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Les fonctionnaires américains se serrent la ceinture pendant que Trump offre des hamburgers

Trump offre aux joueurs de football américain les Clemson Tigersun diner à la Maison blanche constitué de ‘fast food’ le 14 janvier tandis que les institutions du pays sont partiellement paralysées par le ‘shutdown’. SAUL LOEB / AFP

Des hamburgers à la Maison Blanche. En plein « shutdown », le plus long de l’histoire américaine, le chef de l’État a reçu les joueurs de l’équipe de football des Clemson Tigers à la Maison Blanche avec des hamburgers et des frites ce lundi 14 janvier vantant la « super nourriture américaine ». Pendant ce temps, des milliers de fonctionnaires travaillent sans paie ou sont forcés de prendre des congés sans solde.

Une situation inédite

Le président Donald Trump réclame 5,7 milliards de dollars afin de financer son mur contre les immigrés illégaux et « criminels ».

Les Démocrates ont dénoncé au Congrès ce projet comme une perte d’argent qui ne résoudra aucune des questions posées par l’immigration aux États-Unis.

Le bras de fer engagé depuis trois semaines maintenant entre le président et la Chambre des représentants (dominée par les Démocrates) empêche de trouver un accord politique sur le budget fédéral. Ce dernier n’étant pas déterminé, les institutions gouvernementales sont paralysées. Or leurs employés, soit 800 000 personnes selon le Washington Post, se retrouvent désormais pour la première fois depuis le 11 janvier sans paie, celle-ci étant versée, aux États-Unis, tous les quinze jours.

La perte d’un tel chèque peut sembler sans grande conséquence. Mais, en tant que spécialiste de la richesse des ménages j’ai pu démontrer à quel point cela peut en fait se révéler catastrophique pour de nombreux ménages américains.

Le fonctionnariat américain

Le gouvernement américain emploie directement plus de 2 millions de personnes.

Beaucoup dépendent des départements de la Défense, de l’Education ou du Travail. Ces derniers restent fonctionnels car le Congrès a déjà accepté les budgets de dépenses proposés et continue de les financer.

Cependant un quart des agences gouvernementales – ce qui inclut le ministère de l’Intérieur, la Justice et l’Agriculture – n’ont pas reçu de financements ce qui laisse sur le carreau 800 000 employés.

Près de 380 000 ont été mis en congés sans soldes, tandis que 420 000 ont été jugés essentiels et doivent se rendre au travail. Sans paie.

Des employés américains manifestent contre le shutdown américain le 11 janvier devant le bureau de Poste, Boston. Joseph Prezioso/AFP

Budgeter sa vie salaire après salaire

Une semaine sans salaire. « Et alors ?« diront certains.

Si la chose peut sembler anodine dans certains pays, aux États-Unis de nombreuses personnes planifient leur budget non pas sur un mois ou plusieurs, ou même sur une année, mais d’une paie à l’autre.

Selon plusieurs estimations, entre un tiers à trois quarts des Américains bouclent leur budget toutes les deux semaines.

Peu importe quelle est la proportion exacte de ces familles : beaucoup ne pourront pas tenir longtemps sans toucher leur salaire.

Par ailleurs, il faut souligner qu’une part importante n’a même pas assez d’argent pour affronter un coup dur comme, par exemple, une dépense urgente de 1 000 dollars. Une longue période sans salaire semble encore moins envisageable dans ces conditions.

Mise en place d’une assurance-chômage

Il y a cependant quelques débouchés positifs pour ceux qui, parmi les employés gouvernementaux, n’ont pas été contraints de prendre un congé.

Ils peuvent en effet postuler pour une assurance chômage, gérée par le gouvernement central et mis en place dans différents états, qui protège les revenus des employés licenciés sans que leur travail été mis en cause d’une façon ou d’une autre.

Les employés ayant signé cette assurance peuvent recevoir une somme proportionnelle à leurs salaires sur une durée courant jusqu’à six mois.

Par exemple, l’état de Virginie a informé les fonctionnaires qu’ils toucheront entre 60 dollars (à minima) et 378 dollars par semaine dans le cadre de cette mesure, en fonction de leur salaire.

À Washington, D.C., le dédommagement monte jusqu’à 425 dollars par semaine, imposables.

Mais, même la somme maximale est loin du quart du salaire moyen, hebdomadaire que touche un fonctionnaire (soit 84 000 dollars par an).

Les employés jugés « essentiels » comme cet agent de sécurité ne pourront pas prétendre à une assurance chômage. Baltimore. Mark Wilson/AFP

En revanche les employés jugés « essentiels » comme les agents de sécurité aux aéroports ou les gardes du corps du président ne sont pas jugés éligibles à cette mesure. Ce qui signifie que leur seul recours reste l’épargne, s’ils en ont, ou un prêt.

Rester sans salaires plusieurs semaines de suite est déjà très dur : il est difficile d’imaginer que les fonctionnaires pourront tenir plusieurs mois ou années, comme l’a menacé Trump.

Si le Congrès est éventuellement amené à devoir payer ceux qui ont travaillé durant le shutdown rien n’indique pour l’instant qu’il paiera ceux qui ont été contraints de prendre des congés.

Fonctionnaires face à un mur

Il est difficile de savoir quand le shutdown prendra fin.

Néanmoins le Congrès s’est récemment engagé à dédommager ceux qui ont souffert de ses conséquences. C’est ce qu’il s’est également passé en 2013, une mesure approuvée à l’unanimité au plan législatif.

La mauvaise nouvelle en revanche demeure l’impasse dans laquelle sont ces 800 000 employés, qui sont mis, littéralement face à un mur.

En d’autres termes, le gouvernement continue de s’appuyer sur ces forces, quoi qu’il advienne, peu importe l’issue du conflit entre le Congrès et le chef de l’état. J’en déduis deux conséquences malheureuses : plus d’employés quitteront la fonction publique et encore plus éviteront ce secteur à l’avenir.

This article was originally published in English

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