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Un lac rempli de végétaux est représenté.
Les espèces envahissantes (dont le myriophylle en épi, photographié ici) représentent un risque réel pour de nombreux habitats d’eau douce du Canada. (Shutterstock)

Les espèces envahissantes modifient les écosystèmes des lacs

Les écosystèmes d’eau douce du Canada et du monde entier sont en danger.

Les lacs, les rivières, les étangs et les zones humides sont confrontés à de nombreuses menaces environnementales, mais la propagation d’espèces non indigènes envahissantes est ce qui cause les changements les plus rapides.

Au cours des dernières années, une multitude d’espèces envahissantes ont fait leur apparition dans les lacs canadiens. La moule zébrée poursuit sa progression au Québec et au Manitoba.


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La vivipare chinoise est de plus en plus présente dans les lacs de l’est du pays. Le myriophylle à épi s’est répandu dans les provinces maritimes. Pendant ce temps, les poissons rouges ont proliféré dans les petits lacs et les étangs de tout le pays.

Loin d’être des cas isolés, ces épidémies sont les symptômes de bouleversements qui se produisent à l’échelle mondiale.


Nos lacs : leurs secrets, leurs défis, est une série produite par La Conversation/The Conversation.

Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s’y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d’eau d’une richesse inouïe !


Taux d’invasion en hausse

Depuis les origines de la vie, les plantes et les animaux ont connu une lente dispersion dans différentes régions du monde par des moyens naturels. Cependant, avec l’aide des humains, les espèces s’étendent aujourd’hui au-delà de leurs aires de répartition historiques, plus rapidement, plus loin et en plus grand nombre que jamais auparavant. Elles envahissent les écosystèmes à un rythme inédit.

Les écosystèmes d’eau douce sont très vulnérables aux invasions et sensibles aux perturbations d’origine humaine. Les activités ou les infrastructures humaines sont responsables de l’introduction de la plupart des espèces non indigènes. Le rejet des eaux de ballast des cargos, par exemple, a contribué à l’apparition de plus de la moitié des espèces non indigènes recensées dans les Grands Lacs.

Les canaux, l’ensemencement, le déversement de seaux à appâts, la navigation de plaisance et la libération d’animaux domestiques participent également à la propagation dans les lacs. Les plantes aquatiques envahissantes peuvent s’accrocher aux hélices et aux remorques des bateaux de plaisance qui passent d’un lac à un autre. Des plantes transportent aussi des moules zébrées, qui peuvent vivre hors de l’eau plusieurs jours durant le déplacement terrestre des bateaux.

Des moules zébrées au fond d’un lac
Moules zébrées recouvrant des rochers au fond du lac Memphrémagog, au Québec. (Brielle Comartin), Author provided (no reuse)

La libération d’animaux d’aquarium constitue un autre facteur d’invasion. Selon une étude, plus de 10 000 poissons achetés dans les animaleries de Montréal sont relâchés chaque année dans les lacs et les rivières.

Par conséquent, les taux d’invasion des écosystèmes d’eau douce sont parmi les plus élevés de tous les types d’habitats et continuent de progresser.

Des écosystèmes très vulnérables

Les lacs, les rivières et les zones humides représentent environ 1 % de la surface de la Terre, mais abritent près de 10 % de toutes les espèces vivantes, dont plus de la moitié de toutes les espèces de poissons connues. Cette diversité s’érode plus rapidement que celle des écosystèmes terrestres et marins côtiers, en partie à cause des invasions.

Bien qu’il ne soit pas toujours facile de distinguer l’impact des invasions des autres agents stressants d’origine humaine, des chercheurs ont observé que dans plusieurs écosystèmes d’eau douce, ce sont les espèces envahissantes qui sont les principales responsables du déclin des poissons d’eau douce et non l’altération de l’habitat.


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Le fait que les lacs soient plus vulnérables aux espèces envahissantes s’explique notamment par la présence d’espèces vivantes qui ne disposent pas de défenses adéquates contre un large éventail d’envahisseurs. Ainsi, les truites introduites dans des lacs sans poissons de l’ouest de l’Amérique du Nord ont provoqué le déclin des grenouilles indigènes qui ont évolué sans avoir à s’adapter aux grands prédateurs aquatiques.

De même, les moules zébrées se fixent aux coquilles des moules d’eau douce indigènes, qui n’ont aucune expérience évolutionnaire de tels organismes salissants, et les étouffent. De nombreuses populations de moules indigènes du réseau inférieur des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent et d’autres plans d’eau ont été décimées par la moule zébrée.

Effets domino

Les espèces aquatiques envahissantes menacent la pêche, la qualité de l’eau, les économies locales et la santé humaine. Leur impact peut s’étendre bien au-delà du lac concerné. Lorsque l’espèce Chicla monoculusa envahi le lac Gatún, au Panama, à la fin des années 1960, elle a décimé de petits poissons insectivores qui jouaient un rôle important en se nourrissant de larves de moustiques. Cela a entraîné une explosion de la population de moustiques adultes et, en conséquence, une hausse du risque de paludisme pour les humains.

L’introduction non autorisée de truites grises dans le lac Yellowstone, aux États-Unis, dans les années 1990, a profondément modifié le réseau trophique du lac. Ces animaux ont provoqué le déclin d’un poisson indigène qui constituait une source de nourriture essentielle pour les grizzlis, obligeant ces derniers à se tourner vers des mammifères terrestres (comme les jeunes wapitis), ce qui a accru la pression sur ces espèces.

Un homme tient un poisson
L’introduction involontaire de l’espèce Chicla monoculus dans le lac Gatún, au Panama, a eu d’importantes conséquences écologiques. (Shutterstock)

Le cladocère épineux d’origine européenne, un prédateur qui mange de petits zooplanctons, est arrivé dans les Grands Lacs avec des eaux de ballast dans les années 1980 et s’est répandu dans des étendues d’eau intérieures comme le lac Mendota, où il a atteint une densité impressionnante. Sa voracité a provoqué un déclin massif des cladocères indigènes qui se nourrissent d’algues. La disparition de ces herbivores a permis la prolifération du phytoplancton et la dégradation de la qualité de l’eau, nuisant à la valeur esthétique et récréative du lac Mendota.

Dans les Grands Lacs inférieurs, la filtration effectuée par les moules zébrée et quagga invasives a causé une augmentation considérable de la clarté de l’eau et, par la suite, une croissance excessive des algues au fond du lac. Lorsque cette masse d’algues s’est décomposée à la fin de l’été, elle a réduit la concentration d’oxygène au fond du lac, créant les conditions idéales pour la prolifération du botulisme. Les bactéries se sont accumulées dans les moules, permettant ainsi à leur toxine d’être transférée aux prédateurs de ces mollusques, dont un poisson envahissant appelé gobie à taches noires. Des milliers d’oiseaux piscivores sont morts après avoir consommé des gobies toxiques.

Ces exemples illustrent l’impact considérable que les espèces envahissantes peuvent avoir sur les lacs et les écosystèmes environnants.

Endiguer les invasions

Le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal a reconnu les « eaux intérieures » comme un domaine distinct nécessitant des cibles de conservation. La sixième cible de ce cadre prévoit de réduire les taux d’invasion de 50 % d’ici 2030.

Pour atteindre cette cible, il faudra mettre en place des politiques de contrôle des vecteurs mal réglementés, tels que ceux associés au commerce des animaux de compagnie. Ainsi, l’écrevisse marbrée, capable de se reproduire asexuellement, peut générer une nouvelle population en partant d’un seul individu et constitue une menace émergente liée à ce commerce. Une population sauvage de cette écrevisse a été découverte l’année dernière dans des étangs de l’Ontario.

Une baisse significative des taux d’invasion réduirait les risques de perturbation des écosystèmes et de perte de biodiversité. Pour les lacs, cet objectif peut être atteint grâce, entre autres, à des décisions responsables concernant le traitement des appâts vivants et des animaux d’aquarium, l’inspection des bateaux et du matériel de pêche pour y détecter des organismes clandestins, et le signalement de nouvelles espèces non indigènes détectées.

L’éducation est également essentielle. Les citoyens dont les moyens de subsistance et le bien-être sont affectés par les invasions lacustres peuvent eux-mêmes jouer un rôle involontaire dans la propagation des espèces envahissantes.

Le public, des scientifiques, l’industrie et le gouvernement peuvent contribuer à atteindre la cible de Kunming-Montréal. Les Grands Lacs offrent un exemple encourageant d’écosystème dont le taux d’invasion a été réduit grâce à la collaboration des acteurs concernés en vue d’élaborer et d’appliquer une réglementation efficace pour contrer les invasions causées par les eaux de ballast.

This article was originally published in English

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