué (c’est-à-dire plus fréquemment retrouvé ou plus développé) dans l’un des deux sexes. Ces effets différenciateurs qui se produisent très tôt dans la vie, pendant la période embryonnaire ou fœtale ou juste après la naissance, sont souvent irréversibles.

Chez tous les mammifères, l’exposition précoce à la testostérone et ses dérivés produit un phénotype masculin, les caractéristiques comportementales masculines sont renforcées (masculinisation), tandis que le phénotype féminin se développe essentiellement en l’absence d’action de ces hormones au cours de la vie embryonnaire. La testostérone est donc indispensable pour le développement des caractères masculins et si son action est impossible, par exemple en raison d’une mutation de son récepteur, un phénotype complètement féminin sera obtenu, y compris chez des sujets portant les chromosomes X et Y.

Ces personnes qui auraient dû se développer comme des hommes, si la mutation n’avait pas modifié leur trajectoire de développement, suivent un développement totalement féminine, naissent filles et deviennent femmes – quoique la possibilité de porter des enfants leur soit biologiquement impossible en raison de la présence de testicules intra-abdominaux au lieu d’ovaires et utérus.

Les différentes étapes de la différenciation sexuelle dans l’espèce humaine. T = testostérone, E2 = œstradiol, Prog = progestérone, Arom = aromatisation. Author provided

La différenciation sexuelle repose sur une cascade d’événements formalisée au milieu du XXe siècle (bien avant que les mécanismes moléculaires sous-jacents n’en aient été identifiés). Le sexe chromosomique induit, via la présence ou l’absence du gène SRY (porté par le chromosome Y), la formation de testicules ou d’ovaires (cette formation établit le sexe gonadique). Ces organes déterminent par leurs sécrétions le sexe hormonal de l’individu.

La présence d’hormones, aux profils temporels et gradients de concentrations différents dans les deux sexes, conditionne alors le sexe phénotypique, soit la plupart des différences morphologiques, physiologiques et comportementales qui apparaissent jusqu’à l’âge adulte entre mâles et femelles. Selon les réponses considérées, ces effets hormonaux prennent place pendant le développement (embryon, fœtus, enfance) ou ne se révèlent définitivement qu’à l’âge adulte.

L’action organisatrice des stéroïdes embryonnaires sur le comportement affecte de façon spécifique le développement cérébral où l’on retrouve de nombreuses structures sexuellement différenciées.

Vers une approche thérapeutique différente selon les sexes

Il existe des différences sexuelles dans l’expression de centaines de gènes, débordant largement du domaine de la reproduction ; leur compréhension devrait désormais permettre une prise en compte plus spécifique des pathologies et des thérapeutiques plus efficaces dans chaque sexe, en particulier pour les maladies dont les caractéristiques féminines ou masculines (cardio-vasculaires par exemple) ont été trop souvent négligées. Ces différences concernent des gènes présents sur les chromosomes sexuels mais aussi d’autres gènes dont l’expression est indirectement contrôlée par des mécanismes épigénétiques, qui illustrent certains effets modulateurs de l’environnement sur l’expression génique.

C’est la combinaison de tous ces mécanismes – biologiques, sociologiques, éducatifs, environnementaux – qui explique les différences sexuelles constatées tant chez l’animal que chez l’homme. Beaucoup de ces mécanismes ne sont pourtant pas encore connus dans leur détail. C’est notamment le cas pour les perturbateurs endocriniens, composés chimiques qui affectent de façon négative le fonctionnement hormonal de l’individu, dont les effets ne sont pas encore totalement définis pour l’ensemble des molécules industrielles mises chaque année sur le marché.

Au regard de ce schéma général, un certain nombre de personnes peuvent néanmoins présenter des discordances significatives entre différents aspects de leur phénotype, portant par exemple sur les structures génitales ou sur des taux hormonaux atypiques pour leur sexe.

La voix

Le timbre plus ou moins aigu de la voix dépend de facteurs génétiques qui déterminent la structure de l’appareil vocal mais les androgènes (principalement la testostérone) sécrétés lors de la puberté des garçons abaissent le larynx, allongent les cordes vocales de plusieurs millimètres et induisent un déplacement vers les basses fréquences (graves) des productions vocales. Ceci entraîne les hauteurs respectives des principales partitions vocales (basse, baryton et ténor pour les hommes ; alto, mezzo et soprane chez les femmes) avec de multiples variations, y compris des positionnements rares de haute-contre chez certains hommes. Cet effet biologique particulier a d’ailleurs été utilisé par la Curie Romaine qui autorisa, du XVIe au XVIIIe siècle, la castration de jeunes enfants dans le seul but de produire sous les voûtes de la Chapelle Sixtine des « voix d’anges », hautes mais puissantes, tout ceci donnant lieu à de multiples drames. À l’inverse, le changement de tessiture vers les graves chez certain·e·s athlètes est actuellement constaté à la suite de dopage par des stéroïdes androgéniques pendant de longues périodes.

La taille

La taille d’un individu à l’âge adulte +dépend de paramètres environnementaux autant que de facteurs génétiques (des dizaines de gènes ont été identifiés en lien avec ce facteur biométrique parmi les plus héritables) : les parents de grande taille ont des enfants plus grands que la moyenne. Cependant l’augmentation de 10 cm de la taille des Françaises et des Français au cours du XXe siècle résulte essentiellement de l’amélioration des conditions sanitaires et alimentaires et non d’une évolution génétique abrupte, sexuellement différenciée. Cette progression est d’ailleurs en train de ralentir désormais.

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