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Les Français sont-ils sensibles au travail de leurs élus ?

Plus un député a posé de questions, plus son nom est connu des électeurs de sa circonscription et meilleur est son score au premier tour des élections législatives. Philippe LOPEZ / AFP

Alors que les élections municipales approchent, la question de la sensibilité des électeurs aux différentes dimensions de l’action publique du maire sortant se repose. Est-ce la gestion du sortant et ses résultats qui guident les choix électoraux ? Est-ce la situation économique nationale ou locale qui les structure ? Moult classements et indicateurs locaux sont proposés par les médias ou des think tanks afin d’aider les citoyens dans leur décision.

Ces questions ont fait l’objet de nombreuses études en science politique depuis bien longtemps. Pour autant, une dimension de l’évaluation des candidats sortants est extrêmement peu étudiée : l’activité proprement dite des élus.

Au-delà des politiques publiques mises en œuvre et de leurs conséquences, est-ce que l’engagement dans l’activité d’élu est récompensé par les électeurs ? Par exemple, un maire qui consacrerait beaucoup de son temps à son mandat, à ses citoyens, ou encore qui publierait beaucoup d’arrêtés municipaux, est-il mieux perçu et connu par ses électeurs et administrés et a-t-il plus de chance d’être réélu ?

Chaque question compte

Deux de nos travaux récemment publiés ou à paraître cherchent à établir si les électeurs sont sensibles au travail fourni par leurs représentants à partir des données d’activité des députés sortants candidats aux élections législatives de 2007.

Plus exactement, nous avons cherché à savoir si, d’une part, la notoriété d’un député sortant auprès de ses administrés et, d’autre part, sa fortune électorale (suffrages obtenus au premier tour et probabilité de réélection finale) étaient influencées par son activité à l’Assemblée durant la mandature précédente (de 2002 à 2007).

Notre analyse statistique s’appuie sur les indicateurs d’activités des députés dont nous disposons : questions écrites et orales, production de rapports d’information ou législatifs, propositions signée ou co-signées de lois, gestion de commission, etc.

Nous montrons alors que, toute chose égale par ailleurs, les citoyens tendent à être sensibles à l’activité de leur député et que cette sensibilité varie en outre selon l’indicateur pris en compte. Ainsi, être l’auteur d’une proposition de loi accroît sensiblement le nombre de voix obtenues au premier tour des législatives ainsi que la probabilité finale de réélection.

Concrètement, chaque fois qu’un député introduit une proposition de loi supplémentaire (ils en rédigent en moyenne 3,4 au cours de leur mandat, il gagne – à paramètres constants – 0,2 point de pourcentage au premier tour des législatives ; de la même façon, chaque question orale en plus rapporte 0,15 point.

Ainsi, les 159 députés qui n’ont proposé aucune loi n’ont obtenu que 40 % de suffrages au premier tour, alors que les 113 les plus prolixes obtenaient 45 % de suffrages en moyenne.

Un effet coup de pub ?

Il est fort probable que cela soit lié à un effet de publicité puisque la probabilité qu’un citoyen connaisse le nom du député de sa circonscription augmente avec le nombre de propositions de loi rédigées.

Cet effet n’est pas vraiment surprenant si l’on songe que les lois portent souvent le nom de leur initiateur, mais il est intéressant de noter que ce n’est pas le devenir de la proposition de loi qui compte : que la proposition de loi ait abouti ou qu’elle ait échoué, le bénéfice électoral reste le même.

De même, les questions écrites adressées au gouvernement contribuent à accroître la notoriété des sortants et à renforcer leur assise électorale : plus un député a posé de questions plus son nom est connu des électeurs de sa circonscription et meilleur est son score au premier tour des élections législatives.

Ces éléments mettent donc en évidence que les électeurs prennent en compte l’activité de leurs élus au moment de les reconduire – ou pas – dans leurs fonctions.

LCP a lancé récemment une chaine YouTube pour diffuser les questions au gouvernement.

L’importance de l’ancrage local

Pour autant, nos travaux sur les députés s’inscrivent dans le contexte particulier d’une exposition médiatique récurrente des activités parlementaires et de classements des députés bénéficiant d’une forte visibilité.

La situation est différente pour les maires dont l’évaluation – par leurs administrés – de leur engagement dans les activités politiques s’appuie essentiellement sur des perceptions et une collecte d’information laborieuse.

L’ancrage local et la proximité géographique jouent naturellement un plus grand rôle au niveau municipal. Les maires savent parfaitement en jouer et peuvent utiliser les ressources institutionnelles attachées à leur fonction pour accroître leur visibilité et mettre en scène leur propre légitimité.

Les interactions avec la presse locale sont, selon Cégolène Frisque, particulièrement propices à ce type de stratégies.

Reportage d’Envoyé Spécial sur les maires qui se battent pour leurs communes.

Ainsi il est plus facile pour un électeur d’évaluer le travail de son maire au travers de ses réalisations que de son investissement à la tâche, ce qu’ont très bien compris les maires qui privilégient les dépenses visibles à l’approche des élections.

Cela est particulièrement manifeste dans le cas des politiques de sécurité (création de polices municipales, déploiement de caméras de surveillance, etc.). En effet, ces dernières répondent souvent moins à un accroissement de la délinquance ou à une demande de la population qu’à des stratégies électorales, comme l’a très bien montré Audrey Freyermuth.

L’effet subtil de la proximité politique

Ici, un autre enseignement de nos recherches sur les députés mérite d’être signalé : les effets des activités sur la notoriété des députés sortants sont conditionnés par, d’une part, les compétences politiques des répondants et, d’autre part, la distance politique entre les répondants et leurs élus.

Comme on pouvait s’y attendre, les répondants qui ont une plus grande familiarité avec la vie politique (ou qui ont un niveau d’études plus élevé) connaissent davantage le nom de leur député. L’effet de la proximité politique (sur un axe gauche-droite) est, lui, plus subtil : le travail parlementaire n’affecte pas la notoriété des députés auprès des répondants qui leur sont politiquement proches.

En revanche, pour les répondants qui en sont éloignés, comptent les questions écrites (qui sont autant d’occasion pour les élus de traiter de problèmes locaux) tandis que les rapports législatifs produisent l’effet inverse. Comme si à trop s’impliquer dans le travail législatif, les députés risquaient de perdre en visibilité sur le terrain.

L’effet de l’activité des élus peut donc varier selon la composition sociologique de la circonscription et, pour les maires, il est susceptible de ne pas être identique d’une commune à l’autre. C’est pourquoi il n’est pas certain, qu’à l’instar des députés, les maires sortants candidats à leur réélection en 2020 soient évalués à l’aune de leur engagement.

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