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Les fausses « bonnes solutions » face à la montée des eaux

À New York, en 2012, après le passage de l’ouragan Sandy. David Shankbone/flickr, CC BY

Les populations côtières du monde entier sont de plus en plus exposées aux dangers de la montée des eaux, qui a pris, ces vingt dernières années, une ampleur inédite. Or la gestion d’une telle hausse se trouve parfois compliquée par les politiques gouvernementales, de même que par certains spécialistes bien intentionnés de l’adaptation au changement climatique.

Les mesures en zone côtière comportent, en effet, des risques politiques, notamment celui d’opposer ceux qui attendent des solutions au problème de plus en plus pressant des inondations et ceux qui s’inquiètent de l’impact à court terme de telles mesures sur la valeur de leur propriété ou sur leurs primes d’assurance. Pour certains encore, la menace vient davantage des politiques de prévention que de la montée des eaux elle-même.

Pour écarter cet écueil, plusieurs organisations et gouvernements ont commandé ou préparé des plans d’adaptation, sans jamais les appliquer. Il s’agit là d’une approche extrêmement répandue qui consiste à « programmer puis oublier ». Et, parce qu’elle donne aux collectivités locales l’impression erronée d’avoir la situation bien en main, elle s’avère finalement plus dangereuse que le refus total de se préparer aux risques.

« L’enfer est pavé de bonnes intentions »

Les chercheurs et partisans de l’adaptation côtière, dont je fais partie, doivent reconsidérer certaines des recommandations couramment préconisées sur le sujet. D’après ce que j’ai pu observer, les directives bien intentionnées, mais peu réfléchies comme celles qui prônent la délocalisation des centres-villes fortement urbanisés, empêchent la concrétisation de plusieurs études sur l’adaptation.

L’idée d’éloigner les bâtiments et autres infrastructures de la côte pour réduire ou éliminer le risque d’inondations semble raisonnable, et efficace sur le long terme. Et, dans certains cas, elle l’est. Mais il s’avère souvent contre-productif, au niveau pratique et économique, de déplacer des agglomérations présentes de longue date. De telles mesures entrent même en contradiction avec certains systèmes de réduction des risques de catastrophe.

Au grand désarroi de la communauté scientifique, les villes et les propriétaires des principales installations côtières à travers le monde manifestent leur mécontentement en rejetant la plupart de ses recommandations en faveur de la protection des côtes.

Les grandes villes résistent

Dans certaines grandes villes toutefois, le retrait n’est pas une option. New York illustre parfaitement ce choix : en octobre 2012, l’ouragan Sandy a laissé dans son sillage une ardoise de plus de 71 milliards de dollars de dégâts. Rien qu’à New York, 43 personnes ont trouvé la mort.

En juin 2013, le maire de la ville, Mike Bloomberg, a déclaré que la hausse des températures et du niveau des mers ne faisait que compliquer la sauvegarde de la ville et adressé la mise en garde suivante :

Selon nos prévisions, un quart de la région de New York, où vivent aujourd’hui 800 000 personnes, pourrait être en zone inondable d’ici à 2050. Si nous ne faisons rien, plus de 65 kilomètres de littoral risquent d’être régulièrement inondés lors des marées hautes normales.

Bien que conscient de la gravité de la situation, Mike Bloomberg, loin d’envisager une retraite, a pourtant lancé un programme de protection de 20 milliards comprenant la construction de murs anti-inondations et la modernisation des immeubles et infrastructures. Ce plan, qui vise à faire de New York une ville « plus forte et plus résistante », annonce clairement la couleur :

Nous allons nous battre et reconstruire ce qui a disparu, renforcer les digues et développer les zones situées en bord de mer dans l’intérêt de tous les New-Yorkais. La ville refuse d’abdiquer.

De la même manière, aucun des gagnants de l’initiative Rebuild by Design – une compétition internationale dont le but est de diminuer les risques d’inondations côtières à New York et dans les environs – n’a orienté ses travaux vers les stratégies de retrait. En fait, certains conseillent même de consolider les zones urbaines inondées lors du passage de l’ouragan Sandy.

Dans les zones les plus touchées, alors même qu’ils peuvent souscrire au programme de rachat mis en place par l’État, le nombre de New-Yorkais qui choisissent de partir est relativement faible.

Quoique sans lien direct avec le changement climatique, la réaction japonaise au tsunami dévastateur de 2011 constitue un autre exemple édifiant. Si certains habitants ont préféré déménager dans des zones plus élevées, le gouvernement n’a pas délocalisé les installations, dont la centrale nucléaire de Fukushima. Le Japon a décidé de consacrer 6,8 milliards de dollars à la construction de digues de 400 kilomètres de long dont certaines sont, par endroits, aussi hautes qu’un immeuble de quatre étages.

PBS Newshour se penche sur les moyens de mieux protéger les mégalopoles de la montée des eaux.

À Melbourne, en Australie, quatre conseils municipaux de Bayside ont travaillé sur le projet scientifique Port Phillip Bay Coastal Adaptation Pathways Project afin d’identifier de manière systématique les réponses les plus efficaces. Ce projet a révélé que les approches techniques traditionnelles étaient particulièrement appropriées pour réduire les risques d’inondations.

Le projet a ainsi conclu que dans le cas des habitants du front de mer de Southbank, à Melbourne, qui seront amenés subir des inondations récurrentes dans les décennies à venir, « les mesures de repli ne sont pas nécessaires ».

Apporter des conseils concrets

Les études et programmes d’adaptation en zone côtière doivent reposer sur des recommandations concrètes, justifiables et réalistes. Les spécialistes de l’adaptation climatique doivent ainsi éviter de recommander la délocalisation des principales agglomérations côtières dans un avenir proche, sauf en l’absence d’alternatives viables.

Je pense qu’il vaudrait mieux se concentrer sur la manière dont les communautés côtières à faible – et moyenne – densité de population peuvent s’adapter à la montée des eaux. C’est un défi plus intéressant, étant donné que les analyses économiques, selon qu’elles prennent en compte ou ignorent ces « externalités », débouchent sur des recommandations différentes. De la même façon, les recommandations qui ignorent l’impact de ces mesures sur les propriétaires ou le financement des programmes d’adaptation ne sont pas très utiles.

Les stratégies d’adaptation ne doivent pas perdre de vue les véritables risques politiques inhérents à tout changement impliquant des personnes et des biens. En plus de prodiguer des conseils, elles doivent présenter un plan de mise en œuvre qui précise la façon dont les inquiétudes légitimes des individus et des collectivités seront prises en compte.

Jusqu’ici, les prévisions climatiques de la hausse du niveau des mers ont démontré leur utilité. On ne peut pas en dire autant de nos réponses en matière d’adaptation. Si l’on souhaite s’inspirer de modèles de préparation à la montée des eaux, des initiatives telles que le Port Phillip Bay Coastal Adaptation Pathways Project et le Queensland Climate Adaptation Strategy (en cours d’élaboration) semblent aller dans la bonne direction.


Traduit de l’anglais par Catherine Biros/Fast for Word

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